3. L'ouverture de l'Extrême-Orient.
Les Occidentaux avaient toujours été fascinés par l'Extrême-Orient. Au XIXe siècle, ils ne
rêvaient plus à ses prétendues richesses en métaux précieux, mais à l'immense marché que
représentait sa population pour les industries européennes. C'est avant tout la Chine qui leur
paraissait intéressante.
Ouverture de la Chine. — Or, les possibilités de commerce étaient des plus réduites. En Chine,
les commerçants, en majorité anglais, n'avaient de contacts qu'avec une corporation de marchands
du port de Canton. Au Japon, seuls les Hollandais avaient le droit d'échanger quelques
marchandises sur le petit îlot de Deshima, en face de Nagasaki.
L'Angleterre, qui voulait ouvrir le marché chinois et négociait vainement avec l'empereur, saisit
un prétexte — l'interdiction faite aux commerçants britanniques d'introduire en Chine l'opium des
Indes dont l'abus devenait alarmant — pour envoyer une expédition armée qui remonta le Yang-
Tsé-Kiang. L'empereur dut signer le Traité de Nankin (1842) qui cédait aux Anglais l’île de Hong-
Kong et ouvrait à leur commerce cinq ports chinois. La France et les États-Unis obtinrent les mêmes
avantages commerciaux en 1844 ; les autres pays d'Europe suivirent. Le gouvernement chinois
s’engagea à tolérer les missions catholiques.
II. LA STAGNATION DE LA CHINE
La Chine, au contraire, resta pendant un demi-siècle dans un état de stagnation, la population
manifestant son hostilité aux Européens et à la dynastie, impuissante à protéger le pays.
1. La crise intérieure et l'intervention des puissances.
a) La révolte des Taïpings. — La dynastie mandchoue, qui avait perdu la face devant les
étrangers, s’affaiblit. L'empereur Hien-Foung (1850-1861), le "Néron chinois", se révéla incapable.
Une énorme inondation, provoquée par le changement de cours du Hoang Ho qui déplaça son
estuaire du nord au sud de la péninsule du Chantoung, semblait signifier qu'il avait perdu le
"mandat du Ciel". Les populations du Sud, très hostiles aux Mandchous et aux étrangers, se
soulevèrent à l'appel de l'agitateur Houng qui se proclama empereur et s'empara de Nankin
dont il fit sa capitale. Ce fut la révolte des Taï-Ping (secte de la "Grande Pureté", de tendance
collectiviste). Toute la Chine au sud du Yang-Tsé-Kiang échappait ainsi au gouvernement de
Pékin.
b) L'intervention européenne. — Les résidents occidentaux, missionnaires et commerçants,
d'abord favorables à ce qui paraissait être un mouvement de rénovation de la Chine, furent
victimes de mauvais traitements, parfois massacrés. Français et Anglais exigèrent alors un
élargissement des traités. Une escadre remonta le Peï-Ho et contraignit le gouvernement de Pékin à
signer le Traité de Tien-Tsin (27 juin 1858), accordant aux Occidentaux le droit d'avoir des
ambassades à Pékin, la libre circulation des missionnaires, l'ouverture au commerce de onze
nouveaux ports. Mais le gouvernement chinois était décidé à ne pas tenir ses promesses : "les
Barbares ayant osé venir sur leurs vaisseaux jusqu'à Tien-Tsin, nos plénipotentiaires leur ont
fait une réprimande affectueusement sévère qui les a décidés à s'en aller", expliquait au peuple un
rescrit impérial. L'année suivante, les ambassadeurs furent accueillis à coups de canon. Une
seconde expédition franco-anglaise marcha sur Pékin en août 1860. Le général Cousin-Montauban
dispersa avec son artillerie la cavalerie mandchoue au pont de Pa-Li-Kao (il sera fait comte de
Palikao). Les alliés entrèrent à Pékin le 13 octobre et, pour venger les tortures infligées à leurs
parlementaires, incendièrent, sous les ordres du général anglais lord Elgin, l'admirable Palais
d'Été. L'empereur s'étant enfui, le prince Kong signa le second Traité de Tien-Tsin, renouvelant
le premier, aggravé d'une indemnité. La Russie exigea alors les territoires situés entre l'Oussouri et
la mer (Traité du 14 novembre 1860) où elle fonda le port de Vladivostok. La Chine fut obligée
de créer, pour négocier avec les puissances étrangères, un ministère des Affaires étrangères, le
Tsoung-Li Yamen, mettant ainsi fin au mythe selon lequel l’empereur de Chine était le souverain
du monde entier.