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Chap 3 - naissance de la Psychanalyse

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Chapitre 3 – SIGMUND FREUD ET LA NAISSANCE DE LA PSYCHANALYSE
1. Sigmund Freud (1856-1939)
la psychanalyse est l’invention de Sigmund Freud.
Tout phénomène psychique est intentionnel, au sens d’orienté vers un objet (concret ou abstrait) :
une croyance, une pensée, une perception, un désir, est toujours « de quelque chose ». Pour
Brentano, l’intentionnalité est le critère du mental : un phénomène est mental si et seulement si il est
intentionnel, orienté vers un objet. Cette conception est reprise par Edmond Husserl en
phénoménologie : la conscience est toujours conscience de... Chez Freud, l’intentionnalité se
retrouve dans la notion de pulsion : le psychique est mu par des forces qui tendent, poussent, vers
un objet (l’objet pulsionnel, l’objet du désir, de la haine, etc.).
Freud se forme à la médecine, puis travailles-en tant que médecin assistant dans un institut
de recherche en physiologie, où il rencontre Joseph Breuer (1842-1925) à la fin des années
1870. De 1880 à 1882, Breuer traite Anna O (de son vrai nom Bertha Pappenheim), une patiente
qui présente des hallucinations, des troubles de la vision, des paralysies d’origine hystérique.
Breuer utilise l’hypnose pour faire raconter par Anna O des évènements traumatiques avec
abréaction (décharge de la charge émotionnelle liée au souvenir traumatique et considérée
comme à l’origine des troubles) : talking cure, méthode cathartique, « chemney sweeping »
(ramonage de cheminée, selon l’expression de la patiente elle-même).
Deux ans plus tard,Breuer raconte cette psychothérapie à Freud, qui s’en inspire pour sa théorie de
l’hystérie. Ils publient ensemble en 1895 les Etudes sur l’hystérie, où est rapporté le cas Anna O de
Breuer et quatre cas de Freud. La « guérison » d’Anna O fut très vite contestée, tant par les proches
de Freud (en faveur de Freud) que par les opposants à la psychanalyse, qui y voient une
mystification, un mensonge fondateur de la psychanalyse. Ont ne peut pas dire en avance ce qu’il va
ce passer.
La psychanalyse ne construit pas une théorie général de l’humain
En 1885, il rencontre JM Charcot : il lui propose de traduire ses travaux en allemand, et suit ses
leçons sur l’hystérie. En 1886, il retourne à Vienne où il présente les travaux de Charcot sur
l’hypnose. Il travaille 10 ans, de 1886 à 1896, en neurologie pédiatrique à Vienne. En 1887, il
rencontre Wilhelm Fliess, un ORL berlinois, avec qui il va entretenir un échange épistolaire de
1887 à 1904 ( La naissance de la psychanalyse) : il soumet, dans ces échanges, ses premières
spéculations théoriques sur le rôle de la sexualité dans la vie psychique et dans les névroses, le rôle
décisif des fantasmes, du complexe d’Œdipe, la différence entre hystérie et névrose obsessionnelle,
etc., sous forme de manuscrits qu’il fait lire à son ami. En 1889, très isolé sur le plan professionnel
(ses prises de positions sur l’hypnose et l’hystérie lui attirent des ennemis), il va à Nancy rencontrer
Bernheim (l’opposant majeur de Charcot sur la conception de l’hypnose et de l’hystérie). Il est
choqué par l’usage de la suggestion, qui selon Bernheim devrait tout expliquer, et que Bernheim
utilise de façon autoritaire sur ses malades.
Au fil des cas traités, Freud abandonne l’hypnose, la suggestion, la méthode cathartique.
Il découvre qu’il faut laisser le malade amener le matériel inconscient par la méthode des
associations libre, et travailler sur les résistances (forces qui s’opposent à la
levée du refoulement), et sur le transfert (réactualisation des relations passées dans la rencontre
avec le médecin). Il s’intéresse au rêve, « voie royale vers l’inconscient » (L’interprétation des
rêves, 1900) et aux actes manqués (Psychopathologie de la vie quotidienne, 1901) : rêve oublis,
actes manqués, lapsus, symptômes, partagent la même structure : leur contenu manifeste
cache un sens caché, refoulé le contenu latent ; ils ont donc à être décodés, interprétés.
Freud est l’un des premiers, historiquement, à utiliser le terme de psychologie clinique.
Il invente une nouvelle discipline dont il écrit en 1899 :
« Maintenant la connexion avec la psychologie telle qu’elle se présente dans les Etudes sur
l’hystérie sort du chaos ; j’aperçois les relations avec le conflit, avec la vie, tout ce que
j’aimerais appeler psychologie clinique ».
Indiquons seulement que sa discipline lui paraîtra tellement nouvelle qu’il optera pour un nom
nouveau : psycho-analyse, qui accentue la référence à la chimie (analyse en chimie : découpage
d’une solution en ses diverses composantes, ex. analyse sanguine...). Plus tard, il utilisera aussi
celui de métapsychologie (1915), pour intégrer les trois points de vue topique, économique et
dynamique de la psychanalyse, soulignant ainsi l’écart aux théories psychologiques ambiantes :
psychologie le manifeste, l’observable (pensées, émotions, comportements) ; métapsychologie le
latent, le sous-jacent, inobservable mais dont on fait l’hypothèse).
2. La période « pré-analytique ».
2.1. Suggestion et hypnose
Freud découvre l’hypnose chez JM Charcot (Paris) et la suggestion chez H Bernheim et
AA Liébault (Nancy).
Il en retire un modèle d’hystérie expérimentale : il est possible de créer
un symptôme hystérique (un symptôme somatique sans fondement lésionnel organique : crise
de convulsion, paralysie, etc.) en donnant un ordre sous hypnose (suggestion hypnotique). Le
symptôme est attribuable à l’effet d’une représentation inconsciente.
Freud en retire aussi l’idée d’une action thérapeutique : si l’on supprime le souvenir inconscient en
le rendant conscient, le symptôme cesse.
Seulement Freud se heurte à trois ordres de faits :
a) certains hystériques ne se laissent pas hypnotiser
b) d’autres ne se soumettent pas à la suggestion
c) enfin, la levée du symptôme, quand elle survient, est seulement temporaire.
Freud doit donc abandonner l’hypnose, en faveur d’une méthode plus longue, plus
laborieuse, moins directive : la libre association du patient.
Il ne s’agit plus de lever le symptôme par une injonction (suggestion) ni de provoquer de façon
directive la remémoration d’un évènement traumatique (hypnose, méthode cathartique), mais de
repérer comment le patient amène le matériel inconscient par ses associations, et surtout comment il
s’en défend (résistances : silences, rupture dans le discours, transfert, attaques du cadre...).
On analyse moins le contenu du discours que les résistances du sujet à se remémorer. Cette tâche est
longue, mais indispensable. C’est là que naît la psychanalyse à proprement parler.
Freud, 1917
(Introduction à la psychanalyse) : « Grâce à l'hypnose, en effet, l'existence de la résistance
échappait à la perception du médecin. En refoulant la résistance, l'hypnose laissait un certain
espace libre où pouvait s'exercer l'analyse, et derrière cet espace la résistance était si bien
dissimulée qu'elle en était rendue impénétrable, tout comme le doute dans la névrose
obsessionnelle. Je suis donc en droit de dire que la psychanalyse proprement dite ne date que
du jour où on a renoncé à avoir recours à l'hypnose ».
2.2. Les paralysies hystériques et le refoulement
D’où vient l’ordre inconscient symptomatique ?
Charcot distingue les paralysies hystériques des paralysies organiques parce qu'elles n'obéissent pas
aux lois de l'anatomie connue (hypersensibilité, localisation improbable, réversibilité, etc.). Il les
attribue donc à une lésion invisible. Freud radicalement les suppose explicable avec une anatomie
saine: il découvre qu'elles obéissent à l'idée que le sujet se fait de son anatomie et son commandées
par le langage - « Ce n'est pas le bras qui est malade, mais l'idée de bras ». L'idée, « refoulée »,
continue d'agir : telle est la lésion psychique. Il existe des paralysies qui n'obéissent pas aux lois de
l'anatomie, pour lesquelles on ne découvre aucune lésion, et que pour ces raisons on qualifie de
paralysies hystériques.
2.3. Le sexuel freudien
Freud découvre que tous les souvenirs refoulés ont trait au sexuel, au sens psychanalytique qu’il en
propose, et qui dépasse largement l’activité sexuelle génitale (à visée de reproduction) : toute
activité qui produit une satisfaction par excitation rythmique d’une partie du corps (zone érogène)
(ex. la succion chez le bébé).
Ces idées ont toutes un contenu sexuel mais en un sens particulier: ce n'est pas linstinct qui regle le
rapport de l'humain aux objets, mais la libido (partout où l'on utilise le mot « aimer - ceci ou cela ».
Le refoulement permet d'écarter un désir insupportable par le sujet. Cette dimension insupportable
oblige à distinguer deux sortes de sexualite : sexualité de plaisir et sexualité traumatique (pour
laquelle Lacan proposera le terme de jouissance). Ce sont les représentations qui touchent à la
jouissance qui sont refoulées
3. L’invention d’un nouveau dispositif.
3.1. L’expérience inaugurale : Emmy von N.
Emmy von N. est une patiente de Freud (son cas est relaté dans les Etudes sur l’hystérie,
1895). Le 12 mai 1889, elle intime à Freud l’ordre de se taire, de cesser ses suggestions, et de
l’écouter. La psychanalyse naît avec l’abandon de l’hypnose et de la suggestion, en faveur de
l’association libre, et la double découverte d’une sexualité traumatique et d’un inconscient qui
ne peut jamais être remémoré (concepts forgés par la pratique de l’investigation de l’inconscient
dans la cure). Freud obtempère : pour la première fois l’enseignant est le patient
3.2. La règle fondamentale : l’association libre et l’attention flottante.
Distinction entre expérience offerte a un sujet qui s’y engage et expérimentation
l’expérience consiste pour un sujet dit analysant a tiré des conséquences du fait d’être ce qu’il est,
un être parlent.
3.3. La règle d’abstinence, la fonction du cadre clinique ou l’éthique.
Freud constate que le patient soumis à la règle fondamentale de l’association libre va
être amené à répéter plutôt qu’à se souvenir : c’est le moteur du phénomène de transfert. En
conséquence, le médecin va s’efforcer de « maintenir sur le terrain psychique les impulsions
que le patient voudrait transformer en actes » : « Afin que le malade ne puisse se laisser aller à
des impulsions capables d’entraîner des désastres, le médecin lui fait promettre de ne prendre,
tant que le traitement se poursuit, aucune grave décision. Le malade ne doit ni opter pour une
profession, ni choisir un définitif objet d’amour, mais attendre, pour ce faire, d’être guéri. »
Freud invite les analystes à ne pas répondre aux demandes de satisfaction formulées
par les patients. Il met en avant l’intérêt d’une telle frustration pour les progrès de la cure, dans
la mesure où les désirs non-satisfaits du malade constituent des forces favorisant le travail
analytique.
Cette posture est devenue au fil des décennies, plus qu’un principe thérapeutique, un
principe éthique indissociable de la posture clinique : le psychanalyste, le psychologue, le
médecin, peuvent être mis par les malades dans une position de savoir, d’autorité, dont il
doivent absolument s’abstenir de profiter dans leur propre intérêt, sous peine de mettre à mal
leur patient. Le clinicien (psychologue, psychanalyste), tout particulièrement, doit donc
s’astreindre à renoncer à satisfaire ses propres désirs sur le dos du malade (quand bien même
cela répond à la demande du malade lui-même...). C’est le rôle du cadre clinique et/ou de
l’éthique, dont les fonctions seront étudiées à partir des années 1950 pour le cadre et 1959 pour
l’éthique . Pour certains, le maniement du cadre clinique fait aujourd’hui pleinement partie de la
pratique d’orientation psychanalytique.
Elle est fortement mise à contribution dans le travail clinique auprès des populations qui n’étaient
pas traitées par Freud lui-même : les adolescents, les psychotiques, les états-limite, dont l’essentiel
du traitement concerne le rapport au cadre, et notamment ses transgressions répétées. Pour
d’autres, c’est la fonction de l’éthique qui est mise en avant, telle la prise en considération de
la différence la plus radicale qui soit entre le clinicien (par exemple l’analyste) et le patient.
3.4. La métapsychologie : un cadre théorique pour décrire le fonctionnement psychique
Freud, dans sa définition écrite pour L’Encyclopédie (1922), avance que :
“ Psychanalyse est le nom : 1° d’un procédé pour l’investigation de processus mentaux à peu
près inaccessibles autrement ; 2° d’une méthode fondée sur cette investigation pour le
traitement de désordres névrotiques ; 3° d’une série de conceptions psychologiques acquises
par ce moyen et qui s’accroissent ensemble pour former progressivement une nouvelle
discipline scientifique ”.
La psychanalyse s’intéresse à ce qui est sous-jacent aux conduites psychiques, la
mécanique invisible qui les sous-tend. Elle se propose de repérer les règles qui régissent ce
« latent » (par opposition au « manifeste »), cette part d’ombre, et les liens entre le latent et le
manifeste, entre les processus inconscients et les conduites psychiques observables.
En cela, la psychanalyse est une « métapsychologie » : elle s’intéresse à ce qui est « derrière », « audelà » (méta- en grec) des conduites psychiques observables (pensées, émotions, comportement).
Cette métapsychologie propose de se représenter le psychisme selon trois points de vue :
- le point de vue économique : les processus psychiques sont décrits en terme de
circulation et de répartition de certaines quantités d’énergie, qui investissent des
représentations (sur le modèle du fonctionnement neurologique : la formation de
neurologue de Freud a profondément imprégné la conception psychanalytique). Freud
décrit ainsi un le psychisme comme un « appareil à traiter les excitations »
- le point de vue dynamique : les phénomènes psychiques sont considérés
comme l’expression manifeste de forces exerçant une certaine poussée et cherchant à se
décharger : les pulsions (sur le modèle, là encore neurologique, de l’arc-réflexe). La
pulsion est définie comme une poussée qui fait tendre l’organisme vers un but. Elle
trouve sa source dans le corps, mais elle a deux représentants dans le psychisme : les
représentations (images, mots, idées) et les affects (quantité d’énergie psychique). Les
pulsions entrent en conflit, suscitant l’angoisse et la mise en branle de mécanismes de
défense. Cet aspect de la métapsychologie amène parfois à qualifier la psychanalyse de
théorie « psychodynamique »
- le point de vue topique : la métapsychologie propose une représentation
spatiale du psychisme. Celui-ci est divisé en « lieux psychiques » (« topos » en grec),
traversés par de l’excitation : systèmes Inconscient, préconscient, et perceptionconscient, puis à partir de 1920, les instances du ça, du moi, et du surmoi.
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