Masses kystiques hépatiques : étapes du résonnement diagnostique et étiologies. O. Soussi 1, A. El Ouati1, A. Nejmeddine 1, A. Darif2, H. Tabakh 1, A. Siwane1, N. Touil 1, O. Kacimi1, N. Chikhaoui1. 1 2 Service de Radiologie des Urgences, CHU Ibn Rochd, Casablanca. Service de Gastro-entérologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca. Plan: • Introduction • Orientation diagnostique • Pathologies congénitales Kyste biliaire simple Polykystose hépatique Hamartomes biliaires Kystes péri-biliaires Maladie de Caroli • Pathologies acquises Pathologie tumorale Pathologie infectieuse • Autres étiologies • Conclusion Introduction: Les lésions intra-hépatiques à contenu liquidien sont fréquentes. Leurs étiologies sont différentes et peuvent provenir d’anomalies de développement, être d’origine tumorale, parasitaire, infectieuse ou encore divers. L’analyse doit prendre en compte l’aspect de la lésion, le nombre et la disposition intra-hépatique. Le radiologue doit toujours corréler les résultats de l’imagerie aux données anamnestiques et clinico-biologiques. Orientation diagnostique : L’aspect : Lésion kystique simple : - Contenu liquidien pure. - Paroi fine. - Absence de cloison ou de végétation. Lésion kystique complexe : - Paroi épaisse +/- calcification pariétale. - Végétation ou cloison. - Nodule mural. - Prise de contraste. Orientation diagnostique : Le nombre : Unique Multiple La disposition intra-hépatique: Péri-biliaire. Communication avec les voies biliaires. Pathologies congénitales : 1. Le kyste biliaire simple du foie : La plus fréquente, peut être unique ou multiple. Souvent asymptomatique et de découverte fortuite. Pas de communication avec l’arbre biliaire. Pas de cloison ni de végétation endokystique. Échographie : anéchogène sphérique ou ovale à bords nets, avec renforcement postérieur. TDM : hypodense bien limitée liquidienne. IRM : hyposignal T1, hypersignal T2. Pathologies congénitales : 1. Le kyste biliaire simple du foie : Complications : Hémorragie intra-kystique +++ : • Cloisons fines et mobiles. • Contenu hétérogène, caillots intra-kystiques. • Niveau liquide-liquide (sédiments). • Hypersignal T1 et T2, sans prise de contraste. Dg # (cystadénome biliaire) : rechercher d’autres kystes non remaniés, imagerie ancienne +++ Surinfection (tableau d’abcès hépatique) : paroi épaisse, contenu hétérogène, prise de contraste pariétale. Compression des structures adjacentes : VSH, TP, voies biliaires ... Rupture : dans le péritoine, dans les voies biliaires … T2 FAT SAT T1 avec injection de PDC Kyste biliaire compliqué Kyste biliaire simple IRM en séquences axiales T2 et T1 montrant deux kystes hépatiques : noter l’hypersignal T1 du Kyste biliaire du foie gauche témoignant d’une hémorragie intra-kystique. Pathologies congénitales : 2. Polykystose hépatique : Dans le cadre d’une polykystose hépato-rénale ou isolée. Kystes multiples, diffus, ne communiquant pas avec les voies biliaires. Mêmes caractéristiques qu’un kyste biliaire simple et mêmes complications. Pathologies congénitales : 3. Hamartomes biliaires (complexe de Von Meyenburg): Malformation congénitale de la plaque ductale par prolifération de canaux biliaires dilatés conduisant à des kystes inclus dans un stroma fibreux, ne communiquant pas avec les voies biliaires définitives. artère canal biliaire normal Veine porte Hamartomes biliaires Veine porte Veine porte Veine porte Plaque ductale Pathologies congénitales : 3. Hamartomes biliaires (complexe de Von Meyenburg): Peut dégénérer en cholangiocarcinome. Echographie : multiples lésions arrondies de taille infracentimétrique, hypoéchogènes ou parfois hyperéchogènes (si petite taille). TDM : Multiples lésions hypodenses. Parfois rehaussement d’un nodule mural. IRM : Hyposignal T1, hypersignal T2. Séquence de cholangio-IRM : absence de communication avec les voies biliaires. Séquence de bili-IRM : aspect de ‘’ciel étoilé’’. Parfois rehaussement d’un nodule mural. Multiples lésions hyperéchogènes Hypodense en TDM Hypersignal T2 (FAT SAT) Hyposignal T1 Pathologies congénitales : 4. Kystes péri-biliaires : Survient sur un foie d’hépatopathie chronique. Association fréquente à une polykystose rénale. Due à une dilatation des glandes péri-biliaires (sécrètent la mucine, non visible à l’état normal) par obstruction de leurs canaux. Lésions kystiques adjacentes aux branches droite et gauche du tronc porte, réalisant un aspect en chapelet. Non communiquant avec les voies biliaires. En hyposignal T1 Kystes hypodenses En hypersignal T2 Absence de communication avec les VB Pathologies congénitales : 5. Maladie de Caroli: Malformation congénitale caractérisée par une dilatation kystique des voies biliaires intrahépatiques sans obstacle. Peut être diffuse ou localisée. Syndrome de Caroli = maladie de Caroli + fibrose hépatique congénitale. Echographie : formations kystiques anéchogènes en continuité avec les voies biliaires. IRM : Séquences de cholangio-IRM recherche la communication kystes avec les voies biliaires. Central dot sign (correspond à la branche portale). Utilisation de PDC à excrétion biliaire : confirme la communication. Central dot sign Pathologies congénitales : 5. Maladie de Caroli: Complications : Lithiase des voies biliaires intra-hépatiques. Angiocholite, abcès hépatique, septicémie. Dégénérescence en cholangiocarcinome. Hypertension portale dans le syndrome de Caroli. IRM en séquence T2 axiale et coronale montrant une dilatation kystique des voies biliaires intrahépatiques en rapport avec une maladie de Caroli, compliquée par la formation de lithiases biliaires. Pathologie acquise: 1. Pathologie tumorale : a. Cystadénome biliaire : Tumeur kystique bénigne, prédomine chez la femme. Contenu mucineux ou séreux. Risque de dégénérescence. Pas de communication avec les voies biliaires. Imagerie : Volumineuse lésion multiloculée, à paroi épaisse. Rarement uniloculaire et de petite taille. Contenu liquidien avec cloisons fines. Les locis peuvent avoir des signaux différents selon leur contenu (hypersignal T1 en IRM si hémorragie ou contenu mucineux). Pathologie acquise: 1. Pathologie tumorale : a. Cystadénome biliaire : La TDM et L’IRM recherchent un nodule mural, une prise de contraste pariétale/septale ou une invasion locale faisant suspecter une transformation maligne (cystadénocarcinome biliaire). Diagnostic de certitude : anatomopathologique +++ Cloison et nodule mural rehaussés Pathologie acquise: 1. Pathologie tumorale : b. Tumeur primitive kystisée : Forme rare, survient suite à une nécrose tumorale spontanée ou après chimiothérapie. Carcinome hépatocellulaire / cholangiocarcinome. Chercher une composante tissulaire prenant le contraste ++ c. Métastases kystiques : Rares. Lésions multiples dans un contexte néoplasique. Primitifs : tumeurs endocrines, sarcomes, mélanomes, ADK mucineux du tube digestif, tumeurs germinales… Pathologie acquise: 2. Pathologie infectieuse : a. Abcès à pyogène: Dissémination bactérienne portale, biliaire, artérielle ou par contiguïté. Cliniquement : hépatomégalie douloureuse avec fièvre. Peut être unique ou multiples. Echographie : Phase pré-suppurative : lésion échogène pseudo-tumorale. Phase suppurative : • Collection liquidienne, à contenu hétérogène échogène. • Paroi épaisse, hyperhémique au doppler couleur. • Présence de bulles d’air en cas d’anaérobies. Pathologie acquise: 2. Pathologie infectieuse : a. Abcès à pyogène: TDM : Collection hypodense, à paroi rehaussée avec œdème péri-lésionnel (signe du double halo) +/- bulles d’air. Trouble de perfusion hépatique péri-lésionnel (hyperhémie du parenchyme adjacent au temps tardif). Parfois présence de petites lésions hypodenses en périphérie, confluentes, rehaussées en périphérie (cluster sign). Double ring sign (double halo) Cluster sign Pathologie acquise: 2. Pathologie infectieuse : b. Kyste hydatique : Echinococcus granulosus, contact avec des chiens infestés par le parasite. Sérologie hydatique positive. L’aspect en imagerie est différent selon le stade évolutif. Échographie : Examen de première intention. Absence de flux au doppler couleur pour les masses pseudo-tumorales. IRM : Contenu en hyposignal T1, hypersignal T2. Visualise la paroi en hyposignal T1 et T2, avec rehaussement après injection de gadolinium. Visualise les vésicules filles et les membranes flottantes (signe du nénuphar). Classification (selon l’aspect et le stade évolutif): Classification de Gharbi (échographie) Type I Classification de l’OMS (écho, TDM et IRM) CE 1 Aspect Stade évolutif lésion kystique simple, à paroi fine actif Type II CE 3 a lésion kystique à paroi dédoublée CE 3 b lésion multivésiculaire avec matrice solide Type III Type IV Type V transitionnel CE 2 Lésion multicloisonnée (aspect en nid d’abeilles) CE 4 lésion pseudo-tumorale à contenu hétérogène sans vésicule fille CE 5 masse calcifiée inactif Pathologie acquise: 2. Pathologie infectieuse : c. Abcès amibien : Dissémination portale du parasite Entamoeba Histolytica. Responsable d’une nécrose extensive du parenchyme hépatique. Tableau clinique plus bruyant que celui de l’abcès à pyogène avec syndrome dysentérique. Le plus souvent unique et prédomine en souscapsulaire au niveau du foie droit. Imagerie : mêmes caractéristiques que l’abcès à pyogène. La présence d’un œdème sous-muqueux du bas fond caecal à la TDM oriente vers le diagnostic +++. Pathologie acquise: 2. Pathologie infectieuse : d. Abcès fungique: Chez l’immunodéprimé. Le Candida Albicans est le germe le plus souvent en cause. La biologie peut être trompeuse : taux de leucocyte normale chez un patient ayant une neutropénie L’atteinte splénique est presque toujours associée. Echographie : multiples images hypoéchogènes à centre échogène (aspect en œil de bœuf), infracentimétriques, disséminée au parenchyme hépatique. TDM : lésions hypodenses finement cerclées réalisant un aspect de miliaire. Autres étiologies : 1. Bilome : Survient dans un contexte de traumatisme hépatique. Due à une rupture des voies biliaires formant une cavité qui peut se développer en intra ou en extrahépatique. Imagerie : collection bien limitée, de contours discrètement irréguliers, de contenu liquidien (bile). Absence de cloison ou de calcification. Dilatation avec les voies biliaires parfois associée. Autres étiologies : 2. Hématome : Souvent post traumatique ou post opératoire Peut survenir sur une Tm hépatique : CHC, adénome, angiome Clinique bruyante : DL hypochondre droit, déglobulisation Imagerie : Phase aigue : • Échographie : contenu hétérogène, parfois siège de cloison. • TDM : collection hétérogène, siège d’un contenu spontanément hyperdense (> à 50 UH) avec parfois une extravasation de PDC qui témoigne d’un saignement actif. Phase chronique : l’hématome se liquéfie : collection à contenu liquidien. Références : 1. Delabrousse É, Calame P. TDM des urgences abdominales. 3e éd. Issyles-Moulineaux: Elsevier Masson; 2020. (Imagerie médicale, pratique). 2. Bohrani et al, Cystic Hepatic Lesions: A Review and an Algorithmic Approach, AJR 2014; 203:1192–1204 3. http://onclepaul.fr/wp-content/uploads/2011/07/l%C3%A9sionskystiques-h%C3%A9patiques-DR5.pdf 4. Vilgrain V. Imagerie de l’abdomen, Lésions kystiques du foie : Lavoisier; 2010. 4 : 101 – 116.