Définition et classification des maladies autoimmunes.

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Définition et classification
des maladies auto-immunes
J. LONDON ET L. MOUTHON
Points essentiels
• Les maladies auto-immunes sont des pathologies en rapport avec une
dérégulation du système immunitaire.
La preuve du caractère auto-immun dune maladie est rarement obtenue
et le nombre des maladies auto-immunes prouvées – cest-dire pour
lesquelles leffecteur est identifié et peut transmettre la maladie – est
restreint.
Au cours des maladies auto-immunes spécifiques dorgane, on observe
le plus souvent une perte de la fonction de lorgane cible qui relève
uniquement d’un traitement substitutif.
Au cours des maladies auto-immunes systémiques, lexpression clinique
est très variée et le traitement fait le plus souvent appel aux corticoïdes,
quelquefois en association à des immunosuppresseurs et/ou des
immunomodulateurs.
Devant la survenue dun nouveau symptôme chez un patient atteint
dune maladie auto-immune, il faut évoquer une poussée de la maladie,
une complication liée au traitement, en particulier une infection liée
à limmunosuppression et une autre pathologie, quil s’agisse dune
manifestation fréquente comme une pathologie thrombo-embolique ou
une autre maladie auto-immune associée.
Introduction
Les maladies auto-immunes (MAI) sont la conséquence dune
dérégulation du système immunitaire entraînant une réponse
immunologique inadaptée de l’organisme contre les antigènes du
soi à l’origine dun processus pathologique.
J. London et L. Mouthon (), Service de médecine interne, hôpital Cochin, 75014 Paris,
Centre de Référence pour les vascularites nécrosantes et la sclérodermie systémique, AP-HP
et Université Paris Descartes, Paris – e-mail : [email protected]
Sous la direction de Y.-E. Claessens et L. Mouthon, Maladies rares en médecine d’urgence
ISBN : 978-2-8178-0349-4, © Springer-Verlag Paris 2013
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Les mécanismes à lorigine des MAI sont variés. En labsence de
toute pathologie, il existe chez lindividu sain des lymphocytes B
et des lymphocytes T autoréactifs, ainsi que des autoanticorps.
Lapparition de manifestations auto-immunes est en règle la consé-
quence dun défaut de vigilance/contrôle du système immuni-
taire entraînant une rupture de tolérance vis-à-vis des antigènes
du soi. Il peut sagir dun déficit quantitatif ou qualitatif de cer-
taines populations de lymphocytes dont le rôle est de réguler le
système immunitaire (les lymphocytes T régulateurs ou Treg) ou
de l’émergence dun clone lymphocytaire T ou B autoréactif, cest-
à-dire reconnaissant un autoantine.
Il existe divers facteurs favorisant cette rupture de tolérance. On
retrouve souvent un terrain génétique prédisposé : un patient pré-
sentant une MAI a souvent des antécédents familiaux de MAI, et
un patient atteint dune MAI est plus à risque de développer une
autre MAI. À titre dexemple, un patient qui a une thyroïdite auto-
immune ou un diabète de type 1 est plus à risque de développer une
maladie dAddison. Lincidence de certaines MAI varie considéra-
blement en fonction de la population ou de lethnie étudiée. De
même, il existe parfois une forte corrélation entre certains groupes
HLA et lapparition dune MAI comme dans la maladie cœliaque
où plus de 95 % des patients sont porteurs du HLA DQ2 ou DQ8.
Des étudestiquescentes ont mis en évidence des polymor-
phismes de plusieurs gènes impliqués dans le fonctionnement
du système immunitaire qui sont associés avec une ou plusieurs
MAI. On peut mentionner comme exemple le lupus érythéma-
teux systémique (LES) au cours duquel on a mis en évidence des
polymorphismes de plusieurs gènes, notamment impliqués dans
la voie des interférons de type I comme IRF5 et dans la voie de la
transduction du signal du récepteur lymphocytaire B ou T comme
PTPN22 [1, 2]. Dautres facteurs favorisants, notamment environ-
nementaux, sont impliqués à la fois dans la survenue des MAI (par
exemple la silice pour la scrodermie systémique [ScS]) [3] et dans
le déclenchement de pouses (comme les rayons ultraviolets pour
le LES) [4]. Des toxiques et des médicaments peuvent favoriser
certaines MAI comme on peut le voir dans le LES induit. Les fac-
teurs hormonaux sont probablement également importants, même
si cela na pas été formellement démontré, comme le suggèrent la
prédominance féminine des personnes atteintes de MAI, laggra-
vation de certaines MAI lors de la grossesse et la diminution habi-
tuelle de l’incidence après la ménopause. Les facteurs infectieux
sont souvent retrouvés comme facteur déclenchant d’une MAI. Il
s’agît parfois même duncanisme majeur du fait dun mi-
tisme moléculaire entre antigène du pathogène et antigène du soi.
On peut prendre comme exemple le syndrome de Miller-Fischer,
une forme particulière de syndrome de Guillain-Barré faisant suite
à une infection à Campylobacter jejuni, au cours duquel ont été
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mis en évidence des anticorps anti-gangliosides de type Gq1b qui
reconnaissent à la fois la paroi de C. jejuni et des structures gan-
gliosidiques au niveau des membranes de certaines neurones [5].
Classification de maladies auto-immunes
Critères de classification de Rose et Bona
En 1993, Rose et Bona, reprenant le postulat de Witebsky
de 1957, ont proposé trois types de critères permettant d’établir
lorigine auto-immune dune maladie. Il s’agit de critères directs,
indirects ou circonstanciels (tableau I) [6, 7].
Tableau I – Critères de définition d’une maladie auto-immune (d’après Rose et Bona).
1. Critère
direct
Le critère direct est représenté par le transfert direct de la
maladie d’un être humain à un autre ou de l’homme à l’animal
(le receveur doit posséder un système immunitaire fonctionnel).
2. Critères
indirects
Les critères indirects, en faveur du caractère auto-immun d’une
maladie, sont observés grâce aux modèles animaux développant
des maladies ayant des caractéristiques cliniques identiques ou
proches de celles observées chez l’homme.
3. Critères
circonstanciels
Ils définissent l’ensemble des données cliniques ou
expérimentales soulignant le caractère auto-immun d’une
maladie sans apporter la véritable preuve, comme la
caractérisation d’une réaction auto-immune spécifique, ou
l’activation de lymphocytes T en culture par un autoantigène.
Le critère direct nécessite la transmissibilité directe des lésions
caractéristiques de la maladie d’un être humain à un autre ou de
lhomme à lanimal (tableau II). Ainsi, l’injection de sérum dun
patient atteint dun purpura thrombopénique immunologique
(PTI) à un sujet sain a entraîné l’apparition dune thrombopénie
auto-immune chez ce dernier. Un mode de transfert particulier
consiste en un passage des autoanticorps à travers le placenta en
fin de grossesse, entraînant un transfert de la maladie de la mère
au fœtus et/ou au nouveau-né comme au cours de la myastnie ou
de la maladie de Basedow. Dans certaines maladies bulleuses cuta-
nées auto-immunes, le transfert danticorps de lhomme à la souris
permet de transférer la maladie à la souris. Enfin, certaines MAI
comme le diabète de type I peuvent être transmises à loccasion
dune allogreffe de moelle osseuse. Dans la très grande majorité
des cas, seules des MAI spécifiques dorganes remplissent le critère
direct.
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Tableau II – Exemple de maladies auto-immunes ayant été transférées d’un individu
à un autre.
Maladies Mécanismes
impliqués Donneurs Receveurs Méthode
de transfert
PTI autoanticorps homme homme perfusion
de sérum
Maladie de Basedow,
Myasthénie aiguë
PTI
MPA
Pemphigus vulgaire,
lupus cutané néonatal
BAV congénital associé
aux anticorps anti-SSA
autoanticorps mère fœtus transplacentaire
Pemphigus vulgaire
Pemphigoïde bulleuse autoanticorps homme animal perfusion
de sérum
PTI
Thyroïdite de Hashimoto
Myasthénie aiguë
Diabète de type I
lymphocytes
autoréactifs homme homme allogreffe
de moelle
osseuse
BAV : bloc auriculo-ventriculaire ; MPA : polyangéite microscopique ; PTI : purpura thrombopénique
immunologique ; SSA : sicca syndrome A.
Le critère indirect consiste à reproduire dans un modèle animal
une MAI ayant des caractéristiques cliniques identiques ou proches
de celles observées chez lhomme. Lune des méthodes consiste à
isoler l’autoantigène cible dune MAI, et à réaliser une immuni-
sation expérimentale de l’animal contre lautoantigène équiva-
lent. Beaucoup de MAI répondent à ce critère. Entre autres, on
peut citer larthrite induite par le collagène de type II responsable
dun tableau proche de la polyarthrite rhumatoïde chez la souris
et lencéphalomyélite aiguë expérimentale induite par la protéine
basique de la myéline reproduisant chez le rat ou la souris une
sclérose en plaque (SEP).
Les critères circonstanciels consistent en la mise en évidence d’un
effecteur auto-immun, quil sagisse dun autoanticorps, dun clone
lymphocytaire B ou T orientant vers une hypothèse auto-immune
dune pathologie sans apporter la preuve du caractère pathogène
de cet effecteur.
Maladies auto-immunes systémiques et spécifiques d’organe
On distingue classiquement les MAI systémiques et les MAI
spécifiques dorgane. Les MAI spécifiques dorgane sont carac-
térisées par une réaction immunologique dirigée spécifiquement
contre un organe ou un tissu cible (par exemple, la maladie de
Biermer dont lorgane cible est la muqueuse gastrique, l’anémie
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hémolytique auto-immune dont la cible est le globule rouge, ou le
syndrome de Goodpasture lorsque les anticorps sont dirigés contre
le collagène de type IV, présent à la fois dans la membrane basale
glomérulaire et alvéolo-capillaire, réalisant le syndrome pneumo-
rénal). Les principales MAI spécifiques dorgane figurent dans le
tableau III. Au cours des MAI non spécifiques dorgane, ou MAI
systémiques, le processus auto-immun est dirigé vis vis de mul-
tiples organes ou de structures antigéniques retrouvées dans de
nombreux organes. Dans ce groupe, on trouve en particulier les
vascularites et les connectivites dont le chef de file est le LES.
Maladies auto-immunes spécifiques dorgane
Les mécanismes daction dans les MAI spécifiques dorgane sont
variés, faisant appel à limmunité limmunité humorale et/ou cel-
lulaire aboutissant à la destruction ou la dysfonction dun tissu ou
dun organe cible. Les organes cibles sont le plus fréquemment les
glandes endocrines, les éléments figurés du sang, le tissu conjonctif
(peau essentiellement) et le système nerveux. Il peut sagir dune
insuffisance de fonctionnement dun organe, notamment dune
glande endocrine comme dans la thyroïdite de Hashimoto, ou d’une
stimulation de sa fonction comme dans la thyrdite de Basedow.
Il est fréquent que des MAI spécifiques dorgane s’associent chez un
même patient, ou que l’on retrouve des antécédents familiaux dune
ou plusieurs MAI. Des associations de MAI spécifiques dorgane
peuvent parfois sintégrer dans le cadre dune véritable polyendro-
crinopathie auto-immune (PEAI). Un cas particulier est la PEAI
de type 1 ou syndrome APECED associant une PEAI (maladie
d’Addison, hypoparathyroïdie, diabète de type 1), une candidose
et une dystrophie ectodermique survenant chez lenfant. Il s’agit-
dune maladie monogénique par mutation du gène codant pour la
protéine AIRE (Autoimmune Regulator) dont le rôle est dactiver la
transcription des antigènes du soi qui seront présentés par les cellules
épithéliales thymiques lors de la sélection négative des lymphocytes
T autoréactifs dans le thymus (mécanisme de tolérance centrale).
La mutation du gène AIRE, en empêchant la sélection négative des
lymphocytes T autoréactifs est responsable de la survenue de plu-
sieurs MAI spécifiques dorgane [8, 9]. Un autre modèle de mutation
monogénique responsable dune association de MAI est le syndrome
IPEX (immunodérégulation, poly-endocrinopathie, entéropathie
auto-immune, liées au chromosome X) qui se manifeste chez de
jeunes enfants de sexe masculin. La mutation du gène FOXP3 situé
sur le chromosome X est responsable de la maladie [10, 11]. Ce gène
code pour un facteur de transcription indispensable au développe-
ment des lymphocytes T régulateurs, dont le défaut est à lorigine
des très nombreuses MAI chez ces patients [12].
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