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Conquête espagnole, déclin et chute de l'empire
Les premiers contacts entre l'empire inca et les conquistadors espagnols menés par Francisco Pizarro et Diego de Almagro ont lieu
en 1527 près de Tumbes, sur la côte Nord de l'empire. Mais Pizarro et ses hommes ne restent pas, et ce n'est qu'en 1532, après être
retourné en Espagne, que Pizarro pénètre véritablement sur le territoire inca.
Dès 1527, la variole apportée par les colonisateurs fait de nombreuses victimes. L'empereur Huayna Capac y succombe et meurt
sans avoir choisi de successeur. Ses deux fils se disputent alors la succession et l'empire se divise en deux : Atahualpa au Nord
et Huascar au Sud. La guerre civile fait rage et c'est finalement Atahualpa qui prendra le dessus.
Francisco Pizarro est de retour en 1532 à la tête de 180 Espagnols. Mais ils ne sont alors pas perçus comme une menace, au
contraire : selon une légende inca, le dieu Viracocha devait revenir sur terre pour rétablir paix et prospérité dans l'empire. Pizarro
est assimilé à ce personnage mythique et est accueilli sans crainte.
Le 16 novembre 1532, à l'issue de la prise de Cajamarca par les troupes de Pizarro, Atahualpa est capturé par les Espagnols. Dès lors,
les Incas n'osent pas les attaquer de peur de mettre en danger la vie de leur empereur-dieu. Alors qu'Atahualpa est aux mains des
Espagnols, ses armées prennent enfin le contrôle de tout le territoire et réunifient l'empire. Mais Pizarro alimente les querelles et
encourage la rébellion des peuples dominés par les Incas : l'empire se morcelle. Toutefois, les Incas espèrent encore et souhaitent
retrouver leur empereur. Pizarro propose une rançon : la pièce où est enfermé Atahualpa doit être remplie d'or. Les Incas obéissent
mais Pizarro ne tient pas sa promesse et fait exécuter l'empereur déchu le 29 août 1533.
Les Espagnols se lancent alors à la conquête de tout le territoire, soutenus par les peuples rebelles. Arrivés à Cuzco le 15
novembre 1533, ils pillent la ville et mettent sur le trône le demi-frère de Huascar, Manco Inca. Celui-ci, à la solde des Espagnols,
est totalement impuissant face à la dislocation de l'Empire inca. Il essaye tout de même de lancer une insurrection en 1536, reprend
une partie du pays, mais échoue à reprendre Cuzco puis Lima. La guerre dure jusqu'en 1545, date à laquelle Manco Inca est assassiné.
Les Incas se replient alors sur Vilcabamba, une ville protégée de par sa position géographique dans la montagne. Un noyau de
résistance inca y subsistera jusqu'en 1572, dirigé par Tisoc, Manco Inca, Sayri Túpac, Titu Cusi et Túpac Amaru successivement.
Partout ailleurs, l'hégémonie espagnole est totale.
La résistance aura un sursaut aux XVIIe et XVIIIe siècles, le plus important épisode sera celui de Túpac Amaru II en 1780, toujours
avec l’objectif avorté de restaurer l’antique empire du Tahuantisuyu.
Conséquences humaines et sociales de la conquête
La conquête espagnole s'accompagne de pillages, d'apport de maladies qui déciment les populations, de la famine (ce que les Incas,
un peuple prospère, n'avaient jamais connu du fait de l'utilisation de silos de réserve de nourriture pour faire face aux mauvaises
années), de l'asservissement des Indiens et de l'évangélisation forcée de la population, intitulée par les nouvelles autorités
religieuses : « extirpation des idolâtries », confiée dès les débuts du XVIIe siècle à des « Visiteurs » : juges ecclésiastiques qui, en
tournées d'inspection dans les villages, avec notaires, assistants et force de police, traquaient sans pitié les pratiques
« superstitieuses », poussaient à la dénonciation sous couvert de confession, et soumettaient les suspects à la torture à l'instar de
la « question » pratiquée par l'Inquisition (qui pour sa part n'avait pas juridiction sur les Indiens d'Amérique du Sud). Les enquêtes
et l'évangélisation forcée vont se faire essentiellement en langue quechua et certains peuples, jusqu'alors insoumis aux Incas,
devront eux aussi apprendre cette langue qui est aujourd'hui encore parlée par sept millions de personnes en Amérique du Su
La terrible chute de population, enregistrée à partir de 1575, correspond à la « pacification » définitive du Pérou et à la
généralisation du travail forcé dans les
encomiendas
et les mines, où près de cinq millions d'Indiens périrent en moins de vingt
ans. La première phase d'effondrement de la population, au XVIe siècle, était due tout d'abord aux massacres liés à la Conquista,
mais aussi à l'intrusion de nouveaux virus apportés par les conquistadors contre lesquels les indigènes n'avaient pas développé de
défense immunitaire, et qui ont donné lieu à des épidémies ravageuses de variole, de grippe et de rougeole. Enfin, « des famines
résultant de la dislocation de la vie économique et sociale s'ajoutèrent aux horreurs de la guerre et de la colonisation », parce que
« [...] la conquête brisa l'équilibre de l'ordre économique et social de l'Empire inca. La distribution même de la population fut
changée. [...] Il en résulta un effondrement de tout ce qui contribuait à la cohésion des communautés ».