Zaninetti - 2013 - La francophonie est-elle menacée au Canada

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LA FRANCOPHONIE EST-ELLE MENACÉE AU CANADA ?
Jean-Marc Zaninetti
Association Population & Avenir | « Population & Avenir »
2013/1 n° 711 | pages 14 à 16
ISSN 0223-5706
DOI 10.3917/popav.711.0014
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-population-et-avenir-2013-1-page-14.htm
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1 . L e n o m b r e e t l a p r o p o r t i o n
d e f r a n c o p h o n e s d a n s l a p o p u l at i o n
d u C a n a d a e t d e s e s p r o v i n c e s
s e l o n l e s r e c e n s e m e n t s
14 P o p u l a t i o n & A v e n i r n ° 7 1 1 J a n v i e r - f é v r i e r 2 0 1 3
avenir d’une langue dépend principalement de trois
facteurs3: la démographie, le soutien institutionnel et
le statut socio-économique de ses locuteurs. La publi-
cation des résultats du recensement 2011 relatifs à
l’usage des langues au Canada actualise la question4. À
première vue, la population dont le français est la langue
maternelle augmente à peine moins vite que l’ensemble de
la population canadienne (+4,7% entre 2006 et 2011 contre
+6,1%). La part des populations francophones est à peu près
stable, représentant 22% des Canadiens recensés en 2011.
L
Selon la loi constitutionnelle du Canada de 1982, l'anglais
et le français sont les langues officielles. Il y a cependant
une forte asymétrie entre l’anglais, langue majoritaire, et
le français. La minorité francophone1se sent menae2.
Sachant qu’à l’exception du Québec, les francophones
se retrouvent en situation minoritaire dans toutes
les provinces, les craintes pour l’avenir de la langue
française au Canada sont-elles justifiées ?
La francophonie est-elle
menacée au Canada ?
par Jean-Marc
ZANINETTI*
* Université d’Orléans,
France.
1. Le terme de
«francophone» est ici
réservé à la population
dont le français est
la langue maternelle.
2. Castonguay C.,
«Vitalité du français
et concentration des
francophones : un bilan
1971-2001»,
Francophonies
d’Amérique, n°20, 2005,
p. 15-24. DOI:
10.7202/1005333ar;
Landry R., Gilbert A.,
Forgues E., « La vitalité
des communautés
francophones du Canada :
si destinée n’était pas
synonyme de densité»,
Francophonies
d’Amérique, n°20, 2005,
p. 9-14. DOI:
10.7202/1005332ar;
Aunger E.A., « Espérance
de vie : diagnostics et
pronostics concernant
l’avenir des communautés
francophones
en Amérique»,
Francophonies
d’Amérique, n°26, 2008,
p. 249-273. DOI:
10.7202/037984ar
À l’exception du Québec, les francophones se retrouvent en
situation minoritaire et ils sont le plus souvent en interaction
quotidienne avec la langue anglaise. Or une telle situation est
généralement défavorable à la persistance des langues mino-
ritaires. Celles-ci sont reléguées à la communication interne à
la communauté, tandis que la langue dominante bénéficie de
son statut économique supérieur pour s’imposer dans la vie
économique et tous les usages formels de la vie sociale. Les
minorités linguistiques sont fortement incitées au bilin-
guisme pour assurer leur promotion économique et sociale,
ce qui entrne un risque pour la transmission de la langue
minoritaire aux générations suivantes. De nombreuses mino-
rités linguistiques, qu’elles soient migrantes ou non, ont ainsi
été anglicisées en Amérique du Nord.
La francophonie canadienne est une exception pour deux
raisons :
Elle a persisté, en premier lieu, parce que les franco-
phones ont fait preuve d’une vitalité démographique
extraordinaire jusqu’aux années 19605.
Par ailleurs, les communautés francophones sont long-
temps restées concentrées sur des territoires ruraux
elles sont majoritaires et ont été économiquement auto-
suffisantes.
Ces facteurs historiques ont disparu dans les années 1950.
Les francophones canadiens, désormais confrontés de
plein fouet aux facteurs d’uniformisation de l’économie
urbaine mondialisée, sont menacés d’anglicisation en dépit
de la protection institutionnelle dont leur langue fait l’objet.
Soutien institutionnel à langue
française dans la fédération canadienne
Au Canada, les langues française et anglaise sont traitées à
parité dans les documents fédéraux, mais non dans la pra-
tique, car les francophones se concentrent dans une petite
partie du Canada. Le Québec concentre plus de 85% de la
population du Canada dont le français est la langue mater-
nelle. Dans les autres provinces, le fait francophone est large-
ment minoritaire et relativement concentré. Sur plus d’un mil-
lion de personnes dont le français est la langue maternelle en
dehors du Québec, 77% résident en Ontario ou au Nouveau-
Brunswick. La loi fédérale sur les langues officielles vise à
garantir l’égalité de traitement entre francophones et anglo-
phones et à promouvoir les institutions minoritaires comme
les écoles en particulier. Alors que le Québec manifeste son
souverainisme en reconnaissant le français comme seule
langue officielle par la loi «101» de 1977, le Nouveau-Bruns-
wick a adopté en 1969 ses propres lois linguistiques qui en
font la seule province officiellement bilingue au Canada. Si le
droit à l’enseignement en français est reconnu en Ontario
depuis 1968, la province reste officiellement anglophone.
Toutefois, l’usage du français est accep dans le système
judiciaire et législatif provincial. Le français a aussi le statut
de langue officielle en Nouvelle-Écosse, comme le gaélique,
le poiNt sur
Province
Nombre et % de locuteurs Évolution
2006 2011
Recensement
Pourcentage
Recensement
Pourcentage
Évolution 2006-2011
nbre de personnes
Évolution 2006-2011
en %
Québec 5 957 865 80,1% 6 231 600 79,7% 273 735 4,6%
Ontario 532 865 4,4% 561 155 4,4% 28 290 5,3%
Nouveau-Brunswick 237 575 33,0% 240 455 32,5% 2 880 1,2%
Alberta 68 435 2,1% 81 085 2,2% 12 650 18,5%
Colombie-Britannique 63 295 1,6% 70 760 1,6% 7 465 11,8%
Manitoba 47 100 4,2% 47 670 4,0% 570 1,2%
Nouvelle-Écosse 34 920 3,9% 34 585 3,8% -335 -1,0%
Saskatchewan 17 575 1,8% 18 930 1,9% 1 355 7,7%
Île-du-Prince-Édouard 5 880 4,4 % 5 685 4,1% -195 -3,3%
Terre-Neuve et Labrador 2 230 0,4% 3 020 0,6% 790 35,4%
Yukon 1 225 4,1% 1 630 4,8% 405 33,1%
Territoires du Nord-Ouest 1 030 2,5% 1 165 2,8% 135 13,1%
Nunavut 410 1,4% 450 1,4% 40 9,8%
Francophones au Canada 6 970 405 22,3 % 7 298 190 22,0% 327 785 4,7%
Source : Statistique Canada, recensements.
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P o p u l a t i o n & A v e n i r n ° 7 1 1 J a n v i e r - f é v r i e r 2 0 1 3
le poiNt sur
au Nunavut et dans le Territoire du Yukon, comme dans les
Territoires du Nord-Ouest limitrophes qui reconnaissent le
même privilège à 9 langues indigènes. Au Manitoba, l’usage
du français est accepté comme en Ontario dans le système
judiciaire et législatif provincial.
Une langue menacée par les
évolutions démographiques?
La mographie constitue la première menace à la vitalité eth-
nolinguistique de la francophonie au Canada. La croissance
ralentie de la population francophone s’explique de deux
façons, une condité insuffisante à remplacer les générations
depuis la fin des années 1960 et la propension des immigrants
à s’angliciser plut qu’à se franciser, d’autant que les immi-
grants se concentrent dans les plus grandes agglorations
urbaines du Canada, à forte dominante anglophone.
le poiNt sur
Après des siècles de fécondité prolifique, les Canadiens
français ont fait leur « révolution tranquille » dans les
années 1960 en rejetant la tutelle de l’Église catholique et
sont entrés dans l’ère de la fécondi abaissée. L’indice
synthétique de fécondité (ISF) du Québec est passé en des-
sous du seuil de remplacement des générations entre 1966
et 1971. Après avoir atteint un étiage historique de moins
de 1,4 enfant par femme en 1986, l’indice fluctue à la
hausse depuis cette date en fonction de la conjoncture éco-
nomique sous l’effet du rééchelonnement du calendrier des
naissances, sans toutefois retrouver un niveau suffisant
pour assurer le renouvellement à long terme de la popula-
tion québécoise. Le taux de natalis’est certes légèrement
redressé depuis les années 2000, mais les estimations pro-
visoires de la fécondité pour 2011 font état de 1,69 enfant
par femme. La fécondité est pareillement abaissée dans
toutes les provinces7, à l’exception du Grand Nord, de
population indigène. Le solde naturel des populations fran-
cophones canadiennes reste excédentaire en raison de
3. Auxquels s’ajoutent des
éléments plus complexes;
cf. par exemple Montenay,
Yves, «L’océan Indien:
un «lac francophone»
au Sud-Ouest»,
Population & Avenir,
n°708, mai-juin 2012;
Dumont, Gérard-François,
Montenay, Yves,
«La francophonie,
géodémographie
et géostratégie»,
Géostratégiques, n°36,
2etrimestre 2012,
http://www.strategicsinter
national.com/36_03.pdf
4. Corbeil J.-P.,
Caractéristiques
linguistiques des
Canadiens. Langues,
recensement de la
population de 2011,
Ottawa ON: Statistique
Canada, Document
analytique no98-314-
X2011001. Accédé le 03-
11-2012 URL:
http://www12.statcan.gc.
ca/census-
recensement/2011/as-
sa/98-314-x/98-314-
x2011001-fra.cfm ;
Corbeil J.-P., Le français
et la francophonie au
Canada. Langues,
recensement de la
population de 2011.
Ottawa ON: Statistique
Canada, Document
analytique no98-314-
X2011003. Accédé le 03-
11-2012 URL:
http://www12.statcan.gc.
ca/census-
recensement/2011/as-
sa/98-314-x/98-314-
x2011003_1-fra.cfm
2. Popul ation selon l a l angue maternelle
au C anada et par groupes dâge
Textes constitutionnels
indiquant le statut
linguistique du Canada6
Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur
le Canada (R-U), 1982, c 11, Partie I Charte canadienne des
droits et libertés.
16 (1) Le français et l’anglais sont les langues officielles du
Canada ; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant
à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouverne-
ment du Canada.
Voir également les articles 16 à 20 de la Charte canadienne des
droits et libertés et la Loi sur les langues officielles, LRC 1985,
c 31 (4esuppl.)
Texte constitutionnel indiquant le statut linguistique au Nou-
veau-Brunswick: Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la
Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, Partie I Charte
canadienne des droits et libertés.
16 (2) Le français et l’anglais sont les langues officielles du Nou-
veau-Brunswick ; ils ont un statut et des droits et privilèges
égaux quant à leur usage dans les institutions de la Législature
et du gouvernement du Nouveau-Brunswick.
16.1 (1) La communauté linguistique française et la commu-
nauté linguistique anglaise du Nouveau-Brunswick ont un statut
et des droits et privilèges égaux, notamment le droit à des insti-
tutions d’enseignement distinctes et aux institutions culturelles
distinctes nécessaires à leur protection et à leur promotion.
(2) Le rôle de la législature et du gouvernement du Nouveau-
Brunswick de protéger et de promouvoir le statut, les droits et les
privilèges visés au paragraphe (1) est confirmé.
Voir également les articles 16 à 20 de la Charte canadienne des
droits et libertés et Loi sur les langues officielles, LN-B 2002,
c O-0.5 et Loi reconnaissant l’égalité des deux communautés lin-
guistiques officielles au Nouveau-Brunswick, LN-B 1981, c O-1.1.
Texte législatif indiquant le statut linguistique au Québec
Charte de la langue française, LRQ, c C-11.
Le français est la langue officielle du Québec.
Texte législatif indiquant le statut linguistique en Ontario
Loi sur les Services en français, LRO 1990, c F.32 (ne fait pas du
français une langue officielle de l’Ontario, mais prévoit que cer-
tains services seront offerts en français).
• 22 % de la population du Canada a
le français comme langue maternelle.
• 80 % de la population du Québec
est francophone.
Source : Statistique Canada, recensement.
L a p r o p o r t i o n d e f r a n c o p h o n e s d a n s l a p o p u l at i o n
d u C a n a d a s e l o n l e r e c e n s e m e n t d e 2 0 1 1
Groupe d'âge
Population 2011
Anglophones
Francophones
Autres langues
(non officielles)
Moins de 15 ans 5 602 085 66,2% 20,3% 13,5%
15 - 24 ans 4 351 690 64,2% 20,5% 15,3%
25 - 44 ans 8 793 465 57,0% 20,5% 22,5%
45 - 64 ans 9 670 900 56,4% 23,7% 19,9%
65 ans ou plus 4 703 155 52,3% 24,9% 22,8%
TOTAL (renseigné) 33 121 295 58,6% 22,0 % 19,4%
Source : Statistique Canada, recensement 2011.
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le poiNt sur...
l’élévation de l’espérance de vie, mais le vieillissement est
la conséquence de ces évolutions démographiques. En
2011, l’âge dian était de 39,9 ans au Canada (26,2 ans en
1971). Environ 14,4% des Canadiens ont dépassé leur 65e
anniversaire en 2011 (8% en 1971). Au Québec, les aînés
représentent 15,7% de la population en 2011. La popula-
tion francophone est particulièrement vieillie.
La sur-représentation des langues non officielles parmi les
25-44 ans s’explique par l’importance de l’immigration
récente et sa concentration dans les grandes métropoles.
L’immigration est le composant principal de la croissance
de la population du Canada8. Les francophones ne sont
finalement sur-représentés que dans la population âgée
de 45 ans ou plus, et principalement parmi les aînés. Les
anglophones ne sont pas plus féconds que les franco-
phones (ISF estimé à 1,59 enfant par femme en Ontario en
2011), la différence provient de l’anglicisation des immi-
grés. Les immigrés principalement originaires du grand
quart sud-est de l’Asie s’établissent à Toronto, à Vancou-
ver ou à Calgary plutôt qu’à Montréal9. Ces migrants édu-
quent généralement leurs enfants en anglais pour assurer
leur intégration. C’est ce qui explique principalement la
disproportion entre l’anglicisation de plus de 3,817 mil-
lions de locuteurs d’une langue maternelle non officielle
contre seulement 0,418 million de locuteurs d’une langue
maternelle non officielle francisés10.
Anglicisation
Fait aggravant, les francophones n’échappent pas à l’angli-
cisation, en particulier lorsqu’ils vivent en contexte minori-
taire en dehors du Québec. Le bilinguisme progresse.
17,5% de la population s’est déclarée bilingue en 2011,
5. Dumont, Gérard-
François, Démographie
politique. Les lois de la
géopolitique des
populations, Paris,
Ellipses, 2007.
6. Encart dû à Michel
Doucet, de l’Observatoire
international des droits
linguistiques.
7. www.statcan.gc.ca/pub/
11-402-x/2011000/chap/
pop/tbl/tbl08-fra.htm
8. Zaninetti, J.-M.,
«Canada : la nouvelle
géographie du
peuplement», Population
& Avenir, n°709,
septembre-octobre 2012.
9. Zaninetti, J.-M., Les
espaces de L’Amérique
du Nord, Paris, PUF, Coll.
Master, ISBN: 978-2-13-
059560-1.
10. Corbeil, 2012, op. cit.
11. Corbeil, 2012, op. cit.,
p.23.
12. Corbeil J.-P.,
«Lexogamie et la vitalité
ethnolinguistique des
communautés
francophones en situation
minoritaire : vécu
langagier et trajectoires
linguistiques»,
Francophonies
d’Amérique, n°20, 2005,
DOI: 10.7202/1005335ar
13. Landry R., « Au-delà
de l’école : le projet
politique de l’autonomie
culturelle»,
Francophonies
d’Amérique, n°26, 2008,
DOI: 10.7202/037980ar
14. Castonguay C.,
«Apport de l’immigration
aux populations
francophones hors
Québec», Francophonies
d’Amérique, n°26, 2008,
DOI: 10.7202/037983ar
15. Simard, Majella,
«La géographie du
vieillissement au
Canada : un cas
typique», Population
& Avenir, n°699,
septembre-octobre 2010.
soit 350000 de plus qu’en 2006. Toutefois, «71 % de l’ac-
croissement net du bilinguisme français-anglais au Canada
est attribuable à la population de langue maternelle fran-
çaise du Québec, notamment celle âgée de 15 à 49 ans»11.
Une part des francophones bilingues s’exprime principale-
ment en anglais. Quant au français, il est la principale
langue parlée à la maison par 21,5% des Canadiens. La
progression du bilinguisme des jeunes québécois favorise
leur émigration vers les autres provinces. C’est pourquoi,
entre 2006 et 2011, la population francophone progresse à
Terre-Neuve et dans diverses provinces de l’Ouest, ainsi
que dans les territoires du Grand Nord. Mais la dilution des
populations francophones en contexte minoritaire favorise
l’anglicisation de leurs enfants. Jean-Pierre Corbeil a mon-
tré12 comment l’exogamie limitait la transmission de la
langue française entre les générations en dehors du Qué-
bec. L’immersion dans un système d’enseignement supé-
rieur en langue anglaise est une étape clé du processus
d’anglicisation13. Le même défaut de transmission se
retrouve chez les immigrants francophones qui s’établis-
sent hors du Québec14.
Il faut comparer, province par province, la proportion de
francophones âgés de moins de 25 ans dans la population
de même âge à la part des francophones parmi la popula-
tion totale. À terme, la part de francophones dans les pro-
vinces canadiennes doit tendre plutôt vers leur part dans
la population jeune, sachant que l’impact de l’immigration
sur la population du Canada, comme précisé ci-dessus, est
globalement défavorable à la francophonie.
Si les tendances actuelles persistent, la part de population
dont le français est la langue maternelle est susceptible de
baisser dans toute la fédération, à l’exception du Québec.
C’est en effet la seule province canadienne qui réunit les
trois conditions de vitalité ethnolinguistique, car l’usage
du français n’est pas dévalué dans la vie économique et
sociale. En revanche, la situation est préoccupante au
Nouveau-Brunswick, dont le caractère bilingue est suscep-
tible de reculer du fait d’un vieillissement démographique
accentué en l’absence d’immigration francophone15. Même
à l’heure des technologies de la communication et d’Inter-
net, la vie sociale est avant tout une question de proximité.
La concentration géographique d’une population et son
autonomie économique sont de meilleures garanties de
résilience communautaire qu’une reconnaissance institu-
tionnelle qui peine à compenser une anglicisation conqué-
rante portée par les forces de l’économie mondialisée.
3. La part de l a population francophone
au C anada selon les provinces
Solution de la page 2
Rubrique dirigée par Vincent Moriniaux
!
!
39
Des événements heureux : des couples ont choisi cette date pour se
marier, sachant quil faudra attendre un siècle pour retrouver un jour,
un mois et une année avec un chiffre identique. Certains couples ont
me deman à être marié à 12 h 12.
Des événements contestables : des futures mamans ont sollici
desdecins pour avoir une césarienne, afin que leur enfant naisse
à cette date mathématiquement historique. Mais desdecins ont
noncé cette attitude1.
I. Jomana Filhree ans Cother Hajat, « Do you want a 12/12/12 baby ? Or how
about a naturel delivery ? » (Voulez-vous unbé 12/12/12? Ou que diriez-vous
d'un accouchement naturel ?), The National (Émirats arabes unis),
12 décembre 1212, p. 16.
P o p u l a t i o n & A v e n i r n ° 7 1 1 J a n v i e r - f é v r i e r 2 0 1 3
Province
Population 2011
Part des
francophones dans
la population
totale de la province
Part des
francophones dans
la population des
moins de 25 ans
Québec 7 815 980 79,7% 79,9%
Nouveau-Brunswick 739 915 32,5% 27,7%
Yukon 33 655 4,8% 3,7%
Ontario 12 722 105 4,4% 3,5%
Île-du-Prince-Édouard 138 430 4,1% 2,4%
Manitoba 1 193 115 4,0% 2,5%
Nouvelle-Écosse 910 635 3,8% 2,4%
Territoires du Nord-Ouest 41 040 2,9% 1,8%
Alberta 3 610 175 2,2% 1,4%
Saskatchewan 1 018 330 1,9% 0,8%
Colombie-Britannique 4 356 180 1,6% 0,9%
Nunavut 31 765 1,4% 0,5%
Terre-Neuve et Labrador 509 970 0,6% 0,4%
TOTAL (renseigné) 33 121 295 22,0% 20,4%
Source : Statistique Canada, recensement 2011.
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