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DMS48_Barbeau-et-al(2004)

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Evaluation de la mémoire de reconnaissance visuelle: Normalisation d'une
nouvelle épreuve en choix forcé (DMS48) et utilité en neuropsychologie
clinique
Article · February 2004
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6 authors, including:
Emmanuel Barbeau
Mathieu Ceccaldi
French National Centre for Scientific Research, Toulouse
Assistance Publique Hôpitaux de Marseille
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CE DOCUMENT EST UNE COPIE PRE-PUBLICATION D’UN
CHAPITRE DE LIVRE PUBLIE AUX EDITIONS SOLAL :
Barbeau E, Tramoni E, Joubert S, Mancini J, Ceccaldi M, Poncet M. (2004). Évaluation de la
mémoire de reconnaissance visuelle : normalisation d’une nouvelle épreuve en choix forcé et
utilité en neuropsychologie clinique. In Van-der-Linden M et Gremem (Eds). L'évaluation des
troubles de la mémoire. Présentation de quatre tests de mémoire épisodique (avec leur
étalonnage). Marseille, éditions Solal. p 85-101.
1
EVALUATION DE LA MEMOIRE DE RECONNAISSANCE
VISUELLE : NORMALISATION D’UNE NOUVELLE EPREUVE EN
CHOIX FORCE ET UTILITE EN NEUROPSYCHOLOGIE CLINIQUE
Emmanuel BARBEAU1, Eve TRAMONI1, Sven JOUBERT1, Julien MANCINI2, Mathieu
CECCALDI1, Michel PONCET1
1 Laboratoire de Neurophysiologie et Neuropsychologie, Inserm EMI-U 9926, Faculté de
Médecine, Univ Mediterranee, et Service de Neurologie et Neuropsychologie, AP-HM
Timone, Marseille, France
2 Service de l’information médicale, AP-HM Sainte Marguerite, Marseille, France
Adresse : Emmanuel Barbeau, Laboratoire de Neurophysiologie et de Neuropsychologie,
Inserm EMI-U 9926, Faculté de Médecine, 27, boulevard Jean Moulin, 13385 Marseille
cedex 05, France - Tel: 33 (0)4 91 32 42 44, Fax: 33 (0)4 91 78 99 14, Email:
[email protected]
Remerciements : Les auteurs remercient Leyla Raïs qui les a aidés à obtenir certaines normes.
2
Introduction
Les tests de mémoire de reconnaissance visuelle sont fréquemment utilisés dans les études
chez l’animal. Ces épreuves ont d’abord été développées dans le but d’étudier chez ceux-ci
l’équivalent de l’amnésie humaine, en particulier afin de reproduire les déficits présentés par
le patient HM (Scoville & Milner, 1957 ; Milner, 1972 ; Sidman, Stoddard, & Mohr, 1968) et
de déterminer quelles étaient les structures cérébrales responsables de son amnésie (Squire,
1992). La forme classique de cette épreuve chez le singe est appelée « delayed non matchingto-sample test » ou épreuve de non-appariement différée ce qui est équivalent aux épreuves de
mémoire de reconnaissance en choix forcé. Ce type de tâche est réalisée de la manière
suivante : l’expérimentateur présente un objet à l’animal puis après un délai variable lui
présente deux objets, celui vu précédemment et un nouvel objet jamais présenté. Le singe doit
montrer le nouvel objet (l’expérimentateur profite de son attirance naturelle pour la
nouveauté), démontrant ainsi qu’il a reconnu l’objet déjà vu.
Certains tests de mémoire de reconnaissance visuelle ont été standardisés chez l’homme
(Recognition Memory Test, Warrington, 1984 ; Doors & People test, Baddeley, Emslie, &
Nimmo-Smith, 1994 ; sous-test des visages de la WMS-III, Wechsler, 2001) mais l’intérêt
pour ces épreuves est resté relativement modéré au profit de batteries d’évaluation de la
mémoire (BEM, Signoret, 1991 ; WMS-R, Wechsler, 1991) ou d’épreuves plus spécifiques
telles que le Grober & Buschke (Grober, Buschke, Crystal, Bang, & Dresner, 1988 ; Ergis,
Van der Linden, & Deweer, 1994) dont la structure permet d’apporter des informations
précieuses concernant l’altération éventuelle des différents processus d’encodage, de stockage
ou de rappel. Pourtant, l’évaluation de la mémoire de reconnaissance visuelle chez l’homme
connaît un renouveau important depuis quelques années pour deux raisons principales.
La première raison est que les études chez le singe ont permis de montrer que la mémoire de
3
reconnaissance visuelle dépendrait principalement de l’intégrité d’une structure particulière
du lobe temporal interne : le cortex périrhinal (Meunier, Bachevalier, Mishkin, & Murray,
1993 ; Squire & Zola, 1996). Cette structure est située dans la fissure collatérale en dessous
des hippocampes. La réussite à une tâche de mémoire de reconnaissance visuelle ne
dépendrait donc pas ou peu de l’hippocampe, contrairement à ce que les chercheurs pensaient
initialement (Mishkin & Delacour, 1975). Cette découverte n’est pas anecdotique, car elle
modifie profondément les modèles de la mémoire déclarative : dans une perspective anatomofonctionnelle, des aspects différents de la mémoire déclarative pourraient être sous-tendus par
des structures différentes du lobe temporal interne (Barbeau et al., sous presse a) . Cette
approche modulaire s’oppose au modèle classique de la mémoire déclarative qui postule que
celle-ci est constituée d’un seul système qui dépendrait de l’intégrité de l’ensemble des
structures temporales internes (Squire, 1992 ; Squire & Zola, 1998). L’approche modulaire
fait à ce jour l’objet d’un débat assez vif qui n’est pas résolu (Mishkin, Vargha-Khadem, &
Gadian, 1998 ; Squire & Zola, 1998 ; Tulving & Markowitsch, 1998).
Les résultats issus des études chez le singe suggèrent que des sujets humains avec des lésions
limitées aux hippocampes pourraient être capables de réussir des tâches de mémoire de
reconnaissance visuelle. En effet, Aggleton & Shaw (1996) effectuant une revue de la
littérature de patients amnésiques montrent qu’un sous-groupe de patients avait des
performances préservées à un tel test (le Recognition Memory Test). Ces patients avaient
comme caractéristique commune d’avoir des lésions limitées aux hippocampes ou au système
hippocampo-(fornix)-mamillo-thalamique. Vargha-Khadem et al., (1997) montrent quant à
eux que des adolescents amnésiques ayant souffert de lésions hippocampiques dans l’enfance
réussissent les tâches de mémoire de reconnaissance, aussi bien visuelles que verbales.
Mayes, Holdstock, Isaac, Hunkin, & Roberts (2002) ont étudié le cas d’une adulte, YR,
souffrant de lésions limitées aux hippocampes acquises à l’âge adulte. Malgré son amnésie,
4
cette patiente obtient des performances normales ou quasi-normales à 43 tests de mémoire de
reconnaissance différents. Une série d’autres études est venue récemment confirmer ces
résultats (Yonelinas et al., 2002 ; Turriziani, Fadda, Caltagirone, & Carlesimo, 2004), bien
que ceux-ci restent discutés (Manns, Hopkins, Reed, Kitchener, & Squire, 2003).
Ces études montrent que, chez des patients atteints de lésions hippocampiques, les structures
sous-hippocampiques pourraient suffire pour obtenir des performances dans la norme à des
tâches de mémoire de reconnaissance visuelle. Les patients de ces études présentent tous des
difficultés majeures en mémoire épisodique mais sont capables de discriminer un stimulus
déjà vu d’un stimulus jamais vu (peut-être sur la base d’un sentiment de familiarité ou sur la
base d’un système capable de détecter la nouveauté). Ainsi, alors que ces patients sont
amnésiques au sens classique du terme, tels qu’évalués à l’aide de l’échelle de mémoire de
Wechsler par exemple, ils peuvent en réalité obtenir des performances dans la norme à
certaines autres épreuves de mémoire déclarative. On savait que certains patients amnésiques
pouvaient obtenir des performances normales à des tests de mémoire procédurale ou à des
tests évaluant le système de représentations perceptives (Squire & Zola, 1996 ; Tulving &
Schacter, 1990), mais le fait qu’ils puissent réussir des tâches de mémoire de reconnaissance
« explicites » lorsque les lésions sont limitées aux hippocampes est une donnée nouvelle et
intéressante qui mérite d’être approfondie. Cette approche pourra par exemple être prise en
compte lors du bilan neuropsychologique avec le raisonnement suivant : si le patient
amnésique réussit des tâches de mémoire de reconnaissance visuelle et verbale, il est possible
de faire l’hypothèse qu’il n’a pas de lésion importante des structures subhippocampiques
antérieures. Bien entendu, ce type de raisonnement théorique doit également tenir compte des
multiples facteurs cliniques qui peuvent modifier cette interprétation.
La deuxième raison qui renouvelle l’intérêt des chercheurs pour les tests de la mémoire de
reconnaissance visuelle est liée au diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer (Kato,
5
Knopman, & Liu, 2001 ; Pihlajamaki et al., 2003). A la fois les études neuropsychologiques
longitudinales et les études neuropathologiques convergent vers la notion selon laquelle la
maladie
d’Alzheimer
débuterait
par
des
troubles
de
la
mémoire.
Les
études
neuropsychologiques ont permis de montrer que les troubles de la mémoire peuvent débuter
plusieurs années avant que les critères de maladie d’Alzheimer ne soient remplis (à un stade
pré-démentiel). De plus, les études neuropathologiques ont montré que les dégénérescences
neurofibrillaires caractéristiques de la maladie d’Alzheimer débutent par les structures
temporales internes dont le rôle crucial dans la mémoire déclarative est à ce jour bien connu.
Cependant, le lobe temporal interne est constitué d’un ensemble de structures. Les
dégénérescences neurofibrillaires ne débutent pas au hasard par l’une ou l’autre de ces
structures, mais dans une grande majorité des cas par une sous-région du cortex périrhinal
(Braak & Braak, 1991 ; Van Hoesen, Hyman, & Damasio, 1991 ; Delacourte et al., 1999;
Galton, Patterson, Xuereb, & Hodges, 2000). Par conséquent, des sujets en début de maladie
d’Alzheimer devraient obtenir des performances pathologiques à des tâches de mémoire de
reconnaissance visuelle puisqu’un certain nombre d’études ont mis en évidence le rôle crucial
du cortex périrhinal pour ce type de mémoire.
Nous avons mentionné que des tests de mémoire de reconnaissance visuelle avaient été
développés chez l’homme. Cependant au moins deux d’entre eux, le Recognition Memory
Test et le sous-test des visages de la WMS-III, concernent la reconnaissance des visages. Il
existe certains arguments qui suggèrent que la mémoire de reconnaissance des visages
pourrait dépendre chez l’homme d’un système hautement spécialisé, peut-être différent de la
mémoire de reconnaissance visuelle d’autres types de stimuli (Baddeley et al., 1994 ;
Carlesimo, Fadda, Turriziani, Tomaiuolo, & Caltagirone, 2001). Le sous-test des portes du
Doors & People a été développé pour répondre à ce problème entre autre, mais notre
expérience clinique de ce test nous permet de relever plusieurs difficultés. D’une part, le sous6
test des portes ne comporte qu’une épreuve de reconnaissance immédiate, sans tâche
interférente entre la phase d’encodage et la phase de reconnaissance. Que cette épreuve
permette réellement de tester la mémoire à long-terme n’apparaît donc pas de manière
évidente. De plus seulement 12 items doivent être mémorisés or nous montrons dans l’étude
qui suit que les sujets contrôles peuvent parfaitement encoder une cinquantaine d’images
successives et les reconnaître par la suite sans aucune erreur. La partie B de ce test utilise des
distracteurs qui sont très proches visuellement des cibles, or certains auteurs ont émis
l’hypothèse que cette condition ne pouvait être résolue sur la base du seul sentiment de
familiarité, et qu’il fallait faire appel à sa mémoire épisodique (c’est à dire pour ces auteurs à
la formation hippocampique) pour retrouver certains détails des images qui faciliterait leur
reconnaissance (Holdstock, Gutnikov, Gaffan, & Mayes, 2000). Enfin, cette épreuve a été
développée, à notre connaissance, sans référence à un système neuroanatomique particulier.
Cette discussion de certains aspects du Doors and People test n’enlève rien à sa valeur en
clinique courante. Nous avons néanmoins préféré développer une nouvelle épreuve
d’évaluation de la mémoire de reconnaissance visuelle en choix forcé, le DMS48, qui, dans sa
conception, a été élaborée pour être proche des épreuves utilisées chez le singe, pour servir au
diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer, et pour évaluer les fonctions mnésiques chez
les patients présentant des troubles de la mémoire. Le premier objectif de cette étude est de
présenter cette nouvelle épreuve ainsi que la normalisation effectuée auprès de 147 sujets
contrôles. Nous avons particulièrement insisté sur la normalisation auprès des sujets âgés afin
d’établir des normes éventuellement utiles au diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer.
Le deuxième objectif de cet article est de présenter les résultats obtenus auprès de deux
patients afin d’illustrer l’intérêt d’utiliser une telle épreuve lors de l’évaluation
neuropsychologique. Enfin, nous présentons des résultats obtenus chez une population de
patients présentant soit un fort risque d’évoluer vers une maladie d’Alzheimer déclarée
7
(patients amnestic MCI) soit une maladie d’Alzheimer probable.
Matériel
Le DMS48 est une épreuve qui a été développée sur la base de la littérature animale. Il s’agit
d’une épreuve papier constituée d’une série de 48 images (cibles) que le sujet mémorise de
manière incidente puis de trois sets de 48 paires d’images, chaque paire étant constituées de la
cible et d’une autre image jamais vue par la sujet (distracteur). Nous avons retenu l’idée d’un
apprentissage incident pour que les sujets contrôles utilisent le moins possible un
apprentissage épisodique afin de les mettre dans les mêmes conditions, autant que faire se
peut, que les patients amnésiques. Aucun distracteur n’est répété au travers des trois sets. Les
cibles et les distracteurs sont présentés côte à côte, leur répartition à droite et à gauche étant
équivalente pour chaque set, la moitié des cibles changeant de côté entre chaque set. Les
cibles du Set 1 sont présentées dans l’ordre strictement inverse de leur ordre lors de la phase
d’acquisition afin de vérifier d’éventuels effets d’oubli à mesure.
Les images sont des images informatisées (« cliparts »), en couleur, d’items uniques. Les 48
cibles sont réparties en trois groupes de 16 images chacune (Figure 1) : 1) un groupe
« unique » : chaque cible est présentée avec un distracteur sans rapport sémantique ni lexical.
2) un groupe « apparié » : chaque cible est présentée avec un distracteur similaire en terme de
forme, de couleur et de nom. 3) un groupe « abstrait » : les cibles et les distracteurs sont des
stimuli abstraits difficilement verbalisables. Nous faisons l’hypothèse que les deux dernières
conditions permettent de tester la mémoire de reconnaissance visuelle proprement dite car
l’activation d’un réseau lexico-sémantique ou l’utilisation d’une stratégie d’encodage verbale
n’apporte que peu d’aide dans ces cas.
8
Figure 1 : exemple de stimuli du DMS48 (les images sont en couleur). De haut en bas :
groupe « unique », groupe « apparié », groupe « abstrait ».
Le matériel de cette épreuve (images et feuilles de cotation) est en téléchargement libre sur
internet à l’adresse suivante : xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx. Il est conseillé d’imprimer les
images sur des feuilles en format paysage puis d’en constituer un classeur.
Consignes détaillées de passation
Phase d’acquisition
Le sujet ne doit pas savoir qu’il s’agit d’une épreuve de mémoire. La consigne est la
suivante : « je vais vous montrer des images, vous me direz s’il y a plus ou moins de trois
couleurs pour chacune d’entre elle ». L’examinateur chronomètre la durée de la phase
d’acquisition. Il montre la première image, attends la réponse du sujet puis passe à la
deuxième, etc. La durée pour chaque image est en principe libre en fonction de la rapidité
cognitive du sujet. Ce test a en effet été élaboré à l’origine pour tester une capacité plutôt
qu’une performance. L’examinateur veille néanmoins à ce que le sujet n’aille pas trop vite
afin de permettre le traitement perceptif de l’image. De même si le sujet est trop long, il
9
l’encourage à aller un peu plus vite de manière à pouvoir conserver un temps d’encodage à
peu près homogène entre sujets. Beaucoup de sujets se mettent à compter les couleurs ce qui
est accepté. Certains posent des questions en demandant si le blanc ou la bordure des objets
compte comme une couleur. L’examinateur répond oui à ces questions ou toute autre réponse
qui inquiète le moins le sujet. Les réponses du sujet ne sont pas enregistrées mais permettent
de vérifier que le sujet effectue bien le traitement perceptif de chaque image.
Tâche interférente
Une tâche interférente d’évocation lexicale sur critère formel est réalisée avant la phase de
test. Il s’agit de la tâche d’évocation de mots commençant par la lettre « P » proposée par
Cardebat, Doyon, Puel, Goulet, & Joanette, 1990. L’ensemble de cette tâche, consignes plus
passation, requiert environ 3 minutes.
Phases de test
Lors des phases de test, le sujet voit chaque paire d’image et doit reconnaître la cible. La
consigne est la suivante : « Je vais à présent vous montrer des paires d’images, il y en a une
que vous avez déjà vue et une que vous n’avez jamais vue. Je vais vous demander de me
montrer celle que vous avez déjà vue. ». L’examinateur chronomètre la durée de la phase de
reconnaissance. Il montre la première paire et note la réponse sur la feuille de cotation, passe
à la deuxième paire, etc. Le sujet n’est pas corrigé en cas d’erreur. Le rappel de la consigne ou
toute autre forme d’incitation peut être utilisée, en particulier chez les patients amnésiques ou
chez ceux ayant des troubles comportementaux (« regardez bien les deux images avant de
vous décider »). L’examinateur n’informe pas le sujet qu’une deuxième phase de
reconnaissance a lieu. L’examinateur requiert une réponse même si le sujet ne sait pas
répondre (réponse en choix forcé) à l’aide d’incitations comme « à votre avis ? », « à tout
hasard, que choisiriez-vous ? », « plutôt la A ou plutôt la B ? », etc.
10
La deuxième phase de test a lieu à l’aide du Set 2 après un délai d’une heure suivant une
procédure identique à la phase de test 1. Un troisième Set permet de faire un rappel après une
longue période : 24 heures, une semaine, voire plus chez certains sujets. La procédure à
utiliser est à nouveau identique à la phase de reconnaissance 1. Nous présentons dans cette
étude les normes pour le Set 3 à sept jours.
Cotation
La performance pour chacun des sets est exprimée en pourcentage de bonnes réponses. Le
Tableau 1 permet d’obtenir la performance en fonction du nombre de bonne sréponses ou du
nombre d’erreurs. Ainsi un sujet reconnaissant parfaitement toutes les images obtiendra un
score de 48/48, soit 100% de bonnes réponses alors qu’un sujet répondant totalement au
hasard obtiendra un score de 24/48, soit 50% de bonnes réponses. Un score inférieur à 50%
doit donc faire suspecter une tentative de simulation des troubles ou des difficultés
psychopathologiques. De plus, le chronométrage du temps nécessaire à la réalisation des trois
phases du test permet d’avoir une appréciation quantitative de la facilité avec laquelle le sujet
réalise la tâche.
Nombre
d'images
reconnues
Nombre
d'erreurs
Performance
48
47
46
45
44
43
42
41
40
39
38
37
36
35
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
100%
98%
96%
94%
92%
90%
88%
85%
83%
81%
79%
77%
75%
73%
11
34
33
32
31
30
29
28
27
26
25
24
23
22
21
20
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
71%
69%
67%
65%
63%
60%
58%
56%
54%
52%
50%
48%
46%
44%
42%
Tableau 1 – Ce tableau permet d’obtenir la performance du sujet en fonction du nombre de
bonnes réponses ou d’erreurs.
Interprétation
Le fait de demander une réponse concernant le nombre de couleurs de chacun des stimuli lors
de la phase d’acquisition permet de s’assurer d’un bon encodage des propriétés
morphologiques du stimulus. Le fait qu’il y ait un deuxième set permet également à certains
sujets d’améliorer leur performance et peut être de compenser pour un encodage peu efficace
puisque c’est alors la troisième fois que le sujet voit la cible. Ainsi, 59 sujets dans cette étude
augmentent leur performance entre le Set 1 et le Set 2 tandis que cette performance diminue
pour 26 d’entre eux (les autres restant stables). Ceci est particulièrement vrai pour les
personnes âgées puisque 45% (contre 20% qui diminuent) des 70-79 ans ainsi que 70%
(contre 20%) des 80-89 ans améliorent leur performance. Enfin, aucun processus de rappel
n’est exigé par cette épreuve : le stimulus à reconnaître est montré au sujet qui n’a donc aucun
effort de rappel à effectuer. Pour résumer, le processus d’encodage est facilité (quoique qu’il
ne soit pas réellement contrôlé) et le processus de rappel est annulé dans le DMS48. La
performance au DMS48 permet donc d’évaluer les capacités de stockage. Cette analyse est
12
confortée par un travail ayant montré que la performance au DMS48 était relativement
indépendante de la performance à des tests des fonctions exécutives (Barbeau et al., sous
presse b). Enfin, l’interprétation de la performance au DMS48 doit être réalisée dans le cadre
des modèles de la mémoire déclarative et en relation à des hypothèses neuroanatomiques (cf.
Introduction).
Normalisation
Sept groupes de 20 sujets contrôles âgés de 20-29 ans, 30-39 ans, 40-49 ans, 50-59 ans, 60-69
ans, 70-79 ans et 80-89 ans ont été constitués. Un huitième groupe constitué de sept sujets
âgés de 90 à 99 ans a été rajouté à cette étude. Les sujets les plus jeunes ont été recrutés en
milieu hospitalier (externes ou stagiaires). Les sujets âgés de 40 à 75 ans ont dans leur grande
majorité été recrutés par petite annonce dans le service. Il s’agissait donc essentiellement de
conjoints de patients, avec cependant quelques aides soignantes ou infirmières. Les sujets les
plus âgés, en particulier pour la tranche d’âge 75-89 ans ont été recrutés pour la plupart soit
dans des clubs du troisième âge, soit dans des maisons de retraite. Tous les sujets contrôles
provenaient de Marseille ou de ses environs. Les données ont été acquises par trois
examinateurs différents (voir la fidélité intercotateur dans la partie résultats).
58 % des sujets étaient de sexe féminin. Pour chaque sujet a été relevé sa latéralité (92% de
droitiers). Une étude préliminaire avait permis de montrer que le niveau d’étude avait peu
d’effet sur la performance, en particulier parce que le niveau scolaire atteint par les tranches
d’âge les plus âgées préjuge mal du niveau social et professionnel atteint à l’âge adulte. Dans
cette étude, nous nous sommes donc plutôt intéressés au niveau socio-culturel et professionnel
atteint à l’âge adulte. Celui-ci a été évalué sur une échelle de 1 (femmes aux foyer n’ayant
jamais travaillé avec niveau inférieur au bac, ouvriers…) à 4 (cadres supérieurs…). 3 sujets
ont été exclus du protocole pour des troubles de la mémoire évidents tels qu’évalués par le
13
sous-test de mémoire logique de la WMS-R.
Performance des sujets contrôles
Normes
Nous présentons en Tableau 2 les normes obtenues chez les groupes de sujets contrôles ainsi
qu’en Tableau 3 le temps de réalisation des différentes phases. Le Tableau 4 présente les
normes pour le Set 3 après sept jours et alors que le sujet n’avait pas été informé de ce
nouveau test. Le Tableau 5 présente les performances obtenues par groupe d’image
« unique », « apparié » et « abstrait ».
Tableau 2 – Performance moyenne et écart-type des sujets contrôles exprimés en
pourcentage.
Age
20-29
30-39
40-49
50-59
60-69
70-79
80-89
90-99
Set 1
99 (1)
99 (1)
98 (2)
99 (2)
98 (2)
96 (5)
92 (5)
93 (4)
Set 2
100 (1)
99 (1)
99 (2)
99 (2)
99 (3)
97 (4)
93 (4)
95 (3)
n
20
20
20
20
20
20
20
7
Tableau 3 – Durée moyenne et écart-type en secondes des groupes de sujets contrôles aux
trois phases du DMS48.
Age
20-29
Phase
d’acquisition
210 (37)
Set 1
Set 2
30-39
40-49
50-59
60-69
70-79
80-89
90-99
172 (26) 224 (50)
197 (70)
224 (68)
265 (78)
294 (50)
273 (124)
171 (27)
136 (25) 190 (53)
163 (55)
171 (38)
225 (79)
238 (66)
221 (58)
162 (34)
129 (38) 177 (60)
151 (59)
151 (35)
226 (114)
225 (52)
203 (51)
14
Tableau 4 – Performance moyenne et écart-type exprimés en pourcentage de sujets contrôles
au Set 3 sept jours après le Set 2.
Age
50-59
60-69
70-79
Set 3
97 (3)
96 (3)
95 (4)
n
20
15
5
Tableau 5 – Résultats par groupe d’âge et par catégorie de stimulus exprimés en
pourcentage.
Age
20-29
30-39
40-49
50-59
60-69
70-79
80-89
90-99
Unique Set 1
100 (0)
100 (0)
100 (1)
99 (2)
99 (2)
98 (3)
99 (3)
97 (3)
Apparié Set 1
99 (2)
99 (3)
99 (2)
99 (4)
98 (5)
97 (3)
91 (7)
95 (4)
Abstrait Set 1
98 (3)
99 (3)
97 (5)
97 (4)
96 (4)
93 (13)
86 (9)
88 (9)
Unique Set 2
100 (0)
100 (0)
100 (0)
100 (1)
100 (1)
99 (4)
99 (3)
99 (2)
Apparié Set 2
100 (1)
99 (2)
99 (3)
98 (3)
98 (6)
95 (5)
93 ()
95 (4)
Abstrait Set 2
99 (2)
98 (3)
98 (3)
98 (4)
98 (3)
97 (4)
89 (7)
89 (7)
Fidélité intercotateurs
Afin de vérifier la fidélité intercotateurs, nous avons comparé les scores obtenus par trois
groupes indépendants de sujets âgés de 60 à 69 ans (n = 11, 15, 20) évalués par trois
examinateurs différents. Une analyse de variance sur le Set 2 ne met en évidence aucune
différence entre les trois groupes (F[2,43] = 0,82; p = 0,45).
Variables explicatives
Nous n’avons observé aucun effet de la variable sexe sur la performance ni au Set 1 (t[145) =
-0,47, p =0,96) ni au Set 2 (t[145] = -0,62, p = 0,53). On n’observe pas d’effet de la latéralité
pour le Set 1 (t[145] = -1,52, p = 0,15), par contre les gauchers obtiennent de meilleures
performances que les droitiers pour le Set 2 (performance = 99,3% contre 97,6 ; t[145] = 15
3,66, p < 0,01). La classe d’âge a un effet significatif sur la performance aussi bien pour le Set
1 (ANOVA univariée :, F[7, 139] = 13,7 ; p < 0,001) que le set 2 (F[7, 139] = 14,4 ; p <
0,001).
Plus le niveau d’accès aux connaissances est élevé et plus la performance s’améliore
(ANOVA univariée pour le Set 2, F[3, 135] = 6,39 ; p < 0,001). Le tableau 6 indique la
performance moyenne en fonction du niveau d’accès aux connaissances pour les 87 sujets
âgés de plus de 50 ans. Une ANOVA multivariée pour les sujets âgés de plus de 50 ans
incluant comme facteurs l’accès aux connaissances et la classe d’âge ne permet cependant pas
de mettre en évidence un effet d’un de ces facteurs ou une interaction entre ces deux facteurs
probablement à cause d’un effet quantitativement faible et parce que les classes d’âges 60-69,
70-79 et 80-89 ans comportent peu de sujets du groupe 4.
Tableau 6 – Performance exprimée en pourcentage en fonction du niveau d’accès aux
connaissances pour les sujets âgés de plus de 50 ans.
Groupe
% de sujets
Set 1
Set 2
1
24%
94 (5)
96 (3)
2
46%
96 (5)
96 (4)
3
20%
96 (4)
98 (4)
4
10%
99 (1)
99 (1)
Sous-scores
Outre un score pour le Set 1 et le Set 2, il est possible de calculer différents sous-scores
permettant d’appréhender différents aspects des traitements cognitifs impliqués par la
réalisation du DMS48.
Ordre des images
Comme précédemment mentionné, les cibles du Set 1 ont été présentées dans l’ordre
strictement inverse de la phase d’acquisition : la première image du Set 1 est la dernière
16
image présentée lors de la phase d’acquisition, etc. Notre objectif était de pouvoir
éventuellement mettre en évidence un effet d’oubli à mesure chez le sujet pathologique. Chez
le sujet témoin, nous n’avons mis en évidence aucune différence entre le nombre d’erreurs
pour les 6, 12 ou 24 premiers items par rapport au 6, 12 ou 24 derniers items, que ce soit chez
les sujets de moins ou de plus de 50 ans.
Persévérations
Le DMS48 nécessite de porter un jugement sur deux stimuli dont un seul est la cible. En
d’autres termes, il faut d’abord évaluer si l’un des stimuli correspond à la cible, procéder de la
même manière pour la deuxième puis décider compte-tenu de ces deux informations quelle est
la bonne réponse. Des sujets persévératifs, ayant des difficultés à passer (« shifting ») d’un
stimulus à un autre ou d’une réponse à une autre pourraient avoir des difficultés dans ce type
de tâche. La persévération a été analysée de deux manières : en calculant le pourcentage
global de réponses A (stimulus présent à gauche) par rapport au pourcentage de réponses B
(stimulus présent à droite) (persévération de type 1). Il s’agit ici de détecter si un sujet a une
tendance à choisir les réponses plutôt à droite ou à gauche. Une deuxième manière de
procéder est de calculer le pourcentage d’erreurs lors qu’un shifting est nécessaire entre deux
réponses successives (persévération de type 2) : on peut supposer qu’il y a aura plus d’erreurs
lorsqu’il faudra répondre « B » alors que la réponse précédente était « A » (shifting d’une
réponse à l’autre) que lorsque qu’il faudra répondre « B » alors que la réponse précédente
était déjà « B ». Ces analyses ont peu de sens pour les sujets les plus jeunes qui obtiennent un
score presque parfait et n’ont donc été réalisées que pour les classes d’âge supérieures à 50
ans.
L’analyse des résultats indique qu’il n’y a pas de persévérations de type 1 chez les sujets
contrôles, en particulier compte tenu des faibles écart-types observés : moyenne des réponses
A pour le Set 1 : 49,4% (E.T. = 2,5%) et pour le Set 2 : 50,6% (E.T. = 2,5%). Celle-ci
17
évolue peu en fonction de l’âge si l’on s’en tient aux moyennes par classe d’âge. Par contre on
observe des difficultés chez certaines personnes âgées dans la tranche des 70-89 ans avec un
minimum à 40% et un maximum à 63%. On n’observe pas d’erreurs de type 2 non plus, le
risque d’erreur évalué pour le Set 2 étant exactement identique en condition de shifting ou non
(3,4%).
Position
La moitié des cibles change de position entre le Set 1 et le Set 2 : celles qui étaient à droite
passent à gauche et vice-versa, l’autre moitié ne change pas de position. On peut supposer que
les stimuli ayant changé de place seront moins bien reconnus que ceux qui sont restés à la
même place car il y a eu pour ces derniers un double encodage du stimulus et de sa position.
Nous n’avons observé chez le témoin aucune différence dans le taux de reconnaissance pour
ces deux types de stimuli (t = -0,47, p = 0,64).
En résumé, ces différents sous-scores sont peu informatifs chez le sujet contrôle et ce n’est
qu’en cas d’observation de différence chez le sujet pathologique que ces sous-scores peuvent
éventuellement apporter une indication concernant le type de traitement cognitif altéré.
Illustration à l’aide de deux cas et d’une étude de groupe
Cas d’un syndrome amnésique suite à une encéphalite herpétique
Présentation du cas. La patiente FRG a souffert d’une encéphalite herpétique à l’âge de 46
ans (bilan neuropsychologique simplifié en Tableau 7). Cette patiente présente depuis un
syndrome amnésique sévère qui la handicape lourdement au quotidien (oubli à mesure et
désorientation spatiale). Sa mémoire épisodique est profondément altérée comme l’indique
son QM différé de 57 (moyenne = 100, E.T. = 15) au WMS-R (Wechsler, 1991) alors que son
fonctionnement intellectuel général est préservé : QI = 94 (moyenne = 100, E.T. = 15) à la
18
WAIS-III (Wechsler, 2000).
Cette patiente présente cependant des performances en mémoire de reconnaissance visuelle
sub-normales à normales telles qu’évaluées à l’aide du DMS48 : score pour le Set 1 : 92%
(moyenne = 98%, E.T. = 2%), score pour le Set 2 : 96% (moyenne = 99 %, E.T. = 2%), score
pour le Set 3 à une semaine : 98% (moyenne = 97%, E.T. = 3%) (Barbeau et al., soumis).
L’étude de son IRM cérébrale permet en évidence des lésions massives des structures
temporales internes gauches dans tout l’axe antéro-postérieur et à droite des lésions sévères de
la formation hippocampique également dans tout l’axe antéro-postérieur. Par contre le cortex
périrhinal droit, repérable car situé dans la fissure collatérale, apparaît relativement préservé.
Commentaires. Notons tout d’abord que la patiente ne se souvenait plus de la phase
d’apprentissage lors des phases de reconnaissances et ne souhaitait pas répondre puisqu’elle
« oubliait tout ». Les scores obtenus illustrent néanmoins l’utilité de forcer le sujet à répondre.
Cette patiente sévèrement amnésique présente des performances proches de la norme au
DMS48. Le DMS48 répond donc aux hypothèses qui sous-tendaient sa construction : cette
épreuve permet de montrer chez une patiente amnésique certaines capacités de mémorisation
préservées qui n’auraient pas pu être détectées sans l’utilisation de ce type d’épreuve.
En dehors de l’intérêt de ce type de cas pour la compréhension de l’amnésie humaine, cette
donnée pourrait être importante pour la rééducation qu’il est possible de proposer à la patiente
FG. Elle a par exemple appris l’utilisation du carnet mémoire puis ensuite d’un agenda
électronique portatif extrêmement rapidement (Careyre et al., 2002). Rétrospectivement, il est
possible de faire l’hypothèse que la rapidité de son apprentissage repose en partie sur la
préservation de sa mémoire de reconnaissance visuelle (conjointement à ses capacités de
mémoire procédurale) : reconnaissant les stimuli visuels, elle pourrait avoir été capable de
faire des associations stimulus visuel / action à réaliser plus rapidement qu’un autre patient
19
amnésique ayant des difficultés à reconnaître ce type de stimulus. L’élaboration de ce type
d’hypothèse, actuellement en cours d’évaluation dans notre service, pourrait permettre de
progresser dans la prise en charge de cette patiente.
Tableau 7 – Résultats neuropsychologiques simplifiés des deux patients.
FRG
AC
DMS48 Set 1
92% (98% ± 2%)
69% (92% ± 5%)
DMS48 Set 2
96% (99% ± 2%)
56% (93% ± 4%)
Grober & Buschke libre
différé
0 (12,3 ± 2,5)
0 (11,2 ± 2,9)
Grober & Buschke indicé
différé
3
4
QI (WAIS-III)
94 (100 ± 15)
120 (100 ± 15)
Empan de chiffres : note
standard (WAIS-III)
14 (10 ± 3)
10 (10 ± 3)
Evocation lexicale « P »
en 2 min
22 (25,6 ± 6,0)
16 (20,8 ± 7,3)
Evocation lexicale
« animaux » en 2 mn
18 (38,7 ± 9,8)
14 (29,7 ± 12,0)
Sous-test des matrices
(WAIS-III)
9 (10 ± 3)
10 (10 ± 3)
Benton visages
51 (41-54)
49 (41-54)
DO80
75 (> 77)
80 (> 73)
Cas d’un patient présentant un syndrome amnésique pur progressif
Présentation du cas. Le patient AC est un homme de 81 ans, d’un bon niveau antérieur qui
consulte dans notre service depuis l’âge de 75 ans pour des plaintes de la mémoire
d’installation insidieuse. Ce patient est actuellement autonome dans la vie quotidienne. Il tient
les comptes du ménage, fait sa déclaration d’impôts et peut par exemple conduire une
centaine de kilomètres jusqu’à sa résidence secondaire. Son bilan neuropsychologique (bilan
neuropsychologique simplifié en Tableau 7) permet de mettre en évidence la préservation
relative de l’ensemble de ses facultés cognitives (fonctions attentionnelles et exécutives,
20
langage, connaissances sémantiques des objets, connaissances générales sur le monde, praxies
visuo-spatiales et idéomotrices) à l’exception de sa mémoire. Ses performances au DMS48
sont très déficitaires avec perte d’informations préalablement acquises et des scores proches
du hasard : 69% au Set 1 (moyenne = 92%, E.T. = 5%) et 56% au Set 2 (moyenne = 93%,
E.T. = 4%). L’épreuve de discrimination des visages de Benton (face recognition test, Benton,
Sirvan, De Hamsher, Varney, & Spreen, 1983) permet de s’assurer que le patient n’a pas de
trouble visuel de bas niveau qui pourrait expliquer sa performance au DMS48. Ses résultats en
dénomination à partir d’images (Deloche & Hannequin, 1997) et en raisonnement à partir de
stimuli visuels (sous-test des matrices de la WAIS-III) confirment qu’AC n’a pas de difficulté
avec le traitement visuel en tant que tel. Ses résultats au Grober & Buschke confirment
également que la mémoire est sévèrement altérée avec un rappel libre différé nul sans aide par
l’indiçage. L’étude de son IRM anatomique révèle une atrophie générale associée à une
atrophie des structures temporales internes.
Commentaires. Les performances cognitives d’AC sont préservées à l’exception de la
mémoire. Ses performances au DMS48 sont fortement altérées tout comme elles le sont au
Grober & Buschke. L’altération des performances d’AC à deux tests de la mémoire, l’un
visuel et l’autre verbal, utilisant chacun une procédure différente, permet d’attester la réalité
de troubles de la mémoire chez ce patient, indépendamment de la modalité sensorielle de
présentation des stimuli. L’utilisation combinée du DMS48 et du Grober & Buschke permet
vraisemblablement d’évaluer les capacités de stockage de l’hémisphère droit aussi bien que de
l’hémisphère gauche. Des performances altérées à ces deux épreuves, dans le cadre de
troubles de la mémoire d’installation insidieuse, sont donc fortement indicatives d’une
pathologie bilatérale comme c’est le cas de la maladie d’Alzheimer. Par ailleurs, le DMS 48 a
été développé à partir d’hypothèses anatomo-fonctionnelles précises qui le rende sensible à
des lésions du cortex périrhinal par lequel cette maladie commence. La présence d’un
21
syndrome amnésique d’installation insidieuse et d’aggravation progressive, isolé depuis
plusieurs années, permet de faire entrer ce patient dans le cadre nosologique du « syndrome
amnésique pur progressif ». Les deux cas de syndromes amnésiques purs progressifs publiés
dont l’anatomo-pathologie a été réalisée avaient tous les deux des lésions caractéristiques de
la maladie d’Alzheimer (Didic, Ali Cherif, Gambarelli, Poncet, & Boudouresques, 1998 ;
Miceli, Daniele, Marra, Perani, & Fazio, 1996). L’utilisation du DMS48 chez ce patient a
donc permis de confirmer la réalité et la sévérité des troubles de la mémoire, ceci dans une
modalité sensorielle et avec une procédure différente du Grober & Buschke.
Étude de groupe
Nous avons réalisé une étude afin de vérifier si le DMS48 pouvait être utile au diagnostic
précoce de la maladie d’Alzheimer (Barbeau et al., sous presse b). A cette fin, nous avons
comparé la performance d’un groupe de patients ne répondant pas aux critères cliniques de la
maladie d’Alzheimer mais à fort risque d’évoluer vers cette maladie ultérieurement (patients
présentant un amnestic Mild Cognitive Impairment, Petersen et al., 2001) (n=23), à celle de
groupes de patients avec une maladie d’Alzheimer probable légère (n=10), avec une maladie
d’Alzheimer probable modérée (n=20), avec une maladie de Parkinson (n=20) et à des sujets
contrôles (n=40). Alors que les sujets contrôles obtiennent une performance au plafond (cf.
normes), de même que les sujets avec une maladie de Parkinson, la performance des MCI est
nettement pathologique (moyenne au set 2 = 78%, E.T. = 16%). Par ailleurs, la performance
des Alzheimer légers se dégrade encore par rapport à celle des MCI (moyenne = 62%, E.T. =
14%) alors que les Alzheimer modérés répondent quasiment au hasard (moyenne = 53%, E.T.
= 4%). Une forte corrélation est observée entre la performance au DMS48 et la performance
différée totale (libre + indicée) à l’épreuve du Grober & Buschke (r=0.78). Bien qu’aucun
suivi longitudinal ne soit encore disponible qui permettrait de vérifier que les amnestic MCI
22
qui échouent au DMS48 évolueront vers une maladie d’Alzheimer déclarée, ces données
montrent néanmoins l’utilité potentielle du DMS48 pour le diagnostic précoce de la maladie
d’Alzheimer.
23
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