Telechargé par whannounoukpo

tourisme beninois une fabrique automatique

publicité
Le tourisme Béninois : Une fabrique automatique ?
Noukpo WHANNOU
Dans un Bénin en proie à une jeunesse désœuvrée, à un moment où nous recherchons des pôles
de croissance supplémentaires,
l’activité touristique peut apporter des réponses idoines, pour peu
qu’on la considère comme une action économique à part entière et non une « fabrique automatique ».
Des prémices du projets de sociétés du candidat Patrice TALON aux déclinaisons du PAG (Programme
d’action du gouvernement) en passants par les balbutiements du premier budget de l’aire de la rupture,
la culture nationale s’est résumée au tourisme. Puis s’est condensée en un tourisme international à
travers quatre (4) puis cinq (5) grands pôles. Une vision qui pourrait se comprendre par la rigueur
qu’imposent le mandat unique et une volonté affichée de donner des résultats probants sur le court
terme. Un engagement à saluer qui a vu aussitôt naitre une agence nationale pour le développement du
tourisme. En tandem avec le ministère de tutelle, les grands pôles sont aujourd’hui connus et les budgets
alloués à leur réalisation estimés pour l’ensemble. Ainsi le tourisme béninois que dis-je la culture
nationale se décline dorénavant comme une fabrique au service d’une élite étrangère hétéroclite. Une
clientèle absolument pas évaluée, ni projetée. A coup sûr, le néotourisme béninois enrichi déjà plus d’un,
au grand malheur du béninois lambda.
S’il est vrai que chacun des projets touristiques du PAG est bon et même très bon dans sa présentation
et dans son objectif, l’approche de leur mise en œuvre gage déjà leur fiasco et ruine dare-dare l’espoir
d’un essor annoncé et longtemps espéré.
Des premiers déploiements de l’ANDT (Agence Nationale pour le Développement du Tourisme) nous
n’avons eu vent d’aucun état des lieux, ni d’étude de faisabilité qui tienne compte des réalités du terrain,
des potentialités des acteurs qui déjà s’investissent dans cette filière, ni d’une vision à moyen et long
terme clairement définie. Le tourisme béninois depuis quelques mois, est mis en branle comme si rien
dans ce secteur n’a jamais été fait ; et l’on a l’impression que même les matières d’œuvres n’ont jamais
existé et devront être créé pour ce faire. En définitive, on ne gardera, avec cette lancée, de notre
culture, de notre patrimoine, de nos différents sites et autres richesses que le nom.
Comment n’a-t-on pas pu trouver au Bénin, deux maîtres d’œuvres agrégés et quelques techniciens
supérieurs en équipement et en génie civile pour assister à la maitrise d’ouvrage de la future cité
lacustre de Ganvié. J’ose espérer qu’un collège de béninois avertis ou quelques jeunes diplômés
absolument désœuvrés seront associés à ce projet afin d’acquérir un peu de cette expertise
mondialement connu pour ce qui est de la montage, c’est certain, mais pas du tout en ingénierie
écologique appliquée aux milieux aquatiques. Nous voilà encore dans le vicieux cercle de la
colonisation qui s’étale tout feu pétillant sur notre culture.
Deux préoccupations majeures, du premier coup ne sautent pas
néotourisme béninois :
à l’œil dans cette lancée du
1
Une relance de l’industrie touristique en marge totale de l’existant et
2
La déshumanisation d’un secteur qui se formalise en une fabrique de produits, avatars
exotiques sans ancrage aucun avec nos traditions ; et ceci même sur les pôles qui apparemment
sont censés intégrer l’offre au plus près des populations.
En effet, quoiqu’étroit et limité, le tourisme béninois existe depuis qu’existe le Bénin. Et c’est à
juste titre que cette année, il a généré sept milliards de franc CFA. Sept milliards générés à la sueur
de ces acteurs traditionnels qui s’efforcent
pour tenir une filière dans laquelle avec tous les
espoirs, et sans accompagnement, je dis aucun, ils s’investissent quotidiennement. Comment un
programme de société s’il est humain puisse se passer de tout cet existant pour nous initier un
nouveau tourisme, déclaré aussitôt déjà, vecteur de croissance et d’emploi, portant la vive ambition
de faire de notre pays une destination touristique de référence. Comme si, ceux qui, depuis des
décennies œuvrent dans le secteur, sont sans ambition et n’y ont jamais créés d’emploi. Même si,
il leur est nié de facto une expertise, l’on ne saurait occulter la longue expérience dont ils jouissent.
Je vois sous cette fondation du tourisme de la rupture, les élans du projet Manioc pour la
reconversion des Zémidjans sous Kérékou et ceux de la promotion de l’agriculture sous YAYI ; où les
vrais acteurs sont laissés en marge de reformes dont nous avons tous vus la portée. Je me tais sur
les milliards du FNPEJ distribué avec le même zèle que nous peinons à recouvrir depuis. Nous
gagnerons sûrement à relever le tourisme béninois de ses sentiers battus, lui apportant l’appui
nécessaire, plutôt qu’à en créer un autre, pour nous forcer à tourner en rond.
Porto-Novo, Ganvié, Ouidah, Allada, Abomey et Nikki. Voici les villes qui rêvent de porter les grands
pôles du Bénin Touristique Révélé. Peut-être devrons-nous oublier Boukoumbé depuis que ses
arbres séculaires ont été froidement abattus et ont entrainé la déchéance de l’Ange de la Culture,
parti nous l’espérons bien avec toutes ses bonifications. Grands pôles qui n’ont rien d’humain si l’on
y prend garde et qui risquent de nous acculturer d’avantage ; certains qu’ils nous vendent
déjà
pour ce que nous ne sommes pas. Voici la fabrique dont je parle. Ce tourisme conçu dans des
laboratoires trop lointains, préfabriqué à l’étranger puis installé dans nos villes historiques pour
récolter les billets de banques de touristes bêtement conduits à l’abattoir d’un exotisme imaginé
pour la circonstance, dans le seul but de faire tourner la planche à billet multiplier les devises à leur
propre compte et non pour l'économie locale et nationale. Avec le sulfureux espoir d’une
communication acérée, capable de faire avaler à nos visiteurs les pythons du temple de Ouidah.
Non, le tourisme est une action économique à part entière ; et le tourisme Béninois, s’il doit être
promu, révélé, se doit d’être traité au même titre que le coton, le port autonome de Cotonou ou les
fonctionnaires du ministère des finances. C’est peu demandé pour les acteurs de cette filière, eux
aussi béninois à part entière, et surtout pour nos enfants, incontestables victimes de cette fabrique
automatique. Tant il leur sera vendu une histoire qui n’est pas la leur, des héros difformes, loin de la
vérité que portent leurs gènes et leur sang. Un tourisme pour nous acculturer au lieu de nous
ressourcer. A moins de garder l’intime certitude de devoir jamais consommer ce que nous même
produisons.
04-11-2017
Téléchargement