Dans tous les cas, quand l’administratif se manifeste par
l’arbitraire, quel que soit son « alibi », et qu’elle s’immisce
par ce biais dans les processus intellectuels, cela ne pré-
juge rien de bon.
L’autonomie des écoles :
Cette situation éclaire d’une lumière particulière la ques-
tion de l’autonomie des écoles. Elle amène à s’interroger
sur l’usage ici révélé qui peut être fait de cette autonomie,
car, bien entendu, cette pratique n’est pas acceptable de
la part d’un Établissement Public Indépendant qui afrme
avoir comme mission de « former aux professions de
l’architecture ».
Déplace-t-on des spécialistes éminents pour faire de
leurs délibérations de jury souverain et les remplacer par
d’obscurs tripatouillages ? Il serait regrettable, si l’on ne
réagissait pas, que des situations de cette nature soient
ainsi confortées et qu’elles tendent par là à se banali-
ser. Les écoles d’architecture ne peuvent être un champ
clos dans lequel l’administration exprime arbitrairement
une autorité abusive à l’égard des enseignants et sur le
dos des étudiants. Nos écoles sont des lieux où l’on se
doit de respecter les étudiants pour leur travail et leur
engagement, ainsi que les enseignants pour les com-
pétences, cela d’autant que la valeur même de l’école
– évaluée par l’AERES – est le fruit du travail de ces
mêmes enseignants - chercheurs, en dehors comme au
sein de ses murs.
Il serait plus que souhaitable que la tutelle – mainte-
nant informée – précise les processus d’évaluation, et
conrme les bonnes pratiques an d’éviter que s’afche
– quelle que soit l’Ecole – un mépris à la fois du savoir et
des convenances minimales pour des relations humaines
de qualité. Il appartient au Ministère d’empêcher que
s’institue ainsi des attitudes de renoncement à l’intégrité
intellectuelle et scientique, qui insulte l’intelligence. Ce
type de disfonctionnement, l’exemple donné à des étu-
diants déjà passablement désabusés, portent un préju-
dice manifeste aux activités pédagogiques. Ils humilient
la vertu républicaine et en piétinent les valeurs. Même si
cette affaire est exceptionnelle ou accidentelle, elle attire
l’attention sur cette indépendance des écoles qui ne peut
être concédée sans surveillance attentive ou sanctions
des abus. Nous savons tous que l’enfer a toujours été
pavé de bonnes intentions.
Laurent Salomon,
Architecte,
Président d’Honneur de la Société Française des Architectes,
Ancien Architecte Conseil de l’Etat,
Professeur de Théorie et Pratique de la Conception Architecturale et
Urbaine à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville
- 4 - SFA - LE BULLETIN N°49
Nous avons appris à observer, à dessiner, à organiser, à
concevoir, souvent avec intérêt, presque toujours avec
passion. Comme nous l’avait afrmé un de nos premiers
maîtres au commencement de nos études, nous entrions
en religion : nous étions sinon dubitatifs, tout au moins
narquois. Et pourtant, unité de valeur après unité de
valeur, nos enseignants nous ont transmis ce regard de
l’architecte, à nul autre pareil. Je ne voudrais pas, je ne
pourrais pas rendre hommage ici à tous ces enseignants
rencontrés et suivis : à chacun ses maîtres. Juste peut-
être saluer celui qui fut, pour moi, un de ces ouvreurs de
regard, Michel VERNES, historien, et pas architecte, qui
découvrit sous nos pas l’abîme de l’histoire à la n des
trente glorieuses, si oublieuses justement de l’histoire.
Dix ans après le diplôme, à l’occasion d’une exposition
organisée à la cité administrative de Passy, l’antique
Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, juste
avant sa démolition programmée, la rencontre de la
Directrice des Enseignements de la Direction de
l’Architecture et de l’Urbanisme me renvoie à l’Ecole,
mais cette fois en tant qu’enseignant à l’ex-UPA9.
Qu’avais-je à dire aux étudiants, sinon tenter de leur faire
passer une part de mon enthousiasme, de ma curiosité ?
D’autres enseignants, au sein de cette école que je
découvrais, étaient plus brillants, Michel MAROT, Marc
BATAILLE…
Las ! L’impératif de lisibilité de la carte scolaire en Ile
de France justia l’élection de quatre écoles dites pivots,
sur des critères de choix encore inavoués à ce jour, et
entraîna l’absorption de l’école d’architecture de Paris-
la Seine dans un nouvel établissement construit autour
du projet pédagogique émanant d’enseignants issus des
quatre écoles déclassées. Cet impératif fut utilisé comme
prétexte à l’extinction recherchée de l’enseignement
par ateliers, hérité de l’ancienne École des Beaux-Arts,
Vous avez dit atelier ? Avoir enseigné dans un atelier est
pratiquement synonyme d’éviction à tout concours de
titularisation.
Au delà de ces querelles intestines, que les
architectes aiment à rendre publiques, l’enseignement
de l’architecture a connu depuis 1985 plusieurs réformes
dites pédagogiques, l’une réduisant le temps de
formation à cinq années, la suivante revenant aux trois
cycles de deux ans -mais toujours à budget constant,
cela va sans dire-, avant d’adopter le modèle dit européen
de licence et master, suivi d’une année de formation
supplémentaire à la maîtrise d’œuvre. Parallèlement
sur le plan administratif, les écoles rattachées alors au
Ministère de l’Equipement sont passées, après avoir frôlé
celui de l’Education Nationale, sous la tutelle du Ministère
de la Culture, au sein de la Direction du Patrimoine,
renommée in extremis Direction de l’Architecture et
L’ENSEIGNEMENT DE L’ARCHITECTURE
Par Philippe RIVOIRARD