infections à BHV-1

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Rev. sec. tech. Off. int. Epiz., 1986, 5 (4), 879-886.
Rhinotrachéite infectieuse bovine/
vulvovaginite pustuleuse infectieuse :
infections à BHV-1
H. LUDWIG* et J.-P. GREGERSEN**
Résumé : Cet article présente un résumé des découvertes récentes relatives à
la biologie moléculaire de l'herpèsvirus
bovin 1 (BHV-1) et aux génomes des
virus de type IBR comme de type IPV. Ces données peuvent aboutir à une meilleure compréhension
des mécanismes de la latence du BHV-1.
Les empreintes des ADN des souches virales isolées permettent
de suivre
l'évolution des maladies et d'acquérir une représentation de leur
épizootiologie
au niveau moléculaire. Les principales protéines immunogènes,
et
notamment
une glycoprotéine de 74 Kd qui induit la formation des anticorps
neutralisants,
ont été définies comme étant les composants structuraux impliqués dans les réactions croisées avec l'herpèsvirus de la chèvre (BHV-6) et présentant de l'importance pour les épreuves de
diagnostic.
Outre les aspects cliniques connus des infections à BHV-1, qui se manifestent surtout par une maladie respiratoire ou génitale, les auteurs étudient la
réponse immunitaire,
dont ils soulignent la valeur pour le diagnostic et l'épizootiologie.
En conclusion sont proposées des recommandations
l'éradication
des infections à BHV-1.
pour la prophylaxie
ou
M O T S - C L É S : Herpèsvirus bovin - Immunité - Infection latente - Maladies des
bovins - Maladies virales.
INTRODUCTION
On trouvera ci-après une synthèse des données cliniques, ainsi que des informa­
tions sur les recherches biologiques et immunologiques récentes dans ce domaine au
niveau moléculaire. Une compréhension plus précise de la génétique et des fonctions
immunologiques de l'herpèsvirus bovin 1 (BHV-1) peut influencer les mesures de
prophylaxie et de contrôle des maladies qu'il provoque.
Les synthèses antérieures sur ces maladies des bovins et leur agent, l'herpèsvirus
bovin 1, donnent davantage de détails sur les aspects cliniques (24, 13, 21, 43, 29)
ou les aspects les plus récents de la biologie du virus (26).
* Institut de Virologie, Université Libre de Berlin, Nordufer 20, 1000 Berlin 65, R F A .
** Virologische Forschung Behringwerke A G , 3550 Marburg 1, R F A .
- 880 HISTORIQUE
Sur le continent européen, la forme génitale de l'infection à BHV-1 est connue
depuis plus de 100 ans. Le premier rapport digne de foi est celui de Rychner (39),
en Suisse, qui a décrit en 1841 une maladie vénérienne chez un taureau et plusieurs
vaches saillies par celui-ci ; cette maladie a été désignée par la suite sous le nom de
«Bläschenausschlag» (45) ou de «Exanthema vesiculosum/pustulosum coitale» (51,
49). Reisinger et Reimann (37) ont été les premiers à démontrer que l'agent infec­
tieux était filtrable et transmissible, prouvant ainsi que cette maladie n'était pas d'ori­
gine bactérienne. Le virus n'a été isolé que trente ans plus tard et a reçu le nom de
virus de la «vulvovaginite pustuleuse infectieuse (IPV)» (23, 18).
En opposition avec ce tableau clinique, la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR)
a été décrite pour la première fois dans les années 1950 au Colorado et en Californie
(40) ; à partir de là, elle s'est propagée rapidement. Gillespie et coll. (14) ont établi
la parenté antigénique étroite entre les virus IBR et IPV et entre les tableaux clini­
ques induits par ces virus. En 1960, le premier cas d'infection à virus IBR a été signalé
sur le continent européen (19), suivi par des descriptions de cette infection des voies
respiratoires au Royaume-Uni et dans d'autres pays. Suivre le cheminement ultérieur
de ces infections à travers le monde a été et est toujours rendu difficile par le fait
que les enquêtes sérologiques réalisées par la suite dans les différents pays n'ont pas
permis, en raison de leur réactivité antigénique croisée, de différencier les infections
à virus IBR de celles à virus IPV. Aucune distinction fondamentale n'a été faite entre
les manifestations génitale et respiratoire du virus, désignées depuis lors, sans discri­
mination, comme infections à virus IBR/IPV.
CLASSIFICATION ET BIOLOGIE DES VIRUS
Matériel génétique
Les virus IBR/IPV ont été classés comme virus BHV-1 sur la base de la sérologie.
Par la suite, l'étude de leurs ADN a démontré leur identité. Toutefois, avec certaines
enzymes de restriction, telles que «Hpal», il est possible de séparer nettement des
souches de type IBR et des souches de type IPV, en regroupant avec les virus de type
IBR toutes les souches isolées de fœtus, certaines des souches isolées du cerveau, ainsi
que les virus abortifs (26). Différentes observations faites sur des virus provenant
d'autres pays (34, 7, 32), où le tableau classique de l'IPV européenne est inconnu
ou s'est trouvé modifié, traduisent très probablement des variations rapides de ces
virus au sein des populations bovines.
Il n'y a aucune réactivité croisée entre le BHV-1 et le BHV-2 (l'herpèsvirus bovin
agent de la thélite bovine), le virus du coryza gangréneux africain (classé provisoire­
ment comme BHV-3), ni le BHV-4 (le virus de type Movar) (26, 46). L'herpèsvirus
caprin (classé provisoirement comme BHV-6 ; 10) est antigéniquement et sérologiquement étroitement apparenté au BHV-1 mais les électrophorégrammes de leurs ADN
diffèrent nettement.
Le génome du BHV-1 est similaire à ceux du virus de la maladie d'Aujeszky, de
l'herpèsvirus équin des types 1 et 3 et du virus zona-varicelle, qui appartiennent à
la classe D des herpèsvirus. Le génome du BHV-1 a un poids moléculaire de 135 Kd,
et l'on sait qu'il est composé d'une séquence courte unique (U ; 13 Kd) qui peut se
s
- 881 positionner à l'une ou à l'autre des extrémités de la séquence longue unique (UL ;
100 Kd), conduisant à deux formes isomères d'ADN, encadrées par des séquences
répétitives interne (11 Kb) et terminale (11 Kb). Des observations récentes montrent
que le génome du BHV-1 a une petite «queue» unique sur la séquence répétitive ter­
minale (Hammerschmidt, communication personnelle) qui pourrait jouer un rôle dans
la réplication virale et se révéler importante pour la latence du virus. Des séquences
répétitives brèves dans les fragments terminaux de l'ADN du BHV-1, responsables
de l'hétérogénéité des génomes, semblent jouer un rôle dans la circularisation et la
concatamérisation du génome viral durant la réplication de l'ADN et le découpage
qui s'ensuit. Bien que la réplication du BHV-1 soit loin d'être comprise, il est démontré
que les structures du génome de ce virus sont un modèle des propriétés générales des
herpèsvirus, par exemple la terminase sectionnant l'ADN à la bonne longueur du
génome (20).
Protéines et antigènes
Dans les cellules infectées, le BHV-1 produit environ 50 protéines, dont une tren­
taine sont des protéines structurales du virus et une quinzaine des polypeptides non
structuraux. Huit à onze sont glycosylées (33). Les glycoprotéines apparaissent sur
l'enveloppe externe des particules virales, ainsi qu'à la surface des cellules infectées ;
elles sont la cible principale du système immunitaire, en induisant une réponse qui
peut neutraliser le virus libre et détruire les cellules infectées.
Les glycoprotéines du BHV-1 sont réparties en trois groupes, comprenant cha­
cun deux ou trois polypeptides qui semblent être des formes différentes de la même
molécule de base, à savoir un monomère, ou un dimère, ou un précurseur et ses pro­
duits finaux (47, 28). Un fait mis en évidence par plusieurs travaux, et signalé pour
la première fois par Gregersen (15), est qu'une glycoprotéine d'un poids moléculaire
compris entre 74 000 et 82 000 représente le composant immunogène principal indui­
sant la réponse immunitaire neutralisante la plus forte (8, 16, 28). Nous pensons donc
que la glycoprotéine de 74 Kd est celle qui conviendrait le mieux pour un éventuel
futur vaccin sous-unitaire ou recombinant. Les anticorps contre les autres glycopro­
téines paraissent neutraliser faiblement le BHV-1 ou seulement en présence de com­
plément (16, 28).
Les souches du BHV-1, différentes par leur origine et leur pouvoir pathogène,
sont très uniformes quant aux protéines qui les composent, bien que des différences
spécifiques de souche aient été observées pour quelques polypeptides mineurs (16,
31). Un fait particulièrement intéressant est que l'herpèsvirus caprin (BHV-6) a les
mêmes principales glycoprotéines immunogènes que le BHV-1, ce qui explique leur
forte réactivité croisée immunologique et la neutralisation croisée marquée, à sens
unique, du BHV-6 par des anticorps dirigés contre le BHV-1 (10, 15, 22, 25).
MANIFESTATIONS
CLINIQUES
Les tableaux cliniques classiques des infections à BHV-1 sont la vulvovaginite pus­
tuleuse infectieuse (ou la balanoposthite infectieuse chez les taureaux) et la rhinotrachéite infectieuse typique.
L'IBR est associée à une atteinte plus ou moins grave de l'appareil respiratoire.
Le tableau lésionnel peut varier d'une inflammation légère des muqueuses à des lésions
importantes du tissu des voies respiratoires. L'infection concomitante par d'autres virus
- 882 (paramyxovirus, rhinovirus) ou des bactéries peut produire une bronchopneumonie.
La conjonctivite est fréquemment associée à la maladie respiratoire et peut débou­
cher sur une kératoconjonctivite ou «œil vairon». Une autre forme plus rare de l'infec­
tion par le BHV-1 est l'encéphalite du veau, rarement observée chez les bovins adultes
(12). Récemment, des variantes du virus BHV-1 ont été isolées chez des veaux d'Argen­
tine atteints de troubles nerveux (32). On a également signalé des avortements causés
par le BHV-1 (30). Il est à mentionner, à ce propos, que des avortements ont été
induits par des vaccins à virus vivant atténué, en particulier aux Etats-Unis. Nous
avons identifié les virus abortifs comme étant de type IBR (16). En revanche, les vac­
cins à virus vivant de type IPV n'étaient pas abortifs (26).
L'entité clinique typique appelée IPV (ou «Bläschenausschlag» dans les pays de
langue allemande) était largement répandue dans les petites exploitations européen­
nes où elle était transmise par les taureaux. Un exanthème circonscrit sur la vulve et
le vagin, ou la balanoposthite chez les taureaux, est associé à des pustules suivies d'éro­
sions nécrotiques de la muqueuse génitale. La tendance à la guérison semble typique.
L'aspect clinique des infections à BHV-1 a changé depuis dix ans. Avec l'avène­
ment de l'insémination artificielle, 1TPV est devenue rare, tandis que 1TBR est désor­
mais l'entité clinique dominante, répandue parmi les bovins du monde entier. La
transmission rapide des virus de type IBR dans les grands troupeaux à forte densité
animale peut avoir entraîné dans les souches de virus IBR isolées les variations iden­
tifiées par la technique des empreintes d'ADN. On peut concevoir que des virus pos­
sédant un pouvoir de diffusion et un taux de réplication élevés fassent largement usage
de la capacité de leur génome à la variabilité (20).
RÉPONSE IMMUNITAIRE
Immunité à médiation humorale
C'est la principale réponse immunitaire ; on utilise communément l'évaluation
du taux des anticorps neutralisants comme le seul paramètre de l'état immunitaire.
Bien que des anticorps neutralisants dirigés contre la glycoprotéine de 74 Kd et une
autre de 90 Kd indiquent clairement qu'une infection a eu lieu dans le troupeau (16,
28), il est concevable que des infections à BHV-1 sans anticorps neutralisants puis­
sent être dépistées au moyen d'épreuves sensibles ELISA. Dans tous les systèmes de
diagnostic, sauf l'épreuve de neutralisation, les réactions croisées avec d'autres her­
pèsvirus bovins ont toujours fait naître des doutes quant à la spécificité des réactions.
Pour clarifier définitivement ce point, il faut des méthodes plus sophistiquées et
des recherches supplémentaires. En attendant, une épreuve de neutralisation positive
avec un sérum dilué au 1/2 peut être considérée comme prouvant que l'infection est
présente dans un troupeau. Des réactions croisées entre le BHV-1 et le BHV-6 pour­
raient poser des problèmes de diagnostic dans les pays où les épreuves sérologiques
sont faites à la fois sur les bovins et sur les chèvres. Les deux virus induisent une
forte réponse de neutralisation croisée, mais cette réponse est toujours plus forte dans
le système homologue (22).
Comme dans les autres systèmes impliquant des herpèsvirus, même une forte
réponse immunitaire humorale n'empêche pas la latence du BHV-1. On pense toute­
fois que la quantité de virus pouvant être activée dépend de la réponse immunitaire.
De toute façon, chaque récidive de la maladie renforce les anticorps présents. D'une
- 883 manière générale, on doit considérer que la réponse immunitaire humorale ne reflète
que partiellement l'état immunitaire, et que la réponse immunitaire cellulaire, moins
bien étudiée, pourrait jouer un rôle plus important dans la protection contre la
maladie.
Immunité à médiation cellulaire
Une forte réponse immunitaire humorale peut neutraliser le virus libre, sans que,
pour autant, le BHV-1 puisse être éliminé de l'organisme. Des modèles in vitro, où
le virus infectant se propage de cellule à cellule en présence d'anticorps neutralisants,
illustrent ce qui se passe chez l'animal. Bien que l'on sache peu de choses de la réponse
immunitaire cellulaire dirigée contre le BHV-1, les cellules infectées sont attaquées
par plusieurs mécanismes, dont une immunité spécifique, à médiation cellulaire, fai­
sant intervenir des lymphocytes T «helper» («auxiliaires») et «suppresseurs» et des
cellules T cytotoxiques ainsi que leurs précurseurs, et une réponse non spécifique met­
tant en œuvre des cellules «killer» («tueuses») naturelles et la cytotoxicité cellulaire
dépendant des anticorps (ADCC). La mise en activité équilibrée de ces sous-ensembles
de lymphocytes - telle que la réalise la réplication virale - est essentielle pour l'effi­
cacité de la réponse des cellules T. Les herpèsvirus qui ne se répliquent pas et leurs
glycoprotéines sont des antigènes qui stimulent mal une réponse immunitaire à média­
tion cellulaire (38). Cela peut expliquer pourquoi l'on considérait les vaccins à virus
BHV-1 inactivé comme moins efficaces que les vaccins à virus vivant. Cependant,
en utilisant une plus grande quantité d'antigène, une meilleure présentation des anti­
gènes inactivés et des adjuvants appropriés, on peut obtenir des vaccins inactivés suf­
fisamment efficaces. L'immaturité des fonctions immunitaires cellulaires peut
expliquer que les veaux nouveau-nés soient plus sensibles aux infections à BHV-1
et présentent plus souvent des symptômes cliniques graves, y compris des encé­
phalites.
L'épreuve d'hypersensibilité retardée permet de détecter in vivo une réponse immu­
nitaire mettant en jeu des cellules T (9), même si des anticorps neutralisants ne sont
pas décelables (3). Comme les méthodes simples et sensibles nécessaires pour contrô­
ler en routine l'immmunité à médiation cellulaire ne sont pas disponibles dans le com­
merce, nous ne sommes pas encore en mesure de définir l'état immunitaire réel des
animaux infectés par le BHV-1.
Immunité locale
Les mécanismes immunitaires à médiation humorale et cellulaire coopèrent pour
éliminer le virus infectieux et ont ainsi une importance primordiale pour l'épizootiologie des infections à BHV-1, tandis que l'immunité locale agit fortement sur la gra­
vité de la maladie chez l'animal infecté.
Les mécanismes de défense non spécifiques (c'est-à-dire les barrières anatomiques,
le mucus, les cils, l'interféron, les macrophages), les anticorps produits localement
et une réponse immunitaire locale à médiation cellulaire, agissent en synergie au niveau
des muqueuses et entraînent l'immunité locale. Parmi les différentes immonoglobulines
sécrétoires, les IgA prédominent (5). Elles sont surtout efficaces au niveau des voies
respiratoires supérieures, tandis que les mécanismes cellulaires pourraient jouer un
rôle majeur dans la guérison des infections pulmonaires graves. Les infections à
BHV-1, qu'elles soient naturelles ou provoquées, induisent la production d'interféron sur les muqueuses respiratoires et génitales (4) où il contribue directement, ou
en stimulant d'autres mécanismes immunitaires, à une immunité précoce (44, 48).
- 884 Immunosuppression
Des études immunologiques récentes montrent que la réponse immunitaire à une
infection par le BHV-1 non seulement stimule, mais inhibe aussi partiellement les
fonctions immunologiques, ce qui rend les animaux plus sensibles à des infections
bactériennes secondaires (50). Il a été signalé que les infections à BHV-1 pouvaient
inhiber la réponse chimiotactique des neutrophiles, la cytotoxicité naturelle à média­
tion cellulaire, et les réactions des lymphocytes sanguins périphériques aux mitogè­
nes. On a également observé une diminution des fonctions immunologiques vis-à-vis
des infections bactériennes secondaires de l'appareil respiratoire lorsqu'aucune lésion
cellulaire des muqueuses respiratoires ne pouvait être décelée après inoculation intra­
musculaire du virus (11). Les vaccins à virus vivant peuvent avoir un effet suppres­
seur similaire sur la réponse immunitaire des bovins.
ÉPIZOOTIOLOGIE
La vulvovaginite pustuleuse infectieuse, ou la balanoposthite, a été la seule forme
clinique de l'infection à BHV-1 observée pendant le siècle qui a suivi sa première des­
cription. La transmission du virus d'un animal à l'autre se fait par contact génital
direct. Cette maladie se propage donc d'une manière relativement lente. Dans les
régions où il n'y a que des troupeaux bovins de taille réduite et où l'insémination
artificielle n'est pas pratiquée exclusivement, la situation n'a pas beaucoup changé.
L'insémination artificielle a réduit de façon spectaculaire le nombre des cas d'IPV.
Le BHV-1 a pris une importance économique majeure lorsqu'une variante du virus,
provoquant des infections respiratoires graves, est apparue à la fin des années 1950.
Ce virus s'est répandu rapidement dans les parcs d'embouche et les effectifs de bovins
à rotation rapide. Les bovins et la semence exportés par les Etats-Unis vers presque
tous les continents ont ensuite propagé la nouvelle maladie respiratoire dans le monde
entier. La latence du virus a sans aucun doute facilité la diffusion de la maladie. Cette
reconstitution des événements s'appuie sur les données épizootiologiques récentes obte­
nues au niveau moléculaire à partir de l'analyse des ADN du BHV-1 par des enzymes
de restriction, réalisée sur des souches isolées choisies, pour lesquelles on connaissait
les commémoratifs de la maladie. Ces résultats révèlent des différences entre les sou­
ches IBR et IPV isolées. Une enzyme de restriction appropriée (telle que Hpal) per­
met la discrimination entre les souches virales classiques de type IPV et les souches
de type IBR. Les virus de type IBR paraissent plus pathogènes, puisque les souches
isolées dans des cas d'avortement et d'encéphalite sont associées au schéma de res­
triction Hpal de type IBR (16). Il faut noter que des virus IPV peuvent provoquer
des maladies respiratoires bénignes et, vice versa, des souches IBR ont été isolées dans
l'appareil génital (14), ce qui complique encore la situation. Entre eux, les virus IBR
présentent une homologie frappante, ce qui confirme la théorie selon laquelle une
variante unique a été responsable, à l'origine, de l'apparition soudaine des infections
respiratoires. D'un autre côté, il y a divergence entre les empreintes d'ADN des sou­
ches IPV, ce qui indique que différents types du virus ont pu se développer au cours
des décennies. Bien que l'apparition de souches nouvelles, au pouvoir pathogène modi­
fié, semble un phénomène plutôt rare, le BHV-1 n'est pas complètement stable. La
découverte récente d'un schéma génomique différent chez une souche spécifiquement
neuropathogène provenant de veaux (7, 32), indique qu'une nouvelle variante haute­
ment pathogène du virus IBR s'est développée.
- 885 Répartition
Le BHV-1 est présent dans le monde entier. Des infections se produisent réguliè­
rement en Europe, en Amérique du Nord et dans certains pays d'Afrique, ainsi qu'en
Australie. Bien qu'on ne dispose pas de rapports en provenance de certains pays
d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique du Sud, on peut présumer que les infections à BHV-1
sont également présentes dans ces régions, mais que, simplement, elles ne sont pas
diagnostiquées ou signalées parce que d'autres maladies sont plus importantes. Outre
les bovins, des anticorps neutralisant le BHV-1 ont aussi été décelés chez d'autres
animaux qui ne leur sont que partiellement apparentés du point de vue phylogénétique, tels que les chèvres, les buffles, les gnous, les cerfs rouges et d'autres ongulés
sauvages en liberté. Nous ne pouvons pas prouver que ces anticorps sont induits par
des infections à BHV-1, car ils pourraient avoir pour origine d'autres herpèsvirus
produisant des réactions croisées.
Latence et réactivation
Une caractéristique générale de tous les herpèsvirus est leur aptitude à demeurer
latents. Ce point est étudié en détail par Thiry et coll. dans ce même numéro. Nous
nous bornerons à résumer les principales caractéristiques des infections latentes à
BHV-1 et leurs implications pour une prophylaxie efficace. La latence virale doit être
considérée comme un phénomène régulier, et certainement pas comme une excep­
tion. Il est admis qu'un site majeur de latence est constitué par les ganglions périphé­
riques dans lesquels les virus persistent sous forme de transcription de l'ADN (1, 2).
Il peut y avoir d'autres sites de latence du virus, car le BHV-1 a été isolé à partir
de foetus de bovins normaux (27).
La réactivation du BHV-1 latent se produit spontanément sous l'effet de facteurs
naturels de stress (maladies, transport, mise-bas) ou peut être induite artificiellement
par un traitement aux corticostéroïdes (41, 36). Le virus réactivé peut provoquer une
récidive de la maladie ; il est excrété à partir des muqueuses locales ou avec la semence
des taureaux (17). Les principes de la latence et de la réactivation, ainsi que les pro­
blèmes qu'elles posent, restent valables dans les cas d'utilisation de vaccins à virus
vivant. Il est admis que les anticorps sont sans effet sur la latence et la recrudescence
des virus. Les anticorps sériques n'empêchent pas la mise en place des infections laten­
tes (35, 42), mais ils peuvent diminuer la quantité de virus excrétée et donc agir sur
l'évolution d'une récidive de la maladie.
La latence après une infection à BHV-1, ou après vaccination avec un virus vivant,
est un obstacle à la lutte contre la maladie. Elle réduit la valeur des opérations de
diagnostic, puisque l'isolement du virus ou la présence d'anticorps (ou une multiplica­
tion par quatre du taux de ces derniers) n'indiquent pas toujours qu'il s'agit d'une infec­
tion exogène. Ils peuvent être aussi le signe de la réactivation d'une infection latente.
En outre, un animal qui a été infecté doit être considéré comme porteur de virus durant
des années, et donc comme une source potentielle de contamination de ses congénères.
PROPHYLAXIE
Des méthodes de diagnostic sensibles et simples à exécuter sont un préalable fon­
damental à une prophylaxie efficace des infections à IBR/IPV. On utilise surtout
les épreuves de neutralisation et l'isolement du virus pour dépister les animaux infec­
tés ou les porteurs du virus. Ces deux méthodes sont d'exécution assez lente et exigent
- 886 l'emploi de cultures cellulaires ; elles ne peuvent donc être réalisées que dans des labo­
ratoires possédant un matériel d'expériences approprié et un personnel très qualifié.
Pour les épreuves de neutralisation, on doit employer une technique de réduction des
plages n'utilisant pas plus de 100 unités formant plage par épreuve ; la dilution initiale
du sérum inactivé ne doit pas être supérieure au 1/2 pour garantir une sensibilité maxi­
male. Le dépistage des porteurs chroniques par isolement du virus doit être réalisé
après activation préalable de l'infection latente en traitant les animaux aux corticostéroïdes. Les épreuves de séro-neutralisation par un antisérum spécifique procurent la
spécificité la plus élevée. Toutefois, les techniques ELISA (immuno-enzymatique)
ou RIA (radio-immunologique) sont d'un emploi plus pratique ; on les utilise pour
tester des lots importants de prélèvements de sang ou de lait, bien que leur spécificité
soit peut-être moindre. Leur avantage est une sensibilité supérieure qui peut être utile
pour détecter des titres faibles d'anticorps chez les animaux infectés latents.
L'épreuve d'hypersensibilité retardée peut être aussi très utile pour détecter des
infections latentes, mais elle n'en est encore qu'au stade expérimental. Il est impor­
tant que cette épreuve n'entraîne pas l'apparition d'anticorps sériques qui puissent
interférer avec des épreuves sérologiques ultérieures. Aucune des techniques préci­
tées ne permet de différencier les infections virales à IBR de celles à IPV bien que,
dans plusieurs pays, les réglementations officielles soient différentes pour les mala­
dies génitales (IPV) et les maladies respiratoires (IBR). En règle générale, seules les
infections à BHV-1 sexuellement transmissibles sont réglementées. Il est à recomman­
der de combattre ces deux maladies sans faire de distinction entre elles.
Une prophylaxie efficace peut être assurée par les mesures suivantes :
1. Eliminer les facteurs de risque par l'insémination artificielle ; séparer les ani­
maux positifs des animaux reconnus négatifs par un dépistage préalable ; interdire
l'exportation des animaux positifs au BHV-1, ainsi que des embryons ou de la semence
provenant d'animaux positifs.
2. Créer des troupeaux indemnes de BHV-1, ce qui implique un dépistage sérologique deux fois par an, l'élimination des réagissants et une séparation rigoureuse entre
les animaux provenant des troupeaux positifs et négatifs. Les bovins reproducteurs
et les taureaux des centres d'insémination artificielle doivent être maintenus à part,
dans des unités composées d'animaux exempts de virus et d'anticorps.
3. Si l'on vaccine les animaux des troupeaux positifs pour le BHV-1, il convient
d'utiliser de préférence des vaccins inactivés pour éviter le risque d'infections laten­
tes. La vaccination à l'aide de virus vivant est à éviter. La seule indication pour l'admi­
nistration de vaccins à virus vivant atténué est un danger immédiat d'infection dans
un troupeau donné.
Une prophylaxie efficace doit avoir pour objectif l'absence du virus, et non pas
simplement de la maladie. Il faut donc décider rapidement si l'on choisit de combat­
tre la maladie ou d'éliminer l'agent infectieux, car la vaccination comme moyen de
lutte contre la maladie déclarée interfère avec l'élimination complète de l'agent infec­
tieux. Une stratégie globale et organisée est une condition fondamentale pour maîtri­
ser les infections à BHV-1.
*
* *
BIBLIOGRAPHIE
(voir p. 876)
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