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L’intervention sociale d’aide à la personne - Conseil supérieur du travail social 2014

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Henri Pascal
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Éliane Leplay
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Cristina De Robertis
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Collection dirigée par
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ISAP.indb 188
L’intervention
sociale d’aide
à la personne
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ISAP.indb 3
Cristina De Robertis
Rapport du Conseil supérieur du travail social
2014
PRESSES DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SANTÉ PUBLIQUE
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Nouvel avant-propos de
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Toute reproduction, même partielle, à usage collectif de cet ouvrage est strictement interdite sans
autorisation de l’éditeur (loi du 11 mars 1957, code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992).
1 édition, Éditions ENSP
© 1998,
2014,
2
© Cedex édition, Presses de l’EHESP – Avenue du Professeur-Léon-Bernard – CS 74312 – 35043 Rennes
re
e
ISBN : 978-2-8109-0156-2 — ISSN : 1281-5845
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LE PHOTOCOPILLAGE MET EN DANGER L’ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE DES CIRCUITS DU LIVRE.
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Avant-propos
Un rapport fondateur
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Le rapport du Conseil supérieur du travail social (CSTS) que nous présentons ici a été remis au ministre en 1996 et publié ensuite par les Éditions
ENSP en 1998. Depuis cette date, l’intérêt qui lui est porté par des institutions, des professionnels et des étudiants en travail social n’a pas décliné,
son niveau de diffusion n’a jamais faibli. Comment expliquer, plus de quinze
ans après, qu’il garde une telle actualité ? En quoi s’agit-il d’un texte fondateur et précurseur, qui marque une époque et oriente la période suivante ?
Le rapport est le produit des tensions et conflits de son époque : mouvement de grève des assistants de service social en 1991 ; médiation et étude
de la commission présidée, au nom du ministre des affaires sociales, par
M. Blocquaux ; mission « Déontologie du travail social » présidée en 1992
par M. Rosenczveig. Ce fut une période tendue, emplie de malaise et de
transformations, qui a produit un travail constructif avec la commission
d’étude sur les enquêtes sociales animée par Mme Jacqueline Bonneau,
conseillère technique et pédagogique au ministère. Le rapport de cette commission sur les enquêtes sociales propose, parmi ses recommandations, de
« clarifier le cadre conceptuel de l’intervention sociale d’aide individualisée
[car] les concepts de référence n’ont pas fait l’objet d’une réflexion récente
dans un contexte fortement modifié. À l’instar de l’étude qui a été conduite
par une commission du CSTS de 1986 à 1988 sur l’intervention sociale
d’intérêt collectif, il conviendrait d’opérer une démarche similaire pour
l’intervention de caractère individuel. Ce travail pourrait être confié à une
commission du CSTS 1 ». Cette même année 1993, reprenant les termes de ce
rapport, le ministre donne mandat à un groupe de travail du CSTS pour
1. Ministère des affaires sociales et de l’intégration, Direction de l’action sociale, Enquêtes
sociales : fondements et légitimité, rapport de la commission d’étude sur les enquêtes sociales,
1993, p. 73.
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Cristina De Robertis
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mener « une réflexion de clarification du concept de l’intervention sociale
d’aide individuelle ». Ce groupe de travail du CSTS, auquel j’ai participé en
qualité d’expert et membre du comité de rédaction, était placé sous l’autorité
du vice-président du CSTS, Jacques Ladsous, Brigitte Bouquet étant rédacteur principal et François Roche président de la commission ISAP. Le travail
de ce groupe s’est caractérisé par une coopération intense, un va-et-vient
entre conception collective et contributions individuelles, un grand nombre
de personnes et de représentants institutionnels auditionnés. Tout cela pour
aboutir à un texte qui manifeste la richesse du travail, les tensions et contradictions en présence et, finalement, la dynamique de l’ISAP.
Les objectifs de ce rapport étaient :
1. Actualiser les références théoriques et le cadre conceptuel de cette
pratique en tenant compte des changements de la société et des diverses
voies proposées par les sciences sociales.
2. Refonder l’intervention sociale d’aide individuelle, centrée sur les
capacités et les compétences des personnes, présenter le processus dynamique et le déroulé de l’action, ainsi que les conditions requises pour bien
la pratiquer.
Cet avant-propos interroge trois sujets. Tout d’abord, la façon dont ce
rapport repense les fondements de l’intervention individuelle en travail
social et ses principales contributions. Ensuite, les influences et les orientations qu’il a produites et qui ont ensemencé la décennie des années 2000.
Et, finalement, en quoi ce texte reste encore aujourd’hui d’une grande actualité et un outil indispensable dans le renforcement des compétences des
travailleurs sociaux.
Repenser les fondements de l’intervention individuelle
en travail social
Quels ont été les principaux apports de ce rapport et son originalité à
l’époque de sa publication ? Il s’agissait, en effet, de revisiter les concepts et
d’établir des fondements à partir des pratiques et idées existantes dans une
réalité en transformation.
Une nouvelle définition
L’une de ses contributions essentielles a été d’établir une nouvelle appellation pour les pratiques d’intervention individuelle en travail social.
Historiquement, cette méthode d’intervention a eu différentes appellations :
– « service social de cas » à l’époque de Mary Richmond et de la 1re conférence internationale de service social (1928-1930) ;
– « case work » dans les années d’après-guerre lors des formations proposées par les Nations unies au service social européen ;
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Avant-propos
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« L’intervention sociale d’aide à la personne est une démarche volontaire et
interactive, menée par un travailleur social qui met en œuvre des méthodes
participatives avec la personne qui demande ou accepte son aide, dans l’objectif
d’améliorer sa situation, ses rapports avec l’environnement, voire de les transformer.
Cette intervention est mandatée par une institution qui définit, par son champ
légitime de compétence, le public concerné.
L’intervention sociale d’aide à la personne s’appuie sur le respect et la valeur
intrinsèque de chaque personne en tant qu’acteur et sujet de droits et des devoirs 2. »
Un élargissement des professions concernées
Alors que le service social individualisé était une méthode théorisée et
élaborée depuis ses origines par le service social et qu’il figurait parmi les
« savoirs fondateurs 3 » des assistants de service social, le CSTS se propose de
l’étendre à l’ensemble des métiers et professions sociales. Il s’agit donc d’une
tentative d’élargissement pour construire des références communes et transversales aux professionnels du travail social et rendre des méthodes d’intervention éprouvées à la portée de tous.
Ainsi, depuis le décret n° 2009-1084 du 1er septembre 2009 qui réforme
leur diplôme d’État, les conseillères en économie sociale familiale (CESF)
ont, dans leur référentiel, le domaine de compétences « Intervention sociale »
(DC2) dont l’ISAP fait partie. Il s’agit, selon les textes, de « construire avec
la personne un projet individualisé dans le cadre d’un double registre préventif et curatif ». Toutefois, cette transposition ne figure pas dans les nouveaux textes des professions éducatives.
Une actualisation théorique
La commission du CSTS a entrepris un travail considérable d’actualisation théorique de l’ISAP. En effet, cette méthode était jusqu’alors guidée
principalement par les théories psychologiques et psychanalytiques. Les travaux se sont alors orientés vers des références plus sociologiques, notamment
2. Cf. infra l’encadré 1 dans l’introduction.
3. Perrot G., Fournier O., Salomon G.-M., L’intervention clinique en service social.
Les savoirs fondateurs (1920-1965), Rennes, Éditions ENSP, 2006.
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– « aide psycho-sociale individualisée » dans les années 1960-1970 ;
– « service social individualisé » dans le programme d’études de 1980 des
assistants de service social, qui était en vigueur à l’époque de l’élaboration
de ce rapport par le CSTS.
Tout en tenant compte de cette histoire, et afin de donner toute sa place
au concept de « personne », la nouvelle appellation « intervention sociale
d’aide à la personne » (ISAP) a été unanimement retenue par les membres
de la commission et définie dans les termes suivants :
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L’intervention sociale d’aide à la personne
les travaux sur la sociologie du sujet, ayant pour effet d’apporter une
conception plus globale de l’homme en société et de mettre en perspective
les changements sociétaux.
Le droit aussi a été mis à contribution puisque le CSTS s’est appuyé sur
le renforcement des droits des personnes : des chartes internationales telles
que la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) ou celle des
droits de l’enfant (1990), ainsi que des évolutions du droit français de protection des personnes.
Cette mise en perspective des changements sociaux et légaux aboutit à
une autre conception de l’individu défini comme « personne » et comme
« sujet ». Sur ce point, l’approche philosophique apporte matière à réflexion
éthique, car « l’autre » est aussi une préoccupation centrale.
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C’est à partir de cet ensemble de références théoriques revisitées que la
commission du CSTS définit le concept de « personne » : être individuel, unique,
singulier, mais aussi être social lié à ses relations de proximité (famille,
groupes d’appartenance) et à ses relations sociales (organisations, institutions).
Dans cette dualité, la personne existe également dans sa citoyenneté en tant
que membre actif et agissant de la société. Ainsi, le CSTS définit trois formes
d’action correspondantes :
« 1. L’action propre à l’identité de la personne (restructuration, restauration de
l’identité) ;
2. L’action relative au lien social, notamment la fonction d’aide, de médiation,
de négociation particulière au travail social ;
3. L’action en faveur de la citoyenneté 4. »
Se construit ainsi une éthique de conviction qui postule l’obligation
impérieuse de mettre la personne au centre de l’intervention sociale, c’està-dire lui redonner toute sa place de sujet, d’acteur et de décideur. Il s’agit
de travailler avec ses forces, de lui permettre de transformer ses capacités
en compétences et, surtout, de ne pas la rendre responsable et/ou coupable
de ses difficultés. C’est à partir de cette conception de l’autre qu’est présenté,
dans la deuxième partie du rapport, le déroulé de l’ISAP.
Le déroulé de l’ISAP
L’ISAP est un processus dynamique de travail avec la personne. Les étapes
de cette relation, entre un professionnel de l’aide et une personne ayant
besoin de soutien et d’accompagnement, sont présentées dans le chapitre 4,
agrémentées de quelques exemples significatifs. Même si ce déroulé reste
classique par rapport à d’autres textes de l’époque, il officialise une démarche
4. Cf. infra la conclusion du point 2.2.
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Le concept de « personne »
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Avant-propos
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Les conditions d’exercice professionnel
Tout cela requiert des conditions d’exercice spécifiques que le rapport
rappelle dans le chapitre 5. Il souligne l’importance d’un certain nombre de
conditions indispensables pour le bon déroulement de l’ISAP tout en dénonçant les déficiences, incohérences et dérives, constatées dans certaines
institutions, qui peuvent nuire à sa qualité. Des conditions liées au temps
nécessaire pour l’intervention, à la disponibilité et l’ouverture, à l’articulation de l’individuel et du collectif sont indispensables.
Mais encore, le rapport souligne l’importance de la confidentialité des
informations, le respect de la vie privée de la personne et la tâche délicate
de partage des informations au sein d’un travail d’équipe et au bénéfice de
la personne. D’autres questions telles celle de l’informatisation de l’action
sociale ou de la violence à l’encontre des travailleurs sociaux sont soulevées.
Ces problèmes feront d’ailleurs l’objet de travaux ultérieurs du CSTS 5.
Parmi les exigences posées, le rapport affirme que la professionnalité est
indispensable, l’ISAP nécessitant formation et qualification. Les professionnels sont une garantie de qualité d’intervention pour les personnes, même
si d’autres acteurs peuvent aussi être présents dans l’action sociale (bénévoles, nouveaux métiers).
Les formes d’organisation du travail, les moyens techniques disponibles
et les compétences des intervenants doivent être en cohérence avec les
objectifs de l’ISAP.
5. CSTS, Nouvelles technologies de l’information et de la communication et travail social,
Rennes, Éditions ENSP, 2001 ; CSTS, Violence et champ social, Rennes, Éditions ENSP, 2002.
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professionnelle et lui confère une définition authentifiée. Également, dans
cette partie, quelques éléments nouveaux sont étudiés qui correspondent
bien aux évolutions de la société et des problèmes sociaux :
– la rencontre avec la personne est analysée de manière très détaillée,
incluant des considérations sur le lieu de la rencontre et le type de population ou la situation (urgence, autorité) ;
– la question de la non-demande et de l’exigence d’aller vers l’autre,
rarement traitée dans la littérature professionnelle, est abordée ;
– l’évaluation diagnostique, le projet et le contrat avec la personne sont
également analysés.
Une des originalités de ce rapport est qu’il apporte à la fois une analyse
théorique renouvelée, une affirmation des principes éthiques et une opérationnalisation de la démarche dynamique d’aide en articulant les trois dimensions de savoirs : savoir, savoir-être et savoir-faire.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Le rapport L’intervention sociale d’aide à la personne a été à la source
d’un grand nombre de travaux ultérieurs tout au long des années 2000.
Certains rapports du CSTS des mandatures suivantes sont directement issus
des questions qu’il a soulevées ou de ses propositions, comme celles évoquées ci-dessus. De même, d’autres rapports ont constamment fait référence
à celui sur l’ISAP comme fondement et inspiration des nouveaux travaux.
C’est par exemple le cas des rapports publiés en 2007 sur la personne au
centre de l’action sociale et sur les nouveaux visages de la pauvreté 6. Au-delà
des seules études du CSTS, ce rapport sur l’ISAP est de plus cité en référence
dans les travaux d’autres instances officielles telles que le Conseil économique et social 7 ou l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) 8.
Ce rapport du CSTS est à l’origine de divers travaux, réflexions, et même
d’orientations de politique sociale. Son influence s’est plus particulièrement
fait sentir sur quatre sujets : le renouveau de la pensée éthique, la place
centrale des usagers, l’approche intégrative des méthodes d’intervention et
le renouvellement des formations en travail social.
Un renouveau de la pensée éthique en travail social
Initiée avec la mission « Déontologie du travail social » confiée en 1992
par le ministre à M. Rosenczveig, alors magistrat et directeur de l’Institut de
l’enfance et de la famille (IDEF), la réflexion éthique n’a cessé depuis lors de
se développer. Le rapport sur l’ISAP se saisit de cette question et la développe :
toute la conception de la personne et de sa place dans l’action sociale est
directement liée à cette redéfinition de l’éthique du travail social. Cette
question fondamentale a été par la suite confirmée dans les travaux qui ont
vu se prolonger cette recherche de sens et de positionnement.
En 2001, le CSTS publie un rapport sur l’éthique et la déontologie dans
lequel il développe les questions de la confidentialité, du secret professionnel et de la participation des personnes. Il affirme notamment qu’il faut
« développer et faciliter concrètement toutes les formes démocratiques de
participation individuelle et collective des usagers aux actions éducatives
et sociales qui les concernent 9 ». Ce rapport livre ainsi une approche des
6. CSTS, L’usager au centre du travail social, Rennes, Éditions ENSP, 2007 ; CSTS, Le travail social confronté aux nouveaux visages de la pauvreté et de l’exclusion, Rennes, Éditions
ENSP, 2007.
7. Mutations de la société et travail social, avis adopté par le Conseil économique et
social, rapporteur M. Lorthois, Paris, Éditions des Journaux officiels, 2000.
8. Ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, ministère de la santé et
des solidarités, IGAS, L’intervention sociale, un travail de proximité : rapport annuel de
l’IGAS, Paris, La Documentation française, 2006.
9. CSTS, Éthique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux, Rennes,
Éditions ENSP, 2001.
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Orienter les transformations
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Avant-propos
valeurs du travail social et des codifications déontologiques existantes et
émet des vœux pour que les questions éthiques soient davantage prises en
compte par le CSTS. C’est d’ailleurs à partir de ce travail qu’une commission
d’éthique sera créée au sein du CSTS et deviendra par la suite une instance
permanente et confirmée.
En 2003, Brigitte Bouquet, titulaire de la chaire en travail social du
Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et vice-présidente du CSTS,
publie Éthique et travail social, un ouvrage devenu un classique. L’auteure
s’interroge sur l’importance d’une éthique engagée des travailleurs sociaux :
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Revisiter la question éthique devient progressivement un impératif de
l’action sociale : les chartes et principes éthiques sont établis, les commissions d’éthique sont créées dans des institutions, les instances officielles et
les publications sont nombreuses 11.
La place centrale de la personne
En lien avec cette éthique revisitée, la place de la personne dans l’action
sociale est l’un des prolongements le plus affirmés du rapport sur l’ISAP.
L’impératif de mettre les personnes en situation d’être acteurs des interventions
sociales qui les concernent 12, exposé tout au long du texte, va éclairer la
pensée de l’action sociale des années suivantes.
Un nouvel état d’esprit et une conception différente de la personne se
dégagent de ces nouvelles dispositions. Dans ce sens, le rapport sur l’ISAP
a été l’interprète des idées de son temps et les a formalisées. Ces mêmes
options se retrouvent dans d’autres secteurs de la société 13, et plusieurs lois
des années 2000 vont dans le même sens :
– La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médicosociale définit, dans son article 2, les objectifs du secteur dans les termes
suivants : « Promouvoir l’autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, prévenir les exclusions et en corriger
les effets. » Dans la section II de ce texte, l’article 7 est consacré aux « droits
des usagers du secteur social et médico-social », parmi lesquels il est fait mention du libre choix des personnes parmi les prestations proposées, la garantie
10. Bouquet B., Éthique et travail social : une recherche de sens, Paris, Dunod, 2003, 2e éd.
2012, p. 209.
11. Voir « Éthique et déontologie dans les nouveaux contextes », Revue française de service
social, n° 247, 2012.
12. Cf. infra les « propositions générales ».
13. Telle la loi de lutte contre les exclusions adoptée le 9 juillet 1998 qui réaffirme la
garantie d’accès aux droits fondamentaux pour tous.
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« Les travailleurs sociaux ont à être des acteurs engagés. D’une part en posant la
question essentielle de la place du sujet dans son altérité et sa permanence, et interroge (sic) la dynamique en termes de présence ou d’absence, de rôle actif ou de
position d’objet, d’oubli ou de reconnaissance, de normalisation ou d’ouverture 10. »
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de leur accès aux informations et leur participation directe (ou représentée)
à la conception et à la mise en œuvre du projet d’accueil qui les concerne.
– La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et
à la qualité du système de santé est le pendant sanitaire et établit aussi le
respect des droits des malades, les principes de dignité, de non-discrimination, de confidentialité. Le chapitre 2 traite des « droits et responsabilité des
usagers » (être informé, décider, donner son consentement, accéder aux
informations…).
– La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des
chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées consacre
plusieurs articles aux droits des personnes handicapées (droit à la solidarité,
accès aux droits sociaux et aux services dans le cadre ordinaire). La présence
et la participation des représentants des personnes handicapées dans les
instances des établissements sont opérationnalisées.
Toutes ces lois qui structurent le secteur social et médico-social au cours
des années 2000 proposent une approche de la personne à la fois à la source
du droit et détentrice de droits auxquels elle peut prétendre. Ce sont ainsi
les mêmes orientations que celles préconisées par le rapport sur l’ISAP qui
se trouvent affirmées et légalisées.
Le CSTS a, lui aussi, poursuivi son travail sur cette question essentielle
de la place centrale de la personne dans l’action sociale. Deux rapports
significatifs ont été publiés en 2007 qui traitent de cette question :
– dans le premier, L’usager au centre du travail social, il est spécifié que
« l’usager porteur de droits est aussi, comme l’a souligné le rapport du CSTS
sur l’intervention sociale d’aide à la personne, un individu situé dans un
contexte et un environnement. Il porte en lui non seulement une histoire
personnelle, mais aussi une famille, une histoire familiale, une culture et une
histoire sociale, etc. Reconnaître la citoyenneté des usagers, c’est en faire
des interlocuteurs à part entière des politiques sociales et du travail social 14 » ;
– dans les préconisations du second rapport sur la pauvreté et l’exclusion,
nous trouvons également une référence directe au concept de personne :
« Il nous semble d’une impérieuse nécessité que le principe de coproduction
avec les bénéficiaires soit fondamentalement réaffirmé et amplifié dans les
pratiques des travailleurs sociaux 15. »
De plus, ces deux rapports prolongent et complètent leur contribution en
prônant un nouveau positionnement : une posture d’alliance entre le travailleur
social et les personnes, comme ancrage possible de nouvelles pratiques,
comme reconnaissance mutuelle des complémentarités et des savoirs utiles
détenus par chacun.
14. CSTS, L’usager au centre du travail social, op. cit., p. 8.
15. CSTS, Le travail social confronté aux nouveaux visages de la pauvreté et de l’exclusion,
op. cit., p. 117.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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ISAP.indb 13
La prise en compte de la personne comme être individuel et social, comme
sujet et acteur, comme participant actif dans une action partagée avec le
travailleur social où il est le premier concerné, revient constamment dans
d’autres rapports officiels qui, au cours des années suivantes, vont analyser
le travail social et faire des préconisations.
Ainsi, un rapport du Conseil économique et social, dans une section
intitulée « Des bénéficiaires acteurs de leur propre devenir », affirme que
« c’est à partir des attentes du bénéficiaire, de ses problèmes, de la perception
qu’il a de son propre devenir, de ses potentialités visibles ou à faire émerger,
que doit se développer le travail social. Celui-ci devra lui permettre de
devenir l’acteur de sa relation avec la société et de la réappropriation de ses
droits 16 ». Ce rapport poursuit en préconisant d’associer les bénéficiaires dans
l’accès aux droits auxquels ils peuvent prétendre et dans la création ou la
restauration du lien social.
En 2005, un rapport de l’IGAS préconise, lui aussi, la prise en compte
des personnes dans l’action sociale en qualité d’acteurs et le développement
de la participation des usagers dans toutes les instances :
« Dans le même esprit (…) il est nécessaire de faire davantage participer les usagers à la conception et à la mise en œuvre des interventions les concernant.
La participation des usagers est encore relativement peu développée en
France (…). La participation des usagers est désormais affichée comme une orientation constante et une priorité de la législation et des politiques publiques 17. »
Cette conception de la personne (être individuel et social, acteur engagé
dans l’amélioration de sa situation, sujet de droits) avancée par le rapport
sur l’ISAP est devenue une réalité dans les textes législatifs et les rapports
qui orientent l’action sociale. Il s’agit bien d’un ouvrage qui se prolonge,
au-delà de son objectif initial et de son temps, pour ensemencer de nouvelles
recherches et enrichir d’autres réflexions.
Une approche intégrative des méthodes d’intervention
Considérant que toute personne est un être social, et que le travail social
doit venir en aide à la personne mais aussi travailler à récréer le lien social,
le rapport sur l’ISAP a défendu une approche intégrative des méthodes
professionnelles individuelles et collectives.
Les méthodes ISAP et ISIC 18 sont alors considérées complémentaires, articulées, pouvant intervenir de manière simultanée ou successive. La méthodologie d’intervention professionnelle, telle que revisitée dans le rapport sur
16. Mutations de la société et travail social, op. cit.
17. Ministère de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, ministère de la santé et
des solidarités, IGAS, L’intervention sociale, un travail de proximité : rapport annuel de
l’IGAS, op. cit., p. 304-305.
18. Intervention sociale d’intérêt collectif.
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Avant-propos
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L’intervention sociale d’aide à la personne
l’ISAP, a influencé tous les écrits ultérieurs sur le sujet. Pour prendre un
premier exemple, mon livre Méthodologie de l’intervention en travail social 19
a été entièrement mis à jour dans sa nouvelle édition de 2007, avec comme
nouveau sous-titre L’aide à la personne : j’y ai développé des concepts et
postures à la lumière des travaux du CSTS sur l’ISAP.
Ensuite, le lien ISAP-ISIC a été renforcé dans les travaux sur l’ISIC entrepris par le CSTS. Dans sa lettre de mission au rapport Développer et réussir
l’intervention sociale d’intérêt collectif, Valérie Létard, secrétaire d’État chargée de la solidarité, se réfère directement au rapport sur l’ISAP :
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ISAP.indb 14
Dans ses préconisations aux travailleurs sociaux, le rapport les enjoint
à « comprendre et considérer que l’ISAP et l’ISIC sont deux composantes
indissociables du travail social » et « qu’il leur est désormais nécessaire de
maîtriser les deux modes d’intervention pour pouvoir agir de façon efficace 21 ».
Enfin, c’est aussi dans ce sens qu’a été pensé notre livre sur l’ISIC 22 qui
présente une théorisation de cette méthode dans un lien complémentaire,
articulé et interactif avec l’approche individuelle. Les méthodologies et techniques professionnelles constituent une boîte à outils dont le travailleur
social, à partir du diagnostic posé sur la situation des personnes, peut s’emparer de manière personnelle et créative.
Formation et recherche
Les préconisations du rapport sur l’ISAP adressées aux responsables de
formation sont formelles : il est indispensable de former les travailleurs
sociaux à l’ISAP en développant des méthodes pédagogiques participatives,
telles que l’analyse des pratiques et l’alternance avec les terrains de stage,
en vue d’acquérir un savoir-faire suffisant. La qualification des travailleurs
sociaux est conçue comme une formation initiale, permanente et supérieure,
pouvant également inclure des formations d’adaptation à l’emploi. Cet accent
mis sur la qualité de la formation des professionnels est présent tout au long
des travaux, et il est fait plus particulièrement mention de la nécessaire
qualification pour les cadres et de la formation à la recherche.
19. De Robertis C., Méthodologie de l’intervention en travail social : l’aide à la personne,
Paris, Bayard, nouv. éd., 2007.
20. CSTS, Développer et réussir l’intervention sociale d’intérêt collectif, Rennes, Presses
de l’EHESP, 2010, p. 7.
21. Ibid., p. 310.
22. De Robertis C., Orsoni M., Pascal H., Romagnan M., L’intervention sociale d’intérêt
collectif. De la personne au territoire, Rennes, Presses de l’EHESP, 2008.
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« Je souhaite que le CSTS produise un rapport qui soit une référence sur l’intervention sociale d’intérêt collectif, utile aux professionnels et aux étudiants au
même titre que celui sur l’intervention sociale d’aide à la personne (ISAP) 20. »
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ISAP.indb 15
C’est au cours des années 2000 que le ministère procède à la révision de
toutes les formations de travailleurs sociaux. Le premier référentiel professionnel et de formation, en 2004, est celui des assistants de service social.
Les méthodes professionnelles ISAP et ISIC y occupent une place centrale
pour ce qui est de la formation théorique et pratique des étudiants. C’est la
première fois que l’ISAP est nommément et officiellement intégrée à la
formation. Elle le sera aussi dans le référentiel des CESF lors de la réforme
de 2009.
C’est aussi en 2004 que le ministère crée le diplôme de formation pour les
cadres de l’action sociale, le certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement
et de responsable d’unité d’intervention sociale (CAFERUIS). Plus tard seront
revisités les référentiels des formations supérieures : le certificat d’aptitude
aux fonctions de directeur d’établissement social (CAFDES) et le diplôme
d’État d’ingénierie sociale (DEIS). La qualification des cadres et directeurs est
ainsi renforcée comme l’avait souhaité le CSTS dans ses conclusions au
rapport sur l’ISAP.
La promotion de la recherche en travail social a été voulue par la commission ISAP du CSTS qui prône la formation à la recherche traversant tous les
niveaux de la formation et affirme que « la recherche est indispensable pour
la construction des savoirs nécessaires à l’intervention 23 ». D’ailleurs, dès
2001, la première chaire de travail social est créée au CNAM qui développe
la formation supérieure et la recherche. Cette dynamique aboutit en 2013 à
la mise en place, au sein du CNAM, de deux doctorats « spécialité travail
social » pour la première fois en France.
Renforcer les compétences des travailleurs sociaux
Aujourd’hui encore, les travailleurs sociaux et tout particulièrement les
étudiants en travail social puisent dans ce rapport sur l’ISAP les éléments
indispensables pour parfaire leur identité et construire leurs compétences.
Il leur apporte un accès aux sources des transformations de leur formation,
un questionnement pertinent dans un contexte de travail difficile, une
démonstration de professionnalité et d’engagement.
Un accès aux sources
Ce rapport étant à l’origine des changements des programmes d’études,
de la définition des méthodologies professionnelles et des orientations
nouvelles des politiques sociales, sa publication représente un accès aux
sources directes de ces transformations. Il apporte ainsi les bases des réflexions
et des argumentations, permet de comprendre l’historique et l’actualité des
23. Cf. infra les « propositions générales ».
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Avant-propos
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L’intervention sociale d’aide à la personne
fondements revisités à l’époque. Les travailleurs sociaux peuvent alors se
saisir des références, des réflexions et des interrogations pour les transposer
à la situation qui constitue actuellement leur cadre quotidien de travail.
Cet accès aux sources est particulièrement important pour les étudiants
en formation initiale, car il leur permet d’assimiler les bases indispensables
à leur apprentissage et à la construction de leur professionnalité.
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ISAP.indb 16
Le contexte social actuel, déjà esquissé à la fin des années 1990, s’est
fortement détérioré. Les problèmes sociaux constatés à l’époque (chômage,
pauvreté, précarité, exclusion, vieillissement et dépendance, conséquences
des transformations de l’organisation de la famille…) sont toujours une
réalité, même si leurs caractéristiques ont pu évoluer. La population en
souffrance s’adressant au travail social a augmenté et les problèmes auxquels
elle est confrontée se sont diversifiés, parfois aggravés.
Face à ces difficultés accrues, les politiques sociales décentralisées ont
vu, dans le meilleur des cas, leurs moyens stagner et, dans le pire, franchement diminuer dans certains secteurs comme c’est le cas à l’heure actuelle.
Plus de difficultés pour plus de personnes et moins de moyens donnent une
équation explosive qui renvoie, au mieux, à la débrouille et au chacun pour
soi, au pire à la démobilisation et au burn-out.
Pour pallier ces restrictions de moyens et de personnel, les institutions
ont privilégié des orientations de rationalisation, d’organisation managériale, d’accroissement de la charge de travail des professionnels. Ce choix
favorise les procédures bureaucratiques, tend vers un découpage et une
segmentation des problèmes et des tâches susceptibles d’être mesurés. Tout
cela au détriment de l’autonomie des professionnels et de la reconnaissance
de leurs compétences dans l’exercice du travail social. On constate que le
contexte actuel est similaire à celui décrit dans le premier chapitre du rapport sur l’ISAP et que les tendances de fond n’ont guère varié.
L’analyse critique de ces situations de travail, développée par le rapport
sur l’ISAP, reste bien d’une étonnante actualité. Les travailleurs sociaux
d’aujourd’hui y trouveront des arguments, des propositions et recommandations qui leur donneront les armes pour faire face et envisager des issues
possibles. Ces propositions vont dans le sens d’une reconnaissance et une
valorisation des professions. Ainsi, les conditions requises pour bien exercer
l’ISAP rappellent :
– la nécessaire confidentialité, le respect de la vie privée (or aujourd’hui,
des pressions s’exercent qui vont dans le sens de la rupture du secret, du
partage de l’information 24) ;
24. Voir la loi n° 2007-297 relative à la prévention de la délinquance signée le 5 mars 2007.
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Un questionnement dans un contexte de travail difficile
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Avant-propos
– la professionnalité indispensable, c’est-à-dire besoin de formation,
nécessaire autonomie technique, autorégulation de l’espace et du temps, faire
confiance aux professionnels et les reconnaître dans leurs compétences ;
– le besoin de s’inscrire dans une logique d’action-réflexion pour analyser les pratiques et prendre du recul.
Or, le déni de reconnaissance et le défaut de valorisation sont encore
aujourd’hui une doléance quotidienne des professions du social qui se sentent malmenées par les institutions, les conditions de travail et le peu de
moyens à leur disposition pour venir en aide aux personnes en difficulté.
La valorisation du travail social, le rappel qu’il s’agit d’une activité d’intérêt
public, vont de pair avec l’affirmation et la défense des métiers du travail
social, et la promotion de leur décloisonnement et de leur collaboration.
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ISAP.indb 17
Ce rapport sur l’ISAP incite les travailleurs sociaux à faire un retour sur
leurs compétences et les bases (éthiques et méthodologiques) de leur professionnalité. Il les incite à exprimer « leur professionnalité à l’attention de tous
leurs interlocuteurs et partenaires », ce qui implique qu’ils rendent communicables leurs savoirs et savoir-faire, qu’ils les valorisent et les reconnaissent
pour pouvoir les transmettre. Cette affirmation de sa professionnalité doit
provenir des professionnels eux-mêmes avec la conviction que leur rôle est
essentiel dans l’aide et le soutien des personnes en difficulté. Leur capacité
à agir avec inventivité et détermination, à devenir force de proposition dans
l’élaboration de projets, sera reconnue s’ils s’emploient à sa diffusion et sa
mise en valeur.
Quoi de mieux, pour conclure cette présentation, que de reprendre les
vœux du rapport adressés aux professionnels. Le CSTS leur demande d’exercer avec créativité, engagement et innovation :
« La première adresse aux intervenants est de les inviter à oser et s’impliquer,
et agir (…). Ceci impliquerait de :
– ne pas s’arrêter aux premières limites perçues, mais chercher à imaginer tout
ce qui peut être fait dans le cadre des règles et des missions reçues ;
– s’autoriser à utiliser la marge de manœuvre qui leur est confiée — et même à
l’élargir — quand ils contribuent à créer du lien social et de la cohésion sociale ;
– favoriser une dynamique d’organisation collective (groupes, réseaux…) telle
que les personnes et les familles se trouvent dans une perspective de promotion
et de réappropriation de pouvoir sur leur vie ;
– s’impliquer dans l’élaboration de politiques publiques, de projets institutionnels
et de dispositifs (…) 25. »
Des mots qui s’adressent tout à fait aux professionnels et étudiants
d’aujourd’hui.
25. Cf. infra les « propositions générales ».
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Une démonstration de professionnalité et d’engagement
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ISAP.indb 18
Commission de travail du CSTS
« Intervention sociale individualisée »
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ISAP.indb 19
Les membres du groupe
Bernadette Bucelle, membre titulaire du CSTS, représentant la CGT-FO.
Hélène Dolgorouky, membre du CSTS, représentant L’UNIOPSS.
Anne-Marie Ecrepont, membre du CSTS, personnalité qualifiée.
Jean Prezeau, membre titulaire du CSTS, représentant la CGT.
François Roche, membre du CSTS, personnalité qualifiée.
Françoise Vallée, membre suppléant du CSTS, représentant la fédération
Interco CFDT.
Jacques Bergeret, expert, représentant UNITES.
Jean-Marc Berton, expert.
Bernadette Boillon, expert, représentant ATD Quart Monde.
Brigitte Bouquet, expert.
Annie Chardon, expert, représentant la CNAF.
Philippe Cholet, expert, représentant l’UNCASS.
Cristina De Robertis, expert.
Odette Francin, expert, représentant le CNESS.
Hervé Marcillat, expert, représentant les CCMSA.
Georges-Michel Salomon, expert.
Jean-Philippe Paveau, expert.
Jeanine Thomas, expert, représentant le CLFPSTS.
Jacqueline Thomas, expert, représentant l’ANCASS.
Jean-Pierre Trinquier, expert, représentant l’EPTH-GEPSO.
Marie-Laure Vincent, expert, représentant la PJJ, ministère de la Justice.
Ont participé à la première partie des travaux : J.-Y. Gauquelin, F. Lepetit,
G. Pailler, C. Tourette-Turgis, J. Vernhet.
Le comité de rédaction
Sous la direction de François Roche et autour de Brigitte Bouquet, rédacteur
principal : Jacques Bergeret, Philippe Cholet, Cristina De Robertis, Hervé
Marcillat, Jean-Philippe Paveau, Georges-Michel Salomon. Le présent
rapport se présente en deux parties principales de cinq chapitres.
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Composition du groupe de travail
Jacqueline Barincou, présidente, décédée en cours de mandat.
François Roche, vice-président, lui a succédé.
Jacques Ladsous, président du CSTS, a participé fréquemment aux réflexions
du groupe.
Jacqueline Bonneau a représenté la DAS dans le groupe jusqu’en avril 1995.
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ISAP.indb 20
Une première partie a pour objectif de contextualiser les interventions
dans les évolutions de l’action sociale d’aujourd’hui (chapitre 1), et d’actualiser les connaissances théoriques sur la personne et le sujet (chapitre 2) ;
évolutions et connaissances entraînent une nécessaire refondation de l’intervention sociale d’aide à la personne.
Il s’agit dans une deuxième partie de fonder l’intervention sociale sur
la personne et ses capacités (chapitre 3), avant de la présenter comme un
processus (chapitre 4).
Le chapitre 5 montre les conditions requises pour mener à bien la pratique d’intervention sociale d’aide à la personne aujourd’hui.
Des propositions et recommandations concluent le rapport.
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ISAP.indb 21
Le mandat originel
Le présent rapport répond à un mandat et à des attentes multiples.
Le mandat donné en 1993 à un groupe de travail du Conseil supérieur en
travail social (CSTS) par le ministre des affaires sociales était le suivant :
Une réflexion menée sur les « enquêtes sociales » a conduit la commission
chargée de cette étude à dégager parmi ses propositions l’utilité de poursuivre
cette démarche de recherche par la clarification du concept de l’Intervention
sociale d’aide individualisée.
L’Intervention sociale individualisée représente une logique instituée
d’exercice du travail social. Elle fait partie de la compétence des travailleurs
sociaux depuis des décennies et constitue la référence la plus répandue des
cultures professionnelles. Elle est inscrite selon des modes divers dans les
programmes de formation préparant aux diplômes d’État.
Cependant, le contexte d’exercice de cette pratique professionnelle a fortement évolué depuis quelques années, en raison des changements socioéconomiques et culturels qui sont intervenus et de la mise en œuvre de
nouvelles politiques sociales de caractère transversal et territorial, impliquant le développement de pratiques contractuelles et participatives.
Ces politiques ont situé les missions confiées aux travailleurs sociaux
selon les principales orientations suivantes :
– favoriser l’accès aux droits et à la citoyenneté ;
– tendre à la plus grande autonomie possible des personnes ;
– mener des actions de prévention et de promotion des populations ;
– lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;
– favoriser l’insertion sociale et professionnelle.
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Introduction
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ISAP.indb 22
Compte tenu de ce contexte et de ce que les concepts de référence de
l’Intervention sociale individualisée n’ont pas fait l’objet d’une réflexion
récente, le Conseil supérieur du travail social est chargé de faire porter ses
analyses et ses propositions sur les points suivants :
1. La clarification du cadre conceptuel : concepts d’intervention sociale,
d’aide, de conseil, d’accompagnement, d’insertion, d’autonomie/dépendance…
2. Les fondements de cette pratique au niveau de ses références théoriques — compte tenu des évolutions récentes des sciences humaines et
sociales —, philosophiques, éthiques, des systèmes de valeurs des différents
acteurs, en lien avec les travaux de la mission Déontologie en travail social
et de la commission d’étude sur les « enquêtes sociales ».
3. Les méthodes et techniques constitutives du processus de l’intervention
individualisée. Les conditions d’exercice dans les institutions et en exercice
libéral.
4. La dimension individuelle, familiale et de groupe de l’Intervention
sociale individualisée prenant en compte la diversité des cultures, les solidarités naturelles à travers la mobilisation des réseaux de proximité et de
l’entraide possible entre les personnes affrontant un même type de situation.
5. Un essai de définition des spécificités des travailleurs sociaux professionnels et des bénévoles ou militants associatifs dans la mesure où cette
intervention peut être exercée par différents acteurs.
6. La formation nécessaire pour cet exercice — initiale, permanente et supérieure — et l’articulation nécessaire entre formation, action et recherche.
Cette réflexion pourrait être utilement conduite, sinon dans une démarche
d’étude comparative avec les pays de la CEE, du moins dans une perspective
européenne de l’exercice du travail social.
Ce rapport fait également suite à des travaux précédemment menés par
le Conseil supérieur du travail social. À la suite du mouvement des assistants
sociaux de 1991, M. Jean Blocquaux a été chargé par le ministre des affaires
sociales et de l’intégration d’une mission qui a suscité une commission
d’étude sur les enquêtes sociales, coordonnée et animée par Jacqueline
Bonneau. Cette commission a conclu ses travaux par un rapport intitulé
Enquêtes sociales, fondements et légitimité en janvier 1993 qui propose de
prolonger sa réflexion, et en particulier de « clarifier le cadre conceptuel de
l’intervention sociale d’aide individualisée ». Le rapport de situation sociale
mené par les assistants sociaux se situe le plus souvent dans un processus
d’aide individualisée à une personne, une famille ou un groupe.
Les concepts de référence n’ont pas fait l’objet d’une réflexion récente
dans un contexte fortement modifié. À l’instar de l’étude qui a été conduite
par une commission du CSTS de 1986 à 1988 sur l’intervention sociale
d’intérêt collectif, il conviendrait d’opérer une démarche similaire pour
l’intervention « de caractère individuel ».
D’autres travaux ont appelé des développements, même si ceux-ci sont
moins explicitement liés à l’intervention sociale individualisée : c’est le cas
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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ISAP.indb 23
de la mission Déontologie présidée par M. Jean-Pierre Rosenczveig, et dont
le rapport conclu par M. Xavier Dupont en juin 1992, invite à replacer la
déontologie au carrefour des libertés des usagers et des professionnels du
travail social.
Ainsi, la présente contribution est une nouvelle étape dans une suite de
travaux dont le dernier élément est le rapport présenté en avril 1995 par la
mission d’évaluation, sur l’évaluation du dispositif de formation des travailleurs sociaux. Beaucoup de réflexions s’appuient sur ces travaux ou y
renvoient ; elles n’ont d’autre ambition que de poursuivre le mouvement au
sein de l’action sociale.
Par ailleurs, elle n’est qu’une petite contribution à la réflexion générale
sur l’exclusion, terme suremployé, et sur des notions comme le lien social,
l’acteur, la personne… La pensée évolue et le débat général est ouvert.
Ce rapport souhaite alimenter le débat.
Ce rapport répond enfin à un manque de références actualisées sur l’intervention individualisée.
Au départ, c’est l’actualité du travail social qui nécessitait une nouvelle
réflexion : l’exclusion apparaît comme un phénomène grandissant, le « lien
social » est souhaité sous des formes différentes et il apparaît indispensable
de le recréer.
Les sciences sociales proposent des voies très diverses pour rendre compte
de la complexité de la réalité, l’organisation actuelle du travail social, faite
en fonction de nouveaux dispositifs, a obscurci les finalités et déformé les
méthodes d’intervention. Ce sont aussi les travailleurs sociaux qui multiplient les demandes de repères, qui cherchent des issues aux crises dans
lesquelles ils se trouvent. C’est encore plus l’intervention elle-même qui doit
être redéfinie en elle-même, dans son exercice constitutif du travail social,
indépendamment des définitions qui en sont faites par les décideurs de
l’action sociale, par les prescripteurs de l’intervention.
Aussi, ce rapport ne constitue ni une analyse de politiques sociales, ni
un manuel de référence ; il restera centré sur l’intervention sociale, et particulièrement sur l’intervention sociale d’aide à la personne.
De l’intervention sociale individualisée à l’intervention
sociale d’aide à la personne
Le groupe de travail a considéré qu’il convenait de changer l’appellation
de l’intervention. Le bien-fondé de ce changement réside dans une double
nécessité.
– La première est de prendre en compte des formes d’aide apparues au
cours des dernières années de façon significative : on remarque surtout l’aide
à domicile, d’un côté, avec le développement fantastique des activités puis
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Introduction
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ISAP.indb 24
des emplois dans ce domaine, et, d’un autre côté, l’accompagnement des
personnes souffrantes, notamment les malades infectés par le VIH, qui ont
fait redécouvrir le suivi personnalisé et la solidarité des proches.
– La seconde est de tenter d’établir un nouvel énoncé de l’intervention
sociale, ou tout au moins de clarifier une terminologie adaptée à l’action
sociale de la fin du siècle, et utile pour bâtir les perspectives pour l’avenir
en la matière. Afin de poser les termes d’une nouvelle problématique, ce rapport offrira systématiquement des exemples de situations, des citations
d’ouvrages récents et des références théoriques (dans des encarts au fil du
texte) ainsi qu’un glossaire et une bibliographie finalisée, en fin de rapport.
La recherche de nouveauté sera faite en s’appuyant sur les valeurs de référence et sur l’expérience passée qu’il s’agit de revisiter. Il s’agit en effet de
retrouver un fil conducteur pour l’action d’aujourd’hui. Après avoir refondé
l’intervention en recherchant la pertinence et l’adéquation des éléments
fondamentaux et invariants, avec la réalité et l’évolution actuellement
observées, il sera possible de tracer des perspectives.
Une autre raison a motivé ce changement d’appellation de l’intervention
sociale : c’est la volonté de faire une place à l’usager.
Cette place découle d’abord de la prise en considération du rapport usagers-intervenants, où ceux-ci n’existent que par ceux-là, et dans l’échange
enrichissant avec eux. L’intervention n’existe que par l’interaction, l’aide
demandée et apportée, la relation à propos d’une situation.
Qu’ils soient bénévoles ou salariés, tous ceux qui pratiquent une intervention sociale réfléchie, organisée et durable ont beaucoup appris des
usagers et savent en quoi ces apprentissages nourrissent leur pratique et leur
professionnalité. Et l’ensemble des intervenants qui ont choisi d’être intervenants, ne veulent avoir affaire qu’à des sujets. Ils distinguent la personne
du motif originel de leur intervention.
Plusieurs séances de travail ont amené de longs débats entre les membres
du groupe de travail. S’agissant surtout de rappeler la volonté inconditionnelle de servir la personne et les rapports humains, diverses appellations et
formules ont été tentées.
Finalement les membres de la commission ont unanimement retenu
« Intervention sociale d’aide à la personne », pour replacer la personne au
centre, pour poser l’intervention comme un mouvement qui s’origine dans
la personne et doit rester à son service. En prenant en compte les potentialités de la personne, l’intervention sociale doit en effet replacer l’éducatif
dans le social et permettre au sujet d’exercer sa citoyenneté.
Les termes « individualisé » ou « individu » s’opposent trop au terme « collectif » qui a été une référence importante pour l’action sociale. Il ne s’agit
aucunement de recomposer le pendant de l’intervention sociale d’intérêt
collectif, et de faire repartir un quelconque mouvement de balancier.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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ISAP.indb 25
Au contraire, la tendance à l’individualisme dans notre société peut
masquer des éléments importants comme l’attachement aux groupes et
l’inscription dans l’environnement. Le présent rapport propose donc une
approche intégrative qui s’efforce de transcender les clivages. Il propose un
mode d’intervention qui fédère des formes diverses, et qui autorise des
accents divers mis sur le sujet, sur des groupes, sur leur cadre de vie…
La détermination de cette proposition va de pair avec une réelle humilité :
aucun des membres du groupe n’a la prétention de révéler des concepts, ou
de délivrer pour l’avenir de nouvelles références méthodologiques. Mais les
membres de la commission partagent la sereine certitude qu’il convient de
proposer une référence qui dépasse les modes et de conforter ainsi les travailleurs sociaux dans leur action.
Pour actualiser cette appellation « hors mode », le rapport est conclu par
un ensemble de propositions et recommandations concrètes qui sont susceptibles de cimenter les pratiques dispersées des travailleurs sociaux et de
réexprimer les finalités du travail social.
Encadré 1
Notre proposition
L’intervention sociale d’aide à la personne est une démarche volontaire et interactive,
menée par un travailleur social qui met en œuvre des méthodes participatives avec la
personne qui demande ou accepte son aide, dans l’objectif d’améliorer sa situation,
ses rapports avec l’environnement, voire de les transformer.
Cette intervention est mandatée par une institution qui définit, par son champ légitime
de compétence, le public concerné.
L’intervention sociale d’aide à la personne s’appuie sur le respect et la valeur intrinsèque
de chaque personne, en tant qu’acteur et sujet de droits et de devoirs.
Ceci pourrait établir par conséquence une ligne de rupture avec l’intervention définie uniquement à partir de dispositifs généraux, avec la pratique
d’interventions sociales dans lesquelles l’usager n’a pas une place active, ou
avec la recherche de résultats poursuivie sans égard pour les méthodes et
de moyens à mettre en œuvre.
Les recommandations s’adressent aux travailleurs sociaux, au sens le
plus large, et devraient entraîner des présentations multiples et des débats
publics.
L’accord d’un groupe
Le choix de ce changement d’appellation a l’autorité du consensus d’un
groupe composé pour traiter le mandat dans les meilleures conditions et qui
a pris le soin de recueillir et d’intégrer les réactions suscitées par le rapport
intermédiaire.
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Introduction
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Composé de 17 personnes, le groupe de travail a vu son effectif porté
à 25 : 10 membres du CSTS et 15 experts sollicités pour représenter dans le
groupe les logiques de populations et de structures caractéristiques du travail social, capables de mobiliser des réseaux significatifs, et d’articuler les
dimensions individuelles et collectives de l’intervention.
Les membres de la commission ont apporté des expertises complémentaires dans l’effort commun de clarification. Ils ont cumulé des titres divers
pour instruire la question (de l’éducateur spécialisé à la secrétaire générale
de mouvement, en passant par le coordinateur, la chargée de mission, l’ingénieur…) et chacun présentait souvent une expérience professionnelle plurielle.
Ainsi, certains ont apporté des analyses (décryptage des politiques sociales,
analyse des qualifications…) qui ont été confrontées aux pratiques concrètes
relatées par d’autres (à partir d’expériences particulières ou du quotidien de
services, dans le partenariat avec des usagers et des travailleurs sociaux).
Certains représentaient des mouvements (avec leurs valeurs de référence
et des enjeux stratégiques) des organismes ou des syndicats soucieux des
conditions d’exercice du travail social de terrain, tandis que d’autres encore
apportaient leur savoir et leur savoir-faire de formateurs et d’auteurs d’ouvrages (avec des références dans l’histoire des professions et dans diverses disciplines), ou de concepteurs de dispositifs.
Une grande part des membres de la commission connaissait les aspects
territoriaux de l’action sociale qu’ils pratiquaient à divers titres. L’association
des présidents de conseils généraux n’a pas participé aux travaux. La présidente de la commission exerçait la fonction de chargée de mission auprès
du directeur des affaires sociales des Yvelines, après y avoir été conseillère
technique.
Étaient représentés :
– les grands mouvements : APF, ATD, CRF, UNIOPSS ;
– les secteurs de l’aide à domicile : UNADMR, FNADAR ;
– de l’hébergement : EPTH-GEPSO, CHRS ;
– de la protection de l’enfance : PJJ, Sauvegarde ;
– les syndicats et organisations professionnelles : CFDT, CGT, FO, ANCCAS,
CFPS ;
– les employeurs : CAF, MSA, UNCCAS ;
– les centres de formation : CNESS, CLCFPSTS, UNITES.
Organisation des travaux et élaboration collective
du rapport
Les travaux se sont déroulés selon des phases marquées par la santé
déclinante et la mort de Jacqueline Barincou, épaulée puis remplacée par
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Composition du groupe
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François Roche. 15 réunions d’une journée en groupe plénier ont été tenues
du 14 octobre 1993 au 18 janvier 1996 et ont donné lieu à des comptes rendus.
Dans une première phase, les débats ont été orientés par Jacqueline
Barincou, à partir des apports des membres du groupe. L’immersion dans les
problématiques actuelles, la sollicitation des observations et ressources des
membres du groupe, et la dynamique de rapprochement des points de vue,
ont permis de dégager l’objet d’étude. De nombreuses contributions individuelles, la rencontre de représentants de lieux de vie ainsi que des exposés
de membres du groupe ont alimenté la réflexion collective.
Il faut relever ici l’importance pour le groupe, d’une part, de la masse de
sources examinées et d’expériences analysées, et d’autre part, de sa rencontre avec des « personnes » qui connaissaient bien le travail social et ont
pu en parler : de nombreuses citations émaillent le présent rapport ; elles
concrétisent et étayent le raisonnement par la parole des usagers, le témoignage des praticiens ou des références d’auteurs.
Dans une deuxième phase, des travaux en sous-groupes ont été organisés
pour favoriser la productivité du groupe et procéder aux approfondissements nécessaires. La recherche de références a été faite par des discussions
réalisées notamment dans des sous-groupes approfondissant, d’une part,
les principes du travail social et d’autres appuis théoriques, et indiquant
d’autre part, comment peut être conduite l’intervention autour du projet de
la personne.
Il faut remarquer que la seule audition réalisée par le groupe de travail
a été consacrée aux acteurs, personnes venues, en tant que familles et que
militants d’ATD Quart Monde témoigner des interventions sociales telles
qu’elles les vivent, des sentiments qu’elles éprouvent et des réflexions qu’ils
avaient partagées entre eux et qu’ils ont échangées avec le groupe. Il s’agissait en effet de se mettre en situation, face à des personnes concernées, à
l’écoute de la parole des usagers et, en leur faisant place, de vérifier la pertinence des travaux. La démonstration fut probante et l’échange fructueux.
La troisième phase a été consacrée à l’élaboration collective du rapport.
Les travaux dirigés par Jacqueline Barincou, présidente, ont été régulièrement discutés avec Jacqueline Bonneau, Jacques Ladsous et François Roche.
Le sous-groupe des rapporteurs (B. Bouquet, P. Cholet, C. De Robertis,
H. Marcillat, J.-P. Paveau, F. Roche, G.-M. Salomon) complété par J. Bergeret,
J.-M. Berton, A. Chardon, O. Francin, F. Vallée a tenu 4 séances de travail.
L’état du rapport étant assez avancé a pu être remis et présenté au Conseil
supérieur en travail social dans sa séance plénière du 30 juin 1995. Ce rapport de 77 pages était conclu par une invitation à débattre :
« On peut considérer que l’intervention sociale d’aide à la personne est
une formule intégrative qui n’est pas opposable aux interventions sociales
d’intérêt collectif, et qui transcende les méthodes d’intervention se référant
aux individus et aux groupes, parce qu’elle remet la personne et ses capacités au centre de l’intervention.
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Introduction
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Les membres de la commission souhaitent poursuivre leurs travaux à
partir des réactions suscitées par le contenu du présent rapport, auprès de
tous les membres du CSTS, et au sein des organismes qu’ils représentent ou
dont ils sont membres.
Pendant le dernier semestre de travaux avant la remise du rapport final,
la commission examinera en particulier comment l’intervention sociale
d’aide à la personne peut être mise en œuvre aujourd’hui ; elle s’attachera à
répondre aux questionnements les plus actuels relatifs à l’intervention
sociale d’aide à la personne et espère susciter chez chacun de ses acteurs le
renouveau attendu. »
Le groupe souhaitait en effet confronter ses réflexions et propositions aux
jugements, réactions et contributions des organisations et des personnes
composant le Conseil supérieur et entourant les membres du groupe de travail.
Soixante exemplaires du rapport dans son état intermédiaire ont été
diffusés dans ce but aux membres du CSTS (titulaires et suppléants) absents
le 30 juin, et à un ensemble de professionnels et d’experts sollicités par les
membres du groupe.
La quatrième phase des travaux a été marquée par la mort de Jacqueline
Barincou, le 6 octobre 1995.
Le rôle principal a été tenu par un groupe restreint de rédacteurs animé
par François Roche et constitué autour de B. Bouquet, par J. Bergeret, P. Cholet
et G.-M. Salomon (une dizaine de journées de réunion).
En effet, les nombreuses contributions reçues ont provoqué des modifications multiples, et ont amené à restructurer fortement le rapport.
Les contributions reçues émanaient de :
– Membres du CSTS : Mme Hélène Lienhardt, du Conseil régional d’Ilede-France et M. Roland Huguet, du Conseil général du Pas-de-Calais.
– Organismes membres du CSTS et représentés dans le groupe de travail :
CNESS, FNADAR, FO (SNFOCOS), UNIOPSS, UNITES.
– D’experts sollicités : M. Antoine Garapon, magistrat, directeur de l’Institut
des hautes études judiciaires, M. Frédéric Blondel, consultant et sociologue
du laboratoire de changement social, Mme Élisabeth Maurel du GREFOSS,
Mme Verena Meïenberg, assistante sociale.
– De nombreux praticiens et formateurs, d’associations d’aide aux femmes
ou de tutelle aux majeurs protégés, de services de protection de l’enfance,
de centres d’hébergement et de réadaptation sociale, de centres d’alcoologie,
de clubs et équipes de prévention spécialisée, de centres de formation d’éducateurs spécialisés, d’aides médicopsychologiques, d’animateurs socioculturels, d’ingénieurs sociaux, de services sociaux spécialisés, etc. : B. Aimé,
A. Belon, P. Braconnier, N. Cersoy, G. Estienne, B. Favet, A.-M. Gagliardi,
J.-M. Jouffé, M. Lempereur, B. Monnier, D. Perilloux, H. Prévert, S. Roux,
P. Ruston, M. Valiergues.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Introduction
Il résulte des travaux un rapport rédigé à plusieurs et rassemblant les
apports, réflexions et propositions des divers membres du groupe. Le comité
de rédaction a voulu respecter l’intégralité de la production collective, et a
tenté d’homogénéiser les styles. Mais les circonstances l’ont privé du temps
nécessaire pour lisser davantage le rapport final.
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Dans les réflexions du groupe de travail comme dans les contributions,
beaucoup de points à éclaircir et de pistes à poursuivre sont apparus qui
sont proposés comme matière à débat.
Le groupe de travail s’est attaché à dégager des bases consensuelles, à
construire des fondements et à esquisser des perspectives. Les réponses
données aux questions posées par le mandat ne sont aucunement closes.
Le groupe de travail a suivi un mouvement dans lequel il souhaite entraîner tous ceux qui s’intéressent à l’Intervention sociale d’aide à la personne.
En effet, il est parti du travail social et des problématiques des travailleurs
sociaux, pour aboutir à des interpellations à tous les acteurs de la vie sociale,
et à des réflexions générales. Cette tentative d’élargir le débat au-delà des
catégories professionnelles, pour intéresser les bénévoles par exemple, et de
dépasser les conditions d’exercice du travail social pour réfléchir au sens de
l’action sociale mérite semble-t-il d’être poursuivie. C’est, en tout cas, le
processus dans lequel le groupe de travail du Conseil supérieur en travail
social vous invite à entrer.
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Matière à débat
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ISAP.indb 30
première partie
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REFONDER LA PRATIQUE DE L’INTERVENTION
SOCIALE POUR L’AIDE À LA PERSONNE
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chapitre 1
Les pratiques d’action sociale face à l’évolution
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Les sociétés sont devenues de plus en plus complexes, interdépendantes
et fragiles ; prises dans des forces contradictoires, elles doivent faire face à
un défi majeur, celui de l’éclatement du social et de l’exclusion. Ces évolutions de la société affectent fortement les personnes. En effet, l’articulation
société/personne est extrêmement étroite. Aussi, il nous apparaît pertinent
de poser le versus société avant d’envisager le rapport à la personne. C’est
pourquoi ce rapport commence par une analyse de l’évolution des problématiques sociales concernant l’action sociale.
Les politiques sociales et d’action sociale sont un des modes de réponse
de la société aux problèmes sociaux. Comment celles-ci sont-elles interpellées par les évolutions sociales, en quels termes les problématiques sociales
se posent-elles aujourd’hui ? C’est l’objet de ce premier chapitre. Notre objectif est donc de faire comprendre à travers les principaux traits de l’évolution
sociale et les réponses apportées en termes de politiques sociales et institutionnelles, les conséquences qui vont interférer sur les pratiques sociales.
1.1. Des difficultés sociales qui appellent des réactions
« Avec la crise, les politiques sociales ont été confrontées à des défis majeurs,
nouveaux par leur ampleur sinon par leur contenu : l’explosion du chômage,
l’extension de la pauvreté, l’exacerbation des tensions inter-ethniques, la
montée de la délinquance, le développement de la précarité… Autant de défis
qui appelaient des formes d’intervention contrastant singulièrement avec celles
mises en œuvre par le passé. Autant de défis qui ont fortement déstabilisé le
travail social et l’action sociale, traditionnellement en charge des situations de
rupture de lien social », tels étaient les constats exprimés par la commission
Bloch-Lainé dans le cadre des travaux préparatoires au Xe plan.
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des problématiques sociales
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Selon les centres d’hébergement,
il apparaît que les catégories les plus touchées par cette défaillance des réseaux
naturels sont :
– les personnes seules chômeurs de longue durée ;
– les personnes seules suite à un divorce ;
– les personnes seules avec enfant à charge ;
– les jeunes en rupture familiale ;
– les personnes âgées isolées.
La nouvelle question sociale est bien celle de l’exclusion, souvent née
d’un « hors-jeu » économique, et source, comme l’exprime Robert Castel, de
« désaffiliation sociale 1 ». L’exclusion croissante se situe au croisement des
facteurs économiques et sociaux, voire culturels, liés aux mutations actuelles
de la société française.
Le travailleur social est aujourd’hui amené à intervenir dans les séances
ouvertes par cette décomposition-recomposition du tissu social autour de la
personne. Avant d’interroger la pertinence des pratiques professionnelles au
regard de la société actuelle, ce sont les principales mutations complexes et
déstabilisantes les affectant largement qui vont être brièvement rappelées ici.
1.1.1. Chômage, précarité, pauvreté, revenu minimum
d’insertion 2
Aujourd’hui, l’exclusion et la précarité constituent un phénomène multiforme et diffus : de nouvelles catégories d’individus ont pris rang dans les
nouveaux dispositifs, regroupant des situations personnelles toujours originales. Au-delà des différences entre les familles monoparentales, les chômeurs
1. Castel Robert, La métamorphose de la question sociale, Paris, Fayard, 1994.
2. Les données chiffrées présentées au fil de ce chapitre sont issues pour l’essentiel du
Dictionnaire critique d’action sociale, Bayard, « Travail social », 1995.
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Six ans après, la situation générale est tout aussi inquiétante : « le peuple
des pauvres », selon l’expression du Père Wresinski, s’est gonflé de toute une
masse d’exclus récents : jeunes en situation d’échec scolaire, chômeurs,
victimes de handicaps divers liés à l’âge (augmentation des situations de
perte d’autonomie), à la maladie (infection VIH)…
On assiste à une extension grave des situations de souffrance, d’isolement social, de rupture.
Les réseaux relationnels, qu’ils soient familiaux, de voisinage ou autres,
ne présentent plus l’immuabilité ou l’évolution linéaire et prévisible qui les
caractérisaient ces dernières décennies.
Ils s’organisent et se désorganisent autour des valeurs du moment,
connotées prioritairement par l’épanouissement individuel, dans un rapport
au temps et à l’autre profondément bouleversé.
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Les pratiques d’action sociale face à l’évolution des problématiques sociales
de longue durée, les personnes âgées dépendantes, se dessine un trait commun insistant : l’isolement social. Des ruptures de liens avec les réseaux de
sociabilité primaire, mais aussi avec le champ social institué, se révèlent
dans toutes les enquêtes menées auprès des personnes précarisées, en mal
d’insertion.
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Derrière le chômage de masse (environ 12 % de la population française
en 1995), le chômage d’exclusion concerne plus du tiers des sans emploi.
En effet, la moitié de ceux qui s’inscrivent un jour donné à l’ANPE,
quittera l’agence dans les six mois et la majorité ne fera que transiter par le
chômage. En revanche, 15 à 20 % d’une cohorte 3 risquent l’enlisement dans
le chômage d’exclusion repéré à travers le chômage de longue durée. Pour
l’année 1993, le chômage de plus d’un an a progressé de façon continue au
cours des mois, l’ancienneté moyenne des demandes d’emploi passant de
333 à 350 jours. Dans le même temps, la part des chômeurs de longue durée
augmente de 29 à 32 %, l’augmentation la plus forte concernant les personnes inscrites à l’ANPE depuis 2 à 3 ans.
Quelques chiffres concernant la précarité
Un rapport de 1993, remis au ministre des affaires sociales, souligne que
1,4 million de personnes seraient en situation de grande exclusion sociale.
Un autre rapport, élaboré par le Centre d’étude et de recherche sur les coûts
(CERC), révèle que près de 5 millions de personnes sur 25 millions d’actifs
connaissent une situation de précarité professionnelle caractérisée par l’instabilité de leur emploi ou le chômage.
Les noyaux durs de la grande exclusion (chiffres 1992)
– Bénéficiaires du RMI : 575 000 dont 150 000 en grande difficulté.
– Personnes en contrat emploi solidarité : 550 000 dont 250 000 en grande difficulté sociale.
– Personnes en stage de formation : 470 000 dont 120 000 en grande difficulté
sociale.
– Jeunes de moins de 25 ans en grande difficulté dans les dispositifs d’insertion :
200 000.
– Jeunes de moins de 25 ans hors des dispositifs d’insertion : 100 000 dont 40 000
sortant d’établissements sociaux.
– Sans domicile ou ayant de grandes difficultés de logement : 250 000 personnes
ou ménages.
– Personne se trouvant dans l’illettrisme : 3 000 000 dont 1 200 000 immigrés.
– Population pénale : 105 000 dont 30 000 en grande difficulté sociale.
3. Cohorte : ensemble d’individus ayant vécu un événement semblable pendant la même
période de temps (Petit Robert).
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Quelques chiffres concernant le chômage
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L’intervention sociale d’aide à la personne
– Population psychiatrisée : 30 000 personnes en grande difficulté sociale.
– Chômeurs de très longue durée : 900 000 dont 300 000 en grande difficulté
sociale.
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Plus de 1,5 million de foyers et plus de trois millions de personnes ont
bénéficié du RMI entre 1989 et 1993. On dénombrait au 30 juin 1994,
872 189 bénéficiaires du RMI en métropole, soit 2,7 % de la population
métropolitaine. En raison de la crise économique et du fort taux de chômage,
le chiffre des bénéficiaires croît sans cesse, + 18,1 % entre 1992 et 1993 et
+ 21 % entre 1993 et 1994. On observe que la carte du RMI et celle du chômage se superposent.
Depuis 1988, l’État a déboursé 58,91 milliards de francs pour l’allocation
différentielle et 13,77 milliards en financement des mesures pour l’emploi.
Pour leur part, les départements ont contribué à hauteur de 11 322 millions
en crédits d’insertion, frais d’accès à la couverture santé non compris.
Néanmoins, en dépit d’une conjoncture très défavorable, les taux de
sorties du dispositif ne sont pas négligeables : 53 % des bénéficiaires quittent
le RMI au bout de deux ans, 2 sur 3 au bout de trois ans. Seul, reste un
noyau dur de 16 % d’allocataires dès l’origine du dispositif, composé de
personnes souvent désinsérées depuis de longues années.
1.1.2. L’infection VIH
Depuis son apparition en 1981 aux États-Unis, cette maladie a été immédiatement présentée par les médecins comme un fléau collectif menaçant la
société toute entière.
En 1995, bien que l’Organisation mondiale de la santé dénombre officiellement un million de cas de sida (soit une progression de 20 % par rapport
à 1993), elle estime qu’en réalité il y aurait environ 18 millions d’adultes
et 2 millions d’enfants atteints par la maladie. À l’échelle mondiale, l’Europe
apparaît relativement peu atteinte : 500 000 personnes infectées par le virus
VIH et 4 % de cas déclarés.
Cependant, en Europe, la France est le pays le plus touché. Depuis le
début de l’épidémie, 31 344 cas de sida ont été enregistrés en France. 19 000
personnes soit 58,1 % sont décédées. 150 000 personnes sont séropositives.
Le nombre de nouveaux cas diagnostiqués augmente chaque année (+ 5,5 %
entre le 30 juin 1992 et le 30 juin 1994), mais on observe un très léger
tassement de la progression. Les groupes les plus touchés restent les homosexuels (38 % des cas) et les toxicomanes (26 %). Cependant, le nombre de
nouveaux cas chez ces deux groupes est stabilisé, en revanche il augmente
chez les hétérosexuels (17 %) et continue à progresser globalement à un
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Quelques chiffres concernant le revenu minimum d’insertion
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rythme alarmant. On observe que 85 % des cas diagnostiqués et 80 à 90 %
des séropositifs ont entre 20 et 50 ans.
En mars 1993, on estimait à 1 500 le nombre de jeunes de moins de 15
ans séropositifs et entre 25 000 et 40 000 celui des femmes séropositives en
âge de procréer. Les régions de France les plus touchées sont les Antilles, la
Guyane, l’Ile-de-France et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Les fausses
certitudes demeurent quant aux modes de contamination malgré une information de plus en plus généralisée. Les risques de stigmatisation et d’exclusion sont particulièrement importants et un discours de dramatisation/
exclusion tend à se développer.
De l’avis général des médecins, l’un des facteurs de risque réellement
déterminant dans la transmission du virus reste bien la toxicomanie mais
certains analystes concluent à un lien fort entre la pauvreté, l’extension de
l’épidémie et l’environnement économique actuel.
Ainsi, les personnes touchées par l’infection au VIH risquent la stigmatisation liée aux représentations que la population a de la maladie, du mode
de transmission, des groupes cibles mis en évidence par les études épidémiologiques.
Les travailleurs sociaux n’échappent pas à cette pression des représentations qu’ils se font du sida, dans la conception de leur travail, aux plans
scientifique, technique, ou relationnel.
Dans ce contexte de peur, de dramatisation, de catégorisation, comment
ne pas exclure encore davantage les exclus ? Comment reconnaître à la fois la
personne dans toutes ses composantes et l’intérêt collectif de santé publique ?
Mme L. âgée de 35 ans est séropositive
Après un long séjour en hôpital psychiatrique suite à une dépression, elle entre
en Centre d’hébergement et de réinsertion sociale. Avec l’aide de l’équipe, elle
reprend confiance, peut envisager un travail à temps partiel. Une solution de
logement adapté, de type communautaire chez un propriétaire privé, lui permet
de se constituer des relations en dehors du CHRS. Mme L. poursuit aujourd’hui
des séances de psychothérapie et revoit régulièrement ses enfants accueillis en
famille d’accueil.
L’intervention sociale d’aide à la personne prend ici tout son sens pour
garantir le respect et la dignité à chacun.
1.1.3. La famille : mutations et solidarités
« En France, la crise du mariage est d’autant plus forte qu’elle touche une
institution mal adaptée aux nouvelles formes de vie familiale. La fragilité
accrue des unions a entraîné une désaffection des couples pour le mariage
(…). L’accession des femmes à un statut moins directement dépendant de celui
de leur conjoint, notamment par la diffusion du travail salarié, s’est faite
en France sans une remise en cause de la vie en couple et de la maternité :
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Les pratiques d’action sociale face à l’évolution des problématiques sociales
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la crise du mariage en tant qu’institution n’a pas entraîné une crise de
fécondité de même ampleur que dans d’autres pays d’Europe, les cohabitations hors mariage remplaçant progressivement les couples mariés, et les
naissances hors mariage devenant de plus en plus nombreuses 4. »
Ainsi, le groupe de travail de démographes et de sociologues réunis à
l’occasion de l’année internationale de la famille, résume les mutations
profondes qui se traduisent au quotidien par des biographies extrêmement
diversifiées et toujours originales. Il va sans dire que les modes de fonctionnement intra-familiaux s’en trouvent modifiés, et avec eux l’ensemble des
liens familiaux traditionnels ainsi que les rapports entre la famille et les
collectivités.
La famille reste encore de droit et d’usage un territoire privé, et les décisions qui la concernent sont considérées comme relevant de la responsabilité de ses membres. Ceux-là même, cependant, recourent de plus en plus
souvent à des tiers médiateurs pour accéder à leurs droits particuliers ou les
faire reconnaître.
Les familles recomposées en 1990, sont estimées à 600 000.
Le taux de nuptialité est en chute régulière : en 1993, 255 000 unions (6 %
de moins que l’année précédente) ; stabilisation à 254 000 en 1994. Selon l’INSEE,
il s’agit du niveau le plus faible du siècle en temps de paix. On se marie de plus
en plus tard. Une union sur cinq permet de légitimer un ou plusieurs enfants.
Les foyers monoparentaux, en 1990, sont au nombre de 1 176 000, soit 13 %
de l’ensemble des familles avec enfants de moins de 25 ans.
Si les jugements concernant les affaires privées sont recherchés le plus
souvent dans le consensus entre les parties, les procès se multiplient pour
décider de ce qui relevait jusqu’à hier des arbitrages familiaux et de la
gestion « en bon père de famille ».
Les travailleurs sociaux interviennent souvent avec un rôle de tiers
médiateurs dans les situations complexes abordées par les familles dans leur
cheminement. Ils sont alors porteurs de repères, à l’écoute des uns et des
autres, facilitant l’expression et la recherche de compromis négociés au sein
des familles, ou entre les familles et leur environnement.
Le contexte économique frappe de plein fouet l’évolution des familles.
Le modèle familial actuel a émergé dans une société où les conditions matérielles paraissaient assurées, d’une manière durable sinon définitive.
« Cette famille dont les fonctions avaient paru, à tort d’ailleurs, se réduire
à des échanges affectifs et à l’éducation des enfants, voici que tout à coup
elle retrouve une valeur instrumentale lourde : c’est sur elle que pèsera une
partie des conséquences de la crise. L’État est en effet tenté de lui confier
progressivement une part des assurances qu’il assumait jusqu’ici. Les grands
4. La famille à l’orée du XXIe siècle, bilan des réflexions menées dans le cadre de l’année
internationale de la famille, 1994.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Les pratiques d’action sociale face à l’évolution des problématiques sociales
problèmes de l’heure, chômage, sécurité sociale, retraite, sont autant de
raisons de solliciter la solidarité familiale. Tout ce que l’État ne pourra faire,
il faudra bien que, dans la mesure de ses moyens, la famille l’assume. »
Cette évolution des relations matérielles au sein de la famille induit
parfois des effets pervers comme l’illustre la situation ci-après :
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ISAP.indb 39
« À y regarder de plus près, les parcours des familles sont devenus, pour
une part croissante de la population, de plus en plus discontinus et complexes :
ruptures, transitions, recompositions, affectent adultes et enfants. Ce type de
parcours suscite de nouvelles formes d’inégalités individuelles et sociales.
Dans ce contexte, la nécessité semble se faire sentir de trouver, sinon des
modèles familiaux, du moins des repères assez clairs pour inscrire chaque
moment de la vie des individus, dans une continuité porteuse d’identité et
de sens 5. »
1.1.4. L’enfance en danger, un autre révélateur des crises
familiales 6
Les résultats de l’observation conduite par l’ODAS pour l’année 1994
confirment une augmentation importante du nombre d’enfants en danger.
Les hypothèses formulées pour expliquer cette tendance sont de deux ordres :
d’une part la fragilisation sociale des familles et d’autre part un meilleur
repérage des situations.
De façon à disposer d’analyses fiables, l’ODAS a défini clairement les
différents vocables utilisés dans ses études :
– Enfant maltraité : qui est victime de violences physiques, cruauté mentale, abus sexuels, négligences lourdes ayant des conséquences graves sur
son développement physique et psychologique.
5. Année internationale de la famille, op. cit.
6. Les éléments chiffrés de cette partie du rapport sont pour l’essentiel issus de La lettre
de l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée, n° spécial de mai 1995.
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Madame X. veuve de 73 ans, de classe sociale moyenne, a cependant hérité de
biens familiaux substantiels.
Elle a trois enfants mariés ayant chacun une situation confortable. Ces trois
enfants profitent d’une période dépressive de leur mère pour tenter une pression
auprès du médecin afin que Madame X. soit internée en hôpital psychiatrique.
La réalité a été découverte par l’aide à domicile intervenant chez Madame X.,
qui a alerté l’assistante sociale du secteur juste à temps pour éviter le départ de
Madame X. vers l’hôpital.
Le médecin de famille, lui aussi alerté, a pu consolider le maintien à domicile de
la mère et en accord avec les autres intervenants ils ont contribué à l’insertion
de cette personne âgée dans un groupe de retraités à l’extérieur.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
– Enfant en risque : qui connaît des conditions d’existence risquant de
mettre en danger sa santé, sa sécurité, sa moralité, son éducation ou son
entretien mais qui n’est pas pour autant maltraité.
En ce qui concerne les signalements pris en compte dans l’étude, il s’agit
de signalements au sens précis du terme, selon la définition de l’ODAS,
c’est-à-dire : évalués, rédigés, et proposant des mesures, et non pas d’informations reçues de sources multiples (voisinage, familles, associations,
secteur médical ou social).
À noter que sur l’ensemble des signalements, 31 000 ont été transmis
à l’autorité judiciaire en 1994 contre 25 000 en 1992.
On peut lire dans cette évolution une aggravation des situations familiales, mais aussi le constat des limites d’intervention du travail social en
matière de prévention.
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ISAP.indb 40
1992
1994
Nombre d’enfants maltraités
15 000
16 000
Nombre d’enfants en risque
30 000
38 000
Nombre total d’enfants
en danger (selon l’ODAS)
45 000
54 000
La diversité des problèmes à traiter dans les familles violentes ou négligentes, et la complexité du système de protection de l’enfance en danger,
font de la formation permanente des professionnels une nécessité absolue.
1.1.5. Se loger devient un problème pour beaucoup
Bon nombre de centres d’hébergements sont témoins d’une situation
dégradée en matière d’accès au logement. En effet, bien des personnes aux
revenus modestes ne peuvent actuellement bénéficier des attributions de
logements en HLM récents, même lorsqu’une mesure d’accompagnement
leur est proposée dans le cadre du Fonds de solidarité logement.
Le coût du loyer résiduel (une fois toutes les aides déduites), représente
un taux d’effort qui rend impossible leur installation dans un tel logement.
Dans le secteur privé, la situation est encore plus difficile et ce n’est
parfois que la sous-location, dans certains cas communautaire, qui permet
d’accéder à un habitat souvent exigu.
Les dispositifs de logement d’urgence tendent à institutionnaliser un
« sous-droit » et les mesures d’accompagnement social lié au logement masquent parfois un problème de fond qui réside dans l’incohérence entre les
ressources des ménages et le prix des logements quand ils sont localement
disponibles.
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Signalements
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Les pratiques d’action sociale face à l’évolution des problématiques sociales
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ISAP.indb 41
Relogement
Monsieur et Madame W. arrivent à X. C’est un chef-lieu de canton rural excentré
à 80 km de la ville où la famille habitait jusqu’alors. Monsieur est invalide en
1re catégorie et Madame au chômage. Monsieur et Madame W. ont 8 enfants,
tous soignés pour des troubles oculaires importants, nécessitant un traitement
orthoptique et des visites mensuelles en ophtalmologie. La famille a été expulsée
d’un immeuble HLM au centre ville où elle utilisait l’ensemble des services
médico-sociaux à sa disposition ; elle se retrouve aujourd’hui isolée dans une
bourgade mal structurée au plan social, logée dans un pavillon HLM (appartenant à la même société qui l’a expulsée) ouvrant droit à l’APL mais chauffé
à l’électricité. Aucun moyen de transport n’est prévu pour permettre le suivi
médical des enfants et la réinsertion professionnelle de Monsieur W.
Lorsqu’on interroge Monsieur W. sur les conditions de son relogement, il déclare :
« On n’arrivait pas à payer le loyer. Ils nous ont dit qu’on aurait une petite
maison à la campagne et que le loyer serait pris en charge totalement par l’APL.
On ne savait pas où c’était, mais on a signé… »
Le projet d’habitat des familles est alors à construire en prenant en compte
ces logiques d’organismes HLM et en affirmant la place de sujet des personnes dans l’organisation de leur vie.
1.1.6. Une évolution démographique préfigurant
d’autres fractures 7
Si l’on parle souvent du fossé grandissant entre les jeunes et les actifs
dans notre société, c’est sans doute parce que l’inquiétude par rapport à
l’insertion économique prend une place prioritaire dans la cohésion sociale
de notre époque. Pourtant, derrière cette fracture entre deux générations se
profilent d’autres déséquilibres inquiétants, résultats d’une évolution sociétale inéluctable parce qu’inscrite dans notre passé.
Vieillissement : quels place et rôle pour les personnes âgées ?
La France, comme les autres pays européens, subit et subira un vieillissement de l’ensemble de sa population déclenché par une baisse continue de
fécondité depuis un siècle (-10 % entre 1982 et 1990 dans certaines régions
7. Source INSEE.
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On voit par ailleurs avec inquiétude se multiplier ici et là les mises sous
tutelle de familles disposant de revenus très faibles ayant entraîné des situations où le logement constitue une des causes principales d’endettement.
Il est également important de mesurer les répercussions des politiques de
logement mises en œuvre par les offices d’HLM, considérant souvent les
personnes comme objets à répartir, objets à déplacer, groupes-objets à équilibrer pour garantir la paix sociale d’un quartier.
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françaises), et par une accumulation des effectifs de personnes âgées dont
la durée de vie s’allonge régulièrement.
Ainsi, au recensement de 1990, 20 % de la population a plus de 60 ans.
Ce phénomène va s’accélérer au moment de l’accès à la retraite des générations nées en 1946, soit à l’horizon 2006.
Les personnes âgées ne peuvent pas être étudiées comme une catégorie
homogène de population. En effet les très âgés (75 ans et plus) vont prochainement devenir aussi nombreux que leurs cadets et le contraste entre
jeunes retraités autonomes et aînés plus fragiles risque de s’accentuer.
L’action médico-sociale préventive en matière de maladies invalidantes
devient alors une ligne de force à développer sous peine de voir exploser les
conséquences économiques et sociales de ce vieillissement-dépendance accru.
Aujourd’hui, 4 millions de personnes ont plus de 75 ans, soit un tiers des
plus de 60 ans. À noter également la forte proportion de femmes très âgées
(66 % de femmes parmi les plus de 74 ans, dont les deux tiers sont veuves
à compter de 80 ans), souvent isolées de leurs enfants pour cause de mobilité professionnelle de ces derniers.
Le milieu rural est particulièrement touché par ce vieillissement de la
population : 26 départements voient leur population de plus de 60 ans plus
nombreuse que les moins de 20 ans en 1990, il s’agit de régions à dominante
rurale (Limousin, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Corse).
Les conséquences sociales de cette évolution démographique sont encore
largement insoupçonnées. On identifie cependant déjà une nécessaire solvabilisation des personnes dépendantes et l’utilité d’une coordination des
interventions visant à maintenir leur autonomie maximum.
Maintien à domicile
Monsieur Y. est veuf, âgé de 78 ans, il vit à Paris dans un trois pièces cuisine à
l’étage. Handicapé des membres inférieur et supérieur du côté droit après une
hémiplégie, il ne peut plus sortir à l’extérieur mais parvient relativement à
s’assumer entre son lit et son fauteuil.
Le passage quotidien de l’aide-soignant et celui de l’aide à domicile deux fois
par semaine lui permettent de vivre chez lui.
Si ces professionnels n’existaient pas, cet homme serait depuis trois ans à l’hôpital
ou en long séjour médicalisé.
Les deux enfants de M. Y habitent loin de son domicile et téléphonent chaque
semaine au directeur du service pour suivre l’évolution de la santé de leur père.
Une co-animation s’est instaurée autour de ce monsieur dépendant, mais ouvert
à d’autres horizons puisqu’il participe par le biais du service à la rédaction d’une
petite revue interne à l’association.
L’expérimentation de la Prestation dépendance dans 12 départements
concernant jusqu’alors près de 30 % de ressortissants agricoles donnera des
indications quant à l’évolution souhaitable de la politique sociale à mener,
les travailleurs sociaux insistant pour que la personne affirme sa place de
sujet méritant une intervention coordonnée et de qualité.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Par ailleurs, le nombre grandissant de personnes dépendantes nécessitant
une aide de leur famille ou de leurs voisins mérite une attention particulière.
On compte en effet une large proportion de nouveaux retraités qui ont
à leur charge des personnes dépendantes, accompagnants naturels qu’il
convient d’aider à assumer leur mission jusqu’au terme de la vie dans les
meilleures conditions (moins de 10 % seulement des personnes âgées sont
accueillies en établissement).
Aujourd’hui l’augmentation du nombre des personnes âgées d’une part,
la réduction des ressources des collectivités publiques d’autre part, obligent
à réfléchir autrement aux politiques en direction des personnes âgées. Une
récente étude de l’ODAS a montré que la première attente de cette population était la conservation et le développement des relations sociales. Ainsi,
la mise en place d’une économie du vieillissement ne passe pas seulement
par l’attribution d’aides financières ou de la prestation autonomie, mais
aussi par une action sur le cadre de vie et par une intervention sociale de
qualité relationnelle auprès de la personne et concernant ses liens sociaux.
Dans le contexte de l’aide à domicile, le cheminement des deux personnes engagées dans cette relation peut être éclairé par deux remarques :
Celui qui demande de l’aide a généralement pris conscience de la gravité
de sa situation, de l’ampleur de ses incapacités et de sa solitude sociale au
regard des solidarités naturelles et institutionnelles.
Celui qui aide sait qu’il va devoir chercher, par tous les moyens, non pas à
imposer l’aide que son intelligence de la situation lui paraît préconiser, mais à
adapter au plus près possible la réponse à la demande, faute de quoi il encourt
le risque d’échecs répétés. C’est à lui de se plier à la situation et d’ajuster les
moyens d’accompagnement appropriés et non pas au demandeur d’aide.
Une jeunesse en difficulté
La jeunesse est une période de la vie, qui peut se caractériser par le fait
qu’une personne tente alors de construire son identité sociale propre, d’une
part « à partir d’un processus de déconstruction/reconstruction de l’identité
familiale dont il était porteur jusque-là » (M. Foudrignier), et d’autre part
en acquérant la socialisation par l’expérience plus que par la transmission
(O. Galland). Encore faut-il que cela puisse se réaliser.
Or, dans notre société, l’avenir des jeunes est en question. On parle même
d’une « génération sacrifiée ».
Errance
À titre illustratif, il est alarmant de voir que sur 129 509 jeunes accueillis en 1994
par le Secours catholique (18 % de plus par rapport à 1993), les jeunes représentent 19 % de l’ensemble des situations accueillies en 1994, dont 18 % âgés de
18 à 25 ans. 70 % sont sans formation professionnelle, 40 % survivent dans des
logements précaires, 80 % résident en zone urbaine, 9 % sont errants. Pour les
plus en difficulté d’entre eux, ne s’agit-il pas déjà d’une génération « condamnée » ? se demande le Secours catholique.
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Les pratiques d’action sociale face à l’évolution des problématiques sociales
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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* *
*
Au terme de cette première approche, on l’aura compris, ces quelques
points de repères relatifs aux évolutions de notre société n’ont pas un caractère exhaustif mais illustrent les grands courants dans lesquels les personnes
les plus fragiles risquent d’être « aspirées » en perdant le contrôle de leur
destinée. Dès lors, comment remettre la personne au centre ?
Il est donc maintenant important de resituer ces tendances fortes en
perspective avec la façon dont l’État, les collectivités locales et les institutions
sociales structurent leurs interventions, guidés par l’urgence collective des
problèmes à résoudre et par les contraintes organisationnelles à surmonter.
1.2. De l’administration générale de problèmes
à l’organisation territoriale de politique d’action sociale
Face à ces nouvelles problématiques sociales, quelles réponses sociales
apporter ?
Certes, depuis la fin du XIXe siècle, la question sociale puis les problèmes
sociaux ont fait l’objet d’une attention particulière de la part des institutions
dirigeantes de notre pays. Les angles d’approche ont bien sûr varié dans le
temps, les motivations de la puissance publique pour résoudre les difficultés
sociales aussi. D’une assistance liée à une nécessaire paix sociale menacée
par la prolifération de l’indigence, à un contrôle social destiné à assurer un
bon état de la main-d’œuvre industrielle, jusqu’à l’assurance qui devait
couvrir tous les risques dans un consensus négocié entre les partenaires
sociaux, on a vu se construire un appareil social de plus en plus sophistiqué,
de plus en plus complexe où la puissance publique affirmait sa place.
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Comme le dit F. Dubet, les jeunes se décrivent comme étant exclus de
divers marchés : marché scolaire (exclusion de l’intérieur, dans des filières
plus ou moins déconsidérées), marché du travail, marché du logement,
sphère de consommation des biens et de la culture, peu de possibilité de
participation à la vie sociale, etc.
Leur entrée dans la vie active est de plus en plus difficile et tardive, bien
que les politiques d’insertion des jeunes soient mises en place depuis plus
de vingt ans. Le chômage des jeunes a triplé en vingt ans et concerne un
jeune sur dix, entre 15 et 29 ans.
L’emploi salarial se transfère au mieux en emploi d’insertion et le statut
précaire devient dominant. Dans les cités, l’inactivité des jeunes et leur
sentiment d’inutilité peuvent les conduire à la marginalité, voire à la délinquance (drogue, vol, casse, suicide…).
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Les pratiques d’action sociale face à l’évolution des problématiques sociales
Mais à présent, ces difficultés à endiguer l’ampleur des problèmes sociaux,
voire à les résoudre, reposent la question de la pertinence des réponses des
politiques publiques et des institutions. Ce sont celles-ci qui sont ici réinterrogées de façon générique.
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La question sociale reste posée alors qu’il y a crise de l’État Providence ;
on sait que les politiques mises en œuvre jusqu’alors (et particulièrement
celles liées au salariat) ne sont plus suffisamment opérantes face aux nouvelles manifestations de la pauvreté ou de la désaffiliation 8.
Pour résumer le demi-siècle passé, on peut figurer un État directement
en charge de la subsidiarité inscrite dans notre patrimoine juridico-administratif conjugué à un système assurantiel cogéré par le patronat et le
salariat liant la prise en charge de risques sociaux à une inscription de
l’individu dans un système économique.
Chacune avec leur logique, ces deux pratiques sociales (assistance et
assurance) sont remises en cause dès la fin des années 1970, l’une par l’inefficacité de l’État à garantir seul la solidarité autour des plus démunis par des
lois et injonctions ignorant les spécificités locales, l’autre par une impossibilité à garantir de plus en plus de risques avec de moins en moins d’actifs
participant au financement des régimes sociaux.
Dans le même temps, on assiste à une hésitation entre réponses financières et intervention de professionnels (le législateur optant de plus en plus
pour une combinaison des deux, parlant d’accompagnement social autant
de la mesure financière que de la personne), entre crainte des fraudes et de
l’installation dans la passivité et manque d’offre d’insertion.
1.2.2. La mobilisation du local et des territoires
L’administration générale des problèmes sociaux par l’État, les organismes
d’assurance sociale, les grandes institutions de dimension nationale, et les
Villes, n’a pu laisser ignorer que notre société générait chaque jour davantage de complexité dans l’accès à des droits catégoriels, gérés par des
logiques administratives, inévitablement porteuses des rigidités de la bureaucratie. Les personnes en butte à des difficultés sociales ne se retrouvent pas
dans ces systèmes complexes dont les logiques leur échappent.
Forts de cette prise de conscience et impuissants à remédier seuls et d’en
« haut » à cette évolution, l’État et ses principaux partenaires en matière de
politique sociale se sont orientés vers la décentralisation de l’action sociale
8. Castel Robert, « De l’indigence à l’exclusion, la désaffiliation » in Jacques Donzelot
(sous la dir. de), Face à l’exclusion, le modèle français, Esprit, Paris, 1991.
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1.2.1. Assistance et assurance remises en cause
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et la mise en place de dispositifs sociaux nouveaux donnant au local comme
au territoire un rôle premier à jouer dans la réponse aux problématiques
sociales. Dans cette nouvelle donne, la personnalisation des interventions a
pris une importance considérable, articulant la demande et l’offre de lien
social, à la proximité des publics dont la précarité se manifestait de façon
endémique.
– Puisque l’administration nationale était accusée de générer la bureaucratie, de provoquer la sclérose entre les différents domaines de l’action
sociale, d’établir des citadelles construites autour de logiques ministérielles,
alors les nouveaux dispositifs territoriaux sont interministériels, transversaux, territorialisés, pluri-professionnels et pluri-institutionnels.
– Puisque les institutions publiques et privées n’étaient plus à même de
résoudre seules les difficultés menaçant les équilibres sociaux du moment,
les politiques sociales décentralisées ouvrent largement leurs portes à une
société civile qui, lorsqu’elle se matérialise dans l’action, prend mille et un
visages souvent imprévisibles.
Ce changement de cap souhaitable est en cours de réalisation. On peut
comprendre qu’il ne soit pas facile à mettre en œuvre et que les professionnels et tous les acteurs du social soient quelque peu déroutés dans leurs
repères professionnels et institutionnels. Il y a pourtant nécessité de s’engager dans cette nouvelle façon de travailler avec détermination, avec l’espoir
de voir évoluer le contexte social et institutionnel dans lequel leurs pratiques de service public s’inscrivent.
Qu’en est-il, en fait, de la traduction concrète de ces changements d’orientation ? Comment les publics institutionnels et professionnels concernés
s’inscrivent-ils dans ces mutations ? C’est ce que nous allons voir maintenant.
1.2.3. La décentralisation de l’action sociale. Changement
de responsabilités et émergence de nouveaux acteurs
Au lendemain des lois de décentralisation, les départements se voient
chargés de la majeure partie des compétences à exercer dans le champ de
l’action sociale. Ils ont alors à restructurer leurs services et à mobiliser les
moyens d’une réelle élaboration de projets sociaux novateurs, afin de mener
à bien ce que l’État avec son antériorité en la matière n’avait pu lui-même
réaliser totalement. Tenus de mettre en place à la fois les politiques nationales et leurs propres politiques institutionnelles, certains conseils généraux
suivent malheureusement un modèle imparfait, dicté par une organisation
préexistante plutôt que par un diagnostic social départemental pertinent.
Si la règle est d’assumer au mieux les responsabilités confiées par la loi,
d’une manière générale, dans les premières années, trop peu de place a été
laissée à une réflexion de fond permettant de valoriser la spécificité territoriale
dans une action sociale ambitieuse à l’écoute des personnes en difficulté
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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sociale. De plus, le projet de l’État de développer des initiatives mobilisant
l’ensemble des forces vives des départements autour de l’enjeu social est
alors difficile à piloter, chaque conseil général revendiquant sa légitime
liberté pour configurer son action comme il l’entend, parfois sans réel projet,
et sans concertation (dénonciation de conventions).
Par ailleurs, les villes qui n’ont pas ou peu été sollicitées au moment de
la décentralisation, sont confrontées à la nécessité de prendre en charge des
problèmes sociaux prégnants autour desquels elles structurent très diversement leurs interventions (quartiers difficiles, sans domicile fixe, accueil de
population nomade…). Longtemps oubliées par l’action sociale, elles sont à
nouveau mobilisées dans le cadre des dispositifs transversaux initiés par
l’État (Missions locales jeunes, RMI, Loi Besson…). Là encore, les responsables politiques locaux sont hésitants : distribuer des aides financières pour
solvabiliser au minimum les assistés, ou développer des interventions d’aide
à la personne susceptibles de recréer du lien social autour de ces citoyens
en difficulté, ou combiner les deux approches ?
Enfin, d’autres acteurs locaux, associatifs pour la plupart, prennent fortement des initiatives dans le domaine social, apportant leur contribution
indispensable à l’accompagnement social des personnes qui s’adressent à
eux. Cette diversité garantit une variété de réponses possibles aux difficultés
exposées par chaque individu et doit être considérée comme une composante incontournable, avec laquelle l’action sociale moderne doit désormais
compter dans sa mission de service public.
Au fil des changements de responsabilité, de l’émergence des nouvelles
institutions, la complexité des interventions et leur difficile articulation au
service de la personne nécessite des ajustements institutionnels et des adaptations et évolutions du travail social.
1.2.4. La politique de la ville et les nouveaux dispositifs interministériels pour promouvoir des projets sociaux novateurs
Devant l’ampleur des difficultés rencontrées pour élaborer des réponses
adaptées aux problématiques sociales modernes, l’État reprend l’initiative
en proposant des dispositifs interministériels pouvant servir de cadres à des
projets ouverts aux acteurs locaux de l’action sociale. Il complète ainsi les
nouveaux dépositaires de la responsabilité en matière sociale que sont les
départements. Il s’agit de réunir autour d’un territoire (quartier fragile/DSQ),
d’un problème social (échec scolaire/ZEP) ou d’une catégorie de population
(Missions locales/Jeunes) les partenaires concernés par les problèmes à
résoudre.
L’approche séduisante d’une mobilisation de la société locale autour de
sa population fragile motive des travailleurs sociaux, mais aussi de nouveaux intervenants aux profils diversifiés qui portent involontairement
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Les pratiques d’action sociale face à l’évolution des problématiques sociales
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Multiplicité des intervenants
L’exemple de la famille H. montre que gravite aujourd’hui autour d’elle :
– un conseiller professionnel ANPE chargé de l’insertion ;
– un conseiller logement de la Commission locale d’insertion ;
– un conseiller jeune de la Mission locale ;
– un délégué à la tutelle aux prestations sociales ;
– un responsable d’association intermédiaire ;
– un délégué de secteur du Secours catholique ;
– une conseillère en économie sociale familiale ;
– une assistante sociale de secteur ;
– un îlotier de la police municipale ;
– un éducateur de la Protection judiciaire de la jeunesse ;
– une travailleuse familiale ;
– une permanente de l’association de chômeur.
1.2.5. Des logiques institutionnelles contraignantes
Les dispositifs d’action sociale territorialisés s’appuient sur un partenariat
inter-institutionnel autour de projets novateurs.
Cependant, les conseils généraux et les institutions sociales para-étatiques redoutent trop souvent d’investir leurs moyens dans un jeu où leurs
orientations politiques ne seront pas seules à déterminer l’action. Il y a là
mise en évidence d’une résistance naturelle des organisations à accepter de
modifier leurs champs d’intervention, leurs territoires ou catégories de population cible 10. Dans ce domaine, les frontières institutionnelles déconstruites
9. Ion Jacques, Le travail social à l’épreuve du territoire, Toulouse, Privat, 1991.
10. Crozier Michel, Le phénomène bureaucratique. Essai sur les tendances bureaucratiques
des systèmes d’organisation modernes et sur leurs relations en France avec le système social
et culturel, Paris, Le Seuil, 1963.
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en eux – du fait de la concurrence – une menace ressentie largement par les
professions traditionnelles du secteur social 9.
Le changement fondamental de ces procédures nouvelles tient au fait
qu’il est question ici de bâtir ensemble et de piloter des projets délimités
dans l’espace et dans le temps plutôt que d’intervenir seuls, de gérer des
prestations ou de l’assistance déconnectés d’une responsabilisation des
acteurs et des territoires.
Mais on observe que les territoires définis pour chaque action soit s’ignorent et se juxtaposent, soit se superposent, se chevauchent, se percutent
parfois, rendant difficile l’harmonisation des partenariats.
Enfin, les interventions sectorielles multiples guidées, qui par la fragilité
du territoire, qui par un problème social, qui par le handicap rencontré par
une population… s’empilent quelquefois sans que soient toujours prises en
compte la vision globale et leur nécessaire coordination au service de la
personne.
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par la décentralisation se sont parfois trop vite restructurées sans suffisamment prendre en compte le point de vue de l’usager des services.
Par ailleurs, la culture des organismes ou administrations en présence
autour des nouveaux dispositifs repose largement sur la notion centrale de
gestion. Au cours des dernières années cette notion a évolué d’une gestion
de l’existant à une gestion à moyens constants. Or aujourd’hui se développe
davantage une gestion en fonction d’opportunités, qui renvoie plus à une
volonté d’intervention sociale sur des « coups », qu’une gestion planifiée
selon des objectifs précis.
Enfin, ce souci d’apparente rationalité des dispositifs, n’intègre pas toujours suffisamment la nécessaire ingénierie liée à tout nouveau projet et son
adaptation à la demande des personnes situées comme acteurs principaux
des interventions.
L’encadrement des services d’action sociale est, lui aussi, façonné par ces
mêmes logiques et l’on comprend alors le malaise ressenti par des travailleurs sociaux désireux de prendre en compte la globalité de la personne,
amenés à imaginer des actions avec leurs partenaires locaux, en réponse
à une demande sociale qui évolue, sans qu’ils puissent nécessairement
s’appuyer sur le soutien déterminé de leur Institution employeur qui les
cantonne trop souvent dans les missions institutionnelles. Les travailleurs
sociaux et les réseaux d’aidants sont alors en difficulté face à la logique de
gestion d’action sociale tendant à raréfier les moyens d’intervention, et face
à une demande inflationniste liée à la précarité des publics en constante
augmentation 11.
1.2.6. Dépasser les contraintes au sein des institutions
Cette vision rapide mérite cependant d’être nuancée. Les services d’action
sociale ont forgé depuis leur création des outils d’intervention et des méthodologies ancrées avec conviction dans les valeurs humanistes inscrites dans
leurs orientations institutionnelles. Ces services élaborent des programmes
permettant à la fois de conduire des initiatives innovantes en adéquation
avec les demandes du public et à la fois de valoriser ces initiatives en les
inscrivant dans la politique sociale de leur institution.
Vecteurs principaux de l’articulation entre philosophie humaniste et
gestion rigoureuse des fonds publics, les travailleurs sociaux sont amenés
à provoquer la nécessaire clarification de leurs rôles au sein des institutions
qui les emploient. De leur côté, les organismes ou associations employeurs
ont la responsabilité de confier aux travailleurs sociaux des missions suffisamment claires pour que ces professionnels soient à même de développer
des interventions pertinentes.
11. Durrleman Antoine (sous la dir. de), Redéfinir le travail social, réorganiser l’action
sociale, Paris, La Documentation française, 1993.
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Les pratiques d’action sociale face à l’évolution des problématiques sociales
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Les réductions de moyens en personnel ou la routine des pratiques quotidiennes ne doivent pas amener les différents intervenants à mélanger leurs
rôles spécifiques ainsi que le suggère tout à fait justement Jean Prezeau dans
un article consacré aux enjeux que met en lumière l’aide financière dans le
travail social 12.
Si un des rôles du travailleur social est bien constitué par l’aide à la
personne pour exprimer correctement la demande que celle-ci lui fait, son
rôle d’expert destiné à éclairer les décideurs doit être assumé avec vigilance,
en ayant toujours à l’esprit le souci de voir reconnaître au demandeur son
statut de personne au centre et d’acteur à part entière dans le dispositif
social qu’il sollicite à un moment donné.
Ainsi, le travail social dans sa forme traditionnelle comme dans ses
applications les plus novatrices mérite d’être revisité, au regard des deux
éléments principaux que représentent :
– d’une part la complexification du système des interventions sociales
dans son articulation avec l’échelon territorial, administratif et politique des
institutions ;
– d’autre part l’affirmation de la personne comme citoyen-acteur et sujet
dans l’ensemble des procédures et processus à l’intérieur desquels il s’inscrit.
Concilier une prise en compte des besoins des personnes, de leur territoire de
vie et de l’évolution des politiques sociales devient alors un but à atteindre.
Les programmes locaux d’actions, schémas d’interventions, et autres dispositifs cadres de l’action sociale de proximité montrent bien la volonté de
s’engager dans une nouvelle approche des problématiques sociales, en associant les méthodes du développement social local et de l’accompagnement
social des publics fragiles pour promouvoir une action sociale territorialisée.
Ainsi, dans un contexte politique qui engendre un mouvement de balancier
permanent entre les besoins des personnes et les logiques centralisatrices,
les initiatives d’action sociale sont à ajuster en permanence et l’ingénierie
mise en œuvre par les travailleurs sociaux à cet effet doit être enrichie
et reconnue à sa juste valeur. Le rôle d’interface et de médiateur entre la
demande des personnes et les institutions que jouent les professionnels de
l’action sociale prend aujourd’hui une dimension accrue du fait de la perte
de citoyenneté grandissante et visible dans notre société 13.
1.2.7. Politique d’action sociale et singularité du sujet
Les politiques d’action sociale, y compris les dernières nées, se caractérisent par une vision nécessairement globale d’un problème, qu’il soit lié
12. Prezeau Jean, « L’aide financière, exemple type du travail social de partenariat », Revue
française de service social, n° 168, Paris, 1er trimestre 1993.
13. Donzelot Jacques, « Le social du troisième type », in Jacques Donzelot (sous la dir. de),
Face à l’exclusion, le modèle français, Esprit, Paris, 1991.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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au territoire ou à une catégorie de population, construite autour de l’âge,
du handicap, des revenus, de la maladie, du niveau de formation… Ce souci
d’unicité de traitement à réserver aux populations en butte à des difficultés
apparemment semblables, porte en lui le risque d’une négation de la singularité du sujet.
C’est peut-être là, plus qu’ailleurs, que l’on peut poser le rôle déterminant
du travailleur social. C’est lui qui, au long de ses interventions auprès des
personnes, mais aussi auprès des services et institutions publics ou privés,
permet de réaffirmer en permanence le caractère original de chaque personne, quel que soit l’angle sous lequel on est tenté de la catégoriser. Il ne
s’agit pas de critiquer la nécessaire réglementation des politiques d’action
sociale, mais de permettre à chacun d’exprimer sa spécificité dans ce cadre.
Les pratiques contractuelles développées autour du RMI, des plans d’aide
aux personnes âgées dépendantes, les contrats individuels de formation,
traduisent bien cette volonté de reconnaître à chaque individu sa place
propre au sein des différents dispositifs.
Invitation
Le temps des technocrates était le temps des solutions. Il nous faut passer au
temps des problèmes ; la valeur ajoutée de la connaissance n’est pas, en effet
dans l’élaboration par les technocrates des solutions parfaites qui, parce qu’elles
sont les meilleures, rendent inutile toute collaboration des non-technocrates
réduits à l’exécution ou à la contestation.
Elle est dans l’ouverture des problèmes et la prise de conscience des données qui
la conditionnent par le plus grand nombre de participants. Seuls ceux-ci peuvent
découvrir les opportunités nouvelles qui permettront, non pas de les faire disparaître, mais d’en tirer parti pour se transformer. (M. Crozier, L’entreprise à
l’écoute, InterÉditions)
La complexité grandissante des problématiques sociales combinant
l’emploi, la formation, le logement, la santé, le territoire, nous montrent
aujourd’hui plus que jamais la nécessité d’une analyse personnalisée des
situations et la pertinence d’une programmation personnalisée d’un plan
d’aide intégrant les différentes dimensions évoquées. Cet accompagnement
social ne vient en aucun cas gommer la mobilisation collective des personnes autour de problèmes communs, il en constitue au contraire un préalable utile et se situe en prolongement de l’histoire développée au chapitre 2
du présent rapport.
Il convient également d’insister sur la participation nécessaire des travailleurs sociaux aux différentes étapes des dispositifs d’évaluation des initiatives de l’action sociale. Il s’agit ici, pour les professionnels, de prendre part
à la réflexion préalable, à la conception des outils, au recueil des données,
et enfin à leur analyse et diffusion. C’est à cette condition d’implication aux
différents niveaux d’évaluation que les valeurs fondatrices du travail social
seront reconnues en permettant, au-delà d’une démarche de gestion quantitative de l’action sociale, de mesurer l’impact des dispositifs d’aide à la
personne.
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Les pratiques d’action sociale face à l’évolution des problématiques sociales
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L’intervention sociale d’aide à la personne
Les expériences en matière d’action sociale, menées par des organismes
sociaux, des établissements, des associations d’aide à domicile, des communes,
montrent bien que l’articulation entre une connaissance approfondie du territoire et des populations dans leur globalité, et une approche très fine des
personnes concernées, constitue une condition de réussite pour l’action sociale.
Il existe donc des passerelles entre la volonté institutionnelle qui définit
une politique d’action sociale et les besoins des personnes. Il reste au travailleur social, accompagné dans cette tâche par un encadrement technique
soucieux de promouvoir une intervention sociale d’aide à la personne, à les
mettre en évidence et à les utiliser dans sa pratique. (C’est l’objet de la
seconde partie de ce rapport).
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Ce premier chapitre fait le constat bien connu de tous que les sociétés
sont devenues complexes, éclatées et centrifuges, à plusieurs vitesses. La
cohésion sociale est menacée par la fracture croissante entre la richesse et
la pauvreté, par la fragmentation en systèmes spécialisés, par le cloisonnement, par les logiques encore trop sectorielles, par les replis institutionnels
sur les missions propres… Les réponses données ne suffisent plus.
L’évolution de difficultés sociales plus nombreuses et plus graves entraîne
la société, à travers les pouvoirs publics, les institutions, les associations
à revoir ces réponses, à les adapter, voire en inventer d’autres. Par exemple :
– État animateur (Donzelot), État réflexif (Wilke), État propulsif (Morand),
les qualificatifs ne manquent pas pour désigner une nouvelle forme de
rapports à trouver entre l’État et la société, à recourir à des formes d’action
plus souples ;
– vie associative toujours plus innovante et s’inscrivant là où l’État fait
défaut afin de provoquer une prise en charge par la solidarité nationale
(il est en effet paradoxal que 56 % des situations adressées au Secours catholique le soient par les services sociaux publics désemparés) et vie associative
d’utilité publique gérant un vaste domaine d’action sociale, deux types
coexistants à reconnaître et favoriser ;
– en conséquence, en même temps que ces deux modes de réponse structurent fortement l’action sociale, les problèmes sociaux l’obligent à évoluer,
à s’ajuster, à être créatif et inventif…
Si la prise de conscience de tous est faite, voire si l’engagement dans
cette voie est en cours, il est indispensable cependant de l’amplifier et d’en
évaluer les effets au regard de la personne et donc de rectifier sans cesse les
dérives qui ne manquent pas de surgir. Il est nécessaire de le faire ensemble,
en considérant le point de vue de la personne comme central.
« Ce qui est au cœur de ce métier-là, c’est l’homme qu’on écoute, auquel
on sauve la mise et la face en prenant, quoi qu’il arrive, parti pour lui, sans
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Conclusion du premier chapitre
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Les pratiques d’action sociale face à l’évolution des problématiques sociales
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14. Belorgey Jean-Michel, « Travail social, un nouvel humanisme ? La technicité au service de quelles valeurs ? », Cahiers de l’Actif, n° 218-219, juillet-août 1994.
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prendre parti contre la société, sinon dans la mesure où il le faut, et pas
au-delà de la mesure où elle le tolère 14 » (Jean-Michel Belorgey).
Le travail social a la légitimité pour œuvrer en ce sens ; pour cela, la
pratique devant s’articuler avec la pensée, il est intéressant de repréciser
voire de refonder les fondements théoriques et éthiques sous-tendant cette
pratique à reformuler. C’est l’objet du second chapitre.
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chapitre 2
La personne, sujet d’actualité.
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Comme chaque époque apporte son lot de problèmes sociaux en termes
nouveaux ainsi que l’émergence de courants de pensée sociale, afin d’être
efficient, le travail social doit sans cesse revoir ses fondements éthiques et
théoriques et les enrichir, réajuster ses techniques d’intervention et en élaborer d’autres, élargir ses champs d’intervention et modifier son organisation. Le premier chapitre a énoncé les principales évolutions sociales
auxquelles est confrontée actuellement l’action sociale. Ce second chapitre
a donc pour objet de revisiter les fondements théoriques et éthiques qui sont
à la base de l’action sociale personnalisée et de les enrichir par les récents
apports de quelques disciplines, comme le droit, la sociologie, l’anthropologie, et la réflexion éthique.
2.1. Évolution de l’élaboration théorique du travail social,
concernant la personne
Dès l’origine, le travail social se veut d’être au service de la personne.
Elle est sa raison d’être, sa mission fondamentale de service public, sa
finalité. Pour la réaliser le mieux possible, il n’aura de cesse d’affirmer la
nécessité d’une part d’élaborer et de suivre une éthique professionnelle et
d’autre part, de construire des méthodes d’intervention rationnelles et adaptées. Il lie éthique et pratique.
Mais cette constante ne doit pas cacher les évolutions. Selon les sensibilités des époques, les idées dominantes de la société, l’accumulation de
son expérience et l’évolution des propres savoirs du travail social, la domination de ses méthodes d’intervention alterneront entre :
– des interventions sociales plus massives destinées soit à faire face à
des urgences avant même que de penser l’évolution et la progression des
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Actualisation des références théoriques
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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2.1.1. Du case work à l’aide psychosociale individualisée, une
élaboration pour mieux prendre en compte la personne
Rappel historique
Les premiers rudiments du case work se dégagent aux USA et en
Allemagne, dans le dernier quart du XIXe siècle et tout au début du XXe siècle
et sont enseignés dès la création des premières écoles de service social de ces
pays ; y est prônée l’idée de l’importance de la relation de soutien et de traitement. La portée psychologique introduite implique que le client utilise de
manière active ses propres capacités et ressources pour modifier sa situation.
Cela nécessite entre autres qu’il y ait ouverture sur l’environnement proche.
Mais il faut attendre Mary Richmond (1861-1928), directrice du département de l’organisation de la charité à la Russel Sage Foundation à New York,
pour mettre au point le premier essai rationnel et systématique d’analyse
des situations sociales individuelles : le social case work. Son premier
ouvrage, publié en 1917, s’intitule Social diagnosis et le second, paru en
1922, a pour titre What is social case work ? Elle incite à découvrir les
rapports sociaux qui conviennent le mieux à un individu et à rechercher les
ressources de l’environnement. Mary Richmond ne fera jamais du social
case work la panacée et affirmera toujours qu’il n’est qu’une des branches
du service social (pris ici au sens large) et qu’il se situe dans une complémentarité avec les autres branches, qui sont selon elle : le service social
collectif, la législation sociale et la recherche sociale. Elle insiste sur le fait
que les différentes branches servent la personnalité chacune à leur manière
et « s’entremêlent inextricablement dans un grand mouvement qui pousse
au progrès social ».
À cette époque, alors que les USA développaient le social case work,
l’Europe le connaissait à peine, comme le montre le compte rendu intégral
de la Conférence internationale de service social de 1928. Les discussions
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personnes aidées, soit à répondre de façon collective à un groupe ou une
communauté ;
– des interventions sociales plus individualisées qui ont pour but d’aider
les personnes concernées à trouver les moyens pour faire face à leur situation.
Elles coexistent, mais il y a nette prééminence de la seconde.
C’est ainsi que si on s’interroge à nouveau fortement maintenant sur
l’aide personnalisée, il est bon de rappeler que celle-ci a de tout temps existé
sous des formes et appellations différentes. Durant l’histoire, elle a constamment évolué, se rationalisant et se formalisant. La forme la plus élaborée a
sans doute été le case work, appelé en France « Intervention sociale individualisée ». Il est intéressant de rappeler en quelques mots ce qu’elle recouvrait et d’en tirer les leçons.
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témoignent d’un perpétuel malentendu sur la définition et le sens de cette
modalité d’intervention. Il en sera ainsi jusqu’à la fin de la Seconde Guerre
mondiale, malgré la traduction, partielle et adaptée par le Dr Sand en 1926,
du livre de Mary Richmond What is social case work ? sous le titre :
Les méthodes nouvelles d’assistance. Le service social des cas individuels.
Bien que certaines assistantes sociales soient allées aux USA dans la période
des années 1930, un échange plus systématisé n’eut lieu qu’après la Seconde
Guerre mondiale. Il permit l’introduction en France du social case work dont
la terminologie française deviendra « l’aide psychosociale individualisée » et
se centrera aussi bien sur l’individu que sur la famille.
Mais c’est surtout après la Conférence internationale de service social à
Paris en 1950 que le social case work sera mieux connu. Puis, l’ONU organisera des séminaires de diffusion de cette méthode (à Vienne en 1950,
en Hollande en 1951, en Finlande et à Genève en 1952). Une vingtaine
d’assistantes sociales boursières, y ont participé et ont également été à
l’origine de sa diffusion en France. Certains services employeurs (l’UNCAF,
la SNCF) et les associations professionnelles (comme l’UCSS, l’ANAS) ont
organisé la formation post-diplôme. Il y eut également la particularité de
l’école Paul-Baerwald à Versailles, financée par les capitaux nord-américains pour préparer des travailleurs sociaux, en général d’origine juive,
à travailler en Europe ainsi que pour les communautés juives d’Israël et
d’Afrique du Nord ; elle s’est ensuite installée en Israël en 1953. Les écoles
se sont intéressées à ce mouvement, mais il faudra attendre dix ans pour
que l’aide psychosociale individualisée figure au programme officiel des
études des assistantes sociales ; encore faut-il remarquer qu’elle est envisagée de façon plus initiatrice qu’approfondie.
Après les années 1960, le développement de la sociologie, le contexte de
la décolonisation, les campagnes de l’ONU pour généraliser le développement
communautaire eurent partiellement raison de cette méthode d’intervention
précise. L’intervention psychosociale individualisée a donc essentiellement
concerné les assistantes sociales, et peu d’éducateurs s’y sont intéressés, leur
genèse historique les orientant vers d’autres types d’approches.
Fondements éthiques et théoriques
En France, il n’existe pratiquement pas d’ouvrages inédits sur ce mode
d’intervention sociale ; tous s’inspirent ou traduisent des auteurs américains.
Or ceux-ci expriment généralement la difficulté à définir précisément ce
qu’est l’aide individualisée en raison de ses contours multiformes, de son
approche plurielle, de sa dynamique interactive… Aussi, les définitions sontelles diverses selon que l’on se reporte à la Conférence internationale de
service social de 1928 qui qualifie l’aide individualisée de « mouvement basé
sur la compréhension des relations et des réactions humaines » ou selon que
l’on se réfère à tel ou tel auteur dont le plus cité reste Mary Richmond, ou
encore que l’on se rallie à la définition de l’ONU.
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
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De fait, l’aide psychosociale individualisée n’est pas facile à expliquer
car elle est un composite alliant une éthique, une méthode et des référentiels
théoriques. Autrement dit, elle unit dans l’action, des valeurs sociales et des
connaissances puisées dans les disciplines scientifiques. C’est cet ensemble
que nous allons maintenant examiner.
L’aide psychosociale individualisée repose sur des valeurs fondamentales
de quatre ordres : des valeurs humanistes, qui prônent la foi en l’homme, le
respect de celui-ci ; des valeurs démocratiques qui préconisent les conditions
nécessaires au développement de la personnalité et à la participation à la
vie sociale et civique ; des valeurs économico-politiques qui mettent en
avant le principe de subsidiarité et d’égalité ; des enseignements scientifiques sur lesquels l’intervention sociale doit s’appuyer, afin de ne pas reposer seulement sur l’intuition et les opportunités.
Concrètement cela se traduit par les principes éthiques suivants :
– la singularité : elle conduit à l’acceptation de la personnalité d’autrui
et de ses différences en tant qu’être humain spécifique ; elle entraîne une
attitude empathique et congruente et demande la compréhension ;
– la liberté et l’autodétermination des personnes, c’est-à-dire leur droit
à disposer d’elles-mêmes et de faire leurs propres choix ;
– le respect de l’intimité et de la vie privée des individus, nécessitant
autant que faire se peut leur consentement pour toute intervention ;
– l’autonomie de la personne, qui signifie que chacun a en soi des capacités et potentialités ;
– l’interdépendance, qui se traduit par les droits et les devoirs de chacun
ainsi que les responsabilités sociales de tout citoyen.
À ces postulats éthiques, s’ajoutent la posture scientifique qui consiste
à s’appuyer sur des références théoriques généralement empruntées aux
diverses disciplines scientifiques. L’utilisation des sciences humaines s’est faite
au fur et à mesure de leur développement et en fonction de leur évolution.
C’est ainsi qu’au début, on note la forte influence des différentes théories
psychologiques puis de la psychanalyse et un peu de la psychiatrie. Mais
très tôt également le social case work s’est appuyé sur la pédagogie, la
psychologie sociale et la biologie. D’autres référents théoriques puisés dans
l’anthropologie, l’analyse systémique, la statistique, le droit, l’économie sont
apparus plus tardivement. Voyons-en brièvement leurs apports : l’eugénisme
du début du siècle et la biologie seront un appui pour les différences individuelles par les notions d’hérédité, d’histoire psycho-génétique et les concepts
de stress ainsi que d’homéostasie apporteront une compréhension des déséquilibres et de la recherche d’un nouvel équilibre… La pédagogie apporte les
notions de participation et de transmission. Dans la psychologie sociale
seront puisés les concepts de rôle, d’identité sociale, de socialisation…
La psychologie et ses différentes écoles donneront la principale base scientifique, les références seront puisées dans l’école béhavioriste, ou fonctionnelle ou diagnostique… (En France, l’enseignement de l’aide individualisée
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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s’appuiera plus particulièrement sur la compréhension des motivations,
la dynamique du moi, la croissance et le développement de la personnalité).
De la psychanalyse, l’aide psychosociale individualisée se servira surtout
des concepts de l’inconscient, de conflit intra-psychique… La psychiatrie
apportera la compréhension clinique des principaux syndromes des névroses,
psychoses, et autres maladies que peut rencontrer tout praticien. L’anthropologie/ethnologie ont enrichi l’aide individualisée de la notion de culture,
de pluralité des modes de vie sociaux, de processus d’intégration… L’analyse
systémique (montrant l’interaction de l’être humain avec son environnement), la statistique, l’économie, le droit influenceront à leur tour l’aide
psychosociale individualisée.
On mesure ainsi le cheminement sinueux de l’aide individualisée pour
construire son propre savoir. Progressivement, se sont élaborées des théories de
l’Intervention sociale individualisée. Ainsi Mathilde du Ranquet en décrit-elle
au moins huit : l’approche psychosociale, l’approche fonctionnelle, l’approche
béhavioriste, l’approche centrée sur la résolution d’un problème, l’intervention
en temps de crise, la thérapie familiale, la socialisation, le travail participatif
par objectif… On voit que tout s’est peu à peu complexifié, diversifié.
La méthode en elle-même est le lien et la mise en application de ces
principes éthiques et de ces savoirs scientifiques. Elle peut se définir par un
objet et un processus psychosocial. Au début du siècle, M. Richmond parle
d’un « ensemble de méthodes qui développent la personnalité en rajustant
consciemment et individuellement entre eux, l’homme et son milieu social ».
Ce mode d’intervention sociale étant centré sur la personne, et prenant en
compte sa vie quotidienne, aura donc pour objet d’offrir une aide au « client »
pour la recherche d’une solution personnelle à son problème, en utilisant
ses propres ressources et celles de son environnement social. C’est une aide
qui concerne non seulement la situation de la personne mais se situe au
niveau du rapport de cette personne avec cette situation.
Pour y arriver, l’aide individualisée utilise une démarche rigoureuse qui
comprend quatre principales étapes qui se déclinent elles-mêmes en une
série d’opérations concrètes :
1. l’étude de la situation et le rassemblement des faits ;
2. le diagnostic social basé sur l’interprétation de ces données ; d’aucuns
apporteront une distinction de nature dans le diagnostic et caractériseront
le diagnostic étiologique (les causes), le diagnostic clinique (degré d’adaptation ou d’inadaptation de la personnalité), diagnostic dynamique (facteurs
psychologiques, sociaux…) ;
3. le plan d’action, appelé encore parfois traitement social ; ce plan sera
classé selon qu’il est à un niveau direct auprès de la personne ou indirect
auprès de l’environnement ;
4. l’évaluation.
Cette démarche se caractérise notamment par la relation de nature interpersonnelle et interactive ; son objectif est d’aider le client à trouver un
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
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L’intervention sociale d’aide à la personne
fonctionnement plus satisfaisant ; ses caractéristiques essentielles sont la
mise en œuvre des attitudes éthiques évoquées plus haut que sont l’individualisation, l’acceptation, l’autodétermination, la participation, etc.
Elle est dynamique car liée à l’interaction des personnes. Elle est notamment mise en œuvre par la technique de l’entretien. Mais ne se réduit pas à
celui-ci. Se voulant rigoureuse, cette méthode nécessite un apprentissage
en situation, sur la durée, garanti par une sorte de tutorat que l’on appelle
la supervision. Celle-ci est à la fois assistance technique, méthode maïeutique et introspective.
En conclusion, on peut dire que l’aide psychosociale individualisée a été
un ensemble conçu pour mieux prendre en compte la personne et articulant
l’éthique, le scientifique et la technique ; il s’est construit progressivement,
et on y retrouve différentes écoles de pensée qui se jouxtent.
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Ainsi, il y a tout un savoir progressivement accumulé depuis 100 ans et
il serait dommageable de faire comme s’il n’existait pas, même s’il n’a pas
essaimé de cette manière dans les autres professions sociales ; en revanche,
il n’est pas question de tomber dans la nostalgie et de vouloir le reproduire
et le perpétrer. Il faut en tirer la leçon.
Ce savoir se situe entre passéisme et modernité car il contient à la fois
des éléments obsolètes et une validité permanente d’autres éléments.
L’histoire nous a montré les principaux dysfonctionnements suivants :
1. une mauvaise compréhension de l’intervention sociale individualisée
a souvent débouché sur une vision étroite et restrictive ;
2. l’attitude professionnelle s’est parfois trop centrée sur les propres
dysfonctionnements de la personne ;
3. le repli sur la relation duelle a pris une part prépondérante au détriment des autres actions ; celle-ci est en outre trop magnifiée ;
4. l’illusion que la méthode est une technique autonome au secteur social
a entraîné fréquemment la négligence de positionnement comme acteur de
l’institution et de la société ;
5. la considération de cette méthode comme un tout en soi a oblitéré les
limites de son efficacité.
En contrepoint des conséquences négatives de l’intervention sociale
individualisée lorsqu’elle est mal maîtrisée, il convient de réaffirmer que de
nombreux aspects de l’aide psychosociale individualisée demeurent valides.
Citons en quelques-uns : le plus connu est celui qui montre que dans un
monde sursaturé de bruits et de communication médiatique où il y a paradoxalement croissance de solitude, d’isolement, de perte de repères, la rencontre, l’accueil, l’écoute, la disponibilité restent primordiales ; elles favorisent
la reconnaissance et la considération de chaque être humain. Outre que
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2.1.2. Les leçons de l’aide psychosociale individualisée
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
l’intervention sociale individualisée révèle tout un patrimoine de connaissances et de valeurs à faire fructifier, elle a aussi le grand mérite de poser
le postulat que quelles que soient les dispositions collectives prises dans
l’intérêt de l’ensemble des citoyens, il faut travailler leur adéquation aux
situations individuelles toujours particulières. Elle se situe donc dans l’articulation du rapport collectif/individuel, travaillant à ces deux niveaux.
Les aspects objectifs et subjectifs ne peuvent être dissociés. Enfin, l’intervention sociale individualisée cherche toujours à placer la personne comme
acteur construisant elle-même son devenir. La responsabilité du professionnel se situe dans l’ordre de la contribution et non de la substitution.
Ces points négatifs comme positifs permettent de comprendre pourquoi
l’aide psychosociale individualisée a pu rencontrer de larges résistances en
tant que méthode, tout en se diffusant en tant qu’attitude.
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Historiquement, l’aide psychosociale individualisée, devenue ensuite
l’intervention sociale individualisée, a constitué le mode d’approche longtemps privilégié, en particulier par le service social, en raison de son rapport
de pertinence avec les pratiques personnalisées d’une polyvalence de secteur
relativement standardisée. On peut regretter que le service social n’ait pas
mieux su faire partager ce mode d’intervention car il y a là tout un savoir
dont on peut puiser encore des éléments pour la période actuelle.
– L’éducation spécialisée a également toujours porté une grande attention
sur la personne « Je » et le social. Si pendant longtemps, l’idée de réparation
en a été le moteur, l’éducation spécialisée a eu le mérite de prendre en compte
des éléments fondamentaux d’une approche psychanalytique, et notamment
la question du désir ; elle a aussi mis en application les méthodes d’éducation
active qui donnent une place pleine et entière à l’enfant. Il s’agit notamment
de l’éducation nouvelle qui veut favoriser pour chacun la meilleure utilisation de ses capacités, une progression adaptée à son rythme personnel, en
même temps qu’elle les rend participants du groupe social et de son fonctionnement. Par exemple, Célestin Freinet a élaboré des principes pédagogiques ayant pour finalité de préparer les enfants à leurs futurs engagements
dans la société. Pour cela, il recherche leur coopération, leur responsabilisation, il favorise l’expression libre, etc. Maria Montessori, quant à elle,
cherche à offrir à l’enfant un environnement stimulant, adapté à ses besoins
d’expérimentation psycho-moteurs. Elle respecte les goûts, les rythmes de
l’enfant et les stades de son développement. Le mouvement d’éducation
nouvelle veut ouvrir l’école sur le monde, préparer l’enfant à sa vie d’adulte
en l’amenant à être autonome, à prendre des initiatives et pour cela, privilégie le travail libre par groupes. Les CEMEA par leurs objectifs et par les
formations qu’ils dispensent, ont également beaucoup marqué le monde de
l’éducation spécialisée. On pourrait encore citer d’autres exemples.
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2.1.3. Autres apports du travail social
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– D’autres méthodologies d’intervention ont été par la suite introduites
(ou redécouvertes) tels que le travail social de groupe, le travail communautaire ou diverses techniques collectives empruntées à différentes disciplines,
mais elles n’ont jamais réussi à supplanter l’approche individualisée, ne
serait-ce que parce que ces approches sont complémentaires. Les années
1970, avec l’idéologie du contrôle social, ont assez fortement disqualifié
tout recours à l’approche psychosociale individualisée et à l’approche rogérienne et promu une logique d’intervention sociale collective, mais les
oppositions formelles entre ces deux logiques — utiles le temps d’un virage
idéologique — ne sont plus de mise aujourd’hui.
– Rogers a en effet eu une forte influence, notamment à travers l’apport
du développement de la personne, son ouvrage le plus connu, publié en 1961
(il y eut aussi la venue de Rogers en France en 1966, puis en 1979 et enfin
en 1994). Rogers développe une philosophie de la rencontre et élabore une
théorie à partir de l’expérience, en s’affranchissant des contraintes imposées
par les théories existantes (notamment la psychanalyse). Il prône l’attitude
« centrée sur le client », non directive et établit trois conditions de base :
l’acceptation, la congruence et l’empathie. Il pose une conception positive
de la nature humaine considérée riche en potentialités, avec en corollaire
son besoin de considération positive. Tous ces postulats ont eu un écho
favorable dans le travail social. Cependant, la référence à Rogers s’estompa ;
elle aussi au vu des critiques portées par les psychothérapeutes qui reprochèrent de rabaisser la psychothérapie à une simple relation d’amitié ; par
les psychanalystes qui virent la conception rogérienne mal fondée parce
qu’elle ne tient pas compte de l’inconscient ; par les béhavioristes qui ont
considéré naïve la confiance totale placée en la capacité de l’individu ; voire
même par les religieux et théologiens qui réfutèrent cet humanisme séculier.
Néanmoins, les principes fondamentaux se sont diffusés et vulgarisés, et les
apports de Rogers sont considérés généralement comme très valables mais
non suffisants.
Conclusion
En réalité, il y a eu beaucoup de diffusion réciproque de toutes ces approches
dans les professions sociales. Un certain nombre d’assistantes sociales et d’éducateurs se sont naturellement transmis ces approches différentes et complémentaires, mettant l’accent sur le développement et l’autonomie des personnes,
adultes et enfants.
L’approche personnalisée n’a jamais été abandonnée. Les conceptions du
travail social sur la personne humaine évoluent, et ces vingt dernières années
notamment, leur approche s’est muée en approche globale personnalisée (dite
encore approche intégrée) afin de s’adapter au mieux au contexte. La focalisation sur la constitution du sujet et le « tout relationnel » s’est amoindrie
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
et est apparue la nécessité de prendre en compte la complexité dans la
compréhension des conduites, le devenir, les stratégies de recomposition, le
lien avec la société.
Il s’agit donc d’articuler dans une même démarche différentes approches
existantes, de dépasser la simple addition de ces démarches, de compléter
les acquis, afin de fonder en amélioration une démarche renouvelée d’action
sociale. L’aide à la personne reste bien constituée en amont par un positionnement théorique et éthique à enrichir avant de prendre des formes méthodologiques appropriées aux situations. La question actuelle est celle
d’une refondation de la conception de l’individuel et du social à travers la
personne.
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On vient de le voir, le travail social met la personne au centre de ses
préoccupations éthiques et techniques, tout en la considérant dans ses multiples facettes et la replaçant dans son environnement social et sociétal sur
lesquels il doit également agir. C’est un postulat philosophique et idéologique qu’il affirme et défend. Cette conception lui est propre dès l’origine,
mais non spécifique. Outre la psychologie, bien des disciplines dont le droit,
la philosophie, la sociologie développent une pensée de la personne sur
laquelle le travail social peut s’appuyer, nourrir sa propre conception. Aussi,
pour enrichir notre postulat philosophique, nous recourons maintenant à
ces éléments de pensée, moins par fondement scientifique que par souci
argumentaire. Il n’est pas de notre propos d’examiner ici ce que chacune
d’entre elles proposent de façon complète, ni de juger de leur valeur heuristique. En revanche, il est intéressant de rappeler quelques évolutions récentes
du droit, de la sociologie, et de l’éthique qui viennent enrichir la conception
du travail social et lui permettent ainsi de refonder plus sûrement le concept
d’aide à la personne.
2.2.1. La personne au cœur du droit
On observe depuis plus d’une dizaine d’années un renouvellement de la
réflexion sur le droit, une construction, voire une reconstruction de l’État
de droit, et une promotion et internationalisation des droits fondamentaux.
Le droit est envisagé non seulement comme un ensemble de règles assurant
une relative stabilité sociale pendant une période donnée avant qu’un nouvel
ensemble lui succède, mais aussi comme un facteur fondamental de l’équilibre social. Dès lors, l’idée d’un progrès engendré par le droit est généralement admise. Le droit devient une référence et structure nos sociétés en
fonction d’une certaine conception des attributs de la personne humaine à
défendre.
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2.2. La personne, le sujet, l’autre, dans le droit,
la sociologie et l’éthique
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Certes, la Révolution française de 1789 et les pères fondateurs de la
Constitution américaine avaient consacré les droits de l’homme et développé
un certain libéralisme individualiste et libéral. Mais tous les pays n’ont pas
forgé une telle conception, de par leur histoire, leur culture, voire leurs idéologies et religions. Ce n’est que récemment que l’universalisme de l’Homme
est progressivement reconnu et tente de supplanter la primauté des valeurs
nationales des États enfouissant les droits de l’homme dans leurs affaires
intérieures au nom des droits des peuples à disposer d’eux-mêmes ; chaque
État débat, admet de plus en plus que chaque être humain doit bénéficier de
droits naturels fondamentaux. La voie est engagée, même si tous les problèmes ne sont pas réglés, loin s’en faut…
La Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’assemblée
générale des Nations unies le 10 décembre 1948 préconise le respect de la
vie privée. De même, la Convention européenne des droits de l’homme
ratifiée par la France en 1974, le stipule dans deux alinéas de l’article 8 :
1. « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son
domicile, de sa correspondance. »
2. « Il ne peut y avoir ingérence d’autorité publique dans l’exercice de ce
droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle
constitue une mesure qui dans une société démocratique est nécessaire à la
sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à
la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection
de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Plus loin, il est dit :
« Il n’est pas de société démocratique sans que le pluralisme, la tolérance
et l’esprit d’ouverture se traduisent effectivement dans son régime institutionnel, que celui-ci soit soumis au principe de la prééminence du droit, qu’il
comporte essentiellement un contrôle efficace de l’exécutif, exercé sans
préjudice du contrôle parlementaire, par un pouvoir judiciaire indépendant
et qu’il assure le respect de la personne humaine. »
C’est pourquoi il y a la possibilité pour chaque citoyen de saisir la
Commission européenne des droits de l’homme, des manquements de l’État.
Par la suite, deux autres textes ont été édictés : le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques adoptés par l’Assemblée générale des
Nations unies en 1981 stipule également dans son article 17 que : « Nul ne
sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille,
son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et
à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de
telles immixtions ou de telles atteintes. »
Enfin dernier texte important, celui de la Convention internationale
des droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies
en 1990. Son article 16 stipule :
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Un renforcement du droit et des droits
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
1. « Nul enfant ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans
sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes
illégales à son honneur ou à sa réputation. »
2. « L’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions
ou de telles atteintes. »
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Le mineur peut désormais se prévaloir devant une juridiction nationale.
La Convention internationale des droits de l’enfant met en exergue dans son
article 12 le droit d’expression de l’enfant qui, à présent chaque fois qu’il
est doté d’un discernement suffisant doit être entendu et défendu dans
toutes les procédures contentieuses ou administratives le concernant (avocats d’enfants) : « 1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable
de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. 2. À cette fin, on
donnera notamment à l’enfant d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié, de façon compatible
avec les règles de procédure de la législation nationale. »
Ainsi, le droit fonde les libertés, les droits et devoirs de chacun. Il met la
personne au centre. Il institue le respect de la vie privée des personnes.
Dans le droit français, l’article 9 du Code civil, 1er alinéa, stipule que :
« Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent sans préjudice
de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures telles que séquestre,
saisie ou autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de
la vie privée : ces mesures peuvent s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »
Déclaration universelle des droits de l’homme. ONU-1948
« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. » Art. 3
« Tous sont égaux devant la loi et ont droit, sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination
qui violerait la présente déclaration. » Art. 7
Opposable à tous, le droit de l’article 9 du Code civil préserve une sphère
de secret et d’autonomie, d’autodétermination. La vie privée doit échapper
par principe à l’intervention sociale et tout être humain doit pouvoir effectuer ses choix fondamentaux hors de toute pression extérieure, hormis les
cas d’atteinte à l’intégrité des personnes ou à la vie publique. La puissance
publique s’immisce dans la vie privée le plus souvent en raison de son
propre droit à la preuve : enquêtes, droit de communication, perquisitions,
saisies, fouilles, contrôles d’identité. Ces pouvoirs sont conformes s’ils sont
reconnus dans un texte de loi, et s’ils sont impérativement nécessaires à une
des fins édictées par la Convention européenne et ne s’exercent que d’une
manière exceptionnelle pour assurer la sauvegarde de valeurs supérieures.
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« Les enfants, c’est quand même eux les principaux intéressés, ils peuvent dire
des choses simples que nous, on ne pense peut-être pas. » (M. Z)
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Même dans ce cas, cette liberté/limitation se rattache à l’idée de liberté/
autonomie.
Le secret et la liberté sont deux composantes distinctes mais complémentaires de la vie privée : la liberté de la vie privée confère un pouvoir d’autodétermination ; le secret respecte une intimité, une pudeur. C’est pourquoi le droit
prône le devoir de se taire, en instaurant le secret professionnel pour un certain nombre de personnes qui sont amenées dans l’exercice de leurs fonctions
à pénétrer la vie privée des personnes ; le secret professionnel est un moyen,
un garde-fou contre les dérives et les atteintes à celle-ci. Nourri à la sève des
droits de l’homme, affermi par la déclaration de la Communauté européenne,
le droit au respect de la vie privée devient aussi une liberté publique.
L’État a l’obligation de créer les conditions nécessaires à son épanouissement et de supprimer les entraves à son exercice.
Diverses juridictions offrent leur protection, même le Conseil constitutionnel protège le secret de la vie privée.
Le regain de la philosophie des droits de l’homme dans le monde et dans
notre société a entraîné la réaffirmation des droits de citoyenneté ; cela s’est
traduit en politiques publiques, principalement par une série de textes législatifs et réglementaires.
De même, tout un mouvement en faveur des administrés s’est concrétisé
par un train de mesures visant l’amélioration des relations de l’administration avec le public.
Rappel de la Commission des droits de l’homme
– « L’extrême pauvreté et l’exclusion sociale constituent une violation de la
dignité humaine et par conséquent, requièrent des actions urgentes, nationales
et internationales pour y mettre fin et garantir la pleine jouissance des droits de
l’homme ;
– La participation populaire sous diverses formes est un facteur important du
développement et de la réalisation intégrale de tous les droits de l’homme. »
Citons les principaux :
– la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux
libertés : article 1 : « L’informatique doit être au service de chaque citoyen.
Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni à la vie privée,
ni aux libertés individuelles ou publiques » ;
– la loi pour la liberté d’accès aux documents administratifs du 17 juillet
1978, suivie de plusieurs décrets d’application. Elle a pour objectif de
remettre en cause — tout au moins de restreindre — le secret administratif :
l’information devrait devenir la règle, le secret devrait constituer l’exception.
La loi établit ainsi au bénéfice de toute personne qui en fait la demande, une
communicabilité de plein droit des documents administratifs de caractère
non nominatif (articles 1 et 2) ; en outre un droit d’accès à des documents
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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administratifs de caractère nominatif est prévu pour les personnes qu’ils
concernent (article 6 bis) ;
– la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
– la loi du 3 janvier 1979 concernant les archives, leur accès ;
– le décret du 29 novembre 1983 sur les relations entre l’administration
et les usagers ;
– la loi de 1984 concernant l’aide à l’enfance et donnant une place et
une parole aux familles dans le projet pour l’enfant ;
– la création de divers médiateurs (médiateur de la République), médiateurs dans les grands conflits ;
– etc.
Ainsi, selon certains, trois générations des droits de l’homme se sont
succédées : la première génération est celle des défenseurs des droits fondamentaux (existence, subsistance, libre expression de son opinion). La seconde
génération a travaillé à faire reconnaître les droits économiques et sociaux.
La troisième cherche à faire respecter les droits des individus face aux
administrations.
Ces lois ainsi que l’objectif de modernisation des services de l’État marquent le passage de l’administré assujetti à l’administré-usager qui est une
des figures du citoyen, c’est-à-dire celui qui par définition dispose d’une
capacité d’évaluation, de sanction des politiques publiques et de l’action des
agents. Selon certaines analyses, l’enjeu en serait moins la participation
qu’une profonde transformation des relations sociales au sein des services
publics ou assimilés.
En résumé, le droit met la personne au centre en tant que sujet de droit.
C’est une personne autonome, capable au sens juridique du terme, c’est-àdire seule habilitée à définir ses intérêts et donc auteur d’une parole propre,
titulaire de droits et d’obligations. Reconnaître ses droits, c’est admettre
qu’elle est capable d’en répondre.
Cependant, il ne faut pas s’illusionner et prendre un certain recul, car
comme le dit Marcel Gaucher, « il convient de se demander très précisément
si nous n’assistons pas à une de ces grandes oscillations que connaissent
périodiquement les sociétés occidentales depuis l’invention de l’individu.
Oscillations liées à la difficulté, si ce n’est à l’impossibilité qu’elles éprouvent
à penser ensemble individu et société, à recomposer une société à partir des
individus » ; et poursuit-il, « si le mouvement qui se dessine en faveur d’une
« re-position » des droits de l’homme comme source et fondement de la
politique doit apporter quelque chose d’effectivement neuf, ce ne sera que
dans la mesure où il se refusera méthodiquement à séparer l’affirmation de
« l’un-sujet » d’une prise en compte de son inscription collective. »
Ces évolutions du droit enrichissent le travail social
Le respect de la vie privée entraîne que le social doit s’autolimiter de luimême, la liberté des personnes étant la règle, l’intervention étant l’exception
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
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et devant être subsidiaire. Le débat sur la subsidiarité remis au goût du jour
par le traité de Maastricht nous éclaire sur la subsidiarité en réaffirmant que
l’autorité la plus élevée ne doit pas se substituer à la moins élevée dans les
domaines où cette dernière est compétente et qu’elle ne doit agir que là où
celle-ci ne peut plus pourvoir. À tout le moins, l’action sociale ne doit pas
se substituer aux personnes ni assurer les fonctions qu’elles sont en mesure
de remplir elles-mêmes et encore moins produire des assistés sous-citoyens.
En outre, la liberté et le secret de la vie privée soumettent au secret
professionnel, en tant que dépositaires obligés et confidents nécessaires, les
nombreux professionnels œuvrant pour le RMI, dans l’ASE, la PMI, la probation, etc. ; ceci hormis les cas d’autorisation de levée du secret professionnel prévus à l’article 226-14 du nouveau Code pénal ou dans la loi sur
l’enfance maltraitée, à savoir les sévices ou privations infligés à un mineur
de moins de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se
protéger en raison de son âge ou de son état physique et psychique. Car les
droits de la personne trouvent leur limite dans le droit d’autrui, le droit au
respect de sa vie ou encore le droit d’obtenir une preuve. Elle souligne
l’indispensable discrétion professionnelle.
De même, cela entraîne que le travailleur social n’a aucun pouvoir légal
de contrainte. Si l’accès au domicile lui est refusé, si les personnes auprès
desquelles il doit effectuer une enquête refusent de lui répondre, si elles ne
suivent pas ses conseils, il ne peut qu’en référer aux autorités compétentes.
Sa capacité d’induire un changement se réalise principalement dans un
échange accepté, grâce à la qualité de son information, de sa compréhension, de sa persuasion.
Rappelons également que l’enquête sociale demandée au travail social,
sauf pour l’enquête sociale prévue dans l’ordonnance du 7 février 1945
relative à l’enfance, la délinquance et sauf pour l’enquête ordonnée en vertu
de l’article 287-2 du Code civil dans le cadre d’une procédure de divorce,
serait contraire au droit des citoyens, sauf sur demande ou avec accord de
ceux-ci ou dans le cas d’un intérêt public supérieur, notamment en protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés
d’autrui. D’où l’importance de clarifier les demandes institutionnelles et
d’associer les usagers au travail d’évaluation professionnelle (cf. Rapport
sur les enquêtes sociales — ministère des affaires sociales.)
Enfin, la reconnaissance des droits des usagers fait redécouvrir au travail
social la notion de contradictoire et du débat public. Elle entraîne aussi toute
une réflexion sur le travail d’écriture dans les dossiers sociaux qui sont à la
fois éléments de diagnostic et mémoire de l’action professionnelle. D’une
part elle a permis de retrouver plus d’objectivité et de rigueur, en évitant
que le contenu puisse porter un préjudice (par stigmatisation, jugement…),
d’autre part, en restituant sa propre histoire à la personne, elle lui reconnaît
un droit de regard et de contrôle sur ce que l’on dit de son intimité et de sa
vie privée dont elle a pu lui faire part. Elle renforce le respect des usagers
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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appréhendés avant tout comme citoyens, quels que soient leurs problèmes
ou leur pathologie.
Cependant, rien n’est simple et le travail social est pris dans une tension.
En effet, à l’image de la vie privée qui signifie discrétion, pudeur, protection
contre la vue d’autrui, mais aussi rencontre, dialogue (elle marque la double
force d’intériorisation et d’extériorisation qui habite simultanément le moi),
l’intervention sociale pose problème aux droits des personnes comme elle
aide au respect des droits des personnes ; car si une grande partie des interventions des travailleurs sociaux se fait à la demande et en accord avec les
usagers, une non moins grande partie de leurs interventions se fait sur
mission publique et institutionnelle. Reste que la personne peut être définie
comme sujet de droits, comme autonome et dépendante, comme dépositaire
d’une irréductible dignité humaine et en même temps parfois affaiblie.
En conclusion, d’aucuns n’hésitent pas à dire qu’un nouvel aspect de
la professionnalité du travailleur social se redéfinit par rapport au droit :
au minimum, faire valoir les droits et travailler à l’égalité devant les droits ;
mieux, ne pas se satisfaire des droits existants et œuvrer pour créer des
droits, engager des mobilisations par rapport aux droits de l’homme… Mais
là encore, il faut raison garder ; car de même que « les droits de l’homme ne
peuvent être une politique » (M. Gaucher), de même le droit n’est qu’un appui
pour le travail social. Ce travail social est plus que l’accès aux droits ou que
la recherche de nouveaux droits ; la personne n’est pas seulement un sujet
juridique.
2.2.2. Une sociologie du sujet
C’est le propre de la sociologie de s’intéresser à la société et de tenter de
la comprendre. Aussi, actuellement, elle s’interroge sur l’éclatement de la
société et pour l’analyser, tout un nouveau courant se dessine, plaçant
au centre de l’analyse l’activité autonome des individus et des groupes.
Plusieurs sociologues comme Touraine et Crozier, depuis longtemps déjà, en
étudiaient certains aspects dans toute leur œuvre bien connue ; d’autres y
sont venus progressivement comme par exemple Bourdieu qui étudie récemment la souffrance et publie La misère du monde. Mais c’est depuis peu
qu’une nouvelle pensée sociale s’élabore, dont l’ouvrage Penser le sujet
donne une excellente synthèse. Il propose une conception du sujet sur
laquelle le travail social peut s’appuyer pour la refondation du concept d’aide
à la personne. « Au moment où s’effacent les grands récits sociaux, chaque
existence cherche à devenir un récit personnel et notre monde massifié,
globalisé, est aussi et surtout un monde centré sur le désir de l’individu
d’être un acteur, ce qui est la définition même du sujet » (A. Touraine). Pour
comprendre cette société, ce courant de pensée en appelle à passer d’une
sociologie des déterminismes sociaux à une sociologie de la liberté, dont
l’idée de sujet est la clé de voûte.
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
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L’intervention sociale d’aide à la personne
Une nouvelle pensée sociologique
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La place du sujet
« La reconstruction de l’analyse sociologique (…) doit partir non du haut mais de
ce qui est le plus capable de rétablir un lien entre le système et l’acteur : c’est
pourquoi la sociologie ne doit pas seulement faire une place à l’idée de sujet ;
elle doit lui donner la place centrale. » (A. Touraine)
Toute une conception fonctionnaliste et structuraliste a développé l’idée
d’un acteur, pur support du système : déterminisme, réification et historicisme en ont été les principaux facteurs explicatifs. Le sujet est placé sous
le contrôle de la raison, de la rationalité instrumentale ; il est vu comme
devant se plier à la logique fonctionnelle. Il y avait donc tendance à l’anéantissement du sujet.
Mais l’apparition de nouvelles formes de modernisation a conduit à
revoir ces conceptions. Ainsi, depuis les années 80, marquées par la réaffirmation des valeurs de marché, la crise des systèmes de welfare et des idéologies, le courant de pensée de l’individualisme méthodologique a acquis de
l’influence particulièrement dans la sociologie et les sciences politiques.
Il affirme que toute explication des phénomènes sociaux individuels ou
collectifs doit être fondée entièrement sur des données concernant les propriétés et les actions des individus. Il considère comme constante l’autonomie de l’acteur. L’acteur défini par des préférences individuelles choisit
l’action en minimisant les coûts et recherchant les bénéfices. Cette conception que d’aucuns appellent « hyposocialisée » s’est opposée à la version
fonctionnaliste puis structuraliste définie comme une conception « hyposocialisée » de l’homme. Mais l’individualisme méthodologique comporte aussi
des limites car il réduit le sujet à un individu utilitaire.
On assiste maintenant à un renversement de perspective intellectuelle.
Selon F. Dubet, cette histoire se brise aujourd’hui et conduit à une autre
représentation, plus limitée mais accordant à l’idée de sujet une place possible
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En effet, jusqu’à présent, l’idée de sujet est restée très largement étrangère
aux courants centraux de la sociologie. La pensée sociologique dominante
voyait en l’individu un être de désir, d’agressivité, de besoin, de plaisir, qui
doit être guidé, canalisé par l’organisation sociale et par la loi. De Hobbes
à Freud et Durkheim, est posée l’opposition de la nature et de la culture et
c’est cette dernière qui doit dominer. La sociologie a toujours été traversée
par des oppositions entre sciences de la nature/sciences de l’esprit, subjectivisme/objectivisme, matérialisme/idéalisme, holisme/individualisme…
La sociologie a tranché dans la mesure où elle s’est faite contre l’idée de
sujet, où elle n’a cessé d’en démasquer les illusions ou les erreurs, où les
progrès de la discipline se sont appuyés sur une méthodologie de l’objectivation et du soupçon. L’Homme était agi et non agissant.
Dès lors, dans sa tradition positiviste, la sociologie s’est efforcée de combattre le sujet en réduisant l’action à une série de déterminations objectives.
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au sein même d’un projet de connaissance positiviste. La sociologie du sujet
se construit en opposition critique et veut rompre avec tout cela.
Le sujet est certes caractérisé par le désir d’être un individu, de créer une
histoire personnelle, de donner un sens à l’ensemble des expériences de la
vie individuelle. Mais c’est plus : la formation du sujet est un phénomène
historique et social. C’est en cela que la sociologie du sujet se différencie
des approches psychologiques car le travail du sujet ne devient à son tour
action que dans la mesure où il se heurte à des obstacles sociaux et à des
rapports de domination.
Il se construit dans l’expérience individuelle et s’efforce de lui donner
sens ; l’individu en rassemble les significations afin de se concevoir comme
acteur de sa propre vie. L’autonomie d’un individu n’est pas donnée ; la maîtrise du sujet s’acquiert, elle n’est pas innée. Elle est toute une dynamique.
Le sujet va devoir opérer des choix ; son identité individuelle se construit
en fonction des identités collectives adoptées ou écartées. Le sujet-acteur
est tenu de gérer plusieurs logiques, n’est pas réductible à ses intérêts et à
ses rôles. Car le sujet est à la fois individu et communauté, caractérisé par
le principe d’autoréférence et d’exoréférence, c’est-à-dire la capacité de se
référer à soi mais aussi au monde extérieur. Il est multiréférentiel. S’identifier
comme particulier implique de se différencier ou de se reconnaître en proximité d’autres sociétés. Il y a donc un monde de sujets singuliers respectant
le multiple.
C’est parce que le sujet porte l’altérité en lui-même qu’il peut communiquer avec autrui. Le sujet est un être en relation et en même temps a besoin
de son propre espace pour exister. Cela implique que la qualité propre du sujet
est la communication et l’altruisme, c’est-à-dire le contraire de l’égoïsme. La
figure du sujet doit être nettement distinguée des théories individualistes.
Elle est le contraire du narcissisme car être sujet passe par la capacité d’assumer ses racines et de reconnaissance des autres. Le sujet est ainsi tendu
entre l’universel et le particulier et travaille à mettre ces deux ordres en
cohérence. Le sujet se construit aussi dans la distance aux normes. Il doit
s’affirmer et lutter contre les systèmes mis en place, les différents pouvoirs ;
mais il doit tout autant se défendre contre le libéralisme/individualisme et
le communautarisme.
Ainsi, en synthèse de ce qui vient d’être dit, la maîtrise et la conquête de
l’authenticité du sujet passent par la solidarité et le conflit, par la reconnaissance de l’autre et par la lutte contre les obstacles qui s’opposent à son
affirmation du sujet tout en le révélant dans le même temps à lui-même.
Elle est un travail sur soi, un mélange de résistances et d’engagements,
de solidarités et de conflits.
L’universel et le particulier
« Si le sujet se construit dans la distance aux normes, il passe nécessairement par
la capacité d’assumer des racines d’une part et par la reconnaissance des autres
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
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L’intervention sociale d’aide à la personne
d’autre part. Il est tendu entre l’universel et le particulier, il est justement l’activité qui met ces deux ordres en cohérence. » (F. Dubet)
En résumé, la sociologie du sujet se veut être une sociologie de l’expérience sociale en ce qu’elle peut avoir d’intime et d’enraciné à la fois, car
l’individu ne s’affirme pas seulement comme un sujet dans la maîtrise de
son expérience personnelle.
Elle fait le lien entre l’individuel et l’action collective et les mouvements
sociaux :
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Cette nouvelle pensée sociale comporte trois éléments :
– le sujet ;
– les rapports de domination culturelle ;
– la reconnaissance des différences.
L’apport de la sociologie du sujet vient donc compléter celui de la philosophie, pour qui le sujet est notion transcendantale, définie par ses attributs
non sociaux : un être historique et culturel permanent, une personnalité
ineffable, une raison souveraine.
Mais reste qu’en posant théoriquement la notion de sujet, la sociologie
donne une « vision post-moderne de la société dans laquelle l’individu sait
jouir de la mobilité, de différents registres de socialisation. » (F. Blondel), ce
qui n’est pas le cas dans notre société où les valeurs qu’elle produit assignent
les individus à des « non-places » et dans laquelle l’exclusion va croissant.
Comment le travail social peut-il tirer parti de ce nouvel apport théorique
de la sociologie tout en ne s’illusionnant pas sur les contradictions apportées
par le contexte socio-politique ?
Cette conception du sujet enrichit celle du travail social
L’intervention d’aide à la personne peut s’enrichir de cette sociologie du
sujet qui met en exergue la nécessité de reconnaître l’espace du sujet, qui
montre qu’en dépit des contraintes structurelles, des conflits, des illusions
d’autonomie totale, c’est un sujet social de plein droit. Le travail social qui
prône la reconnaissance de la personne capable d’autonomie, de critique et
de connaissance de soi, trouve un argumentaire supplémentaire dans cette
analyse sociologique de la transformation du sujet qui unit universalisme
et particularisme, appel au droit et mise en œuvre de la solidarité, respect
de l’autre et volonté d’intégration, instrumentalité sociale et identité culturelle et sociale. Comme le préconise Robert Fraisse, cela engage de nouveaux
principes et de nouvelles pratiques démocratiques, car sous l’individu il y a
l’initiateur, sous la communauté le goût d’être à plusieurs, sous l’exclusion
la citoyenneté.
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« Accorder une place centrale à l’idée de sujet ne conduit aucunement à négliger
les conditions sociales ou interpersonnelles de sa reconnaissance, mais seulement
à affirmer la nécessité de partir dans l’analyse du rapport de l’individu à luimême plutôt que de l’organisation sociale ou de l’intersubjectivité. » (A. Touraine)
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La redécouverte sociologique de l’importance de la question du sujet
conforte le choix de parler de la personne et non de l’individu. En effet,
à titre d’exemple, le terme individu est surtout employé :
1. par la génétique comme un isolat sans rapport ou lien avec d’autres
éléments, ou au sens de membre de l’espèce humaine, indéterminé en soi
parce que pensé en grand nombre ;
2. par l’économique, au sens de l’individu libéral dont l’existence est une
fin en soi (avant toute existence sociale) et que la société doit servir ;
3. par certains modèles politiques qui à travers le souci du collectif privilégient l’individu comme servant un ensemble et ne s’intéressent pas au
sujet ;
4. par une psychologie béhavioriste, où il est impossible de concevoir le
sujet, et qui place l’individu comme objet d’observation et façonne délibérément ses comportements.
La personne dépasse l’individu. La personne est beaucoup plus que cela.
L’anthropologie nous montre d’ailleurs la lente évolution de ce concept
forgé par la pensée humaine et l’histoire de nos sociétés. D’abord, dans les
sociétés primitives, la personne est nommée et sa place déterminée, si bien
qu’elle est inscrite fonctionnellement dans leur organisation. Le nom figure
le personnage, qui affecté d’un rôle ou d’une fonction concrète ou symbolique, a son utilité et sa place dans le groupe social. Tous les personnages
représentent ensemble ou figurent la totalité du groupe. Le nom signifiant
est indicateur de la position sociale, du rôle dans la vie familiale.
Mais dans ces sociétés, il n’est pas établi de lien entre la personne et son
« moi ». La notion de personne au sens moderne de l’acception prend forme
avec les Latins de la Rome ancienne, notamment après la révolte de la Plèbe.
Tous les hommes libres de Rome acquièrent la « persona ». La personne, personnage artificiel, masque et rôle, cède progressivement la place à la personne
libre, propriétaire de son nom, de son corps, de ses biens. Le concept sera
enrichi, avec le développement de la pensée morale et du christianisme, des
notions de conscience, de responsabilité, d’autonomie et de liberté. Enfin,
la personne devient un être psychologique.
La référence au livre Sociologie et anthropologie de Marcel Mauss permet
de bien comprendre cette évolution du « nous sociétal » au « moi individuel »
et enfin au « moi social ».
Fondé sur le « moi individuel », le concept de personne maintenant différencié du personnage social, élément fonctionnel et constitutif du « nous
sociétal » des sociétés primitives, peut être conçu comme un « moi social »
défini dans une spécificité du moi en lien avec une réalité sociale multipolaire. En effet, nul n’est sans appartenance et chacun possède une identité
originaire conférée par son milieu : milieu familial en particulier ou groupe
social. En même temps, la société moderne est composite contrairement aux
sociétés traditionnelles hiérarchisées selon une structure sociale établie et fixe.
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
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C’est une société multipolaire (V. de Gaulejac) constituée de groupes et
réseaux multiples, intriqués les uns dans les autres. L’intégration dans une
telle société suppose une multi-appartenance et une adaptation constante
pour permettre le passage d’une organisation à une autre. L’appartenance
culturelle originaire à un groupe défavorisé ne permet pas facilement ce
passage, notamment en raison des rapports (historiques) marqués par la
domination d’un groupe sur l’autre. L’outillage utile et nécessaire à l’adaptation n’est pas pour chacun d’un accès aisé. Et cela, d’autant plus que le
milieu culturel influe fortement par ses valeurs, ses interdits, ses conflits
inconscients, ses propres mécanismes de défense. C’est toute la question de
la personne ethnique (et non pas raciale) abordée par Georges Devereux
dans Essais d’ethnopsychiatrie générale. Avec l’acquisition de l’état de sujet,
porté au rang des valeurs universelles, la personne moderne, acteur et responsable, est confrontée à elle-même, et bien souvent « le moi de chaque
individu est devenu son principal fardeau » (R. Sennet, Les tyrannies de
l’intimité, Seuil, 1979).
Dépositaire d’une irréductible dignité, d’une grande complexité (avec
conscience et inconscient), la personne est donc un sujet défini par le regard
des autres et ne peut en être dissociée. Le concept de personne renvoie non
seulement à l’identité mais à la socialité ; singulière par nature, elle ne peut
vivre sans ses semblables et joue un rôle dans la société.
On ne peut réduire la personne à un aspect monadique, elle est un être
en relation, elle a une vie communautaire. La personne se définit « ni par la
détermination de la société sur l’homme, ni par l’antériorité de l’homme par
rapport à la société. La personne est un être social sachant comprendre et
accepter les contraintes sociales — leur faisant alors perdre leurs caractéristiques de contraintes subies » (voir chapitre 3). Aussi, afin que les contraintes
deviennent des données intégrées par la personne elle-même, il faut, selon
S. Moscovici, « transformer les sociétés conçues en sociétés vécues ».
L’intervention sociale individualisée, telle que pratiquée pendant des
décennies, a participé d’une pensée rationnelle, non ignorante des imbrications, mais très centrée sur l’individu et le cercle étroit de ce qui pouvait lui
servir de point d’appui dans ses difficultés. L’intervention sociale à promouvoir se situe délibérément dans une pensée sur la personne, enrichie par les
interactions, les stratégies, les rapports sociaux, et dans le registre de la
pensée complexe.
L’intervention sociale d’aide à la personne se situe donc à trois niveaux :
1. La personne elle-même : c’est le souci de l’autre, de son univers singulier, une centration sur son quotidien et son identité. On est là au niveau
intrinsèque dans un itinéraire d’autonomisation la meilleure possible. C’est
aussi la fonction de médiation entre l’identité originaire et l’identité en
construction au cours du processus d’intégration sociale, par la recherche
d’un équilibre entre stress et motivation d’acteur ;
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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2. Le deuxième niveau est celui de la sociabilité de la personne inscrite
dans son microcosme, son réseau de relation plus ou moins étendu ; et là,
on est au niveau du lien social, de sa place dans la société ;
3. Enfin le troisième niveau est celui de l’articulation du quotidien singulier avec la globalité économique sociale et culturelle qui caractérise la société.
Nourrir, interpeller et adapter l’action sociale organisée, réglementée ; c’est
avoir une certaine fonction d’expertise du social concret, et d’interpellation
institutionnelle et politique.
Dès lors, l’intervention d’aide à la personne a pour enjeu la capacité
d’autocréation de la personne, la capacité de maîtriser en même temps les
choix d’un destin personnel et un avenir résolument commun. Cette intervention doit travailler avec la conception complexe du sujet dont parle
E. Morin : autonomie/dépendance, individualité/autoproduction, et des
notions antagonistes comme le principe d’inclusion et d’exclusion. Elle ne
peut sous-estimer les ambivalences et les contradictions du sujet, à la fois
dans sa centralité et son insuffisance, son sens et son insignifiance.
L’intervention sociale d’aide à la personne ne se réduit pas à une aide
relationnelle et ne se positionne pas seulement en termes de « manque »,
« carence », « besoin » ; elle vise l’autonomie par la pédagogie de la réussite
s’appuyant sur les capacités et potentialités, si diminuées soient-elles, de
cette personne ; il s’agit que celle-ci soit aidée, trouve de l’aide, participe au
processus d’aide, à sa définition, et à sa mise en œuvre.
Le système n’existe que par l’acteur
« L’acteur n’existe pas en dehors du système qui définit la liberté qui est la sienne
et la rationalité qu’il peut utiliser dans son action. Mais le système n’existe que
par l’acteur qui seul peut le porter et lui donner vie, et qui seul peut le changer. »
(M. Crozier et E. Friedberg)
Au-delà de la relation de proximité et de la technique, c’est tout un
projet qui est mis en œuvre, qu’il soit de l’ordre de la prévention, ou pour
enrayer une dégradation de la situation, ou encore pour aider au maintien
ou à la restauration de l’autonomie, et enfin pour contribuer à la citoyenneté.
Il y a tout un dialogue à renouer et tout un échange à promouvoir. L’échange
est une dynamique qui maintient l’espace de liberté de chacun, reconnaît
chaque être, respecte la volonté de l’autre ; il doit être le principal ressort de
la valorisation et de l’affirmation identitaire ; aller à la rencontre de l’intelligence de l’autre. C’est aussi et surtout créer du lien social. Cela requiert
une compréhension de la personne, de ses liens sociaux, de son environnement, il faut saisir la dimension culturelle et anthropologique des situations
sociales. Les questions du lien social, de la constitution des identités sociales
sont essentielles : relier avec l’environnement immédiat, l’entourage le voisinage, la famille c’est-à-dire conjuguer des démarches professionnelles avec
des processus solidaires. Il s’agit de mobiliser les ressources personnelles et
sociales, de créer les conditions pour cela.
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
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C’est pourquoi la prise en compte de la dimension politique est capitale.
L’intervention d’aide à la personne engage à repenser le travail social comme
un générateur de nouveaux liens sociaux autour de la personne et à rénover
les institutions sociales comme témoins/acteurs organisés de la vie sociale
de leur public/usagers. Le travail social ne tire pas seulement sa légitimité
des techniques qu’il maîtrise mais aussi de l’inscription de son action dans
un projet institutionnel qui a une portée politique à travers les valeurs mises
en œuvre et la mobilisation collective des acteurs impliqués. Il n’échappe
pas aux contraintes normatives et objectives de la politique et des institutions. Dès lors, comment faire que la personne soit bien sujet, elle qui est en
position de demandeur, en précarisation, en voie d’exclusion, voire « inutile
au monde » (R. Castel).
Si nous avons volontairement ainsi cherché un appui sociologique pour
notre pensée de la personne, c’est pour affirmer et rappeler qu’il faut tout
faire pour tendre à cela et lutter contre le contexte socio-politique qui ramène
sans cesse à l’exclusion et à la fracture sociale. Rappeler que la responsabilité
sociétale est nécessaire au moment où tout converge à nouveau pour réduire
cette responsabilité aux individus. Il faut donc oser dire les problèmes des
personnes, exprimer la connaissance pratique des problèmes sociaux, réintroduire la problématique des personnes au sein des dispositifs mis en place
par la politique sociale afin qu’ils les prennent en compte et s’adaptent, afin
que solidarité générale et solidarité concrète soient indissolublement liées.
S’il s’agit de construire des systèmes adéquats qui vont agir à l’interface des
personnes et de leur environnement, d’instrumenter en vue non seulement
d’une efficacité (court terme) mais d’une efficience (long terme), l’intervention sociale d’aide à la personne doit aussi viser l’expression d’une citoyenneté et pour ce faire, bousculer la politique et la société pour trouver des
solutions adéquates permettant à chacun d’être sujet.
C’est là sa dimension politique consistant à intégrer la notion de changement social, le travail sur l’environnement, la participation de tous à la
construction sociale. « Un sujet capable ne devient sujet en acte, sujet existant, sujet historique, qu’en société et plus précisément dans des institutions justes » (P. Ricœur).
L’autre, préoccupation centrale de l’éthique
Alors qu’il existait traditionnellement en France un intérêt pour la philosophie morale, et que celui-ci avait disparu depuis les quarante dernières
années, on observe maintenant un retour de cette philosophie. D’une part,
de nombreuses recherches s’attachent aujourd’hui à comprendre comment
les personnes intègrent dans leur propre vie et dans leurs jugements de
valeur, les systèmes moraux. « La nouvelle exigence en ce domaine est de
pouvoir faire le lien entre les analyses les plus abstraites de la théorie morale
et la forme d’adhésion intime des individus aux valeurs dans la vie concrète »
(Monique Canto-Sperber). La philosophie tente d’y apporter une nouvelle
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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intelligibilité, notamment par une réflexion critique approfondie et renouvelée, en particulier sur l’éthique. D’autre part, des philosophes cherchent à
en renouveler l’interprétation, comme Ricœur, dans son ouvrage Soi-même
comme un autre. Le renouveau de la pensée éthique par de nombreux philosophes par rapport aux temps actuels permet au travail social de réactualiser la sienne.
Chez les philosophes classiques, on peut puiser l’approfondissement du
modèle de l’être/sujet, autonome, libre, responsable de lui-même et de ses
actes. On peut aussi reprendre dans la tradition judéo-chrétienne certains
aspects jugés universels, ou encore examiner divers aspects intéressants et
toujours valables de la doctrine du personnalisme (E. Mounier)… Mais on
peut réactualiser, renouveler, enrichir ces philosophies éthiques par divers
éléments qu’apportent les débats éthiques contemporains. Ainsi le travail
social ne peut-il rester à l’écart de ceux-ci dont deux sont récents : l’éthique
de responsabilité et l’éthique de la communication. Il ne peut pas non plus
ne pas les traduire dans l’« exigence de l’action » pour reprendre une expression de Ricœur, et notamment dans les finalités de l’intervention d’aide
sociale à la personne.
Renouveau de la pensée éthique
Mode ou question fondamentale, le retour en force du questionnement
éthique s’explique sans doute par la faillite du sens, la retombée des idéologies et utopies, un certain triomphe de l’individualisme, les problèmes
humains posés par les nouvelles technologies… C’est en période de doute
que la question éthique se pose avec le plus d’acuité. L’émergence d’un
questionnement éthique est inséparable de l’évolution des sociétés contemporaines. La parution de très nombreux ouvrages le montre, la création de
multiples comités éthiques dans les secteurs divers (procréation, média et
communication, informatiques et libertés…) viennent en témoigner.
Tout d’abord, on note une distinction récente entre les termes « morale »
et « éthique ». À l’origine, aucune distinction n’existe entre eux. Éthique vient
du grec ethos et morale du latin mos mais tous les deux signifient mœurs,
façon de vivre ou d’agir. Ils ne se différencieront que progressivement et se
distingueront à partir des années 70-80, du moins en France. Le sens donné
par Comte-Sponville est éclairant : « On appelle morale le discours normatif
et impératif qui résulte du bien et du mal considérés comme valeurs absolues
et universelles. C’est l’ensemble de nos devoirs. La morale répond à la question « que dois-je faire ? ». Elle se veut une et universelle. Alors qu’inversement
et parallèlement, on appelle éthique tout discours normatif mais non impératif (ou sans autre impératif qu’hypothétique, dirait Kant), qui résulte de
l’opposition du bon et du mauvais, comme valeurs relatives ; c’est l’ensemble réfléchi de nos désirs. Une éthique répond donc à la question : comment
vivre ? Elle est toujours particulière à un individu ou un groupe. C’est un art
de vivre. »
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
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L’intervention sociale d’aide à la personne
Dans cette acception, la morale tend vers la vertu et la sainteté alors que
l’éthique tend au bonheur et culmine dans la sagesse.
Il ne s’agit pas d’une éthique monolithique à laquelle chacun devrait se
soumettre, ni des recettes d’application ; mais une éthique de questionnement permanent. Le questionnement éthique est indissociable d’une interrogation sur le sens du faire.
Parole de parent
« Avant vous aviez raison, vous aviez toujours raison et c’était vous qui preniez
les décisions. Alors que maintenant, il y a eu un revirement : parfois, vous doutez. »
L’éthique ne s’éprouve que dans l’acte. Il faut une rencontre, celle d’un
« Je » et d’un « Tu ».
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ISAP.indb 78
C’est de la confrontation avec une autre liberté, « liberté en deuxième
personne », que se vit l’éthique : vouloir que la liberté de l’Autre soit. Toute
action éthiquement fondée suppose à la base une volonté libre. La liberté est
la condition première de l’éthique. Cette pensée sur la liberté ne se réfère plus
seulement à la liberté métaphysique, mais à celle de pouvoir agir, s’exprimer
librement, jouir de ses biens. Le principe de liberté est clairement énoncé par
l’éthique de notre temps et ce, en liaison avec le principe d’égalité.
De même que l’éthique ne peut se concevoir sans la liberté, elle ne peut
s’appréhender sans cet autre concept qu’est l’altérité « l’autre est mon semblable ! semblable dans l’altérité, autre dans la similitude » (P. Ricœur), car
l’éthique, c’est penser fondamentalement l’Autre. D’où l’éthique contient le
principe de l’autodétermination du sujet capable, du consentement autonome. Mais l’autonomie c’est aussi l’apprentissage des réglementations au
point de se les approprier et d’en faire un usage habituel pour diriger ordinairement sa conduite ; le sujet est seul possesseur des usages qu’il acquiert.
On en revient ici au respect des libertés.
L’éthique contemporaine ne se contente pas de renouveler des principes
fort anciens, elle élabore d’autres analyses. Ainsi, trois approches de l’éthique
peuvent alimenter la réflexion du travail social. Si la première n’est pas
récente, les deux autres apportent un éclairage nouveau. Il s’agit de l’éthique
de conviction, l’éthique de responsabilité, et l’éthique de discussion.
– L’expression éthique de conviction vient du sociologue allemand Max
Weber. Elle évoque l’attitude qui consiste à se mettre inconditionnellement au
service d’une fin. On veut atteindre cette fin, sans transiger et sans accepter
de concession. L’aspect positif en est la puissance de la force de conviction,
la sincérité ; la limite en est l’intolérance, voire le fanatisme…
– L’éthique de responsabilité inclut, quant à elle, outre le but à atteindre,
le tri parmi les différents choix possibles, l’analyse des moyens en rapport
avec la finalité, l’évaluation des conséquences ; bref, elle appelle à la lucidité
concernant les actes posés. La responsabilité, c’est donc au-delà de l’acception
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« Éthique et pratique sont indissolublement liées. » (F. Dolto)
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juridique, l’ouverture à autrui ; c’est l’aptitude à être affecté par l’autre. Elle
concerne ce que l’on fait personnellement ; elle est certes pour soi mais aussi
et bien plus envers autrui.
– Enfin, le sociologue et philosophe allemand, Habermas a élaboré la
théorie de l’éthique de discussion. Il s’agit d’une libre discussion entre les
membres d’une même communauté, respectueux de certaines règles et désireux de les faire jouer jusqu’à ce que la délibération collective atteigne sa
conclusion logique et aboutisse à un consensus par la voie de l’argumentation. Certes, cela pose de nombreuses questions, dont :
1. Le consensus constitue-t-il la meilleure garantie de la justesse d’une
décision morale ?
2. Pour que la communication fonctionne dans les meilleures conditions
possibles, il faut des conditions d’égalité, or elles ne sont pas toujours réunies.
Quoi qu’il en soit, cette proposition est reprise et jugée très intéressante
car c’est sans doute la voie la moins dogmatique et celle qui empêche le plus
la prise de pouvoir.
Cette refondation de l’éthique enrichit la conception éthique
du travail social
Le travail social a toujours soutenu que la stricte observance des lois ou
des recommandations — voire des réglementations — administratives, n’est
pas suffisante pour orienter les pratiques. De même la technique, si élaborée
qu’elle soit, n’a pas de sens si on n’en revient pas à la réflexion éthique.
Comme toute pratique sociale, l’intervention sociale d’aide à la personne est
une technique en liens étroits à une éthique qui se donne des finalités et des
buts. C’est au rappel des principes fondamentaux de cette éthique que nous
allons maintenant procéder.
On le sait, traditionnellement le travail social professe et pratique une
éthique humaniste. Sa philosophie humaniste est une fois en l’Homme, en
ses capacités, ses potentialités, et les principes d’action généraux sont d’une
part le respect de la singularité, de la liberté, de l’autodétermination, de
l’autonomie des personnes, etc. ; et d’autre part, le devoir d’aide et d’intervention pour améliorer la situation des personnes. Mais pour que cette
éthique humaniste ne reste pas à l’état d’intention, elle doit se traduire
concrètement. Toute la difficulté réside bien dans ce que certains appellent
« l’éthique appliquée ».
Au demeurant, est-il encore possible de parler d’humanisme de façon
générique, insuffisamment explicitée quant à ses références, alors que la
pensée éthique contemporaine fait régresser partiellement le modèle du
« sujet autonome et hégémonique » au profit d’une éthique pragmatique
raisonnée, d’une éthique de communication replaçant la personne dans ses
rapports avec autrui, dans sa communication avec autrui ? Ne peut-on revoir
et adapter le fondement éthique général du travail social de façon plus
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
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opérante au travail social actuel et particulièrement à l’intervention sociale
d’aide à la personne ?
Le travail social a toujours privilégié le concept de personne, mais sa
posture éthique s’ouvre dorénavant sur la personne comme « être social ».
En effet, face à la montée du néo-individualisme, qui entraîne le fait que
l’individu devient valeur suprême, qui a une connotation égo-utilitariste et
qui privilégie l’individu par rapport à la collectivité, il tente de postuler un
nouvel humanisme que nous appellerons ici « humanisme social ».
L’être humain, la personne reste certes prioritaire pour le travail social.
De là découlent des principes éthiques fondamentaux qui sont le respect de
chaque être dans sa considération singulière, la tolérance, l’acceptation,
l’existence de ses droits fondamentaux, le principe de justice, etc. On pourrait ainsi continuer à décliner toutes les valeurs à la base du travail social.
On est là dans une éthique de conviction nécessaire et indispensable.
L’éthique de conviction permet de défendre la place d’autrui. Comme dit
Kant, se mettre à la place de l’autre est une condition de la pensée élargie.
Si autrui se sent une personne, c’est parce qu’il est reconnu comme tel et
que dès lors, il peut s’affirmer comme personne dans cette reconnaissance.
L’éthique de conviction professionnelle (et ce, au-delà des valeurs personnelles de chacun) recouvre une conception humaniste à promouvoir,
à sauvegarder coûte que coûte, en luttant durement si nécessaire : celle de
l’Homme, d’une part en tant que lui-même et, d’autre part, comme acteur
dans la société.
L’éthique de conviction professionnelle promeut une certaine conception
de l’Homme et du monde à défendre, ce que Ricœur appelle des « convictions
bien pesées ».
Misère
« Personne ne choisit de vivre dans la misère, personne même celui qui à un
moment donné n’a plus de courage. Nous avons besoin d’être aidés par les
personnes qui croient en nous et en nos enfants. » (Audition de familles d’ATD
Quart Monde)
Mais le mot social accolé à humanisme permet d’aller plus loin et donne
une dimension en adéquation avec les évolutions actuelles. Si nous proposons « l’humanisme social » comme valeur du travail social, c’est parce que
cela permet de dépasser la dimension anthropocentrisme, en ne se centrant
pas seulement sur la personne en tant qu’être/essence, mais en considérant
la personne comme être social, dans son altérité, dans ses rapports avec
autrui, dans ses liens avec son environnement, et enfin comme acteur,
élément constitutif d’une société. Le travail social pense avec Levinas que
c’est la reconnaissance de la singularité, de l’unicité de l’Être qui va permettre l’accès au collectif. Dès lors, en reformulant ainsi l’éthique du travail
social, on tient bien compte des deux volets, à savoir « la personne dans son
tout, son être profond » et « la personne-être social ».
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
C’est là que l’éthique de responsabilité peut apporter des éléments. Comment
le travail social peut-il reprendre à son compte l’éthique de responsabilité ?
Quelques traits essentiels seront évoqués ici : au-delà la conception juridique et pénale de la responsabilité, la responsabilité est à concevoir non
seulement comme responsable de soi-même et de ses actes, mais aussi
comme responsable d’autrui (Levinas) et même des conséquences futures de
la société que l’on construit (Jonas).
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On retrouve bien ici les trois niveaux :
– la personne elle-même ;
– la personne en lien avec autrui ;
– la personne comme élément de la société.
Pour l’intervention sociale, la responsabilisation est un processus d’apprentissage de la responsabilité utilisé par le travailleur social ; considérer l’autre
comme responsable c’est au niveau de la personne, la mise en responsabilité
de ses choix, de ses jugements, de ses actions, la rupture de l’indifférence,
le processus pédagogique d’apprentissage de la responsabilisation, la relation au temps par les effets.
Au niveau social, c’est comprendre et assumer les contraintes sociales,
positionner socialement la personne.
Envers la personne elle-même, le travail social, outre la compréhension
positive, recherche l’action efficace, non dans le but de confectionner et
d’imposer sa solution ou celle de son organisme, mais dans celui de constituer les éléments nécessaires à la construction par la personne aidée, des
solutions qui lui soient propres.
Confiance
« Il faut que les gens nous jugent autrement, qu’ils nous fassent confiance, qu’ils
croient que nous pouvons faire de grandes choses et qu’ils bâtissent avec nous,
non sur nos problèmes mais sur nos efforts, sur nos projets, sur nos bonnes
idées. » (Mme L., Lille)
L’effort portera à la fois sur la valorisation/revalorisation du « sujet » à ses
propres yeux et à ceux d’autrui, et sur l’expression et l’accessibilité par l’environnement social de réels matériaux possibles pour bâtir des scénarios de
résolution des difficultés et des multiples problèmes en présence. L’éthique de
responsabilité est bien une exigence de l’action aidante et structurante pour
l’immédiat comme pour l’avenir, et pour ce faire d’en prendre les moyens.
La responsabilité se prend, se conquiert, se gagne… mais le hasard, le
déterminisme, la causalité inconsciente, la contrainte objective jouent un
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Au-delà de l’intervention
« La question de la responsabilité est surtout manifeste dans le passage de relais
et dans la gestion du risque de rupture de prise en charge. Permettre à quelqu’un
de s’engager dans un parcours, un processus suppose qu’on se préoccupe de
l’après. » (Accompagnement social et insertion, UNIOPSS)
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L’intervention sociale d’aide à la personne
rôle essentiel, s’articulant ou entrant en concurrence avec la responsabilité.
Il faut en tenir compte autant pour la personne que pour le travailleur social
lui-même, qui est un des responsables de la qualité de l’intervention.
C’est pourquoi il faut insister sur l’importance de la marge d’appréciation
et de la marge de manœuvre technique dont les travailleurs sociaux doivent
pouvoir bénéficier, puisqu’ils sont pris dans la double nécessité d’être au
service de leur organisation et des destinataires de l’action qu’ils mènent au
nom de leur employeur, et plus généralement de leur mission de service
public.
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Sans remettre en cause la légitimité d’expression des politiques sociales
ni des projets associatifs, il faut souligner les effets contre-productifs que
les organisations employeurs publiques ou privées peuvent générer chaque
fois qu’elles privent les travailleurs sociaux de telles marges pour appliquer
des réponses en « prêt-à-porter ». Les solutions standardisées participent de
la reproduction des formes d’assistance que l’on s’emploie par ailleurs à
prétendre réduire dans les discours officiels.
Dans le lien entre travailleur social salarié et employeur, il existe différents niveaux d’éthique : celui du maître d’œuvre, commanditaire de l’intervention sociale, employeur ; celui du maître d’ouvrage, praticien en travail
social et professionnel.
Deux responsabilités, donc deux points de vue éthiques sont concernés,
ainsi que le rapport qui les lie ou les divise, à savoir une responsabilité
en termes d’intérêt général et une responsabilité en termes d’intérêt de la
personne.
S’il n’y a pas de subordination d’une éthique à l’autre, il n’y a pas non
plus couverture. L’éthique de l’employeur ne couvre pas l’éthique du professionnel ni ne l’en dispense.
Cela renvoie au phénomène de la clause de conscience et/ou à la demande
d’adhésion à l’esprit de l’institution.
Donner sens et cohérence
Le praticien en tant que maître d’œuvre, est responsable de sa pratique et doit
pouvoir avoir l’autonomie de sa mise en œuvre.
Le commanditaire en tant que maître d’ouvrage assume la responsabilité de sa
commande et des moyens qu’il donne pour son exécution.
Entre les deux niveaux, le lien de cohérence est fondé sur les questions de sens
et de finalités.
Enfin, la théorie éthique de l’agir communicationnel et de la raison pratique développée par Habermas peut enrichir le travail social. Les concepts
complémentaires de « monde vécu » et d’« agir communicationnel » sont
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Courage
« Je ne peux plus me taire ; il faut avoir le courage de dire ; faire bouger les
choses. » (Mme L., assistante sociale)
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
éclairants, notamment la façon dont les actions sont finalisées avec les
différentes parties prenantes de l’interaction, et le rapport étroit entre rationalité et savoir (comment on parle et agit nos savoirs pour la meilleure
réponse à la demande des usagers), etc.
L’éthique de communication peut être appliquée de façon pertinente. Le
concept d’activité communicationnelle concerne l’inter-compréhension, la
recherche d’une entente et d’une adhésion entre partenaires. Il est soustendu par l’éthique de la reconnaissance de l’autre comme personne, dans
la perspective de réciprocité argumentaire, et signifie bien la place de la
personne comme sujet social.
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Tout en partageant les critiques sur certains aspects utopiques de l’idée
d’Habermas, à savoir le consensus auquel doit aboutir la libre discussion
respectueuse de certaines règles argumentatives, on peut cependant en retirer
l’idée qu’il faut tendre aux conditions optimales de l’égalité et de la réciprocité dans la discussion, veiller à la place et à la participation des usagers dans
le processus de discussion… Comme le montre M. Autès, le travail social
n’est pas seulement un « agir technique et instrumental » et un agir orienté
par des valeurs, mais aussi un agir comportant une dimension symbolique
(travail sur la subjectivité, l’identité personnelle et sociale), orienté vers la
création du lien social.
Certes, ces tentatives d’application d’éléments de pensées éthiques modernes
sont osées, dans le sens où elles puisent dans des pensées globales pour les
appliquer de façon parcellaire et un peu détournée au champ du travail
social. Mais leur évocation concernait moins la recherche de leur contenu
que la recherche d’une vision qui sous-tend ce contenu, à savoir dépasser
l’individu et replacer le sujet social dans un monde en devenir.
Conclusion
En conclusion un fondement éthique possible et approprié à l’aide à la
personne pourrait bien être « l’humanisme social », c’est-à-dire un humanisme qui se préoccupe de la personne mais ne privilégie pas l’individu pour
lui-même, dans son ego, car l’être n’est pas sa propre raison d’être, il ne peut
être un sujet hégémonique. Comme le rappelle Levinas, on n’existe jamais
au singulier. « L’humanisme social », c’est certes aider la personne pour ellemême mais dans ses liens avec d’autres. Il tient compte de l’espace ouvert
à l’altérité. C’est dépasser l’être en tant que tel en le considérant d’autant
plus unique et précieux qu’on envisage son altérité, c’est-à-dire ses liens
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Parce que l’enfant est l’avenir de l’homme
« Il faut que les parents aient beaucoup, beaucoup de relations avec toutes les
personnes qui s’occupent de leur enfant. » (M. X.)
« Quelque chose qui serait bien, c’est qu’on puisse se réunir les parents avec les
éducateurs qui s’occupent des enfants. » (M. Y.)
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avec autrui, sa place et son rôle dans la société. « L’humanisme social » tente
une dialectique entre l’affectif et le rationnel, la réalisation de soi et le
rapport au monde, l’individuel et le collectif.
Ce qui lie le travail social est bien cette conception enrichie, à savoir un
humanisme social, caractérisé par un centrage non sur l’individu, mais sur
la personne avec ses trois dimensions :
1. la personne dans son identité, unicité, singularité ;
2. la personne dans ses relations familiales et sociales, de proximité ;
3. la personne dans sa citoyenneté.
Un procédé mnémotechnique « CARL » qui signifie : « citoyen, acteur,
responsable et libre », peut être utilisé comme outil de finalités rappelant ces
trois dimensions qui font référence aux principes de respect, liberté, autodétermination, tolérance, acceptation… mais aussi aux principes de justice,
de solidarité, de fraternité et au respect des droits fondamentaux.
À ces trois dimensions correspondent les trois niveaux d’action :
1. l’action propre à l’identité de la personne (restructuration, restauration
de l’identité) ;
2. l’action relative au lien social, notamment la fonction d’aide, de médiation, de négociation particulière au travail social ;
3. l’action en faveur de la citoyenneté.
Le travail social devrait pouvoir être un expert en humanité auprès de la
société, au service de la personne. Mais rappelons que la condition élémentaire de l’avènement de la personne comme sujet, ne dépend pas seulement
d’elle-même, ni du travail social, mais bien de la société, de ses valeurs, de
ses structures sociales et des conditions sociales qu’elle offre.
En effet, « ce n’est pas au duel : « je-tu », qu’il faut s’arrêter ; il faut s’avancer jusqu’au ternaire : « je-tu-le tiers ou chacun » » (P. Ricœur). Ce tiers est la
société dont le garant du bon fonctionnement est le politique, en tant que
« milieu d’accomplissement du souhait de vie bonne ». Faire place — et plus
encore, restaurer le sujet — est œuvre politique. Le développement du sujet
et celui de l’État sont coextensifs.
Mais l’État est pris dans le rapport paradoxal de sa dimension verticale
et hiérarchique (domination) et sa dimension horizontale et consensuelle
(vouloir vivre ensemble) qu’il doit chercher à articuler. Dès lors, si le pouvoir
politique est vu « comme la condition d’actualisation des pouvoirs de
l’homme capable » (P. Ricœur), il apparaît aussi comme très fragile et plein
de dérives possibles. C’est à réduire celles-ci qu’il doit être appelé tant de la
part des citoyens que des instances tierces, dont le travail social, car les
réponses de l’État, à travers les lois et les institutions qu’il met en place,
structurent fortement les pratiques professionnelles (cf. chapitre 5 et les
recommandations). L’État ne peut échapper à sa responsabilité, et doit être
soumis, lui aussi, « au jugement moral et finalement à l’évaluation éthique »
(P. Ricœur).
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références théoriques
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Au terme de cette exploration du droit, de la sociologie et de l’éthique,
enrichissant la problématique de l’intervention sociale d’aide à la personne
et apportant des arguments renouvelés pour le postulat volontaire du travail
social, à savoir mettre toujours la personne au centre, il importe cependant
d’attirer l’attention sur l’écart important entre ce vers quoi il faut tendre
(et que nous avons tenu fortement à rappeler tout au long de ce second chapitre) et la réalité, qui dément — trop souvent, hélas — ce postulat, fondement
du travail social.
C’est pourquoi, il est temps maintenant de voir concrètement comment
les pratiques professionnelles peuvent œuvrer au service de la personne au
centre, répondant au mieux à ses problèmes et ses besoins, et quelles conditions propres au travail social tout comme celles du contexte extérieur
(institutions, État) sont requises pour y arriver. C’est l’objet de la seconde
partie de ce rapport.
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Conclusion de la première partie
18/04/14 11:30
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deuxième partie
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CONDUIRE L’INTERVENTION SOCIALE D’AIDE
À LA PERSONNE COMME UNE DYNAMIQUE
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La première partie comportait — outre le fondement théorique et culturel — un
ensemble de faits et de réponses de la société aux principaux problèmes sociaux d’actualité, l’organisation et les régulations sociales que la société apporte. Il s’agit maintenant
de les mettre au regard des personnes.
En effet, il ne peut y avoir de vrai changement sans mettre en scène le couple
« société/sujet ». Il n’est pas possible de raisonner en excluant l’un des termes. Il convient
de les considérer en tension, féconde et utile. C’est bien l’adjonction de la capacité des
personnes et de la capacité de la société qui fait sens.
Si cette articulation société/personne n’est pas nouvelle, elle sera vue ici de façon
réactualisée, en interrogeant la société sur le devoir d’organiser et de gérer le rapport
tensionnel du couple « société/sujet ». Un des modes de gestion consiste en l’organisation
des réponses dans le domaine technique et professionnel, c’est-à-dire celui de l’action
sociale.
La seconde partie expose l’intervention sociale d’aide à la personne en tant que
dynamique et processus, que celle-ci soit pratiquée à titre professionnel ou non. Elle
pose le lien entre le sens et la réalité, entre les personnes et la société en impliquant les
responsabilités respectives.
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Introduction à la deuxième partie
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chapitre 3
L’intervention sociale fondée sur les capacités
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3.1. Une clarification conceptuelle
L’association du mot intervention avec le mot aide peut apparaître comme
contradictoire si on estime que le mot intervention traduit un acte volontariste qui ferait peu de place à la personne alors que le mot aide requiert sa
participation ou tout du moins son consentement.
Pourtant, il nous faut affirmer que le travail social est bien une intervention au sens où intervenir, c’est « prendre part à une action, à une affaire en
cours dans l’intention d’influer sur son déroulement 1 ». En effet, face aux
processus d’exclusion, le travailleur social cherche bien à y prendre part
pour en modifier le cours, voire inverser le sens. C’est pourquoi, le terme
intervention se conjugue bien avec aide, puisque l’intervention du travailleur
social consiste à permettre à la personne de développer ses capacités, à
l’aider à modifier sa situation et à résoudre les problèmes qu’elle rencontre.
Cette intervention fait place à la personne, puisque le travail social postule
que les personnes ont en elles-mêmes les capacités et que l’intervention
sociale consiste moins à agir sur la personne que sur les conditions qui
permettent à cette personne de mettre en œuvre ses propres capacités.
Cette notion d’intervention nous amène à interroger les conditions d’exercice du travail social.
Une certaine logique de la consultation s’est installée avec des pratiques
trop exclusivement centrées autour du tandem permanences/rendez-vous
qui n’offre à l’usager qu’un mode de rencontre lié à l’organisation des services, ce qui de surplus est susceptible de conférer un certain confort aux
professionnels…
1. Dictionnaire Petit Robert.
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des personnes
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L’intervention sociale d’aide à la personne
Elle nous conduit à être attentif aux nouvelles formes de mise en œuvre
de l’action sociale, au souci croissant de rechercher l’adaptation et l’adéquation des modes d’intervention aux problèmes sur lesquels il est nécessaire d’agir.
Nous y reviendrons dans le déroulement du processus d’intervention,
mais nous pouvons ainsi citer la notion de « maraudage » du Samu social de
Paris qui cherche à aller au-devant des plus souffrants des SDF 2.
Cette clarification conceptuelle va de pair avec le rappel du fondement
de l’intervention sociale, en écho au chapitre 2 de la première partie.
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ISAP.indb 90
En effet, puisque l’intervenant n’a pas pour but de se substituer aux personnes qu’il aide, mais de faire en sorte qu’elles puissent tenir toute leur
place ; il est facteur de vie démocratique 3, tel que l’énonçait dans ses écrits,
déjà au début du siècle, Mary Richmond 4. Le travail social postule et reconnaît
à chaque personne une place et une capacité à prendre un rôle dans la
société. Sa mission vise l’adaptation réciproque des hommes et de leur
environnement en agissant à l’interface de ceux-ci et en construisant des
sous-systèmes d’action qui vont créer les conditions de cette adaptation
réciproque.
C’est pourquoi les valeurs du travail social sont par essence les valeurs qui
animent les sociétés démocratiques. Nous pouvons citer les travaux d’Alain
Touraine lorsqu’il énonce « qu’une société démocratique est une société qui
reconnaît l’autre, non pas dans sa différence mais comme sujet ; dans son
travail pour être sujet, c’est-à-dire pour unir l’universel et le particulier 5 ».
Au quotidien, les travailleurs sociaux interpellés souvent comme ceux
qui doivent permettre l’accès au(x) droits(s) savent combien cette question
de l’usager, du client, sujet de droit(s) est bien délicate à mettre en œuvre.
Cet usager/client est souvent davantage considéré, souhaité, positionné
comme objet du dispositif d’action sociale, même si le propre de ce dispositif lui énonce des droits.
Être sujet
« Être sujet n’est pas être un individu, être sujet c’est avoir la volonté d’être
acteur, c’est-à-dire de modifier son environnement plutôt que d’être déterminé
par lui. » (A. Touraine)
2. Le Monde du 24 octobre 1996.
3. Orientations principales sur le travail social (introduction), 28 mai 1982.
4. Richmond Mary, Les méthodes nouvelles d’assistance, le service des cas individuels,
trad. Dr R. Sand, Paris, 1926.
5. Sciences humaines, n° 42, août-septembre 1994, p. 56.
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3.2. Le fondement de l’intervention sociale
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L’intervention sociale fondée sur les capacités des personnes
C’est sans doute dans l’aide à ce travail du sujet pour être sujet que
se joue le travail social, dans les conditions qu’il va pouvoir créer afin que
cet usager/client soit partenaire des dispositifs qui le concernent, soit ce
citoyen acteur, autant citoyen qu’acteur, acteur que citoyen, parce que libre
et responsable.
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ISAP.indb 91
En ce sens, le travail social participe de la cohésion sociale car il participe
au fait « d’adhérer ensemble » à une société qui reconnaît à chacun une place,
un rôle, une capacité.
On a objecté au terme « cohésion sociale » une connotation suspecte ; les
débats sur la fonction normalisatrice voire aliénante du travail social en
témoignent dans un passé encore proche.
Cependant, en ces temps d’exclusion, « d’effritement de la société salariale » de « désaffiliation 6 » chacun prend conscience que de plus en plus de
gens sont menacés d’inutilité sociale et que cette disqualification n’arrive
pas qu’aux autres. C’est parce que la menace pèse ou semble peser sur tout
le corps social que la question de l’insertion devient centrale, cruciale. Elle
ne concerne plus seulement les exclus. Elle éclaire différemment la question
de la cohésion sociale, comme si son évocation permettait déjà de se protéger soi-même grâce au corps social tout entier.
Si on considère qu’il ne saurait y avoir de cohésion sociale sans que
chaque personne ne trouve et ne prenne sa place dans la société, et qu’on
« adhère ensemble » à l’idée que chacun est sujet, alors on peut estimer que
la cohésion sociale est émaillée de multiples situations complexes de coopération parfois conflictuelle, fruits du travail de chaque sujet à être citoyen
acteur. La cohésion sociale et le lien social comme objectifs prioritaires du
travailleur social, n’impliquent pas qu’il en soit l’acteur unique ni n’en
assume la responsabilité unique 7. Bien au contraire, il s’agit d’une nécessaire
mobilisation de l’ensemble du corps social tout entier pour maintenir ou
offrir à chaque personne qui le compose les conditions de son appartenance
au corps social (emploi, logement, santé, etc.)
6. Castel Robert, Les métamorphoses de la question sociale, Fayard, 1995.
7. Rapport Redéfinir le travail social, réorganiser l’action sociale (présidé par A. Durrleman),
La Documentation française, mars 1993.
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3.3. Le contexte appelle un travail sur le lien social
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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ISAP.indb 92
Mlle H. fait une demande de logement auprès d’un CCAS, gérant un dispositif de souslocation, avec glissement de bail. Mlle H. a 24 ans, bénéficie de l’AAH, suite à un
accident dont elle garde des séquelles (Hémiplégie). Elle a toujours vécu dans sa famille
et souhaite de l’aide pour accéder à un logement et gérer son budget.
Sa demande est travaillée avec un conseiller en ESF et une stagiaire assistante sociale du
CCAS en liaison avec une assistante sociale de la CRAM ; l’option logement conventionné
est validée et une opportunité est retenue.
Patiemment, l’intervention sociale permet à Mlle H. de planifier les démarches nécessaires à
son entrée dans le logement, de les préparer, de les assumer en se déplaçant auprès de différents services administratifs (CAF, ANPE, ASSEDIC, banque, assurance…). L’accompagnement
par le travailleur social dans les démarches fut négocié et permet à Mlle H. de dépasser ses
angoisses liées à son apparence physique et à ses difficultés d’élocution.
Avec l’entrée dans le logement, Mlle H. va traverser des périodes de repli sur elle-même
et de renoncement puis va cheminer quant à sa propre histoire, à son désir d’autonomie,
dans un contexte où se mêlent violences familiales (dont elle fut victime) et surprotection
maternelle. C’est tout un travail identitaire sur son image souhaitée, image acceptée,
qu’elle amorce (intégration au quartier, relations de voisinage, avec les commerçants,
aller chez le coiffeur…).
C’est son projet de vie qu’elle construit avec les différents intervenants qu’elle choisit pour
le mener à bien (travailleurs sociaux, auxiliaires de vie, orthophonistes, psychologues…).
Mais sa fonction dans cet objectif prioritaire en fait un opérateur de tout
premier plan susceptible de mobiliser par une dynamique interactive les personnes d’une part et la collectivité d’autre part, dans un rapport de coopération
productrice pour les personnes d’appartenance à la société, au corps social.
Si on postule que le travail social est acteur de cohésion sociale, par l’aide
qu’il développe aux personnes, il peut être pertinent de chercher à
déconstruire et recomposer les mécanismes de la cohésion sociale pour mieux
aider la personne, pour mieux cerner les contours des actes professionnels
qui vont aider la personne. Les travaux du rapport Exclus, Exclusions 8 préparatoire aux travaux du XIe Plan nous livrent une contribution éclairante
sur comment travailler la cohésion sociale à partir de ces mécanismes
majeurs, le lien symbolique et le lien de solidarité :
Le lien symbolique repose sur une représentation valorisée et valorisante
parce que réciproque du corps social et de toutes les parties qui le composent.
Le lien de solidarité met en œuvre le lien symbolique par l’existence :
– d’un lien social global qui « attache chaque individu et sous-système
au système global » (solidarité verticale) ;
– d’un lien social local qu’on peut « décrire comme une forme de solidarité horizontale » (solidarité familiale, de voisinage, etc.).
8. Exclus, Exclusion : connaître les populations, comprendre le processus (présidé par
Philippe Nasse), La Documentation française, janvier 1992.
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Encadré 1
D’une demande de logement à un projet de vie
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ISAP.indb 93
Dès lors, les défauts de la cohésion sociale peuvent être définis comme
des ruptures ou des défaillances de ces liens, de ces mécanismes :
– « l’individu atomisé » vit dans une situation « anomique », « ne détient
plus ni en lui, ni en dehors de lui suffisamment d’images valorisées pour
construire un sens à sa vie » ;
– « les communautés ignorées », ou groupes stigmatisés, au sein desquelles s’opère une certaine socialisation, mais qui participent d’un processus d’exclusion collective ;
– les « trouées sociales » où se combinent les cumuls de rupture du lien social
dans ses différentes dimensions, que ce soit en termes d’espace, (la relégation
d’un quartier) ou en termes de situation (la délinquance, le chômage…).
Pour générer ou régénérer de la cohésion sociale, il convient d’en rétablir
les mécanismes essentiels, lien symbolique et lien social (solidarité locale et
solidarité globale) en agissant dans les dimensions où leur carence fait
défaut, c’est-à-dire selon les critères de lien individuel (lien de soi à soi), de
lien communautaire (lien de soi à un sous-système d’appartenance) et de
lien sociétaire (de soi au système global et/ou du sous-système d’appartenance au système global).
Cette brève description des mécanismes de la cohésion sociale devrait
pouvoir éclairer les politiques sociales et les logiques de construction des
dispositifs qu’elles instituent ou permettent ; citons pour exemple :
– Le RMI qui vise directement la cohésion sociale et cherche à compenser
des liens sociaux défaillants par un dispositif contractuel sur lequel nous
reviendrons.
– Le champ de l’aide à domicile et de ses conditions d’exercice pour que
l’acte posé ne soit pas réduit à son aspect le plus « hygiéniste » mais participe
des liens sociaux (on pense bien sûr aux personnes âgées, mais aussi au
travail conséquent de ce secteur auprès des personnes malades du sida).
– Les régies de quartier qui tendent par une action économique sur
l’environnement immédiat des personnes à modifier les relations sociales et
à développer l’exercice de la citoyenneté.
– Les centres sociaux qui favorisent par une action plurigénérationnelle
et globale, la prise de rôle, la reconnaissance sociale et la participation
citoyenne.
3.4. Du lien social aux capacités des personnes
La métaphore du tissu social prend toute sa pertinence puisqu’il s’agit en
quelque sorte de tisser ces liens en opérant le croisement de ceux-ci.
Développer de l’aide à la personne amène le travailleur social à intervenir
dans ces différentes dimensions, à composer et à travailler ces liens les uns
avec les autres.
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L’intervention sociale fondée sur les capacités des personnes
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Aider une personne, c’est lui permettre de construire, d’affirmer par
elle-même :
– Un lien individuel de soi à soi, comme capable d’assumer un rôle parental,
de gérer un budget, d’assurer des démarches, d’avoir du pouvoir sur sa vie
en croisant ce lien avec du lien symbolique et du lien social (de solidarité)
local, global.
– Un lien communautaire à un sous-système d’appartenance, famille,
quartier, réseau, groupe, association où elle va pouvoir trouver et développer de l’aide mutuelle, confortant par là même son lien de soi à soi, le lien
symbolique et le lien social local (solidarité horizontale).
– Un lien sociétaire de soi à la société en faisant valoir ses droits et en
assumant ses devoirs, en participant aux « instances sociales existantes »,
mettant ainsi en relief un lien symbolique qui la valorise, par le sentiment
d’être rattachée à un lien social global (solidarité verticale) tout en renforçant son lien communautaire où elle puise de la ressource pour son lien
individuel et son lien sociétaire…
Par exemple, la demande d’aide financière est souvent l’amorce d’une
intervention d’aide à la personne. La place, le rôle que cette personne va
prendre ou aura dans cette demande, sujet partenaire ou objet d’attribution,
met en jeu :
– Son lien individuel de soi à soi et le lien symbolique par le sentiment
qu’elle a de la valeur de la place qu’elle y occupe.
– Interférant sur son lien sociétaire et le lien social global par sa propre
représentation des instances sociales dans la décision qui la concerne
– Son lien communautaire, le lien social local et le lien symbolique, par
son sentiment ou non d’appartenance à un groupe social valorisé ou pas
(immeuble où beaucoup de personnes perçoivent des aides ou être d’une
catégorie cible, femme bénéficiaire de l’allocation parent isolé).
L’intervention sociale portera alors non pas sur l’aide financière en ellemême mais sur ses conditions d’élaboration et d’attribution permettant à la
personne d’afficher des liens qui favorisent sa reconnaissance comme sujet
dans la résolution des difficultés qui l’ont amené à faire cette demande.
Placer la personne au cœur de l’intervention sociale, c’est placer au cœur
de cette intervention son rôle d’acteur, sa capacité à être sujet. C’est travailler les conditions qui vont lui permettre de jouer son rôle d’acteur,
d’exercer sa citoyenneté, de développer ses compétences à modifier des
attitudes inadéquates. Il ne suffit pas au travail social d’énoncer sur un plan
éthique une certaine foi dans les capacités des personnes. Il lui revient d’en
faciliter la mise en œuvre par des interventions appropriées.
Faire que les capacités des personnes se transforment en compétences
à agir sur leur vie, et les conditions de celle-ci, tel est l’enjeu.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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L’intervention sociale fondée sur les capacités des personnes
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ISAP.indb 95
Confrontée à des femmes en situation précaire qui lui demandent d’augmenter leur
volume d’heures de travail, INTERMED (AI) s’interroge sur la façon d’aider ces femmes
dont « l’employabilité limitée » ne lui permet pas d’accéder à leurs demandes.
Ces femmes semblent imperméables aux conseils prodigués régulièrement. En lien avec
le service des travailleurs sociaux du CCAS, un projet de travail social de groupe est bâti.
Il propose de s’appuyer sur l’aide mutuelle au sein du groupe pour favoriser l’estime de
soi, la confiance en ses capacités et la recherche de solutions. Un groupe de cinq femmes
en situation similaire est constitué.
La démarche est présentée conjointement par l’association et le CCAS, l’objectif est
contractualisé avec les personnes et le groupe. Pendant près de 6 mois, à raison d’environ
une réunion hebdomadaire, ces femmes vont travailler à mieux cerner ensemble les
problèmes qu’elles rencontrent et construire des ébauches de solution personnalisées à
partir des capacités de chacune, du savoir-être et savoir-faire de toutes. De la gestion du
budget aux contraintes familiales, de la présentation de soi à la diététique, « du lire, écrire,
compter » au projet professionnel.
Au bilan, elles ont pu mesurer chacune par les réalisations du groupe, le chemin parcouru
et celui à parcourir selon leurs projets (formation qualifiante, CDD, plus d’heures par
l’intermédiaire de l’association intermédiaire…) confirmant aux travailleurs sociaux du
CCAS qu’ils les avaient aidées personnellement par le support du travail social de groupe.
Et puis Jacqueline s’est découverte auprès de Fatima une amie, fait impensable auparavant. Elles se retrouveront de toute façon puisque le groupe a sollicité auprès du CCAS
la possibilité de se réunir régulièrement au centre en ESF et de pouvoir y associer d’autres
femmes.
Margot Breton 9 formule une conceptualisation de la compétence qui
ouvre bien des perspectives pour l’intervention d’aide à la personne. Qualifiée
d’écologique, cette approche du concept de compétence s’appuie sur le triptyque suivant :
Capacités de l’individu
Facteurs motivants :
espoir, confiance en soi,
dans les autres, des autres pour soi,
respect de soi
Qualité de l’environnement :
physique, habitat social,
réseaux culturels, économiques,
les politiques, etc.
Le développement de la compétence est rendu possible si l’intervention
sociale prend en compte ces trois dimensions et en favorise les interactions,
capacités, facteurs motivants, qualité de l’environnement. Aider une
personne à développer ses compétences, c’est aussi agir sur les systèmes
9. Breton Margot, professeur à l’université de Toronto, Actes du symposium de l’ASS
internationale pour le développement du travail social avec les groupes, Montréal, 1989.
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Encadré 2
Pratique de travail social avec un groupe. Accompagnement social
de cinq femmes en contrat précaire par une association intermédiaire
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L’intervention sociale d’aide à la personne
qui vont le permettre, c’est travailler à développer les compétences des
systèmes et dispositifs sociaux à reconnaître et à promouvoir la compétence
des personnes.
En voulant la personne au centre de l’intervention sociale, il est nécessaire d’être vigilant au risque qu’on ne finisse par la blâmer en la rendant
coupable de sa situation, surtout quand l’aggravation des conditions socioéconomiques blesse les plus vulnérables.
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ISAP.indb 96
Ainsi :
– la personne rendue coupable par les institutions sociales, confrontées
elles-mêmes à la « crise », et qui peuvent trouver dans leurs usagers la cause
simplificatrice des difficultés de financement et d’efficacité des dispositifs
qu’elles gèrent ;
– la personne blâmée par les intervenants sociaux qui peuvent, face à
l’acuité des situations, chercher à tromper leur sentiment d’impuissance tout
en préservant leur souci « d’excellence professionnelle ».
Cette dérive « ajouterait l’insulte au mal 10 » (Margot Breton), invalidant
d’autant le travail de la personne à être sujet en la rendant objet de mépris,
renforçant le délitement des liens sociaux.
On peut aussi remarquer que les mécanismes de la cohésion sociale ne
sauraient se calquer sur des logiques de « blocs de compétences » parce que
les liens qui fondent la place de la personne dans la société transcendent les
niveaux administratifs qui gèrent les dispositifs d’action sociale et tendraient
à les amener davantage à conjuguer leurs moyens et leurs savoir-faire.
Ainsi, on peut considérer que la fonction de travail social, la pratique du
travailleur social, de par les interventions qu’il mène pour aider les personnes, transcendent également les logiques de blocs de compétences même
si les missions se déclinent selon les organismes employeurs, les champs de
compétence qui leur sont reconnus, dévolus, financés ou qu’ils s’attribuent.
Ne pas déplacer abusivement les causes sur les personnes
« Qu’on me comprenne bien, je ne prétends pas que dans les situations problématiques qui confondent les êtres humains, le “personnel” ne compte pour rien,
et le “structurel” explique tout.
Je souligne simplement que là où les structures sont les causes primordiales des
problèmes, déplacer les causes sur les personnes, c’est ajouter “l’insulte au mal”. »
(Margot Breton)
10. Breton Margot, Plaidoyer contre les monopolisations professionnelles, contribution
aux journées Simone-Paré, avril 1994.
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« Les familles ont besoin d’être accompagnées ; c’est long de relever la tête, on a
très vite fait de redescendre… Il m’a fallu 10 ans pour reprendre confiance en moi
dans la société. » (Audition de familles, ATD Quart Monde)
18/04/14 11:30
L’intervention sociale fondée sur les capacités des personnes
La reconnaissance du rôle du travail social dans l’aide aux personnes
l’amène inéluctablement à travailler l’adaptation des dispositifs d’action
sociale (et pas qu’eux) dans lesquels on l’implique, ou il est impliqué.
De même, il participe à l’émergence de contradictions entre les intérêts des
personnes et les intérêts ou logiques institutionnelles, et ce d’autant plus dans
les dispositifs qui font de la promotion des personnes un objectif générique.
L’émergence de ces contradictions est source du contrat social, de la
citoyenneté, car elle participe des mécanismes de la cohésion sociale. C’est
sur cette tension que se joue la professionnalité du travail social et son rôle
démocratique, ni exécutant, ni indépendant, mais acteur des fonctions de
reliance 11 et de médiation.
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ISAP.indb 97
Dans un texte intitulé « Travail social et pauvreté* », Michel Autès usait de la métaphore
cinématographique pour aborder le rôle du travail social dans la lutte contre la pauvreté.
Cette lutte était comparée à un « écran où défilent les images, les représentations, les
solutions, les discours, tandis que dans la salle plongée dans le noir les spectateurs
silencieux attendent de faire partie du film »…
« S’ils rentrent dans le film qu’on a tourné pour eux, nul doute que “les pauvres“ vont en
changer le scénario. »
Pour l’auteur, le travail social se doit de faire en sorte que ces « pauvres » rentrent dans
ce film, qu’ils ne soient pas seulement parlés mais qu’ils prennent la parole. Et que cette
parole modifie les rapports sociaux et permette la réforme des institutions toutes aussi
inadaptées que ces « pauvres » qu’elles ne cessent de chercher à dénombrer et à répertorier.
Ce texte antérieur au RMI demeure d’une pertinente actualité près de 6 ans après sa mise
en œuvre, quant au rôle des travailleurs sociaux dans les contrats d’insertion pour faire
des pauvres non pas des objets de procédures, mais des sujets partenaires d’un processus
d’insertion qui implique tant le « bénéficiaire » que la « CLI » et la « SOCIÉTÉ » qu’elle
représente.
* Autès Michel, Pauvreté, une approche plurielle, 1985.
11. Bolle de Bal Marcel, La tentation communautaire, Éditions de l’université de Bruxelles,
1985.
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Encadré 3
Rubrique cinématographique du social
18/04/14 11:30
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ISAP.indb 98
chapitre 4
Processus et réalités de l’intervention sociale
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ISAP.indb 99
Avoir rappelé les fondements de l’intervention sociale d’aide aux personnes est nécessaire mais non suffisant. Comment mettre celle-ci en œuvre ?
Il s’agit maintenant de se placer sur le champ opérationnel et concret,
de réfléchir aux pratiques dans un double mouvement de rappel du sens et
de restitution de la réalité.
Sera donc décrit un processus générique (approche méthodique commune
aux professions sociales), partie constituante du référentiel commun aux
travailleurs sociaux. Dans le même temps, on en montrera les nuances, par
la contextualisation des situations qui paraissent parfois déjuger les principes généraux. Nous avons pris le parti de les discuter (ils ne vont pas
de soi), sans les renier pour autant, car ils donnent le sens, un idéal vers
lequel il faut tendre. Nous poserons le débat pour des situations limites qui
seront par ailleurs reprises et analysées dans le chapitre 5 intitulé « Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne. »
4.1. Les phases, le déroulé
Pour exposer aussi clairement que possible la dynamique du processus
et la méthode mise en place, on a retenu par commodité le découpage en
différentes phases qui dès lors peuvent être analysées et contextualisées.
Ce sont :
– la rencontre ;
– la collecte des informations ;
– l’analyse et l’évaluation diagnostique ;
– l’émergence du projet et le contrat ;
– les stratégies et les moyens de mise en œuvre ;
– l’évaluation et la fin de l’intervention sociale.
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d’aide à la personne
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L’intervention sociale d’aide à la personne
Le rappel du sens à poursuivre, des éléments méthodologiques essentiels
qu’elles requièrent, s’inscrit dans notre volonté de donner les traits communs
structurants et instituants. Mais afin de ne pas rester dans un idéal et une
universalité, l’interrogation de chacune de ces étapes portera aussi sur les
situations difficiles qui appellent des adaptations et des conditions particulières
de mise en œuvre, les enjeux, les problématiques…
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ISAP.indb 100
Le mot rencontre en lui-même est assez significatif. C’est un moment
difficile où l’un et l’autre s’observent, se testent, se cherchent, apprennent
à communiquer. Dans l’intervention sociale d’aide à la personne, il s’agit
dans tous les cas de savoir « qui rencontre qui » et « qui demande quoi » afin
que la rencontre devienne un acte mutuel où les deux acteurs se mettent à
l’écoute l’un de l’autre.
L’objectif n’est pas d’orienter au plus vite la personne vers une solution
toute faite, mais de s’ajuster mutuellement sur un projet qui correspond aux
aspirations de la personne.
« Prendre visage avec l’autre. » (Pr Gonon)
« Se rencontrer avant de se raconter. » (Pedro Mecca)
Pour que les messages réciproques puissent passer, il est indispensable
que l’intervenant social soit véritablement « à l’écoute » de ce qui est dit et
non dit, comment les choses sont dites, et quelles émotions (ou absence
d’émotions) colorent les dires, de façon à éviter les « malentendus » et élaborer par là même, avec la personne, une relation particulière, productrice
de la confiance qui est à la base d’une relation contractuelle.
« On ne peut avancer que si on nous fait confiance, si on nous écoute… Quelquefois,
les services sociaux ont des idées toutes faites. C’est important de savoir ce
qu’une famille désire. » (Parole d’usager)
Autrement dit, la rencontre suppose que l’intervenant, quel qu’il soit,
possède une maîtrise des techniques relationnelles de base, fondées sur
l’empathie, l’utilisation de la reformulation, le contrôle du « feed-back » et
la capacité de « décoder » le sens des paroles autant que des silences. Car il
ne s’agit pas d’être dans une fusion avec la personne, mais de savoir prendre
une distanciation structurante, lui permettant ainsi de prendre toute sa place
au centre de cette relation.
Il s’agit donc bien d’une pratique de communication entre deux personnes, exercice qui constitue l’ébauche d’un processus contractuel, puisque
chacun doit être au clair sur l’identité de son interlocuteur et sur le sens qu’il
donne à la démarche en cours et à toutes celles qui suivront éventuellement…
Néanmoins, si le sens de la rencontre est bien celui qui vient d’être
brièvement dit, celle-ci ne se passe pas toujours dans un contexte permettant
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4.1.1. La rencontre
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
la mise en application de ces principes généraux et nécessite une adaptation
particulière selon les situations. C’est ainsi que la pratique variera selon le
rôle de l’intervenant, le lieu de la rencontre, le type de population, la nature
de la demande de la personne ou de la commande de l’institution.
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Dans l’action sociale, plusieurs intervenants peuvent participer à cette
phase de l’intervention sociale d’aide à la personne : l’agent administratif
du guichet unique, la secrétaire médico-sociale, le travailleur social, le bénévole, voire l’écrivain public. La rencontre, selon l’acteur, prend un tour
particulier.
Il importe que la personne qui s’adresse à cet intervenant sache exactement ce qu’elle peut attendre de celui-ci. Ceci oblige chaque intervenant à
clarifier son rôle auprès de la personne afin de ne pas outrepasser celui-ci,
même si c’est par compassion et par souci d’une aide plus approfondie.
À titre d’exemple, un agent administratif du guichet unique ou une
secrétaire médico-sociale chargée du premier accueil ont essentiellement
pour objectif l’information et l’orientation vers l’intervenant social compétent. Il en est tout autre pour le travailleur social qui peut commencer dès
la première rencontre, tout un travail à plus ou moins long terme, dans
l’objectif de créer les conditions pour que la personne soit en capacité de
résoudre son problème ou de sortir de sa situation difficile.
Il y a donc bien une différence de degré autant que de contenu, soustendue par la définition de la professionnalité (nous y reviendrons).
Le lieu de la rencontre
Dans l’intervention sociale d’aide à la personne, la rencontre peut se
passer au lieu institutionnel ou au domicile de la personne. Ceci doit être
pris en compte car il comporte des différences importantes.
À titre illustratif, citons-en deux :
– Le lieu institutionnel implique que la personne fasse une démarche vers
lui, d’elle-même ou suite à une convocation. Ce lieu (guichet, bureau, permanence du travailleur social, etc.) est marqué, prégnant pour la personne.
Alors que la rencontre à domicile nécessite de la part de l’intervenant d’aller
au-devant des personnes.
– La rencontre à l’institution, au premier abord, n’a pas ce caractère
d’intimité que peut avoir celle qui a lieu au domicile ; elle peut marquer un
aspect de domination, si l’on n’y prend garde. Mais la rencontre à domicile
est d’autant plus délicate qu’il y a pénétration dans le cadre de vie privée
des personnes, et que cette forme de pouvoir, si elle est mal maîtrisée, entraîne
très facilement intrusion, manipulation, jugement et contrôle social… C’est
une préoccupation pour les intervenants de l’aide à domicile.
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La rencontre selon le statut et le rôle de l’écoutant
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ISAP.indb 102
Mais il convient d’indiquer que la rencontre peut aussi se construire dans
des lieux qu’on pourrait appeler neutres parce qu’ils ne sont ni le domicile
de la personne ni le lieu institutionnel où est affecté le travailleur social.
Pourtant ces lieux ont une neutralité toute relative puisqu’ils sont chargés de sens par la fréquentation même des personnes, et constituent pour
l’intervenant social des étapes potentielles dans la rencontre avec les personnes, premiers jalons d’un processus.
C’est le cas notamment pour le public dit « sans domicile fixe », dont la
principale difficulté réside, malgré l’hétérogénéité des situations qui le
compose, dans l’absence de lieu intime. Cette réalité peut conduire le travailleur social, s’il veut effectivement « influer sur le déroulement de cette
situation », à choisir des lieux et des moments qui vont favoriser une rencontre, d’autant plus que souvent ces personnes peuvent ne formuler aucune
demande d’intervention et fréquentent peu les lieux institutionnels ou alors
dans des moments extrêmes (urgence). C’est ainsi que les halls de gare, les
portes cochères, les espaces publics voire même privés, squattés par la
détresse peuvent devenir des lieux propices à la rencontre, comme ont su le
démontrer certains mouvements associatifs militants.
C’est le cas aussi pour les publics considérés comme « difficiles à rejoindre »
(cf. Margot Breton) ou encore non motivés voire résistants à l’intervention.
Ces publics peuvent ne pas fréquenter les services, les fréquenter par obligation ou par défaut, au point que leur présence même aux rendez-vous qui
y sont fixés, fait défaut. Intervenir auprès de ces publics et avec eux, amène
le travailleur social à reconsidérer cette sois-disante non-motivation en une
motivation à écarter les risques d’une intervention, à éviter les échecs et à
maintenir du contrôle sur sa vie. Cette attitude peut être expliquée par le
fait que ces personnes peuvent ignorer qu’elles ont un problème, méconnaître un service ou avoir une mauvaise image de celui-ci ou de ses intentions, craindre que le dévoilement de leur situation ne soit encore plus
douloureux que la situation elle-même. Le travailleur social sera amené à
déployer des stratégies permettant à la personne de transformer sa capacité
stratégique d’évitement en compétence à modifier sa situation. Dans ces
stratégies-là encore le choix de lieux et de temps propices à la rencontre,
c’est-à-dire propices à une connaissance partagée du problème et donc à
une co-responsabilisation dans sa résolution, sera important pour jalonner
l’intervention sociale d’aide à la personne. C’est ainsi que les laveries automatiques, les cages d’escalier, les cafés, les sorties d’école, les distributions
de courrier peuvent devenir des opportunités pour aller rejoindre les gens
là où ils sont, là où ils en sont, tels que l’a fait la prévention spécialisée.
La question du lieu de la rencontre, du lieu qui va la permettre est donc
extrêmement importante, tant vis-à-vis des caractéristiques du public que
du type de problème de demande ou de commande. Elle ne saurait se résumer
à l’instinct ou au feeling, car elle renvoie immédiatement au pourquoi et
nécessite des validations institutionnelles :
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
– faire reconnaître dans le « rendu-compte » de son agenda que prendre
du temps dans des lieux qui ne sont ni le service ni le domicile des personnes est un investissement productif lorsqu’il est posé comme un acte
professionnel ;
– influer directement sur les lieux d’implantation des locaux professionnels
et participer à la pertinence de ceux-ci pour développer au mieux l’intervention sociale.
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La rencontre avec les populations en grande fragilité requiert autant de
savoir-faire différents et adaptés selon qu’elle intervient :
– suite à un handicap mental, physique ou de troubles associés ;
– du fait de situations qui mettent les personnes gravement en difficulté
sociale ;
– en situation de crise…
Prenons ici l’exemple de la prévention spécialisée : aller à la rencontre
de, non-mandat, libre adhésion, anonymat… sont quelques-uns des éléments
de cette pratique professionnelle. Mais la dérive guette vers l’assignation à
un lieu de réception et d’accueil des jeunes d’un quartier bien repéré (sédentarisation, stigmatisation), ou vers une recherche d’acceptation des jeunes
en marge de la société, au risque de devoir partager leurs comportements
asociaux pour se faire admettre… Une grande professionnalité est ici nécessaire pour éviter ces écueils.
De même, se pose le problème de la demande explicite ou implicite.
Écouter vraiment
La demande abrupte : « j’ai besoin d’un toit, je suis à la rue » cache souvent des
multiples significations.
Ginette vient en urgence un soir demander un toit pour quelques nuits. Elle fait
la route. Elle est SDF. Son visage est fermé, son corps aussi. Nous entendons sa
demande au premier degré et nous l’accueillons. Une chambre, un lit, des draps
tout propres l’attendent. Ginette doit ressortir du foyer chercher ses affaires. Nous
ne la reverrons plus.
« Parfois nous les avons jugés, parfois nous avons été en colère pour le travail
accompli « pour rien », mais surtout nous pensons que nous ne les avons pas
écoutés. » (OASIS 38)
La non-demande n’exclut pas la rencontre, elle en devient une caractéristique à prendre en compte. Si elle provoque sans doute quelque chose de
pernicieux, pour autant, l’absence de rencontre contient le danger de faire
porter sur « la personne » les inconvénients qui en ressortiraient. La rencontre
est importante non pas pour « dédouaner » la personne, mais pour que les
caractéristiques de la situation soient connues et que la responsabilité d’en
faire quelque chose soit partagées… Dans les situations d’exclusion, ne
faut-il pas aller au-devant des populations ?
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La rencontre selon le type de population
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L’intervention sociale d’aide à la personne
Aussi est-il important pour l’intervenant de se poser le problème de la
saisine par soi-même. Qu’est-ce qui la légitime ? le retour au sens et à la
finalité est alors indispensable.
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Parmi les éléments défavorisant la rencontre, on peut citer les problèmes liés aux répartitions de compétence entre les institutions ou collectivités qui viennent délimiter les
champs professionnels.
– Les travailleurs sociaux assurant la polyvalence de secteur sont amenés à dire qu’ils ne
sont pas habilités à intervenir à propos des SDF, lesquels relèvent de la compétence de
l’État.
– Ailleurs, ce sont les titulaires de l’AAH qui n’auraient plus de répondant.
– Qui intervient auprès des gens du voyage quand sur un département de 400 000 habitants, il n’existe qu’une seule aire de stationnement ?
– Etc.
Ces logiques de répartition, si exhaustives qu’elles veulent être sur le papier, se trouvent vite
dans leur application invalidées par des publics concernés et le cumul de leurs problèmes.
La délimitation des champs professionnels qui en découle génère trop souvent pour la
personne, non seulement une juxtaposition d’intervenants, mais une phase dite d’orientation, émaillée d’allers et retours entre différents services. Elle participe du sentiment de
discrédit que la personne perçoit à son égard et augmente d’autant les délais entre la
formulation d’une demande et/ou du problème et sa prise en compte par un intervenant.
La rencontre selon la nature de la demande ou de la commande
Plusieurs situations complexes ne facilitent pas, loin s’en faut, le moment
de la rencontre. Parmi celles-ci, nous n’en envisagerons que deux : la situation d’urgence, la situation d’autorité.
a) La rencontre en situation d’urgence
De plus en plus, le travailleur social, qu’il travaille en milieu ouvert,
en polyvalence ou en CHRS, fait face à des situations d’urgence (secours
financier d’urgence, expulsions, violences conjugales…).
Ici, qu’il s’agisse d’une demande de la personne ou d’une commande
institutionnelle (par exemple signalement par la mairie d’une situation en
grande difficulté = SDF), la personne se trouve en situation de crise et elle
rencontre un intervenant inconnu, en qui elle recherche un « allié » et une
aide. Le travailleur social, bien qu’il souffre lorsque ces situations d’urgence
deviennent le lot quotidien de son travail, a pour premier souci de rejoindre
au plus vite la personne, là où elle en est, de façon à ce qu’elle se sente
comprise et rapidement en sécurité.
Il est en effet nécessaire de déterminer dans la zone des problèmes réellement urgents, ou ressentis comme tels, et générateurs de souffrance, « quelque
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Encadré 1
À qui s’adresser validement ?
La qualité de la rencontre requiert des conditions
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
chose à faire en commun », qui soulage la tension, de la même manière dont
un intervenant médical ordonne un « traitement symptomatique », avant
d’établir un diagnostic complet.
Mais il est tout autant souhaitable de prendre du recul devant ce qui est
présenté comme urgence et qui bien souvent, provient du fait qu’on a laissé
les choses se dégrader gravement, ou qui masque une situation d’angoisse ;
c’est le cas de l’angoisse des personnes en très grande pauvreté ou en difficulté sociale, au début du week-end, parce que les institutions sociales et la
plupart des services sociaux sont fermés.
L’immédiateté que l’urgence impose ne peut être satisfaisante et la gestion de l’urgence devrait être rare et réinterrogée.
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Dans le domaine du travail social, à la demande directe de la personne
concernée se substitue le plus souvent une commande du corps social, par
le canal des appareils institutionnels, dans un objectif de protection et/ou
de prévention (enfance maltraitée, toxicomanie…).
Dans ce cas, la rencontre s’avère d’autant plus complexe que le sujet n’ayant
rien sollicité, risque de se trouver soit opposé et rétif, soit passif et dépendant,
face à un personnage dont le statut institutionnel est sans équivoque, quelle
que soit « l’image de marque » de ce statut dans la tête du « non-demandeur ».
« Ce qui nous détruit le plus, c’est quand on croit qu’on ne veut pas le meilleur
pour nos enfants, quand on nous soupçonne de ne pas les aimer, de ne pas tout
faire pour qu’ils soient heureux. » (Parole d’usager)
Là se situe une intervention ressentie comme « violente », quand ce n’est
pas coercitive et répressive. La rencontre est difficile et prend du temps, car
il va falloir évaluer s’il est possible, ici et maintenant, de faire coïncider la
logique institutionnelle, généralement fondée sur le principe de normes et
de catégories, et le fonctionnement singulier des personnes rencontrées.
Comment — tout en répondant à la commande institutionnelle — amener la
personne à exprimer sa souffrance, ses attentes et ses désirs, à formuler une
demande authentique, de quelque nature qu’elle soit ? Et une fois sa parole
entendue, comment la prendre en compte alors même qu’elle s’oppose parfois à la commande institutionnelle ?
Dans cette intervention sociale d’aide à la personne particulière, résident
entre autres une fonction d’intermédiation, et l’indispensable éducation du
rapport à la Loi, de la redécouverte des codes sociaux.
4.1.2. Collecte des informations
Pour comprendre la situation, l’intervenant a besoin d’un certain nombre
d’éléments, recherchés dans la mesure du possible avec la personne comme
partenaire. En effet, dès l’instant de la rencontre, s’amorce le recueil de données,
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b) La rencontre en situation d’autorité
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qui va permettre à l’intervenant social de connaître de mieux en mieux la
personne, ses désirs, ses capacités comme ses difficultés, et, par là même, en
comprenant mieux ses attitudes et comportements, d’évaluer la nature (et les
limites…) de l’aide qu’il sera en mesure d’apporter dans le cadre de son
appartenance institutionnelle. Les informations dont a besoin le travailleur
social peuvent alors être perçues comme la marque de cet intérêt qu’il porte
à son égard, d’autant plus qu’elles n’ont pas seulement trait aux difficultés
particulières qui sont à l’origine de la rencontre, qu’elles tendent à considérer tous les aspects de l’existence que le sujet concerné donne à voir et
surtout qu’elles contribuent à créer les conditions pour que cette personne
trouve les solutions de son problème ou de sa situation difficile.
L’investigation se fait souvent à tâtons, dans la mesure où la personne
veut bien s’ouvrir, et dans le respect du jeu de dévoilement. L’intervenant
tente donc, autant que faire se peut, de faire émerger la parole de l’autre.
Il souhaite que la personne se sente soutenue et aidée par le fait même de
pouvoir exprimer, en cherchant parfois avec le travailleur social « les mots
pour le dire », tous les aspects de sa vie, ses expériences heureuses et malheureuses, et les sentiments, souvent ambivalents qu’elle éprouve, et cela
en s’adressant à cet inconnu non impliqué, mais attentif qui, pour un temps
va partager ses préoccupations (« tu n’es plus seul »…) .
La situation – témoin ci-dessous – illustre bien l’importance de la prise
en compte du désir et la libération de la parole :
Encadré 2
Faire place au désir
« Lionel, élevé par Thérèse et Nouri dans un lieu d’accueil, se trouva confronté un jour à
cette invraisemblable demande de son maître d’école : faire l’arbre généalogique de sa
famille. C’était “un devoir d’histoire” ! Il hurla.
Pupille de la nation, il porte le nom qui lui fut donné par ceux qui le recueillirent. Dans
sa cure je l’assistais comme je pouvais dans son désespoir innommable face à ce gouffre
de néant qui s’ouvrait devant lui. Il fallut à ses éducateurs et à son instituteur toute la
sérénité d’un désir pour lui comme comptant dans leur vie, pour inventer une lecture
à visage humain de la situation, fondée sur leur histoire, sur leurs noms, sur leurs rencontres.
Avec Lionel, ils firent cet arbre. Il ne reposa pas sur un lien exclusif à ses seuls géniteurs,
mais sur ce que leur absence avait produit de rencontres, de liens nouveaux dans la
tradition du parrainage. Lionel inscrivit ses parents de naissance, puis tous ceux responsables de son avenir, et qui l’avaient aimé, qu’il avait aimés. Il mit la directrice de sa
pouponnière, ses éducateurs DASS, son assistante sociale, un directeur d’établissement
où il avait vécu quelques années, ses frères et sœurs de lait, son inspectrice ASE, Thérèse
et Noury D., et au rang des ancêtres, le conseil de famille.
Envers ses copains, il utilisa une métaphore pour exprimer le deuil symbolique qu’il faisait
de sa jouissance de l’abandon : mes parents sont morts. Ainsi, d’un côté il laissait à la
société la charge du jugement de la faute morale de l’abandon, de l’autre il essayait
d’articuler en termes symboliques de pacte dans la communauté humaine sa place dans
la chaîne des générations au regard de la forme de séparation qu’il connut. Il y gagna dans
le village d’avoir une famille dont il pouvait parler en nommant chacun de ses membres.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
D’un, pas d’arbre, il était passé à un arbre un peu fantaisiste, mais plus fourni que bien
d’autres, pris dans une tradition ancienne. Il ne s’accrochait plus à la certitude d’une
jouissance maléfique de ses parents de naissance, mais pouvait les imaginer avec lui dans
le désir incernable de ceux qui les avaient rencontrés. Face à un discours troué du désir
qui le porte, il pouvait enfin dire non, pour dire oui finalement, en réinventant à sa
manière son histoire parmi les autres ».
« Les enfants et les lieux », Martine Fourré, Transitions, n° 31, 1991, p. 203-204.
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ISAP.indb 107
En premier, l’intervenant social cherchera à comprendre la spécificité du
problème posé afin de rechercher toutes les conditions nécessaires à sa
solution. En outre, quelle que soit la spécificité du problème posé, il s’agit
d’apprendre comment la personne assume ses différents rôles sociaux (dans
la famille, par rapport au travail, dans la cité, etc.), la nature de l’entourage
proche et de ses éventuels réseaux de sociabilité (voisinage, loisirs, engagements possibles).
Ces éléments doivent intégrer la dimension culturelle, anthropologique
et historique, dans la mesure où les difficultés d’aujourd’hui et la façon d’y
faire face ne peuvent se comprendre et s’évaluer sans la connaissance de
l’histoire de cette personne, de ses vécus antérieurs, de la trajectoire qui lui
appartient en propre. Cette investigation doit être encore plus minutieuse
lorsque la personne se réfère à des codes culturels différents de celui du
travailleur social. La connaissance culturelle de son milieu est également
primordiale, faute de quoi il y aura incompréhension et même blessure
causée par une attitude ou des paroles inadéquates, voire hostiles, au regard
des us et coutumes.
De même, le souci d’appréhender la globalité de la personne peut lui
permettre de vivre une expérience de plus en plus rare, dans la mesure où,
dans les relations de la vie courante, chacun est toujours perçu « en situation »,
alors que, dans nos sociétés, compte tenu de la complexité des multiples
paramètres qui fondent ce que nous sommes en tant que « sujets singuliers »,
les approches fonctionnelles sont ipso facto réductrices et constituent des
obstacles à une communication vraie.
La garantie du mode d’investigation
Ces principes nécessitent que soit garanti le mode de recueil des renseignements sur la situation afin d’en limiter les incidences négatives. Trois
illustrations permettent de soulever ce débat :
a) Les enquêtes
On demande très souvent au travailleur social d’effectuer des enquêtes
(d’aide financière, d’allocations mensuelles, etc.). Mais dans quels cas, cela
relève-t-il réellement du travail social ?
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L’appréhension culturelle et globale
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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b) La technologie
Les applications modernes de la technologie devraient pouvoir être utilisées pour être de façon plus performante au service de la personne. Si des
suspicions peuvent être parfois légitimement nourries à leur égard, elles
peuvent être un atout.
Par exemple, sur certains registres — qui ne nécessitent pas la confidentialité — elles sont susceptibles de permettre de ne pas se cantonner à un
entretien de face à face dont seul serait maître, au bout du compte, l’intervenant.
Bien des techniques sont complémentaires et fructueuses, comme par
exemple l’enregistrement de la parole des intéressés à partir de divers modes
d’expression (interview, groupe de parole, théâtralité) et au moyen de techniques diverses (magnétophone, vidéo, séquences animées informatiques de
type « quicktime ») qui par leur matérialité permettent la restitution de sa
parole à la personne et réduit l’arbitraire de l’interprétation de l’intervenant.
Cette parole peut être valorisée par ces moyens ; cependant, nous n’ignorons
pas que les nouvelles techniques peuvent être dévoyées lorsqu’elles sont
utilisées comme outil de manipulation. À ce sujet, on se reportera aux exigences éthiques et déontologiques de notre première partie.
c) Le respect de la confidentialité
Comment garantir la confidentialité des éléments recueillis au cours
de l’investigation, alors même que souvent ils doivent être partagés avec
d’autres ? Cette question est d’importance (se reporter au chapitre 5).
En conclusion, soulignons tout l’enjeu de la phase du dévoilement et de
la connaissance ainsi acquise qui selon son utilisation peut servir la personne ou au contraire devenir malsaine, par exemple par voyeurisme, ou
même contraire aux intérêts de la personne. Là encore, l’éthique et le savoirfaire sont indispensables.
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Un élément de réponse est donné par le rapport Enquêtes sociales : fondement et légitimité, publié en 1993 par la direction de l’action sociale. Il préconise de lever les ambiguïtés concernant le terme enquête sociale qui « doit
demeurer propre aux actes initiés par la justice, la police ou l’administration
dans le but exclusif d’information et de contrôle ». Il estime que pour le travail
social, le terme de rapport de situation sociale apparaît le plus adapté. Le
rapport de situation sociale désigne « une technique d’investigation propre au
professionnel du travail social dans le cadre d’une intervention sociale d’aide
individualisée ou d’intérêt collectif, dont la finalité est bien de restituer ou de
maintenir la personne comme sujet de droit ». Le rapport de situation sociale
doit autant que faire se peut, être fait en concertation avec la personne.
Cette appellation rend compte de la nature et de l’enjeu de l’acte professionnel, alors que les enquêtes sont demandées trop souvent dans un simple
but informatif (quand ce n’est pas de contrôle), sans accord de la personne,
voire à son insu. C’est une pratique courante qui devrait être combattue.
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
4.1.3. L’analyse et l’évaluation diagnostique
Les données recueillies doivent être analysées, de façon à devenir signifiantes, et ceci, notamment, à la lumière des connaissances pluridisciplinaires (biologie, psychologie, sociologie, psychosociologie, économie, droit,
anthropologie culturelle, etc.) qui permettent de comprendre le sens d’une
situation sociale complexe.
Comme il n’est pas dans notre intention de faire l’inventaire de toutes
les formes de diagnostic auxquelles collabore chaque profession sociale de
façon spécifique et technique, nous n’évoquerons ici que les objectifs et
traits généraux communs à toutes.
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ISAP.indb 109
C’est ici le stade des hypothèses diagnostiques, qui constituent un premier
essai de clarification, d’interprétation et d’explication des difficultés des personnes concernées, prenant en compte les facteurs internes autant qu’externes,
subjectifs autant qu’objectifs. L’analyse consiste également à mettre ces données en relation les unes avec les autres et de dégager aussi bien :
– des constantes (un problème chronique faute de solutions offertes par la
société ; un type de conduite identique à travers les différents rôles sociaux) ;
– des variables (les points forts, positifs pour le sujet ; les points faibles,
négatifs, sources d’échecs ou de sentiments d’échec ; les ressources de l’environnement…).
C’est seulement alors qu’intervient la phase d’évaluation qui offre un
triple aspect :
– évaluation, d’abord, de la « recevabilité » de la demande dans le cadre
du travail social en général, en tenant compte du mandat de l’institution
employeur ;
– évaluation des capacités du sujet, de son dynamisme, de son désir, de
sa volonté à trouver en lui-même et dans son entourage, et avec l’aide de
l’intervenant, les solutions à ses difficultés ;
– évaluation des problèmes, qu’il convient de classer avec la personne
concernée par ordre d’importance.
Cette triple évaluation doit, bien entendu, s’effectuer à chaque rencontre,
afin de prendre en compte les éléments nouveaux qui ont pu survenir entretemps, et dont les incidences sont à prendre en considération. C’est bien
pourquoi il est ici question d’hypothèses, qui peuvent s’infirmer, se confirmer ou se modifier au cours du temps dans le cadre même de la « conduite
du projet ». Tous ces aspects sont explicités et discutés à tous les moments
dans le cadre du contrat, puisque le projet lui-même, ses objectifs et les
moyens de les atteindre, est bien celui de la personne, avec l’appui, dès la
première rencontre, d’un travailleur social, qui, tout en valorisant le positif,
se verra souvent contraint de rappeler les limites de la réalité.
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Analyser ensemble la situation
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L’intervention sociale d’aide à la personne
Il est donc clair que dès le début de la rencontre le partenariat avec la
personne est engagé, même s’il existe une contradiction évidente entre
nécessité de prendre son temps pour connaître cet « autre » (« non transparent » !) et celle d’aller au plus vite au cœur de ce qui l’amène ou de ce
pourquoi nous sommes invités à intervenir… Prendre son temps, c’est essentiellement réfléchir avec la personne sur tout ce qui s’est dit (et observé) et
entrer dans une phase plus précisément évaluative, qui permettra d’esquisser les contours du projet d’intervention.
Se donner les moyens de l’analyse
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a) L’intervenant dans l’institution
Deux cas de figures extrêmes seront soulevés ici afin de lancer le débat :
– L’isolement : il faut souligner le fréquent isolement du travailleur social,
seul sur le terrain, ou la rareté de l’aide à l’analyse et à l’évaluation auprès
des personnels de l’aide à domicile ou de type assistants maternels ASE, très
démunis… Renvoyé à lui-même du fait de son travail isolé, en première
ligne, l’intervenant souffre d’un manque de régulation professionnelle organisée. Cela appelle à renforcer le rôle de l’encadrement et à mettre en place
des groupes de soutien.
– Le poids de l’employeur : il peut y avoir des points de vue différents
entre l’employeur et celui qui agit en fonction de son « art ». L’exemple de
l’enfance maltraitée le montre bien : souvent l’inspecteur décide en dernier
ressort, mais il peut avoir une autre évaluation que le travailleur social. Cela
pose la question suivante : qui porte la responsabilité finale ?
b) La nature des situations
Les situations particulièrement « lourdes », difficiles et complexes, nécessitent une mise en place de procédures particulières d’évaluation afin de se
donner le maximum de garanties.
Seront évoquées ici les commissions d’évaluation et la réunion de synthèse :
– L’exemple de l’enfance maltraitée est significatif à cet égard. La mise
en place de commissions d’évaluation, réunissant les personnels concernés,
permet d’évaluer au mieux, en faisant se confronter les approches et en
cherchant à éviter le déni et les contre-attitudes ou à l’inverse, le signalement systématique.
– Dans les situations complexes, la réunion de synthèse réunit les personnels concernés afin de confronter leurs analyses de la situation en vue
d’arriver à une évaluation prenant en compte l’ensemble des facteurs.
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Cependant, il n’est pas toujours facile à l’intervenant social d’effectuer
cette évaluation diagnostique pour plusieurs raisons dont les unes tiennent
à sa place dans l’institution et les autres à la nature de la situation et aux
modalités de réponses.
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
Dans tous ces cas, si les atouts sont manifestes, ils peuvent avoir aussi
leur revers : recherche de transparence s’apparentant au voyeurisme, manquement au secret professionnel, éviction de la personne/sujet devenue
personne/objet, poids des paroles différents au point que certaines dominent
les autres, etc. La maîtrise de ces procédures est indispensable pour les éviter.
c) Les modalités de réponse
L’intervention sociale d’aide à la personne peut rester dans le registre
personnalisé ou combiner aussi bien intervention personnalisée et intervention collective. Dans ce dernier cas, on observe qu’il est souvent très difficile
de pouvoir déterminer à partir de données, qui analyse.
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Les intervenants savent recueillir et transmettre des données, raconter,
donner des résultats, mais peu savent véritablement évaluer, diagnostiquer
en tenant compte des dynamiques en jeu. C’est que cela suppose de détenir
en suffisance les tenants et aboutissants, les critères issus d’une bonne
visibilité des politiques sociales… trop souvent absente !
Au terme de ce bref examen de l’évaluation, soulignons fortement qu’à
travers celle-ci, l’intervenant social construit un mode de relation avec la
personne. Si des modes d’évaluation peuvent être différents, la personne
doit toujours être placée au centre, non comme objet mais comme partenaire ; d’où l’attention particulière à porter sur leur utilisation et les dérives
qui ne manqueraient pas de surgir.
4.1.4. L’émergence du projet et le contrat
L’analyse et l’évaluation de la situation sont indispensables à l’émergence
du projet et à la négociation du contrat. Mais de quel projet s’agit-il ?
Le projet
L’intervention sociale est, en effet, au croisement, au point de rencontre
de divers projets. Tout d’abord, le projet de la personne : ses souhaits, ses
motivations, ses espoirs, la manière dont elle définit les changements désirés.
Articulé avec le projet de la personne, il y a le projet du travailleur social qui
tient compte de son évaluation diagnostique, de l’éthique et de la déontologie professionnelle et des politiques sociales. Ces deux projets, celui de la
personne et celui du travailleur social, se rencontrent dans le cadre d’un
projet institutionnel qui rend possible l’espace d’élaboration d’un projet
commun. Le projet institutionnel comprend les missions du service, les orientations législatives dans son champ de compétences, les moyens financiers,
matériels et humains dont elle s’est dotée au cours de son histoire. Un dernier
niveau est celui du projet de la société dont la politique globale intègre une
visée sociale et fournit les grandes orientations de l’action sociale.
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« Le rapport individuel/collectif est constitutif de l’apprentissage des rapports
sociaux. » (UNIOPSS)
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L’intervention sociale d’aide à la personne
Ce rappel de principes doit cependant être interrogé au regard de la
réalité. Posons le débat sur deux aspects :
a) La nature des projets
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ISAP.indb 112
b) L’articulation des projets
Dans quelle mesure y a-t-il articulation entre les projets, emboîtement
ou recouvrement plus ou moins ajusté ou plus ou moins contradictoire ?
Il convient de mesurer les écarts entre projets de différents niveaux pour
tenter d’adapter au mieux les attentes de chacun aux réalités. Précisons
toutefois que le projet de la personne ne peut pas être plus au centre que les
autres projets. Affirmer que la personne est au centre au point de vue philosophique et éthique n’implique pas que dans l’opérationnalité, la modalité
du projet le soit aussi.
S’il s’agit de donner un rôle central à la capacité de la personne sollicitée
autant que possible, son projet (susceptible d’une simple adaptation, ou
d’une interrogation de la société, symptôme de nécessaire ajustement de la
société elle-même) n’est pas nécessairement au centre de l’action politique
et sociale ni de la stratégie à mettre en place. Simplement, elles doivent
nécessairement l’intégrer. Son exclusion serait problématique.
Ce travail de clarification, d’explicitation et de négociation du projet va
s’opérer au cours du contrat entre le travailleur social et la personne.
Le contrat de travail social
a) Construction du contrat de travail social
Le contrat se bâtit pendant la phase de rencontre développée précédemment. Il s’agit alors de se connaître, d’explorer les attentes, de clarifier les
rôles et la position de chacun. Cette connaissance permettra progressivement
d’asseoir une base de confiance indispensable à l’établissement du contrat.
Le « vrai » contrat doit apporter à chacun la garantie d’un dialogue. Les deux
éléments du contrat sont l’accord de volontés et les obligations créées. C’est
cette dynamique de contractualisation qui permet de reconnaître l’autre
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Affirmons que le projet ne peut être réduit à une méthodologie de projet.
Celle-ci n’est qu’un support technique pour faire advenir le projet et le
concrétiser. Il n’y a pas non plus définition de tâches sans projet qui leur
donne sens. Le projet est une projection dans l’avenir, construite à partir de
l’expérience du passé, quelque chose de dynamique, résolument constructive, volontariste, qui fait sens.
Se pose alors le problème des personnes en telle difficulté sociale qu’elles
vivent au jour le jour sans pouvoir se projeter dans l’avenir, du travailleur
social qui ne raisonnerait plus qu’en termes de tâches et d’immédiateté, de
l’institution qui s’enferme dans une gestion des missions institutionnelles,
de la société en panne de sens…
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comme responsable, comme sujet de droit. C’est cette recherche d’une relation de droits qui peut pondérer, corriger partiellement, la position inégalitaire des contractants. Le fait que la situation de détresse soit la base du
contrat entraîne à parler en termes de parité (et non d’égalité) plaçant la
personne au centre.
L’analyse et l’évaluation diagnostique conduisent à mieux cerner les
divers aspects de la situation, à évaluer les capacités, les potentialités des
uns et des autres et les ressources disponibles. La confrontation des divers
projets marque l’étape de la négociation du contrat. Celui-ci exige l’accord
réciproque conclu entre le travailleur social et la personne quant aux objectifs à atteindre, aux moyens à mettre en œuvre et à la structuration du plan
de travail (cadre, temps, répartition des tâches…). Lors de sa négociation,
tout un processus d’échange et de confrontation amène à :
– Clarifier les problèmes et les aspirations : les définir, se mettre d’accord
sur un choix de priorités, confronter le projet de la personne et celui du
travailleur social.
– Élaborer des objectifs communs : définir les objectifs de changement
c’est-à-dire ce que l’on souhaite atteindre et quelles sont les transformations
à produire.
Principe organisateur de l’action
« Ne rien entraver d’une rencontre du sujet avec lui-même autour de ce qu’il peut
produire. » (ASEPSI)
– Élaborer un plan de travail : convenir de ce que l’on va faire, comment
procéder, quelle répartition des tâches, pendant quelle durée, avec quelle
structuration dans le temps.
– Formaliser le contrat : toute une gamme de possibilités sont offertes
aux travailleurs sociaux, de la plus formelle (contrat écrit, signature de
chaque partie, parfois lors d’une rencontre avec un caractère solennel), à la
plus informelle (contrat oral stipulant un accord partiel sur une courte durée).
b) Sens et finalité du contrat de travail social
Le sens véritable du contrat entre le travailleur social et la personne aidée
est d’être un outil d’explication et de clarification, un moyen de responsabilisation et de dynamisation réciproques. Il allie proxémie et solidarité,
mobilisation des capacités des personnes autant que celles de la société, via
les potentialités personnelles et ressources institutionnelles et civiles.
Il est donc utile de différencier ce contrat qui lie les deux acteurs en
présence dans la relation d’aide (aidant-aidable), de celui établi avec les
institutions d’action sociale dans le cadre de dispositifs de politique nationale
ou locale qui prévoient la contractualisation avec l’usager ou le bénéficiaire
d’un service ou d’une prestation (RMI, FSL…). Dans les deux cas, il y a un
souci commun de rechercher l’implication de la personne. Mais dans l’un, il
se traduit par une logique de procédures qui formalisent droits et devoirs par
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
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L’intervention sociale d’aide à la personne
une gestion administrative de dossiers. Dans l’autre, le contrat traduit une
logique de processus, émaillée de rencontres, de communication et de négociation, privilégiant le centrage sur la personne, sujet-acteur de son histoire,
de ses droits et de ses devoirs. Cette distinction doit permettre d’éviter une
confusion dommageable, qui risquerait de laisser croire que le travail social
s’exerce par une gestion administrative de la situation des personnes, niant
la relation d’aide qui caractérise sa finalité.
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Il convient d’ailleurs de souligner le caractère original du RMI et du
contrat d’insertion. Nous l’avons rappelé, le dispositif RMI qui vise la lutte
contre les exclusions (la loi stipule même son éradication) participe directement de la cohésion sociale. En ce sens, il est intéressant de relire le RMI
à la lumière des mécanismes cités en chapitre 3, qui implique la construction, la reconstruction du lien social dans ses différentes dimensions ; lien
individuel, lien communautaire et lien sociétaire, mais aussi lien symbolique
et lien de solidarité (globale et locale).
Le souci de conjuguer revenu minimum et insertion, d’instaurer un contrat
d’insertion entre la personne bénéficiaire de ce revenu et la société représentée par une CLI cherche à remettre en mouvement des mécanismes défaillants.
L’originalité de ce contrat réside aussi dans le rôle du travailleur social,
de l’instructeur qui n’est pas directement le contractant, il est le facilitateur
de la dynamique contractuelle qui doit s’établir, se construire entre le bénéficiaire et la CLI.
En ce sens, le contrat RMI n’est pas un contrat dit de travail social.
Cependant, il offre un contexte pertinent à l’intervention sociale, pour travailler avec les personnes, les conditions et les objectifs nécessaires à réaliser ou à atteindre en vue de cette contractualisation RMI et pour élaborer
avec l’autre contractant qu’est la CLI ou les membres qui la composent,
les dispositifs, conditions et moyens nécessaires au processus d’insertion de
la personne.
Si on poursuit le raisonnement en s’appuyant sur une brève définition
du « concept » d’insertion qui énonce que « l’insertion est un processus de
transformation d’une manière d’être en société 1 », on peut considérer que le
contrat d’insertion devrait être l’outil pour opérationnaliser ce processus
de transformation d’une manière d’être personnelle et collective, d’être
ensemble en société.
Rappeler que l’insertion est un processus, que celui-ci implique une transaction identitaire, permet de repérer combien il est nécessaire d’être vigilant
1. Legall Didier, « L’insertion comme transformation du rapport à la vie sociale », Cahiers
de la recherche en travail social, n° 18, 1990.
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c) Les pratiques contractuelles des politiques sociales : l’exemple du contrat
d’insertion
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pour que les procédures inhérentes au dispositif, tant dans l’attribution du
revenu que dans la validation des contrats, le favorisent, le guident, le stimulent et ne le méconnaissent pas au risque de le casser, de l’éteindre.
Le fait de reconnaître un droit à un revenu minimum à une personne
parce qu’elle se trouve dans une situation qui l’amène à le solliciter tout en
l’engageant à ne plus être ce pourquoi elle ouvre droit et qui lui est vitalement nécessaire quand elle en fait la demande à de quoi être déroutant.
Puisqu’un contrat est un lien bilatéral, multilatéral entre les représentations identitaires qui s’engagent réciproquement 2 », le rôle de l’intervention
sociale dans l’élaboration du contrat d’insertion implique de travailler à la
reconnaissance réciproque et respective des contractants. Or le contrat
d’insertion semble confirmer de par son existence et son intitulé l’impossible
parité entre les contractants pourtant nécessaires au contrat puisque c’est
la faiblesse, l’infériorité, la détresse même des uns qui en est la raison.
Le fait que cet échange apparaisse comme forcément inégalitaire n’invalide pourtant en rien la démarche si on estime que la parité dans ce contrat
ne repose pas sur le principe de similitude mais dans la reconnaissance et
l’exercice de rôles respectifs d’acteurs. Créer les conditions pour que les
allocataires du RMI soient acteurs du contrat parce qu’acteurs de leur situation, acteurs de leurs projets, et créer les conditions pour que la CLI soit
acteur de contrat parce qu’acteur de l’offre d’insertion pour développer le
rôle d’acteur des bénéficiaires, impliquent une intervention sociale qui va
prendre en compte la personne dans la diversité de ses liens sociaux et
travailler les mécanismes qui vont leur donner densité et résistance.
Certes, le dispositif RMI est imparfait. Le fait que le contrat d’insertion
se situe dans une logique unilatérale qui en limite les effets juridiques 3
notamment pour le bénéficiaire qui ne dispose pas de procédures d’appel
pour non-respect du contrat par la CLI alors que la réciproque est prévue,
entrave la dynamique souhaitée. L’offre d’insertion demeure insuffisante et
la mobilisation collective et citoyenne de l’ensemble des acteurs (et pas
seulement sociaux) trop incertaine et parfois superficielle.
Pour autant, il est important d’affirmer, par-delà les critiques des professionnels du « social », que le dispositif RMI mérite d’être investi parce qu’il
offre un cadre structurant pour l’aide aux personnes et qu’il peut être perfectionné sur les points précédemment énoncés.
d) Procédures et processus du contrat
Procédures et processus s’articulent et se conjuguent pour chercher à
assurer la promotion des personnes. Par l’exercice du contrat de travail social,
le travailleur social veut et va créer les conditions d’une implication des
2. Cholet Philippe, Contrat d’insertion. Procédures. Processus. De l’identité sociale des
RMIstes, mémoire DSTS.
3. Lafore Robert, « Les trois défis du RMI », L’actualité juridique, 20 octobre 1989.
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
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personnes dans les ressources locales et dans les dispositifs d’action sociale,
qui sont mis en œuvre pour traiter des problèmes qu’elles rencontrent.
Soulignons fermement que les procédures contractuelles de politique
sociale avec les personnes devraient tendre à créer « une sphère d’autonomie » et non devenir un carcan dans lequel doit se mouler le bénéficiaire.
En ce sens, les dispositifs RMI, loin d’être récusés, devraient au contraire
être renforcés dans leur finalité d’insertion. Mais cette insertion ne doit pas
être une mise en demeure du bénéficiaire ; il s’agit d’étudier ensemble son
projet et de tout faire pour établir les conditions de sa faisabilité et de sa
réussite, au besoin en créant l’offre (appels d’offre).
Le contrat nécessite une relation structurée dans le temps. Du côté de la
personne, une telle structuration du temps va permettre une investigation
approfondie des problèmes et peut jouer un rôle non négligeable, dans la
mesure où, pour certains, l’absence de maîtrise de cette dimension temporelle constitue un symptôme caractéristique de perte ou de déficience de
socialisation. Le seul fait que chaque rencontre puisse se terminer par la
détermination en commun de la date, de l’heure, du lieu et de l’objet de la
prochaine rencontre, signifie bien à la personne que quelqu’un s’intéresse
vraiment à elle donc qu’elle existe à ses yeux, en même temps qu’elle suscite
une mobilisation qui fait d’elle un co-acteur du contrat, qu’il y ait eu ou
non une demande initiale de sa part.
Brièvement dit, projet et contrat sont des éléments de la vie démocratique
et en tant que tels devraient faire l’objet de plus d’attention sur les possibilités de mise en œuvre non tronquée, non léonine. Sans s’illusionner sur les
inégalités et les distances sociales, la responsabilité de la réciprocité existe
bel et bien.
4.1.5. Les stratégies et les moyens de mise en œuvre
La mise en œuvre des stratégies et des moyens d’intervention est présente
tout au long du processus de travail. Elle se situe principalement après
l’accord conclu entre le travailleur social et la personne aidée au moment du
contrat. C’est en effet à partir des objectifs de changement définis dans le
projet commun, que les stratégies et les moyens seront établis. Ces objectifs,
si modestes soient-ils, balisent le déroulement de l’intervention et sont indispensables pour ensuite mesurer le chemin parcouru lors de l’évaluation. Ils
nécessitent une définition réfléchie, claire et précise. Ils doivent être opératoires c’est-à-dire, susceptibles d’orienter l’action, de la conduire vers le
succès. Définir des objectifs que l’on peut atteindre est la manière la plus sûre
de conduire les personnes à faire l’expérience de la réussite. Cette « pédagogie de la réussite » n’évacue pas la nécessité d’objectifs ambitieux à moyen et
long terme, au contraire, elle aplanit le chemin à parcourir par une démarche
de « petits pas » rendant visibles les étapes et les objectifs intermédiaires.
Chaque pas réussi favorise le pas suivant et restaure la confiance en soi
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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et l’espoir, facteurs essentiels de motivation et dynamisme. Le terme « stratégie » est d’origine militaire, mais par extension dans la vie moderne –
notamment celle des entreprises – la stratégie est considérée comme l’art de
concevoir, coordonner et diriger un ensemble d’opérations afin d’atteindre
les objectifs que l’on s’est fixés.
Dans le champ du travail social, la stratégie est l’art de faire concourir un
ensemble de moyens à une fin. Elle prend en compte des éléments de nature
différente — tels que la personnalité, les ressources institutionnelles et matérielles, les réseaux de soutien, les capacités de la personne, le temps, etc. —
essaie de prévoir l’évolution et les interactions dynamiques entre eux. Ainsi
la stratégie met l’accent sur celui ou ceux qui ont l’initiative ; elle renvoie à
la notion d’art, de création. Plusieurs stratégies sont possibles pour arriver
à une même fin, l’essentiel étant de concevoir celle qui a le plus de chance
d’aboutir. Là aussi le travailleur social et la personne, dans une relation partenariale, concevront ensemble les stratégies de changement de la situation.
Les stratégies dans l’intervention sociale d’aide à la personne concernent :
– la personne elle-même ;
– l’environnement ;
– les moyens et ressources.
Les stratégies par rapport aux personnes
Les stratégies par rapport aux personnes ont pour but de les aider à
reprendre en main les responsabilités que les épreuves traversées leur ont
momentanément enlevées, à devenir Sujets réels, à affirmer leur appartenance à la cité, leur citoyenneté. Il s’agit d’apporter un soutien, de valoriser
la personne et de l’aider à retrouver confiance en elle-même ; ce cheminement sera parfois assez long et semé d’embûches. Pour cela le travailleur
social cherche à mobiliser les ressources internes de la personne : ses motivations, ses capacités (physiques, intellectuelles, affectives…).
Encadré 3
Personne ne lui dit rien
Dans un centre d’hébergement, où sont orientés une jeune femme et son enfant de
22 mois, celle-ci se montre exigeante, agressive, insulte même l’éducatrice et tous les
acteurs sociaux. Un nouveau rendez-vous est cependant pris avant qu’une place ne soit
disponible.
De retour le soir dans son lieu d’accueil d’urgence, elle saisit le responsable pour qu’il
fasse pression sur le centre d’hébergement. Ce dernier ayant pris au mot la personne,
contacte l’éducatrice en s’étonnant de l’accueil qu’avait reçu cette dame. Il contacte
même le directeur du centre d’hébergement pour se plaindre de cette éducatrice.
Le directeur du CHRS, au courant des faits, lui expose tranquillement la situation et ce
dernier reconnaît alors qu’elle a dans le lieu d’accueil d’urgence un comportement similaire
qui ne peut être abordé avec elle. Le directeur du CHRS reprécise le nouveau rendez-vous
avec l’assistante sociale du secteur, l’éducatrice, lui-même et la personne, pour évoquer
avec elle les différentes possibilités d’accueil et les questions que pose ce comportement.
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
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L’intervention sociale d’aide à la personne
Lors de ce rendez-vous, la personne nie les problèmes qu’elle a eus au lieu d’accueil
d’urgence mais finalement reste toute étonnée d’entendre comment l’assistante sociale
a vécu les différentes rencontres avec elle – plainte agressive, mépris, à la limite de
l’insulte explicite : « De toute façon, les assistantes sociales sont toutes des connes, elles
ne font jamais rien ! » etc.
Comme au fond d’elle-même, elle n’a pas véritablement l’intention de faire du mal, elle
apprécie notre franchise et nous confie son étonnement habituel car personne ne lui dit rien.
Nous pouvons ensuite progressivement entrer dans une relation d’échange où finalement
cette jeune femme pourra prendre une place de partenaire et non plus de consommatrice
exigeant de la part du travailleur social des miracles.
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ISAP.indb 118
Dans ce tandem travailleur social/personne en difficulté, chacun est en
position d’acteur, à des places différentes, mais impliqué l’un par rapport à
son projet personnel, l’autre par rapport à sa mission de soutien du projet
de la personne.
L’essentiel pour ce tandem sera de favoriser la mise en place du processus
mettant la personne au centre, de faire advenir sa parole, de réfléchir
ensemble, de la laisser autant que faire se peut maîtresse de ses décisions.
Nul n’a véritablement la maîtrise de l’alchimie qui participe à l’élaboration,
pour chaque personne, des décisions et du sens qu’elle recherche pour sa
propre trajectoire de vie.
« J’ai toujours constaté une réflexion chez l’autre et parfois des personnes qui
étaient venues me solliciter pour un conseil ne le suivaient pas… parce qu’elles
avaient suivi leur propre cheminement. » (Bautier E.)
Ainsi, aux yeux du travailleur social, les échecs qui émaillent la vie d’une
personne invalident bien des perspectives. Le long terme vient parfois infirmer ces hypothèses : les expériences difficiles peuvent en effet devenir une
ressource et un soutien pour les autres membres d’un groupe et se révéler
structurantes pour appréhender et comprendre la vie. À l’inverse, une évolution rapide et proche du point de vue du travailleur social peut masquer
de grandes et profondes difficultés qui, tôt ou tard, réapparaissent et modifient gravement le cours de la vie de la personne.
De plus, l’intervenant social l’aide à tisser (ou à retisser) des liens avec
son entourage, ainsi qu’avec de nouvelles personnes ou des institutions
jusqu’alors ignorées. « De nombreux réseaux primaires de solidarité existent
dans les quartiers dits défavorisés : liens de parenté, d’ethnie, de voisinage,
d’économie parallèle, de même que des réseaux de trafic illicites 4 ». De même,
chaque professionnel se situe dans un réseau institutionnel, possède un
carnet d’adresses et peut faire appel à ses collègues, aux associations et
institutions et ainsi profiter des compétences complémentaires aux siennes
pour élargir les ressources à mettre à la disposition de la, des personnes.
4. Bautier E., Travailler en banlieue, L’Harmattan, 1995.
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Oasis 38
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
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L’expérience a montré que la mise en relation des personnes au sein de
petits groupes, ou leur incorporation à des groupes déjà existants (activités,
associations, groupements) conforte la création de liens sociaux et la dynamisation des réseaux de proximité. Ainsi la personne pourra bénéficier de
nouvelles opportunités et expériences.
Le travail social avec des petits groupes ajoute une nouvelle dimension
à l’aide à la personne : celle de l’entraide, de l’aide réciproque entre pairs.
La personne n’est plus seulement bénéficiaire d’aide, elle devient alors une
ressource et un soutien pour les autres membres du groupe.
Bref privilégier les liens horizontaux et établir à la fois la relation entre
pairs et l’action structurante sont des pratiques intéressantes qui élargissent
l’horizon du seul échange entre le travailleur social et la personne aidée et
restituent les interactions d’un ensemble social.
– Des pratiques comme celles des réseaux d’échange de savoirs montrent l’intérêt
pour la personne en difficulté d’être placée dans une situation qui la valorise en
assurant un rôle qui lui permet de transmettre en même temps qu’elle peut
recevoir. C’est l’exemple aussi des groupes d’accueillis devenant accueillants ou
bien des personnes en insertion qui deviennent « tuteurs » en ateliers pour des
jeunes, etc.
– La fierté et la joie de cette femme d’ATD Quart Monde nous le confirme, lorsqu’elle
expliquait à notre groupe de travail combien le fait d’assurer, comme parent
d’élèves, une fonction à la bibliothèque du collège avait modifié l’image qu’elle
avait de l’école, sa relation à ses enfants, à son environnement, et les relations
de ses enfants avec le collège et le déroulement de leur scolarité.
Les stratégies concernant l’environnement
Les stratégies concernant l’environnement s’adressent au milieu proche
(familial, professionnel, relationnel…) et au milieu plus élargi (repères sociaux,
personnes ressources…). On attend de l’environnement une aide, directe ou
indirecte, à la réalisation du projet, un soutien actif. Cependant l’environnement peut aussi se comporter en frein à la mise en œuvre du projet, nécessitant alors une intervention directe auprès de lui ou, en cas extrême, un
éloignement temporaire.
Tout ce travail avec les divers réseaux sociaux de la personne implique
une étude suffisamment approfondie de cet environnement pour en connaître
les ressources, les possibilités, les dangers. Ce travail suppose encore un
choix des informations qui sont communiquées et une étude prospective de
l’évolution de cet environnement selon des scénarios possibles auxquels
devra s’adapter l’intervention. Somme toute, il nécessite des « compétences
de réticulation ».
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« Heureusement qu’on a les pauvres pour les pauvres »
dit Marie-Claire, ma collègue, chaque fois qu’elle reçoit une nouvelle famille
hébergée ou dépannée par une ancienne. (C. Duquesne, Journal d’une assistante
sociale)
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Les stratégies concernant les moyens et les ressources sont principalement d’ordre institutionnel et professionnel.
Chaque profession a ses atouts, ses méthodes, ses particularités d’action,
voire son champ d’intervention, même si les frontières ne sont plus aussi
nettes. Les moyens et les ressources ne sont pas nécessairement les mêmes
en internat et en milieu ouvert ; dans l’aide à domicile ou à la polyvalence
de secteur ; dans l’aide éducative budgétaire menée par la CESF ou dans la
mesure de tutelle ; dans l’entreprise d’insertion, etc.
Du côté institutionnel, il s’agit de mobiliser au bénéfice du projet, les
ressources locales, des capacités des institutions et les moyens prévus dans
les divers dispositifs de politique sociale. Ceux qui sont véritablement des
outils disponibles pour que la personne mène à bien son projet. La personne
devrait pouvoir bénéficier de tout ce à quoi elle a droit et accéder aux droits
sociaux prévus dans les textes en vigueur.
Cet accès aux droits passe souvent par un important travail de médiation
et de mise en rapport du travailleur social avec les diverses institutions
sociales, tant les circuits et les réglementations sont complexes et difficilement accessibles directement par les personnes en difficulté.
« Votre travail, c’est de faire venir des responsables pour qu’ils nous expliquent
pourquoi on nous donne pas de logement. On voudrait pouvoir parler avec eux. »
(Des familles)
L’accès aux droits est nécessaire mais bien souvent non suffisant, la
stratégie du travailleur social sera alors d’utiliser divers canaux complémentaires pour obtenir l’octroi des ressources, (souvent financières), exceptionnelles. À partir d’une demande motivée et accompagnée par un rapport du
travailleur social argumentant cette demande. Le travailleur social est alors
celui qui informe l’institution de la situation et du projet de la personne. Il
est amené à fournir un avis en qualité d’expert. Mais les travailleurs sociaux
dans leurs stratégies concernant les ressources ne peuvent se contenter
seulement de mettre en rapport les personnes avec les moyens disponibles ;
parfois les ressources nécessaires n’existent pas, ou celles qui existent sont
inadéquates, voire impraticables.
« L’assistante sociale, c’est quelqu’un qui doit pas seulement faire des dossiers
mais elle doit dire aux grands responsables les problèmes qu’on a. » (Une famille)
Les travailleurs sociaux doivent agir alors comme force de propositions et
de création de nouvelles ressources, de nouveaux services, de nouvelles institutions. Ces initiatives s’inscrivent dans une action d’intérêt collectif de type
partenarial avec la mobilisation des personnes et des institutions pour construire
des réponses nouvelles adaptées aux évolutions des problèmes sociaux.
Les professionnels y ont toute leur place car leur rôle ne se limite pas à
la gestion de l’existant.
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Les stratégies concernant les moyens et ressources
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
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Le mot partenariat est un dérivé du mot partenaire et signifie qu’il s’agit
d’une association de personnes autour d’un objectif commun. Plusieurs
niveaux de partenariat existent :
– On pourrait assimiler la notion de partenariat au lien qu’il y a entre
l’aidant et l’aidé, mais l’usage extensif de ce terme le rend ambigu et « fourretout ». Aussi, nous ne recommandons pas de l’utiliser dans ce sens, la relation aidant/aidé est une relation différente d’un partenariat, même si elle
suppose que chacun ait une place d’acteur.
– Le partenariat entre intervenants sociaux. Ici sont recherchées une mise
en relation et une synergie des différents acteurs d’origine et d’horizons
professionnels divers, mais engagés sur les mêmes terrains ou les mêmes
problèmes. Chacun s’appuie sur des savoirs acquis mais plus encore, sur son
expérience. C’est le jeu de la capitalisation des savoirs qui permet la complémentarité ; la différenciation des approches, des méthodes, un accès privilégié à certains types de ressources, etc., entraîne la synergie nécessaire.
– Le partenariat entre institutions, associations, collectivités locales. Ici,
il s’agit de bien distinguer deux types de partenariat « renvoyant à deux modes
d’action qu’il importe de distinguer pour comprendre les enjeux actuels » :
• le partenariat de concertation et de convention : la territorialisation des
financements se traduit par la multiplication des réunions dispersées
dans l’espace et le temps, afin d’aboutir ensemble à des décisions. De
ce fait s’y côtoient généralement des spécialistes seuls capables de
maîtriser la complexité des mesures et des dispositifs ;
• le partenariat de projet : il s’agit de donner corps à un projet mené en
commun où les personnes ont un rôle d’acteur. C’est un soutien à diverses
démarches, le plus souvent collectives envers des groupes impulsés ou
autogérés. Il importe de faciliter l’émergence et la consolidation d’activités génératrices de socialisation et d’insertion.
Manques, carences et déficiences
C’est dans ces stratégies de mise en œuvre des moyens et des ressources
que les travailleurs sociaux sont le plus confrontés aux difficultés de fonctionnement des institutions : bureaucratie, standardisation renforcée par l’informatisation, logiques administratives et gestionnaires priorisant le quantitatif
et ce qui est dans la norme, repli sur les missions… Les logiques, les langages
ont du mal à se rejoindre et les démarches à devenir complémentaires.
« Depuis ma sortie de prison, ça fait deux mois que je vais de service en service,
c’est jamais le bon. » (M. Z.)
De plus, c’est dans ces stratégies vers les institutions que les travailleurs
sociaux sont confrontés aux carences des réponses et des ressources existantes :
absence de travail, carences de dispositifs de substitution et/ou de résorption
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Le partenariat
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Encadré 4
Le logement est une priorité, mais…
« Malgré le nombre limité de logements disponibles, au regard de nombreuses demandes
encore non satisfaites, je peux vous assurer que mes services feront le maximum pour
procéder à une attribution dès que les possibilités se présenteront. »
Sept ans après cette lettre porteuse d’espoir, le même office, toujours alerté par la même
situation, répond :
« Je vous confirme que cette demande a bien été enregistrée par le service du logement
de l’office départemental. La procédure d’instruction de ce dossier est en cours. Toutefois,
compte tenu du nombre très important des demandes en attente, il n’est malheureusement pas possible de vous donner satisfaction dans l’immédiat ».
Même l’éventualité d’un relogement n’est plus à l’ordre du jour !
C. Duquesne. Journal d’une assistante sociale.
4.1.6. L’évaluation et la fin de l’intervention sociale
L’évaluation de l’intervention sociale et des changements produits est
une exigence constante.
L’évaluation entre le travailleur social et la personne qui demande
de l’aide
Elle constitue un moment où l’on s’interroge ensemble sur les résultats
positifs ou négatifs, sur les objectifs atteints ou non, sur les changements
produits dans la situation. Cette réflexion partagée, comprenant aussi le
« pourquoi » des événements, permet de faire un retour en arrière pour regarder
5. Rapport annuel du Secours catholique, 1995.
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du chômage, manque de logement social et logement trop onéreux par rapport au niveau de revenus, nombre de places d’hébergement insuffisant, etc.
Bien souvent, les travailleurs sociaux se tournent vers les associations
caritatives. « La complexité des situations, étroitement liée aux problèmes
d’emploi, est telle que les services sociaux publics désemparés, nous les
adressent dans 56 % des cas 5 ! »
Mais s’ils ont certes à tout faire pour offrir des ressources permettant à
la personne de trouver sa solution, il est des domaines où le problème est
aussi et bien souvent à placer à un niveau de responsabilité politique et non
à retourner à la personne. Les travailleurs sociaux ont à faire connaître ces
difficultés et ces carences, à faire remonter toutes les informations susceptibles de faire comprendre les réalités des personnes avec lesquelles ils
travaillent. Encore faut-il que les employeurs prennent la peine de les écouter et que les pouvoirs publics aient la volonté politique d’y répondre !
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le chemin parcouru, pour tirer des enseignements de l’expérience commune,
pour opérer des réajustements et tirer des conclusions. Divers outils existent
pour mieux organiser ce bilan : notes chronologiques du travailleur social,
carnet de bord, dossier social, tableaux récapitulatifs de l’accompagnement
avec mention de la nature des actes et du temps passé, etc. Certaines équipes
de travailleurs sociaux ont construit des grilles qualitatives d’évaluation
s’inspirant des « échelles de mouvement » présentées par Mathilde Du Ranquet.
Ces outils donnent une plus grande visibilité à l’intervention sociale ; ils
favorisent la perception des résultats et leur transmission. La phase évaluative se conclut, soit par la définition de nouveaux objectifs de travail, soit
par la décision de mettre un terme à l’accompagnement.
Le professionnel cherche toujours à construire une fin d’intervention, afin
d’éviter l’écueil de l’assistanat. La fin de l’intervention se planifie et se prépare ; elle intervient lorsque les objectifs ont été atteints ou lorsque la poursuite de l’action n’est plus justifiée. Cette phase est un moment important
qui consolide les acquis, affirme l’autonomie conquise, tourne la page d’une
période de travail en commun. Diverses techniques centrées sur la clôture
de l’intervention facilitent ce passage délicat de la séparation (cf. De Robertis).
La fin de l’intervention
Souvent l’arrêt de l’intervention procède d’une forme d’arbitraire mais
avec le mérite d’être dit et clairement posé. Cet arbitraire de la fin de l’intervention renvoie à l’opportunité de l’enclenchement, par exemple l’arrêt
d’une intervention pour raison de tarissement des ressources affectées.
Le professionnalisme doit gérer cette réalité dans toutes ses phases.
Vouloir mettre fin à une intervention n’est pas toujours facile sur le plan
éthique comme logistique. Cette volonté se trouve parfois battue en brèche,
ne serait-ce que par les situations chroniques ; ainsi, la levée d’une mesure
ne veut pas dire disparition d’une question. En effet, les métiers du social
sont nés pour la plupart sur la vague de la croyance en un progrès libérateur
et les années 70 ont été paroxystiques dans l’affirmation qu’on n’aurait plus
besoin à terme de travailleurs sociaux ; mais la « crise » a cassé cette croyance
au progrès. En réalité, l’intervenant social est dans une position durable,
compte tenu précisément de la chronicité de nombreuses situations sociales
dégradées.
Plusieurs cas de figure existent :
– Il y a un relais possible… Celui-ci doit être pertinent et non servir à « se
passer la patate chaude » afin d’être débarrassé, avec bonne conscience, de
la difficulté du problème. Il faut reconnaître la tendance actuelle, — avec le
développement des mesures pour l’emploi, pour l’accès aux soins, pour la
formation, pour l’accompagnement social lié au logement, pour l’aide éducative auprès des enfants, pour la médiation familiale, etc. — pour le professionnel du social d’être tenté assez rapidement de passer le relais à un
autre service plus spécialisé.
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
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L’intervention sociale d’aide à la personne
– Le relais est déficient ou manquant. Cela pose la question de la responsabilité réelle du travailleur social et de celle des pouvoirs publics.
Est-ce que le travailleur social peut se considérer désengagé dès lors que
les autres font défaut ? Les pouvoirs publics, en raison de la solidarité nationale,
ont-ils prévu un interlocuteur garanti ? Cela pose le problème des vacances de
postes, du non-remplacement, etc. (Cf. chapitre 5 de la seconde partie).
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Les éléments de réponse sont fonction de la distinction des types de
chronicités relevant :
– des mécanismes sociaux (parfois de manière trans-historiques) ;
– de mécanismes conjoncturels sur une période donnée, sur un territoire
donné, à l’exemple de la Lorraine où l’effondrement de la sidérurgie a entraîné
un effet dépressif sur quelques années, pour laisser place à une reconversion
qui a permis de faire renaître l’espoir ;
– des personnes elles-mêmes, selon chaque situation (effets répétitifs,
cycliques, etc.). Le problème est encore plus aigu lorsqu’il s’agit de personnes ayant perdu tous repères concernant la propriété, le respect du corps
de l’autre et du sien propre, de l’espace de l’autre, etc.
L’évaluation institutionnelle
L’évaluation institutionnelle a été mise à l’ordre du jour depuis quelques
années par des objectifs de rationalisation des coûts et de rigueur de gestion.
Aux classiques statistiques de travail, exclusivement quantitatives, s’est
ajoutée toute une série de données : tableaux de bord, fiches, imprimés et
renseignements à transmettre. Ces données, parfois plus qualitatives, montrent le souci des institutions de mieux cerner le « social » qui occupe une
grande partie de leur personnel et de leur budget. Pour certaines institutions,
notamment associatives, cette évaluation est un impératif pour rendre compte
à la tutelle de l’utilisation des fonds publics et pour obtenir leur renouvellement. Cet effort en commun devrait moins produire du contrôle qu’avoir
principalement la finalité d’élaborer des connaissances susceptibles d’orienter les politiques sociales.
L’évaluation des moyens
L’évaluation des moyens dégagés dans le cadre des politiques sociales et
des dispositifs d’action sociale est un autre niveau essentiel. Cette évaluation
vise à réajuster les moyens existants, et à en créer de nouveaux lorsque
d’autres problèmes sociaux apparaissent.
Le souci d’incorporer l’évaluation des politiques sociales comme réflexion
constante permettant de tirer des conclusions et de produire des réajustements
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Interpellation à destination des pouvoirs publics
« Dans le cadre du 6e renouvellement du contrat RMI avec une CLI : Quand on a
tout épuisé et que le problème réel est l’emploi, que fait-on ? » (Une assistante
sociale)
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
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Impliquer les bénéficiaires dans la qualité des services
Le centre de service social du Montréal Métropolitain qui gère les services sociaux
de « 2e ligne » pour près de 1,5 million de Montréalais, a mis en œuvre un conseil
général des usagers.
En 1988, cette instance représentative de 82 000 bénéficiaires du CSSMM regroupait près de 500 usagers et quelque 225 groupes communautaires.
Siégeant au CA du CSSMM, le conseil général des usagers disposait de moyens,
dont 2 travailleurs sociaux mis à disposition tant pour favoriser l’organisation
des bénéficiaires (par exemple parents d’enfants en « placement ») que pour les
aider à exercer leurs droits d’appel ou de plainte concernant l’organisation même
des services et la qualité des prestations qui leur sont fournies.
L’existence de ce conseil vise le développement d’une dynamique démocratique
au sein du CSSMM, en recherchant l’implication des bénéficiaires dans la qualité
des services.
En résumé, l’évaluation représente un enjeu important dans une époque
d’accroissement des difficultés économiques des populations et de stagnation des ressources disponibles : enjeu pour les personnes, afin de trier ce
qui est de leur fait et ce qui relève des effets de la situation sociale sur elles,
enjeu de visibilité de l’action, enjeu de communication et de participation
au débat sur la nouvelle question sociale, enjeu de légitimation…
Conclusion
Les phases telles que définies précédemment par souci pédagogique, ne
se présentent absolument pas de façon linéaire. Elles sont l’objet d’un processus dynamique, interactif ; elles s’interpénètrent, voire coexistent.
L’ISAP est un processus
La complexité des situations où il faut prendre en compte l’ensemble des
paramètres contradictoires et indissolublement associés, et la dynamique des
situations en transformation constante, nous font appréhender l’intervention
sociale d’aide à la personne en termes de processus entraînant un recours
aux savoirs et l’utilisation du temps.
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devrait mieux prendre en compte la participation des travailleurs sociaux à
cette démarche. Leur contribution, tant sur le plan local que régional, peut
être importante. Leur position en contact direct avec les personnes en difficulté en fait les dépositaires de connaissances multiples sur les personnes
et leur situation, sur l’évolution des problèmes sociaux, et sur les réponses
adaptées à mettre en œuvre.
Le recours des personnes devrait pouvoir être possible ; mais force est de
constater qu’en France, elle n’a encore droit au contradictoire que de façon
juridique et les modalités en restent confidentielles et décourageantes.
L’appel des usagers est pourtant une garantie de démocratie.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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L’ISAP est une dynamique
Elle ne respecterait pas ses finalités si elle n’était qu’un processus et une
méthode. Elle est une dynamique car elle s’appuie sur les potentialités et les
capacités des personnes et fait appel aux responsabilités de la société. Elle
est une dynamique parce que la personne est au centre et que le travailleur
social doit chercher à créer toutes les conditions pour que cette personne se
réalise comme sujet/acteur ; elle est une dynamique parce qu’elle est en
évolution constante, au gré des capacités des personnes, du rôle de l’intervenant et des offres de la société.
En somme, elle est une dynamique parce qu’elle met en question un jeu
de forces. On pourrait prendre une image de la physique et représenter
l’intervention sous forme de vecteurs dont les forces s’additionnent ou
s’opposent ; dans tous les cas, il en résulte qu’il y a déplacement de la situation, mouvement au sein de celle-ci et qu’on aboutit à une autre situation.
Pour bien montrer ces deux éléments de l’intervention — processus et
dynamique — nous communiquons ci-dessous un exemple d’intervention
qui nous paraît pertinent. Il s’agit en quelque sorte d’une conclusion pratique.
Cet exemple est relaté en deux parties : l’une raconte la situation ; l’autre
en donne une analyse succincte.
Encadré 5
Exemple d’intervention sociale d’aide à la personne
Monsieur D. a été rencontré par une étudiante de 3e année dans le cadre d’un stage de
service social au CCAS d’une grande ville.
L’origine de l’intervention est le signalement d’un habitant du centre ville le 5 octobre
1993. Il concerne un homme couché sur un banc depuis plusieurs jours, qui, dit-il, est
en train de mourir.
L’assistante sociale et sa stagiaire décident d’aller rencontrer cet homme. Celui-ci se
présente comme une personne âgée, fatiguée, malade. Il est dénutri, il sent très mauvais…
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D’une part, la variété et la diversité des aspects d’une situation sociale,
la succession des moments différents de cette situation sont tels que cela
oblige au recours pluridisciplinaire des connaissances mobilisées (en travail
social, mais aussi en droit et législation, en santé, en sociologie, en économie, en psychologie…).
D’autre part, le processus est un développement — non linéaire — dans le
temps, un déroulement avec rétroaction, retours et avancées, une évolution
positive ou négative ; il rend compte de la réalité mouvante et multidimensionnelle des personnes et de leur situation. Dans le processus de l’intervention
sociale, la notion de temps est essentielle : temps pour construire une relation d’aide entre le travailleur social et la personne, temps pour comprendre
et évaluer, temps pour respecter le rythme de la personne, temps pour mettre
en œuvre les conditions et ressources nécessaires au changement et pour
consolider les changements opérés, etc.
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ISAP.indb 127
Malgré son insistance, Monsieur D. refuse d’être hospitalisé. Il a, dit-il, trop de démarches
à faire ; et puis il sait que s’il entre à l’hôpital « on va lui faire du mal ». La stagiaire lui dit
qu’elle est inquiète pour lui. Il la regarde fixement mais maintient son refus. Elle lui dit
qu’elle viendra le voir tous les jours, mais qu’il commence à faire froid ; elle lui redit son
inquiétude. Elle joint l’assistante sociale de l’hôpital pour s’informer sur les conditions
d’une hospitalisation pour cet homme SDF.
L’intervention : Le 8 octobre, 3 jours plus tard, Monsieur D. a été de nouveau malade ;
il a vomi du sang, tremble. Il accepte d’aller à l’hôpital. La stagiaire l’y accompagne ; elle
ira le voir 2 fois par semaine s’il en est d’accord et restera en relation avec l’assistante
sociale de l’hôpital. Elle apprendra que cet homme a 59 ans. Les médecins diagnostiquent
une hémorragie gastrique liée à une alcoolisation régulière.
Lors des visites, Monsieur D. est très énervé, agressif, réticent ; il s’est disputé avec l’assistante sociale de l’hôpital. Il dit cependant à la stagiaire « C’est bien d’être appelé Monsieur ».
Il demande des vêtements, de l’argent et des cigarettes. La stagiaire obtient un secours
de 250 F et lui amène ce qu’il a demandé. Il se plaint du comportement du personnel à
son égard, dit qu’on le maltraite, qu’on le persécute avec des transfusions sanguines,
qu’on ne lui donne jamais de repas chauds… La stagiaire prend en compte ses plaintes,
rencontre le personnel, et peut lui expliquer la nécessité des perfusions car il a perdu
beaucoup de sang, des repas tièdes du fait de son ulcère. Monsieur D. se calme ; il dit
aussi qu’il ne faut lui poser aucune question sur son passé « sinon ce sera terminé » !
La stagiaire respecte cette position qui cependant la gêne dans sa compréhension de
l’histoire de Monsieur D. Elle comprend que le conflit avec l’assistante sociale de l’hôpital est lié à l’insistance de celle-ci à recueillir des éléments concernant le passé professionnel, familial de ce monsieur. Monsieur D. a besoin d’être valorisé ; il s’invente des
métiers prestigieux ; la stagiaire accepte son discours, sans vouloir lui démontrer qu’il
paraît bien improbable. Monsieur D. est toujours très méfiant. Il manifeste du plaisir
cependant à voir la stagiaire, à exister pour quelqu’un qui le prévient chaque fois du jour
et de l’heure de ses visites. Il est quelquefois angoissé, en colère, voire insultant à l’égard
du personnel et de la stagiaire. Elle comprend qu’il teste sa capacité à toujours s’occuper
de sa situation, malgré ses comportements. Monsieur D. restera hospitalisé 10 jours. Son
état de santé nécessitera un séjour en maison de repos. Monsieur D. accepte cette orientation médicale avec beaucoup de réticence. La stagiaire l’y accompagne ; elle lui téléphonera 2 fois par semaine et viendra le voir à un moment où elle le sent prêt à quitter
l’établissement contre avis médical. Elle lui remet un calendrier, en lui proposant de venir
le chercher à telle date, et de barrer chaque jour, afin de se repérer dans ce temps d’attente.
Il souhaite aller à l’hôtel en attendant une solution plus durable. Il dit en avoir marre
d’être sale, sans domicile, sans lieu fixe…
La technique opérationnelle : travail sur cinq champs d’action structurants :
Ses objectifs de travail visent à la resocialisation de Monsieur D. :
– à travers un suivi médical ;
– en assurant un minimum vital (il n’a aucune ressource) ;
– en l’aidant à retrouver une place dans la société.
– La santé :
• hospitalisation ;
• placement en maison de repos ;
• sur le plan médical : la santé de Monsieur D. reste fragile. Il nie son alcoolisme. Malgré
deux rendez-vous, il ne se rend pas à un bilan de santé. Il dit qu’il est angoissé à l’idée
du diagnostic. Il préfère ne pas savoir… La stagiaire lui propose de l’accompagner
chez un médecin généraliste. Les examens révèlent une pancréatite et confirment un
alcoolisme sévère. Monsieur D. dit qu’il n’a jamais bu. La stagiaire lui propose de
rencontrer une psychologue du CCAS… Il accepte. Il lui dit néanmoins « l’alcool,
c’est une affaire d’homme ».
– L’aide financière : secours de 250 F pour permettre à Monsieur D. d’avoir quelques
vêtements, cigarettes et un peu d’argent sur lui.
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Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
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ISAP.indb 128
– Les droits : Plusieurs demandes sont instruites pour lesquelles les démarches sont engagées avec son accord et sa participation :
• RMI ;
• Allocation adulte handicapé ;
• rente accident du travail (AT). Il reçoit 7 500 F de rappel de la rente AT. Il souhaite les
placer sur un CODEVI… ;
• il demande à bénéficier d’une mesure de tutelle.
– Le logement : Très vite les relations avec le propriétaire de l’hôtel se détériorent… Il a
cependant décoré sa chambre avec divers objets. Il souhaite occuper un studio meublé.
Une recherche est faite dans ce sens et aboutit. Monsieur D. fait son ménage, cuisine
régulièrement, et continue à décorer son appartement (achat de plantes vertes, bibelots…).
– La vie sociale : Il entretient son image et se présente chaque fois à la permanence de
l’assistante sociale en costume. Il formule le désir d’exercer une activité bénévole (à Emmaüs
ou au Secours catholique). Il ne se rendra pas aux rendez-vous fixés.
Lors du départ de la stagiaire à la fin de son stage, une rencontre est organisée par
celle-ci avec le formateur de stage qui assurera le suivi de cette situation.
Les finalités de l’éthique liées à cette technicité de la réponse :
Les attitudes de la stagiaire : écoute, compréhension, respect, dialogue, réciprocité, accompagnement solidaire, engagement, développement des potentialités, médiation, mobilisation de Monsieur D. autant que de l’environnement… En outre, mise en œuvre de :
– Pédagogie de la liberté :
• respect de la liberté de Monsieur D. en attendant le moment adéquat pour son hospitalisation et son consentement ; mais surveillance et prévision de l’intervention pour
assistance à personne en danger ;
• pédagogie de libre adhésion en l’accompagnant, persuasion ;
• acceptation de ne pas tout connaître de son histoire, son passé ; respect de ses inventions d’histoire personnelle ;
• respect du choix du codevi ;
• respect du choix du studio ;
• respect de sa demande de mesure de tutelle.
– Recherche de participation, rôle d’acteur et de responsable :
• respect de son rôle actif (de ce qu’il demande) ;
• acceptation de sa place et reconnaissance de ses droits de malade : ses plaintes et les
modifications qu’il souhaite ;
• explication pédagogique de son traitement afin qu’il en soit partenaire et ne le subisse
plus négativement ;
• compréhension de son auto-affirmation par l’agressivité ;
• apprentissage de la gestion du temps (calendrier pour barrer le temps) ;
• appropriation : décoration de sa chambre d’hôtel puis de son studio.
– Vers la citoyenneté :
• appellation de « Monsieur » ;
• remise dans ses droits (RMI, AAH, rente AT) ;
• respect des droits du malade ;
• resocialisation par des réapprentissages de liens sociaux, de gestion du temps ;
• restauration des moyens décents de vie.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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chapitre 5
Les conditions requises pour mener à bien
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ISAP.indb 129
On vient de voir comment, bien menée, l’intervention sociale d’aide à la
personne peut être un processus dynamique d’échanges entre le travailleur
social et les personnes ; s’appuyant sur les capacités de celles-ci, elle vise la
transformation de leur situation, cherche à créer les conditions pour qu’elles
soient pleinement acteurs de leur propre vie. De ce fait, l’intervention sociale
d’aide à la personne veut aboutir à l’accroissement de l’autonomie des
personnes et à leur plus grande insertion dans la société. Mais, elle ne peut
le faire qu’en travaillant le rapport tensionnel « société/sujet-acteur ».
Ce travail est rendu possible par la situation du travail social qui le place
à l’interface de l’homme et de la société, dans cet « entre-deux ». Mais ceci
ne suffit pas et l’intervention sociale d’aide à la personne peut échouer si
certaines conditions ne sont pas réunies. Seront donc évoquées ici les conditions requises pour la mener à bien, dans trois parties intitulées : l’ISAP peut
être dévoyée dans son fondement ; la professionnalité est indispensable ; des
déficiences et des incohérences menacent la qualité de l’ISAP.
5.1. L’ISAP peut être dévoyée dans son fondement
Bien des dimensions intrinsèques de l’ISAP ne sont pas toujours respectées et cela nuit à sa qualité, voire même en dévoie le fondement. Parmi
celles-ci, nous en examinerons trois : la temporalité, la globalité et l’ouverture, la confidentialité.
5.1.1. La temporalité
L’ISAP peut être centrée sur le problème et relever dans ce cas d’un court
terme (fin de l’intervention quand la situation est débloquée) ou du long
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l’intervention sociale d’aide à la personne
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L’intervention sociale d’aide à la personne
terme, si tout un travail auprès de la personne est nécessaire ou si les ressources et les moyens font défaut, ou encore dans les situations de grande
dépendance.
En général, il y a consensus pour reconnaître le temps comme facteur clé
de la réussite de l’ISAP. Cependant, force est de constater la tendance actuelle
pour l’action dans l’urgence et pour l’immédiateté, au détriment d’une action
en profondeur. La mise en place dominante des réponses d’urgence le montre.
Si elles sont nécessaires dans certains cas, dans bien d’autres, une action de
dialogue et de prévention serait, ô combien plus efficace !
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ISAP.indb 130
La réponse au coup par coup souligne le défaut actuel de raisonnement,
chacun étant prisonnier de sa propre logique.
Ce défaut de convergences temporelles provient de plusieurs causes :
– augmentation des situations difficiles, complexes et graves d’exclusion ;
– demande de satisfaction brute par des personnes qui ne veulent pas de
relation d’aide construite et durable ;
– pression des orientations politiques : le temps de l’action n’est pas
nécessairement celui des financeurs, des décideurs, des employeurs… ;
– annualité des budgets et cycles d’évaluation des dispositifs conditionnant la poursuite et la continuité d’actions ;
– les temporalités différentes des autres acteurs de terrain, du champ
économique, associatif, judiciaire (ANPE, associations de formations, justice…)
ne concordant pas avec la gravité d’une situation. Par exemple, temps de
latence important pour avoir des stages de formation, délai de réponse
parfois très lent de la justice, etc. ;
– le turn-over des intervenants.
Le travailleur social confronté à l’immédiateté fugitive du pur présent !
L’intervenant social, sans cesse sollicité, se heurte alors à la dualité agirréagir/réfléchir et peut se trouver englué dans la quotidienneté, sans pouvoir
prendre du recul par rapport aux événements, sans pouvoir les objectiver.
De ce fait, il pose une série d’actes mais ne construit pas une véritable
pratique. Dès lors, on peut comprendre qu’il ressente le sentiment d’être
dépassé par la multiplicité et la complexité des situations actuelles et qu’il
puisse se décourager ou se révolter.
Donner du temps au temps, prendre le temps de la réflexion, et en même
temps agir à la fois rapidement et en profondeur, tel est le difficile compromis à trouver pour réussir l’ISAP.
« Ce qui caractériserait le rapport au temps du professionnel serait celui qui lui
permettrait de construire des capacités à répondre rapidement à des situations
complexes, à anticiper, à gérer l’imprévu et l’imprévisible. » (Travailler en banlieue)
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« C’est bien souvent d’une part la dimension de l’agir, du fait qui prime sur celle
du réflexif, et d’autre part, celle de l’affectif, de l’émotionnel sur celle du dépassionné. » (Travailler en banlieue)
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
5.1.2. La globalité et l’ouverture
L’ISAP, on l’a vu au chapitre 4, oblige à prendre en compte la globalité de
la situation sociale des personnes et l’ouverture à l’ensemble des réponses…
Or les compétences professionnelles acquises par la formation et les missions
institutionnelles ont à voir avec la défense et le repli sur le champ d’intervention traditionnelle. Cela pose entre autre les questions de la délimitation
du champ d’intervention et de l’articulation individuel/collectif.
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ISAP.indb 131
Faut-il délimiter précisément ce champ et ne pas le déborder, au risque
de ne pas pouvoir prendre en compte la situation de la personne dans sa
globalité, alors que l’évaluation le requiert ? Les professionnels ont d’une
part à ouvrir leur champ d’intervention vers les questions actuelles (articulation avec l’économique), d’autre part à travailler en équipe ou/et à envisager
un rôle de référent veillant à tisser et visibiliser la globalité de l’intervention.
N’y a-t-il pas également, de la part des institutions, une organisation des
compétences à assurer localement (voir le pôle local de compétences, suggéré
par le Commissariat au Plan) ou par rapport au problème ; par exemple, les
PDI et les CLI devraient organiser l’offre d’insertion en fonction des situations sociales des personnes plus que par rapport aux ressources existantes ;
promouvoir, créer des offres en adéquation aux besoins. Rappelons que de
façon inhérente à chaque intervention, est attachée la responsabilité d’en
prévoir la fin et les effets, et donc les relais nécessaires. Ce devoir de suite
de l’intervention est également une responsabilité globale de la société et
des institutions qui doivent assurer une coordination des services ; de même
qu’il est une responsabilité solidaire des intervenants qui doivent offrir le
plus possible une couverture complète. Et si les relais pertinents ne peuvent
être assurés, ne semble-t-il pas primordial pour l’intervenant d’acquérir une
sorte de « droit de poursuite de l’intervention » au-delà du champ étroit de
la spécialisation d’un service ou de la temporalité d’une mesure ?
Au même titre que l’action sociale, le décloisonnement et l’ouverture sont
des conditions de réussite de L’ISAP ; aussi est-il nécessaire de prendre les
moyens pour les favoriser et les organiser de façon réfléchie et maîtrisée,
plutôt que laisser chacun choisir d’agir ou de pas agir.
Dans ce cadre-là, le problème des postes vacants doit être vu comme un
problème d’organisation et non comme un motif de déroger à la continuité
de l’intervention. Le problème est réel, il peut être travaillé à divers titres,
que cela concerne les enjeux intra et inter-institutionnels ou les méthodes
d’intervention. Quand ce problème n’est pas résolu en tant que problème
d’organisation, il convient de s’assurer que les personnes n’en seront pas les
victimes. Aussi, parallèlement, l’intervention ultérieure doit être pensée et
préparée avec d’autres ressources que celles des services et des professionnels : familles élargies, solidarités locales, mouvements bénévoles. L’essentiel
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La délimitation du champ de l’intervention
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L’intervention sociale d’aide à la personne
est que le relais éventuellement nécessaire soit préparé et réellement mis en
place en fonction des intéressés et avec eux.
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ISAP.indb 132
Sauf à la dénaturer, l’ISAP ne se réduit pas à la relation duelle de face à
face et met en jeu une palette de ressources alliant l’individuel et le collectif ; car considérer les capacités de la personne comme centrales dans la
résolution de ses difficultés, c’est travailler à lui offrir et créer avec elle des
situations qui vont lui permettre de les mettre en œuvre, de les reconnaître
et les faire reconnaître.
Cette reconnaissance par l’autre, par des « autruis significatifs », c’est-àdire socialement signifiants et dignes d’intérêt, participe directement du lien
social et de ses mécanismes que nous avons déjà évoqués au chapitre 3.
Aussi, il nous faut considérer l’articulation entre individuel et collectif,
non pas dans une logique linéaire, mais dans une dynamique interactive
qui s’inscrit dans la continuité de l’intervention.
L’individuel n’est pas le préalable au collectif, pas plus que l’inverse. C’est
la situation, la problématique rencontrée qui vont déterminer des stratégies
à mettre en œuvre (cf. chapitre 4).
Par exemple, la visée d’insertion de femmes maghrébines nécessite des
stratégies de rencontre qui n’aillent pas à l’encontre de leurs coutumes.
Prendre en compte la difficulté d’approche selon qu’on est homme ou femme,
l’acceptation par les maris que les femmes puissent sortir d’un espace privatif
domiciliaire a conduit à une stratégie de rencontre menée en partenariat :
centre social, circonscription, GRETA, FAS. Celle-ci a consisté à aller aux
sorties d’écoles pour avoir le contact avec ces femmes, puis de faire des
activités relevant de la sphère domestique (couture, cuisine) pour travailler
l’alphabétisation et a permis des interventions personnalisées auprès de
situations familiales perturbées.
Partir d’espace intermédiaire et créer des activités collectives peut être
un démarrage de la rencontre. À l’inverse, dans d’autres circonstances, c’est
la rencontre personnelle qui aboutira à la constitution de petits groupes.
Par exemple, une conseillère en ESF d’un CCAS intervenant auprès de
personnes en situation budgétaire précaire, et constatant sa difficulté à modifier leur sentiment d’impuissance et les conséquences somatiques corrélatives, a développé un projet de jardins familiaux pour ces vingt-cinq foyers.
Conjugant efforts personnels et entraide, échanges de savoir-faire et de
débrouilles, les différentes personnes ont conquis l’exercice de rôles personnels pour elles-mêmes au sein de leur groupe familial, de leur voisinage, au
sein du groupe gérant les parcelles (négociation pour l’adduction d’eau, les
clôtures, l’entretien des outils communs), puis désormais pour certains un
rôle de délégué au sein d’une fédération locale de jardins ouvriers.
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Articulation individuel/collectif
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
La participation à cette action à caractère collectif a permis un réinvestissement de chacun dans le solutionnement de ses problèmes personnels.
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ISAP.indb 133
Ainsi, le passage à des modalités d’intervention plus collectives, collégiales, est nécessité par la complexité des situations et l’enchevêtrement des
difficultés qui les constituent ; mais il est aussi pertinent par le fait que ces
difficultés, tout en ayant des caractères individuels, sont communes à de
nombreuses personnes.
La mise en œuvre de ces interventions ne s’improvise pas, elle demande
un travail méthodologique en terme de projet, de constitution des groupes,
de techniques et des moyens qui le permettent, locaux, disponibilité et
soutien technique 1.
5.1.3. Des fonctions constitutives de l’ISAP,
mais non équivalentes à l’ISAP
Certains mots caractérisant le positionnement de l’intervenant (référent),
des fonctions (médiation, accompagnement social), des méthodes (contrat,
projet) ont fortement pignon sur rue, voire sont à la mode, au point qu’ils
peuvent être confondus avec l’intervention elle-même alors qu’ils n’en sont
qu’un élément constitutif, qu’une des fonctions remplies à un certain moment.
Il est important de le clarifier ici afin que l’ISAP ne soit pas réduite à ceux-ci.
Arrêtons-nous sur l’exemple de la médiation. Très souvent, le professionnel sera en position de médiation, de tiers, entre la personne et l’institution.
Mais ce n’est qu’une fonction constitutive de l’ISAP qui est bien plus que
cela. Or penser la médiation comme l’équivalent d’une intervention, vouloir
institutionnaliser cette fonction procède parfois d’un contresens lorsqu’une
réflexion et un objectif n’ont pas été établis auparavant ; le recours au
1. Rapport du CSTS, Intervention sociale d’intérêt collectif, document ministère des
affaires sociales, 1988.
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Interpellation des familles
« Il faut que les gens nous jugent autrement, qu’ils nous fassent confiance, qu’ils
croient que nous pouvons faire de grandes choses, et qu’ils bâtissent avec nous,
non sur nos problèmes, mais sur nos efforts, sur nos projets, sur nos bonnes
idées. Les enfants sont la raison de vivre des familles, de relever la tête, de se
battre, d’être reconnu dans le quartier, à l’école, etc.
Leur priorité réside dans l’éducation des enfants, dans la volonté de leur éviter
les situations de grande pauvreté qu’eux-mêmes vivent au quotidien. Les travailleurs sociaux ne pensent pas suffisamment à l’importance de la famille
élargie. La famille, ce ne sont pas seulement les enfants et les parents. Il y a aussi
les frères et sœurs. Il faut mettre en jeu la parenté familiale, aider à créer une
solidarité familiale des “liens”. »
(Témoignage de Mme L. et M. S. lors de l’audit au ministère de représentants des
familles, par le groupe de travail du CSTS, 15.12.1994)
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L’intervention sociale d’aide à la personne
médiateur est censé résoudre les choses, encore faut-il que les questions
soient posées au préalable.
Ainsi décider le recours systématique à un « médiateur culturel » sur le
mode : on va chercher un Turc censé résoudre une question dès lors qu’elle
concerne un Turc en France, un Maghrébin pour les problèmes concernant
les Maghrébins, etc. n’a pas de sens, si cela ne s’inscrit dans un objectif plus
large, mettant en œuvre de façon conjointe, diverses autres modalités.
Le fait que toutes les personnes assurant des relations entre le quartier
et la société seraient sollicitées sur la base de leur origine ethnique peut
devenir une dérive grave. Il en est de même pour le recrutement de plus en
plus d’éducateurs en fonction de leur origine ethnique, issus du milieu, parce
qu’ils le connaissent bien.
D’atout ce peut devenir une dérive lorsque cela est systématisé.
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ISAP.indb 134
Sans compter que les erreurs sont fréquentes sur les subtiles nuances et
les coupures irréductibles entre les cultures, les traditions et les peuples.
La plupart des acteurs, en tous cas des prescripteurs de l’action sociale,
méconnaissent et amalgament les différences culturelles et les enjeux de ces
différences.
5.1.4. La confidentialité des informations
Puisque l’intervention sociale d’aide à la personne postule que celle-ci
soit placée au centre, elle nécessite l’observation de diverses valeurs éthiques
autant que de droits fondamentaux — comme nous l’avons vu dans les
chapitres précédents, notamment dans le chapitre 2 — ; parmi ces valeurs et
ces droits, il y a le respect des libertés individuelles et de la vie privée des
personnes. Or cela ne va pas de soi.
D’une part, les familles sont depuis longtemps objets de regards inquisiteurs tant de la part des administrations que des travailleurs sociaux. D’autre
part, il y a eu toute une évolution de l’action sociale cette dernière décennie,
marquée notamment par la réorganisation des services sociaux, la diversification des acteurs, un partenariat institutionnel et un travail avec les
bénévoles… En outre, les nouveaux supports techniques posent problème.
Enfin, on observe une dépendance de plus en plus grande des actes professionnels au droit, du fait qu’ils concourent la plupart du temps à asseoir des
décisions administratives et judiciaires favorables ou défavorables aux personnes. Or ces décisions de nature juridique sont soumises à des formes
légales qui encadrent les pratiques.
De ce fait, au-delà du secret professionnel, c’est le problème général de
la confidentialité des informations qui se pose quotidiennement.
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« “L’ethnicisation du social” représente une dérive par rapport au modèle républicain où l’individu est avant tout un citoyen. » (Azouz Begag)
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
Dès lors, comment peut-on construire une pratique qui garantisse la
place de la personne au centre et le respect de sa vie privée, les droits des
usagers et la protection des libertés individuelles ?
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ISAP.indb 135
Il y a nécessité de la confidentialité car si toute personne a droit a une
part de secret, d’opacité de ses rapports sociaux, toute personne est amenée
aussi, en raison de la réglementation ou de l’informatisation à donner de
plus en plus d’éléments de sa vie privée.
En outre, dans le cas de l’intervention sociale d’aide à la personne, il y a
une nécessaire relation de confiance et si celle-ci est menacée ou détruite,
toute intervention sociale devient difficile.
De plus, cette intervention sociale recherchant réellement que les personnes aidées retrouvent leur pleine citoyenneté, il est indispensable en
corollaire de la leur reconnaître d’abord dans le respect de la vie privée.
Confidentialité
« Ce respect est un acte positif, volontaire et éducatif puisqu’il garantit en quelque
sorte la consistance de l’identité sociale de la personne accompagnée. » (UNIOPSS)
Ce respect peut d’ailleurs aller jusqu’au refus d’entendre certaines données de la vie des personnes qui ne sont pas pertinentes par rapport à la
situation ou au problème à traiter. Il appartient donc au professionnel d’être
très vigilant quant à la manière dont l’information est collectée et traitée.
Si la confidentialité est un principe éthique, elle doit être mise en application
par des méthodes rigoureuses.
La loi, en instituant le secret professionnel, en donne l’exemple ; elle a
prévu de préserver l’intimité de la vie privée de celui qui se confie, en le
protégeant contre des professionnels qui dévoileraient ce dont ils ont été
dépositaires. C’est un droit pour l’usager et un devoir de se taire pour le
professionnel. Le Code pénal prévoit la sanction de la violation du secret
professionnel dans le livre II, section IV, article 226-13.
Pendant longtemps, la notion de secret professionnel a été le point
d’achoppement des relations entre les travailleurs sociaux et la justice et
entre les assistants sociaux et leurs employeurs… C’est pourquoi on peut
regretter qu’il soit trop souvent traité en lui-même, car il n’a de véritable
légitimité que replacé dans l’éthique qui place la personne au centre. Or
celle-ci appelle à une confidentialité qui va au-delà des seules personnes
astreintes au secret professionnel, et s’étend à tout professionnel, bénévole,
institution ayant des rapports avec la personne aidée.
Ceci ne va pas de soi, c’est pourquoi nous avons retenu principalement
trois contextes où la confidentialité doit être conciliée avec les modalités
mises en place et les objectifs évoqués.
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Fondement de la confidentialité et respect de la vie privée
de la personne
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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ISAP.indb 136
La position de salariat du travailleur social le met en subordination visà-vis de l’employeur auquel il doit légitimement rendre des comptes.
Néanmoins, il peut exister de fortes tensions, voire des conflits si l’employeur
ou ses services cherchent à connaître des éléments confidentiels dont est
dépositaire le travailleur social. De même, la mise en place de l’encadrement
multitechnique peut poser problème lorsque le professionnel responsable
encadre une équipe composée de différents types de professionnels dont
certains sont astreints au secret professionnel alors que lui ne l’est pas.
Comment concilier les préoccupations éthiques avec un projet institutionnel ? Si ceci n’est pas simple, du moins certains éléments de méthode
peuvent y aider :
– la reconnaissance de logiques différentes attachées aux fonctions des
uns et des autres devrait permettre une meilleure compréhension ;
– la clarification des rôles amène à une meilleure acceptation des tâches
de chacun. D’une part, est mieux acceptée l’autonomie technique des travailleurs sociaux, c’est-à-dire qu’ils soient responsables de leur appréciation
des situations et de leur technique. D’autre part, la pertinence des demandes
est mieux assurée. Notamment, la demande d’enquête sociale devrait tenir
compte de la clarification apportée par le ministère des affaires sociales dans
le document Enquêtes sociales. Fondement et légitimité (1993) qui préconise
de distinguer l’enquête de type contrôle ou informative du « rapport de
situation sociale », qui seul est un véritable acte social ;
– la bonne connaissance juridique ainsi que de la fonction du secret
professionnel permettent d’éviter des demandes intempestives et des réactions maladroites. L’employeur doit respecter la confidentialité du courrier,
garantir des locaux permettant la discrétion, assurer la non-accessibilité
aux documents sociaux des professionnels ;
– l’élaboration d’une éthique de service par des confrontations entre
positions personnelles et professionnelles, de service, de l’institution, voire
des partenaires, est une garantie possible pour les personnes aidées.
Chacun a ainsi la responsabilité de contribuer à faire respecter la confidentialité.
Confidentialité et partage des informations
Compte tenu des évolutions de l’action sociale appelant à un nombre
toujours plus grand d’acteurs, on parle couramment d’un secret partagé qui
se réorganise différemment de la notion d’un dépositaire unique ayant un
savoir global sur la personne ou la famille. Or le secret ne peut être partagé
ou alors ce n’est plus un secret. D’ailleurs, le nouveau Code pénal n’a pas
consacré la notion de secret partagé. Aussi est-il important sémantiquement
de parler d’informations partagées en vue d’une solution ou d’une décision.
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Confidentialité et position de salarié
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
Mais que dire, comment le dire, afin de respecter la personne et d’éviter
l’arbitraire des échanges verbaux effectués en son absence ?
« Secrets de pauvres : pauvres secrets ! » (Jean Maisondieu)
N’est-il pas judicieux de se demander ce que vouloir tout savoir au nom
du bien de cette personne, recouvre réellement ? L’erreur réside déjà dans
cette quête indiscrète de l’intimité de l’autre. En outre, des dérives inconscientes (voyeurisme, toute-puissance) ou voulues (contrôle social) guettent
chacun à chaque instant. Ces questions doivent donc être réfléchies en
tenant compte de la diversité des lieux d’exercice professionnel et des populations concernées.
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ISAP.indb 137
En principe, il ne devrait pas y avoir de problèmes ; dans la réalité, les
manquements au secret professionnel sont plus fréquents qu’on ne le pense.
Celui qui divulgue n’est jamais sûr de ce que l’autre va faire de ce secret, bien
que l’autre soit devenu à son tour dépositaire du secret. Si ce dernier divulgue encore cette information confidentielle à un autre professionnel, que
reste-t-il du secret en bout de chaîne ? Se met à jour ici la violence inquisitoire des professionnels face aux propos libres et confiants des usagers.
C’est pourquoi, la règle éthique est de savoir que l’on n’est pas tenu de
tout dire, tout le temps, à toute l’équipe même soumise au secret professionnel absolu. La règle éthique appelle à reconnaître à chacun sa soumission
au secret et son propre usage du secret, en respect de ce que l’usager lui a
confié.
Équipes pluriprofessionnelles et pluridisciplinaires,
dont seuls certains membres sont soumis au secret professionnel
C’est à celui qui détient un secret d’évaluer s’il y a nécessité ou non de
partager certains éléments avec l’ensemble de l’équipe. Il doit y avoir respect
mutuel du devoir du secret professionnel pour les uns et de la confidentialité pour les autres.
La réunion de synthèse est exemplaire à cet égard : « Dans l’idée de venir
en aide à autrui, le dépeçage de son intimité, la mise en commun de ce qu’il
a le plus secret en lui et qu’il n’a confié qu’à quelques-uns est non seulement
une trahison mais aussi un crime de lèse-personne. Sa majesté le sujet, au
nom duquel est instituée la relation d’aide, est détrônée pour ne devenir
qu’un banal objet de soins ou de réinsertion dont chacun dissèque les secrets
sans se rendre compte que la mort de la relation est au bout de la réunion »
(Maisondieu). C’est pourquoi il faut être sans cesse vigilant.
Comment trier les informations puis les partager ? Le respect de la parole
doit être le fondement du partage des informations. Tout d’abord il est
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Cas d’équipes composées de personnels soumis au secret
professionnel
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L’intervention sociale d’aide à la personne
souhaitable d’élaborer des stratégies de travail collectif qui ne fassent pas
du secret professionnel un outil d’exclusion des autres membres de l’équipe.
Il y a à inventer une articulation entre les différents membres et leurs différents rôles. Ensuite, il convient d’évaluer avec pertinence les éléments
indispensables à la décision. Ceux-ci n’ont pas à être restrictifs au point de
porter tort à la famille mais ne doivent pas non plus lui nuire en exposant
sa vie privée.
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ISAP.indb 138
Toute une série de procédures recherchant un décloisonnement des institutions et une synergie pour une plus grande pertinence des décisions ainsi
qu’une meilleure efficacité des plans d’action a été mise en place : attribution
d’aides financières, fonds d’impayés de loyer, fonds d’accès au logement
garanti, commission précarité-pauvreté, CLI… Les conséquences en termes
de respect de la personne contiennent des avantages autant que de sérieux
inconvénients. Ainsi, le regard croisé favorisé par la multiplicité des intervenants tend à objectiver les décisions, mais d’une part rend les personnes
« objets » plutôt que « sujets » de leur devenir, et d’autre part pose la difficile
question de respecter l’obligation du secret professionnel, et plus généralement la confidentialité, sans entraver le travail de ces commissions.
Bien des problèmes peuvent surgir parce que des situations sont décortiquées et débattues dans une assemblée ad hoc, en toute bonne foi et avec
le désir de faire du bien. Or ce qui peut paraître anodin aux yeux des participants peut être préjudiciable à l’intéressé ; les conséquences peuvent être
extrêmes (suicide). Les effets sont souvent plus aliénants que libérateurs.
Rien n’est plus destructeur pour une personne « sujet » que de devenir
l’objet du discours des autres, alors qu’elle-même est absente de la discussion.
Plus modestement, les dévoiements observés sont des situations de jugement en termes misérabilistes, moralisateurs, voire vexatoires ou de contrôle.
Je - Tu - Il
« Quand “je” et “tu” parlent de “il”, ce dernier est anéanti comme sujet, en outre,
absent il risque d’avoir tous les torts. » (Jean Maisondieu)
C’est d’ailleurs ces types de jugement de valeur sur la personne qui sont
source de conflit avec les travailleurs sociaux, beaucoup plus que le secret
professionnel proprement dit. Ce type de jugement hâtif résulte pour une
grande part de mécanismes psychologiques réducteurs, notamment de projections et de la difficulté à abandonner des considérations générales pour
admettre la singularité absolue des situations et des histoires.
Les dérives discriminatoires existent. Par exemple, dans le cadre du RMI,
les informations fournies sur les personnes, tant dans certains contrats qu’à
partir des échanges entre les membres des CLI, dépassent encore bien souvent les données nécessaires à la validation d’un contrat d’insertion. De plus,
les éléments obtenus dans cette instance sont souvent utilisés à d’autres fins
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Commissions interpartenaires
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que le RMI, pouvant bloquer des dossiers en cours. Dès lors, qu’en est-il de
l’affirmation de la place et du respect de la personne ?
Un cadrage éthique s’avère indispensable et une responsabilisation des
partenaires par rapport à celui-ci devrait être mise en œuvre. Si la règle de
l’anonymat, — seule garantie que soit examinée la situation et non la personne —, ne peut être appliquée, un questionnement sur quatre plans peut
permettre aux professionnels de clarifier les informations à donner :
– Quels sont les éléments absolument indispensables à révéler pour que
le dossier avance ?
– À qui sont-ils destinés ?
– Que deviendront les informations et les documents divulgués ? comment
s’assurer qu’ils resteront confidentiels ?
– L’usager est-il informé des conditions de déroulement de l’examen de
sa situation et a-t-il donné son accord sur ce qui va être dit ? L’enquête ou
le rapport devrait toujours être discuté et lu devant les personnes.
Veiller à ce qu’il n’y ait pas de transmission d’informations à l’insu des
personnes est un acte éthique ; il est souhaitable autant que faire se peut,
qu’il y ait transparence sur les écrits professionnels rédigés avec les intéressés. C’est aussi un acte éducatif du fait que c’est leur favoriser une approche
stratégique des modalités de décisions des institutions. Enfin, la mise en
place de modes d’action plus contractualisés permet de mieux associer la
personne et de mesurer les limites des méthodes adoptées.
Confidentialité et informatisation de l’action sociale
Certains services sociaux nationaux et départementaux et certains conseils
généraux se dotent de systèmes informatisés de gestion de l’action sociale.
Ces programmes d’informatisation sont censés répondre à plusieurs objectifs :
construction de tableaux de bord de pilotage de la politique départementale,
optimisation des prestations offertes aux usagers, facilitation du travail
individuel et collectif des professionnels sociaux et médico-sociaux auprès
des usagers.
Il est indéniable que les outils informatiques et les télécommunications
qui peuvent y être associés sont extrêmement performants, donc inévitables
et utiles pour l’action sociale. Mais il faut pouvoir les maîtriser. Les dérives
peuvent facilement être nombreuses. La loi Informatique et Libertés en
témoigne en tentant d’être un garde-fou.
C’est par l’implication de tous les acteurs dès le projet, et leur réflexion
commune que la maîtrise pourra être obtenue. Des garanties éthiques devraient
être discutées et trouvées par tous les partenaires notamment les conditions
d’informations nominatives, le système de verrouillage, les codes d’accès
confidentiel, la durée de vie limitée, etc. La vérification des intentions devrait
être poussée jusque dans les détails concrets. À titre d’exemple, des informations peuvent être recueillies pour satisfaire le logiciel (qui impose l’entrée de certaines données pour pouvoir poursuivre l’enregistrement d’un
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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5.2. La professionnalité est indispensable
5.2.1. La régulation professionnelle
L’ISAP, plus peut-être que d’autres types d’intervention professionnelle,
requiert une régulation professionnelle afin d’éviter les dérives que nous
avons soulignées tout au long du processus.
Or on observe une nette diminution de la puissance de régulation par les
professions elles-mêmes (en dehors des rapports hiérarchiques).
Hiérarchie
« La hiérarchie est dévorée par les tâches administratives et n’a plus le contact
avec les gens. » (Hélène, assistante sociale, Télérama)
Rappelons qu’autrefois, les métiers sociaux, particulièrement les assistants de service social et les éducateurs spécialisés, y attachaient de l’importance. Ils avaient mis sur pied la supervision. D’autres professions touchant
aussi au relationnel, tels que les médecins, ont inventé des séances de contrôle
par des pairs, les groupes Balint. Les psychologues, les psychiatres savent
bien l’importance de ces groupes de paroles entre professionnels où chacun
exprime ses difficultés, ses craintes, et avec l’aide du regard des autres,
prend de la distance et en ressort revivifié.
Cet espace/temps de réflexion entre pairs, ou avec un professionnel formé
et chevronné, de mise en distance de la pratique, de l’analyse de celle-ci est
primordiale pour la qualité de l’ISAP. S’il commence à exister pour les
situations difficiles (maltraitance), il devrait pouvoir tout autant y avoir une
structure permanente d’aide et de soutien aux professionnels ; notamment
l’encadrement hiérarchique devrait pouvoir être plus présent, mieux formé
pour sa tâche de conseil aux praticiens. L’encadrement technique n’est pas
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dossier) alors qu’elles ne sont d’aucun usage pour l’intervention en cours ;
l’organisation du travail dans les services fait que des écrans allumés en
permanence, pour que plusieurs professionnels puissent y avoir accès, affichent parfois des dossiers personnels non refermés ; pour ne pas oublier le
code d’accès confidentiel, celui-ci est parfois affiché… De même, des attitudes bureaucratiques peuvent être développées par des intervenants qui
imposent un appareil entre eux et les personnes rencontrées…
Au terme de cette brève réflexion sur la confidentialité, on ne peut que
souhaiter, pour conclure, une position éthique claire des travailleurs sociaux
et une large information voire formation de leurs partenaires sur les conséquences possibles liées à la divulgation des informations concernant les
personnes. Mettre la personne au centre, c’est respecter sa vie privée et donc
être d’autant plus prudent dans le recueil et l’utilisation des informations la
concernant, que les dérives sont nombreuses et insidieuses.
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
incompatible avec l’encadrement hiérarchique et on peut regretter que l’excès des distinctions pratiquées depuis des années dans les professions sociales
ait abouti à l’affaiblissement général de l’encadrement et de la régulation
professionnelle.
Le soutien permet d’éviter d’une part une lecture de la réalité si pessimiste et immobilisante qu’elle enclenche un sentiment d’impuissance qui
a priori empêche toute entreprise et d’autre part, à l’inverse, l’illusion de
puissance qui incline à poser des objectifs démesurés qui ne peuvent que
conduire à leur irréalisation.
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Faire du social de qualité n’est pas inné. Les bonnes intentions ne suffisent pas et le fait d’être en situation de proposer de l’aide ne génère pas
spontanément une intervention sociale d’aide à la personne. Comment
acquérir les aptitudes pour que l’ISAP devienne une dynamique et un processus mettant la personne au centre ? Comment limiter les enjeux de puissance, et d’influence de l’intervenant sur les personnes ? Comment mobiliser
les ressources ?
Professionnalité
« J’appelle professionnalité et j’attribue cette professionnalité à un individu ou
à un groupe, une expertise, encadrée par un système de références, valeurs et
normes, mises en œuvre, ou pour parler plus simplement un savoir et une déontologie, sinon une science et une conscience. » (François Aballéa)
Un des moyens d’obtenir cette garantie est l’acquisition d’une professionnalité reposant sur un système composé de valeurs/éthique, de références visibles et explicites obtenues par rationalisation des savoirs, de
capacités d’exercice et d’action… La qualité de l’intervention sociale d’aide
à la personne dépend sans doute des intervenants eux-mêmes mais bien
plus sûrement d’une professionnalité acquise.
Aux savoirs généraux, auxquels s’ajoutent les savoirs acquis par la
construction praxéologique, se combinent les savoirs de l’expérience. Ces
savoirs-faire sont la plupart du temps à la base de la théorisation du travail
social et de la modélisation de l’intervention sociale. En ce sens, ils devraient
être mieux valorisés, reconnus et formalisés.
Deux niveaux de connaissance :
– connaissance experte et connaissance empirique ;
– savoirs et savoir-faire.
La formation permet de jouer ce rôle. L’enjeu est donc de concevoir un
socle de formations adaptées à la réalité actuelle et à l’évolution des postes,
en même temps qu’arriver à élaborer des référentiels pertinents et à théoriser la pratique. La formation initiale pose les bases de l’intervention sociale
d’aide à la personne, en termes éthiques, théoriques, méthodologiques.
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5.2.2. La formation/qualification
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Elle prend toute sa dimension dans l’alternance où à partir de la pratique,
de la confrontation directe, s’engage une démarche dialectique entre les
actes posés et la théorie. Elle ne peut cependant se concevoir qu’articulée à
la formation continue, supérieure, et réalimentée régulièrement par une
démarche de recherche.
La transmission des savoirs par la formation est importante car elle
donne une base générique dans laquelle l’intervenant puisera les connaissances nécessaires à la compréhension de la personne et de sa situation,
à l’analyse, à l’action, à l’évaluation, tous éléments composant l’ISAP ; c’est
un lieu/temps privilégié car on y apprend à confronter les diverses approches,
à interroger les anciens référentiels et décoder les nouveaux, à avoir un
rapport réflexif à la pratique. Ces savoirs initiaux sont sans cesse à enrichir,
renforcer, repenser au regard des savoirs mobilisés dans la pratique et de
ceux qui se sont construits sur le terrain.
Dès lors, il est nécessaire de lutter contre toute politique tendant à occulter cet aspect fondamental. C’est le cas de certaines mesures qui, pour obtenir un effet d’emploi, risquent d’aboutir à terme à une diminution de la
qualité de l’intervention et perdent la finalité de l’aide à la personne. Prenons
l’exemple de l’aide à domicile.
L’exemple de l’aide à domicile
La perte d’autonomie, notamment en ce qui concerne les personnes âgées,
est devenue un tel problème de société que la prise en charge collective se
dirige vers un accord légal. L’on estime aujourd’hui le nombre des personnes
dépendantes âgées de plus de 70 ans, aux environs de 500 000. L’obtention
d’une prestation financière est certes l’aboutissement de cinq années d’écrits,
de discours et préconisations et correspond à des situations familiales parfois douloureuses à gérer.
Ceci n’est pas sans poser le questionnement actuel et futur quant à
l’accompagnement de ces personnes atteintes le plus souvent de multidépendances, et ayant fait le choix de vivre le plus longtemps possible dans
leur cadre de vie. Cet accompagnement ne peut se restreindre à une opération emploi, palliatif au chômage où les nouveaux venus sur ce marché de
l’aide à la personne ont certes disponibilité et bonne volonté, mais ne disposent pas des connaissances psychologiques, techniques, sanitaires et
sociales acquises par expérience professionnelle et la formation qualifiante.
L’aide à domicile auprès des personnes âgées s’inscrit dans la prise en
compte globale de chaque situation de personne, caractérisée par son poids
du vécu, son histoire, sa solitude, son état de santé, son contexte géographique… Elle nécessite du sur-mesure. Cette évaluation suppose un savoirfaire et une approche professionnelle que les aides à domicile s’efforcent
sans cesse d’acquérir et d’améliorer. Le lien social généré par et à travers
l’aide à domicile représente incontestablement une part essentielle de la
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
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5.2.3. D’autres acteurs : bénévolat « nouveaux métiers »
L’action sociale est le fait de nombreux acteurs qui de plus en plus affirment leur place ; mais à trop gommer cet aspect et à annoncer de plus en
plus une similitude, cela conduit à des effets de brouillage des rôles et des
statuts sociaux, dommageables à l’ISAP. Dès lors, il s’agit d’une part d’éviter
le « melting pot » où l’on fait comme si tous les acteurs avaient une compétence identique et l’éthique nécessaire pour mener à bien l’ISAP, et d’autre
part une division du travail rigidifiée et cloisonnée. Prenons deux exemples.
Le bénévolat/volontariat
Les associations jouent un rôle très important dans l’action sociale. Par
leur éthique de solidarité et de fraternité alliée à leur souplesse et à leur
capacité d’innovation, elles sont présentes là où il y a carence des institutions ; elles anticipent bien souvent les réponses qu’elles tentent ensuite de
faire prendre en compte par les politiques sociales, etc. Mais, de même que
les problèmes sociaux actuels et les politiques sociales obligent le travail
social à évoluer, de même ils transforment le bénévolat, au point que celuici présente des aspects très hétérogènes tant du point de vue de leur position
que du point de vue des personnes.
Ainsi, il y a lieu de distinguer les associations agissant par leurs propres
forces, de celles qui se situent dans des cadres réglementaires précis et sont
de ce fait aux franges de la professionnalité (associations gestionnaires d’établissements) et de celles qui s’inscrivent dans des dispositifs d’accompagnement qui les reconnaissent comme des opérateurs légitimes (RMI, logement…).
De même, on devient moins bénévole en donnant du temps et de l’argent qu’en
s’engageant au nom d’une compétence spécifique (souvent professionnelle)
ou d’une position sociale (militant). C’est de plus en plus la mise à disposition
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prestation. C’est pourquoi la relation doit être sauvegardée, car elle est facteur
de reconnaissance et d’identité sociale. Les actes professionnels y sont réalisés autour d’un projet d’accompagnement et d’aide participative. L’aide comporte une forte dimension éthique et repose sur des valeurs. Le fait d’entrer
dans l’intimité de l’autre qui donne à partager ses secrets et souvent ses
misères, l’aide qui va parfois jusqu’au contact du corps et de ses dégradations,
nécessitent un professionnalisme empreint de respect et de discrétion.
L’aide à domicile auprès des familles nécessite tout autant un professionnalisme. Par exemple, l’aide matérielle temporaire apportée par la travailleuse
familiale permet la continuité de la vie familiale et évite les perturbations
des jeunes enfants, elle assure les tâches de la vie concrète dans une visée
préventive (évite la dégradation de la situation) et éducative ; comme elle est
la plus proche des réalités familiales, le dialogue peut se faire plus facilement, etc. L’aide à domicile est un métier de proximité de la personne, qui
nécessite une formation afin de faire des interventions de qualité.
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de compétences professionnelles ou sociales qui prédomine. En somme, les
formes changent.
Il importe aussi de souligner que des travailleurs sociaux sont parfois
tentés de glisser (ou ont déjà dérapé) soit vers le militantisme, soit vers le
« fonctionnarisme ». Or, si le militantisme est une force, un moteur, dans le
cas précis de l’intervention sociale, il est externe à la situation — et parfois
à la relation — et risque de prendre les personnes et leur situation sociale
comme des faire-valoir de causes à défendre. Quant au « fonctionnarisme »,
il amène à considérer la personne comme usager et bénéficiaire, l’enfermant
dans les dispositifs divers et les actions prédéfinies… Ces deux attitudes
n’ont pas de légitimité dans l’intervention sociale elle-même. La professionnalité ne se définit pas comme cela.
La frontière est donc de plus en plus ténue : les professionnels doivent
de plus en plus assurer la solidarité de proximité, tandis que les bénévoles
sont de plus en plus obligés d’apprendre les codes d’accès aux institutions
et aux dispositifs. La complémentarité ne va pas toujours de soi, même si
chacun voit l’autre comme personne ressource et complément de son action.
C’est pourquoi nous sommes amenés à récuser la modélisation proposée
dans l’ouvrage Accompagnement social et insertion 2, lorsqu’il oppose, de
manière schématique, une intervention sociale qui relèverait du registre solidaire à celle qui relèverait d’un registre socio-technique. D’après cet ouvrage
de l’UNIOPSS, le registre solidaire, affaire de bénévoles, serait un compromis
stable entre le registre civique et domestique où l’accent est mis sur la relation, la rencontre et l’écoute, alors que le registre socio-technique, affaire des
professionnels, serait un « compromis civique industriel » se référant de
manière dominante aux dispositifs et à l’organisation. Le modèle solidaire
centrerait l’attention sur les parcours, alors que le modèle socio-technique
relèverait de l’accompagnement de procédures. Cette vision arbitraire et
réductrice cantonne les professionnels dans une logique bureaucratique,
alors que le processus (d’insertion) serait le fait de bénévoles, donc d’associations. Or comme on vient de le dire, le fait associatif n’est pas réductible
au bénévolat, sachant par ailleurs que celui-ci est loin d’être incompatible
avec le professionnalisme. Quant aux professionnels, si des modes d’organisation institutionnelle peuvent apparaître sclérosants, le monde associatif
n’en est pas exempt. La définition de ces modèles par les auteurs de cet
ouvrage visait sans doute le dépassement des antagonismes dans la structure
dynamique de l’insertion, mais la caricature proposée nous paraît altérer
l’objectif recherché.
Les nouveaux métiers
Depuis les années 1980, le développement des nouvelles politiques
sociales transversales et territoriales a bousculé les domaines d’activités et
2. UNIOPSS, Accompagnement social et insertion, Paris, Syros, 1995.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
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Portrait-robot du chef de projet
« Jeune, expérimenté, principalement formé dans le domaine de l’urbanisme,
ayant avant tout acquis du savoir-faire au travers des démarches d’études ou
d’enquêtes, disposant d’une connaissance plutôt abstraite des populations défavorisées et débutant dans l’animation et le partenariat politico-institutionnel… »
(Rapport DIV, 1990)
D’ores et déjà, des choix sont réalisés qui placent ces opérateurs, qu’ils
soient ou non issus du travail social, en position d’agents des dispositifs
construits autour des impératifs de gestion, et contraints par les nouveaux
cadres budgétaires ou les objectifs économiques et politiques. Plus que les
autres, les nouveaux métiers doivent composer avec les différentes forces
sociales, faire de l’alchimie sociale, travailler le plus souvent aux marges
institutionnelles, savoir gérer les contraintes politico-institutionnelles parfois très fortes.
Faut-il pour autant, comme le font certains, analyser l’apparition des
nouveaux métiers comme le résultat de l’incapacité des travailleurs sociaux
à sortir du modèle psycho-éducatif, jugé inadéquat par rapport aux problèmes actuels de société ? Certes, le travail social, en tant que traitement
individualisé des problèmes sociaux à partir d’une lecture psychopédagogique des difficultés sociales, perd ses repères. D’ailleurs, les travailleurs
sociaux eux-mêmes sortent de leur cadre traditionnel d’action pour s’impliquer dans les secteurs d’insertion par l’économique, du logement, de l’insertion professionnelle… C’est l’adaptation à la fonction.
Deux considérations doivent être faites :
– L’enjeu du travail social est plus complexe qu’une particularité ; il doit
favoriser le passage du traitement individualisé des problèmes sociaux dans
une logique des dispositifs où la personne s’inscrit comme bénéficiaire,
à une fonction d’aide à la personne, considérée comme acteur capable,
en synergie de capacités avec une société active.
– La diversité et la complexité des situations sociales nécessitent de
conserver la diversité des interventions et de leurs modes spécifiques d’action
(de l’aide à domicile à la polyvalence de secteur, de l’internat au milieu
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d’intervention des travailleurs sociaux. Le champ du social s’élargit au secteur économique, aux questions du territoire urbain, à la formation et
l’enseignement, au logement, à la santé. C’est cet aspect nouveau du contexte
qui explique en grande partie les mutations et évolutions de l’action sociale.
De nouvelles missions sont dévolues à des acteurs non impliqués jusqu’alors
dans le secteur social. Des fonctions nouvelles et des emplois sont créés dans
le cadre des orientations générales ou particulières en faveur de la lutte
contre le chômage et l’exclusion : chefs de projets, chargés de mission de
développement social urbain (politique de la ville), responsables de régie de
quartier (logement), animateurs d’insertion (politiques de l’insertion professionnelle, RMI, logement), coordonnateurs de l’emploi-formation (politique
d’insertion), coordonnateur des ZEP (politique éducative).
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ouvert, de l’AEB à l’intervention de groupe, de l’animation à la gestion
d’entreprise intermédiaire, du CAT au lieu de vie, etc.). Aux profils de postes
différents correspondent des logiques d’action différentes.
De ce fait, la mise en valeur des nouveaux métiers au détriment des autres
constituerait une erreur d’analyse ; elle est certes un révélateur des évolutions et des ouvertures à promouvoir mais pas le seul modèle de réponse,
d’autant plus que les nouveaux acteurs sont positionnés de manière souvent
précaire, dans un champ élargi du travail social, parfois sans diplôme et sans
statut… Un emploi dans l’action sociale ne définit pas à lui seul l’existence
de métiers nouveaux, ni ne préside à la construction de nouvelles professions. En revanche, le recours à de nouveaux acteurs, met en évidence un
certain nombre de carences dans les formations en travail social et l’absence
de technicités nécessaires à l’action sociale dans les secteurs nouveaux.
En conclusion, il ne convient pas d’opposer bénévolat, nouveaux métiers
et travailleurs sociaux. Il importe au contraire de réfléchir à la clarification
et l’adaptabilité des fonctions, la nature du partenariat, la forme de complémentarité, et de trouver des compromis pour l’efficacité de l’intervention.
5.3. Des déficiences et des incohérences menacent la qualité
de l’ISAP
Pour être efficiente, l’intervention sociale d’aide à la personne requiert
des moyens et ressources. S’ils existent, ils ne sont cependant pas toujours
cohérents, efficients, ni suffisants.
Ainsi, il y a une tendance lourde à généraliser les expérimentations,
cohérentes au regard des problèmes locaux. Or les modèles de réponse figent.
Certains sont parfois tellement médiatisés, mis en avant, que l’intervention
sociale d’aide à la personne peut être menacée d’être envahie, captée par
eux (Samu social, insertion des jeunes par le sport…) ; ils en arrivent à faire
écran aux autres modalités de réponses (moins visibles et moins spectaculaires) montées lentement et patiemment avec les personnes, selon leurs
désirs et capacités.
Quatre autres exemples montrent également des déficiences et incohérences : l’empilage et la lourdeur des dispositifs ; l’incidence des commandes
institutionnelles et des formes d’organisation ; les moyens et les techniques ;
la sécurité des intervenants sociaux.
Les nombreux dispositifs sont un atout mais présentent en même temps
des effets pervers qu’il convient de ne pas sous-estimer afin de les limiter
au mieux. Citons-en deux particulièrement :
1. On observe que la multiplicité et l’empilage des dispositifs créent de
l’incohérence. Les champs sont différents (territoires spécifiques des CLI, des
missions locales, de l’ANPE…), les registres également (RMI, enfance maltraitée,
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
surendettement, logement), entraînant chacun des mécanismes lourds qui
ne répondent pas toujours bien à la singularité des situations sociales. Ils
provoquent un morcellement des acteurs, ne serait-ce par l’émiettement des
financements, et permettent difficilement la prise en compte globale de la
situation sociale. Leurs logiques univoques sont imposées de l’extérieur par
les gestionnaires et les politiques, pensant chacun à l’efficacité de son dispositif (allocation mensuelle, RMI, CLH, convention EDF, FSL…) ; l’interdispositif est trop peu pensé, voire même pas prévu. Il y a un véritable problème
de segmentarisation des prestations et de leur effet exclusif au lieu d’un
tuilage attendu.
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ISAP.indb 147
1986, dans une ville moyenne, chef-lieu d’un département, une convention de travail
social est signée. L’heure est à l’approche globale et au développement social. Cinq
partenaires institutionnels dont le conseil général mettent en œuvre des circonscriptions
(inexistantes jusqu’alors bien que prévues dans les textes). La circonscription qui nous
occupe est urbaine, couvre près de la moitié de la ville. Elle est CAF mais hétérogène,
s’appuie sur les centres sociaux et des équipes pluriprofessionnelles désectorisées et vise
la coordination de l’action sociale.
– Mais la commune avec son CCAS fait valoir à juste titre un rôle d’animation et de
coordination sur le territoire communal, rôle non prévu par la convention.
– Contrat d’agglomération pour l’intégration des populations d’origine étrangère, Conseil
communal de prévention de la délinquance vont ainsi se mettre en œuvre et asseoir
une fonction par les financements qu’ils offrent.
– Sur les quartiers de la circonscription, ZEP et opération DSQ vont être initiés selon des
découpages différents avec chacune sa propre logique de coordination, laissant l’impression que les opportunités financières opacifient une planification pourtant affichée.
– Une PAIO devenue mission locale va venir à son tour mettre en place un dispositif qui
se veut pivot pour une catégorie, les jeunes de 16 à 25 ans, même si les correspondants
« emploi-formation » qui lui sont rattachés ont une mission tout public.
– Avec la loi sur le RMI, par-delà de nouvelles tâches, ce sont des chargés de mission sur
des thématiques qui vont intervenir et d’autres financements qui apparaissent avec le
fonds départemental d’insertion.
– La loi Besson va permettre la mise en place d’un FSL qui va initier le financement de
mesures d’accompagnement social dans le cadre d’un PDLD.
– Il ne faut pas oublier les fonds de pauvreté/précarité, le FARG, le Fonds d’aide aux
impayés d’énergie, le FLAJ, le FDAJ ainsi que tous les dispositifs locaux qui vont apparaître puis disparaître en fonction de l’évolution des politiques sociales…
Tous ces dispositifs génèrent de nouvelles procédures, de nouvelles tâches, de nouveaux
formulaires, imprimés et commissions. Ils représentent aussi de nouveaux gisements de
financements autour desquels vont se dévoiler de nombreuses capacités stratégiques
donnant naissance à de nouveaux postes que certains labellisent en « nouveaux métiers ».
Mais il est bien rare que les équipes de circonscription en bénéficient, ni qu’il soit prévu
l’articulation avec elles, laissant le sentiment que le partenariat est souvent unilatéral et
la complémentarité impalpable au quotidien. Ainsi, en matière de lutte contre l’illettrisme, on trouvera beaucoup de formateurs, beaucoup de stages mais peu de moyens
pour des actions de terrain sortant du financement heure/stagiaire.
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Encadré 1
Le jeu de l’oie où l’on recule sans capitaliser son avance.
Ou le travail social et l’empilage des dispositifs
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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1995, deux ans après le rapport Durlemann ! Dans cet exemple, on constate
que les recommandations de ce rapport, qui indiquaient la triple condition
pour l’efficacité de l’action sociale dans la lutte contre l’exclusion, ne sont
pas suivies mais restent toujours pertinentes :
– la rupture de l’isolement dans laquelle les travailleurs sociaux sont trop
souvent enfermés ;
– l’harmonisation des territorialisations propres aux politiques sociales ;
– l’amélioration des conditions de contractualisation, de concertation et
de partenariat avec les associations.
2. En outre, certains dispositifs ne donnent pas complètement satisfaction
en définissant l’accompagnement social, avec des limites en amont et en
aval, et de ce fait en le construisant comme une mesure destinée à gérer des
populations. Prenons les cas du FSL et de l’ASI.
Dans de nombreux départements, la cellule logement ne gère que la
pénurie. « Une cellule logement qui peu à peu se transforme en cellule d’enregistrement des demandes de ceux qui n’ont aucune chance d’être relogés. »
(Journal d’une assistante sociale). Lorsqu’il y a réponse, l’accompagnement
social FSL apparaît comme une contrepartie et est ressenti comme tel par les
personnes. L’accompagnement social lié au logement est souvent trop normatif et n’apporte guère qu’une aide budgétaire traditionnelle, voire un
ersatz de pratiques éducatives à court terme, comme le dit l’UNIOPSS.
Limites de l’accompagnement social lié au logement
« L’accompagnement social lié au logement s’apparente au modèle traditionnel
de tutelle aux prestations familiales s’attaquant plus aux conséquences qu’aux
causes. Il induit rarement une dynamique de changement chez les intéressés et
jamais une dynamique de développement. » (Paul Bonati, FNARS)
En ce qui concerne l’appui social individualisé (ASI), il est à considérer
de façon distincte de l’ISAP, bien qu’il s’y apparente.
La circulaire du 5 mars 1995 qui a modifié le texte initial apporte de
notables améliorations s’inspirant de l’intervention sociale et précise que :
« Destinée aux publics les plus en difficulté, l’ASI dans sa nouvelle dimension assure dorénavant une fonction d’accompagnement global à l’insertion
dans l’emploi, aidé ou non, ou plus largement, dans une activité d’utilité
sociale, marchande ou non marchande. Elle vise donc à assurer le retour
consolidé des personnes à une vie personnelle et sociale autonome adaptée
à leurs demandes et à leurs capacités. »
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Malgré les discours sur la nécessaire approche globale des problèmes et des publics,
on ne pourra que constater une addition d’intervenants spécialisés, selon les créneaux
de leurs financements.
1995, moins de dix ans après, mutations institutionnelles, changements directionnels,
changements d’orientations : déconventionnement… Cette circonscription n’est plus,
le DSQ est fini, mais il reste la population, les problèmes… Les travailleurs sociaux de la
CAF ont en charge les secours et les prêts pour les allocataires, ceux du conseil général
« leurs missions réglementaires », quant aux centres sociaux, l’animation.
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
Cependant, ses diverses contraintes (notamment le financement pour
25 bénéficiaires sur 6 mois) ne permettent pas réellement un parcours vers
l’employabilité. « Elle peut fonctionner par rapport à certains problèmes
ponctuels, mais ne permet pas aux personnes les plus éloignées de l’emploi,
de commencer véritablement un parcours qui suppose un temps plus long »
(Union lyonnaise des associations d’aide au travail).
En ce sens, l’ASI n’est pas l’équivalent de l’ISAP, plus globale et plus à
même de considérer la place de la personne au centre, avec l’ensemble de
ses problèmes, et prenant en considération la temporalité nécessaire pour
pouvoir aider la personne à les résoudre. De ce fait, l’ASI semble être une
composante partielle et possible de l’ISAP.
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ISAP.indb 149
En ce qui concerne les commandes institutionnelles, on peut regretter un
repli sur les missions institutionnelles, qui nuit à la personne du fait que la
globalité de l’intervention sociale peut difficilement se faire.
Quant aux formes d’organisation, on observe souvent que la réorganisation
interne des services — comme celle du guichet unique —, de la permanence
d’accueil effectuée par les secrétaires médico-sociales, de la polyvalence
découpée en sections finalisées (par exemple d’insertion [RMI], d’accompagnement [toute population], des personnes âgées…) marque une tendance
lourde à une certaine assignation des travailleurs sociaux.
Tout ceci tend à provoquer la réduction de leurs marges de manœuvre ;
de ce fait, elle les affaiblit et les empêche de se saisir légitimement de la
globalité des situations sociales. Cela peut en arriver à ne plus permettre de
faire une intervention sociale d’aide à la personne de qualité.
– L’organisation prend encore assez mal en compte la difficulté des situations. L’usure des personnels devant les situations difficiles nécessite un
soutien et une organisation des services qui font trop souvent défaut (découpages territoriaux ou quotas de nombre de prises en charge). Or, ce sont les
personnels les moins qualifiés ou les plus novices qui sont placés dans les
situations les plus complexes (quartiers sensibles), alors que ce devrait être
l’inverse.
L’organisation au service des personnes qui constituent la société
« Le travailleur social est au service des usagers des dispositifs sociaux qui traduisent l’action sociale et non pas au service des dispositifs sociaux mis à la
disposition des usagers. » (Dominique Écrément, conseiller technique chargé des
professions sociales à la DRASS d’Alsace)
Les vacances de poste, lorsqu’elles sont massives comme c’est le cas dans
certaines régions, ou lorsqu’elles sont chroniques et durables, altèrent les
actions engagées, c’est-à-dire l’organisation des équipes et surtout les relations avec les personnes. L’ISAP peut s’en trouver dénaturée.
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5.3.1. L’incidence des commandes institutionnelles et des formes
d’organisation
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L’intervention sociale d’aide à la personne
– L’institution oscille encore par trop entre la volonté ou non de connaître
la réalité des situations sociales. Le déni et le refus de la pauvreté et de
l’exclusion peuvent entraîner le refus d’agir ou au contraire la répression.
À l’inverse, la demande de remontées d’informations se comprend pour
une vision réelle et prospective des problèmes sociaux ou/et pour une évaluation des actions sociales.
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ISAP.indb 150
Néanmoins, elle est souvent faite de telle manière (chiffres, statistiques…)
qu’imposée à ceux qui sont dans l’action, elle consiste plus à leur faire
transmettre (sans rien changer) plutôt qu’à leur permettre d’analyser… Sans
compter qu’elle leur prélève du temps de sorte qu’ils en ont de moins en
moins pour des interventions longues. Cette manière de traiter l’information
paraît stérile, alors même qu’elle pourrait être l’occasion d’associer les travailleurs sociaux à une analyse évaluative. De même, une certaine manière
de demander des comptes par rapport à une réponse préconisée peut dénaturer l’acte. Cela peut supprimer l’utilité de chercher à élucider une situation
et de faire des recommandations en adéquation à la situation sociale.
5.3.2. Les moyens et les techniques
Le postulat « mettre la personne au centre » de l’intervention, nécessite
pour être mis en œuvre convenablement, la maîtrise minimum de moyens
techniques. Nous ne reviendrons pas, sauf pour en confirmer l’utilité, sur
les techniques de base traditionnelles (exemples techniques d’entretien).
Par contre, nous estimons que la technicité des intervenants devrait davantage développer et s’appuyer sur les usages possibles des nouvelles technologies au profit (direct et indirect) de la personne, dans les domaines de
l’intervention sociale, au point de constituer — sur la base de cahier des
charges explicite — un indicateur de qualité parmi d’autres.
Ainsi :
Réseaux téléphoniques, informatiques et télématiques
Les réseaux informatiques et télématiques participent du développement
des nouveaux modes de communication, dont, à titre d’exemple :
– conférence téléphonique ;
– mini-réseaux ;
– réseaux internationaux (type Internet…) ;
– audioconférence ;
– formation à distance et correspondance par télécopie ;
– visiocommunication ;
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Voir c’est vouloir voir
« La misère existe, il faut qu’on la voit. » « C’est que les gens, nous les avons en
face de nous physiquement, et nous prenons leurs problèmes en pleine figure. »
(Hélène, assistante sociale, Télérama)
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– multimédia à vocation européenne : documents d’information, de formation interactive.
Or, le secteur social, pour des raisons qui ne sont pas qu’économiques,
se montre encore peu enclin à s’approprier de tels moyens pour les mettre
au service de ses propres objectifs.
Si les hôtels ont constitué des outils informatiques performants de partage d’informations et de réservation pour la satisfaction de leurs clients,
les établissements sociaux, à condition d’accepter une plus grande transparence dans leur gestion des places et des services offerts, devraient pouvoir
se mettre en capacité de s’inspirer efficacement de l’hôtellerie pour faciliter
l’accueil d’urgence, les placements, et d’une manière plus générale, la visibilité des éléments de réponses possibles aux différents problèmes rencontrés par les travailleurs sociaux, les magistrats, la police, les associations
impliquées dans l’aide aux personnes.
La gestion en temps réel de l’offre, respectueuse de la législation informatique et libertés, pourrait comporter une forme d’accès direct par les
familles et les personnes en difficulté, par exemple via le Minitel.
Or, les tentatives faites semblent se heurter aux intérêts de masquage des
réalités institutionnelles… Par exemple, parce qu’il serait dangereux de
donner à voir en temps réel, l’occupation des lieux…
Produits d’animation et de communication sociale
L’informatique au service des handicapés inadaptés, des personnes âgées,
est relativement connue dans ses applications domotiques, moins dans ses
possibilités en termes d’animation et de communication sociale.
Services d’écoute et de dialogue : Ne faudrait-il pas former les travailleurs
sociaux, au moins certains (mais lesquels plutôt que d’autres), aux techniques d’usage du téléphone, mais aussi des radios locales où des formes
nouvelles de « permanence » pourraient être tenues.
Accueil d’urgence : Les personnes susceptibles d’avoir besoin pour ellesmêmes, et les personnes ayant à faire face à la demande d’accueil d’urgence,
devraient bénéficier 24 h/24 d’un accès en temps réel des possibilités d’accueil
d’urgence.
Les problèmes liés à la fermeture à certaines heures de certains lieux de
renseignement et d’accueil devraient résolument être dépassés.
Le multimédia et les personnes âgées
L’IFRAS de Nancy a réalisé de manière expérimentale, dans le cadre d’une formation de personnes ressources en informatique pour les établissements sociaux,
un avant-produit qui a été testé en maison de retraite.
Les personnes âgées se sont retrouvées devant l’écran, maniant la souris ou la
faisant manier, pour retrouver des traces de leur vie de village ou de quartier,
grâce aux images scannées et commentées, récupérées sur de vieilles cartes
postales ou des photos.
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
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L’intervention sociale d’aide à la personne
Les personnes âgées priées de faire leurs propres commentaires, de raconter des
anecdotes, ou d’ajouter des précisions, qui peuvent venir enrichir le logiciel, ont
été enchantées !
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ISAP.indb 152
Si un des objectifs de l’action sociale et du travail social est la cohésion
sociale, alors l’intervenant social est placé dans des situations difficiles et
peut prendre des risques. Il faut donc mettre l’intervenant social en capacité
d’y faire face. Puisque dans ces années de violence dues aux inégalités et à
l’exclusion l’ISAP est nécessaire, il faut pouvoir l’assurer dans de bonnes
conditions.
Or, les travailleurs sociaux sont de plus en plus exposés à la violence
sociale et on compte maintenant malheureusement un certain nombre de
drames, pouvant aller jusqu’au meurtre.
Les employeurs ont à prendre leurs responsabilités. Il ne s’agit pas que
les travailleurs sociaux s’exposent sans précautions dans les cas de crise
aiguë. Il est nécessaire que l’institution sache entendre et prévoir l’impossibilité de certaines tâches, pour cause élémentaire de sécurité, qu’elle prenne
les moyens institutionnels nécessaires pour briser l’isolement des travailleurs
sociaux. Au-delà « Il faut interroger la place accordée à la souffrance sociale,
aux violences qui en résultent et aux silences organisés qui entourent ces
drames sociaux » (J.-N. Chopart).
Ainsi, il est nécessaire que le corps social tout entier prenne conscience
du rôle du travail social et des risques auxquels désormais de plus en plus
d’intervenants sociaux peuvent être exposés pour mener à bien un travail qui
concourt à la cohésion sociale. Car si, lorsque des membres des services de
police sont victimes, la société réagit et témoigne de la reconnaissance envers
ces agents et de ce que l’acte commis ne peut être toléré, il n’en est pas de
même lorsque ces violences s’exercent à l’encontre des travailleurs sociaux.
Travailleur social en danger
« L’homme, ivre, souffrant, furieux, sans espoir, ferme d’un coup sec les deux
verrous de son appartement, sort un billet d’avion, me le montre : “Tu vois”, me
tutoie-t-il agressivement, “je n’ai jamais supporté que tu t’occupes de mes filles ;
regarde : je m’en vais tout à l’heure, dans mon pays d’origine… mais avant,
je vais te tuer”…
Cauchemar ! mauvais polar. Travail social.
Depuis cette histoire, il y a quelques années, ma ligne téléphonique est restée
rouge. C’est dire que quelque chose avait changé dans ma vie. C’eût pu être pire,
oui, je sais. » (Témoignage de Léo Grenel, Lien social, n° 311, 1995)
Outre que ce silence disqualifie ces intervenants, il risque, si on n’y prend
pas garde, de contribuer à un sentiment d’impunité et de jeter le discrédit
sur ces objectifs de cohésion sociale dont on parle tant, et de tarir des motivations, tant nécessaires à la professionnalité de ce secteur.
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5.3.3. La sécurité des intervenants sociaux
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Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale d’aide à la personne
Sans céder à une dérive angoissée et sécuritaire, il est important que
l’ensemble des institutions réagisse sur cette question, et crée des conditions
qui protègent les intervenants sociaux, en ne leur faisant pas supporter toutes
les carences de fonctionnement et de procédures, trop souvent opaques, qui
amènent de plus en plus de personnes en souffrance à trouver dans les
travailleurs sociaux des cibles de leur défoulement et des causes de leurs
détresses.
En conclusion, les conditions d’exercice externes du travail social, et la
nouvelle organisation sociale et professionnelle, ont de sérieuses répercussions sur la qualité de l’intervention sociale d’aide à la personne qui, si l’on
n’y prend garde, l’amènent à une certaine superficialité, voire l’empêchent
totalement.
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ISAP.indb 153
Un minimum de conditions doivent être réalisées afin que le processus
et la dynamique de l’ISAP puissent se dérouler de façon correcte et aboutissent à une intervention de qualité.
Elles se situent au moins à trois niveaux différents, dans lesquels un
certain nombre de critères ont été abordés :
– le premier niveau concerne l’ISAP elle-même et vise le respect de son
fondement et de ses finalités ;
– le second correspond aux intervenants chargés de l’ISAP et stipule
l’exigence de compétence et de professionnalité ;
– le troisième est celui de l’organisation et des moyens, et mentionne la
nécessité de leur cohérence avec les objectifs de l’intervention sociale.
En effet, rappelons-le, l’ISAP se situant dans l’articulation société/sujet,
et impliquant les responsabilités respectives, il importe que celles de la
société et de ses agents soient pleinement assumées. Cela entraîne non seulement une conscience claire des conditions externes pour pouvoir assurer
le déroulement de l’ISAP, mais aussi tout un travail permanent, afin d’ouvrir
le champ des possibles permettant une réelle qualité de l’ISAP dans une
société de plus en plus complexe.
* *
*
Conclusion de la seconde partie
Cette seconde partie avait pour objectif de montrer comment et à quelles
conditions peut être mise en œuvre l’intervention sociale d’aide à la personne, en tenant compte du couple « société/sujet ».
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Conclusion
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Partant du postulat que la personne a les capacités pour résoudre sa
situation et maîtriser sa vie, sous réserve de créer les conditions pour que
puissent s’épanouir et se développer ses capacités (chapitre 3), l’intervention
sociale d’aide à la personne est bien une dynamique et un processus ouvert,
un accompagnement dans un itinéraire et un projet, une offre de ressources…
Les conditions particulières évoquées et les dérives possibles montrent
qu’elle nécessite une grande professionnalité de la part des intervenants
(chapitre 4).
Il s’agit en effet d’articuler la situation subjectivement vécue et les causes
objectives de ces situations, c’est-à-dire de lier personnes/société tant du
point de vue de l’insertion collective et de la place dans la cité, que du point
de vue de la responsabilité politique et institutionnelle et de la solidarité
civile et nationale (chapitre 5).
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PROPOSITIONS - RECOMMANDATIONS
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Pour conclure, des propositions générales et des recommandations plus concrètes
s’imposent, pour donner réponse au mandat initial, et surtout pour proposer des suites
aux travaux de la commission.
– Des propositions générales sont adressées aux décideurs de l’action sociale, aux
décideurs de politiques sociales et employeurs qui déterminent les conditions de l’intervention, et bien entendu aux professionnels qui réalisent cette intervention en travail
social. Elles sont introduites par quelques réflexions rappelant que le fait de replacer
les capacités de la personne au centre de l’intervention, constitue un préalable indispensable.
– Une proposition est adressée au ministre et aux membres du Conseil supérieur du
travail social, afin de prolonger, valoriser et appliquer les conclusions des groupes de
travail.
– Neuf recommandations plus concrètes indiquent ensuite comment l’intervention
en travail social pourrait être mise en œuvre sur le mode de l’intervention d’aide à la
personne.
Elles s’attachent à donner réponse aux questions posées dans le mandat initial. Elles
tentent également de répondre aux questions posées par l’action, donc à certaines
attentes des praticiens du travail social.
Ces recommandations ont été élaborées à partir des suggestions émises au fil des
travaux du groupe ; elles ne peuvent donc être prises en considération sans référence
à l’ensemble du rapport.
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1. Le préalable : mettre les personnes en situation d’être
acteurs des interventions sociales qui les concernent
Aux personnes, l’intervention sociale d’aide à la personne propose d’agir,
avec l’aide de professionnels qualifiés, pour développer leurs capacités et
mobiliser les ressources de la société. L’engagement des personnes dans
l’intervention qui les concerne en change la nature et la portée. C’est ce que
le travail social propose, au-delà de l’assistance humanitaire à laquelle on
a souvent recours : l’intervention à titre humanitaire est fondée sur le fait
que chaque personne est porteuse d’humanité et reflète l’humanité des
autres. À ce titre, chacun a des droits fondamentaux qui doivent être respectés par les autres, et elle est concernée par ce qui arrive aux autres. Aussi,
lorsqu’à un moment quelconque, une personne est prise dans des situations
extrêmes et inhumaines, les autres engagent des interventions de sauvetage
et les actions humanitaires qui leur paraissent nécessaires.
Ces interventions à titre humanitaire sont, le plus souvent, faites pendant
un temps bref et le plus proche possible de leur cause. Elles prennent en
considération des individus, au nom des sentiments ou réflexions que leur
situation inspire à d’autres membres de l’espèce humaine. Ainsi, la plupart
des interventions humanitaires procurent une assistance dont la nature et
les limites ne sont pas définies par le bénéficiaire : il n’y prend pas place,
il en est l’objet.
Or il est possible de prendre plus en considération ce qui fait qu’une personne est sujet de son histoire, et acteur de la société à laquelle elle appartient.
Dans la société, chacun a sa vie, un passé et un entourage, des désirs et
des souffrances. Chaque personne a des capacités qui peuvent être développées, et les groupes sociaux qui l’entourent peuvent adapter leurs ressources
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Propositions générales
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ISAP.indb 158
aux besoins de chaque personne. Aussi les interventions qui sont réalisées
dans une perspective d’aide s’adressent à un sujet non isolé, qui peut faire
des projets à partir des particularités de sa situation, à partir de la place qu’il
a (ou qu’il n’a pas mais qu’il peut prendre) en société. Dans l’intervention
de travail social, il s’agit de voir avec le sujet, où, quand et comment ses
capacités pourraient être mises en œuvre dans le but qu’il fasse mieux
société avec les autres personnes.
Cette intervention propose une aide dont l’importance et l’efficacité
dépendent de ce que la société et la personne elle-même sont capables
d’investir : c’est une affaire à construire, où nul ne peut agir à la place de
l’autre, une affaire de responsabilités à prendre et de moyens à rassembler.
Il est donc nécessaire que les personnes revendiquent et occupent leur place.
Il importe qu’elles agissent avec l’aide de professionnels qualifiés c’est-àdire d’intervenants donnant toute garantie pour développer leurs capacités
et mobiliser les ressources de la société : c’est parce que les personnes s’y
seront engagées pour exercer leur citoyenneté, que l’intervention sociale
peut aller au-delà de l’intervention humanitaire.
L’exemple de l’aide à domicile montre bien que la personne ne peut être
bénéficiaire d’une intervention sociale qu’en fonction de la qualité de la
relation établie entre l’intervenant et cette personne.
L’intervention sociale d’aide à la personne se distingue radicalement
d’une intervention définie simplement en quantité d’heures prestées, qui
dérive, notamment dans l’aide à domicile, vers de la consommation de
services utilisés par un client, vers des dispositifs inadéquats où le maintien
à domicile est pensé comme de la maintenance. Pour les personnes dépendantes, en particulier, il est indispensable de bien distinguer la nature différente de l’intervention en regard de chaque situation et des personnes
concernées.
La qualité de l’intervention réside d’abord dans le sens de la relation qui
est offerte, relation créée et construite pour que même des actes quotidiens
deviennent des victoires de la personne aidée, dont l’intervenant est le
témoin, le catalyseur, ou le co-auteur.
2. Aux employeurs et décideurs des politiques sociales
Il faut tirer quelques conséquences de la place reconnue à la personne,
et du primat à accorder à la constitution du lien social. Pour que la personne
soit au centre de l’intervention sociale, elle devrait occuper une place centrale dans les politiques publiques.
Ces politiques publiques et la définition des besoins sociaux doivent être
élaborées en tenant compte de l’apport :
– de données statistiques d’origines diverses ; de diverses comparaisons
à faire, par exemple entre effets, produits, objectifs et moyens ;
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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ISAP.indb 159
– des éléments qualitatifs issus de l’observation et de l’écoute des personnes et groupes en souffrance, effectués par ceux qui en sont proches ;
– de la participation effective des personnes usagères (actuelles ou potentielles) et des intervenants sociaux susceptibles de les mettre en œuvre, à
l’élaboration d’une demande collective, et à la préparation des décisions
politiques.
L’équilibre entre ces éléments d’ordre quantitatifs, qualitatifs, et la participation de tous ces acteurs, garantiraient la pertinence et l’efficience des
choix politiques de l’action sociale.
Dans cette conception de l’intervention, il faut éviter tout cloisonnement
préjudiciable à la personne. Il n’y a pas à séparer des aspects, comme le
sanitaire et le social, en domaines différents. Au contraire, il y a tout à
gagner, à croiser les points de vue et à articuler les métiers, comme l’expérience l’a montré dans la lutte contre le sida, en matière d’insertion ou dans
l’aide à domicile. On peut ainsi envisager un renouveau de la prévention en
milieu scolaire ou de la PMI, et le décloisonnement d’activités éducatives
divisées trop souvent en secteurs étanches.
De même, dans une approche globale qui est unanimement souhaitée,
on ne peut s’accommoder de systèmes de financement contraignants qui
confortent le cloisonnement des dispositifs, qui créent des ruptures, des
surcharges et des décalages ; il faut laisser plus de place au désir, aux projets,
au développement des capacités des individus et des groupes.
Dans cette conception de l’aide où le respect de l’unicité et des choix de
la personne sont essentiels, la qualité du service rendu devient un objectif
central. Il faut donc favoriser la coordination entre intervenants sociaux
exerçant sur le même territoire et contactant les mêmes populations. Il est
donc nécessaire que les politiques se coordonnent entre elles et s’énoncent
de manière cohérente.
L’intervention sociale étant un processus à engager, il faut éviter de la
réduire à des séquences isolables ou à des prestations prédéfinies, en nature
et, a fortiori, en espèces. Et puisque cette intervention se déroule dans une
relation où la personne occupe la place principale, il faut privilégier celui
qui se trouve au plus près de la personne, et raisonner comme l’entreprise
qui valorise le commercial parce qu’il est au plus près du client.
L’accompagnement nécessite l’accompagnant. Il s’agit alors d’investir
dans les travailleurs sociaux aptes à mettre en œuvre efficacement la relation d’aide et à construire le lien social. Le recours à des personnels réellement qualifiés et dotés d’une méthodologie bien identifiée s’impose.
L’intervention sociale sera d’autant plus efficace qu’elle aura été une
co-réalisation. Ainsi le leitmotiv « les personnes seront bénéficiaires si elles
sont acteurs » pourrait inspirer un nouveau management des affaires sociales
fondé sur le développement des capacités dont les personnes et les groupes
sociaux sont réellement porteurs.
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Propositions générales
18/04/14 11:30
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Des chercheurs et des cadres supérieurs issus du travail social pourraient
approfondir cette vision, l’intégrer et l’adapter à la pratique des services.
Ce nouveau management du social implique que les travailleurs sociaux
aient une place plus importante dans les instances dirigeantes des institutions
sociales. Les statuts, filières et conventions le favorisant sont à développer.
Les contradictions sont inévitables entre les intérêts et les attentes des
personnes vis-à-vis de la société à laquelle elles s’attachent plus ou moins,
et les attentes et intérêts de la société vis-à-vis de ceux qu’elle reconnaît
plus ou moins comme membres. Aussi, les intervenants sont constamment
confrontés aux désaccords et aux dysfonctionnements, et ils se trouvent en
position de médiation et de négociation. On peut donc suggérer que les
décideurs de politiques publiques admettent que la tension est nécessaire
dans la confrontation d’intérêts et pour le développement des capacités.
Il faut pour cela augmenter les marges de manœuvre données aux intervenants. Les travailleurs sociaux qui sont à l’interface pourront alors structurer efficacement les dynamiques.
3. Aux professionnels de l’intervention sociale
La première adresse aux intervenants est de les inviter à oser et s’impliquer, et agir, quand ils font réellement place à la personne, et transcender
les délimitations des types de problèmes, des catégories d’actions et dispositifs d’interventions. Ceci impliquerait de :
– ne pas s’arrêter aux premières limites perçues, mais chercher à imaginer tout ce qui peut être fait dans le cadre des règles et des missions reçues ;
– s’autoriser à utiliser la marge de manœuvre qui leur est confiée —
et même à l’élargir — quand ils contribuent à créer du lien social et de la
cohésion sociale ;
– favoriser une dynamique d’organisation collective (groupes, réseaux, etc.)
telle que les personnes et les familles se trouvent dans une perspective de
promotion et de réappropriation de pouvoir sur leur vie.
– s’impliquer dans l’élaboration de politiques publiques, de projets institutionnels et de dispositifs, ou dans la mise en place de techniques nouvelles de l’informatique, la communication ou l’organisation, pour y faire
valoir la place de la personne et ce qu’est réellement l’intervention sociale ;
– faire en sorte qu’il y ait des espaces de négociation, d’arrangements et
de dérogations qui soient ouverts aux personnes concernées.
La seconde invitation lancée aux professionnels est qu’ils expriment leur
professionnalité, à l’attention de tous leurs interlocuteurs et partenaires,
parce que ceux-ci sont réellement intéressés par des propositions claires.
Il s’agit de dire :
– en quoi les personnes peuvent bénéficier d’un appui que le professionnalisme rend neutre, et donc respectueux de leurs capacités et de leurs choix ;
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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ISAP.indb 161
– en quoi leurs savoir-faire sont plus qu’une qualité d’exécution de l’intervention, une réelle maîtrise d’œuvre, une ingénierie offerte aux employeurs.
Il s’agit d’inviter les professionnels :
– à transformer leurs savoirs, savoir-faire et outils, au point de les rendre
communicables et de les valoriser en les faisant circuler autant que possible ;
– à proposer leur expertise aux uns et aux autres, et à la valoriser en la
situant comme complémentaire d’autres approches.
Il est donc nécessaire de faire comprendre précisément ce que fait l’intervenant social, son champ d’action, le contenu de l’intervention, ce qu’il
produit concrètement, les résultats escomptés. Ceci amène à délimiter avec
rigueur comment s’applique la déontologie professionnelle, et, par exemple,
la nature des enquêtes sociales pratiquées, et l’étendue du secret professionnel garanti dans la relation professionnelle.
L’intervention sociale d’aide à la personne doit être adaptée et sans cesse
réinventée. La technique du professionnel ne vaut que parce qu’elle correspond à la situation et à la personne auprès de qui se déroule l’intervention.
La première qualité de la méthode réside dans l’ajustement aux caractéristiques de la personne, à ses attentes et capacités. C’est pourquoi les professionnels n’ont pas à hésiter d’être eux-mêmes, en s’adaptant à chaque fois.
En laissant jouer leur créativité et celle de la personne avec qui ils travaillent, ils arrivent à créer de la plus-value.
Il apparaît alors que ce ne sont pas les métiers du social qui ont à être
nouveaux ou différents, ce sont les pratiques qui doivent être adaptées aux
nouveautés du contexte et aux particularités des situations. Il apparaît aussi
que c’est par l’évaluation des pratiques que l’intervention pourra progresser.
C’est pourquoi les professionnels doivent s’en saisir pour mieux en rendre
compte, et mettre en place des dispositifs d’évaluation qualitative où les
personnes puissent prendre leur place et faire prendre en compte leur point
de vue.
Les professionnels pourraient s’appliquer à eux-mêmes les principes de
l’intervention sociale d’aide à la personne. Pour eux-mêmes et entre eux,
les intervenants sociaux pourraient s’inspirer de l’attitude qu’ils ont vis-àvis des personnes usagers de leurs services lorsqu’ils les replacent dans leur
cadre et qu’ils les situent dans leur groupe d’appartenance. En effet, chaque
professionnel a une position particulière, un statut, un rôle, qu’il convient
de situer parmi d’autres, et de faire reconnaître :
– dans son histoire, comme membre d’un corps de métiers dont la professionnalité se constitue à partir d’une formation initiale et d’une pratique,
puis de la formation continue et de la recherche ;
– dans son contexte, au sein de l’organisation qui l’emploie, d’une classification des métiers, dans des grilles comparables à d’autres carrières, et
dans des conventions collectives définissant sa position de salarié.
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Propositions générales
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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ISAP.indb 162
Il revient aux responsables de formation de faire en sorte que les futurs
professionnels soient préparés à conjuguer sans plus les opposer, les divers
modes d’intervention sociale et de soutenir en conséquence, par la formation
continue, les acteurs engagés dans l’action.
Concernant la préparation de l’intervention sociale d’aide à la personne,
nous soulignons la nécessité d’une forme d’enseignement particulier.
L’enseignement sous forme de « cours » de type magistral qui semble s’être
particulièrement développé ces dernières années, du fait des restrictions
budgétaires incitant la recherche d’économies, par l’usage des taux d’audience
les plus forts, nous paraît insuffisant pour une intégration et une acquisition
de savoir-faire. Des ateliers en petits groupes de type « analyse des pratiques » sont à développer en complémentarité.
Il convient de réaffirmer la pertinence du principe de l’alternance qui
fonde la formation des travailleurs sociaux. Celle-ci nécessite un travail
étroit et suivi entre les formateurs école et les formateurs de stage, et la
mobilisation de ces derniers quant à la formation de leurs pairs.
Ce travail engage les institutions employeurs quant à la qualité des stages
proposés et au nombre d’étudiants accueillis.
Les formateurs ont à encadrer et à produire eux-mêmes des études et
recherches à partir de pratiques et sur les problèmes sociaux rencontrés par
les travailleurs sociaux.
La formation à la recherche doit traverser tous les niveaux de la formation initiale continue et supérieure.
Il s’agit plus particulièrement de qualifier ceux qui se destinent aux
postes de cadres, formateurs et chercheurs.
La recherche est indispensable pour la construction des savoirs nécessaires à l’intervention.
*
*
*
Il n’a pas été possible pour notre groupe d’approfondir le sujet autant
qu’il le nécessite. Nous invitons les responsables de formation (écoles et
terrains) à reprendre les questions posées par ce rapport pour les finaliser
en termes de formation.
Par ailleurs, il nous apparaît nécessaire de reprendre les conclusions du
rapport d’évaluation concernant le dispositif de formation des travailleurs
sociaux, commandité par Mme Simone Veil en sa qualité de ministre des
affaires sociales.
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4. Aux responsables de formation qui préparent les futurs
professionnels et soutiennent l’évolution des acteurs
engagés dans l’action
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ISAP.indb 163
Il revient à l’État d’être garant de la qualité de l’intervention sociale
d’aide à la personne et de la promouvoir.
Cette démarche promotionnelle pourrait être mise en œuvre de trois
façons en cohérence avec les travaux antérieurs du CSTS.
1. L’État promoteur et garant de la qualité de l’intervention :
deux initiatives préconisées
1.1. Créer un « Comité permanent des interventions sociales »
Celui-ci, aurait pour fonction, en s’appuyant sur l’évolution des connaissances sociales, la capitalisation des travaux du CSTS et des pratiques sociales
françaises :
– de prendre en compte les interrogations ;
– de rendre des avis sur des questions posées, sur demande du ministre,
de membres du CSTS, ou de groupements professionnels ;
– de promouvoir la mise en œuvre de l’intervention sociale sur les bases
éthiques et avec les exigences de professionnalité qui ont été argumentées
dans le présent rapport et dans les travaux antérieurs du CSTS.
Ce comité, composé d’un nombre restreint d’experts et de personnalités
venant d’horizons variés, pourrait en outre :
– alimenter les groupes de réflexion, notamment ceux du CSTS ;
– optimiser la recherche permanente d’efficience des pratiques par l’adéquation des principes éthiques aux situations ;
– éclairer les problèmes rencontrés tant par les professionnels que par les
bénévoles ;
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Au ministre chargé des affaires sociales
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L’intervention sociale d’aide à la personne
– vérifier la cohérence du vocabulaire et la compatibilité des exigences
avec les aptitudes et l’éthique professionnelles dans tout projet de texte
réglementaire et dans tout nouveau dispositif.
Une telle instance pourrait alimenter les groupes du CSTS, et l’ensemble
des intervenants sociaux, notamment au moyen d’un rapport annuel faisant
régulièrement l’état des interventions sociales dans notre pays.
Elle pourrait jouer un rôle d’éclairage de l’État au regard de sa fonction
de garant de la cohésion sociale, ainsi qu’auprès des responsables de l’action
sociale. Elle fournirait des éléments propres à être confrontés et valorisés
au regard des expériences internationales, en particulier auprès des autres
pays européens.
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ISAP.indb 164
Pour ce faire, nous proposons de créer des lieux ou dispositifs expérimentaux permettant l’expression des désaccords de personnes, le débat
contradictoire sur l’intervention qui les concerne, et un éventuel recours.
Il s’agit, sur un autre mode que celui, essentiel, assuré par le droit et les
procédures de médiation, d’éclairer les dysfonctionnements et de redonner
toute leur force aux principes organisateurs des dispositifs, par des expertises impliquant des représentants des usagers et des intervenants sociaux.
La violence des gens vient pour partie du « sentiment de l’impossibilité
de pouvoir faire appel » quant à la manière dont l’usager estime devoir être
considéré lors des interventions sociales.
À ce titre les expériences étrangères telles que le « Conseil des usagers et
du service des plaintes » au Québec, doivent être sérieusement examinées
afin d’être adaptées.
2. Prendre en compte les nouvelles technologies
Les techniques d’information et de communication étant l’affaire de tous
les travailleurs sociaux, il y a lieu de préciser le niveau et la nature de la
technicité souhaitable, métier par métier. Trois initiatives sont recommandées dès maintenant.
2.1. Faire place aux nouvelles technologies dans les formations
Introduire la nécessité d’une initiation aux nouvelles technologies et à leur
usage en faveur des personnes relevant de l’intervention sociale, dans les
instituts de formation de travailleurs sociaux, pour tous les métiers du social,
plutôt que vers les seuls animateurs socioculturels et les personnels éducatifs.
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1.2. Garantir la place réellement faite aux personnes dans
l’intervention sociale
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Au ministre chargé des affaires sociales
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ISAP.indb 165
Susciter et soutenir les initiatives de recherche et de réalisation de produits multimédia à destination du secteur social, tant pour les personnes et
les familles en difficultés que pour les intervenants sociaux ; en particulier
pour les travailleurs sociaux qu’ils soient en formation initiale ou dans
l’exercice de leur métier.
Les productions du CSTS elles-mêmes, pourraient faire l’objet d’une
meilleure diffusion et d’une valorisation par l’élaboration de tels produits,
qui n’ont pas vocation à se substituer à d’autres modes comme des débats
à organiser dans les régions.
Ainsi il est utile et possible dans son principe de réaliser un CD informatique
qui comporterait, outre le texte du présent rapport : un index de recherche,
des séquences filmées en appui donnant la parole aux usagers, aux professionnels, aux décideurs, des exemples d’intervention dûment analysés, des
extraits bibliographiques conséquents, etc.
2.3. Organiser une réflexion
Proposition est faite d’étudier dans un prochain mandat du CSTS, tout
le parti qui pourrait être tiré des nouvelles technologies dans l’intérêt des
personnes en difficulté et de l’exercice du travail social.
Le travail d’un tel groupe pourrait notamment viser à :
– recenser les applications multiples déjà en cours tant en France qu’à
l’étranger et produire une évaluation à leur sujet ;
– recenser les nouvelles techniques et les outils, et tenter d’en dégager,
à la lumière des applications déjà opérées, les applications susceptibles de
correspondre le plus, dans le futur aux besoins du secteur social et médicosocial, et aux exigences d’amélioration de la communication à distance liée
à l’élargissement de l’espace social européen ainsi qu’à la mondialisation
des échanges ;
– donner un point de vue étayé techniquement, sur la faisabilité d’un
mode de communication organisé, tel, que les types d’intervention sociale
puissent être davantage connus et interrogés en temps réel, de manière à
soutenir la nécessaire réflexion et les formes de régulation qui lui sont liées,
quant aux diverses formes d’interventions sociales.
3. Valoriser la réflexion du CSTS
Il paraît nécessaire que le Conseil supérieur du travail social soit renforcé
dans son ensemble. Ses travaux notamment pourraient être améliorés, mieux
connus, et suivis de plus d’effets, s’il était doté de moyens de fonctionnement correspondants à la reconnaissance qu’il mérite.
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2.2. Créer une production multimédia
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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ISAP.indb 166
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Il faut souhaiter que cette instance concoure davantage à la définition
d’une véritable politique sociale. Une telle politique ne nous paraît pas
suffisamment affirmée, là où nous voyons plutôt une compilation de dispositifs et une juxtaposition de politiques.
C’est le rôle de l’État, de la DAS et des DDASS, que de présenter et garantir à tous les citoyens l’action sociale que la vie en société requiert.
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Un impératif : reconnaître la personne comme sujet
Il faut rappeler rapidement en quoi il est indispensable de se replacer par
rapport à la personne. Ceci signifie, comme nous l’avons détaillé plus haut,
la resituer :
– dans sa nature de sujet de droit et d’acteur social : comme le droit,
la sociologie, l’éthique, le travail social met la personne au centre ;
– dans ses dimensions : au-delà de l’individu, la personne est engagée
dans une histoire et dans des liens, notamment avec une famille élargie et
des groupes d’appartenance sociale, dont elle est indissociable ;
– dans sa parole et ses avis, qui doivent alors être recueillis et distingués
des interprétations de l’intervenant et des points de vue des divers acteurs
impliqués ;
– dans sa capacité d’agir dans la relation d’aide, qui doit être ponctuée
par des contrats librement établis, jusqu’à un recours éventuel contre les
décisions et l’action qui la concernent ;
– dans l’élaboration de dispositifs d’action sociale qui soient conçus à
partir des personnes, et confient une fonction dynamique à l’intervention
sociale.
1. Faire place à la personne dans l’intervention
– Réapprendre à être disponible dans le temps consacré à l’intervention,
pour écouter longuement, surtout pendant la première rencontre, et par
respect du rythme de la personne.
– Approcher la personne et la connaître, sans l’étiqueter, et la laisser
exister, même quand elle est « sans » demande, projet, autonomie, papiers…
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Neuf recommandations
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ISAP.indb 168
Dans ce but, il convient de prendre en compte les représentations qui
pèsent sur les intervenants et les projections qui altèrent leurs perceptions
et leur action, notamment au niveau interculturel.
– Garantir, surtout dans les services publics, l’accueil, l’accès à l’information et la possibilité d’expression de toute personne.
Pour ce faire, prendre en compte la complexité des modes d’accès encombrés
de panneaux, écrans, sigles, codes ; le recours des applications robotiques de
plus en plus développé par des répondeurs vocaux, bornes interactives, etc.,
et la réduction de plus en plus fréquente de la disponibilité des accueillants.
Le maintien de contacts humains demeure cependant un impératif.
– Prendre en considération la personne sans la rendre responsable de la
situation dont elle souffre dans une société où augmente l’exclusion, et sans
exiger avant d’agir que la personne fasse de nouveaux efforts.
– Rendre compte aux usagers de l’action qui est en cours : expliquer ce
qui est fait et en débattre avec eux.
2. Énoncer les politiques et les missions qui encadrent
l’intervention sociale
À l’issue du processus d’élaboration des politiques sociales qui, on l’a vu
dans les propositions ci-dessus, aurait avantage à associer beaucoup plus
les personnes-usagères et les intervenants, une grande attention doit être
accordée à leur formulation.
– Des définitions précises, et une diffusion exhaustive, sont indispensables et attendues :
• sous une forme intelligible et assimilable par tous les citoyens qui ont
à en connaître les accès, usages, conditions et avantages ;
• dans des développements qui établissent en quoi les intervenants
sociaux sont accrédités, et qui, en précisant les rapports établis entre
les finalités de l’intervention et ses modalités concrètes, leur permettent
de s’approprier les missions qui leur sont confiées et d’investir leur
professionnalité dans le domaine où ils pourront exercer la maîtrise
d’œuvre qui leur est propre.
Ainsi, est-il nécessaire que les décideurs et employeurs clarifient et dosent
les missions confiées aux intervenants en excluant les injonctions paradoxales.
Pour cela, notamment :
– Établir le lien entre la mission particulière confiée et la participation à
la mission générale consistant à garantir :
• la prévention ;
• l’accueil ;
• les conditions d’accès aux droits ;
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Neuf recommandations
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ISAP.indb 169
3. Instaurer une coordination des interventions
Quelle que soit l’entrée dans les problématiques sociales, l’intervention
sociale et les modes d’intervention s’inscrivent dans la nécessaire concertation entre les différents intervenants et entre les institutions qui les emploient.
– Il convient en particulier de discerner quels problèmes et quelles populations ne sont pas pris en compte au nom des champs de compétences, au
regard des « tâches obligatoires » ou de « populations cibles » désignées,
et impérieusement s’assurer qu’une suite sera proposée à ce constat pour
chaque personne.
– Parce qu’aucune personne ne doit souffrir d’un manque ou d’un excès
d’intervention, cette réflexion, devrait être poursuivie, notamment en
s’appuyant sur le rapport Une souffrance qu’on ne peut plus cacher du groupe
de travail « Ville, santé mentale, précarité et exclusion sociale 1. »
– Faire entendre aux décideurs les dysfonctionnements, les systèmes d’exclusion, les besoins rencontrés au cours de l’intervention ; faire remonter
l’ensemble des problèmes rencontrés, leurs effets et leur signification générale.
4. Inscrire l’intervention dans son contexte
– Inscrire l’intervention sociale dans les solidarités locales, dans les
réseaux familiaux, institutionnels et militants qui constituent des ressources
pour les personnes ; en effet, le travail social ne peut se concevoir comme
une pratique solitaire. Même quand elle a un point de départ strictement
1. Délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain, délégation
interministérielle au revenu minimum d’insertion, février 1995.
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• l’assistance ;
• l’aide à l’insertion ;
• la promotion de la personne.
– Déclarer leurs priorités et leurs contraintes, les moyens et les conséquences qu’ils en tirent :
• résultats visés au regard des moyens affectés exprimés en termes
quantitatifs et qualitatifs, procédures et critères d’appréciation et de
publication de ces résultats ;
• choix faits entre la mise à disposition d’intervenants, l’entretien
d’équipements, ou les prestations en espèces ;
• part accordée à la mise en œuvre de processus longs et divers pour le
« tissage » du lien social ou pour des interventions à court terme ;
• part accordée à ce propos au travail direct ou indirect, par rapport
aux personnes en difficulté.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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ISAP.indb 170
5. Gérer l’intervention
Il convient de professionaliser les hommes plutôt que sophistiquer les
procédures.
Avant d’établir des tableaux de bord et d’autres outils de gestion du
social, il convient de :
– Définir les rôles différents exercés dans l’intervention et situer tous les
acteurs, par exemple comme participant, maître d’œuvre ou maître d’ouvrage.
– Clarifier le rôle de chacun au regard des qualifications, et soumettre
les fonctions et services logistiques (direction des ressources humaines,
communication, informatique, services financiers…) aux logiques et besoins
des services d’action sociale.
– Consolider les conditions d’existence à l’intervention, et pour cela :
• reconnaître une marge d’autonomie aux intervenants en donnant les
mandats et délégations nécessaires à l’exercice (sur le terrain et au
quotidien) de l’intervention directe et des actions en partenariat ;
• aménager des espaces de négociation pour les personnes impliquées
dans l’intervention ;
• donner les moyens d’exercer, par des conditions de travail, des
moyens financiers, matériels et organisationnels, y compris pour le
travail en partenariat et l’action indirecte auprès de réseaux.
– Éviter que l’exercice libéral du travail social, référé dans sa forme à
l’intérêt privé et au but lucratif, ne prenne un essor par compensation des
carences de moyens donnés aux services et établissements sociaux concourant
au service public, ce qui aurait pour conséquence annoncée que seuls ceux
qui en auraient les moyens pourraient se payer l’intervention de leur choix ;
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individuel, l’intervention prend toujours une dimension plus large que le
travailleur social doit donc savoir exploiter.
– Rendre compte de son action aux institutions qui confient des missions
à l’intervenant ou qui l’emploient. Alerter ses interlocuteurs sur des situations ou des phénomènes importants rencontrés dans sa pratique, et exercer
une fonction critique, à partir de ses observations et analyses.
– Placer l’intervention dans une perspective qui dépasse le seul cadre
national : le cadre européen l’englobe et conditionne déjà certains dispositifs
supranationaux et financements communautaires ; la dimension européenne
aura de plus en plus d’incidence sur les formations, les techniques et les
programmes d’intervention. Au-delà, le cadre international prend progressivement de l’importance du fait de la circulation des personnes, de l’accélération des échanges, et de l’importance des conventions internationales.
– Favoriser les échanges transfrontaliers, notamment pendant la formation,
et dans le cadre de réseaux et de programmes européens ou internationaux.
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Neuf recommandations
et sans suspicion a priori quant à la probité des acteurs, exercer au sujet de
l’exercice libéral un contrôle approprié de même niveau d’exigence que pour
les travailleurs sociaux en général, de manière à éviter d’éventuelles dérives,
par exemple l’exploitation du client dépendant.
– Développer les dispositifs d’évaluation propres aux travailleurs sociaux,
et notamment les méthodes d’analyse qualitative et les actions-recherches
recommandées pour les effets attendus de théorisation et de communicabilité des éléments constitutifs de la pratique.
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ISAP.indb 171
– Reconnaître mieux l’utilité sociale des fonctions remplies et l’importance des compétences actuellement exercées, ce qui est si faiblement fait
que ce n’est pas perçu par les intervenants ni, a fortiori, par la société civile.
– Repenser et définir la professionnalité en référence, non seulement aux
diplômes existants et aux formations initiales, mais surtout à partir des
conditions concrètes dans lesquelles est réalisée l’intervention, des exigences
qu’elle entraîne, de l’expérience et des acquis qu’elle requiert.
– Renforcer l’encadrement technique et les capacités d’évaluation des
actions sociales réalisées, des processus engagés et des moyens employés.
Assurer la participation des professionnels dans les instances décisionnelles
pour qu’ils concourent à la mise en place de systèmes d’action qualifiés.
– Respecter l’autonomie des modes d’intervention professionnelle par rapport aux projets institutionnels d’action sociale et permettre le libre choix de
leurs méthodes et outils aux professionnels : les méthodes s’insèrent dans les
projets et les servent, mais elles n’ont pas à être prédéfinies par les maîtres
d’ouvrage ou prescrites dans des projets, dispositifs ou procédures standardisées.
– Établir dans l’action sociale et pour l’ensemble de ses organismes, une
filière professionnelle, tenant compte des diplômes supérieurs existants,
permettant d’accéder au plus haut niveau de décision en particulier aux
fonctions de direction et d’inspection.
– Favoriser les passerelles, d’une part entre métiers, statuts et filières,
d’autre part entre le public et le privé, pour enrichir la professionnalité.
7. Soutenir les intervenants au contact des personnes
en difficultés
– Admettre et prendre en considération le fait que les travailleurs sociaux
sont exposés à la violence, et prendre en conséquence les mesures de sécurité
nécessaires.
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6. Développer la professionnalité
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ISAP.indb 172
– Lutter contre l’épuisement professionnel, pour qu’il reste possible de
faire face aux sentiments et gestes de souffrance, de violence ou d’abandon
manifestés par les demandeurs d’intervention sociale, en même temps qu’à
la masse du travail.
– Légitimer les lieux de confrontation des idées et des pratiques entre
professionnels, en en déclarant l’utilité ; inscrire cette nécessité dans les
critères des conditions qualitatives de l’intervention sociale.
Instaurer et utiliser de tels lieux au sein de l’organisme employeur ou en
dehors.
– Mettre en avant le sens de l’action pour éviter l’affaiblissement de
l’intervention.
– Apprendre aux intervenants à mieux gérer les conséquences des réponses
qu’ils doivent transmettre et expliquer, surtout quand elles sont négatives,
et à accorder une grande importance à la préparation de la fin de l’intervention.
– Rappeler à chaque intervenant qu’il doit voir les autres et être vu comme
un acteur parmi d’autres, professionnel reconnu ou pas, salarié ou bénévole.
8. Qualifier l’intervention par des formations adaptées
– Considérer que les bonnes intentions, sentiments, croyances, idéologies…
ne suffisent pas, et que le fait d’être en situation de proposer de l’aide ne
génère pas spontanément une intervention sociale d’aide à la personne.
– Constituer un socle de formations à l’intervention diversifiée, conformément aux exigences de la réalité sociale actuelle et à l’évolution des
postes de travail, plutôt que par rapport à des modèles professionnels et
des disciplines scientifiques qui peuvent persister dans chaque filière professionnelle.
– Éviter le melting-pot où l’on fait comme si tous les intervenants avaient
des références communes et l’éthique nécessaire : expliciter et approfondir
les fondements de l’intervention.
– Mobiliser la richesse des cultures et la complémentarité des spécificités
actuelles des professions sociales plutôt que de négliger ces particularités
ou de chercher à les fondre.
– Donner suite aux propositions du rapport d’évaluation du dispositif
de formation des travailleurs sociaux et assurer les moyens nécessaires à la
mise en œuvre des formations.
– Introduire dans les programmes de formation une approche internationale, telle que les dispositions sociales de l’Union européenne et de la
Communauté internationale soient mieux connues ainsi que les modes
d’intervention et les idées qui les sous-tendent.
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Neuf recommandations
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ISAP.indb 173
– Prendre en compte les représentations qui pèsent actuellement sur le
travail social et changer positivement l’image de l’intervention sociale dans
la société en s’appuyant notamment sur les travaux du groupe « Image des
travailleurs sociaux » du CSTS. Le ministère des affaires sociales devrait
communiquer sur ce thème.
– Exposer ce qu’est l’intervention — au-delà de la simple diffusion de
rapports — et ce qu’elle produit qualitativement, au moyen de produits de
communication d’un niveau de qualité correspondant aux productions des
grands médias, pour que ses effets et son utilité soient efficacement perçus.
– Ouvrir et alimenter le nécessaire débat public concernant l’intervention
sociale, en admettant que soit mis en cause, dépassé et amélioré, ce qui a
été élaboré dans le présent rapport du CSTS.
– Organiser des débats professionnels publics, avec une participation
prioritaire et réelle des personnes ; organiser de véritables échanges sur cette
question, au niveau local, avec des décideurs locaux, des représentants de
l’État, des professionnels et des bénévoles, des employeurs et des employés.
– Évaluer régulièrement, par période de trois ans, la mise en œuvre de
l’intervention sociale d’aide à la personne et confier à des professionnels de
l’intervention sociale la responsabilité de mettre en place une procédure
d’évaluations régulières dans un « Comité permanent des interventions
sociales », notamment selon les préconisations retenues du présent rapport.
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9. Faire évoluer l’intervention d’aide à la personne et
positiver l’image de l’intervention sociale dans la société
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Bibliographie
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Sciences sociales, droit, divers
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Bibliographie
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L’intervention sociale d’aide à la personne
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Table des matières
Repenser les fondements de l’intervention individuelle en travail social ..................
Orienter les transformations ....................................................................................................................
Renforcer les compétences des travailleurs sociaux ................................................................
Commission de travail du CSTS .............................................................................................................
Introduction ..........................................................................................................................................................
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ISAP.indb 179
Le mandat originel .........................................................................................................................................
De l’intervention sociale individualisée à l’intervention sociale d’aide à la
personne ...............................................................................................................................................................
L’accord d’un groupe....................................................................................................................................
Composition du groupe ..............................................................................................................................
Organisation des travaux et élaboration collective du rapport .........................................
Matière à débat ................................................................................................................................................
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21
21
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29
PREMIÈRE PARTIE
Refonder la pratique de l’intervention sociale
pour l’aide à la personne
Chapitre 1. Les pratiques d’action sociale face à l’évolution des problématiques sociales ......................................................................................................................................................
1.1. Des difficultés sociales qui appellent des réactions ......................................................
1.1.1. Chômage, précarité, pauvreté, revenu minimum d’insertion ...........................
1.1.2. L’infection VIH ............................................................................................................................
1.1.3. La famille : mutations et solidarités .................................................................................
1.1.4. L’enfance en danger, un autre révélateur des crises familiales .........................
1.1.5. Se loger devient un problème pour beaucoup..........................................................
1.1.6. Une évolution démographique préfigurant d’autres fractures ..........................
1.2. De l’administration générale de problèmes à l’organisation territoriale de
politique d’action sociale ...................................................................................................................
1.2.1. Assistance et assurance remises en cause ....................................................................
1.2.2. La mobilisation du local et des territoires ....................................................................
1.2.3. La décentralisation de l’action sociale. Changement de responsabilités et
émergence de nouveaux acteurs ......................................................................................
1.2.4. La politique de la ville et les nouveaux dispositifs interministériels pour
promouvoir des projets sociaux novateurs ..................................................................
1.2.5. Des logiques institutionnelles contraignantes ...........................................................
1.2.6. Dépasser les contraintes au sein des institutions .....................................................
1.2.7. Politique d’action sociale et singularité du sujet......................................................
Conclusion du premier chapitre ...........................................................................................................
33
33
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Avant-propos. Un rapport fondateur, Cristina De Robertis .............................................
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L’intervention sociale d’aide à la personne
Chapitre 2. La personne, sujet d’actualité. Actualisation des références
théoriques ...............................................................................................................................................................
2.1. Évolution de l’élaboration théorique du travail social, concernant la personne
2.1.1. Du case work à l’aide psychosociale individualisée, une élaboration pour
mieux prendre en compte la personne ..........................................................................
2.1.2. Les leçons de l’aide psychosociale individualisée ..................................................
2.1.3. Autres apports du travail social ..........................................................................................
Conclusion ..........................................................................................................................................................
2.2. La personne, le sujet, l’autre, dans le droit, la sociologie et l’éthique...............
2.2.1. La personne au cœur du droit ............................................................................................
2.2.2. Une sociologie du sujet .........................................................................................................
Conclusion ..........................................................................................................................................................
Conclusion de la première partie .........................................................................................................
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DEUXIÈME PARTIE
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Chapitre 3. L’intervention sociale fondée sur les capacités des personnes ........
3.1. Une clarification conceptuelle ....................................................................................................
3.2. Le fondement de l’intervention sociale..................................................................................
3.3. Le contexte appelle un travail sur le lien social................................................................
3.4. Du lien social aux capacités des personnes .......................................................................
Chapitre 4. Processus et réalités de l’intervention sociale d’aide à la personne
4.1. Les phases, le déroulé........................................................................................................................
4.1.1. La rencontre .................................................................................................................................
4.1.2. Collecte des informations .....................................................................................................
4.1.3. L’analyse et l’évaluation diagnostique ...........................................................................
4.1.4. L’émergence du projet et le contrat .................................................................................
4.1.5. Les stratégies et les moyens de mise en œuvre .........................................................
4.1.6. L’évaluation et la fin de l’intervention sociale ...........................................................
Conclusion ..........................................................................................................................................................
L’ISAP est un processus ........................................................................................................................
L’ISAP est une dynamique ..................................................................................................................
Chapitre 5. Les conditions requises pour mener à bien l’intervention sociale
d’aide à la personne ........................................................................................................................................
5.1. L’ISAP peut être dévoyée dans son fondement..................................................................
5.1.1. La temporalité .............................................................................................................................
5.1.2. La globalité et l’ouverture.....................................................................................................
5.1.3. Des fonctions constitutives de l’ISAP, mais non équivalentes à l’ISAP ........
5.1.4. La confidentialité des informations .................................................................................
5.2. La professionnalité est indispensable ......................................................................................
5.2.1. La régulation professionnelle .............................................................................................
5.2.2. La formation/qualification ....................................................................................................
5.2.3. D’autres acteurs : bénévolat « nouveaux métiers » ..................................................
5.3. Des déficiences et des incohérences menacent la qualité de l’ISAP..................
5.3.1. L’incidence des commandes institutionnelles et des formes d’organisation
5.3.2. Les moyens et les techniques..............................................................................................
5.3.3. La sécurité des intervenants sociaux ..............................................................................
Conclusion ..........................................................................................................................................................
Conclusion de la seconde partie ..........................................................................................................
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Conduire l’intervention sociale d’aide à la personne
comme une dynamique
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Table des matières
Propositions - Recommandations
1. Le préalable : mettre les personnes en situation d’être acteurs des interventions
sociales qui les concernent ...............................................................................................................
2. Aux employeurs et décideurs des politiques sociales .......................................................
3. Aux professionnels de l’intervention sociale...........................................................................
4. Aux responsables de formation qui préparent les futurs professionnels et
soutiennent l’évolution des acteurs engagés dans l’action...........................................
Au ministre chargé des affaires sociales .........................................................................................
1. L’État promoteur et garant de la qualité de l’intervention : deux initiatives
préconisées ..................................................................................................................................................
1.1. Créer un « Comité permanent des interventions sociales ».....................................
1.2. Garantir la place réellement faite aux personnes dans l’intervention sociale
2. Prendre en compte les nouvelles technologies .....................................................................
2.1. Faire place aux nouvelles technologies dans les formations .................................
2.2. Créer une production multimédia........................................................................................
2.3. Organiser une réflexion .............................................................................................................
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ISAP.indb 181
3. Valoriser la réflexion du CSTS ...........................................................................................................
Neuf recommandations ...............................................................................................................................
Un impératif : reconnaître la personne comme sujet ..............................................................
1. Faire place à la personne dans l’intervention .........................................................................
2. Énoncer les politiques et les missions qui encadrent l’intervention sociale.......
3. Instaurer une coordination des interventions .........................................................................
4. Inscrire l’intervention dans son contexte...................................................................................
5. Gérer l’intervention .................................................................................................................................
6. Développer la professionnalité ........................................................................................................
7. Soutenir les intervenants au contact des personnes en difficultés ............................
8. Qualifier l’intervention par des formations adaptées ........................................................
9. Faire évoluer l’intervention d’aide à la personne et positiver l’image de l’intervention sociale dans la société........................................................................................................
Bibliographie ........................................................................................................................................................
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Propositions générales ..................................................................................................................................
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Collection dirigée par
Cristina De Robertis, Éliane Leplay et Henri Pascal
La collection Politiques et interventions sociales se propose de favoriser la transmission
des savoirs professionnels du travail social et la diffusion d’informations sur les politiques
sociales. Conçue comme un instrument de formation permanente pour les professionnels
du travail social, les décideurs et tous les acteurs du secteur social, elle vise également à
contribuer à l’élaboration de nouveaux savoirs dans ce domaine.
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ISAP.indb 183
Advocacy en France (L’) (2008)
Un mode de participation active des usagers en santé mentale
Martine Dutoit
Changement organisationnel dans les établissements sociaux
et médico-sociaux (Le) (2013)
Perspectives théoriques croisées
Michel Foudriat – 2e édition – Préface de Gilles Herreros
Développement du pouvoir d’agir (2014)
Une nouvelle approche de l’intervention sociale
Claire Jouffray
Évaluer une action sociale (2002)
Pascal Lièvre
Intervenir au domicile (2014)
Elian Djaoui – 3e édition
Interventions sociales et faits religieux (2014)
Les paradoxes des logiques identitaires
Daniel Verba, Faïza Guélamine (dir.)
Jeunesse en errance face aux dispositifs d’accompagnement (La) (2009)
Anne-Françoise Dequiré, Emmanuel Jovelin
Lutte contre l’exclusion (La) (2002)
Une loi, des avancées, de nouveaux défis
Rina Dupriet, Jacques Ladsous, Dominique Leroux, Michel Thierry
Pour une approche interculturelle en travail social (2011)
Théories et pratiques
Margalit Cohen-Emerique
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action sociale et champs d’intervention
18/04/14 11:30
Refaire la ville (2011)
Sens et contradictions d’une politique sociale
Joël Barthélémy – Préface de Michel Chauvière
Travailler en crèche, un métier ? (2013)
Ghyslaine Marchand Montanaro
éthique, déontologie, droits humains
Droits de l’homme et travail social (1998)
FIAS, ANAS – Préface de Guy Aurenche
Travail social et droits de l’enfant (2005)
FITS, ANAS
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ISAP.indb 184
Faïza Guélamine
histoire
Avènement du département providence (L’) (2004)
Le social au conseil général de l’Hérault
Nathalie Blanchard
Construction de l’identité professionnelle des assistantes sociales (La) (2012)
L’ANAS (1944-1950)
Henri Pascal
Intervention clinique en service social (L’) (2006)
Les savoirs fondateurs (1920-1965)
Geneviève Perrot, Odile Fournier, Georges-Michel Salomon – Préface d’Éliane Leplay
Institutions, acteurs et pratiques dans l’histoire du travail social (2013)
Association provençale pour la recherche en histoire du travail social (APREHTS)
Méthodes nouvelles d’assistance (Les) (2002)
Le service social des cas individuels
Mary E. Richmond – Traduit de l’américain par P. de Chary et R. Sand – Préface de
Brigitte Bouquet
Pionnières du travail social auprès des étrangers (Les) (2005)
Le Service social d’aide aux émigrants, des origines à la Libération
Lucienne Chibrac – Préface de Nicole Questiaux
VIH, le virus de l’intégration (2011)
Dominique Pasquio
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Travail social face au racisme (Le) (2006)
Contribution à la lutte contre les discriminations
18/04/14 11:30
international
Traité de travail social (2005)
Guy Bilodeau
Travail social sans frontières : innovation et adaptation (2013)
Philippe Hirlet, Jean-Louis Meyer, Yvette Molina, Béatrice Muller (dir.) dans le cadre
de l’UNAFORIS – Préface de Pierre Gauthier
ouvrages de référence pour la formation
Guide de l’épreuve de dossier de pratiques professionnelles
du DEASS (2012 / manuel)
John Ward (dir.)
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ISAP.indb 185
John Ward
Identité professionnelle des éducateurs spécialisés (L’) (2009)
Une approche par les langages
Laurent Cambon
Intervention sociale d’aide à la personne (L’) (1998)
Conseil supérieur du travail social – Avant-propos de Philippe Cholet
Intervention sociale d’intérêt collectif (L’) (2008)
De la personne au territoire
Cristina De Robertis, Marcelle Orsoni, Henri Pascal, Michèle Romagnan
Philosophie et éthique en travail social (2013 / manuel)
Philippe Merlier – Préface de Brigitte Bouquet
Travail social et ses formations à l’épreuve des territoires (Le) (2011)
Henry Noguès, Marc Rouzeau, Yvette Molina (dir.), UNAFORIS
ouvrages de référence pour la recherche
Apprentissage de la recherche en travail social (L’) (2013 / manuel)
Joël Cadière – Préface de Brigitte Bouquet
Quels modèles de recherche scientifique en travail social ? (2013)
Association francaise pour le développement de la recherche en travail social (AFFUTS)
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Guide du site qualifiant (2011)
18/04/14 11:30
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