Chapitre 4 L’analyse financière en avenir incertain Objectif L’analyse financière a évaluer la rentabilité en raisonnant comme si les données du calcul étaient connues avec certitude. Or investir, c’est parier sur l’avenir, c’est donc jouer avec l’incertitude et les données du calcul ne sont que des probabilités. Objectif Le risque affecte la plupart des données prises en considération du fait de l’évolution de la technologie, de l’évolution du marché et des impondérables (guerre, révolution, etc..) Il est donc nécessaire d’intégrer le risque avant tout jugement final Les méthodes Il existe plusieurs méthodes pour intégrer le risque : Certaines méthodes qualifiées d’empiriques tiennent compte du risque sans avoir recours au calcul de probabilité. Elles sont très simples et en général peu satisfaisantes. D’autres techniques utilisent le calcul de probabilité. On peut également utiliser les techniques de simulation ou l’analyse de sensibilité. I. L’analyse de sensibilité L’analyse de sensibilité a pour but de mesurer l’effet sur la rentabilité des variations que peuvent subir les paramètres du calcul. Il s’agit, de retenir divers scénarios probables, en général négatifs, concernant l’évolution de certaines variables et d’en mesurer l’impact sur les indicateurs de rentabilité. I. L’analyse de sensibilité - - Le choix de telles variables peut obéir à deux critères : On choisira les variables les plus difficiles à prévoir Les variables clés pour lesquelles tout erreur d’estimation peut avoir des conséquences fâcheuses compte tenue de la nature du projet. I. L’analyse de sensibilité - - L’analyse de sensibilité permettra à l’évaluateur et au décideur de se faire une idée de la viabilité du projet en considérant à la fois la rentabilité et le risque. Deux possibilités peuvent être prises en considération : La variation d’un seul paramètre, les autres constantes La variation simultanée de plusieurs paramètres. I.1. la prise en compte de la variation d’un seul paramètre On part du principe que la plupart des paramètres sont certains sauf l’un deux susceptibles de subir des fluctuations plus ou moins importantes. Il s’agira alors de mesurer l’incidence éventuelle de ces fluctuations sur la rentabilité du projet. I.1. la prise en compte de la variation d’un seul paramètre Ex: supposons un projet dont le capital investi s’élève à 50 millions. Une étude de marché a conclu à une durée de vie de 6 ans avec un cash flow annuel de 15 millions. En raison de facteurs imprévisibles liés à la réaction de la concurrence et aux variations des goûts de la clientèle, la durée de vie va varier entre 4 et 8 ans I.1. la prise en compte de la variation d’un seul paramètre Si nous supposons un taux d’actualisation de 12%, il nous faut choisir un critère de rentabilité et le calculer pour chaque durée de vie. Si nous retenons comme critère la VAN : On aura ainsi 5 possibilités de VAN correspondants aux 5 possibilités de durée de vie (4, 5, 6, 7, 8) I.1. la prise en compte de la variation d’un seul paramètre n = 4 , VAN = -4450000 n = 5, VAN = 4075000 n = 6, VAN = 11665000 n = 7, VAN = 18460000 n = 8, VAN = 24520000 La matrice de décision aura l’aspect d’un tableau regroupant les divers résultats Durée de vie VAN 4 5 6 7 8 -4450000 4075000 11665000 18460000 24520000 I.1. la prise en compte de la variation d’un seul paramètre La VAN est une fonction croissante de la durée de vie Elle est nulle pour une durée de vie comprise entre 4 et 5 ans Pour 5 ans la VAN est positive mais, elle est suspect parce que quelques mois suffisent pour faire passer le projet dans la zone négative. Une durée de 6 ans donne une marge de sécurité et au-delà la rentabilité est excellente avec l’augmentation de la marge de sécurité I.1. la prise en compte de la variation d’un seul paramètre Le calcul de la dérivée peut donner quelques informations complémentaires : VAN -4450000 4075000 11665000 18460000 24520000 ∆VAN 8525000 7590000 6795000 6060000 ∆n ∆VAN/ ∆n 1 1 1 1 8525000 7590000 6795000 6060000 I.1. la prise en compte de la variation d’un seul paramètre L’accroissement de la VAN est donc de plus en plus lent et chaque accroissement de durée de vie apporte un gain en VAN de plus en plus faible. On peut conclure que la VAN est assez sensible à la durée de vie puisque sur 5 hypothèses de durée de vie, 3 seulement (6, 7 et 8) apportent une assurance de VAN. I.2. prise en compte de la variation de plusieurs paramètres Il s’agit non seulement de tester la sensibilité du projet à la variation de n paramètres, Mais aussi de tester la variable à laquelle le projet est le plus sensible afin de pouvoir agir sur elle. Soit par exemple la matrice de décision qui fait apparaître l’incidence des variations de durée de vie, de quantités vendues et de prix de ventes sur la rentabilité de 3 projets évalués à l’aide du TRI. I.2. prise en compte de la variation de plusieurs paramètres TRI en % Durée de vie Qtés vendues Prix de ventes 4 5 7 50000 150000 200000 900 1000 1050 P1 12 14 16 1 12 15 8 12 13 P2 22 23 24 6 22 25 9 22 24 P3 19 21 23 7 19 22 12 19 21 Coût du financement = taux d’actualisation = 10% I.2. prise en compte de la variation de plusieurs paramètres I.2. prise en compte de la variation de plusieurs paramètres Les variations de durée de vie ne mettent pas en danger la rentabilité des 3 projets. La sensibilité aux quantités vendues est au contraire très forte. Pour un marché de 50000 unités aucun des 3 projets n’est rentable. La sensibilité aux variations du prix de vente est relativement élevée. Le danger de non rentabilité n’apparaît toutefois que pour un prix de 900F pour les projets P1 et P2 I.2. prise en compte de la variation de plusieurs paramètres Ainsi, au vue de cette analyse, P1 devrait être abandonné en raison d’une sensibilité très forte aux quantités vendues. Cette variable doit par ailleurs être surveillée en cas de réalisation des 2 autres projets. En aucun cas, le produit ne doit être vendu en dessous de 1000F I.2. prise en compte de la variation de plusieurs paramètres L’analyse de sensibilité permet de dégager des renseignements précis qui aident l’expert chargé du calcul de rentabilité d’un projet. Cette analyse complète le calcul de rentabilité Un projet qui bénéfice d’une bonne rentabilité et d’une bonne probabilité de rentabilité sera sélectionné si l’analyse de sensibilité lui est favorable. Une analyse défavorable peut annuler au contraire les premiers calculs et remettra le choix en question. II. Le seuil de rentabilité Le seuil de rentabilité (SR) est aussi appelé point mort ou chiffre d’affaire critique. C’est la valeur minimale du chiffre d’affaire à partir de laquelle l’exploitation est rentable. Il correspond donc à un bénéfice nul. Il peut être calculé à partir du volume des ventes avec un prix donné ou d’un niveau de prix à volume de ventes constant. II. Le seuil de rentabilité Le calcul du SR repose sur la décomposition des charges en charges variables et charges fixes. Soit x, le volume de production; F, le montant des coûts fixes; P, le prix de vente et V, les coûts variables par unité de production II. Le seuil de rentabilité Le niveau de production qui détermine le SR est donné par la relation suivante : PX F VX PX - VX F F avec X le SR P-V Le niveau de prix qui détermine le SR est : X F VX F ou P V X X P étant le SR P II. Le seuil de rentabilité NB : lorsqu’il existe des stocks de produits finis, les choses se compliquent et il devient difficile de calculer le SR. Le calcul et l’interprétation du SR ne peuvent se faire que dans le cas des hypothèses suivantes : Le volume de production égale le volume des ventes, Les CE, y compris les frais de personnel et de vente sont fonction de la production; Les charges variables sont proportionnelles au volume de production Généralement, le SR est calculé pour une activité monoproduit, même si on peut généraliser la méthode à une activité multiproduit II. Le seuil de rentabilité - Le SR présente trois caractéristiques : Il est un indicateur de performance Il est un indicateur de risque Il dépend du rapport de proportionnalité entre coûts fixes et coûts variables. II. Le seuil de rentabilité 1-Le SR comme indicateur de performance : Il retrace le niveau d’activité à partir duquel l’exploitation gagne de l’argent. Sa réduction montre une grande capacité de l’exploitation à dégager des bénéfices. II. Le seuil de rentabilité 2-le SR comme indicateur de risque : Plus le SR est élevé, plus l’exploitation court de risque d’être en situation de non bénéficiaire. Il est donc signe d’un faible autofinancement et donc d’une grande dépendance aux différentes apporteurs de capitaux. Pour une activité nouvelle, un SR non atteint fait peser une incertitude sur la rentabilité de l’activité. II. Le seuil de rentabilité Deux aspects sont liés à ce critère comme indicateur de risque: Si l’entreprise en abaissant son SR améliore sa capacité à gagner de l’argent et donc son autonomie financière, elle diminue en même temps son niveau de risque. La mesure de la performance par le SR s’interprète donc aussi comme une mesure du risque; Le SR est un point de repère dont l’entreprise va chercher à s’éloigner. En appréciant sa position par rapport à ce seuil, l’entreprise va mesurer l’évolution de son risque II. Le seuil de rentabilité Il y a bien une double appréciation du SR : L’évolution de son niveau ; L’évolution de l’état entre ce niveau et le chiffre d’affaire de l’entreprise. L’indice de sécurité (IS) permet d’effectuer cette double appréciation : II. Le seuil de rentabilité IS chiffre d' affaire réel - chiffre d' affaire critique chiffre d' affaire réel Le SR en étant indépendant du niveau d’activités réels est en tant que tel une mesure imparfaite du risque. Il est ainsi corrigé par l’IS qui intègre deux aspects : l’évolution de l’activité et l’évolution du seuil critique. Si l’entreprise peut faire évoluer son seuil critique en recherchant à l’abaisser, elle réduira aussi son risque. II. Le seuil de rentabilité 3- le SR dépend de la proportionnalité entre CF et CV: Une réduction des coûts diminue le SR; Par contre une variation simultané des coûts fixes et des coûts variables de manière à maintenir le coût total constant pour un niveau de production donnée, peut se traduire par une baise ou une hausse du SR selon que la situation de l’entreprise est déficitaire ou excédentaire. II. Le seuil de rentabilité SD : si CF augmentent et CV baissent, le SR baisse SD : CF baissent et les CV augmentent, le SR augmente SE : CF baissent et CV augmentent, le SR baisse SE : CF augmentent et CV baissent, le SR augmente. III. L’utilisation du calcul de probabilité L’utilisation du calcul de probabilité permet d’améliorer considérablement les techniques de choix en avenir incertain. Les différents critères de rentabilité seront évalués en travaillant sur des probabilités de cash flow ou de capital investi. Il est alors possible d’associer une série de probabilité aux différentes variables. III. L’utilisation du calcul de probabilité Il existe plusieurs critères de choix en pondérant les gains par les probabilités de réalisation. Illustrations: supposons qu’on ait à choisir entre 2 projets A et B Projet A : l’équipe de projet estime qu’il y a 40% de chance que les coûts soient correctement estimés. La VAN correspondant à cette situation est de 200 millions mais l’équipe estime qu’il y a 60% de chance que les coûts soient sous estimés. La VAN serait alors de 50 millions. III. L’utilisation du calcul de probabilité o Projet B : il y a pour cet investissement 3 éventualités : Une estimation correcte des coûts (85%) : VAN = 100 millions Une surestimation de certains coûts (10%) : VAN = 800 millions Une sous estimation des coûts et un risque de retard de réalisation (5%) : VAN = -500 millions Que choisir A ou B ? III. L’utilisation du calcul de probabilité 1-le critère de l’espérance mathématique : Dans ce cas, on calcul l’espérance de VAN pour chaque projet E(A) = 0,4 x 200 + 0,6 x 50 = 110 millions E(B) = 0,1 x 800 + 0,85 x 100 + 0,05 x (500) = 140 millions L’investissement B dont l’espérance de gain est la plus élevée sera choisi. III. L’utilisation du calcul de probabilité Cette analyse peut se faire à l’aide d’un arbre de décision avec les symboles suivants : VAN = 200 0,4 E(VAN) =110 0,6 VAN = 50 AA 0,1 0,85 B VAN = 800 VAN = 100 0,05 VAN = -500 Une décision peut être prise Le hasard jouera E(VAN) =140 III. L’utilisation du calcul de probabilité 2- le critère du MINIMAX Ce critère consiste à minimiser le risque le plus élevée Pour chaque solution on examine ce qui risque d’arriver au pire et on choisi la décision qui minimise le risque maximum III. L’utilisation du calcul de probabilité 2- le critère du MINIMAX Avec le projet A, au pire des cas, on peut tomber sur une VAN de 50 millions Avec le projet B, au pire des cas, on peut tomber sur une VAN de -500 millions Le projet A ayant le risque le plus faible sera choisi. Démarche pour la prise en compte du risque Lister l’ensemble des risques; Pour chaque risque calculer la gravité (analyse de sensibilité) et estimer la probabilité de réalisation; Calculer un indicateur risque; Prévoir une solution soit préventive soit de secours pour chaque risque. conclusion La décision finale dépendra des résultats des analyses de rentabilité et de risque. Il faut pour cela une équipe compétente, expérimentée et motivée. Faudra alors allier le bon sens à l’intuition et à la personnalité de l’équipe de projet.