MAI 2021 NRP LYCÉE 39
Séries technologiques Séquence 1re
d’en passer par la souffrance de l’esclavage et de l’humiliation pour
gagner en empathie (« vous rendre sensibles aux maux qu’on y éprouve»)
et guérir de l’orgueil. L’adjectif « superbe » qui est employé à deux
reprises dans cette tirade signifie dans la langue classique « orgueil-
leux ». Il s’agit d’accéder à la morale par la voie du sentiment et de
prendre la place d’un autre pour mieux se voir et se « corriger » soi-
même, comme le souligne ici le jeu en miroir des pronoms « nous »
et « vous ».
Une leçon d’humanité
L’épanorthose « Votre esclavage, ou plutôt votre cours d’humani-
té» résume la visée paradoxale des lois de l’île et file la métaphore
de la pédagogie qui apparaît également dans l’emploi des mots
«maîtres» et « progrès » (« si vos maîtres sont contents de vos progrès»).
Cette éducation - qu’on serait tenté de nommer « rééducation » si
l’histoire du xxe siècle n’avait pas entaché tragiquement ce terme – a
une durée d’avance fixée à « trois ans » au bout desquels deux issues
sont prévues : les bons élèves peuvent quitter l’île et donc retrouver
leur condition première, mais en étant « devenus meilleurs » ; les mau-
vais se voient contraints d’épouser une insulaire qui a probablement
pour tâche de poursuivre le « cours d’humanité » dans les liens du
mariage ! Or, la pièce ne tient pas le programme de Trivelin puisqu’il
suffira de onze scènes pour que, la cure achevée en moins d’une jour-
née, les quatre naufragés repartent vers Athènes « deux jours » plus
tard (voir la tirade finale de Trivelin scène 11). C’est dire le caractère
purement hypothétique de cette république des esclaves, écrin d’un
apologue théâtral et d’un éloge des sentiments. On remarquera ici
la chaîne sémantique entre les mots « humanité », « meilleurs », « cha-
rité», «bonté ».
Une cure salutaire
Dans une sorte de péroraison de son discours, Trivelin joue à
nouveau du paradoxe en invitant ses destinataires à se réjouir de
leur sort plutôt qu’à s’en plaindre. Il recourt cette fois à la métaphore
des « malades » qu’il convient de « guérir » en les métamorphosant
de «durs, injustes et superbes » qu’ils étaient en « humains, raisonnables
et généreux ». Ces trois adjectifs pourraient également qualifier l’at-
titude même de Trivelin envers les maîtres « malades » qu’il entend
soigner : son discours mêle en effet la fermeté à la mansuétude, loin
de la brutalité dont faisaient preuve les premiers insulaires. Ainsi, la
cure prodiguée sur l’île repose sur la croyance en la perfectibilité du
cœur humain, qu’un certain courant de la philosophie des Lumières
va développer au fil du siècle.
On invitera les élèves à dégager en conclusion les principaux traits
de la tirade qui consacre le rôle de Trivelin en meneur de jeu et son
autorité bienveillante à l’égard des maîtres transformés en esclaves.
Ce jeu de rôles s’inspire du principe du « monde à l’envers » hérité des
Saturnales antiques et du carnaval médiéval pour humaniser le cœur
des maîtres en leur faisant vivre durant une période limitée la condition
de leurs esclaves. Enfin, la tirade confirme le cadre utopique de la pièce
en évoquant un passé légendaire de l’île et une vague référence à la
Grèce sans plus préciser son cadre spatio-temporel.
En prolongement, on pourra travailler sur la thématique du
«monde inversé » à partir des gravures et de l’invention de saynètes
proposées en ressource numérique.
SÉANCE 3 Les personnages en mots
et en images
Support : L’intégralité de la pièce
Modalité : Activité collective d’appropriation
Objectifs :
– Parcourir l’intégralité de la pièce pour cerner les caractéris-
tiques des cinq personnages
– Se documenter sur la tradition de la commedia dell’arte
– Présenter oralement une réalisation collective
Durée : 2 heures
➔ Réalisation des affiches
En classe ou au CDI, les élèves se répartissent en cinq groupes.
Chaque groupe tire au sort le nom d’un des cinq personnages de la
pièce, dont il s’agira de présenter le rôle et les caractéristiques sur une
affiche (format A3) selon les consignes suivantes :
1. Au milieu de la page, écrivez le nom du personnage et des-
sinez son visage ou sa silhouette tels que vous l’imaginez. Si aucun
élève de votre groupe ne dessine suffisamment bien, décrivez en
quelques mots à quoi ressemblerait le comédien ou la comédienne
que vous choisiriez pour interpréter ce personnage ou collez la pho-
tographie d’un acteur ou actrice d’aujourd’hui qui pourrait l’incarner.
Les groupes chargés de présenter Trivelin et Arlequin chercheront
quels étaient le costume et les caractéristiques traditionnelles de
ces deux personnages inspirés de la commedia dell’arte. Les autres
indiqueront le sens étymologique des noms grecs d’Iphicrate (« qui
règne par la force »), d’Euphrosine (« emplie de joie ») et de Cléanthis
(nom composé des mots kleos, « gloire », et anthos, « fleur »).
2. À différents endroits de l’affiche, caractérisez ce personnage
à l’aide d‘une dizaine de mots-clés (adjectifs, noms communs ou
verbes) qui synthétisent les traits de son caractère.
3. Associez à ces mots-clés des citations qui illustrent les traits
de caractère ou le rôle du personnage, ses sentiments, ses idées ou
ses valeurs, sa manière de parler, ou les jugements que les autres
personnages portent sur lui.
4. À un autre endroit de l’affiche, indiquez le sort final du per-
sonnage.
➔ Restitution orale
Chaque groupe présente à l’ensemble de la classe son affiche
exposée au tableau ou photographiée pour être projetée. Les élèves
veilleront à se répartir équitablement la parole pour justifier leur choix
d’illustrations, de mots-clés et de citations qui donneront lieu à une
lecture expressive à voix haute ou à une ébauche de jeu théâtral.