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Khôle 1 de Lettres

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Khôle 1 de Lettres
Introduction :
Marguerite Yourcenar (ou Marguerite Cleenewerck de Crayencour, de son vrai nom), naît en
1903 d’un couple francobelge. Elle est élevée par son père et reçoit une éducation
exigeante et humaniste. Elle devient alors une femme de lettres, mais également la 1ère
femme élue à l’Académie française, en 1980.
Elle est notamment l’auteur de son autobiographie intitulée Le Labyrinthe du monde,
composée de trois livres : Souvenirs pieux paru en 1974, qui raconte sa naissance et aborde
la famille de sa mère ; Archives du nord par en 1977 qui est dédié à la famille de son père,
et Quoi ? l'éternité paru en 1988 qui se consacre à son enfance.
Dans Souvenirs pieux, Marguerite Yourcenar explore l’histoire de sa naissance et de sa
mère, en adoptant le point de vue d'un historien. De plus, elle aborde les problèmes de la
fiction pour combler les trous de mémoire, pour mieux analyser le « je narré ». De ce fait,
Souvenirs pieux tient davantage de la reconstruction historique de son histoire familiale,
plutôt que d’une autobiographie traditionnellement centrée sur son “je”, comme les
Confessions de Rousseau.
L’extrait que nous allons étudier correspond à l’incipit de l'œuvre. Il revient sur la naissance
de Marguerite.
LECTURE DU TEXTE
Problématique : Au cours de notre étude linéaire de ce texte, nous verrons donc comment
l’auteur introduit son “je” dans cet incipit de son autobiographie, tout en exposant les
difficultés auxquelles elle se heurte pour y parvenir.
Pour ce faire, nous nous appuierons sur les trois mouvements du texte. Tout d'abord, nous
intéresserons à l’identification d’un être. Ensuite, nous verrons que Marguerite Yourcenar
entreprend son projet autobiographique avec un souci d’objectivité et de réalisme. Enfin,
nous verrons qu’elle décrit les difficultés du travail autobiographique.
I. L’identification d’un être
a. Passe d’abord par un dédoublement
▪ Dès la première phrase, Yourcenar met en valeur la mise à distance, le dédoublement
entre le “je” qui est narré et le “je” qui est train d’écrire l’autobiographie
• En effet, à la ligne 1, au lieu d’utiliser un simple “je”, elle place de la distance en ses deux
“je” par la périphrase : « l’être que j’appelle moi » Ici, le « je » s’intéresse au « moi »,
presque comme si elle parlait d’une autre personne.
• Ce dédoublement est favorisé par l’éloignement temporel entre l’action passé et son
présent. Le “moi” qui est décrit à ce moment-là du livre vient de naître, alors que le “je” qui
parle est adulte, et même déjà âgée de 70 ans.
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▪ D’autre part, par l’utilisation de deux dimensions temporelles, Yourcenar insiste sur le fait
qu’il y a deux moments :
• le temps de l’écriture est le présent : « l’être que j’appelle moi » (l.1)
• tandis que la naissance est narrée au passé, comme le montre l’utilisation du passé simple
: « vint »(l.1), de l’imparfait « naissait »(l.2) et du passé antérieur : « avaient été […] établis
»(l.3)
Cette différence de temps insiste donc sur le fait que ces deux “je” sont différents, puisque
l’un appartient au passé et l’autre au présent, ce qui correspond à un dédoublement entre
l’adulte et l’enfant qui est très loin dans son souvenir, compte tenu de son âge au moment
où elle écrit.
b) Pour identifier le sujet de son autobiographie, Yourcenar met également en avant les
détails administratifs de sa naissance
• Les indications temporelles sont précises : « un certain lundi 8 juin 1903, vers les huit
heures du matin » (l.1-2)
• Les indications spatiales sont également assez précises : « à Bruxelles » « à Liège » «
dans le Hainaut » (l. 2-3)
• De plus, Yourcenar donne également l’origine géographique de ses parents : « d’un
Français […] ville famille du Nord » « d’un Belge […] établis à Liège, puis fixés dans le
Hainaut »
Toutes ces précisions donnent presque l’impression au lecteur qu’elle décrit la filiation d’un
personnage historique, au lieu de se concentrer sur elle seule, comme dans la plupart des
autobiographies.
c) Enfin, l’identification du sujet de l’autobiographie par un détachement affectif, dans la
continuité du dédoublement de son “je”
▪ L’article défini « la » dans « la maison »(l.4-5), au lieu le déterminant possessif “ma”,
marque le détachement affectif avec son souvenir.
▪ L’utilisation du démonstratif “cet” et du mot “événement” dans l’expression « cet
événement » lui permet de se détacher de l’histoire et d’adopter en quelque sorte un point
de vue externe, comme si elle n’était pas concernée par l’événement, alors qu’il s’agit de sa
propre naissance, mais qu'elle décrivait plutôt un fait historique.
▪ d’un autre côté, dans la proposition « puisque toute naissance en est un » le présent de
vérité générale présente sa naissance comme un fait commun, banale, car cela implique
que sa naissance ne diffère en rien de celle de n’importe quelle autre.
▪ Dans l’expression « le père et la mère » (l.4-5) il n’y a aucune émotion, rien d’affectif,
puisqu’elle utilise pour les articles définis “le” et “la” pour parler des parents en général, au
lieu des siens seuls. Ainsi, elle désindividualise ses parents en les plaçant sur le même plan
que tous les autres parents.
II. Marguerite Yourcenar entreprend son projet autobiographique avec un souci de réalisme
et d’objectivité
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a) d'autre part, pour son le projet autobiographique, Yourcenar s’appuie sur le réalisme afin
d’avoir une vision objective de sa vie ;
• elle cite des lieux précis comme l’adresse de sa maison : « au numéro 193 de l’avenue
Louise »(l.6)
Mais elle aborde également ce qui est advenu des lieux qu’elle évoque en donnant des
informations véritables et précise, avec des bornes temporelles. En effet, elle dit notamment
la maison a disparu il y a une « une quinzaine d’années »(l.6) ; et nous en donne la raison :
elle a été « dévorée par un building »(l.6)
b) D’autre part, dans son souci d’objectivité, Marguerite Yourcenar fait également remarquer
que qu’elle a été intégrée dans le contexte dans lequel elle est née, tout comme les autres
individus le sont aussi.
Pour cela, elle passe d’abord du privé au général
▪En effet, l’utilisation de la 1ère personne du pluriel « chacun de nous »(l.8) « notre propre
histoire »(l.8) « nous déterminent tous » (l.10) marque la volonté d’une autobiographie
générale qui parle à tous, elle s’inscrit donc dans un collectif.
▪ De plus, l’expression « je m’arrête, prise de vertige »(l.9) montre que l’adulte qu’elle est au
moment de la rédaction prend conscience que la vie est complexe, car elle est
l’aboutissement de multiples facteurs.
Elle évoque ainsi un “inextricable enchevêtrement d'incidents et de circonstances”, pour
montrer toute cette complexité de la vie, qui apparaît avec le terme “enchevêtrement,
comme un nœud qui emmêlerait tous ces évènements ayant abouti à ce qu’elle est
aujourd’hui.
L’adjectif inextricable renforce par ailleurs cette image de nœud de circonstances dont on ne
peut ne défaire, et donc auquel on ne peut échapper.
De plus, une fois encore, elle généralise cela à tout le monde en disant que cet
enchevêtrement “nous déterminent tous” (l.10).
Elle expose donc ici une vision déterministe de l’homme en général, qui est tributaire des
incidents, des circonstances, de l’histoire, à laquelle fait référence juste avant.
c) Puis, elle se recentre sur elle-même en insistant sur l’idée qu’elle a été intégrée au
contexte dans lequel elle est né et que cela a eu une incidence sur son identité.
En effet, tout en prenant de la distance avec son “je narré”, par la périphrase “cet enfant du
sexe féminin”, elle explique qu’elle a été intégrée au contexte et milieu dans lequel elle est
né, c’est-à-dire celui de “l'ère chrétienne et de l’Europe du XXe siècle”. (11) On a là à la fois
un repère géographique et temporelle, qui peut, dans le cadre de son autobiographie,
renseigné sur la société dans laquelle elle a grandi, grâce à la connaissance du lecteur de
cette période, comme c’est le cas notamment pour Les Années, de Annie Ernaux.
III) Marguerite Yourcenar décrit les difficultés du travail autobiographique
a) En effet, après avoir identifié son “je narré”, Yournar expose directement la première
difficulté rencontrée dans le cadre de son projet autobiographique, qui est le “sentiment
d’irréalité que lui donne cette identification”, (l.15). En effet, comme elle ressent une
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dislocation entre son “je narré” et son “je narrant”, elle éprouve une difficulté à se projeter
dans ce “elle” qui existait à l’époque, mais qui a été remplacé par l’adulte de 70 ans qu’elle
est au moment de sa rédaction.
b) D’autre part, la seconde difficulté à laquelle l’auteur se heurte est le manque de souvenir.
En effet, cet incipit soulève le problème de la naissance dans l’autobiographie, car il s’agit
événement dont on ne peut pas se rappeler et qu’on ne peut donc par raconter en se basant
sur ses souvenirs.
Marguerite Yourcenar montre exprime ce fait par l’utilisation du verbe pronominal
“m’accrocher” l.16, pour souligner la difficulté de la tâche, ainsi que par les termes “brides de
souvenirs”, pour souligner leur rareté, mais aussi “de seconde ou de dixième main” l.16,
pour montrer le manque de fiabilité de ses souvenirs, que son esprit a pu modifier plusieurs
fois au cours des années
c). Enfin, la troisième difficulté que souligne Yourcenar est caractère trop succinct du
matériel qui se trouve à sa disposition pour écrire son autobiographie.
En effet, Marguerite Yourcenar fait l’énumération des sources matérielles dont elle dispose,
comme “des informations tirées de bouts de lettre ou de feuillets de calepins” l.17-18, qui
sont bien souvent incomplets, comme le suppose le terme “bouts”, pour les bouts de lettres ;
et qui ne peuvent donc que l’aider partiellement dans son travail.
Elle mentionne également les “pièces authentiques” qu’elle peut trouver “dans des mairies
ou chez des notaires” l.19. Cependant, là encore, elle fait remarquer que leur “jargon
administratif et légal élimine tout contenu humain” l.20, ce qui implique des informations très
succinctes qui se concentrent seulement sur les faits et les chiffres, avec peu, pour ne pas
dire aucun détail descriptif, ou aucune sorte d’anecdotes.
Conclusion :
Pour conclure, le texte souligne la préoccupation de faire coïncider le “je narré”, qui n’est
plus et le “je narrant”, de l’auteur qui écrit le texte, le plus exactement possible, tout en
soulignant les difficultés rencontrées lors de cet exercice. Pour cela, Marguerite Yourcenar
précise identifie son “je” passé et son “je” actuel tout en expliquant ce qui les sépare. de
plus, elle témoigne d’un souci de réalisme et d’objectivité pour retranscrire son histoire et
précise les points faisant obstacles à son travail, tels que le manque de souvenir, de sources
ou le caractère trop administratifs de ces mêmes sources, qui ne permettent pas de
retranscrire une histoire humaine.
Ainsi, s’il est si difficile pour l’auteur de rassembler des informations et des souvenirs pour
servir de matière première à son œuvre, nous pouvons nous demander ce qui la motive à
écrire son autobiographie.
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