Cairn-Transmission transgénérationnelle des traits acquis par épigénétique

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TRANSMISSION TRANSGÉNÉRATIONNELLE DES TRAITS ACQUIS PAR
L'ÉPIGÉNÉTIQUE
Pauline Monhonval, Françoise Lotstra
De Boeck Supérieur | « Cahiers de psychologie clinique »
2014/2 n° 43 | pages 29 à 42
ISSN 1370-074X
ISBN 9782804189853
DOI 10.3917/cpc.043.0029
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2014-2-page-29.htm
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DOI: 10.3917/cpc.043.0029
TRANSMISSION TRANS-
GÉNÉRATIONNELLE
DES TRAITS ACQUIS
PAR L’ÉPIGÉNÉTIQUE
Pauline MONHONVAL1, Françoise LOTSTRA2
Résumé
La découverte récente des mécanismes épigénétiques
associés au stress précoce permet de questionner sous un nou-
vel angle la question complexe de l’étiologie des maladies
mentales ainsi que la transmission transgénérationnelle des
traits acquis. Cet article qui vise à informer les profession-
nels de la santé mentale passe en revue les données les plus
actuelles sur ce sujet.
mots-clés
épigénétique, héritage, transgénérationnel, stress
précoce, syndrome de stress post traumatique.
AbstRAct
The recent discovery of epigenetic mechanisms as-
sociated to early life stress address the complex question of
etiology of mental diseases and transgenerational inheritance
of acquired features. This article aims to inform mental health
professionals looking over more current datas on the subject.
KeywoRds
epigenetics, inheritance, transgenerational, early
life stress, post traumatic stress disorder.
1 Pauline Monhonval
est médecin assistante
en psychiatrie et
travaille au CHUV à
Lausanne. Pauline.
2 Françoise Lotstra
est professeur de
l’Université Libre de
Bruxelles, 119 av F.D.
Roosevelt Bte 9,
Bruxelles 1050.
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30 Transmission trans générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
Introduction
Des données épidémiologiques soutiennent la participation
de composants héréditaires dans la survenue des maladies
mentales. À l’heure actuelle, aucun gène n’a été identifié et
la génétique de ces maladies s’annonce bien plus complexe
qu’elle ne le fut annoncée dans les années septante. Les
études sur l’identification de gènes soi-disant responsables de
la maniaco-dépression et de la schizophrénie se sont avérées
non reproductibles par des techniques de biologie moléculaire
de plus en plus précises. Prudents, les généticiens préfèrent
utiliser le terme de gènes candidats et seule une combinai-
son de milliers d’allèles serait nécessaire à l’émergence de la
maladie. En ce qui concerne la schizophrénie, des facteurs de
risque précoces et tardifs ont été clairement établis.
Le manque de compréhension de l’étiopathogénie des
maladies mentales constitue un obstacle pour la clinique, car
la catégorisation des troubles et la désignation de facteurs de
susceptibilité ou de marqueurs diagnostiques s’en trouvent
compliquées. Le fréquent renouvellement des manuels de
classification des maladies mentales et les débats complexes
qui y sont associés témoignent par ailleurs de cette lacune.
Si les facteurs génétiques ne suffisent pas à expliquer
l’étiologie des troubles mentaux, la découverte récente de
mécanismes épigénétiques a ouvert un nouveau champ de
recherche qui pourrait offrir des éléments de réponse à cette
question. Les résultats les plus parlants seront abordés dans
cet article. Ceux-ci concernent principalement le stress pré-
coce et le syndrome de stress post traumatique.
Qu’est-ce que l’épigénétique ?
L’épigénétique est généralement définie comme l’ensemble
des modifications de l’expression d’un gène sans que la sé-
quence d’ADN de ce gène ne soit modifiée. Elle fait l’objet
de nombreuses recherches, qui ont commencé en biolo-
gie puis se sont étendues en médecine dans des domaines
comme la cancérologie, l’endocrinologie, la neurologie et
la psychiatrie.
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Transmission trans générationnelle des traits acquis par l’épigénétique 31
Mécanismes épigénétiques
Les mécanismes épigénétiques sont des régulateurs dyna-
miques de l’expression des gènes. Ils interviennent donc non
pas au niveau de la séquence d’ADN du gène mais au niveau
des processus qui permettent au gène d’être exprimé. Ces pro-
cessus sont la transcription et la traduction. La transcription
est la transformation de l’ADN en ARN, et la traduction est la
transformation de l’ARN en protéine. Les trois mécanismes
épigénétiques les plus étudiés en psychiatrie sont la méthy-
lation de l’ADN, les modifications post-traductionnelles des
histones et la fonction des petits ARN non codants. Il en
existe d’autres qui ne seront pas abordés ici. Voici comment
ces mécanismes sont susceptibles de modifier l’expression
des gènes.
Pour commencer, une méthylation importante au niveau
de l’ADN d’un gène, plus précisément au niveau de la par-
tie promotrice qui se situe à l’avant du gène, peut empêcher
sa liaison aux facteurs de transcription, car les groupements
méthyls se lient à des groupements de protéines, ce qui rend
la chromatine compacte3. Une fois la chromatine conden-
sée, la machinerie transcriptionnelle n’est plus en mesure,
par manque de place, d’approcher le promoteur du gène afin
d’initier la transcription de ce gène, ce qui permettrait son
expression. Le gène reste donc silencieux.
Le second mécanisme épigénétique est caractérisé par des
modifications des protéines histones. Ces réactions chimiques
consistent en liaisons de certains groupements sur ces pro-
téines, notamment des groupements acétyl, mais également
méthyl ou phosphore, qui ont pour conséquence, comme la
méthylation de l’ADN, de moduler l’expression des gènes en
modifiant la structure de la chromatine qui se trouve autour,
permettant ou empêchant l’accès de la machinerie transcrip-
tionnelle à l’ADN, donc permettant ou non la transcription et
donc l’expression du gène.
Enfin, les petits ARNs non codants, qui sont issus de la
transcription de l’ADN mais qui ne sont pas destinés à être
traduits en protéines, sont des séquences d’ARN courtes qui
ont été classées en différents types : les microARNs, les petits
ARNs interférants, les ARNs interagissant avec les protéines
piwi4 et les petits ARNs nucléolaires. Ils régulent des processus
3 La chromatine est
un complexe que l’on
retrouve dans le noyau
de la cellule et qui est
formé d’ADN et de
protéines qui lui sont
associées, histones ou
non histones.
4 Les protéines
piwi sont des
protéines régulatrices
responsables du
maintien d’une
différentiation
incomplète au sein des
cellules souches et d’un
taux de division cellulaire
stable des cellules de la
lignée germinale.
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32 Transmission trans générationnelle des traits acquis par l’épigénétique
transcriptionnels ou traductionnels. Par exemple, les mi-
croARNs régulent l’expression génique par destruction des
ARN messagers dont ils sont complémentaires. L’importance
quantitative et fonctionnelle des petits ARNs non codants a
longtemps été sous-estimée et fait aujourd’hui l’objet de re-
cherches importantes, relatives notamment à leur rôle dans la
régulation de l’expression des gènes.
Epigénétique et psychopathologie
L’existence de mécanismes épigénétiques a été observée dans
différents processus physiologiques, tels que l’apprentissage
et la mémoire à long terme, et étudiée dans une série d’affec-
tions psychiatriques comme les addictions, les troubles an-
xieux, la dépression, le trouble bipolaire, la schizophrénie, ou
encore les troubles alimentaires. À ce stade de la recherche,
les résultats les plus probants concernent les effets du stress
précoce et le syndrome de stress post traumatique.
Epigénétique et résilience
Le stress précoce a un impact démontré tant sur le plan soma-
tique que sur le plan psychique. Il majore le risque de déve-
lopper des troubles cardiovasculaires et métaboliques et favo-
rise le développement de diverses psychopathologies.
De nombreuses études ont cherché à démontrer l’exis-
tence de mécanismes épigénétiques associés à l’apparition de
maladies mentales. Le domaine qui compte les résultats les
plus probants à l’heure actuelle est celui du stress précoce.
Contrairement aux maladies mentales qui sont représentées
comme différents syndromes ou ensembles de symptômes
et qui impliquent donc de multiples variables, le stress est
moins complexe à étudier, dans le sens où les chercheurs
se concentrent sur une seule variable, la réactivité de l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Cet axe est une boucle
de régulation du stress, qui mène d’une part à la production
des glucocorticoïdes, ou cortisol chez l’homme, mais qui peut
également limiter leur production lorsque les taux sont trop
élevés dans le sang, par le biais d’un rétro-contrôle initié par
l’hippocampe qui est une structure cérébrale. Cet équilibrage
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