l'opposition sujet/objet, par le fait que le sujet, à travers le processus de mesure, intervient dans la
détermination de l'objet ; qu'on ne peut décrire ce dernier sans prendre en compte le premier.
En effet, l'interprétation actuelle de la mécanique quantique considère certaines propriétés des
objets quantiques comme indéterminées, intermédiaires entre toutes leurs possibilités jusqu'à ce que
l'une de celles-ci soit pointée aléatoirement par une mesure. Cette vision des choses paraît étonnante
à un esprit rationnel, elle entraîne inévitablement la question de savoir si les physiciens se sont tant
enfermés dans leur monde théorique aux possibilités infinies qu'ils se sont détachés des contraintes
terre-à-terre du monde qu'ils essayaient depuis toujours de caractériser. Mais essayent-ils toujours
de caractériser ce monde ou considèrent-ils déjà que cette intention est illusoire ? J'évoquerai cette
question dans un second temps, car tout d'abord, il est nécessaire de revenir sur un panorama des
apparences dont s'habille le hasard en physique classique, le « petit frère » de l'indétermination qui
nous occupe, et sur la spécificité de cette dernière par rapport à ce hasard auquel nous nous étions
habitués avant l'intervention des dernières avancées en physique. On pourra y voir qu'il s'agit là d'un
véritable changement conceptuel, cause partielle (ou reflet ?) du changement de paradigme décrit
par Castoriadis.
Par la suite, je me pencherai sur ledit changement conceptuel et sur les possibilités d'adapter, plutôt
que d'abandonner, les concepts questionnés sous une forme suffisamment proche de celle que nous
leur connaissions. Enfin, on pourra trouver l'objet essentiel de ce travail : l'exposition des raisons
physiques qui ont amené le changement de paradigme et l'étude des possibilités d'adopter une autre
interprétation qui prenne en compte ces raisons. La question principale qu'il s'agit de traiter est la
suivante : est-il réellement nécessaire d'abandonner tout ce qu'il nous faudra abandonner et de
transformer tout ce qu'il nous faudra transformer dans notre vision du monde et de la science afin de
s'adapter aux bouleversements de la physique du XXème siècle, ou peut-on trouver une solution qui
autorise à conserver ce qu'il nous coûte d'abandonner, c'est-à-dire l'idée que les objets du monde ont
des propriétés propres et qu'il est possible de se les représenter, et en particuier que les choses
inertes exemptes de volonté évoluent de manière déterminée ?
Je tenterai de ne me constituer ni en tant que défenseure ni en tant que critique de l' interprétation
actuelle, car maintenir un avis dès le départ entraverait le questionnement philosophique. Par
ailleurs, je n'ai trouvé que peu de philosophes qui abordent la question de ce travail, sans doute
parce qu'elle requiert des connaissances approfondies dans le domaine de la physique ; il est plus
courant de la trouver dans les écrits de certains physiciens qui prennent de la distance par rapport à
leur propre domaine afin d'avoir sur lui un regard critique. Il est donc possible que ce travail
présente un aspect physique un peu disproportionné, ou se réfère souvent aux mêmes sources en
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