Note : Dans le présent ouvrage, le recours au masculin pour désigner des personnes a comme unique objectif d'alléger le texte et désigne sans discrimination les individus des deux sexes. i Préface L’Alliance des communautés culturelles pour l’égalité dans la santé et les services sociaux (ACCÉSSS) salue la publication du présent ouvrage faisant état du point de vue des ainés immigrés du Lac-Saint-Jean relativement aux résidences pour personnes âgées. ACCÉSSS se préoccupe depuis de nombreuses années du dossier des personnes aînées immigrantes et ceux des différentes communautés ethnoculturelles. Son implication concertée a permis d’assurer une meilleure accessibilité des services de santé aux personnes âgées de différentes origines. Les nombreux bouleversements survenus au cours des dernières années dans les milieux hospitaliers ont exigé une réorganisation dans la gestion et l’application des services sociaux et de santé. Dans la foulée du processus de « désinstitutionalisation » des personnes âgées (entrepris dans les années soixante-dix — et suivant une logique d’efficacité et de réduction de coûts), il y a eu un développement accru des programmes et services de maintien à domicile, comme substitut à l’hospitalisation. Par conséquent, nous assistons, de plus en plus, à un déplacement des structures d’hébergement et des services socio-sanitaires institutionnels vers de plus petites structures d’accueil et d’accompagnement pour les personnes aînées. Devant une telle situation, il est clair que la famille de même que le communautaire deviennent des partenaires essentiels dans le réseau de la santé sur les plans de la gestion, de la coordination et de l’application des services destinés à la clientèle âgée immigrante. Par la diversité de leurs langues, de leurs systèmes de valeurs et par l’altérité de leurs rapports à la santé, les communautés ethnoculturelles ii influencent le fonctionnement du réseau de la santé, la dispensation des services et le travail des professionnels de la santé. De la même manière, le fonctionnement des résidences pour personnes âgées subit d’importances transformations suite aux changements démographiques majeurs que vit le Québec depuis plusieurs années. Depuis quelques années maintenant, les recherches mettent en évidence, particulièrement dans un pays d’immigration comme le Canada, la pluralité et la richesse des pratiques des communautés ethnoculturelles. Et parce qu’elle participe de l’identité profonde, des rôles et statuts aussi bien que des traditions et valeurs auxquelles se réfèrent habituellement les communautés d’immigrants/es, l’ethnicité s’avère un facteur dont l’importance s’accroît avec l’âge. Au cours des dernières décennies, on a pu observer deux mouvements : une préoccupation croissante de la dimension ethnoculturelle dans l’offre des services sociaux et de santé et une amélioration dans la manière de traiter cette problématique. D’une part, alors que les rapports produits au cours des années 70, affirmaient que les institutions établies n’atteignaient guère les populations ethnoculturelles, les efforts se sont concentrés dans les années 80, sur l’identification des raisons qui expliquent un tel problème d’accessibilité. Quant aux années 90 et 2000, elles ont ouvert la voie à des changements de nature organisationnelle, en vue d’une meilleure accessibilité — représentativité des communautés ethnoculturelles dans le personnel administratif et intervenant, élaboration de plans d’accès, reconnaissance des organismes communautaires et partenariat, etc. D’autre part, un second mouvement reflète un travail d’amélioration de la condition iii des personnes âgées à bien des égards, que ce soit sur les plans de la santé, du revenu, que des politiques sociales, etc. Pourtant, on peut se demander si la catégorie qui se situe à la jonction de ces deux courants, les personnes âgées des communautés ethnoculturelles, bénéficie pleinement de ces avancées. Rien n’est moins sûr! C’est la raison pour laquelle des recherches, comme celle que vous avez en main, sont si importantes, encore aujourd’hui, en 2012. Le livre est structuré de manière cohérente, appuyé sur une problématique intéressante et dont la pertinence actuelle ne fait pas de doute. La revue des écrits est fort appropriée au questionnement retenu. Ce Livre est original dans le contexte québécois, car peu d’études de ce genre ont été réalisées auprès d’immigrants âgés de 55 ans et plus vivant en région. L’auteur semble bien connaître son sujet et les différents chapitres de son travail sont dans l’ensemble très bien articulés. Les références sont pertinentes et malgré le peu d’études réalisées dans ce domaine il fait souvent le parallèle entre les données des recherches réalisées ailleurs dans le monde et celles tenues en sol canadien ou québécois. La formulation des questions et des hypothèses de la recherche est claire et repose sur une bonne analyse des écrits existants. La description de la méthodologie et les limites de l’étude sont conformes à la réalité et la discussion des résultats fait ressortir des points intéressants tant pour ce qui a trait aux résultats qu’aux avenues de recherches ultérieures. Le livre s'articule autour de trois objectifs, qui ont bien joué leur rôle, à savoir encadrer le travail d'enquête, faire l'analyse et marquer de façon explicite la rédaction. Le chapitre premier expose la problématique. Celle-ci met le lecteur en face de la situation que vivent les personnes immigrantes, et pose les iv défis que soulève leur venue dans une terre d'accueil. Pour les immigrants eux-mêmes certes, mais aussi pour les intervenants qui ont à faciliter leur intégration dans les institutions, entre autres. Elle met très bien en lumière, par exemple, les défis que pose un placement institutionnel pour les immigrants. Le chapitre deux illustre l'état des connaissances et expose les différents concepts de l'étude : personnes immigrées, centres d'hébergement et de soins de longues durées, la qualité de vie et la compétence culturelle, l'intégration sociale. Puis il soulève un point essentiel : la prise en compte de ce que la personne immigrante a été afin de l'aider à être ce qu'elle est. Quanta la recension des écrits, elle expose la situation complexe dans laquelle se retrouvent plusieurs immigrants, tout en amenant les conséquences que soulève leur intégration dans les différentes sphères de leur vie : travail, vie familiale, société civile, placement en institution. On y voit le bien-fondé du soutien social, le soutien social reçu, assurément, mais aussi le soutien perçu. En effet, ce n'est pas seulement l'aide effective apportée par l'entourage qui est importante, mais aussi l'impact subjectif de cette aide. L'individu estime-t-il que ses besoins et ses attentes sont satisfaits? Voilà ce à quoi l'auteur nous invite à réfléchir. Quoi qu'il en soit, ces deux chapitres nous confirment la nécessité de poursuivre la recherche dans le domaine de réintégration des immigrants, ces derniers étant aux prises avec différents problèmes : isolement, solitude, conditions économiques précaires, etc. Sans oublier les pertes ressenties (famille, culture, communauté), et les préjugés qu'ils doivent braver, comme le racisme institutionnel, interpersonnel et intériorisé. Ces pages décèlent aussi des lacunes que présente le milieu institutionnel en regard des personnes qui v viennent d'ailleurs, ce qui démontre, une fois de plus, rapport non négligeable que constitue ce livre. Le contexte théorique qui soutient cette recherche sociale appliquée est présent au chapitre quatre. II expose clairement les deux modèles théoriques retenus : a) modèle de compétence culturelle de CampinhaBacote (1995, 2009); b) le modèle conceptuel de Kayser-Jones (1989, 1998). L'auteur fait l'adaptation de ces modèles à sa propre étude. D'ailleurs la figure présentée à la page 71 dans laquelle il expose son propre modèle d'analyse est des plus instructives. Elle rend compte, en outre, de la compréhension qu'il a des aspects théoriques retenus. Ce tableau nous montre l’utilité, voire la pertinence des modèles théoriques retenus. Les pages portant sur la méthodologie sont bien structurées. L'auteur a retenu une approche qualitative et adopte une méthodologie de type ethnographique. Les méthodes de collecte de données sont précisées et justifiées : fiche signalétique et entrevue semi-dirigée. Elles fournissent des indicateurs empiriques qui servent d'instruments pour répondre aux objectifs de la recherche. Le chapitre six, présente les résultats est intéressant de lire, tout au long de l'analyse, les témoignages recueillis; en fait, l'alternance de l'argumentation et du témoignage vient enrichir le texte. La discussion retient l'attention par son originalité. Elle examine à nouveau les résultats, mais nous ramène cette fois-ci aux objectifs poursuivis par la recherche. La discussion fait donc ressortir les attentes et les appréhensions des P.A.I. envers le placement, illustre la représentation symbolique du temps et de l'espace. Qui plus est, elle énonce les valeurs et les attitudes des immigrants qui peuvent contribuer à la réussite de leur vi placement (p. 148) : ouverture an monde, multilinguisme, culture transnationale (adoption de stratégies d'intégration sociale). L'auteur nous rappelle que la richesse des rapports sociaux influence d'une manière positive l'adaptation au placement, et préconise des mesures pour faciliter l'intégration : l'importance de recréer un milieu de vie ou la P.A.I. peut se sentir chez elle; l'importance de respecter ses qualités morales et intellectuelles, voire ses valeurs. La fin de cette partie expose les trois grandes approches ou modèles en travail social qui peuvent favoriser l'intégration des P.A.I. dans les milieux protégés: l'approche communautaire, l'approche interculturelle, l'approche ethnoculturelle (p. 156). Une chose est sure, tout au long du texte, l'auteur réussit à nous convaincre du bien-fondé de sa recherche : nouvelles connaissances sur les enjeux socio-sanitaire des P.A.I., notion de soins, adéquation entre les services offerts et les besoins et cela, dans un contexte ou la situation démographique constitue un important défi pour les générations actuelles et futures. Du reste, cette étude expose les moyens qui doivent être mis en place par les résidences pour personnes âgées afin de répondre aux besoins des personnes immigrantes: moyens organisationnels, structurels et cliniques. Enfin, les considérations éthiques sont bien exposées. En l'occurrence, le thème traite dans ce projet de recherche est du plus haut intérêt pour la région du Saguenay, et pour les travailleurs sociaux. Pour la région, celle-ci étant confrontée à une population pas très forte, une région qui reconnait la nécessité de s'ouvrir a l'immigration; pour les travailleurs sociaux qui ont travaillé auprès des personnes immigrantes qui doivent ou devront vivre en résidences pour personnes âgées. Bonne lecture! vii Remerciement Cet ouvrage étant principalement le fruit de ma mémoire en travail social à l’Université de Chicoutimi à Québec (UQAC), je tiens en premier lieu à remercier la professeure Maltais Danielle (UQAC) pour son encadrement et pour son soutien. Je tiens également à remercier toutes celles et ceux qui m’ont apporté leur soutien au cours de mes études, ainsi que tout au long de mes premiers pas dans la carrière universitaire, au premier rang desquels le professeur Ben Mustapha Chedly (Institut National de travail et des Études Sociales –INTES-, Tunisie), le professeur Labidi Lassaad (INTES, Tunisie), la professeure Belhaj Sondes (INTES, Tunisie), le professeur Ali Belhaj (INTES, Tunisie),le professeur Jarray Fethi (INTES, Tunisie), le professeur Savard Sébastien (UQAC), le professeur Tremblay Pierre-André (UQAC), la professeure Robichaud Suzie (UQAC) et le professeur Fall Khadiyatoulah (UQAC). Je tiens enfin à exprimer ma gratitude aux participants sans qui cette recherche aurait été impossible. Merci de contribuer à la recherche, nous vous oublions trop souvent! Je dédie cet ouvrage à mon très cher père Moalla Habib et ma très chère mère Monjia Zgahl en témoignage de ma reconnaissance envers le soutien, les sacrifices et tous les efforts qu’ils ont fait pour mon éducation ainsi que ma formation et à mon cher frère Moalla, Mohamed Saleh, mes chères sœurs Bourchani Saada et Hamzaoui Hanen et ma nièce Bourchani Amal pour leur affection, compréhension et patiente. Je dédie cet ouvrage également à mes amis Si Monji El Chaib, Ka Mamadou, Alsdis Ali, Deschamps Jean-François, Bouchard Yannick et Ndongo Dimé Mamadou pour leur encouragement, soutien et aide. viii Enfin, je dédie cet ouvrage à l’âme des martyres de la révolution tunisienne, à l’âme de mon oncle Zghal Hatem, à l’âme de ma tante Kotti Zohra et à l’âme de mes deux enseignants Ben Forjani Monji (INTES, Tunisie) et Jlidi Abdelkader (INTES, Tunisie). ix TABLE DES MATIÉRES Préface………………………………………………………………..... ii Remerciements………………………………………………………… viii Table des matières…………………………………………………… x Liste des tableaux…………………………………………………… xv Liste des figures…..………………………………………………… xvi Liste des abréviations……………………………………………… xvii Introduction ………………………………………………………… 1 Problématique ………………………………………………………… 5 L’immigration au Québec : court historique des principales lois en Vigueur …………………………………………………………… 6 La régionalisation de l’immigration au Québec …………………… 12 Les obstacles à l’intégration sociale des immigrants vivant hors de la région métropolitaine de Montréal……………………………… 15 Personnes âgées immigrantes et intégration sociale……………… 18 État des connaissances……………………………………………… 27 Définition des principaux concepts de l'étude……………………… 28 Personnes âgées immigrées……………………………………… 28 Les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) 29 Résidence privée………………………………………………… 33 Intégration sociale………………………………………………… 35 Compétence culturelle………………………………………… 37 Qualité de vie………………………………………………………39 L’intégration sociale des P.A.I. dans leur société d’accueil………… 41 L’intégration sur le marché du travail…………………………… 42 x L’intégration sociale……………………………………………… 43 L’intégration dans la société civile……………………………… 45 L’intégration psychologique…………………………………… 46 La conscience subjective de l’intégration …………………….. 46 Les P.A.I. et la prestation de soins et de services sociaux ……… 48 Facteurs de risque à l’intégration sociale des P.A.I……… ……… 51 Les facteurs personnels…………………………………… ……51 Les facteurs sociaux……………………… …………………… 53 Les facteurs contextuels………………… …………………… 54 Les facteurs économiques………………………………… ……56 Les préférences de placement des P.A.I. et de leurs soignants familiaux ………………………………………………..57 Les préférences en lien avec les besoins subjectifs des P.A.I … 57 Les préférences en lien avec les besoins objectifs des P.A.I…… 59 Le vécu des P.A.I. dans le CHSLD et les résidences privées… … 60 Les efforts déployés par les intervenants en faveur l’intégration des P.A.I. dans les CHSLD et dans les résidences privées……………………………………………... 66 Moyens à mettre en place sur le plan organisationnel ……… 67 Moyens à mettre en place sur le plan structurel……………… 70 Moyens à mettre en place sur le plan clinique………………… 75 Faits saillants……………….………………………………… 76 Contexte théorique…………………………………………………… 80 Le modèle conceptuel de Kayser-Jones (1989-1998)…………… 82 Un schéma de synthèse………………………………………… 86 Le modèle de la compétence culturelle de Campinha-Bacote xi (1995, 2009) ………………………………………………………..89 Un schéma de synthèse……………………………………… 92 Notre modèle d’analyse………………………………………… 93 Méthodologie……………………………………………………… 72 Les objectifs de la recherche…………………………………… 96 L'approche de la recherche…………………………………… … 96 Population à l'étude……………………………………… …… 98 Mode de recrutement des participants et déroulement des entrevues…………………………………………………………... 100 Instruments de collecte de données……………………… …… 100 Analyse des données……………………………………………… 103 Considérations éthiques…………………………………………… 104 Le libre consentement des répondants…………………………… 104 La confidentialité des données……………………………………105 Pertinence de la recherche……………………………… ………… 105 Résultats…………………………………………… ……………… 107 Les caractéristiques sociodémographiques actuelles des répondants…………………………………………………………. 108 Trajectoires d’immigration et modes d’intégration dans la région… 109 La phase pré-migratoire…………………………………… …… 110 Continent d’origine et pratiques religieuses des répondants … 114 Opinion des répondants envers leur pays d’origine…………… 115 Principale occupation et niveau de scolarité des répondants avant de quitter leur pays d’origine…………………………… 117 La phase migratoire……………………… …………………… 117 Les antécédents de changement de milieu de vie, de pays … 117 xii Les catégories d’immigration des répondants…………… … 118 Les motifs d'immigration, les attentes des répondants et leurs craintes….................................................................................... 119 Le contexte du projet migratoire : âge, contexte, état de santé 124 La phase post-migratoire………………………………………… 127 Le rapport des répondants avec la société d’accueil………… 127 Le rapport des répondants avec leur pays d’origine………… 131 La visibilité sociale dans la région…………………………… 135 Les formes de mobilité sociale………………………………… 136 Modes d’intégration dans la région…………………………… 138 Point de vue des répondants sur l’aide en cas de besoin lors de l’apparition de problèmes de santé………………… …144 Les catégories d'immigrants dans la région…………………… 148 La perception des répondants à l’égard des services de soins de santé et de services sociaux offerts en région……………………… 149 La perception des répondants de la vieillesse…………………… 152 La perception des immigrants de leur état de santé……………… 154 Les services de santé utilisés par les répondants et leur niveau de satisfaction ……………………………………………………. 154 Les attitudes envers le personnel soignant…………………………158 La représentation ethnique dans les établissements de soins et de services sociaux dans la région du Saguenay–Lac-Saint- Jean……160 Les attentes et recommandations des répondants en ce qui a trait au milieu de vie protégé……………………………………………… 163 Les attentes des répondants en ce qui a trait à la qualité de vie… 163 xiii L'environnement physique…………………………………… 164 L'environnement organisationnel………………………………. 166 L'environnement culturel et psychoculturel………… ……… 182 L'environnement politique…………………………………… 184 La compétence culturelle………………………………… …… 184 Les comportements idéaux des intervenants…… …………… 184 Les rôles des intervenants……………………………………… 186 Discussion…………………………………………… …………… 192 Les attentes et les appréhensions envers le placement dans un milieu de vie protégé……………………………………… ………………193 La perception qu’ont les répondants sur le niveau actuel de Compétence culturelle …………………………… …………….. 200 Les mesures facilitant l'intégration sociale des P.A.I. dans un milieu de vie protégé…………………………………… …………… Limites de la présente étude…………… 203 ……………………… 209 Contribution de la recherche…………… ………………………… 210 Avenues et perspectives de recherche…...……………………… 212 Conclusion……………………………… ……………………………214 Références………………………………………………………………219 Appendice 1 : Dépliant de la recherche……………………… … 251 Appendice 2 : Lettre d’autorisation de transmission des coordonnées personnelles …………………………………………… 253 Appendice 3 : Renseignement aux participants et formulaire de consentement………………………………………………… 255 Appendice 4 : Fiche signalétique…………………………………… 261 Appendice 5 : Guide d'entretien thématique………………………… 268 xiv Appendice 6 : Certificat d'éthique…………………………… …… 278 xv LISTE DES TABLEAUX Tableau1 : Évolution du nombre d’immigrants récents présents en région……......................................................................................... 14 Tableau 2 : Immigrants admis au Québec par période de cinq ans, selon leur région de résidence……………………………….. 15 Tableau 3 : Contexte social, perception de la vieillesse et type d'hébergement au XXe siècle, selon les périodes 1900-1940, 1940-1980 et 1980-2000……………………………………… 32 Tableau 4 : Les différents moyens mis en place dans un CHSLD pour favoriser l'intégration des personnes âgées immigrantes…………………………………………………... 68 Tableau 5 : Caractéristiques sociodémographiques et perception de l’état de santé actuel des répondants………………………………………………….. 111 Tableau 6 : Les trois types d’immigrants identifiés dans la région de Saguenay …………………………………………………………. 150 xvi LISTE DES FIGURES Figure1 : 22 mesures de performance spécifiques qui explorent la question de compétence culturelle dans un CHSLD……………………………………………………… 73 Figure 2 : Le modèle conceptuel de Kayser-Jones adapté à la présente étude……………………………………………………….. 88 Figure 3 : Le processus de la compétence culturelle ……………….. 93 Figure 4 : Notre modèle d’analyse………………………………….. 94 Figure 5 : Le contexte d'intégration des répondants dans la région… 197 xvii LISTE DES ABRÉVIATIONS CSSS : Centre de santé et de services sociaux CHSLD : Centre d’hébergement et de soins de longue durée P.A.I. : Personnes âgées immigrées xviii INTRODUCTION xix Malgré la politique de maintien à domicile et le resserrement des critères d’admission des CHSLD, les progrès réalisés dans le domaine des soins de santé et l’augmentation de l’espérance de vie font en sorte qu’un nombre de plus en plus élevé de personnes âgées se retrouvant avec des incapacités physiques ou cognitives importantes requièrent de vivre dans des milieux protégés ou substituts. En ce qui a trait à l’institutionnalisation des personnes aînées immigrées (P.A.I.) dans les CHSLD, certaines études (Ritch et coll., 1996 ; Yee et coll., 1996 ; John et coll., 1997 ; Lindesay et coll. 1997 ; Moon et coll., 1998) ont montré que ces aînés sont moins conscients de l’existence des CHSLD et ont moins recours à ce type d’établissement que les personnes âgées du groupe dominant1 (Johnsson et coll., 1990 ; Delgado et coll., 1997 ; Moon et coll., 1998 ; Wallace et coll., 1998). De plus, les difficultés pour certaines personnes âgées immigrantes de s’exprimer dans la ou les langues officielles des pays d’accueil (Johnsson et coll., 1990), leurs habitudes et leurs préférences culturelles (Wolf, 1978 ; Johnsson et coll., 1990 ; Wallace et coll., 1998) et leurs conditions socioéconomiques sont des barrières qui limitent leur accès aux CHSLD. D’autres recherches (McFarland, 1997) ont montré que les P.A.I. qui demeurent dans les CHSLD communiquent moins avec le personnel du CHSLD que les personnes âgées du groupe dominant. Récemment, l’intégration sociale des P.A.I. dans les CHSLD est devenue un des enjeux principaux de la recherche sociale (Espino, 1992). Selon cet auteur, le manque de congruence entre des besoins personnels culturellement définis et les caractéristiques environnementales des 1 Ce terme est utilisé dans les recherches au Québec portant sur les immigrants 2 institutions peut être une source majeure de stress vécu par les P.A.I. vivant dans les CHSLD. Dans le cadre de la perspective écologique, le milieu de vie institutionnel est l'un des facteurs de risque pouvant faciliter ou perturber la vie sociale et affective de toutes les personnes âgées vivant dans les CHSLD et en particulier les P.A.I. (Woehrer, 1978). Par ailleurs, dans un rapport d'interactions réciproques, tout comme celui d'adaptation à un nouvel environnement, il est important pour les P.A.I. de bénéficier d’une qualité de vie (Jenkins et coll., 2002) et d’interventions culturellement compétentes (Hizar et coll., 1998) et appropriées à leurs besoins socioculturels (Fried, 2000). Au Québec, l’article 83 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux définit le CHSLD comme un milieu de vie substitut (MSSS, 2008). Alors, quels sont les éléments de milieu de vie et les composantes de la compétence culturelle que les P.A.I qualifient d’optimales pour assurer leur intégration sociale dans un milieu de vie? Lorsqu'il s'agit du point de vue des P.A.I. qui vivent dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, deux idées peuvent être avancées : la première affirme que les petits milieux favorisent l’insertion des nouveaux arrivants par des interactions personnalisées et quotidiennes avec la société locale (ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration du Québec [MRCI] 1993 ; 2003) ; l’autre insiste sur la reconnaissance des spécificités culturelles et religieuses des minorités pour que des rapports harmonieux puissent s’établir dans tout milieu qu’il soit régional ou métropolitain (Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] 2003). 3 C'est dans ce contexte que le présent mémoire a pour but de recueillir les attentes et les appréhensions de personnes immigrantes âgées de 50 ans et plus en regard de leur propre placement en CHSLD ou dans des résidences privées pour personnes autonomes ou en perte d’autonomie. Le premier chapitre présente la problématique et la recension des écrits. Dans ce chapitre, les principaux concepts de cette étude sont définis. De plus, des informations sont apportées sur le vécu et l’intégration sociale des P.A.I. vivant en CHSLD. Pour sa part, le deuxième chapitre porte sur le cadre théorique de la présente étude où sont présentés les fondements de deux modèles théoriques : le modèle conceptuel de Kayser-Jones (Kayser-Jones, 1989a) et le modèle de la compétence culturelle de Campinha-Bacote (Campinha-Bacote, 1999a). Enfin, les trois derniers chapitres subséquents traitent des aspects méthodologiques de la présente étude, exposent les faits saillants des témoignages recueillis auprès des participants et discutent de ceux-ci à la lumière des écrits existants. 4 PROBLEMATIQUE 5 Le Québec est reconnu comme une terre d’immigration (MICC, 2007). D’ailleurs, la composition ethnique de cette population est très diversifiée et le nombre d’immigrants reçus est en constante augmentation. C’est ainsi que le Recensement de 2006 a dénombré une augmentation de 20,5 % des immigrés qui ne sont pas nés au Canada par rapport à l’année 2001 (Chui et coll., 2007 : 16). Cette portion d’immigrants représentait, en 2006, 11,5 % de la population totale du Québec par rapport 9,9 % en 2001 (Chui et coll., 2007 : 16). Toutefois, la gestion de l’immigration au Québec obéit à des circonstances locales et mondiales et à un ensemble de lois spécifiques et la diversité ethnique au Québec pose certains défis en ce qui a trait aux personnes âgées immigrantes. L’immigration au Québec : court historique des principales lois en vigueur Les données fournies par le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles au Québec (MCCQ) (2005) montrent que les immigrants reçus de 2005 viennent d’un très grand nombre de pays. Selon ces données, les quinze principaux pays d’origine représentent 64 % des immigrants, mais seulement cinq de ces pays comptent pour plus de 5 % des immigrants (MICC, 2006 : 20). Ces cinq pays sont la Chine, la France, l’Algérie, le Maroc et la Roumanie. En 2005, le MCCQ considérait aussi que 31 % des immigrants étaient nés en Asie, 26 % en Afrique, 22 % en Europe et 21 % en Amérique (MICC, 2006 : 16). 6 D’un point de vue administratif (MICC, 2006 : 6), les immigrants reçus au Québec sont accommodés selon trois catégories d’admission. La catégorie « regroupement familial » représentait 21 % des immigrants en 2005. Par ailleurs, la catégorie « immigration économique » comprenait 61 % des immigrants et celle des « réfugiés » 17 %. De plus, selon les données disponibles pour l’année 2006, les immigrants constituent généralement un groupe démographique canadien hautement instruit. À ce sujet, près de trois fois plus de récents immigrants masculins et plus de deux fois plus de récentes immigrantes détenaient au moins un baccalauréat par rapport aux hommes et aux femmes nés au Canada (Galarneau et coll., 2008 : 1). De fait, 40 % de tous les Canadiens qui ont une maîtrise et 49 % de tous ceux qui ont un doctorat sont nés à l'étranger (Statistique Canada, 2008 : 18). Les statistiques sur les flux d'immigration au Québec permettent de constater que cette province se situe actuellement parmi les sociétés les plus ouvertes à l’immigration. Mais c’est durant la période entre 1900 et 1920 que le Québec connaît ses plus hauts taux d’immigration de tout le XXe siècle, soit entre 20 000 et 30 000 migrants annuellement afin de répondre à des besoins économiques (secteur manufacturier) et démographiques (colonisation de l’Ouest canadien) (Fortin et coll., 2004 : 3). Entre 1921 et 1930, le Québec connaît une diminution d’immigrants (environ 16 000 migrants annuellement) et cette situation aurait trouvé ses origines dans le ralentissement économique, qui a suivi la Première Guerre mondiale et les fortes réactions anti-immigrations de l’après-guerre (Fortin et coll., 2004 : 3). 7 Durant la crise économique et la Seconde Guerre mondiale (entre 1931 et 1950), le Québec opte aussi pour une politique de fermeture (Fortin et coll., 2004 : 3). Cependant, la période comprise entre 1950 et 1970 témoigne d’une diversification accrue des origines migratoires. Cette politique est due à la Révolution tranquille, au déclin de la natalité et au vieillissement de la population (Fortin et coll., 2004 :4). Toutefois, pour favoriser sa croissance économique, le pourcentage des groupes ethniques autres que français et britanniques double entre 1970 et 1990 et c’est dans le cadre d’une évolution des processus migratoires dans un contexte de mondialisation que le Québec s’engage depuis 1990 vers une immigration à vocation économique, familiale et humanitaire (Fortin et coll., 2004 :5). Selon Fortin et coll. (2004), les flux migratoires au Québec peuvent être découpés selon deux grands régimes d’immigration : un régime d’immigration raciste et assimilationniste qui se situe entre 1900 et 1950 et un autre qui est sélectif et pluraliste, qui est en vigueur depuis 1950. Le premier régime s’articule autour d’une politique de préférences ethniques selon laquelle les immigrants provenant de l’Europe centrale et de l’Est sont sollicités tandis que l’entrée d’Asiatiques et des Noirs est restreinte (Fortin et coll., 2004 : 4). Selon Basavarajappa et coll. (2004), le recensement de 1941 indique que 28 % d’immigrants provenaient de l’Angleterre, l’Irlande, de l’Écosse ou de possessions anglaises et que 17 % d’immigrants étaient originaires des États-Unis. Ce régime tient sa légitimité de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 qui considère que la gestion de l’immigration est une compétence fédérale. 8 Pour sa part, le régime sélectif et pluraliste se traduit progressivement par une baisse accrue des immigrants britanniques et américains, par une forte immigration italienne, un tournant décisif vers les pays d’Asie, de l’Amérique latine et des Caraïbes (1950-1990) et par une immigration provenant de plus de 100 pays différents (à partir de 1990) (Fortin et coll., 2004, 5 et 6). Ce régime s’appuie également sur des critères de qualifications professionnelles. De plus, depuis que le Québec est devenu responsable de la sélection des migrants (catégories indépendantes et réfugiés) au début des années 1990, cette province majoritairement peuplée de personnes dont la langue maternelle est le français favorise l’immigration francophone (Fortin et coll., 2004, 5 et 6). Le régime actuel d’immigration québécoise repose sur un cadre juridique qui a toutefois connu une évolution. En 1952, la Loi sur l’immigration tient compte de la « capacité d'absorption » économique et culturelle du Canada dans le choix des nouveaux arrivants (Labelle, 1988 : 6). Des critères relatifs à la nationalité, l'ethnicité, l'occupation et le style de vie des immigrants potentiels, des critères d'éducation, de qualification et de formations professionnelles sont introduits pour assurer la sélection de requérants indépendants (Labelle, 1988 : 9). Par la suite, en 1962, est introduit le principe de l'admissibilité universelle qui certifie que toute personne qualifiée doit être considérée sur la base de ses mérites personnels, indépendamment de sa race, de son origine nationale ou du pays dont elle vient (Labelle, 1988 : 11). 9 Selon l’Accord Lang-Cloutier de 1971, le Québec est autorisé à détacher des agents d’immigration à l’étranger pour conseiller les immigrants voulant s’établir au Québec (Labelle, 1988 : 32). De plus, la Loi sur l’immigration de 1976 prévoit la consultation des provinces sur les niveaux et l’établissement et prévoit des accords fédéral-provinciaux (Labelle, 1988 : 38). En 1984, le Québec crée le Conseil des communautés culturelles et de l’immigration et, en 1986, il augmente ces quotas d'immigration (Leman, 1999). Pour sa part, l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains2, entré en vigueur en 1991, consacre la responsabilité exclusive du Québec en matière de sélection des immigrants permanents se destinant à son territoire, réaffirme sa responsabilité de fixer les volumes d’immigration qu’il souhaite accueillir et lui reconnaît sa responsabilité exclusive des programmes d’intégration des immigrants (Young, 1998). En 1996, le gouvernement crée le ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (MRCI) (MICC, 2010 : 6). En 2005, ce ministère détermine les cibles à atteindre dans son plan stratégique de l’immigration pour les années 2005-2008. Il identifie alors deux enjeux : 1) l’apport stratégique de l’immigration et des « communautés culturelles » au développement et à la prospérité du Québec et ; 2) l’amélioration de la qualité des services à la clientèle et la modernisation de l’État (MICC, 2005). La question de la diversité ethnique au Québec s'inscrit donc dans le cadre d'une société qui déploie des efforts d'intégration des immigrants à une société francophone dans le respect de la diversité ethnoculturelle. Ce 2 Selon dictionnaire Larousse.fr : En France, au moyen Âge et sous l’Ancien Régime, personne fixée dans un pays étranger sans être naturalisée et qui était soumise au droit d’aubaine. 10 modèle vise à inviter les groupes minoritaires à conserver leur héritage, à manifester leur présence et leurs valeurs propres, tout en favorisant les rapports entre les minorités ethnoculturelles et la culture de la majorité française et en affirmant le français comme langue publique commune (Rocher, et coll. : 2007, 8). Selon ce modèle, l’intégration des immigrants repose sur la notion de la citoyenneté qui représente une avancée dans le sens où il vise à favoriser la participation civique des citoyens de toutes origines (Rocher et coll. : 2007, 22). À ce propos, la Loi sur le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration (L.R.Q. c. M-25.01) prévoit que le gouvernement québécois est responsable de la promotion des droits et libertés de la personne, qu’il favorise aux citoyens l’exercice de leurs responsabilités civiques et sociales, qu’il encourage la solidarité entre les générations et qu’il favorise l'ouverture au pluralisme ainsi que le rapprochement interculturel (CanLII : 2009). Le gouvernement québécois visait par la loi de 1996 à adapter ses services afin de faciliter la résolution de problèmes reliés à l’adaptation et à l’intégration des personnes immigrantes. Malgré la bonne volonté du gouvernement du Québec de favoriser l’intégration sociale des immigrants dans leur nouvelle société d’accueil et en particulier des nouveaux venus hors de la métropole, certaines personnes éprouveraient des difficultés à s’intégrer (Bouchard, 2008 : 26). 11 La régionalisation de l’immigration au Québec Au Québec, l'idée de la régionalisation associée à l'immigration remonte aux années 1950 (Simard, 1996 : 3). À cette époque, l’idée d’établir des immigrants en région paraît davantage liée à des buts économiques, en particulier l’exploitation agricole et la mise en place d’industries nouvelles par des « étrangers » (Simard, 1996 : 3). Cette idée est réapparue dans les années 70 et de nouveaux projets ont été mis en marche avec des buts semblables. Dans ce contexte, quelques services destinés aux immigrants en région sont implantés tels que les Centres d’orientation et de formation des immigrants (COFI) et le Service aux immigrants entrepreneurs, qui comprend un volet de promotion agricole (Simard, 1996 : 3 et 4). Ainsi, dans les années 1970, des réfugiés asiatiques sont venus s'installer dans diverses régions du Québec et des mesures de parrainage collectif et de jumelage ont été instaurées, en continuité avec les programmes déjà existants au fédéral. Toutefois, ce projet a subi un échec en ce qui concerne la rétention et l'intégration de ces personnes dans les milieux régionaux (Simard, 1996 : 4). À la suite de cette expérience, en 1988, le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration a produit un avis sur la régionalisation de l'immigration. L'avis suggère que la politique soit d’abord « modeste » et expérimentale, se concentrant sur trois métropoles régionales (Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières). Trois types de mesures sont alors proposées pour assurer le succès de la politique : 1) planification des interventions de l’État et concertation avec les divers organismes intéressés (ministères provinciaux et fédéraux, acteurs socio-économiques locaux et régionaux, associations ethniques) ; 2) information sur le potentiel des 12 régions et sensibilisation des immigrants, de la population d’accueil et des conseillers à l’immigration et ; 3) soutien et suivi par une panoplie de services tels que l’accueil en région, l’appui dans la recherche d’emploi, les cours de langue et les activités multiethniques (Simard, 1996 : 5). Par la suite, en 1990, a été rendu public l'énoncé de politique sur l'immigration et l'intégration au Québec intitulé Pour bâtir ensemble (Simard, 1996 : 4). Ce texte prend en considération les différences culturelles entre le Montréal multiethnique et le Québec plus homogène à l’extérieur de la métropole et certaines caractéristiques des régions : baisse démographique, dévitalisation des communautés en région et vieillissement de la population. Selon ce texte, la priorité est accordée à la catégorie des immigrants indépendants soit les travailleurs et les gens d’affaires (Simard, 1996 : 6). L’intention est de maximiser les retombées de l’immigration économique dans les régions désireuses d’accueillir des immigrants et de maintenir une cohésion sociale dans la province (Simard, 1996 : 5 et 6). En 1993, le plan d’action pour la régionalisation de l’immigration est approuvé avec la création d’une direction de la régionalisation (Simard, 1996 : 7). Depuis 1993, cette politique de la régionalisation de l’immigration vise quatre objectifs : l’intégration des personnes immigrées et en particulier les immigrants ayant des qualifications professionnelles ou des projets d'affaires correspondant aux besoins régionaux (d’où la nécessité de créer des emplois, d’avoir des logements disponibles, des services d’accueil, etc.), la revitalisation du milieu, un meilleur équilibre régional (gouvernement du Québec, 2004) et l’implication active des acteurs locaux dans l’accueil et l’intégration des immigrants (Simard, 1996 : 9). Selon le ministère de 13 l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec, l’établissement de personnes immigrantes dans les régions du Québec montre une tendance à la hausse encourageante (Tableau 1), mais encore non suffisante (Tableau 2). Tableau 1 : Évolution du nombre d’immigrants récents présents en région Régions hors de la région métropolitaine de Montréal (RMM) Capitale-Nationale Cohorte Cohorte 2002Variation en % 1996-2000 2006 présente en présente en janvier 2008 janvier 2002 (nombre) (nombre) 4 241 7 158 69 % Montérégie 2 668 5 759 116 % Outaouais 2 854 3 964 39 % Estrie 2 256 3 455 53 % Laurentides 1 781 3 093 74 % Lanaudière 746 2 032 172 % Centre-du-Québec 530 1 242 134 % Mauricie 485 1 234 154 % Chaudière-Appalaches 565 834 48 % Saguenay–Lac-Saint- 470 613 30 % Bas-Saint-Laurent 256 451 76 % Autres régions 387 553 43 % Total hors RMM 17 239 30 378 76 % Total Québec 104 937 170 234 62 % Jean Source : MICC, Direction de la recherche et de l’analyse prospective, traitement DPPIRRI. 14 Tableau 2: Immigrants admis au Québec par période de 5 ans, selon leur région de résidence Années d'admission 1996 à 2000 Immigrant résidant au Québec 104 937 Immigrants résidants hors RMM 17 239 En % résidants hors RMM janvier 16.4 % 2002 1997 à 2001 117 187 19 829 En janvier 16.9 % 2003 1998 à 2002 127 811 21 774 En janvier 17.0 % 2004 1999 à 2003 140 554 24 610 En janvier 17.5 % 2005 2000 à 2004 156 495 27 722 En janvier 17.7 % 2006 2001 à 2005 165 133 29 325 En janvier 17.8 % 2007 2002 à 2006 170 234 30 378 En janvier 17.8 % 2008 Source : MICC, Direction de la recherche et de l’analyse prospective L’un des défis de la régionalisation de l’immigration dans les régions hors de la région métropolitaine de Montréal demeure donc d’assurer l’intégration sociale des immigrants ce qui peut permettre leur rétention et leur attraction en région. 15 Les obstacles à l’intégration sociale des immigrants vivant hors de la région métropolitaine de Montréal Selon Simard et ses collaborateurs (1998), plusieurs obstacles nuisent à l’intégration des personnes immigrées vivant en dehors de la région métropolitaine de Montréal. C’est ainsi que les efforts à l’endroit de la « démétropolisation » des immigrants se heurtent au manque d’ouverture dont certains Québécois font preuve à l’égard des immigrants (Ibid., 1998). Pour sa part, le Conseil des communautés culturelles et de l’immigration critique la vision utilitariste de l’immigration qui est axée surtout sur les besoins du Québec et très peu sur ceux des immigrants (Bilge, 2003 : 137138). De plus, selon Simard et coll. (1998), la métropole exerce une attraction aux immigrants, car elle est dotée d’associations multiethniques autonomes les unes par rapport aux autres, tandis que les autres régions du Québec n’ont pas des coutumes en ce qui a trait à la gestion de la pluralité culturelle. Cela est dû, selon Vatz Laaroussi et coll. (1999, 15), au fait que les intervenants en région sont moins préparés et moins formés pour faire face à un échange interculturel et ils partageraient un certain nombre de stéréotypes avec leurs collègues de Montréal (par exemples : les méconnaissances, l’égocentrisme, l’ethnocentrisme et le sociocentrisme). Néanmoins, Viel (1990), considère que la régionalisation de l’immigration demeure une réalité bénéfique à la fois pour les résidants des régions et pour les immigrants. Cet auteur considère qu’il faut éviter la régionalisation de l’immigration dans trois types de régions (Viel, 1990 : 122) : les régions pauvres économiquement (ex. : Gaspésie), les régions 16 connaissant peu de mouvements de population (ex. : Côte-Nord), et les régions ayant un sentiment d’appartenance très développé (ex. : Témiscouata). Les régions ne présentent pas seulement des désavantages lorsque l’on aborde la question de l’immigration, car selon Griffin (1992, 123), dans ces endroits, l’intégration sociale des personnes immigrées (insertion et adaptation) en milieu scolaire se fait plus doucement en raison du nombre peu élevé d’étudiants intégrés simultanément. De plus, selon Simard et coll. (1998), les fonctionnaires provinciaux considèrent qu’en région, les nouveaux immigrés apprennent plus vite le français, car : « Ils sont dans le bain, et ils n’ont pas nécessairement accès à des services d’interprètes. » (Simard et coll., 1998 : 35) De plus, il semblerait qu’une institutionnalisation trop poussée de l’accueil des nouveaux venus est susceptible de nuire à l’intégration des immigrants (Simard et coll., 1998 : 71). Selon Nguyen Quy (1992 : 19), l’absence de services peut être considérée dans certains cas comme un stimulant intégrateur, car l’immigrant qui s’établit en région reçoit plus d’attention de la société d’accueil, sa période d’attente pour obtenir des cours de français est moins longue, et leurs enfants parviennent plus facilement à se faire des amis parmi leurs camarades de classe, ce qui facilite leur intégration dans la société hôte. En ce qui a trait aux défis de la rétention en région, différentes études ont démontré l’importance de l’adaptation réciproque des immigrants avec leur nouveau milieu de vie incluant leurs caractéristiques physiques, 17 géographiques, linguistiques et culturelles (Legault et coll., 2000 ; Renaud et coll., 2002). À ce sujet, Legault et coll. (2000) considèrent que l’adaptation des services sociaux et de santé aux besoins et à la réalité des immigrants nécessite la prise en considération des besoins de formation des intervenants, la présence de banques d’interprètes pour aider à l’intervention, des services spécialisés (pour les réfugiés par exemple) ou encore l’existence de médiateurs culturels qui aident à la relation entre les migrants et les institutions locales (l’école, le CLSC). Pour leur part, Routhier (1999) et Dansereau (2001) soutiennent que seule la création de liens sociaux forts avec les résidants locaux natifs du Canada est garante de l’adaptation des immigrants en région. À ce propos, Lebel-Racine (2008) suggère que : « Les immigrants et les natifs doivent parvenir, ou à tout le moins aspirer, à une réciprocité des apports » (Lebel-Racine, 2008 : 25). Personnes âgées immigrantes et intégration sociale Les problèmes d’adaptation culturelle toucheraient davantage certains groupes vulnérables, entre autres, les nouveaux arrivants, les jeunes nés au Québec de parents immigrants, les femmes parrainées qui ont de jeunes enfants et la population des personnes âgées, en particulier les aînés qui ne parlent ni français ni anglais et ceux qui ne sont pas du tout intégrés au sein de leur famille ou qui ont été rejetés par cette dernière. (CRI, 2007). Comme dans la plupart des pays développés, l’on assiste au Canada à une augmentation du pourcentage des personnes âgées et en particulier la catégorie des personnes âgées provenant de communautés ethnoculturelles avec des profils différenciés. C’est ainsi qu’en 2001, 12,2 % de la population 18 canadienne était âgée de 65 ans et plus (Douglas, 2008 : 40) dont la majorité (75 %) était constituée de femmes (Douglas, 2008 : 40). Chez la population des immigrants, le pourcentage de personnes âgées de 65 ans et plus était de 19 % (Douglas, 2008 : 40). Par contre au Québec, la proportion de personnes âgées nées au Québec a augmenté entre 1971 et 2001 passant de 79,4 % à 81,5 % (ISQ : 2004, 8), tandis que la proportion des personnes âgées qui sont nées ailleurs qu’au Canada a légèrement baissé passant de 4,6 % à 4,1 % au cours des mêmes années (ISQ, 2004 : 8). Malgré la baisse de ce dernier pourcentage, le vieillissement des personnes immigrantes pose, aux gouvernements fédéral et provincial et à leurs institutions, plusieurs défis dans différentes sphères de fonctionnement de la société. Entre autres, celui de tenir compte dans l’organisation et la prestation des services de santé et sociaux de la diversité qui existe au sein de la population des personnes âgées tant en matière d’âge, de capacités physiques ou cognitives que d’origine ethnique. De plus, ces instances doivent encourager l’instauration de pratiques professionnelles qui tiennent compte des besoins sociaux, culturels, économiques, physiques, émotionnels et spirituels des personnes âgées provenant de communautés ethnoculturelles et trouver divers moyens de susciter la participation de tous les aînés au sein de leur collectivité, et ce, indépendamment de leur origine ethnique, de leurs coutumes et de leur culture. En ce qui a trait à la gestion de la diversité culturelle en matière de santé et de vieillissement, des changements concernant les politiques et les pratiques de santé se sont opérés graduellement. À ce propos, en 1985 dans 19 un mémoire présenté devant le sous-comité sur les droits à l’égalité de la Chambre des communes, le Conseil canadien ethnoculturel écrivait : « Des efforts intenses pour améliorer la planification, et pour coordonner et intégrer les services sont déployés. Mais ce qui manque, du moins en ce qui concerne les orientations de politique globale, c’est l’attention à la culture comme facteur important dans l’équité d’accès au système de services sociosanitaires » (ACCÉSSS, 2000 : 96). C'est à la même époque qu'a été mis sur pied le Conseil canadien sur la santé multiculturelle, qui comporte plusieurs sections provinciales : « The Canadian Council on Multicultural Health » - (CCMH/CSSM). Depuis 1989, le CSSM a organisé plusieurs conférences nationales sur le multiculturalisme et les soins de santé et des ateliers nationaux sur l’ethnicité et le vieillissement. À ce propos, on peut mentionner les initiatives suivantes : en 1988, le CCMH/CSSM a organisé l’Atelier national sur l’ethnicité et le vieillissement. Le rapport qui découle de cet événement identifie plusieurs problèmes que rencontrent, au Canada, les personnes âgées membres de groupes ethnoculturels, entre autres : 1) le sentiment de ne pas être comprises ou pleinement intégrées dans la société canadienne ; 2) les barrières d’accès aux ressources et aux services en raison de difficultés linguistiques ; 3) le manque d’information concernant les problèmes communs ; 4) le manque d’accès aux informations en ce qui a trait aux ressources et aux services disponibles ; 5) le manque de moyens pour être financièrement indépendantes de leur famille et 6) le manque d’accès à des 20 services appropriés leur permettant de demeurer dans la communauté lorsqu’elles perdent un niveau suffisant d’autonomie (ACCÉSSS, 2000) . C’est à partir de 1986 que le gouvernement québécois accorde un intérêt aux personnes âgées immigrées. Parmi les initiatives instaurées par ce gouvernement, on peut faire référence au Rapport Sirros (1986) et au document intitulé « La santé mentale et ses visages, un Québec pluriethnique au quotidien » (1992). Ainsi, en 1986, le Rapport Sirros a souligné l'inadéquation des services aux besoins des personnes âgées provenant de communautés ethnoculturelles. Ce rapport souligne également qu'étant généralement gardées en milieu familial, les personnes âgées provenant de communautés ethnoculturelles ne bénéficient pas de services de soutien pour les sortir de leur isolement, faisant particulièrement face à des barrières linguistiques et culturelles. Ce rapport reconnaît donc la vulnérabilité de cette catégorie de personnes immigrantes, notamment, leurs difficultés d'adaptation ; et par le fait même, reconnaît la présence de lacunes dans le système de santé et de services sociaux (ACCÉSSS, 2000 : 105). Pour sa part, en 1992, le Groupe de travail sur la santé mentale au Québec émet deux recommandations dont le but vise à mieux répondre aux besoins des personnes immigrantes. La première de ces recommandations est destinée aux professionnels intervenant auprès des personnes âgées appartenant à des familles néo-québécoises. Les membres de ce groupe de travail leur suggéraient alors : 21 « D'approfondir leurs connaissances des structures et de la dynamique familiale propre à différents groupes ethniques, de façon à pouvoir identifier adéquatement les problèmes spécifiques qui se posent aux enfants, adolescents, femmes et hommes adultes, et personnes âgées dans diverses communautés » (ACCÉSSS, 2000 : 107). La deuxième recommandation est destinée aux responsables du programme de soutien aux organismes communautaires du MSSS et aux régies régionales (appelées maintenant agences de santé et de services sociaux) et il est alors suggéré de : « Soutenir prioritairement les organismes familiaux ethniques, qui travaillent auprès des personnes et groupes les plus vulnérables connaissantes des (adolescents problèmes, en difficulté, personnes femmes âgées), en s'appuyant sur le réseau familial et communautaire et en s'articulant sur les divers services publics » (ACCÉSSS, 2000 : 107) Devant l’allongement de l’espérance de vie des individus, l’augmentation du nombre des personnes âgées et l’augmentation du risque des maladies chroniques, il faut s’attendre au cours des prochaines années à une augmentation de la demande de soins de longue durée pour l’ensemble des personnes âgées, y compris les personnes âgées immigrantes. D’ailleurs, 22 les prévisions actuelles indiquent qu’il faudra héberger entre 560 000 à 740 000 personnes âgées dans les CHSLD d’ici l’an 2031 (AIIC, 2004 : 1). Malheureusement, selon le CCNTA (2006), certaines lacunes caractérisent l’offre de services dans ce type d’établissement : fonds publics et moyens financiers insuffisants ; coûts inégaux et prestations inégales de soins ; manque de contrôle quant à la qualité des services offerts ; manque de respect envers les résidants, atteinte à la dignité, à la liberté de choix des aînés et manque de considération envers les bénévoles et les proches des personnes hébergées. Actuellement, la situation des personnes âgées vivant dans les CHSLD et les résidences privées du Québec semble donc critique (Carpentier, 2002). De plus, depuis 1980, le gouvernement québécois est engagé dans une politique de désinstitutionalisation publique en faveur d’une prise institutionnelle privée « responsabilité individuelle » et une politique de maintien à domicile « solidarité communautaire » (Charpentier, 2002). Ces orientations ont contribué à réduire le nombre de CHSLD, à diminuer la durée de séjour dans les unités de soins de longue durée et donc à augmenter l'efficience des lits en CHSLD (Charpentier, 2002). Pour leur part, les ressources d’hébergement privées (Charpentier, 2002) éprouvent des difficultés sur le plan de l’homogénéité des différentes formes d’accréditation ainsi que des problèmes d’autofinancement. Les personnes âgées provenant de communautés ethnoculturelles et leurs proches ont des valeurs, des croyances et des comportements qui 23 diffèrent des autres groupes ethniques dominants. Certains facteurs de risque peuvent ruiner les efforts d’intégration des personnes âgées provenant de communautés ethnoculturelles dans les CHSLD. Parmi ces facteurs figurent la différence culturelle, la langue et les habitudes alimentaires (CDPDJ, 2001). De plus, les personnes âgées provenant de communautés ethnoculturelles, comme toute autre personne âgée, peuvent éprouver différentes sortes de pertes : financières (le revenu, des épargnes, des dépenses de santé), physiques (la force, l'audition, l'observation, la mobilité), émotionnelles (le pays, la famille, des amis, la mort, l'isolement, la solitude) et cognitives (la mémoire, le contrôle cognitif, les émotions). Ces pertes peuvent accentuer chez les aînés immigrants, les différenciations entre les usagers ; les amener à des situations d’incompréhension et à favoriser les possibilités d’ethnocentrisme culturel et la discontinuité des échanges relationnelle avec leurs pairs et avec l’ensemble du personnel (Berdes, 2001). Par conséquent, l’hébergement des personnes âgées immigrantes, dans les CHSLD, peut conduire à des situations d’isolement culturel (dû aux barrières linguistiques), d’isolement psychosocial (manque de relations entre une personne ou un groupe social) et au manque de congruence entre les besoins personnels culturellement définis et les caractéristiques environnementales des CHSLD. L’impact de ces facteurs peut varier selon le type d’immigration (regroupement familial, immigration économique, réfugiés) et le pays d’origine (Battaglini et coll., 2000 : 59). Ces diverses situations imposent aux intervenants dans les CHSLD d’être bien informés, compréhensifs et sensibles aux besoins individuels et culturels de la population des personnes âgées provenant de communautés 24 ethnoculturelles. Ces efforts permettront aux intervenants dans les CHSLD de satisfaire les besoins des personnes âgées provenant de communautés ethnoculturelles et de reconnaître les divergences ethniques et culturelles. De plus, des politiques et des programmes individualisés peuvent ajouter une meilleure compréhension aux besoins des personnes âgées immigrées et peuvent réduire les obstacles quant à la fourniture de services et de soins de qualité. Toutefois, les intervenants œuvrant au sein des CHSLD, en particulier ceux qui travaillent dans les CHSLD pluriethniques font face à nombreux défis. Parmi ces défis, l’on peut mentionner certaines particularités de la pratique en contexte pluriethnique (Begin, 1999 : 87) telles que l’ambiguïté de la relation et de la communication avec les clients, la complexité des interventions et des problèmes rencontrés qui sont souvent nouveaux et inconnus et l’inconfort devant la différence. Ces différents défis peuvent colorer la perception de l’intervenant à propos de la situation d’isolement des personnes âgées provenant de communautés ethnoculturelles dans les CHSLD et cela, à plusieurs niveaux institutionnels (Patricia, 2003 : 45) : méso, micro, et macro. La dimension micro institutionnelle renvoie aux habitudes de vie des personnes âgées immigrées. La dimension méso institutionnelle fait référence à la qualité de vie offerte dans le CHSLD, tandis que la dimension macro institutionnelle fait référence à la compétence culturelle des intervenants. Dans ce contexte, il demeure pertinent de réaliser une étude sur les perceptions de personnes immigrantes vieillissantes (50 ans et plus) concernant les défis que pourrait poser leur propre intégration sociale dans les CHSLD ou dans les résidences privées pour aînés ainsi que les types de soins, d’aide et de maintien de l’autonomie qui devraient être idéalement 25 offerts dans ces deux types de milieu de vie afin de répondre adéquatement aux besoins culturels des immigrants. C’est pourquoi la présente étude cherche à atteindre les objectifs suivants : 1. Recueillir le point de vue de personnes immigrantes âgées de 50 ans et plus sur leurs attentes et leurs appréhensions quant à leur propre placement en CHSLD ou dans des résidences privées pour personnes autonomes ou en perte d’autonomie. 2. Documenter la perception qu’ont ces répondants sur le niveau actuel de compétence culturelle des CSSS, des CHSLD et des résidences privées situés sur le territoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour répondre adéquatement aux besoins des résidants provenant de communautés ethnoculturelles. 3. Identifier les mesures que ces répondants proposent pour faciliter l'intégration sociale des résidants provenant de communautés ethnoculturelles dans ces deux types de milieu de vie. 26 ÉTAT DES CONNAISSANCES 27 Ce second chapitre présente, d’une part, les principaux concepts à l’étude et, d’autre part, fait la synthèse du vécu des P.A.I. vivant en CHSLD, de leur intégration sociale dans ce genre de milieu de vie et des mécanismes ou moyens mis en place par les institutions pour faciliter leur intégration sociale. Définition des principaux concepts de l'étude Dans cette étude, les concepts qui font l’objet d’une définition sont : Les personnes âgées immigrées, les centres d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), les résidences privées, l’intégration sociale, La qualité de vie et La compétence culturelle. Personnes âgées immigrées La population des personnes âgées immigrées représente un sousgroupe de la population des personnes immigrées qui ne sont pas nées au Canada. Leur présence dans la société canadienne est déterminée par certains critères. L’Acte d’immigration établissait en 1976 trois catégories de personnes âgées immigrées (Azuelos et coll., 2004 : 293) : la catégorie des personnes indépendantes (entrepreneurs, investisseurs et travailleurs autonomes) ; la catégorie des réfugiés qui s’applique aux personnes exposées à une situation de détresse dans leur pays d’origine et ; la catégorie famille ou de réunification familiale3. Selon le Conseil consultatif national 3 Tout (e) citoyen (ne) ou résident (e) d’au moins 19 ans, peut se porter garant (e) d’un parent appartenant à la catégorie famille, c’est-à-dire tout membre de la famille immédiate ou personne à charge, y compris les parents et les grands-parents. 28 sur le troisième âge (2005 : 2), les personnes âgées immigrées désignent les personnes suivantes : « • Aînés dont l'ethnie, la religion, la race ou la culture diffère de celle de la majorité des Canadiens • immigrants ayant vieilli au Canada • aînés ayant immigré au Canada à un âge tardif ». Les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) Le CHSLD est une structure sociosanitaire destinée aux personnes âgées qui en raison de leurs pertes d'autonomie fonctionnelles ou psychosociales ne peuvent plus demeurer dans leurs milieux de vie naturelle, malgré le soutien de leur entourage (MSSS, 2003 : 1). Le CHSLD est un milieu de vie substitut qui vise à soigner les personnes âgées et de leur permettre de se maintenir dans le meilleur état de santé possible (MSSS, 2003 : 2). Dans les CHSLD, les personnes âgées jouissent des services d'hébergement, d'assistance, de soutien et de surveillance ainsi que des services de réadaptation, psychosociaux, infirmiers, pharmaceutiques et médicaux (MSSS, 2003 : 3-5). Au Québec, au 31 mars 2008 : « En regroupant les lits dressés pour de l’hébergement dans les CHSLD publics et privés conventionnés, le Québec disposait de près de 166 000 places d’hébergement, dont 29 56 % étaient situées dans la région de Montréal et ses régions périphériques. 3,7 % au total des personnes âgées vivent en CHSLD » (MSSS, 2008 : 6). Plus du tiers des personnes qui vivent en CHSLD est âgé de 85 ans et plus (38 %) alors que le groupe de personnes âgées de 65 à 74 ans représente 16 % de la clientèle. (MSSS, 2008 : 7). La majorité des aînées (72 %) sont des femmes (MSSS, 2003 : 6). L’observation des données relatives aux admissions effectuées au fil des dernières années montre une évolution importante des diagnostics reliés aux déficits cognitifs, une multiplication des problèmes graves de santé physique, souvent concomitante et une augmentation des incapacités motrices, principalement des limitations à la marche et aux déplacements (MSSS, 2003 : 7-9). Cette situation implique que les CHSLD doivent combler pour leur clientèle, non seulement des besoins fondamentaux (physiologiques, de sécurité, d’appartenance et de reconnaissance), mais aussi des besoins particuliers et personnalisés (déficiences et incapacités en fonction de la tranche d’âge, le genre et la race). En raison de la mondialisation de l’économie et de l’accroissement du nombre de personnes âgées, la société québécoise a assisté au cours des dernières années à d’importantes réformes qui ont modifié la mission du CHSLD, leur philosophie et leur fonctionnement (voir Tableau 3). En effet, au début du siècle, les hospices étaient les établissements qui recevaient et prenaient soin des vieillards « pauvres et indignes » (Charpentier, 2002 : 13). À partir de 1940, les centres d’accueil se présentaient comme la réponse idéale aux besoins des personnes âgées pensionnées. Ces institutions 30 accueillaient alors tout autant des personnes âgées autonomes que celles présentant de légères ou moyennes pertes d’autonomie (Roy, 1996 : 34). Dans la foulée de la Commission d'enquête sur la santé et le bien-être social (Castonguay-Nepveu, 1970), le Québec a assisté au développement d’un réseau d’hébergement public destiné spécifiquement aux personnes âgées. Aujourd’hui, les places en centres d’hébergement sont de plus en plus réservées aux personnes âgées vivant une lourde perte d’autonomie (Charpentier, 2002 : 16). 31 Tableau 3 : Contexte social, perception de la vieillesse et type d'hébergement au XXe siècle, selon les périodes 1900-1940, 1940-1980 et 1980-2000 Période 1900 à 1940 : 1940 à 1980 : 1980-2000 : les suites de l’institutionnalisa le maintien à l’enfermement tion domicile, la privatisation et la désinstitutionnalisation Contexte L’ère de la charité L’ère de l’État- L’ère de la social privée et chrétienne providence transformation de famille – paroisse : étatisation des l’État partage des piliers de l’aide aux services et des responsabilités démunis institutions privé-public La vieillesse, La vieillesse, enjeu Perception La vieillesse n’est de la pas un enjeu social reconnue social, est associée vieillesse faible longévité socialement, est au problème de la après 60-70 ans « gérée dépendance famille élargie collectivement » population âgée multi-génération sensibilité au sort de 75 ans et + des aînés rôle accru de la universalité des famille pensions au problème de la dépendance 32 Tableau 3 (Suite): Contexte social, perception de la vieillesse et type d'hébergement au XXe siècle, selon les périodes 1900-1940, 1940-1980 et 1980-2000 Ressourc L’hospice : Le centre La résidence es en ressource de type d’accueil : privée : ressource institution à but publique lucratif en pleine hébergem « totalitaire » pour ent personnes âgées pauvre et abandonné d’homogénéisation expansion et en enfermement des personnes marge différencié âgées du réseau public ressource privées création du réseau taux (religieuses) public d’institutionnalisa d’institutions tion professionnalisatio politique de n des services maintien à domicile Source : Charpentier (2004) Résidence privée Ce terme fait référence à un immeuble d'habitation collective où sont offerts, moyennant le paiement d'un loyer, des chambres ou des logements destinés à des personnes âgées et une gamme plus ou moins étendue de services, principalement reliés à la sécurité et à l'aide à la vie domestique ou à la vie sociale. Les résidences privées ne sont pas rattachées à un 33 établissement du réseau de la santé (MSSS, 1994). Les résidences répondant à cette définition regroupent, entre autres, les résidences privées à but lucratif et les résidences privées à but non lucratif (MSSS, 2002). L’article 346.0.1 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux définit les résidences pour personnes âgées de la façon suivante : « Une résidence pour personnes âgées est un immeuble d'habitation collective où sont offerts, contre le paiement d'un loyer, des chambres ou des logements destinés à des personnes âgées et une gamme plus ou moins étendue de services, principalement reliés à la sécurité et à l'aide à la vie domestique ou à la vie sociale, à l'exception d'une installation maintenue par un établissement et d'un immeuble ou d'un local d'habitation où sont offerts les services d'une ressource intermédiaire ou d'une ressource de type familial. » (Éditeur officiel du Québec : 2011). Selon l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal (2009), on distingue deux catégories de résidence pour personnes âgées : 1) Les résidences avec services d’assistance personnelle : Les résidences offrant l’un des cinq services suivants se retrouvent dans cette catégorie : soins d’hygiène, aide à l’alimentation, mobilisation, transferts, distribution de médicaments. 2) Les résidences sans service d’assistance personnelle: Les résidences n’offrant aucun service d’assistance personnelle se retrouvent dans cette catégorie. À noter que le propriétaire de la résidence pour personnes âgées 34 doit indiquer dans sa documentation qu’il n’offre aucun service d’assistance personnelle. Intégration sociale Le terme « intégration » provient du concept latin « integrare » (Nodier et coll., 1852 : 572), qui veut dire « rendre entier » et « construire une totalité ». Cela suppose que tous les membres du groupe fassent partie intégrante du groupe. Cette idée renvoie à la conception de Durkheim sur l’intégration (1893-1897). Selon Durkheim (Fortin, 2000 : 2-3), l’intégration est une propriété de la société elle-même. Elle permet à une société d'exister comme une unité cohérente malgré les différences entre individus, et plus une société est « intégrée » (en opposition à anomie), plus elle est à même d'agir comme pôle intégrateur. Selon Durkheim (Alaszewski, 1995), l'intégration ne va pas de soi et implique un long travail de la société sur les individus. Le concept « intégration » s'apparente à celui de l'insertion. Selon Le Grand dictionnaire terminologique (LGDT), l'insertion correspond à « l'introduction d'un individu ou d'un groupe dans un milieu nouveau pour lui » (LGDT), tandis que l'intégration est « l’adaptation à l’environnement social, dans un environnement non seulement de relation, mais d’appartenance » (Labous, 2005 : 130). Cette définition fait référence à l’intégration normative appréhendée par T. Parsons et est fondée sur le degré de conformité aux normes collectives : 35 « Les actions individuelles se confrontent généralement à des statuts et à des rôles qui sont fortement connotés par les normes et par les valeurs dominantes, assurent ainsi l’intégration des individus au système et le maintien d’un système intégré » (Lienard, 2001 : 25). Le mot « intégration » s’apparente également à celui d’inclusion. Le mot inclusion renvoie à la simple présence d'un ensemble dans un ensemble plus vaste, sans aucune interaction : « Minéral ou cristal inclus dans un minéral appelé minéral hôte » (LGDT) tandis que le terme intégration est englobant et suppose une interrelation et une interdépendance entre les éléments du groupe (Zay, 1981 : 248). Cette idée remet en question les limites de la notion d’assimilation qui ont été avancées par l’école de Chicago dans les années 1920, où certains individus du groupe sont placés dans une position minoritaire et les autres qui correspondent au tout englobant, dans une position majoritaire (Fortin, 2000 : 4). À ce propos, De Rudder (1995) a évoqué que l'intégration est à la fois exigée des immigrants et leur est refusée. Elle est exigée d'eux parce qu'elle conduirait à leur conformité sociale en même temps qu'elle leur est refusée parce qu'ils ne sont pas des nationaux, ou qu'ils ne le sont pas par naissance (Neveu, 2003 : 25). Au Québec, le ministère des Communautés culturelles et de l’Immigration a attribué trois éléments caractérisant le processus d’intégration : 36 « Il touche toutes les dimensions de la vie collective ; il nécessite non seulement l’engagement de l’immigrant luimême, mais également celui de l’ensemble de la société d’accueil et il s’agit d’un processus d’adaptation à long terme qui se réalise à des rythmes différents » (MCCIQ, 1991 : 50). Selon Fortin (2000), ce concept est un processus qui touche des dimensions identitaires et sociales, qui suscite la participation économique, politique, sociale et est modulé par les institutions formelles et informelles présentes dans une société donnée. Compétence culturelle Le champ de la compétence culturelle dans les établissements de soins médicaux et de services sociaux a été défini comme celui qui reconnaît et intègre, à tous les niveaux, l'importance de la culture, de l'évaluation des relations interculturelles, la vigilance envers les dynamiques qui découlent de différences culturelles, l'élargissement des connaissances culturelles et l'adaptation des services pour répondre à des besoins culturels (Betancourt et coll., 2003 : 294). Un système culturellement compétent repose également sur une prise de conscience de l'intégration et de l'interaction des croyances et des comportements de la santé, la fréquence de la maladie et ses conséquences et des résultats des traitements pour différentes populations de patients (Lavizzo et coll., 1996). En outre, le champ de la compétence culturelle a reconnu des défis inhérents dans la tentative de dégager les 37 facteurs « sociaux » (par exemple, le statut socio-économique, les facteurs de risque environnemental) des facteurs « culturels » vis-à-vis leurs répercussions sur le patient (Green et coll., 2002). La compétence culturelle dans le domaine des soins de santé et des services sociaux nécessite la compréhension de l'importance des influences sociales et culturelles sur les croyances et sur les comportements de la santé des patients : celle-ci tient compte des facteurs qui agissent l'un sur l'autre au niveau de la livraison de soins de santé (par exemple, sur le plan des processus structurels de soins ou de prises de décisions cliniques). Dans la conception d’interventions, elle prend en considération ces issues pour assurer à diverses catégories d’usagers la livraison de soins de santé et de services sociaux de qualité (Betancourt et coll., 2003 : 297). Dans les CHSLD, la compétence culturelle inclut des interventions organisationnelles, structurelles et cliniques (Betancourt et coll., 2003 : 297). Au niveau organisationnel, ce sont des efforts qui permettent d'assurer que le personnel du CHSLD soit diversifié et représentatif de la composition culturelle et ethnique des usagers (Tirado, 1996). Sur le plan structurel, ce sont des initiatives qui permettent d'assurer des développements structurés des CHSLD et qui garantissent le plein accès à des services de qualité pour tous ses usagers (Lavizzo et coll., 1996). Sur le plan clinique, la compétence culturelle se traduit par des efforts qui permettent d'augmenter les connaissances des intervenants concernant la relation qui existe entre les facteurs socioculturels, les croyances et les comportements de santé. De plus, elle permet d’équiper les intervenants d’outils et d’habiletés qui 38 permettent de gérer ces facteurs convenablement en assurant la livraison de soins médicaux et de services sociaux de qualité (Tervalon et coll., 1998). Ces différents types d’interventions rejoignent la composante « actualisation du potentiel » du modèle conceptuel proposé dans le rapport du groupe du Rapport Pelletier en 1991. L'actualisation du potentiel dans le CHSLD contribue à favoriser alors une qualité de vie optimale. Qualité de vie La notion de la qualité de vie renvoie à l'approche de Maslow (1954) décrivant les conditions de la vie optimale pour chaque individu par référence à une pyramide des besoins (De Coster, 1999 : 165). La pyramide des besoins fait apparaître des besoins physiologiques et psychologiques (De Coster, 1999 : 165). Selon Maslow (De Coster, 1999 : 165), l’accomplissement de ces besoins assure la satisfaction de l’individu et rend sa vie significative. Selon cette approche, la qualité de vie est le degré de capacité de l'environnement de fournir les ressources nécessaires pour satisfaire les besoins de l’individu (De Coster, 1999 : 165). L’approche de Maslow permet de tenir compte des éléments tant objectifs que subjectifs qui couvrent plusieurs dimensions de la vie des personnes âgées vivant dans un CHSLD. On peut mentionner la santé physique, le bien-être psychosocial, le fonctionnement, l'indépendance, le contrôle de la vie et des circonstances matérielles et l'environnement externe (Bowling et coll., 2007). La mesure de qualité de la vie a été critiquée par plusieurs auteurs, car l’on considérait que l’on se concentrait trop sur la santé ou sur des indicateurs économiques et trop peu sur la façon dont les gens perçoivent eux-mêmes et définissent 39 leur propre qualité de vie (Bowling¸ 1991 ; Walker et coll., 2000). Afin de dépasser ces limites, Lawton (1983) mentionne, entre autres, l'importance des composantes sociales, psychologiques et spirituelles dans le concept de qualité de vie. Le Rapport Pelletier, publié en 1991, considère que les établissements d’hébergement qui offrent une qualité de vie aux personnes qui y vivent sont les institutions qui abordent les personnes avec respect et comme des individus différents les uns des autres, de sorte que celles-ci conservent leur dignité et maintiennent leurs caractéristiques uniques. Ces établissements reconnaissent également la capacité de libre choix des personnes de manière à ce qu'elles puissent continuer à exercer un contrôle sur les aspects importants de leur vie personnelle et ce, malgré les handicaps liés à la perte d'autonomie et les contraintes de la vie en institution. Le fait de permettre aux personnes d'avoir du temps pour faire ce qu'elles veulent sans être dérangées par les autres et de recevoir des soins corporels d'un intervenant du sexe de leur choix est aussi considéré comme des caractéristiques fondamentales que doivent avoir les CHSLD pour assurer une qualité de vie à leurs résidants. Les milieux de vie doivent également être sécuritaires et prévoir des mécanismes permettant aux usagers de faire valoir leurs intérêts ou d'exprimer des plaintes sans avoir peur des représailles. Dans la recherche gérontologique, les approches dominantes de l'évaluation de la qualité de vie des personnes âgées ont tendance à les traiter comme un groupe homogène et ne tiennent pas compte des différences selon l'âge, le sexe et l'origine ethnique (Walker, 2002). Pour réaliser notre étude, nous retiendrons la conception de la qualité de vie telle qu’énoncée dans le 40 Rapport Pelletier (MSSS, 1991) et bonifiée avec la conception de Snyder (1982) relative à « un environnement culturellement sensible » (1982). Pour créer des environnements culturellement sensibles dans des établissements de soins de longue durée, Snyder suggère de créer « des environnements qui sont compatibles avec les anciens styles de la vie des résidants » (1982 : 24). À ce propos, Snyder souligne l'importance du type d'aménagement du paysage, les dispositions de jardins et la présence des décorations spéciales. Afin de répondre aux besoins culturels des personnes âgées durant les activités quotidiennes, Snyder suggère de se concentrer sur des considérations telles que le style des vêtements et les préférences des P.A.I. en ce qui a trait à des activités culturellement compatibles (1982 : 26). D'autres moyens incluent des préférences culturelles des P.A.I. dans les produits alimentaires et dans les types de relations formées « avec des parents, des amis, des voisins et le personnel soignant » (Snyder, 1982 : 24). Également, Snyder mentionne que la reconnaissance de l'influence des croyances culturelles sur la santé, la maladie et les traitements offerts peut fournir une base pour la communication entre le personnel et les résidants (Snyder, 1982 : 19). Alors les prochaines sections de cet état des connaissances traitent les principaux facteurs de risque qui ont des répercussions sur l’intégration des P. A.I. dans leur société d’accueil, dans le CHSLD et dans les résidences privées. L’intégration sociale des P.A.I. dans leur société d’accueil À la lumière des écrits scientifiques existants, il est possible d’examiner l’intégration des P.A.I. dans leur société d’accueil selon les 41 dimensions suivantes : l’intégration sur le marché du travail, l’intégration sociale, l’intégration dans la société civile, l’intégration psychologique et la conscience subjective de l’intégration. L’intégration sur le marché du travail Les études démontrent que généralement les P.A.I. qui désirent occuper un emploi rémunéré ont éprouvé des difficultés à se tailler une place sur le marché du travail, que leur revenu n’atteint pas la moyenne canadienne et qu’elles sont exposées à des situations de dépendance et de précarité (l’ACCÉSSS, 2007:12). Selon les données du recensement 2001, le taux d’emploi des femmes immigrantes âgées de 65 ans, arrivées avant 1961, était de 3,7 % et de 6,6 % pour celles qui étaient arrivées entre 1996 et 2001. Toutefois, chez les hommes immigrants âgés, ce taux est demeuré plus au moins stable à 11,2 %, sans que la période d’arrivée fasse varier leur taux d’emploi (Conseil de relations interculturelles, 2005). Par conséquent, en ce qui a trait à leur revenu, il y a des différences importantes entre les personnes âgées immigrantes. C’est ainsi que selon l’ACCÉSSS (2007:12), les P.A.I. qui sont arrivées au Canada avant les années 1980 touchaient, en 2001, un revenu moyen jugé raisonnable, comparable à celui du groupe des personnes âgées du groupe dominant, tandis que celles arrivées dernièrement ne comptent que sur un très faible revenu. Cette situation oblige les P.A.I. récemment arrivées de travailler, sinon de demander l’aide de dernier recours, dont l’aide sociale (ACCÉSSS, 2007:12). Pour leur part, les P.A.I. parrainées sont entièrement dépendantes 42 de leurs enfants pour une période de 10 ans et il est probable selon l’ACCÉSSS (2007) qu’une partie de cette population survit avec un revenu annuel équivalant ou en dessous du seuil de la pauvreté qui, en 2003, était pour le Québec de 10 800 $ pour une personne seule (ACCÉSSS, 2007:12). De plus, selon Statistique Canada (2001), environ 14 % de la population âgée immigrante ne parlait aucune des langues officielles, ce qui représente un obstacle important pour intégrer sur le marché du travail et pour obtenir des informations sur les divers services auxquels ces personnes ont droit. Selon le Conseil de relations interculturelles (2005), cette situation est plus présente chez les femmes âgées. L’intégration sociale L’intégration sociale renvoie aux réseaux relationnels et aux ressources que les P.A.I. développent dans la société d’accueil comme le soutien familial, les nouvelles amitiés et les rapports de voisinage. Selon Connell et coll. (1997), les familles provenant des minorités culturelles assument plus souvent le soutien aux personnes âgées ayant des incapacités que les personnes provenant du groupe dominant. Cela peut être expliqué par une grande valorisation des liens familiaux et de l'entraide, une certaine méfiance envers l’environnement extérieur et une identité fondée sur la famille plutôt que sur l'individu (Luna et coll., 1996). Ainsi, selon Wilmoth (2001), les personnes des minorités culturelles vivraient davantage avec des membres de leur famille étendue, surtout si elles sont d’immigration récente. Ces familles valoriseraient la responsabilité familiale dans l'aide et les soins aux proches ayant des incapacités (Chiu et coll., 2001). 43 La recherche de Meintel et coll. (1993) montre, quant à elle, que la migration signifie, pour plusieurs immigrantes, une intensification du travail domestique dès lors que les réseaux d'entraide qui les soutenaient dans leur pays d'origine ne sont plus là. Sur un autre registre, Holmes (1995), de même que Meintel et coll. (1983), soutiennent que le parrainage instaure, pour sa part, un lien de dépendance des parents à l'égard de ceux qui les ont parrainés. Toutefois, lors du processus d’adaptation des P.A.I. dans leur pays d’accueil, l’unité familiale peut représenter une source de stress (Connell, 1997). Certaines unités familiales accroîtraient le potentiel de fragilisation des P.A.I. (Connell, 1997) et la redéfinition des rôles et des statuts conjugaux ainsi que l’arrivée involontaire des parents âgés peuvent faire en sorte que les P.A.I. éprouvent des craintes (Connell, 1997). De plus, la présence de fossé générationnel et la présence de problèmes d’ordre économique placent les familles immigrantes récemment arrivées sont parmi les plus pauvres et l’augmentation de l’espérance de vie des personnes âgées fait en sorte de fragiliser les P.A.I. (Connell, 1997). Par ailleurs, Dansereau et ses collaborateurs (1995), dans une étude portant sur la cohabitation interethnique dans 13 Habitations à loyer modique (HLM) situés dans les principales agglomérations du Québec, ont identifié la présence de tension et de conflits entre des ménages appartenant à divers groupes d'origines ethniques qui se manifestent de diverses façons dont un silence hostile, une opposition manifeste, l'altercation, l'intimidation, le harcèlement et la formulation répétée de plaintes auprès des autorités (Dansereau et coll., 1995). 44 L’intégration dans la société civile S’intégrer dans une communauté peut se concrétiser par de l’implication sociale auprès de divers organismes. À ce sujet, Nduwimana, et coll. (1995), dans une étude réalisée auprès de personnes âgées autonomes appartenant à différents groupes ethniques francophones, a démontré, qu’à Ottawa, ces personnes participent moins aux divers comités d’organismes communautaires francophones que les personnes âgées de souche parlant la même langue à la maison. Toutefois, au Québec, Meintel et coll. (1993), ainsi que Chan (1983), ont souligné l'importance des organismes communautaires ethnoculturels dans la vie des femmes âgées immigrées d'origines italienne, portugaise et chinoise. Ces organismes offrent des activités de socialisation et des activités éducatives (cours d'alphabétisation et de francisation), permettant à ces personnes de se valoriser et de maintenir leur sentiment de faire partie de leur communauté et de la société québécoise. Meintel et coll. (1993) ont également démontré que plusieurs femmes âgées immigrées participent aux activités de bénévolat organisées par les organismes de leur groupe culturel et que beaucoup d'entre elles continuent à rendre différents services aux membres de leur famille (Meintel et coll., 1993 : 45). Les organismes communautaires constituent donc une source de valorisation pour ces femmes tout en induisant chez elles le sentiment d’être partie prenante de la société et de leur communauté. Malheureusement, dès que les personnes âgées perdent leur autonomie, les organismes ne pourraient plus généralement répondre à leurs besoins (ACCÉSSS, 2007). 45 L’intégration psychologique À mesure que la présence des P.A.I dans la société d’accueil se prolonge, ces personnes peuvent se replier sur leurs propres caractéristiques importées de leur pays d’origine. À ce propos, Linn et coll. (1985) ont évoqué le manque d’ajustement psychosocial chez certaines P.A.I. qui se manifeste par une moins grande participation sociale, des dysfonctions sociales importantes, la présence de manifestations dépressives et une faible estime de soi. Pour leur part, Beiser et coll. (1988) considèrent que certaines P.A.I. éprouvent une difficulté d’adaptation sur le plan des rôles et des statuts généralement accordés aux aînés. En effet, les P.A.I. doivent non seulement faire face à un nouvel entourage, mais aussi à un milieu culturel souvent différent. En plus, selon ACCÉSSSS (2007 : 21), les P.A.I. souffrent du rétrécissement de leur place et du déplacement de leur rôle familial et social tel qu’il était dans leur pays d’origine. Cela est dû, entre autres, à la dépendance des aînés envers les membres de leur famille et du peu d’autorité et d’influence qu’ils ont sur leurs petits-enfants. Ainsi, selon une étude pancanadienne portant sur l’état de santé des aînés chinois et sur leur niveau de satisfaction en ce qui a trait à leur vie (global life satisfaction), la population âgée chinoise interrogée à Montréal semble la moins satisfaite et les femmes le sont encore moins (Lai, 2003 : 55-56). La conscience subjective de l’intégration Certaines P.A.I. éprouveraient également de la solitude. À ce sujet, selon Meintel et coll. (1993), la solitude que peuvent ressentir les P.A.I., 46 hommes et femmes, est souvent évoquée dans les écrits scientifiques. Toutefois, il s'agit d'un domaine peu connu et encore moins conceptualisé, où l'on commence à peine à distinguer les catégories et les facteurs pertinents à la compréhension de cette question (Meintel et coll., 1993 : 37). Par contre, dans une étude comparative menée auprès de femmes âgées (veuves ou divorcées), d'origines italienne, portugaise et franco-québécoise, Meintel et coll. (1993) font une distinction entre le fait d'être seule, qui résulte d'un isolement objectif caractérisé par une absence de contact, et le fait de se sentir seule, soit l'isolement subjectif, où les contacts existent, mais demeurent insatisfaisants pour les individus. Selon ces auteurs, quelle que soit la nature de l'isolement (subjectif ou objectif), la solitude peut représenter, selon le contexte, une épreuve angoissante, un fardeau, ou tout le contraire, une forme de sécurité que l'on peut vivre avec soulagement ou même comme une libération. Par ailleurs, dans certaines circonstances, les P.A.I. préfèrent demeurer indépendantes et éviter la cohabitation de plusieurs générations. À ce sujet, une étude menée auprès de femmes âgées veuves, d'origine chinoise, a souligné que celles-ci préféraient vivre seules parce que cela leur permet de gérer leur vie à leur gré et leur donne plus d'intimité et de calme tout en conservant la proximité avec leurs enfants et des échanges intenses avec eux (Meintel et coll., 1993 : 44). Dans certaines situations, les P.A.I. peuvent donc préférer vivre seules, car un sondage effectué auprès de cinq communautés ethnoculturelles demeurant à London et en Ontario a démontré que pour les P.A.I. d’origines chinoise et vietnamienne, la 47 cohabitation de plusieurs générations n'était plus perçue tout à fait comme un idéal (Beiser et coll., 1988). Comme toute autre personne âgée, l’état de santé des personnes immigrantes se détériore avec le temps et de plus, leur état de santé serait en général moins bon que celui des personnes non immigrantes (Angel et coll., 1997). Selon Dana et coll. (1992) cette situation contribuerait à augmenter les situations de mauvais traitements à leur endroit. En fait, Kosberg et coll. (2004 : 8) considèrent que les femmes âgées de communautés minoritaires sont les plus vulnérables à l’abus, la négligence et l’exploitation. Ces différents éléments mentionnés laissent entrevoir qu’un certain nombre de P.A.I. peut avoir recours aux services offerts par les CHSLD ou par les résidences privées. Les P.A.I. et la prestation de soins et de services sociaux Même si de nombreuses études ont démontré que les P.A.I. ont un besoin élevé de services de santé et de services sociaux (Angel et coll., 1997), ces dernières sous-utiliseraient les services institutionnels et communautaires, ainsi que les CHSLD et les résidences privées (Himes et coll., 1996 ; Lavoie et coll., 2006). À ce sujet, une étude menée auprès de personnes âgées résidant en Ontario et originaires d'Asie, d'Amérique centrale, d'Amérique du Sud et d'Afrique a démontré qu’elles ont moins recours aux services de soins à domicile que les personnes âgées nées au Canada et celles provenant d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Australie (Maurier et coll., 2000). De plus, Nduwimana, et coll. (1995), dans une 48 étude réalisée auprès de personnes âgées autonomes appartenant à différents groupes ethniques francophones, a démontré qu’elles utilisent peu les ressources formelles telles que les hôpitaux et les ressources informelles telles que les services offerts au sein des organismes communautaires. Les causes de la sous-utilisation des milieux protégés et leur accès chez les P.A.I. sont nombreuses. Selon plusieurs auteurs (Gelfand et coll., 1987 et Guttmann et coll., 1985), en cas de besoin, les P.A.I. préféreraient recevoir de l’aide des membres de leur famille plutôt que d’avoir recours aux services sociosanitaires institutionnels. Si les P.A.I. ne peuvent compter sur leurs proches, elles feraient appel aux membres de leur communauté culturelle ou à des intervenants œuvrant dans des organismes religieux. Elles hésiteraient donc à faire appel à des organismes ou à des intervenants qui ne leur sont pas familiers. Selon Luna et coll. (1996), les familles provenant de communautés ethnoculturelles valorisent généralement les liens familiaux et d’entraide entre proches et manifestent certaines méfiances envers l’environnement extérieur. Ainsi l’identité des P.A.I. serait fondée sur la famille et non sur l’individu. De plus, les P.A.I., et en particulier celles qui sont d’immigration récente, sont plus susceptibles de vivre dans des familles élargies permettant ainsi la cohabitation de plusieurs générations (Kritz et coll., 2000 ; Wilmoth, 2001). Selon Chiu et coll. (2001) ; Clark et coll. (1998), Connell et coll. (1997) et Pyke (2000), ces familles valorisaient la responsabilité familiale dans l’aide et les soins aux proches ayant des incapacités et il en résulterait une plus grande réticence à recourir aux services publics ou privés (Daillworth et coll., 1999 ; Samaouali et coll., 2000). 49 Selon l’ACCÉSSSS (2007), les services publics ou communautaires sont perçus comme des services destinés principalement aux membres du groupe dominant et non pas pour les immigrants, qui ne comprennent pas le fonctionnement du système. De plus, les personnes âgées immigrantes manqueraient d’informations sur les services disponibles et sur les procédures à suivre pour y avoir accès (ACCÉSSSS, 2007), car, il serait indispensable de parler ou encore de savoir lire ou écrire l’une des deux langues officielles pour bien comprendre les étapes à suivre (Lavoie et coll., 2006). De plus, selon Ebrahim (1996), les P.A.I. perçoivent les systèmes de soutien formels comme étant insensibles à leurs besoins culturels. Selon les intervenants, la pauvreté représenterait le principal élément explicatif de la sous-utilisation des services par les P.A.I récemment parrainées et qui sont dépendants financièrement de leurs enfants (Gagnon et coll., 2000). De plus, des intervenants estiment qu’ils auraient besoin de formation sur l’intervention interculturelle pour être plus aptes à répondre aux besoins des P.A.I. (Legault, 2000). De plus, Lavoie et coll. (2006) considèrent que ce sont les contraintes structurelles qui limitent le recours des P.A.I. aux services de santé, particulièrement aux services de longue durée. À ce sujet ces auteurs évoquent les problèmes de langue, le manque d’informations sur les services, les problèmes d’éligibilité liés aux lois d’immigration et les contraintes financières. Dans un autre registre, Koehn (2009) considère que l’accès au continuum de soins de santé et aux services sociaux pour les P.A.I. est insatisfaisant. D’ailleurs, à ce sujet, les recherches indiquent que les P.A.I. sont sous-représentées dans l'utilisation des 50 différents systèmes de soutien formels tels que les CHSLD et les résidences privées (Himes et coll., 1996). Facteurs de risque à l’intégration sociale des P.A.I. Plusieurs facteurs entravent l’accès des P.A.I. au milieu de vie protégé et nuisent à leur intégration sociale. Ces facteurs peuvent être regroupés en quatre grandes catégories : les facteurs personnels, les facteurs sociaux, les facteurs contextuels et les facteurs organisationnels. Les facteurs personnels En ce qui a trait à l’âge, les recherches démontrent que cette variante peut affecter la cohésion familiale et menace l’intégration des individus dans la société d’accueil. C’est ainsi que les jeunes immigrants, au moment de leur expérience migratoire, s’intègrent plus facilement à la société d’accueil que les P.A.I. et ce, tout autant sur le plan linguistique qu’au niveau de la vie culturelle et professionnelle (Battaglini et coll. : 2000). Selon Mvilongo (2001), l’isolement social des immigrants du troisième âge récemment venus au Canada se construit dès leur arrivée au Canada en raison de leur dépendance financière, sociale et psychologique envers les plus jeunes membres de leur famille (Mvilongo, 2001). Ce dernier auteur explique cette dépendance par la présence de lacunes linguistiques, par leur manque de compréhension de la société d’accueil, par leur niveau d’instruction peu élevé et par leur réticence à participer aux activités sociales 51 et récréatives destinées aux aînés, qui sont offertes dans leur communauté. Ainsi, les personnes âgées immigrées font face à un statut moins important que celui accordé dans leurs pays d’origine (Mvilongo, 2001 : 46). Selon Galabuzi (2010), au Canada, la détérioration de l’état de santé des personnes immigrées serait due à leurs conditions de vie reliées à leur statut social peu élevé et à leurs conditions économiques précaires. Selon Megas (2003), la connaissance de la langue du pays d’hôte facilite le processus d’intégration, tandis que l’incapacité à l’utiliser entraîne des troubles de la communication, des sentiments d’isolement et de la solitude ainsi que d’importantes difficultés relationnelles. De plus, certaines observations cliniques ont confirmé l’hypothèse selon laquelle un bas niveau socio-économique ou socioprofessionnel favorise le déclenchement de troubles psychologiques chez les P.A.I. (par exemple, la dépression, la schizophrénie, l’alcoolisme) (Uhlenhuth et coll., 1974). Pour leur part, Kahana et coll. (1990) soutiennent que le manque de compétences linguistiques ou le bas niveau d'instruction rend les P.A.I. vulnérables aux efforts de déplacement et d’institutionnalisation. Par ailleurs, Sasson (2001), dans une étude réalisée auprès de 816 P.A.I. provenant de deux groupes ethniques différents, a démontré que : « l’attitude envers les autres groupes ethniques » (Sasson, 2001 : 92) était la seule variable qui a été significativement associée à l’adaptation des répondants à leur nouvel environnement, à un ensemble de normes, à un régime, au milieu social, aux normes et aux activités offertes par les CHSLD où elles vivent. 52 Les facteurs sociaux Selon Mvilongo (2001), les P.A.I. « sont les plus démunies, les moins influentes et les plus «oubliées” des minorités ethniques » (Mvilongo, 2001 : 46) et cela pour plusieurs raisons. D’abord, les migrants âgés qui ont des enfants mariés préférèrent vivre seuls pour éviter toutes sortes de problèmes familiaux susceptibles de menacer leurs traditions. Ensuite, un sondage portant sur certaines communautés ethniques en Ontario montre que 80 % des personnes âgées immigrées préféraient vivre seules si cela était possible (Mvilongo, 2001). D’autre part, la dissociation des couples ou des familles d’immigrants serait souvent engendrée par les effets pervers de la cohabitation de plusieurs générations tels que la pauvreté et la présence de plusieurs stress. De plus, lorsque les P.A.I. sont avisées qu’elles ne peuvent plus vivre avec leurs enfants, elles se trouvent seules dans des situations de pauvreté et de solitude, notamment les femmes qui se trouvent souvent sans conjoint et isolées de leur communauté ethnique, de leur environnement et de leurs enfants (Mvilongo, 2001). De plus, selon Mvilongo (2001), les P.A.I. qu’ : « elles soient immigrantes ou nées au Canada, elles ont moins de facilités pour s’adapter à un nouvel environnement que leurs parents plus jeunes » (Mvilongo, 2001 : 46). Pour leur part, Salmon et coll. (2007) rapportent que les aînés appartenant à des réseaux familiaux larges ont probablement moins de chance d’être institutionnalisés que ceux appartenant à des réseaux familiaux plus restreints. À ce propos, une étude réalisée en Suisse (Blozman et coll., 2003) a révélé que malgré le fait que la majorité des P.A.I. provenant de l’Europe et de l’Italie peuvent compter sur le soutien de leurs enfants en cas 53 de problèmes de santé, plus de 10 % sont à risque de souffrir d’isolement social et que 70 % de ces aînées n’ont aucun contact avec les membres de leur famille ou avec d’autres types de personnes. En matière de valeurs familiales, les P.A.I. peuvent considérer leur institutionnalisation comme une trahison de la part de leurs soignants familiaux du fait que les normes d'obligations réciproques ont été rompues (Harel, 1986). Les facteurs contextuels En ce qui a trait à la probabilité d’être admis en CHSLD ou en résidences privées avec services, Stoller (2003) a démontré, à la suite d’une étude réalisée auprès de 578 aînés européens vivant en Floride que : 1) la proximité géographique de la famille réduit la probabilité d’envisager le placement dans le CHSLD et les résidences privées ; 2) les aînés qui ont un état de santé plus précaire sont plus susceptibles de considérer le placement en CHSLD et en résidences privées que les aînés en meilleure santé et ; 3) les aînés qui ont vécu un nombre important de déplacements géographiques précédant leur immigration sont plus susceptibles d’envisager le placement dans un CHSLD et dans les résidences privées que les migrants âgés, dont l'expérience de migration est plus limitée. Selon Pederson et coll. (2006), le statut social des P.A.I. dans la société d’accueil influencerait leur état de santé et les exposerait à des situations de discrimination raciale dans les institutions de soins de santé et 54 des services sociaux. C’est aussi ce que l’Enquête nationale sur la santé de la population canadienne menée par Statistique Canada (Institut national de santé publique du Québec : 2010) a permis de constater alors que les immigrants européens et non européens vivant en sol canadien ont été deux fois plus exposés que la population en général à une détérioration de leur état de santé de 1993 à 2003. Selon cette même étude, la moitié des immigrants non européens consultent fréquemment des médecins. Pour sa part, Galabuzi (2010) considère qu’il existe trois formes de racisme qui prévalent dans la société canadienne et qui ont des impacts sur la santé des P.A.I. D’abord, le racisme institutionnel qui se manifeste par l’accès inégal à des systèmes sociaux, économiques, politiques et culturels qui déterminent la répartition des ressources de la société en raison de caractéristiques raciales ou ethniques. Ensuite, le racisme au sens interpersonnel qui renvoie aux interactions discriminatoires, conscientes et inconscientes, entre les individus et qui peuvent se manifester par le manque de respect, le soupçon, la dévaluation et la déshumanisation. Enfin, le racisme intériorisé qui s’opère chez ceux qui sont stigmatisés et qui acceptent ces messages. Ce type de racisme influencerait leurs propres capacités d’adaptation et contribuerait à augmenter leur impuissance et leur manque d'espoir. Selon Gober et coll. (1983) et Gubrium (1993), il est possible de constater l’existence de deux modèles de migration chez les P.A.I. : la migration en chaîne et la présence de plusieurs expériences postmigratoires. Selon ces auteurs, la migration en chaîne est un processus par lequel les 55 P.A.I. attirent de nouvelles P.A.I. provenant de la même communauté d'origine. Ce processus faciliterait l’adaptation des P.A.I. dans les résidences protégées : « Life long conversations [that] can be a valuable resource in the context of nursing home living. » (Gubrium 1993, p. 132) Par ailleurs, les P.A.I. ayant vécu diverses expériences de changement de milieux de vie après leur immigration au sein de la société d’accueil développeront un sentiment d’attachement moins fort envers les CHSLD. À ce propos, Gubrium (1993) a inventé le terme « travelers » pour qualifier les PAI qui considèrent les CHSLD et les résidences privées comme : « one more place on the road » (p. 115). Enfin Boyd (1991), dans une étude portant sur les variations qui existent chez les femmes âgées immigrantes dans leur façon de se loger démontre que : 1) les femmes âgées qui sont arrivées au Canada étant jeunes ont moins tendance à vivre avec des membres de leur famille et ; 2) la proportion des femmes âgées immigrées vivant avec leur famille est plus élevée chez les femmes ayant immigré après l’âge de 65 ans. De plus, Beiser et coll. (1988), remarquent que lorsqu’ils quittent le domicile de leurs enfants, beaucoup d’immigrants âgés, particulièrement les femmes, vivent dans la pauvreté et la solitude. Les facteurs économiques En ce qui a trait à l'impact de ressources financières sur l’accès des P.A.I. aux services des CHSLD et les résidences privées, les données des recherches ne sont pas consistantes, car certains chercheurs (Keysor et coll., 56 1999) considèrent que cet élément a un impact positif sur l’entrée en CHSLD, tandis que d’autres démontrent la présence d’une association négative (Keysor et coll., 1999). À ce sujet, il est important de souligner que l’accès aux résidences privées est très coûteux au Canada (Charpentier, 2002 : 30) et que l’on trouve très peu de milieux protégés spécialement construits pour répondre aux besoins spécifiques de groupes culturels dans les régions éloignées des grands centres urbains. Il est à noter que dans la communauté métropolitaine de Montréal (CMM), il est possible de retrouver des résidences pour personnes âgées spécialement construits pour des groupes ethniques spécifiques dont par exemple, pour les communautés italiennes, ukrainiennes, chinoises, haïtiennes, etc. Les préférences de placement des P.A.I. et de leurs soignants familiaux Les caractéristiques socioculturelles des P.A.I. peuvent façonner leurs préférences en regard de leur placement dans un CHSLD et dans les résidences privées. À ce propos, différents auteurs s’entendent pour dire que les P.A.I. et les membres de leur famille désirent rencontrer et bénéficier d’une qualité de vie répondant adéquatement à leurs besoins tant subjectifs qu'objectifs en matière de soins et de services sociaux (Patrika, 2003 ; Sasson, 2001 et Stoller, 2003). Les préférences en lien avec les besoins subjectifs des P.A.I. En ce qui a trait aux besoins subjectifs, les P.A.I. et leurs soignants familiaux désirent maintenir des liens sociaux dans un contexte ethnique, 57 protéger leur identité ethnique, assurer le respect de leur vie privée et assurer une continuité et une familiarité avec leurs valeurs traditionnelles (Beiser et coll., 1988). À ce sujet il est intéressant se souligner qu’un certain nombre de chercheurs (Climo, 1990 ; Gelfand et coll., 1987) soutiennent que l'attachement ethnique s'intensifie avec l’avancement de l’âge. De son côté, Sasson (2001) constate que les CHSLD et les résidences privées qui s’identifient à une culture ethnique spécifique sont plus appréciés par les membres de P.A.I. provenant des communautés ethnoculturelles. En effet, l'observation des traditions ethniques, l’offre de produits alimentaires et de programmes ethniques permettent aux P.A.I. de partager ensemble leurs histoires de vie et favorisent la fréquence des échanges entre les aînés et le personnel soignant (Olson, 2001). Une autre recherche menée en Suède, auprès des personnes âgées finnoises (Heikkila et coll., 2003), a révélé qu’elles souhaitent être en mesure de continuer à vivre dans leur maison actuelle aussi longtemps que possible. Plus tard, lors de leur admission dans des CHSLD ou dans des résidences privées, elles ont envie de sentir la continuité, la familiarité, la sécurité et la camaraderie avec les autres. Ainsi, selon Beauchamp et coll. (1994), le respect de la vie privée d’une personne est intimement lié à la liberté que possède chaque individu, à la reconnaissance de son autonomie et au respect de ses volontés et de ses choix. Par ailleurs, le respect implique des attitudes respectueuses de la part du personnel et des P.A.I. De plus, selon Baldacchino et coll. (2001), il est 58 important de respecter la pratique religieuse des P.A.I., car la prière peut aider une personne à donner un sens à sa maladie et à son hospitalisation. Les préférences en lien avec les besoins objectifs des P.A.I. En ce qui a trait aux besoins objectifs, les P.A.I. désirent recevoir des soins et des services sociaux culturellement appropriés à leur propre identité ethnique qui respectent leur vie privée quel que soit le type de régime de couverture sociale. À ce sujet, Clegg (2003), dans une étude réalisée auprès d’aînés d'origine asiatique vivant dans un hôpital de soins intermédiaires aux États-Unis, a souligné que ces personnes considèrent que des soins culturellement appropriés sont ceux qui respectent leur individualité, qui créent une compréhension mutuelle entre ceux-ci et les intervenants, qui répondent à leurs besoins spirituels et qui maintiennent leur dignité. Pour leur part, Henley et coll. (1999) soutiennent que le respect de la vie privée des patients repose sur des chambres, des équipements sanitaires et des conditions d’hygiène individuels qui permettent de préserver l'estime de soi et la dignité des P.A.I. et qui permettent de réduire leur anxiété et leur détresse émotionnelle. Par ailleurs, une recherche menée par Kwak et coll. (2007) aux États-Unis démontre que les P.A.I. et leurs soignants familiaux ont exprimé leurs besoins : 1) de discuter de leurs préférences de traitement avec un médecin de famille qui apporte des explications appropriées facilitant le processus de la prise de décisions ; 2) de maintenir les liens avec des organisations communautaires ethniques, leur église et leur journal local qui représentent pour certains d’entre eux leur source principale 59 d'informations de santé et ; 3) de mourir de préférence dans leur propre domicile. Divers chercheurs (Guttman et coll., 1979) ont également souligné que les P.A.I. vivant en milieu institutionnel préfèrent que les membres du personnel soient de la même origine ethnique qu’elles. De plus, ces aînés souhaitent que l’établissement de santé où ils vivent favorise la pratique de leur propre religion et l’admission de personnes provenant de leur groupe ethnique. Le vécu des P.A.I. dans les CHSLD et les résidences privées Selon Howard (2002), Min (2005) et Debra (2008), les premiers et principaux utilisateurs des CHSLD demeurent les personnes aînées caucasiennes. Selon ces auteurs, comme les Caucasiens sont les principaux utilisateurs des installations de soins de longue durée, ce type d’institution tant public que privé a été structuré pour servir principalement la race caucasienne. De plus, selon Heikkila et coll. (2003), aux États-Unis, la majorité des CHSLD utilisent une approche de soins qui favorise la « population anglo-américaine », ce qui entraîne des disparités dans la disposition des soins aux aînés. D’ailleurs, l'Agence de recherche en santé et de qualité aux États-Unis (2005) a aussi déclaré que des P.A.I. sont victimes de disparités dans la qualité des soins et des services qu’elles reçoivent dans les CHSLD : 60 “Asian American, Hispanic, and African American residents of nursing homes are all far less likely than white residents to have sensory and communication aids, such as glasses and hearing aids.” Pour leur part, Grau et coll. (1992) ont constaté, dans une étude réalisée dans deux CHSLD différents et portant sur la répartition ethnique de personnes P.A.I. et du personnel, que lorsque le personnel n’est pas de la même origine ethnique que les P.A.I., l’on assiste à des types de communications fort différents entre les P.A.I. et le personnel soignant. C’est ainsi que dans le cas des CHSLD où les membres du personnel provenaient du même groupe ethnique que les bénéficiaires, les relations étaient plus informelles, plus collaboratives et moins conflictuelles. Par ailleurs, en France, selon les intervenants œuvrant auprès des P.A.I. vivant dans un hôpital gériatrique, il y aurait des problèmes à différents niveaux en ce qui a trait à la qualité de vie des P.A.I. Entre autres, il a été possible d’identifier des lacunes sur les plans des communications, des relations entre les intervenants et les P.A.I., et du respect des habitudes socioculturelles et identitaires des résidants (Samaoli, 2000 : 20). Une étude similaire réalisée au Danemark (Samaoli, 2000 : 118) a également mis en lumière des difficultés linguistiques et culturelles, des difficultés de coopération du personnel avec les proches des P.A.I. ainsi que des tensions entre les intervenants et les P.A.I. et entre les différentes cultures habitant ensemble. 61 Le manque de soins de qualité, le manque de formation du personnel, une rémunération inadéquate des intervenants, l'instabilité de l'assistance médicale et psychologique pour les personnes âgées, une forte bureaucratisation et médicalisation des CHSLD, l'éloignement des personnes âgées du contrôle de leur vie et l’existence « de mondes » et « d’endroits » administratifs différents qui se traduisent par diverses dispositions administratives sont également des problèmes qui ont été constatés dans les CHSLD (Charpentier, 2002). Diverses recherches américaines, dont celles de Wallace (1990) et (Mold, 2005), ont également documenté l'existence de la ségrégation institutionnelle dans certains CHSLD ainsi que la perte de contrôle des personnes âgées sur leur propre vie en tant qu’éléments qui ne favorisent pas l’intégration des P.A.I. dans ce genre de milieu de vie. À ce sujet, Wallace (1990) a avancé deux théories explicatives : une théorie culturelle et une autre raciale. La théorie culturelle propose que les soignants familiaux placent leurs parents dans les installations à proximité de leur domicile afin qu'il soit plus facile de les visiter. Pour sa part, la théorie raciale suggère que les Afro-Américains ont évité le recours aux CHSLD dans les quartiers majoritairement habités par les Blancs par peur que leurs parents soient victimes de racisme de la part des intervenants et des résidants. Certains auteurs (Patricia, 2003 ; Jones, 1986 et Cheng, 2001) estiment aussi que les services et soins offerts dans certains CHSLD ne sont pas culturellement adaptés à la réalité et aux besoins des P.A.I. À ce propos, Patricia (2003) dans une étude réalisée dans un CHSLD du Nord-Est des 62 États-Unis auprès de 65 P.A.I. et de leurs soignants familiaux, a révélé la présence d’insatisfaction en ce qui a trait à plusieurs aspects de la prestation de soins tels que l’inadaptation du soutien émotionnel, le manque de respect envers les P.A.I. et leurs visiteurs, et l’indifférence du personnel. Les répondants ont aussi formulé plusieurs recommandations, dont celles d’engager de plus amples discussions avec les membres du personnel soignant au moment de l’admission des P.A.I., d’augmenter, sur une base régulière, les occasions de rencontres avec le personnel, et de hausser le nombre d’intervenants œuvrant auprès des aînés. Ils ont aussi suggéré l’amélioration des attitudes du personnel, de leurs compétences interpersonnelles et du respect de la confidentialité (Patricia, 2003 : 170). Ils ont également mentionné la nécessité : 1) d'améliorer la supervision des infirmières auxiliaires et des bénévoles ; 2) de garantir la présence de personnel bilingue et de groupes de soutien pour les P.A.I. qui ne parlent pas la langue officielle et ; 3) d’offrir des formations aux médecins pour leur permettre de mieux répondre aux besoins socioculturels des P.A.I (Patricia, 2003 : 185). À Vancouver, dans une étude réalisée auprès 40 personnes aînées d’origine chinoise vivant dans 35 CHSLD, Cheng (2001) a démontré que ces aînés ont des besoins culturellement spécifiques qui ne sont pas adéquatement répondus et que l’insatisfaction de ces besoins est à l’origine d’un stress psychosocial. Les données de cette recherche ont également révélé que la plupart des CHSLD de Vancouver ont des ressources financières et administratives inadéquates pour fournir des services 63 culturellement appropriés qui tiennent compte de la diversité ethnique des P.A.I. Pour sa part, une étude portant sur les modalités de communications verbales dans un CHSLD multiethnique qui s’opèrent entre les infirmières et trois différents groupes de résidants (des personnes âgées immigrées provenant des communautés ethniques, des Canadiens de naissance, des Anglais de naissance) a démontré que les P.A.I. sont celles qui font le moins usage de mots parlés, de demandes de renseignements, et de formulation de questions (Jones, 1986: 270) : « The ethnic group, assumed to be least acculturated to the North American Canadian norm, was communicated with significantly less than the Canadian group » Par ailleurs, les résultats d’une recherche mixte concernant 62 directeurs d’activités sociales (Debra, 2008) ont permis de mettre en lumière différentes carences dans les CHSLD dont ceux de la planification des jours fériés et de célébrations au profit des P.A.I. Les résultats de cette recherche soutiennent les idées émises par Brenes et Remien (1988) ainsi que celles de MacLean et Bonar (1986) qui ont démontré que la non-reconnaissance par le CHSLD des coutumes de la P.A.I. et l’ignorance de leurs symboles culturels constitue des barrières institutionnelles qui affectent la qualité de vie des P.A.I. De plus, selon MacLean et coll. (1986), l’organisation des services dans les CHSLD serait généralement orientée en fonction de la culture dominante. 64 Selon MacLean et coll. (1986), les P.A.I. font face à trois difficultés significatives dans une institution reposant sur une culture dominante : 1) la perte de famille ; 2) la perte de culture et ; 3) la perte de la communauté. D’abord, la disponibilité des membres de leur famille serait plus limitée. Ensuite, les P.A.I. n’auraient plus accès à leurs repas ethniques, leurs chansons, leur littérature et leurs journaux. De plus, l’éloignement des P.A.I. de leurs familles engendrerait une perte d'interaction avec les membres de leur communauté. Les implications de ces différentes pertes seraient différentes et probablement plus profondes que celles que subissent les personnes âgées de la culture dominante, car pour les personnes âgées provenant de communautés ethnoculturelles sans famille nucléaire ou étendue, la perte de la culture et de la communauté serait assurément plus significative que pour les personnes âgées résidantes d'un établissement qui est basé sur leur héritage culturel (MacLean et coll., 1986 : 229). Malgré cette situation, MacLean et coll. (1986 : 229), soulignent que lorsque les besoins des P.A.I. excèdent les ressources de la famille, ces dernières devraient être placées dans une institution. Mais comme la plupart des groupes ethniques ont tendance à ne pas institutionnaliser leurs membres âgés, les émotions que peuvent éprouver les personnes âgées immigrantes sont considérables. Cela inclut les sentiments d'isolement, de rejet, de déshonneur et la perte de respect envers les membres de leur famille. De plus, dans un environnement institutionnel, la vie quotidienne des P.A.I. est souvent organisée et les habitudes culturelles en vigueur peuvent ne pas correspondre à leurs propres aspirations. 65 Enfin, en Suisse, une enquête réalisée auprès de 81 intervenants psychosociaux œuvrant dans le domaine de la santé et des services sociaux (Bolzman et coll., 2007) a révélé que les P.A.I. sont sous-représentées parmi les usagers de leurs services. Selon les répondants, cette situation serait principalement due aux caractéristiques liées au fonctionnement des services : excessive complexité de ceux-ci, coût trop élevé, absence d'information ciblée pour les groupes ethniques, présence de barrières linguistiques et manque de compétences interculturelles de la part du personnel. Par ailleurs, ces répondants estiment que des « barrières mentales » freinent les P.A.I. à s’adresser aux intervenants. Ils croient que les services ne sont pas « faits pour eux ». De plus, ils manifestent des craintes envers l’autorité et des réticences à solliciter de l'aide (Bolzman et coll., 2007 : 8). Les efforts déployés par les intervenants en faveur de l’intégration des P.A.I. dans les CHSLD et dans les résidences privées Certaines expériences mises en place dans les CHSLD et les résidences privées permettent de faciliter l’intégration des P.A.I. Cette dernière section de la recension des écrits porte sur des moyens organisationnels, structurels et cliniques que les experts proposent de mettre en place dans les CHSLD et les résidences privées accueillant des P.A.I.. 66 Moyens à mettre en place sur le plan organisationnel Colón (2003) suggère que le personnel ainsi que les bénévoles doivent être capables de communiquer avec les P.A.I. dans leur langue maternelle, tandis que Disman et coll. (1995) recommandent une organisation spatiale et un environnement compatible avec le mode de vie antérieure des P.A.I. (ex : investir dans des arrangements paysagers, un jardin, etc.). Selon certains autres experts, dont Clermont (1993) et Joana (1996), la mise en place de diverses occasions de célébrer les différences culturelles des usagers permet : 1) d’améliorer la communication entre les P.A.I. et les intervenants ; 2) de partager leurs histoires réciproques ; 3) d’élargir les connaissances culturelles des aînés et des intervenants ; 4) de permettre aux intervenants d’apprendre des croyances et des modes de vie différents et ; 5) d’ajuster les soins prodigués aux P.A.I. Ainsi les occasions de célébrer différentes cultures peuvent prendre diverses formes dont celle d’une journée annuelle de la diversité culturelle ou de la mise en place de groupes de discussions réunissant ensemble des P.A.I. et des intervenants. Selon Joanna (1996), ces groupes de discussion permettent de traiter les problèmes vécus par les P.A.I., de réduire la distance sociale et culturelle entre les P.A.I. et les intervenants et de développer chez les intervenants une attitude plus ouverte et respectueuse envers les P.A.I. Chan (2007), à la suite d’une étude réalisée aux États-Unis dans un CHSLD chinois, propose différents moyens qui peuvent être mis en place sur le plan organisationnel pour favoriser l’intégration des P.A.I. Le tableau suivant présente ces moyens. 67 Tableau 4 Les différents moyens mis en place dans un CHSLD pour favoriser l'intégration des personnes âgées immigrantes L’environnement physique Les facteurs Les résultats environnementaux importants La disponibilité d’un Ils fournissent aux résidants le sens de la décor répondant aux connexion à leur culture. attentes culturelles des aînés. Propreté – absence de Les résidants sont fiers de vivre dans un mauvaises odeurs environnement propre. L’environnement organisationnel Les facteurs Les résultats environnementaux importants La collaboration entre les La communauté asiatique et la direction de la membres des facilité travaillant ensemble vers des buts communautés ethnoculturelles communs, des changements positifs au profit et du personnel et des résidants. l’établissement. L’équipe des infirmières travaille avec une Une constance dans le équipe familière de collègues. Le personnel soignant parvient à connaître les personnel résidants. La rémunération adéquate du personnel L’établissement fournit une prime et récompense le personnel qui fournit les soins de qualité. 68 Tableau 4 (suite) Les différents moyens mis en place dans un CHSLD pour favoriser l'intégration des personnes âgées immigrantes L’environnement organisationnel Les facteurs Les résultats environnementaux importants La présence Le personnel a un travail d’éthique fort. d’intervenants d’origine La culture valorise les personnes âgées. ethnique. L'argent de collecte de fonds permet à Un budget adéquat l'administration de faire les améliorations au service et fournir des agréments pour les résidants et le personnel. Interaction entre les La diminution de l’isolement et de la solitude membres des différentes particulièrement parmi les résidants chinois cultures. unilingues. Implication des familles Les familles apportent la nourriture. dans la prestation des Les familles fournissent le soin. soins. Les familles prévoient les soins. Les familles dimension sont responsables relationnelle et du de la soutien émotionnel. 69 Tableau 4 (suite) Les différents moyens mis en place dans un CHSLD pour favoriser l'intégration des personnes âgées immigrantes L’environnement culturel et psychosocial Les facteurs Les résultats environnementaux importants Une offre de mets Puisque la nourriture asiatique a été préférée ethnoculturels. par rapport la nourriture occidentale, les résidants ont apprécié les choix de nourriture de style asiatique offerts à la facilité. Puisque la nourriture asiatique était disponible, les familles n'ont pas senti le besoin d'apporter la nourriture comme fréquemment. Une offre d’activités et de Des chaînes de télévision chinoises, des films, matériels adéquats culturellement aux cultures et des livres, des magazines et des journaux sont associés disponibles pour les résidants. présentes dans l’établissement. Moyens à mettre en place sur le plan structurel Le Sage (2006) et Disman et coll. (1995) proposent le développement de programmes qui mettent l'accent sur la diversité linguistique. Par ailleurs, Disman et Disman (1995) soulignent l’importance que les activités quotidiennes offertes dans les CHSLD puissent répondre aux besoins des P.A.I.. Pour leur part, Disman et coll. (1995) invitent les CHSLD et les 70 résidences privées à respecter la façon de s’habiller des P.A.I., leurs préférences dans la manière d’occuper leurs loisirs et de s’alimenter. Ces derniers soulignent aussi l’importance de mettre en place des activités culturellement appropriées. À ce sujet, Kastenbaum (1972) a mentionné que les programmes qui multiplient les interactions entre le personnel et les P.A.I. permettent d'augmenter la satisfaction du personnel, facilitent les interactions spontanées entre les P.A.I. et les intervenants et aident les infirmières auxiliaires à se sentir plus impliquées. Par ailleurs, certains auteurs (Betancourt et coll., 2005 ; Culhane-Pera et coll., 2000 ; Siegel et coll., 2004), considèrent que l’augmentation du niveau de la compétence culturelle des intervenants dans les institutions de soins de santé et de services sociaux est censée être une stratégie efficace pour réduire les disparités dans la prestation de soins et des services sociaux. À ce propos, Geron (2002) soutient que la compétence culturelle augmente la capacité d'une organisation à soutenir et à fournir des programmes et des services culturellement appropriés et sensibles. Une approche pour déterminer des services culturellement appropriés et sensibles demande d’utiliser une grille d’autoévaluation impliquant la direction et le personnel et qui permet de : “examines a public organization’s values, symbols, rules, and routines which maintain its purpose and existence to uncover counterproductive activities and barriers that may adversely impact its public service mission and service delivery process” (Rice, 2005: 77.). 71 Albers (1996) suggère que les intervenants incluent dans leurs évaluations, les conditions médicales, psychosociales, économiques, culturelles et environnementales des P.A.I. Par ailleurs, Jones (1986) a montré la nécessité de réaliser des études sur la communication et les interactions non verbales entre les intervenants et les P.A.I. Pour sa part, Dana (1992) rappelle l’importance de comprendre l'influence des facteurs culturels dans les comportements des aînés afin d'optimiser l’efficacité des interventions du personnel. Par ailleurs, Disman et coll. (1995) considèrent qu’il est important que les intervenants respectent les comportements et les attitudes des P.A.I., tout en adoptant leurs propres interventions en fonction de leurs attendes en ce qui a trait à la formalité, à l’intimité, au partage d’informations, au contact physique et à l’expression des émotions. Disman et coll. (1995) recommandent aussi aux intervenants de reconnaître et de respecter les conceptions culturelles et les croyances des P.A.I. entourant la santé, la maladie, la médication et les traitements appropriés. Cette façon de faire demeurerait la base essentielle pour établir une bonne communication avec les P.A.I. La figure 1 présente 22 mesures de performance qui favoriseraient la compétence culturelle des CHSLD et des résidences privées dans la livraison de soins et de services sociaux. 72 Figure1 22 mesures de performance spécifiques qui explorent la question de compétence culturelle dans un CHSLD (Source: Rice, M-F. (2006 : 12) La gouvernance Le conseil de direction reflète de la diversité culturelle et ethnique. La représentation des secteurs sociaux, politiques, et économiques de la communauté est appropriée dans le conseil d’administration. La formation de la diversité est continue pour tous les membres du conseil d’administration. La reconnaissance est explicite de la diversité culturelle et de l’engagement des services culturellement compétents dans l'organisation et dans la détermination des buts. La culture organisationnelle Le respect pour le droit d’un individu à ses coutumes culturelles, sa croyance et ses pratiques religieuses. La reconnaissance de la culture d'un individu comme une partie intégrante de son bien-être. L'incorporation de la langue, la race, l'appartenance ethnique, des coutumes, la structure de la famille et la dynamique communautaire dans le développement de la gestion et des stratégies de livraison des services. La franchise et l’acceptation des différences. L’administration La connaissance de la gestion de la diversité et des habiletés comme des exigences requises pour tous les postes d’administration dans l'établissement. Tous les directeurs sont tenus responsables de fournir le soutien et le conseil à tout le personnel dans l'exécution des missions et les buts relatifs à la compétence culturelle. Le rassemblement des données démographiques touchant à la diversité culturelle dans la communauté et parmi les clients. 73 Figure1 (Suite) 22 mesures de performance spécifiques qui explorent la question de compétence culturelle dans un CHSLD (Source: Rice, M-F. (2006 : 12) La politique et la prise de décision L’implication de tout le personnel et des bénévoles dans le processus décisionnel. Les personnes provenant des communautés ethniques sont consultées pour identifier les principales issues de la diversité. La compétence culturelle est incorporée à toutes les politiques de l’institution. Les diverses communautés culturelles ont été consultées avant la finalisation des politiques qui peuvent avoir des impacts culturels. Les pratiques en matière de personnel Les offres d'emploi sont annoncées dans des médias ethnoculturels. Un recrutement actif du personnel qualifié et des bénévoles provenant des communautés ethnoculturelles. Les habiletés multiculturelles sont des critères requis pour la sélection et l’évaluation du rendement. La participation significative des gens provenant de divers groupes culturels à tous les niveaux de l'organisation. Tout le personnel et les bénévoles reçoivent une formation à propos de la compétence culturelle. La composition raciale, ethnique, religieuse et linguistique de la communauté est reflétée dans le personnel et les bénévoles. La livraison des services Les barrières empêchant les personnes provenant des communautés ethnoculturelles d'avoir accès aux services ont été identifiées et ont été enlevées L’existence des méthodes appropriées au service de la diversité. Les diverses communautés culturelles ont été consultées pour identifier les besoins et pour développer des programmes, des buts et des activités. La diversité culturelle a été incorporée dans tous les aspects de la prestation de services, y compris l'évaluation, la planification, l’intervention et l’évaluation. La disponibilité des services de soutien (c’est-à-dire : E.S.L, interprétation) 74 Figure1 (Suite) 22 mesures de performance spécifiques qui explorent la question de compétence culturelle dans un CHSLD (Source: Rice, M-F. (2006 : 12) Les relations avec la communauté La reconnaissance de la diversité culturelle dans la communauté. La collaboration avec divers personnes, groupes et organisations provenant des communautés ethnoculturelles. L’utilisation d'expertise culturelle parmi les leaders communautaires. La participation dans le réseau communautaire pour préconiser et avancer la compétence culturelle. Les rôles/ les services sont culturellement compétents La communication •Les barrières de communication avec les communautés ethniques ont été identifiées et ont été enlevées. •Une liste de divers médias culturels a été développée et a été utilisée. •La disponibilité de l’interprétation et de la traduction des langues culturellement appropriées. •La diversité culturelle dans la communauté est reflétée dans les textes et les illustrations. •La disponibilité des ressources matérielles relatives à la compétence culturelle Moyens à mettre en place sur le plan clinique Soulignons également que des aînés immigrés ont également proposé, que pour améliorer leurs rapports avec les intervenants, ceux-ci doivent avoir plus souvent recours à des gestes lorsqu’ils communiquent avec eux, 75 qu’ils doivent faire l’apprentissage de certains mots et avoir plus souvent recours aux membres de leurs familles et à des feuillets d’informations (Scharlach, 2000). Faits saillants En général, les études recensées ont mentionné que les P.A.I. éprouvaient des problèmes particuliers dans les CHSLD en raison : 1) de leur statut dans la société (un sous-groupe de la société) ; 2) de leurs vécus prémigratoire et postmigratoire qui influencent leurs préférences socioculturelles et ; 3) des réformes qui ont modifié la mission des CHSLD, leur philosophie, leur fonctionnement et la qualité de vie offerte dans ce genre de milieu de vie (des disparités, la communication et l’absence de soins et de services de qualité adaptés à la réalité et aux besoins des P.A.I.). Pour faire face à ces situations, certaines expériences ont été mises en place tant sur les plans organisationnel (par exemple, investir dans l’aménagement paysager, un jardin, etc.) et structurel (par exemple, les programmes qui multiplient les interactions entre le personnel et les P.A.I.) que sur le plan clinique (par exemple, interventions en fonction des attentes des P.A.I.). Au Québec, les études portant sur le vécu et l’intégration sociale des P.A.I. vivant en CHSLD sont plutôt rares (ACCÉSS, 2000). A ce propos, Jacob (1993) rapporte que du point de vue ethnogérontologique, très peu d’études permettent de fournir un portrait précis de la situation des personnes âgées immigrées et que les gérontologues se sont peu préoccupés de l’ethnicité et des soutiens sociaux des P.A.I. De plus, Cognet (2002) 76 soutien que la dimension de la discrimination dans les orientations et les décisions thérapeutiques n’apparaît pas dans les résultats des recherches touchant la santé : « Entre la non-pertinence de celle-ci et une certaine cécité comme conséquence d’une société qui se veut multiculturelle, le débat est ouvert » (Cognet : 2002, P.111). Par ailleurs, en matière de travail social au Québec, les centres d’hébergement pour les personnes âgées ne figurent pas parmi les revendications des mouvements des travailleurs sociaux (Mayer, 2004). Par contre, on peut indiquer l’émergence d’un positionnement critique de certains travailleurs sociaux au Québec par l’entremise d’un mouvement de lutte dans les années 1980 et qui a considéré les CHSLD comme une instance du système capitaliste (Mayer, 2004). En ce qui a trait aux recherches qui ont porté sur les expériences vécues en région par des immigrants, Simard (2003: 58) rapporte que ces recherches ont ciblé des groupes spécifiques d’immigrants tels que les réfugiés indochinois, les entrepreneurs agricoles, les femmes, les travailleurs agricoles saisonniers, les familles. Selon cet auteur, ces études ont mis en évidence, outre le caractère principalement « familial » de l’immigration régionale, la complexité des facteurs d’attraction et de rétention en région : emploi adéquat, compétence linguistique, capacité d’accueil et de soutien des régions, disponibilité de services variés, comme les écoles, les transports, les loisirs. Toutefois, selon cet auteur, il manque un outil qui 77 permet la compilation des diverses recherches permettant d’en dégager les grandes tendances, les difficultés majeures vécues par les immigrants et les limites de la politique de régionalisation de l'immigration (Simard, 2003 : 58). De plus, en matière d'identification des besoins de santé des immigrants, les principaux types d’études recensées dans les écrits sont les études sur les migrants, les enquêtes sur la santé de la population (généralement transversales) et les études transgénérationnelles (Hyman, 2001). Ces études démontrent que même s’ils arrivent généralement en bonne santé, les immigrants ont, tôt ou tard, besoin d’obtenir des services de santé, comme toute autre personne. Malgré les services disponibles, ils doivent alors surmonter différents obstacles. À ce sujet, Battaglini et coll. (2007) expliquent que l’augmentation de l’immigration entraîne des conséquences sur l’organisation et la prestation des services de santé et par conséquent des besoins spécifiques en ressources humaines, financières et organisationnelles se font sentir. D'où la nécessité de connaître le degré de mise en œuvre des politiques gouvernementales, de même que des recommandations formulées dans certains travaux de recherche. Selon Tremblay (2008 : 9), il existe peu d’études à ce sujet. La présente étude en voulant, entre autres, documenter d’une part les perceptions de personnes immigrantes vieillissantes (50 ans et plus) concernant leur propre intégration dans les milieux de vie substitut et, d’autre part, les types de soins, d’aide et de maintien de l’autonomie qui devraient être offerts dans ces milieux de vie afin de répondre adéquatement 78 aux besoins culturels des immigrants vient combler une partie de ces lacunes. 79 CONTEXTE THEORIQUE 80 Cette étude s’inscrit dans le cadre de la recherche sociale appliquée qui représente un engagement des chercheurs dans la sphère de la définition des problèmes sociaux (Lefrançois, 1990 : 136), et en particulier les problèmes sociaux qui sont causés par des difficultés d’adaptation et d'insertion sociale (Lefrançois, 1990 : 129-30). Ce type de recherche permet de penser que les P.A.I. vivant dans le CHSLD représentent une population à risque : « La notion de risque est une notion qui est un complexe de dangers réels, de peurs imaginaires, et de discours socialement construits qui l'isole » (Clain, 1995). L’utilisation de la recherche appliquée justifie notre recours au modèle de l’interaction entre la personne et l’environnement qui a été développé par Keyser-Jones (1989-1998) et au modèle de la compétence culturelle de Campinha-Bacote (1995, 2009). En effet, la situation d’isolement des P.A.I. dans le CHSLD s’inscrit dans un contexte de décentralisation de l’État qui favorise l’implication de l’environnement institutionnel dans la résolution des problèmes sociaux en fonction des besoins des P.A.I., leurs préférences, leurs attentes et leurs recommandations. Par ailleurs, le contexte de décentralisation incite les décideurs et les planificateurs des programmes sociosanitaires dans les CSSS à prendre en considération les perceptions des P.A.I. de la nature des services offerts. Cela signifie que la P.A.I. n’est plus considérée comme usager ou client, mais comme un partenaire de soins privilégié. Considérant la P.A.I. comme un partenaire de soins privilégié, les CSSS, les CHSLD et les résidences privées deviendront un espace 81 d’information, d’écoute, d’échanges et de changement. Cela permettra aux P.A.I. de passer d’un stade d’autoréflexion du premier ordre sur l’action des intervenants, réelle ou imaginaire (Beart, 1993 : 192) à un stade d’autoréflexion du second ordre sur les structures qui sous-tendent la conduite des intervenants (Baert, 1993 : 192). Autrement dit : « L'autoréflexion du second ordre signifie qu'un agent, individuel ou collectif, envisage le passé à partir d'une nouvelle perspective. II y voit un nouvel ordre, il retient du passé des événements différents de ceux qu'il avait jusqu'alors retenus, d'où une nouvelle séquence historique, et il attribue aux mêmes événements une valeur différente » (Baert, 1993 : 1992). Le modèle conceptuel de Kayser-Jones (1989-1998) Comme cela a été mentionné dans la recension des écrits, l’intégration des P.A.I. dans les CHSLD peut être vue comme la congruence entre les préférences des P.A.I. et les ressources et les possibilités offertes par les CHSLD. Cette idée est inscrite dans le paradigme écologique interactif où l'individu et l'environnement sont considérés comme des partenaires actifs dans un processus interactionnel (Maltais, 1997 : 52). Ce paradigme repose sur l’équation suivante : C = f (P, E, PxE) ; dont le comportement (C) est le 82 résultat des caractéristiques de la personne (P) et de son environnement (E) et de l’interaction entre (PxE) : « The behavior is a function of the individual and the environmental press of the situation [ ...] A behavior (or affective response) seen as the resultant of a combination of a press of a given magnitude acting on, or perceived by, or utilised by, an individual of a given level of competence » (Lawton, 1982 : 43). Ce modèle trouve ses origines en psychologie environnementale où le vieillissement est principalement défini en tant qu'état en perpétuelle adaptation : adaptation à des changements personnels et à des changements externes (Haldemann, 1988). Ce modèle s’inspire également des théories écologiques en vieillissement comme le modèle de l’interaction entre la personne et l’environnement qui a été développé par Kayser-Jones (1989 : 1998). Selon Chan (2007 : 35), l’utilisation de ce modèle permet aux chercheurs et aux cliniciens de systématiser leurs efforts afin de fournir un environnement optimal pour les personnes âgées, qu’elles soient immigrantes ou non, dans un CHSLD : « The nursing home environment has a significant effect on the well-being of its residents. An environment that is able to 83 meet the needs of its residents will have a positive impact on its residents.» (Chan : 2007 : 35). Ainsi, le modèle de Kayser-Jones (1989 ; 1998) porte sur quatre caractéristiques principales de l'environnement : les caractéristiques physiques, le climat organisationnel, l'environnement personnel et suprapersonnel, et le milieu sociopsychologique (Kayser-Jones, 1989a). L’environnement physique inclut certaines caractéristiques comme le design du CHSLD, l'espace, le mobilier, la couleur et l'éclairage : « Physical characteristics include, for example, architectural design, color, lighting, type of floor surface, and space » (Kayser-Jones, 1992 : 14). L'environnement organisationnel réfère aux politiques et règlements administratifs, à la dotation en personnel, au financement, à la direction, à la philosophie d'une institution et à la présence ou à l'absence de certains mécanismes de participation tels que les comités des usagers (Kayser-Jones, 1989b) : « Organizational aspects may include policy, patient/staff ratio, and medical leadership and supervision, and knowledge and training of staff. » (Kayser-Jones, 1992: 14). 84 L’environnement psychosocial et culturel inclut les normes, les valeurs, les attitudes, les croyances, les activités et les interactions entre tous les membres qui font partie de l'institution (par exemple, les résidants, le personnel et les visiteurs) (Kayser-Jones, 1989b) : « The social-psychological milieu refers to the norms, values, activities, and philosophy of the administration, as well as the personal interactions of all who are a part of the institution (eg, residents, staff, and visitors). In the conceptual model presented below, the concept of “culture” is also included as part of the social-psychological environment because of its importance in the care of the elderly [...] Culture is the man-made part of the human environment (Herskovits, 1952). It refers to the beliefs and perceptions, values and norms, customs and behaviors consensually shared by a group or society. These are passed on to others through the process of socializalion and education and are supported by material objects and the physical environment. How the elderly are cared for is part of the culture. » (Kayser-Jones, 1992: 14). Pour sa part, l’environnement personnel inclut les relations sociales significatives des P.A.I. (par exemple, les membres de la famille et les amis) : 85 « Lawton (1975) defines the personal environment as encompassing use significant others who constitute the major one-to-one relationships of an individual. In the nursing home setting, family, friends, and work associates play a role, but it is the nursing home staff who constitute on major component of the resident’s personal world. » (Kayser-Jones, 1992: 14). L'environnement suprapersonnel comprend certaines caractéristiques comme la race prédominante ou l'âge moyen d'autres résidants dans le voisinage d'une personne (Lawton, 1986) : « The suprapersonal environment is defined as the modal characteristics of all people in physical proximity to an individual (eg, the predominant race or the mean age of others in a neighborhood) » (Kayser-Jones, 1992 : 14). Dans le cadre des CHSLD, l'environnement personnel et suprapersonnel d'une P.A.I inclut principalement le personnel et d'autres résidants dans le CHSLD (Kayser-Jones, 1992). Un schéma de synthèse Chaque composante de l’environnement compose un segment du modèle, comme le montre la Figure 2 et ces composantes sont dans une 86 interaction constante les unes avec les autres (Kayser-Jones, 1991). Les personnes âgées sont au centre de ce modèle : « Residents and the characteristics they bring with them (eg, physical, functional, and cognitive status) are represented in the center of the rectangle. Surrounding the resident are the various environmental factors (physical, organizational, personal/suprapersonal, and cultural-psychosocial) » (Kayser-Jones, 1992 : 15). À ce propos, les flèches bilatérales illustrent l'interaction complexe entre les différentes variables de ce modèle et suggèrent que l'environnement influence leurs comportements, tout comme le fait que les comportements des résidants ont aussi une influence sur leur environnement. Les personnes âgées, en particulier les P.A.I., sont donc placées dans un environnement complexe qui pose pour eux de nombreux défis tels que l’adaptation à un nouveau milieu de vie (Kayser-Jones, 1998). Ce modèle de Keyser-Jones nous permet aussi d’évaluer l’intégration des P.A.I. dans les CHSLD en tenant compte de plusieurs dimensions de leur interaction et de leur adaptation de la P.A.I. avec leur environnement de vie institutionnel. En effet, on ne s’attend pas à ce que les P.A.I. diffèrent des autres résidants en ce qui a trait à leur statut fonctionnel, cognitif, ou physiologique, mais elles peuvent avoir des besoins et des préférences différentes en regard des caractéristiques physiques, organisationnelles ou culturelles de leur environnement. Par exemple, l'environnement physique 87 dans le CHSLD répond-il aux besoins et aux espérances des P.A.I. ? Les politiques et la philosophie des CHSLD facilitent-elles l’intégration des P.A.I. où créent-elles des barrières dans la réponse à leurs besoins ? Comment la différence dans la langue, dans les valeurs culturelles et dans les croyances affecte-t-elle l’intégration des P.A.I. dans les CHSLD ? Figure 2 : Le modèle conceptuel de Kayser-Jones adapté à la présente étude L’AMÉNAGEMENT PHYSIQUE LES STRUCTURES ORGANISATIONNE -LLES BIEN-ÊTRE ET INTÉGRATION SOCIALE DES P.A.I. ASPECT PSYCHOSOCIAL ET CULTUREL LES PERSONNES DE L’ENTOURAGE DES P.A.I. Source : J. Kayser-Jones. (1992). Culture, environment, and restraints : a conceptual model for research and practice. Journal of Gerontological Nursing, 18 (11), 13-20. 88 Le modèle de la compétence culturelle de Campinha-Bacote (1995 ; 2009) : Selon Collinge, Rudell et Bhui (2002), le maintien ou l'amélioration de la qualité du milieu de vie des P.A.I. dans les CHSLD devraient comprendre une reconnaissance de leurs différences culturelles, car la compétence culturelle est un outil indispensable pour assurer la qualité des services offerts dans les CHSLD auprès des P.A.I. (Xakellis et coll., 2004). Le modèle « The Process of Cultural Competence in the Delivery of Healthcare Services » de Campinha-Bacote (1995 ; 1999) nous permettra, dans le cadre de cette étude, de comprendre la notion de compétence culturelle. Les concepts de ce modèle sont les suivants : conscience culturelle (cultural awareness), le savoir culturel (cultural knowledge), rencontres culturelles (cultural encounters), habiletés culturelles (cultural skill) et désir culturel (cultural desire). La conscience culturelle est le processus délibéré, cognitif dans lequel les intervenants reconnaissent et sont sensibles aux valeurs, aux croyances, aux pratiques et aux problèmes des P.A.I. (Campinha-Bacote, 1999a : 204). Ce processus de conscience doit impliquer que l’intervenant examine ses propres préjugés et actes envers d'autres cultures et l'exploration en profondeur de son environnement culturel propre (Bacote 1999 : 204). Ainsi, selon le concept de la compétence culturelle, les intervenants devront se poser certaines questions comme : 89 « Am I aware of any biases or prejudices that I may have toward African-American patients? An example of one unconscious area of bias may be the African-American dialect » (Bacote, 2009: 49) et comme: « Is there racism in health care? » (Campinha-Bacote, 1999a : 204). Le savoir culturel représente, selon Campinha-Bacote (CampinhaBacote, 2009 : 50), le processus par lequel les intervenants essaient de chercher et d'obtenir une base éducative au sujet des P.A.I. À ce propos, cette connaissance véhicule trois issues spécifiques : une croyance relative à la santé au sujet des pratiques et des valeurs culturelles, l’incidence et la prédominance de la maladie, et l’efficacité du traitement (Campinha-Bacote, 2009 : 51). En effet, les croyances des P.A.I. à propos de leurs maladies peuvent avoir un lien avec leurs croyances spirituelles : « Spiritual beliefs and practices are a source of comfort, coping, and support, and are the most effective way to influence healing » (Campinha-Bacote, 2009 : 51). Ainsi, à propos de l’incidence et de la prédominance de la maladie, certains auteurs mentionnent que : « African Americans experience an "excessive burden of disease "» (Campinha-Bacote, 2009 : 51). Le désir culturel est défini comme la motivation de l’intervenant à vouloir s'engager dans le processus de devenir culturellement compétent avec les P.A.I. : 90 « Cultural desire is the pivotal construct of cultural competence that provides the energy source and foundation for one’s journey toward cultural competence » (CampinhaBacote, 2009 : 49). Le désir culturel est exprimé en matière de dignité humaine, de droits de l'homme, de justice sociale et d’équité (Campinha-Bacote, 2005). Ainsi, l’objectif des intervenants n'est pas d’utiliser des termes politiquement corrects, mais d’offrir des mots ou des termes qui reflètent un vrai souci concernant les besoins, les aspirations et les croyances des P.A.I. (Campinha-Bacote, 1999a : 49). Autrement dit, les mots prononcés par les intervenants et leurs actions doivent être congruents à leurs vrais sentiments intérieurs (Campinha-Bacote, 1999a : 206). Les rencontres culturelles représentent la recherche délibérée d'interactions face à face avec les P.A.I. (Campinha-Bacote, 2009 : 51). Les buts des rencontres culturelles sont de produire une large variété de réponses verbales et d’envoyer et de recevoir des messages tant verbaux que non verbaux précisément et convenablement dans un contexte multiculturel (Campinha-Bacote, 1999a : 205). Cependant, s'engager dans des rencontres culturelles peut être parfois difficile et inconfortable pour les intervenants. À ce propos ces derniers doivent se rendre compte que leurs bonnes intentions ainsi que leurs modèles non verbaux habituels de communication peuvent parfois être interprétés comme blessants et insultants par les P.A.I. (Campinha-Bacote, 1999 : 205). 91 Enfin, « les habiletés culturelles » concernent les capacités à effectuer une collecte de données qui tienne compte des éléments culturels des P.A.I., de leur famille et de leur communauté d’appartenance en vue d’offrir des soins culturellement adéquats. À ce propos, Leininger (1978) définit l’évaluation culturelle comme : « A systematic appraisal or examination of individuals, groups, and communities as to their cultural beliefs, values, and practices to determine explicit needs and intervention practices within the context of the people being served” (pp. 85-86) » (Campinha-Bacote, 2002 : 182). Par ailleurs, le champ de pharmacologie ethnique qui prend en considération les variations raciales et ethniques en réponse à la médication est un exemple de la flexibilité des CHSLD dans la détermination des soins médicaux appropriés (Campinha-Bacote, 1999 b : 290). Un schéma de synthèse Ainsi, ce modèle de la compétence culturelle: « Se situe à l’intersection des cinq concepts. À mesure que l’espace de l’intersection des concepts devient plus large, les dispensateurs de soins internalisent plus profondément les concepts sur lesquels la compétence culturelle est basée. Ce 92 modèle reflète donc la dynamique du processus menant à la compétence culturelle » (Lecomte et coll. : 2006 : 9). Figure 3 : Le processus de la compétence culturelle La conscience culturelle Le désir culturel Le processus Les habilités de la compétence culturelles culturelle Le savoir culturel Les rencontres culturelles Source : Campinha-Bacote (2002, 183) Notre modèle d’analyse En tenant compte des deux modèles théoriques, trois notions fondamentales ressortent : les caractéristiques du CHSLD, les caractéristiques des P.A.I., ainsi que les efforts déployés et les politiques institutionnelles mises en place dans les CHSLD. Le modèle d'analyse que nous proposons d'utiliser tient compte de ces trois notions, car nous supposons qu'il existe des liens entre les différentes composantes de 93 l’environnement institutionnel ainsi qu'entre l’environnement institutionnel et la compétence culturelle des intervenants et l’intégration des P.A.I. dans les CHSLD. Notre modèle d'association présenté dans la Figure 4 illustre les liens entre ces trois éléments. Figure 4 : Notre modèle d’analyse La dimension micro institutionnelle L’environnement personnel, supra personnel des P.A.I. La dimension méso institutionnelle L’environnement physique, l’environnement organisationnel et l’environnement psychoculturel du CHSLD La compétence culturelle des CHSLD La dimension macro institutionnelle L’intégration des P.A.I. dans le CHSLD 94 METHODOLOGIE 95 Nous abordons dans ce chapitre les objectifs, la stratégie et les questions de notre recherche. Ainsi, des informations sont apportées sur la population à l’étude, les stratégies de la collecte de données, les variables à l’étude et la procédure d’analyse des données. Les objectifs de la recherche Le passage d’un stade d’autoréflexion du premier ordre à un stade d’autoréflexion du second ordre soutient différents objectifs. Nos objectifs de connaissance sont les suivants : 1) Recueillir le point de vue de personnes immigrantes âgées de 50 ans et plus vivant au Saguenay–Lac-Saint-Jean sur leurs attentes et leurs appréhensions envers leur propre placement en CHSLD ou dans des résidences privées pour personnes autonomes ou en perte d’autonomie. 2) Documenter la perception qu’ont ces répondants sur le niveau actuel de compétence culturelle des CSSS, des CHSLD et des résidences privées situés sur le territoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean à répondre adéquatement aux besoins des résidants provenant de communautés ethnoculturelles. 3) Identifier les mesures que ces répondants proposent pour faciliter l'intégration sociale des résidants provenant de communautés ethnoculturelles dans ces deux types de milieu de vie. L'approche de la recherche Afin de poursuivre nos objectifs, et comme on a pu le voir dans la définition des concepts, il n'existe pas de consensus quant à la définition du 96 concept de qualité de vie et la compétence culturelle. Ceci démontre la complexité et la difficulté à mesurer ces deux concepts et explique la diversité des approches méthodologiques mises de l'avant jusqu'à présent. D'où la nécessité de retenir l'approche qualitative dans le cadre de cette recherche. Elle représente une approche souple et adaptée à la réalité (Deslauriers, 1991), elle privilégie le point de vue des acteurs sociaux dans la compréhension des réalités sociales (Mayer et coll., 2000), elle adopte une stratégie ayant recours à certaines techniques de recueil et d'analyse qui visent à expliquer des phénomènes humains ou sociaux (Mucchielli, 1996), elle favorise l'émergence de thèmes, de catégories et de modèles convenant à l'étude de phénomènes plurifactoriels (Lane et coll., 2001), elle laisse plus de place à la subjectivité et, par conséquent, au point de vue des personnes dans une société donnée (Huberman et coll., 1991) et enfin, elle permet au chercheur de s'engager dans la compréhension du monde tel qu'il apparaît dans la complexité des multiples perspectives qui émergent. En recherche qualitative : « Le rôle du chercheur est d'atteindre une compréhension 'holiste' (systémique, globale, intégrée) du contexte de l'étude: sa logique, ses arrangements, ses règles implicites et explicites [...], et de capter des données sur les perceptions d'acteurs locaux de l'intérieur, à l'aide d'un processus d'attention approfondie, de compréhension empathique [...] » (Matthew et coll., 2003 : 48). 97 Étant donné que notre objet de recherche se situe dans le champ de la gérontologie, nous pouvons dire que : « La gérontologie étant encore comme une discipline jeune, la recherche qualitative est essentielle pour le gérontologue praticien ou théoricien, un outil très important pour développer le corps des connaissances» (Vaillancourt, M., 1996 : 40). Dans cette veine, l'approche qualitative employée adopte une méthodologie de type ethnographique. La méthode ethnographique consiste à décrire un phénomène en reconnaissant les dimensions contextuelles du sujet de recherche, notamment la dimension culturelle qui lui est centrale (Patton, 2002). Elle perçoit et révèle les cultures en tant que processus dynamique et multidimensionnel, composé d'acteurs individuels représentant un tissage complexe de voies et de points de vue (Frosch, 1999). Population à l'étude La population visée par cette recherche demeure des personnes provenant de communautés ethnoculturelles qui sont âgées de 50 ans et plus et qui demeurent dans la région de Saguenay–Lac-Saint-Jean depuis au moins un an. Les répondants ne devaient pas être nés au Canada et devaient être capables de s’exprimer en français ou en arabe (langue maternelle de l’auteur de ce mémoire). Comme la majorité des immigrants qui s’installent en région sont généralement des personnes ayant un haut niveau d’éducation 98 (Statistique Canada, 2008 : 18), dans la présente étude, les répondants devaient avoir atteint une scolarité supérieure à un secondaire V. L'échantillon est composé de 11 participants ayant en moyenne 59,8 ans. Tous les répondants demeurent sur le territoire de la ville de Saguenay. En recherche qualitative, la collecte de données porte sur un petit nombre d'individus (Lamoureux, 2000 et Mayer et coll., 2000). Compte tenu de la sensibilité du sujet, l'échantillon a été construit à partir d'une combinaison de deux techniques : l'échantillonnage boule de neige et l'échantillonnage raisonné. L'échantillonnage boule de neige (Dépelteau, 2000) permet de partir d'au moins un répondant, membre de la population cible, de constituer l'échantillon. Quant à l'échantillonnage raisonné (Amaury, 2006 : 127), il permet au chercheur de choisir en toute conscience les personnes ressources qui participeront à l’étude en fonction des critères d’éligibilité des sujets. Il est donc évident que l'échantillon de la présente recherche n'a pu se constituer qu'au fur et à mesure de l'enquête. Par ailleurs, tous les répondants correspondant aux caractéristiques préétablies de la population cible aux fins de la présente recherche et qui ont manifesté leur intérêt de participer à cette étude ont été retenus (Lamoureux, 2000). I l est à noter, que des dépliants ont été distribués dans deux organismes communautaires œuvrant auprès d’immigrants. Toutefois, aucune personne membre de ces deux organismes n’a contacté l’étudiant chercheur pour manifester leur intérêt à participer à la présente étude. 99 Mode de recrutement des participants et déroulement des entrevues Au départ, deux répondants qui connaissaient le présent auteur de ce mémoire dans le contexte de relations professionnelles et qui répondaient aux critères de la présente étude ont été recrutés. Grâce à ces deux répondants, l’étudiant chercheur a été mis en contact avec d’autres personnes répondant aux critères de sélection. Ces personnes recevaient alors un dépliant leur expliquant les objectifs de l’étude par l’entremise de leur connaissance (Appendice 1). Ces personnes devaient compléter un formulaire autorisant à ce que ses coordonnées personnelles (numéro de téléphone) soient transmises à l’auteur de ce mémoire (Appendice 2). Les personnes intéressées à participer à l’étude devaient communiquer par téléphone avec l’auteur de ce mémoire ou attendre que ce dernier entre en contact avec eux. Lors des échanges téléphoniques, l’étudiant chercheur s’est assuré que ces personnes répondaient aux critères d'échantillonnage, leur a présenté les objectifs de la recherche, les a rassurés de la confidentialité de leur témoignage, leur a présenté les différents axes de la recherche et leur a fixé un rendez-vous. Instruments de collecte de données Dans le cadre du présent mémoire, trois instruments de collecte de données ont été utilisés. Dans un premier temps, un bref rappel du but et du déroulement de la recherche a été présenté aux participants. Puis, ces 100 derniers ont été invités à signer un formulaire de consentement (Appendice 3). Ce formulaire explique que les objectifs et la méthode de recherche ont été présentés aux participants. Il comporte également des considérations éthiques tel le caractère volontaire et libre de la participation, les mesures de protection de la confidentialité des données, l'anonymat et la destruction des données. Dans un second temps, les participants ont été invités à compléter à compléter une fiche signalétique afin d'obtenir des informations sur leurs caractéristiques sociodémographiques (sexe, année de naissance, niveau de scolarité terminé, lieu d'habitation) et sur celles de leur proche (sexe, année de naissance, conditions de logement, niveau d'autonomie, principaux problèmes de santé). Dans cette fiche signalétique, toutes les questions posées étaient de type fermé (Appendice 4). Ensuite, un guide d'entrevue semi-dirigée a été utilisé pour recueillir le point de vue des répondants dans le cadre d’une entrevue individuelle semidirigée (Appendice 5). L'entretien individuel correspond à une méthode de collecte d'informations qui se situe dans une relation de face à face entre l'interviewer et l'interviewé (Boutin, 1997). Lors d’un entretien semi-dirigé à questions ouvertes (Mayer et coll., 1991), les personnes interrogées ont la liberté de laisser aller leur spontanéité. Il a été possible de diriger l'entretien dans diverses directions, dans la mesure où cela permettait de fournir des données pertinentes. Le rôle de l’étudiant a été d'agir comme guide afin de couvrir toutes les composantes importantes de la recherche. Savoie-Zajc (2003) la définit d'ailleurs comme suit : 101 « L’entrevue semi-dirigée consiste en une interaction verbale animée de façon souple par le chercheur. Celui-ci se laissera guider par le rythme et le contenu unique de l'échange dans le but d'aborder, sur un mode qui ressemble à celui de la conversation, les thèmes généraux qu'il souhaite explorer avec le participant de la recherche. Grâce à cette interaction, une compréhension riche du phénomène de l'étude sera construite conjointement avec l'interviewé » (p. 296). Le guide d'entrevue comprenait une vingtaine de questions ouvertes (Appendice 5). Les thèmes ont été présentés en commençant par des thèmes globaux pour se diriger vers des thèmes de plus en plus spécifiques (Mayer et coll., 2000) et les questions posées allaient de la plus facile à la plus difficile et du général au particulier (Lamoureux, 2000). Le guide d'entrevue abordait les grands thèmes suivants : 1) trajectoires d’immigration et modes d’intégration dans la communauté d’accueil ; 2) les attitudes en ce qui a trait aux services formels existants ; 3) la décision de placement dans un milieu de vie protégé ; 4) les attentes et ; 5) les recommandations. Le choix des questions de la présente recherche a été fait en fonction des objectifs et de l’application des concepts (Lamoureux et coll., 2000 ; Mayer et coll., 2000). Le changement des thèmes était clairement indiqué pour chacune des sections de ce guide d'entrevue (Mayer et coll., 2000). Les deux instruments de collecte de données utilisés ont permis d'amasser les faits qui sont devenus les données de la recherche. En général, ces deux 102 types d'instrument de collecte de données montrent une bonne capacité à atteindre les objectifs d'une étude (Lamoureux, 2000 ; Mayer et coll., 2000). Une entrevue pré-test a été réalisée auprès de deux personnes membres de la clientèle cible. Cette technique a permis de vérifier la cohérence interne du guide d'entrevue (Lamoureux, 2000). En comparant les résultats des deux premières entrevues, il a été possible de constater que les deux instruments de collecte de données mesurent exactement ce qu'ils sont censés mesurer, c'est-à-dire obtenir des informations pour l'atteinte des objectifs de l'étude. Analyse des données Chaque entrevue semi-dirigée a été enregistrée à l'aide d'un enregistreur vocal et retranscrite par l’étudiant dans leur intégralité. L'analyse des données a consisté en l'identification, la classification et la catégorisation des données en suivant la procédure d'analyse de contenu proposée par Colaizzi (1978). Les données recueillies ont été transcrites mot à mot. La lecture de ces transcriptions a permis de dégager les énoncés significatifs. Ces énoncés ont été ensuite regroupés en des thèmes plus globaux émergeant de l'analyse des données pour constituer des catégories. Les étapes de cette méthode sont les suivantes : 1) écouter les entrevues, lire chacune des transcriptions et saisir l’impression qui s’en dégage ; 2) dégager des entrevues les énoncés signifiants et les relier aux dimensions à l’étude ; 3) analyser la signification des énoncés retenus et tenter de les reformuler clairement ; 4) regrouper les unités de signification en thèmes plus globaux 103 ou en tendances générales ; 5) rassembler les résultats de l’analyse et tenter une description exhaustive du phénomène à l’étude ; 6) valider la description exhaustive ainsi obtenue auprès de quelques répondants et ; 7) écouter les entrevues, lire chacune des transcriptions et saisir l'impression qui s'en dégage. À la suite de l'analyse des données, certaines citations sont retranscrites intégralement dans ce mémoire afin de présenter les résultats de manière plus concrète. Toutefois, afin d’assurer l’anonymat des répondants, aucun nom de pays d’où sont nés l’un ou l’autre des répondants n’est mentionné dans les divers extraits de comptes rendus exhaustifs. L'analyse qualitative a permis de saisir la signification des concepts à l'étude (Lamoureux, 2000). L'interprétation des résultats a été réalisée à partir de chaque réponse partagée par les répondantes aux thèmes et aux sous-thèmes qui ont été regroupés de façon à analyser les similitudes ainsi que les divergences dans le discours des répondants. Considérations éthiques Deux principes éthiques ont guidé la conduite de cette recherche. Ces principes sont les suivants : Le libre consentement des répondants La participation des répondants a été sollicitée de façon libre et sans recours à aucun moyen de pression et ils ont été informés des exigences de cette recherche avant même d’y donner leur accord. 104 La confidentialité des données La confidentialité de tous les documents de travail a été assurée par recours à des ententes de non-divulgation. À cet égard, l’étudiant s'est engagé à avoir recours à des codes plutôt qu'au nom des répondants, à ne jamais transmettre les documents de travail ou les enregistrements à des établissements ou à d'autres chercheurs, à détruire les documents et les enregistrements lorsque le présent mémoire sera définitivement accepté par le Décanat des études avancées et de la recherche. Tous ces éléments ont été inscrits à l'intérieur d'un contrat liant l'intervenant et le chercheur (Appendice 5). Le présent mémoire a reçu une approbation du comité éthique de l’Université du Québec à Chicoutimi. Pertinence de la recherche Les résultats de la présente recherche ont permis d'acquérir de nouvelles connaissances sur les enjeux sociosanitaires du vieillissement des P.A.I. dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, sur la nature des soins qu'ils ont besoin, sur l'adéquation entre les services actuellement offerts par les CSSS et les besoins socioculturels des P.A.I et leurs préférences en ce qui a trait aux soins et services offerts dans les milieux de vie protégés. Ces différentes informations s'inscrivent dans le cadre d'évaluation des programmes de régionalisation de l'immigration et dans le cadre de la recherche sociale appliquée. Il s'agit d'un nouveau regard de la réalité sociale qui échappe à la logique de du profit économique de l'immigrant et qui vise son bien-être social. Par ailleurs, cette étude pourra permettre aux décideurs 105 politiques et aux intervenants de réfléchir sur les orientations à prendre afin de mettre en place des services répondant aux besoins des personnes âgées immigrées et des stratégies à développer pour former les intervenants et leur organisation afin qu’ils soient mieux outillés pour interagir avec des immigrants ayant décidé de vieillir dans une région éloignée des grands centres urbains. 106 RESULTATS 107 Dans ce chapitre, nous nous attarderons à présenter les principaux résultats de la présente étude. La première section décrit le contexte de vieillissement des répondants dans la région en tenant compte des informations qui ont trait aux éléments suivants : les caractéristiques sociodémographiques ainsi que leurs valeurs familiales, sociales et culturelles. La deuxième section aborde le vieillissement physique des répondants en fonction de leurs rapports avec les institutions publiques de services de soins de santé et de services sociaux offerts au Québec par l’entremise des CSSS de la région. Enfin, la troisième partie aborde le regard subjectif des répondants par rapport au placement dans un milieu de vie protégé. Cette section s’attarde à présenter les différentes propositions émises par les répondants pour mieux adapter les milieux de vie protégés aux besoins des personnes âgées immigrantes. Les caractéristiques sociodémographiques actuelles des répondants Comme le montre le Tableau 1, la majorité des répondants sont des hommes mariés (7 sur 11), sont âgés de 56 ans et plus (64%), ont des enfants (81 %) et vivent avec au moins une autre personne (75 %). La plupart vivent dans une maison individuelle (7 sur 11), tandis qu’une proportion moins élevée (27 %) occupe un logement dans un édifice comprenant six logements et plus. Un seul répondant demeure dans un HLM. Plus de la moitié des répondants travaillent à temps plein (64 %), ont obtenu un diplôme d’une université (82 %) et avaient accès, au moment de la collecte de données, à un revenu annuel familial supérieur à 80 000 $ (64 %). Plus de la moitié d’entre eux se considèrent comme étant à l’aise financièrement 108 (64 %) tandis qu’un seul répondant se considère comme pauvre. À la maison, la majorité des répondants (n=7) utilisent une autre langue que le français. Il est toutefois important de mentionner que tous les répondants peuvent s’exprimer, lire ou écrire dans l’une ou l’autre des deux langues officielles du Canada et que neuf personnes maîtrisent plusieurs autres langues que le français ou l’anglais. Enfin, la plupart des participants estiment que leur état de santé est bon ou excellent (75 %) et que leur moral est bon, très bon ou excellent (75 %). Les caractéristiques sociodémographiques actuelles des répondants sont en lien avec leur intégration dans la région. Comment cette intégration s’est-elle déroulée ? En nous interrogeant sur le parcours migratoire des répondants (phase pré-migratoire, phase post-migratoire et phase postmigratoire) et les facteurs d’intégration (par exemple, les réseaux familiaux et sociaux et conditions post-migratoires), nous en arrivons à mieux cerner les variables soupçonnées de jouer un rôle dans l’intégration des immigrants dans les diverses sphères de la vie dans région et en particulier dans les milieux de soins et des services sociaux relevant des CSSS. Trajectoires d’immigration et modes d’intégration dans la région Les trajectoires d’immigration des répondants comportent une phase pré-migratoire, une phase migratoire et une phase post-migratoire. Les paragraphes qui suivent portent sur l’évolution des trajectoires migratoires des répondants qui se caractérisent par des parcours migratoires singuliers ainsi que des situations sociales, économiques, professionnelles et politiques 109 qui sont liées aux différents processus d’intégration des répondants dans leur société d’accueil et dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. La phase pré-migratoire La phase pré-migratoire concerne le continent d'origine, les pratiques religieuses des répondants, leurs opinions envers leur pays d'origine et leur principale occupation et leur niveau de scolarité avant de quitter leur pays d’origine 110 Tableau 5 : Caractéristiques sociodémographiques et perception de l’état de santé actuel des répondants Variable Nombre de Pourcentage répondants Sexe Homme 7 64 % Femme 4 36 % 50 à 55 ans 4 36 % 56 à 64 ans 5 46 % 65 ans et plus 2 18 % Marié/conjoint de fait 7 64 % Séparé/divorcé 2 18 % Célibataire 1 9% Veuf/Veuve 1 9% Oui 9 82 % Non 2 18 % Maison individuelle 7 64 % Immeuble de 6 logements et 3 27 % 1 9% Tranche d’âge Statut matrimonial Ont des enfants Type de résidence plus HLM 111 Tableau 5 (suite) : Caractéristiques sociodémographiques et perception de l’état de santé actuel des répondants Variable Nombre de Pourcentage répondants Occupation socioprofessionnelle dans les 12 derniers mois Travail à temps partiel 4 36 % Travail à temps plein 7 64 % Français 3 27 % Anglais 1 10 % Autres que le français ou 7 63 % Langue utilisée à la maison l’anglais Le plus haut niveau d’études complété Moins qu’un secondaire V 1 9% Secondaire V 1 9% Baccalauréat 2 18 % Maîtrise ou doctorat 7 64 % Entre 10 000 et 19 999 M$ 1 9% Entre 40 000 $ et 59 999 M$ 1 9% Entre 60 000 $ et 79 999 $ 2 18 % 80 000 $ et plus 7 64 % Revenu familial brut 112 Tableau 5 (suite) : Caractéristiques sociodémographiques et perception de l’état de santé actuel des répondants Variable Nombre de Pourcentage répondants Situation économique À l’aise financièrement 6 55 % Revenus suffisants 4 36 % Pauvre 1 9% Excellent 8 73 % Bon 1 9% Moyen 1 9% Mauvais 1 9% Excellent 3 27 % Très bon 1 9% Bon 3 27 % Moyen 3 27 % Mauvais 1 9% Perception de l’état de santé Moral 113 Continent d’origine et pratiques religieuses des répondants Les continents d’origine des répondants sont l’Afrique (45 %), l’Asie (36 %) et l’Amérique du Nord ou du Sud (18 %). De plus, la majorité des répondants se considèrent comme chrétiens (45 %) ou musulmans (45 %). Par conséquent, pour les premiers, les principales fêtes religieuses qui sont habituellement célébrées demeurent Noël et Pâques tandis que pour les musulmans ce sont l’Aïd el fitr, l’Aid el Adha et le Mouled. En raison de leur mariage avec une personne pratiquant une autre religion, certains répondants ont déjà célébré ou célèbrent encore les différentes fêtes religieuses et culturelles de leur propre religion et de celles de leur partenaire. Depuis leur arrivée au Canada, d’autres participent aux fêtes religieuses de leurs voisins. Toutefois, pour l’un des répondants, l’absence de membres de sa communauté fait en sorte qu’il lui est impossible de célébrer les fêtes de sa propre culture. « Parfois, on les célèbre toutes les fêtes, parfois on n’a pas de disponibilité. Parfois, on mélange Noël avec Aid Alkabir. » (Répondant 2) « […] je mange les gâteaux avec quelques amis lors du jour de Pâques. » (Répondant 6) « Je participe à toutes les fêtes du Québec. On a le Noël aussi et le Nouvel An. De l’Inde, pas ici, car je n’ai pas d’amis qui 114 viennent de l’Inde. Mais en Inde on a toujours célébré peutêtre toutes les fêtes familiales, le contexte social comme le contexte en Égypte parce qu’on est tous dans la même situation sociale, on a célébré toutes les fêtes. » (Répondant 1) Opinion des répondants envers leur pays d’origine La plupart des répondants (9 sur 11) avaient une très bonne impression de leur pays d’origine avant qu’ils émigrent. C’est ainsi que plusieurs qualificatifs ont été utilisés lorsque les répondants ont eu à exprimer leur opinion envers lui. Les termes qui ont été au moins une fois mentionné par l’un ou l’autre des répondants demeure « parfait », « paradis sur terre », « excellent », « ouvert », « moderne » et « pacifique ». Certains aspects de leur réalité familiale ou de celle de leur pays d’origine étaient aussi appréciés par les répondants, dont la situation économique de leur famille, le désir des étudiants ayant effectué des études à l’étranger de retourner vivre dans leur pays ainsi que la situation politique en vigueur. « Mon pays c’était un paradis sur terre, la famille nageait aussi dans l’argent, alors on n’avait que d’excellents souvenirs c’est tout. La vie politique ça ne me regardait pas, la religion moitié-moitié musulmane et chrétienne, c’est oriental c’est comme on dit moralité orientale, la place des 115 femmes, je ne sais, je n’avais que mes sœurs, des femmes de chez nous, comme les femmes d’ici. » (Répondant 3) « Le climat était en paix. » (Répondant 1) « J’ai quitté mon pays l’année 1975, c’était dans un état excellent, mais cela a évolué. » (Répondant 5) « À l’époque, moi, lorsque je suis sorti j’avais de très bonnes impressions au sens où tous les étudiants qui terminaient leurs études à l’étranger décidaient, d’y retourner. » (Répondant 11) En ce qui a trait aux deux répondants ayant manifesté des opinions mitigées envers leur pays d’origine, un de ceux-ci n’appréciait pas les orientations politiques et les décisions prises par son gouvernement concernant l’implication de l’armée sur la scène internationale, tandis que le second considérait que son pays représentait un danger pour son intégrité physique. Voyons plus précisément l'opinion de ces répondants à ce sujet : « Je suis en désaccord avec la politique étrangère […] Qui est cruelle et envahissante qui n’a cessé de renverser les régimes politiques de d’autres pays, d’écouler le sang des gens, d’utiliser les armes destructives et de renforcer le crime et la honte de d’autres pays du monde envers le gouvernement […] » (Répondant 6) 116 « Malheureusement, après trois ans, le régime politique avait été bouleversé par un régime dictateur et a amené l'établissement d'une dictature et l’enfermement du pays pour plusieurs années suite à des sanctions internationales. » (Répondant 5) Principale occupation et niveau de scolarité des répondants avant de quitter leur pays d’origine Au moment de quitter leur pays d’origine, plus que la moitié des répondants étaient des étudiants (55 %), tandis que 45 % occupaient un emploi rémunéré, dont 22 % dans un établissement de services. De plus, lors de leur première immigration, la plupart des répondants (83 %) avaient déjà fait des études universitaires de cycles supérieurs (maîtrise ou doctorat). La phase migratoire La phase migratoire met en cause les antécédents de changements de milieu de vie, de pays, les catégories d’immigration des répondants les motifs d'immigration, les attentes des répondants et leurs craintes ainsi que le contexte du projet migratoire : âge, contexte, état de santé. Les antécédents de changement de milieu de vie, de pays À peu près la moitié des répondants ont vécu plusieurs années dans d’autres pays que le Canada (France, États-Unis, Angleterre, Égypte, Brésil) 117 avant leur arrivée dans ce pays. C’est en ces termes que les répondants se sont exprimés : « J’ai quitté mon pays vers les États-Unis en 1978 pour une période de 22 ans, après je suis arrivé ici. » (Répondant 4) « Né en Afrique du Sud, dans mon enfance je me suis déplacé beaucoup entre l’Égypte et l’Angleterre. J’ai demeuré en Égypte pendant plus de 20 ans pendant mes années scolaires et les années universitaires. Je suis arrivé au Canada en 1967. » (Répondant 8) « J’ai vécu cinq ans au Brésil et je suis venu par la suite vivre dans la ville de Québec. » (Répondant 7) Les catégories d’immigration des répondants Quelles que soient leurs trajectoires d’immigration, les répondants peuvent être regroupés selon quatre grandes catégories d’immigrants. Il y a premièrement, les personnes qui sont venues vivre au Canada pour étudier. C’est le cas du quart des répondants (n= 4), dont un seul est venu directement étudier à l’Université du Québec à Chicoutimi. Il y a ensuite les immigrants économiques qui sont venus vivre dans ce pays en tant qu’investisseurs étrangers (n=1) ou en tant que travailleurs qualifiés (n=3). Pour leur part, deux des répondants peuvent être considérés comme des immigrants parrainés par un membre de leur famille parce que leur arrivée 118 au Canada est justifiée par leur désir de vivre avec leur conjoint, tandis qu’une autre personne peut être considérée comme une réfugiée politique étant donné qu’elle est arrivée au Canada dans le cadre d’un programme humanitaire spécialement instauré par ce pays en faveur de sa communauté religieuse. Cette personne vivait de la discrimination dans le pays où elle avait immigré avant de venir s’installer au Canada : « Nous, en 1984, en tant que […] en […], nous vivions une situation trop difficile. Le bureau d’immigration du Canada avait ouvert un bureau spécial afin d’accélérer le processus d’acceptation des immigrants permanent des […], provenant des pays […] » (Répondant 5) Les motifs d'immigration, les attentes des répondants et leurs craintes Les motifs d’immigration, des répondants peuvent être regroupés en trois grandes catégories : familial (n=3), personnel (n=9) ou d’ordre idéologique (n=2). Certains des répondants ont également mentionné plus d’un motif à l’origine de leur immigration. D’abord, deux répondants accordaient une importance à leur vie conjugale et au rassemblement des membres de leur famille autour du leur chef, tandis qu’un autre répondant désirait que ses enfants aient accès à une formation de qualité. Ces répondants ont d’ailleurs exprimé leur point de vue de la manière suivante : « Pour compassion à mon mari, pour moi, la famille est plus importante. On a toujours voyagé avec lui. » (Répondant 1) 119 « Mais ce qui est sûr, j’ai choisi un pays excellent pour vivre et pour l’éducation de mes enfants à l’université. » (Répondant 5) Certains des répondants ont aussi immigré au Canada pour faire des études supérieures, pour occuper un emploi correspondant à leurs qualifications professionnelles, tandis que d’autres désiraient améliorer leurs conditions matérielles dans une société politiquement stable. Les témoignages suivants font état de ces différents types de motivation : Emploi : « Pour moi-même, je n’ai pas fait mon doctorat pour rien, j’ai fait mon doctorat pour travailler. Mais ici, c’est un peu difficile à travailler. J’ai cherché du travail et j’ai trouvé du travail qui correspondait à mes expériences antérieures ici. » (Répondant 1) « Les attentes par rapport à l’emploi bien sûr, étant donné que je suis quelqu’un qui a une bonne éducation, doctorat, donc mes attentes sont par rapport à l’emploi. » (Répondant 2) « Tous les immigrants n’ont qu’un objectif : travailler, travailler point final. Des projets qui ont été caressés, j’avais commencé, dès la deuxième année à agir. » (Répondant 3) 120 Emploi et stabilité sociopolitique : « Dans la société tout ce que j’ai voulu, c’est qu’ils me donnent l’occasion de travailler point final ; un jeune qui vient de là-bas, ce que je voulais c’est de travailler et puis investir. La stabilité sociale, la stabilité politique, oui. La stabilité qui est basée sur une démocratie [...] » (Répondant 3) Études : « Une fois que nous sommes arrivés au Canada nous avons décidé d’étudier et de nous stabiliser. » (Répondant 7) « Je suis venu au Canada en tant qu’étudiant international. » (Répondant 9) Études et emploi : « C’était au départ pour des raisons d’études. Moi, j’ai déjà été un professeur avant d’arriver ici. » (Répondant 10) « Quand je suis arrivé ici, j’ai terminé mes études. Dans ce temps-là, je pouvais rester ici ou retourner dans mon pays. Et j’avais fait une demande d’immigration et j’ai été accepté et puis je suis resté. » (Répondant 11) Un des répondants souhaitait, pour sa part, participer au rayonnement de ses croyances religieuses dans l’espace public québécois, tandis qu’un 121 autre voulait mettre fin à la monotonie qu’il vivait dans un autre pays. Les témoignages suivants font état de ces deux types de motivation : « Vraiment, mon but était la religion. Les autres choses étaient moins importantes. Même si j’étais dans un autre pays en… ou bien en… c’était toujours servir ma religion. En premier, c’était ça et je n’avais pas d’autres attentes […] Je n’avais pas d’attentes, mon attente dans mon cœur c’est de voir plus de gens qui connaissent la religion. » (Répondant 5) « Moi, je suis parti de l’Angleterre parce que la mentalité était trop étroite, il y avait l’expo et tout le monde était préoccupé par l’expo. » (Répondant 8) Un répondant a mentionné qu’après son installation dans la région à des fins d’études, ses parents l’on forcé à demeurer dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean malgré son envie de retourner dans son pays d’origine, quelques mois après son arrivée : « J’ai voulu retourner chez moi après quatre mois. J’ai raté même l’avion pour ne pas venir ici, mais mes parents ont insisté pour que je vienne étudier au Canada. » (Répondant 9) Lors de leur arrivée au Canada ou quelques mois après, plusieurs répondants ont éprouvé diverses craintes ou malaises (n=7) quant à la 122 possibilité de demeurer dans ce pays. À ce sujet, un des répondants a évoqué des craintes d’ordre politique en raison de la tenue du référendum sur l’indépendance politique du Québec, tandis que d’autres étaient fort malheureux de s’éloigner des autres membres de leur famille. D’autres répondants estimaient que les occasions d’emploi dans la société d’accueil étaient très limitées, qu’il leur était difficile de s’affirmer ou de s’acclimater aux conditions hivernales (basses températures). Craintes d’ordre politique : « La seule fois où j’ai eu un peu de craintes, c’est lorsqu’il y a eu les fameuses élections référentielles, ça là, oui. Les séparatistes, les menaces de séparation, moi j’ai quitté un pays qui avait commencé à avoir des perturbations. C’était des mesures de guerre là, j’ai eu peur, j’ai eu peur oui, et j’ai mis une part de mon capital monétaire à l’abri, en Ontario. Mais je suis têtu, je voulais vivre au Québec avec les Québécois. » (Répondant 3) Crainte par rapport à l’éloignement des membres sa famille : « J’ai eu comme tout immigrant peur de me sortir de ma famille. » (Répondant 7) Crainte par rapport aux possibilités d’emploi : « Oui, il y avait beaucoup de craintes, pour un poste à l’université…, aussi les caractéristiques du marché du travail à l’époque au début des années 1990, pas beaucoup. » (Répondant 2) 123 Crainte par rapport au climat : « Mis à part le froid, je n’avais jamais pensé à d’autres craintes. » (Répondant 8) Les paragraphes qui suivent dressent le portrait des différents projets migratoires des répondants. Le contexte du projet migratoire : âge, contexte, état de santé La majorité des répondants (9 sur 11) ont assumé, eux-mêmes, les différentes procédures administratives concernant leur demande d’immigration, sans avoir à surmonter de difficultés. De plus, ces neuf répondants ont tous reçu leur réponse dans des délais très raisonnables. Un seul répondant a mentionné avoir eu recours à un avocat pour l’aider à compléter sa demande d’immigration : « Comme étudiant international, c’est ça. Oui, quand j’ai décidé de rester j’ai pris un avocat pour faciliter les démarches, pour rendre cela plus facile […] Et à l’époque, j’ai connu quelqu’un et on s’est marié en 1990, ce sont des choses qui m’ont incité à demeurer ici. » (Répondant 2) La majorité des répondants (9 sur 11) ont immigré au Canada lorsqu’ils étaient âgés de 20 à 40 ans, tandis que deux répondants avaient 41 ans et plus. Pour plusieurs des participants, la situation politique de leur pays d’origine était instable soit en raison de conflits intérieurs entre certains groupes ou castes ou en raison de l’absence de démocratie, situations qui ont 124 encouragé certains de ces neuf répondants à immigrer dans un autre pays. Les extraits suivants précisent ces propos : « Il y’avait des problèmes politiques dans mon pays d’origine qui ont empêché ma stabilité. » (Répondant 4) « J’ai quitté mon pays l’année avant la révolution de 1977, vers le Maroc avec mes deux enfants et mon mari. » (Répondant 5) « J’ai quitté mon pays pour des raisons politiques, mais je maintiens des rapports très étroits avec des personnes de mon pays d’origine. » (Répondant 7) « Il y avait une guerre dans mon pays, la guerre de Six jours. Alors j’étais obligé de le quitter. » « (Répondant 8) « Quand la guerre civile a commencé dans mon pays, j’ai décidé de recommencer une autre vie ici. » (Répondant 10) Certains des répondants (n=2) ont pu immigrer au Canada en raison de leurs qualifications scolaires ou professionnelles ou parce que leur pays d’origine encourageait les étudiants à poursuivre des études supérieures dans des universités étrangères. Les deux prochaines citations permettent de mieux saisir ces propos. 125 « J’étais déjà professeur chez moi, donc relativement j’étais bien par rapport à l’ensemble de mes concitoyens, j’avais mon emploi, j’avais mon travail, j’étais dans une école normale de formation des enseignants, on était relativement bien payé. » (Répondant 2) « Sur ce plan, je vous dirais, à l’époque, quand, moi, j’ai été étudiant à l’université nous avions une bourse, et cette bourse était non remboursable, c'est-à-dire le fait d’avoir seulement une inscription, tu avais une bourse. Tout étudiant à l’enseignement supérieur à l’université avait une bourse. C’est-à-dire quand ton nom était dans la liste, tu avais une bourse. » (Répondant 11) Enfin, la trajectoire migratoire de deux répondants montre des parcours assez particuliers. D’abord, un répondant n’a pas effectué de demande d’immigration, car sa présence dans la société d’accueil était possible à la suite d’accords diplomatiques entre son pays et le Canada. Ensuite, la trajectoire migratoire d’un autre répondant s’inscrit dans le cadre de la politique québécoise de recrutement d’immigrants diplômés des années 1960. Les deux prochaines citations permettent de mieux comprendre ces propos. « À l’époque un citoyen de mon pays […] lorsqu’il venait au Canada, c’était comme s’il vivait dans son pays d’origine. Il 126 était automatiquement accepté comme citoyen canadien […] » (Répondant 6) « J’ai été sollicité, alors quand ils m’ont offert des conditions qui sont très bonnes, ils m’ont offert le billet d’avion, ensuite ils m’ont donné de l’argent de poche, ils avaient besoin de cadres. » (Répondant 9) La phase post-migratoire La phase post-migratoire apporte des informations sur la nature des rapports qu’entretiennent des répondants interviewés avec les membres de leur société d’accueil et de leur pays d’origine ainsi que le degré de leur visibilité sociale dans la société d’accueil. Le rapport des répondants avec la société d’accueil Au fur et à mesure que les répondants se sont établis dans leur société d’accueil, ils ont pu faire des comparaisons entre leur situation postmigratoire et pré-migratoire, ce qui leur a permis de se positionner par rapport à la région. À ce sujet, les entrevues réalisées permettent de dégager deux lieux subjectifs : 1) le lieu d’attachement et ; 2) le lieu du projet de vie. Ces lieux représentent tous des éléments importants dans la constitution de l’identité des répondants dans la région et permettent d’exprimer des appartenances complexes. 127 En effet, le lieu d’attachement renvoie au lieu d’origine des répondants et fait référence pour certains immigrants à leurs pays d’origine (n=4) ou à l’identification à une communauté particulière. Ceux qui s’identifient à leur pays d’origine valorisent en général la vie familiale et la présence de liens familiaux forts et apprécient les conditions favorables offertes dans leur pays d’origine. Valeurs et liens familiaux : « Dans mon pays d’origine, on a beaucoup de bonnes familles. C’est ma famille immédiate. Mon frère, ma sœur, OK. Mais, j’ai des oncles, des tantes. Maintenant, ils sont décédés. Moi, je suis le plus grand de tous les enfants. Des proches, des oncles, des sœurs, tous étaient jeunes lorsque je suis parti. » (Répondant 1) Conditions favorables : « C’est sûr, il y a une monarchie dans mon pays d’origine ici, aussi c’est une monarchie. C’est sûr il y’a certaines différences parce que culturellement, c’est différent, parce que l’architecture est différente, le paysage du pays est différent, la mentalité est différente. Il commence à y avoir la même mentalité ; homme et femme c’est pareil, je ne vois aucune différence. Dans mon pays d’origine, il y a une ouverture politique, il y a ces sortes de choses aussi. » (Répondant 9) 128 Les répondants qui s’identifient pour leur part à des communautés particulières font référence à la famille, à une communauté religieuse ou à l’ensemble des humains. Communauté familiale : « Donc, en premier lieu, je m’identifie à la communauté familiale, ensuite à la communauté libanaise et ensuite à la communauté islamique. » (Répondant 4) Communauté religieuse : « Si j’appartiens à une communauté, c’est la communauté religieuse, je fais partie de cette communauté. » (Répondant 1) « Ma communauté, c’est la communauté musulmane. » (Répondant 3) « Parce que je suis [...] dans notre communauté, nous avons beaucoup d’activités. » (Répondant 5) « La communauté arabo-musulmane ici assez dynamique dans la mosquée et la bâtisse de la mosquée. » (Répondant 10) Communauté humaine : « J’ai une sensibilité à toutes formes d’enfermement dans une communauté quelconque. » (Répondant 2) 129 « Je ne peux pas dire que j’appartiens à une communauté culturelle particulière. » (Répondant 6) « Je m’identifie à la communauté sympathie tout simplement. Dans ma vie, j’ai eu des liens internationaux, s’identifier à une seule nationalité, c’est de la folie. Pour prendre l’équilibre, il faut avoir accès à toutes les nationalités. » (Répondant 8) Un seul répondant a mentionné que son lieu d’attachement demeure le Canada. À ce sujet, ce dernier a énoncé : « Pas vraiment, j’ai la fierté, j’ai fait le choix, je suis mieux ici qu’ailleurs. Si je devais quitter le Québec, je serais très mal et fort inquiet. Pour moi, j’ai vécu plus ici que je n’ai vécu ailleurs sur la terre. » (Répondant 9) En ce qui a trait au lieu du projet de vie, 10 répondants sur 11 ont désigné la région du Saguenay comme endroit de travail parce qu’ils y exercent un emploi à temps plein ou à temps partiel. « […] on est venu à Chicoutimi, à l’UQAC, pour y travailler. » (Répondant 1) « À un moment donné, j’ai rencontré des gens qui travaillent pour l’État québécois et je suis venu ici. Je suis arrivé à 130 Chicoutimi trois ans après. Au début, j’ai été conseiller pédagogique d’abord pour le ministère et après, pour une commission scolaire […] » (Répondant 3) « Depuis que je suis arrivé en 1984 et ce, jusqu’à maintenant, j’ai travaillé sans arrêt, sans aucune hésitation […] Je n’ai jamais arrêté de travailler. J’ai toujours travaillé à temps plein et je suis satisfait de la connaissance que j’ai de la langue. » (Répondant 6) Le rapport des répondants avec leur pays d’origine De façon générale, la presque totalité des répondants (n=10) entretient des rapports réguliers avec leurs proches qui vivent dans leur pays d’origine ou ailleurs dans le monde et ces personnes sont le plus souvent leurs frères et leurs sœurs. Certains des participants ont aussi gardé des contacts avec des amis d’enfance, retournent régulièrement dans leur pays d’origine ou supportent financièrement certains membres de leur famille immédiate ou élargie, comme leurs parents ou des neveux ou nièces. Communication régulière avec des membres de la famille : « Je garde la communication toujours, toujours… Moi, ce n’est pas fréquent, je parle au téléphone, j’écris des lettres, des cartes pour les fêtes et tout cela. Toujours, toujours, c’est important pour moi. » (Répondant 1) 131 « Oui, oui, les contacts sont encore très bons, on ne peut pas couper nos cordons même après le décès de nos parents. Téléphoniques, c’est fréquent, avec mes frères, sœurs, cousins, camarades. On les invite, ils viennent. Des camarades qu’on étudie ensemble dans le primaire. On a gardé de bons souvenirs. » (Répondant 3) Visites régulières de proches dans son pays d’origine : « Je réalise des contacts réguliers par téléphone avec les membres de ma famille et je visite mon pays d’origine une fois tous les deux ans. » (Répondant 4) « Je fais des visites tous les trois mois. On se contacte lors des fêtes, mes parents et en particulier mes frères et mes sœurs. » (Répondant 10) Aide financière à des proches : « La ligne la plus immédiate, c’est la famille. Aide financière, oui et je continue à en donner. La famille, la plus proche. J’ai des obligations à l’égard de mes nièces. Je leur paie le billet d’avion. » (Répondant 3) « Moi, mon salaire là, je le partage avec d’autres pays. Mon pays, il y a une vingtaine d’années qu’il s’est appauvri. De façon générale, c’est comme si la population est appauvrie. Moi, j’assume les frais de scolarité de la famille à l’extérieur 132 parce que je participe dans la mesure du possible. » (Répondant 11) Du point de vue politique, la continuité des rapports des répondants avec leur pays d’origine s’exprime par la fusion de leur identité au sein de la société d’accueil. Certains répondants ont alors recours aux concepts suivants : 1) l’ici ; 2) là-bas et ; 3) l’ailleurs. Le concept d’ici fait référence à la société d’accueil. C’est un cadre de vie qui permet au répondant d’identifier certaines différences objectives en regard de son pays d’origine et qui se rapportent à la qualité de vie, aux avantages sociosanitaires, à la réalisation du projet d’immigration, à la planification de l’avenir et à l’appréciation de la culture du pays. Les extraits suivants illustrent quelquesuns ce ces propos. Nouveau cadre de vie : « La qualité de vie ici est beaucoup mieux que dans mon pays d’origine, c’est un autre type ici. Ici, c’est plus de monde, plus beau, plus grand. » (Répondant 1) Appartenance pragmatique : « Ici, on trouve une bonne protection sanitaire. » (Répondant 4) Espace de réalisation sociale : « Je passe beaucoup de mon temps ici, dans mon milieu de travail, c’est ici que je me réalise. » (Répondant 7) 133 « Ma vie, je l’ai envisagée depuis que je suis arrivé ici » (Répondant 9) La projection d’avenir : « J’ai décidé de vivre une autre vie ici. » (Répondant 10) Acculturation : « Je suis influencé par la culture d’ici » (Répondant 11) Pour sa part, le « là-bas » renvoie au passé et précisément au pays d’origine qui a permis au répondant de construire son projet migratoire et de confronter certaines conditions de vie, de valeurs, de réseaux et de systèmes sociaux. Les extraits suivants illustrent ces propos. Le passé/le pays d’origine : « Quand j’étais étudiante toutes ces années là-bas pour faire mes études » (Répondant 1) « J’entrais au Maroc, je revenais, j’avais toujours ma poste là-bas » (Répondant 2) Les valeurs : « Ces gens que j’ai tellement aimés là-bas sont devenus aussi barbares » (Répondant 3) Le projet migratoire : « Quand j’étais au Maroc, j’ai déjà fait là-bas mes démarches pour demander l’immigration. » (Répondant 5) 134 Les conditions de vie : « Il y a beaucoup de dangers pour la vie à […] » (Répondant 6) Les réseaux sociaux : « Mes parents demeurent encore làbas. Ma mère est encore en vie. » (Répondant 11) Enfin, un répondant a eu recours au concept d’« ailleurs » pour désigner d’autres endroits que le Canada. Selon ce dernier, il ne veut pas substituer le Canada par n’importe quel autre pays dans le monde. « Je suis mieux ici qu’ailleurs… Pour moi, je suis ici plus que je n’ai vécu ailleurs sur la Terre. » (Répondant 8) La visibilité sociale dans la région La stabilité des répondants dans la région est liée avec leur visibilité sociale et avec leurs conditions socio-économiques. D’abord, la plupart des répondants apprécient leur situation économique et sont fort satisfaits de leurs revenus (sept répondants ont un salaire de 50 000 dollars et plus). Ensuite, ils estiment avoir un bon statut professionnel (six répondants exercent un emploi professionnel). La majorité d’entre eux ont également visité plusieurs pays dans le monde (n=9) et maîtrisent plusieurs langues (huit répondants parlent trois langues et plus), ce qui leur permet de se sentir familiers avec la différence et de faire preuve de plus grandes capacités à dialoguer avec des personnes d'autres cultures. Ainsi, les répondants estiment faire preuve d’une culture transnationale parce qu’ils ne sont pas 135 centrés sur leur propre communauté d’origine, mais orientent leurs stratégies en fonction des modes de fonctionnement et de la culture de la société québécoise. À ce propos, la plupart des répondants ont utilisé des concepts clés dans leurs discours comme : « l’adaptation », « l’intégration », « le contexte », et « l’acceptante » comme en font foi les extraits suivants : « C’est l’acceptante qui pourrait faciliter l’intégration. Dans ce sens-là, on peut vous donner l’accès à la célébration de vos fêtes. Ça vous donne le sens du vous, on sent que l’on nous accepte. » (Répondant 1) « À […] j’ai des connaissances et des amis, ici, j’ai des connaissances et des amis, mais la nature de la relation est différente […] ici, ce n’est pas pareil, le concept de la proximité, ça n’existe pas, proximité affective. Les gens ici veulent avoir leurs distances, c’est très normal. » (Répondant 3) « L’intégration ne sera pas très facile. J’ai certaines valeurs, des opinions, même du côté de la sphère politique, des choses comme ça » (Répondant 11) Les formes de mobilité sociale Les répondants considèrent appartenir à des espaces multiples tant local (Saguenay–Lac-Saint-Jean) que national (le Québec et le Canada) et 136 international (le monde) et par conséquent, il est possible d’identifier trois types de mobilité sociale qui caractérisent la trajectoire postmigratoire des répondants : 1) des mobilités secondaires ; 2) des mobilités résidentielles et ; 3) des mobilités migratoires. Les mobilités secondaires caractérisent le déplacement post-migratoire des répondants dans la société d’accueil et qui peuvent être regroupés selon trois catégories. D’abord, il y a la catégorie des répondants qui travaillent seulement dans la région (n=8). Cette situation concerne exclusivement ceux qui exercent un travail professionnel (n=5), ceux qui exercent un travail technique (n=2) et celui qui exerce un travail de service. Pour sa part, la catégorie des répondants qui exercent un emploi hors de la région et dans la province concerne un seul répondant. Celui-ci exerce la profession d’ouvrier de la construction. Par ailleurs, la catégorie des répondants qui exercent un double emploi dans la région et dans une autre province est composée de deux répondants qui investissent dans l’immobilier (n=3), dont deux frères qui travaillent aussi dans le domaine de la restauration. Enfin, les mobilités résidentielles renvoient à l’évolution des conditions de logement des répondants depuis leur installation dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Les informations recueillies auprès des participants sur cette question ont permis de constater que la plupart des répondants (n=9) ont commencé leur trajectoire post-migratoire en tant que locataires et qu’au fil du temps ils sont ensuite devenus propriétaires de leur résidence principale. 137 Les mobilités migratoires des répondants ont aussi trait au séjour à court ou à moyen terme de certains d’entre eux dans d’autres pays que le Canada avant leur arrivée dans ce pays d’accueil (n=6) soit pour faire des études (n=2), occuper un emploi (n=2) ou pour des raisons d’ordre politique (n=2). Ainsi, la plupart d’entre eux ont résidé dans plus de deux pays avant leur arrivée au Canada (cinq sur six). Le concept de mobilité migratoire fait aussi référence à la stabilité des répondants à long terme dans la région et dans la société d’accueil. À ce sujet, lors de leur retraite, la plupart des répondants envisagent de demeurer au Canada (n=9), mais seulement deux d’entre eux prévoient continuer à vivre dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean (n=2). Certaines personnes (n=3) envisagent également d’effectuer des déplacements réguliers dans leur pays d’origine et dans d’autres pays lorsqu’ils seront à la retraite en gardant toutefois un pied-à-terre au Québec ou au Canada. « Peut-être que je me rendrai à Montréal, peut-être en Argentine. Il n’a rien qui m’attache à Chicoutimi. » (Répondant 7) « Moi, je pense voyager, faire bénéficier de mon expertise. » (Répondant 11) Modes d’intégration dans la région Les mobilités des répondants ont entraîné des réaménagements dans les identifications culturelles et sociales et dans les sentiments 138 d’appartenance qu’ils ressentent envers les groupes ou les réseaux locaux, nationaux ou transnationaux. En ce domaine, quatre types d’intégration ont été repérés : 1) l’insertion ; 2) la participation ; 3) le réconfort et ; 4) l’échange avec le voisinage. D’abord, la région est considérée par la plupart des répondants comme un espace d’insertion socioprofessionnelle (n=10), car leur installation dans la région leur permet d’exercer un métier qu’ils aiment, d’assumer un rôle social dans la société d’accueil et de contribuer à l’activité économique de la région. Les répondants apprécient également différentes caractéristiques du Saguenay–Lac-Saint-Jean dont la tranquillité des lieux, la proximité à des espaces verts, la possibilité d’accorder du temps aux membres de leur famille, la grande variété d’activités sportives et l’établissement de liens significatifs avec plusieurs personnes incluant des voisins. Les extraits suivants illustrent quelques-uns de ces propos : La tranquillité : « J’aime Chicoutimi ici, après 20 ans. Pour moi, j’aime les places qui sont tranquilles […] On connaît les voisins, on connaît tout le monde ici…, quand vous allez partir pour faire vos commissions, vos achats, c’est très agréable pour moi. » (Répondant 1) Pratique d’activités sportives : « L’été on bouge beaucoup plus parce qu’on fait de la bicyclette et de la marche. Hier, par exemple le matin, on a fait une promenade. » (Répondant 2) 139 L’appartenance à une famille : « Après le travail, je retourne à la maison, je partage la soirée avec ma famille et le lendemain, je continue mon travail. Pour le week-end, dans certains moments, je vais au restaurant, dans d’autres, je voyage. » (Répondant 4) Possibilité d’avoir un réseau social : « Beaucoup d’amis, tellement je ne pourrais pas aller visiter tout le monde parce que je travaille dans le public dans un magasin, alors j’ai beaucoup de connaissances dans le magasin. Si je pouvais, je me permettrais tous les jours, mais je ne peux pas aller voir tout le monde. » (Répondant 5) « Je n’ai aucun problème avec mon réseau social, j’ai des voisins, j’ai des collègues au travail. C’est pourquoi je t’ai dit que je ne suis pas la personne indiquée parce que je trouve que j’ai une trajectoire particulière qui n’est pas, comment je dis ça, d’ampleur d’un immigrant. » (Répondant 7) Par ailleurs, la région est un espace de participation sociale qui se traduit par l’implication de certains des répondants dans des réseaux sociaux afin d’élargir leurs relations personnelles au sein de leur quartier, de leur milieu de travail ou de leur communauté religieuse, linguistique ou nationale. Toutefois, un répondant a souligné qu’il n’a aucun engagement envers qui que ce soit dans la région, un autre souffre de solitude et un 140 dernier n’entretient plus de liens avec des membres de sa communauté nationale. Pour quelques-uns des répondants, cette intégration sociale se fait plus particulièrement dans les lieux de culte religieux tandis que pour d’autres, le développement des liens d’amitié se concrétise principalement dans leur milieu de travail. Plusieurs des personnes interviewées ont mentionné que les rapports ou relations avec leurs voisins se sont concrétisés par l’intermédiaire de leurs enfants lorsque ces derniers fréquentaient des amis demeurant dans leur quartier. Avec l’avancement en âge de ces derniers, les contacts avec les voisins semblent avoir diminué. Plusieurs des répondants (n=7) ne désirent pas toutefois développer des liens significatifs avec leurs voisins, préférant garder une certaine forme de distance avec eux. Le réseau religieux : « Pas nécessairement des enseignants, j’ai des amis ici […] J’ai participé à des célébrations à l’église et j’ai connu des gens, beaucoup. » (Répondant 1) « La politique dans le temps, oui. Maintenant, je trouve fondamental, moi et d’autres avons contribué dans la construction de la mosquée, je suis fier de cette réalisation et je suis fier du groupe qui a pris la relève. Ma contribution dès qu’ils ont besoin, je suis là. Je suis là volontaire, je parle toujours à la radio, quand il y a des événements qui touchent l’islam. » (Répondant 3) 141 « J’ai seulement adhéré à l’association islamique du Saguenay. Je donne des services, par exemple, s’il y a une fête, j’essaie d’aider. En ce qui concerne les réunions de l’association, je ne m’implique pas. » (Répondant 4) Le réseau professionnel : « Au niveau des réseaux, je dirais petits réseaux ; oui, au niveau des réseaux, j’ai des réseaux embryonnaires avec mes collègues ou quelques collègues, on essaie d’avoir des rapports, on s’invite mutuellement, des choses comme ça, d’autres réseaux je n’ai pas. Je n’ai pas de réseaux avec mon pays d’origine [...] » (Répondant 2) « J’ai une amie à Chicoutimi, des amis enseignants dans mon milieu de travail à qui je rends visite et ils me rendre visite […] Nous avons un Ordre des écrivains auquel je participe. » (Répondant 6) Le réseau de quartier : « Parce que je suis baha’iste dans notre communauté nous avons beaucoup d’activités, mais mon mari il est membre du comité de notre quartier. On a des activités ensemble dans le quartier ici ou ailleurs […] on profite du bon temps pour faire des liens, pour voyager, on a beaucoup d’amis québécois et québécoises. » (Répondant 5) « Le voisinage oui. Ce sont de bons amis […] au départ, c’est moi qui a commencé à rendre service puis ça s’est 142 élargi. Les relations amicales oui, oui, trois voisins qui sont des amis, je peux compter sur eux. Écoute, moi je dirais de mon voisin le plus proche c’est meilleur que ton frère le plus éloigné […]. » (Répondant 3) « Pour les voisins, je suis distant. Les voisins qu’on visite, c’est un autre monde. » (Répondant 8) Rôle des enfants : « Ce sont de bons voisins. C'est-à-dire on se connaît un peu. On se salue de temps en temps, on ne fait pas vraiment des activités ensemble avec des voisins pas vraiment. Et en bons termes, quelques fois, on se voit, en se rencontre, on n’entre pas dans des conversations, on se dit bonjour, comment ça va, ça va et cela s’arrête là […] au tout début quand les enfants étaient jeunes oui, souvent c’étaient parce que les enfants jouaient avec les autres enfants. Maintenant que les enfants sont grands, on se voit et l’on se salue. Surtout l’été, on fait les pelouses, on commence à parler et après chacun va de son côté. » (Répondant 11) La région est aussi considérée comme un espace de réconfort familial où il est possible de vivre une vie de couple et de famille des plus satisfaisantes. À ce sujet, certains des répondants ont déclaré que les jours de fin de semaine et les soirées sont consacrés exclusivement aux membres de leur famille. 143 Point de vue des répondants sur l’aide en cas de besoin lors de l’apparition de problèmes de santé Selon les informations recueillies, la disponibilité d’aide et de soutien en cas de besoin lors de l’apparition de problèmes de santé ou de pertes d’autonomie liées au vieillissement dépend de l’intensité des liens qu’entretiennent les répondants avec les membres de leur entourage immédiat et en particulier avec leurs enfants, leur conjoint, leurs proches, leurs collègues et les membres de leur communauté d’appartenance. C’est ainsi que les témoignages des répondants ont permis de dégager des réseaux d’aide et de soutien traditionnels, professionnels et alternatifs. Les réseaux traditionnels s’expriment par l’attachement de certains immigrants aux valeurs familiales comme la solidarité, l’amour, la disponibilité et les devoirs des enfants envers leurs parents ou la volonté des membres de la famille de se soutenir les uns les autres dans le cas de maladie et d’incapacités et ce, malgré l’absence de proximité géographique entre ces derniers. Ces répondants envisagent alors la disponibilité inconditionnelle de leurs proches pour leur offrir un soutien immédiat lorsqu’ils requerront de l’aide. Toutefois, en cas de maladie prolongée ou de la nécessité d’avoir recours à des soins de santé de longue durée, une minorité de répondants (n=3) estiment qu’ils auront recours aux services de santé et aux services sociaux du Québec, tandis que la plupart des répondants (n=8) considèrent que d’aller vivre en centre hospitalier de soins de longue durée (CHSLD) demeure une aberration. Le maintien à domicile est donc envisagé comme la seule issue possible par la majorité des répondants (n=8) et certains 144 envisagent même de retourner vivre dans leur pays d’origine si cette solution n’est pas possible. Disponibilité des proches en cas de maladie : « Il n’y’a pas un problème avec le soutien de ma famille. Concernant le reste, c’est selon les cas. Je ne sais pas comment. J’ai confiance dans le système de santé québécois, je n’ai aucun problème avec ça. » (Répondant 2) « En cas de maladie, ce n’est pas compliqué, frère médecin, fille médecin, plus les pharmaciens, je connais deux pharmaciens, alors quand j’ai besoin d’un médecin, je l’ai dans l’immédiat, et même lorsque j’ai mal à la gorge, je ne vais pas chez un médecin, le médecin vient me voir. J’ai des amis à qui je peux demander de me livrer des médicaments dans les cinq à dix minutes. » (Répondant 3) « Lorsque j’ai eu des petites complications de santé à Chicoutimi, les membres de ma famille sont venus d’Ottawa pour faire le nécessaire avec moi […] mes proches vont faire le mieux possible pour m’aider, il ne faut pas les déranger trop, mais quelquefois on est obligé. Mon mari c’est mon grand support. » (Répondant4) « C’est à la famille de nous aider. » (Répondant 7) 145 « Si c’est un problème de santé, j’ai mon ex-épouse. C’est sûr que s’il y avait des problèmes graves qui se présentent côté de la santé c’est mon ex-épouse qui me prendrait en charge. Dans mon cas, je pense j’ai mon ex-épouse, les relations sont correctes […] Ça dépendra de la nature des soins. Si c’est des soins prolongés, à ce moment-là je pense confier cela à mon ex-épouse, et si c’était des soins d’appoint, je connais plusieurs médecins. » (Répondant 10) « Moi, j’ai des enfants et beaucoup d’amis dans la région de Montréal, pour ce côté-là, moi je n’ai pas d’inquiétudes. […] moi, je n’ai pas de problèmes de ce côté-là […] Les enfants, vous ne laissent pas tout seul. » (Répondant 11) Refus de l’hébergement en CHSLD: « Je pense que je vais rester chez moi. Mes enfants vont m’aider. Ce n’est pas dans notre culture de vivre dans une maison pour les aînés. » (Répondant 1) « Je m’arrangerais pour retourner chez moi, je n’ai pas besoin d’aller, je préfère être chez moi. Et je ne suis pas prêt à passer le reste de ma vie dans un hôpital, mais si je n’ai vraiment pas de choix, je vais y aller. » (Répondant 2) 146 « Je ne veux pas m’en aller. Il faudra qu’ils me ramassent inconsciente pour me mettre dans un endroit comme ça. » (Répondant 8) Pour leur part, les réseaux professionnels se caractérisent par le soutien d’amis ou de collègues de travail en cas d’hospitalisation, de maladie ou d’accident. Ces derniers sont alors vus comme des personnes pouvant leur apporter des informations, du soutien émotionnel et de l’aide concrète, par exemple, les accompagner lors de leurs divers déplacements. Ces amis et collègues sont vus comme des personnes pouvant se substituer aux enfants des répondants qui demeurent à l’extérieur du Saguenay–Lac-Saint-Jean. De plus, un répondant estime qu’il ne voudra pas s’adresser à ses enfants en cas de besoin, de peur de les déranger. « Je pourrais avoir recours à de l’aide de l’un de mes amis, mais je ne le ferai pas probablement avec mes enfants. » (Répondant 6) Enfin, les réseaux alternatifs ou complémentaires se manifestent par l’identification à une communauté spécifique telle qu’une communauté religieuse qui pourrait aider certains des répondants en ce qui a trait à l’acquisition d’informations et de soutien en cas de besoin. « […] Alhamdoullillah, point final. Ils vont me renseigner. J’ai déjà dit que je suis de la communauté musulmane qui, avec ses normes, avec ses valeurs avec bien entendu 147 l’enseignement, ce sera bonjour pour la maladie. » (Répondant 3) Les catégories d'immigrants dans la région Les répondants interviewés appartiennent à la première génération des immigrants dans la région. Les données qui sont recueillies en ce qui a trait à leurs caractéristiques sociodémographiques et trajectoires migratoires permettent d’identifier trois catégories d’immigrants dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean : 1) la catégorie des déracinés ; 2) la catégorie des revendicateurs et ; 3) la catégorie des discrets. La catégorie des déracinés renvoie aux répondants (n=2) qui ont sollicité dans la région une ouverture politique et un refuge dans la société d’accueil. Les répondants de cette catégorie apprécient la qualité de vie, la tranquillité, la verdure et le calme du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Pour sa part, la catégorie des revendicateurs (n=6) représente les répondeurs qui sont venus vivre dans cette région pour son côté pratique et pour leur reconnaissance socioprofessionnelle. Enfin, la catégorie des discrets (n=3) comprend les répondants qui vivent dans la région pour ce qu’elle offre comme attributs d’ordre fonctionnel. Cette catégorie apprécie le prestige, la vie de couple et la propriété de la maison. Le tableau 5 présente les faits saillants recueillis jusqu’à maintenant en fonction des types de répondants que nous avons pu identifier. Par ailleurs, les répondants disposent de plusieurs atouts qui favorisent leur intégration dans la société d’accueil comme la maîtrise de plusieurs langues, le niveau de scolarité, des expériences migratoires variées et une 148 visibilité sociale dans la société d’accueil. Ces mêmes atouts peuvent favoriser l’intégration des répondants dans les institutions de soins de santé et de services sociaux et en particulier, en cas de nécessité, d’avoir recours à des milieux de vie protégés (par exemple : les CHSLD ou les résidences privées). Toutefois, la plupart des répondants considèrent que l’hébergement dans ce type de milieu de vie est une aberration et comptent sur leurs liens sociaux pour leur venir en aide lorsqu’ils auront besoin d’aide pour poursuivre leurs activités de la vie quotidienne. À ce sujet, parmi les répondants interviewés, il semble qu’un répondant de la catégorie des discrets vit une situation plus délicate en raison de réseaux sociaux plus ou moins limités. La perception des répondants à l’égard des services de soins de santé et de services sociaux offerts en région Est-ce que le positionnement des répondants envers leur institutionnalisation en CHSLD est influencé par la perception qu’ils ont des services offerts par les CSSS? Pour répondre à cette question, il convient d’aborder les thèmes suivants :1) la perception des répondants relativement à la vieillesse ; 2) la perception des répondants en ce qui a trait à leur propre état de santé ; 3) les services de santé utilisés par les répondants et leur niveau de satisfaction et ; 4) le point de vue des répondants sur la représentation ethnique des intervenants œuvrant dans les établissements de soins et de services sociaux situés dans la région du Saguenay–Lac-SaintJean. 149 Tableau 6 Les trois types d’immigrants identifiés dans la région de Saguenay Dimension Les déracinés Les Les discrets revendicateurs La région Ouverture Attribut pratique Attribut politique fonctionnel Groupe Emploi Emploi Emploi d’emploi professionnel professionnel technique Emploi de Emploi de Emploi ouvrier services services Les Stabilité Études versus emploi versus motivations sociopolitique regroupement familial du projet versus emploi Investissement ou Regroupement migratoire emploi versus familial versus épanouissement études versus familial emploi Séjour versus emploi Catégorie Travailleur Étudiant Étudiant d’immigration qualifié international international Statut particulier Travailleur Travailleur qualifié qualifié Type L’échange et le L’insertion Le réconfort d’intégration voisinage La participation le plus dominant Les liens Absentes ou Intenses Régulières familiaux régulières 150 Tableau 5 (Suite) Les trois types d’immigrants identifiés dans la région de Saguenay Dimension Les déracinés Les Les discrets revendicateurs Destination Rester dans la Un va-et-vient Rester dans la après la retraite région intra et région interprovincial : (la famille, la communauté et ses projets) Quitter la région et un mouvement de va-et-vient entre son pays d’origine et la société d’accueil : (les proches lointains, les enfants et le conjoint) Un expert à l’échelle de la société d’accueil et à l’échelle internationale. Personne Le voisinage La communauté Pas de ressource en cas Les enfants/le Les enfants ressource/le d’hospitalisation conjoint conjoint 151 La perception des répondants de la vieillesse Dans le discours des répondants, il a été possible d’identifier trois différents concepts qui évoquent leur propre perception du vieillissement. Ces concepts sont : 1) la vieillesse ; 2) le vieillissement et ; 3) les vieux. Le concept de la « vieillesse » s’inscrit dans le cadre d’un paradigme interactionniste qui détermine les rapports qui s’établissent entre l’aîné, les membres de sa famille et la société. Pour ces répondants, les valeurs de la société d’accueil font que les vieillards se retrouvent dans des milieux de vie institutionnels, tandis que leur communauté d’origine respecte les aînés, valorise leur place dans la famille et répond à leurs besoins. Les répondants qui adhèrent à ce point de vue refusent de découper la réalité sociale selon des catégories d’âge, car la vie, de façon générale, serait une réalité complexe qui est basée sur la différence et la complémentarité entre toutes les personnes qui sont des acteurs ayant un poids et des influences qui leur sont propres et tous méritent de vivre ensemble sans aucune forme de rejet. « Mais toujours à la vieillesse, il y a un regard culturel dans le sens où on aime être avec sa femme, qu’être cloîtré dans un immeuble où il y a que des vieux. La vie ce n’est pas être juste enfermé avec des vieux, la vie c’est de vivre sa vie avec les jeunes, les vieux, les adolescents et tout. C’est ça ma perception de la vie. » (Répondant 2) Pour sa part, le terme « vieillissement » s’inscrit dans le cadre d’un paradigme existentiel qui rend compte du chevauchement entre des besoins 152 qui sont d’ordre physique et des besoins qui sont d’ordres culturel et spirituel. Les tenants de cette vision considèrent que l’épanouissement personnel des aînés s’alimente essentiellement de besoins qui sont d’ordre culturel et spirituel. « En vieillissant, nos besoins ne sont pas les mêmes donc c’est sûr que nos besoins ne se limitent pas à des besoins physiques, mais à des besoins spirituels et culturels et il faut trouver la formule pour que la personne soit en paix avec elle-même et avec ses valeurs. C’est des questions primordiales à poser. » (Répondant 10) Enfin, le terme « les vieux » s'inscrit dans le cadre d'un paradigme médical qui considère les personnes âgées comme des personnes passives et épuisées porteuses de problèmes de santé. Ce positionnement véhicule une vision sociocritique de maltraitance des personnes âgées dans les CHSLD et du misérabilisme attribué à la condition de vie des personnes âgées de 65 ans ou plus. « On le voit dans les CHSLD, il y a beaucoup de plaintes qui sont dues au dégoût que certains intervenants ont de travailler auprès des vieux. » (Répondant 3) « Je ne vois pas des gens de la même communauté qui vont s’occuper d’un vieux à part de sa famille.» (Répondant 9) 153 La perception des immigrants de leur état de santé La plupart des répondants rapportent qu’ils jouissent d’une bonne santé physique (n=9), d’une bonne santé émotionnelle (n=8) et d’une bonne situation économique (n=9). Toutefois, certains répondants sont aux prises avec des problèmes de santé chroniques tels que le diabète (n=3) et des problèmes sur le plan des articulations (n=2). Au cours de l’entrevue, un des répondants a également indiqué que son épouse a combattu un cancer. De plus, d’autres répondants ont rapporté qu’ils ont déjà vécu des expériences de chirurgie (n=3). Les services de santé utilisés par les répondants et leur niveau de satisfaction Afin de faire face à leurs problèmes de santé, tous les répondants ont déjà fréquenté l’hôpital soit pour des tests sanguins, pour assister à des séances d’information avant de subir une chirurgie ou pour rencontrer un médecin à la salle d’urgence. Tous les répondants rencontrent aussi régulièrement ou en cas de besoin un médecin (de famille ou autre) et certains ont eu recours aux services de leur CSSS afin de recevoir un ou des vaccins ou pour rencontrer un médecin à la clinique sans rendez-vous. Les différents témoignages recueillis auprès des participants permettent aussi de constater qu’ils n’utilisent que des services de santé curatifs. Consulter un professionnel de la santé pour prévenir l’apparition ou la détérioration d’un problème de santé ne fait pas partie de leurs habitudes. 154 Tous les répondants sont satisfaits des soins de santé qu’ils reçoivent dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ils apprécient, entre autres, la qualité des services reçus ainsi que le principe de l’universalité et la gratuité des services de santé. « Le secteur de la santé au Canada est exemplaire et pionnier dans le monde entier. Moi, je suis très heureux visà-vis de ce système. Et je suis disponible pour contribuer au financement de ce système par des montants symboliques. » (Répondant 4) Toutefois, quelques répondants ont rapporté certaines expériences négatives vécues qui se rapportent à la difficulté de se faire comprendre dans sa langue maternelle (n=1), la difficulté d’obtenir un rendez-vous ou de dénicher un médecin de famille (n=9) et une identification inadéquate de ses besoins (n=1). Voici des extraits soulignant ces propos. Difficulté à obtenir un rendez-vous ou des services : « Même ici au Québec là, personnellement je trouve qu’il y a une dégradation des services. À l’époque, nous sommes arrivés vers les années 81, l’accès à un médecin était rapide, bénéficier de services sociaux était rapide, tout était rapide […] Moi, personnellement, j’ai l’impression qu’il y a une dégradation de services. » (Répondant 11) Problème à se faire comprendre dans sa langue maternelle : « C’était bon sauf quand je suis venu, quand je 155 viens juste, juste, d’arriver je ne parlais pas beaucoup le français. Ils m’ont parlé avec beaucoup de français, ils m’ont dit d’aller faire un test. Ils ne parlaient pas l’anglais, je n’ai pas compris ce qu’ils voulaient dire. C’était la seule occasion que j’ai eu un problème. » (Répondant 1) Difficulté à dénicher un médecin de famille : « Il y a quelques années […] Moi, je n’ai pas trouvé un autre médecin et finalement le médecin qui prend mon mari est d’accord pour me prendre. C’est par défaut que j’ai trouvé un médecin. » (Répondant 1) « À Montréal, j’avais un médecin, ici nous avons du mal à en trouver un, le problème dans la région c’est la question d’avoir des soins, de trouver un médecin de famille moi et ma famille. Depuis que je suis ici, soit en décembre 2006, pas de médecin de famille. J’ai fait une demande pour chercher un médecin de famille. C’est un de mes soucis de trouver un médecin de famille. » (Répondant 2) Identification inadéquate de ses besoins : « J’ai déjà eu une très mauvaise expérience, j’avais demandé il y a 25 ans, j’avais demandé au CLSC de m’envoyer quelqu’un pour m’aider avec les ménages, alors je ne sais pas qu’est-ce qui est arrivé. Ils sont entrés par de force chez moi puis ils ont commencé à vider l’appartement. Alors, j’ai perdu beaucoup 156 de jours et c’était une histoire effrayante, alors là je n’ai rien à faire avec. Il y a au CLSC un manque de communication, alors une personne pensait que je voulais, je ne sais pas quoi. J’avais besoin d’aide, j’étais complètement incapable. Ils ont voulu mettre une sorte de tutelle, moi j’avais le corps qui ne marchait pas, pas la tête, alors j’ai dit dehors sinon j’appelle la police. Pas vraiment, c’est ça ou rien. » (Répondant 8) De plus, certains répondants (n=5) ont mentionné que l’accès aux professionnels offrant des soins de santé ou des services sociaux est souvent très restreint. Pour arriver à obtenir un rendez-vous avec un médecin, ils sont obligés de communiquer avec ces derniers à maintes occasions avant de pouvoir obtenir la ligne, puis un rendez-vous. Certains des répondants n’ont pas encore de médecin de famille qui leur est attitré et d’autres ne peuvent pas rencontrer leur médecin de famille quand ils souffrent soudainement d’un problème de santé. Certains considèrent aussi que les délais d’attente pour rencontrer un spécialiste peuvent être très longs et qu’ils sont parfois dans l’obligation de se présenter dans des cliniques privées pour avoir accès à des services de santé ou à utiliser leurs contacts personnels pour obtenir un rendez-vous avec un médecin. Les extraits suivants précisent ces propos. « C’est très difficile pour avoir un rendez-vous, on arrive devant un mur. C’est toujours la même chose, elles vous disent d’appeler demain. Le lendemain, on appelle et le téléphone est toujours occupé. Qu’est-ce qu’on peut faire, on n’aime pas aller voir le médecin juste comme ça. S’il n’y’a 157 pas de problème pourquoi appeler le médecin? » (Répondant 1) « Je dirais que j’ai besoin d’un médecin de famille, moi. C’est ça la difficulté que j’ai. » (Répondant 2) « Maintenant, si je suis malade et je voulais aller voir un médecin c’est difficile. Il faut connaître quelqu’un ou il faut payer. Par exemple, on ne peut pas aller au CLSC. On ne peut pas aller chez le médecin tout de suite, et on ne peut pas aller au CLSC facilement. Ça m’est déjà arrivé. » (Répondant 5) « C’est disponible, mais c’est sûr que ça prend les bons contacts. Si les gens sont capables d’aller frapper aux bonnes portes, les services sont là. » (Répondant 10) « Il faut attendre. Parfois attendre des rendez-vous pendant un an. Vous avez tout le temps de mourir. Une personne qui a un accident, il arrive à l’urgence, on ne peut pas le prendre tout de suite. » (Répondant 11) Les attitudes envers le personnel soignant Malgré les difficultés qu’ont pu rencontrer les répondants en ce qui a trait à l’accès aux soins de santé, la plupart des répondants sont satisfaits des 158 comportements et des attitudes du personnel soignant, composé principalement de médecins, d’infirmiers, de pharmaciens et de techniciens. Un seul répondant a relevé une expérience insatisfaisante lors d’une conversation téléphonique avec un médecin. En ce qui a trait aux intervenants sociaux, un des répondants estime que certains immigrants sont méfiants, de peur que des membres du personnel soignant contactent les autorités policières ou les représentants de la justice à la suite de confidences qui pourraient être faites lors d’échanges formelles. Les extraits suivants illustrent ces propos. « Ce que je constate dans la région, je veux choisir mon médecin, je ne peux pas parce qu’il n’y’a pas d’offre. Justement, j’avais un médecin au CLSC, et elle, je l’ai choisie et apparemment cela ne se fait pas. Elle, m’a téléphoné, elle m’a dit : je pars trois semaines en vacances, comme ça au téléphone, et je veux vous voir avant mon départ parce que je doute que vous ayez le cancer. Imaginezmoi toute seule, un médecin vous parle au téléphone et vous dit que vous avez le cancer. Je n’ai jamais revu cette femme. Moi étant donné que je suis seul et sans famille, ça ne se fait pas…. » (Répondant 8) « Moi personnellement je me sens à l’aise avec tout le monde. Certains immigrants ne veulent pas avoir de contact avec des travailleurs sociaux, même s’ils en ont besoin, mais ils ont peur que s’ils fournissent certaines informations, le 159 travailleur social aille les dénoncer à la police et à la justice. » (Répondant 11) La représentation ethnique dans les établissements de soins et de services sociaux dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean La plupart des répondants (8 sur 11) estiment que les intervenants d'autres cultures que celle des Québécois d’origine sont absents au sein des institutions publiques saguenéennes, mais présents dans les grands centres urbains. À ce sujet, certaines des personnes interviewées ne s’identifient pas nécessairement à une communauté culturelle spécifique, mais préférant plutôt être reconnues comme des membres d’une communauté ayant des droits et des libertés. Un seul répondant a recours à un médecin ayant la même origine ethnique que lui, tandis qu’un autre en connaît un provenant de sa communauté d’origine, mais il n’a pas recours à ses services. Certains répondants considèrent aussi que même s’ils ont développé des liens d’amitié avec des membres de leur communauté culturelle qui exercent des métiers dans le domaine de la prestation de soins de santé, ils jugent qu’il ne faut pas les déranger lorsqu’ils font face à un problème de santé. Enfin, il est utile de souligner qu’un répondant considère que les intervenants ayant la même origine ethnique que lui sont plus susceptibles de comprendre sa situation et de proposer des moyens qui répondent à ses aspirations culturelles. Les témoignages suivants illustrent le point de vue des répondants sur ce sujet. 160 « Je ne suis pas très communauté et par le passé je n’étais pas très communauté. Moi, je dis même si j’ai une identité qui est marocaine, cette identité marocaine n’est pas, comment dis-je c’est bien défini là. On a des éléments de base qu’on partage, mais on a des libertés, certaines libertés par rapport à la communauté. Tu comprends ce que je dis, j’ai une sensibilité à toutes formes de droits dans une communauté quelconque. » (Répondant 2) « Je m’identifie à la communauté sympathie tout simplement. Dans ma vie, j’ai eu des liens internationaux, être isolé à une seule nationalité, c’est de la folie. Pour atteindre l’équilibre, il faut avoir accès à toutes les nationalités. » (Répondant 8) « Je m’identifie à 100 % à ma communauté. Oui, oui, je connais des médecins, des infirmières. Seulement des amis… que je connais, je n’aime pas les déranger, mélanger notre amitié avec les services médicaux. Par formation, je demande si je pourrais faire quelque chose et ne jamais les déranger. » (Répondant 5) « Des Africains : Des médecins, des infirmières et des travailleurs sociaux, j’en connais. Je parle de la communauté africaine en général ils font de bons conseils. Parfois, quelqu’un qui vient de l’Afrique, dans un service, il est bien placé pour expliquer, parce que lui il compare les deux 161 systèmes, et t’informes qu’est-ce que vous allez rencontrer comme difficultés. Il peut facilement te partager son expérience et vous aider. » (Répondant 11) Pour conclure, le rapport de la plupart des répondants avec les CSSS n’englobe pas les services sociaux et se limite à des services médicaux qui sont jugés satisfaisants et s’inscrit dans une logique de soins curatifs plutôt qu’une logique de prévention. À ce sujet, la plupart des répondants ont évoqué des problèmes de rationnement : pénurie de médecins, délais pour l’accès aux spécialistes, aux urgences, et pour les diagnostics. Ainsi certains d’entre eux ont évoqué des problèmes d’ordre fonctionnel : incompréhension et communication. Par ailleurs, selon la plupart des répondants, la représentation ethnique des intervenants dans les CSSS ne représente pas une priorité. Enfin, la gamme de services quotidiens offerts par les CSSS n’explique pas la considération d’hébergement dans les milieux de vie protégés comme une aberration. D’où la nécessité d’aborder la perception des répondants en ce qui a trait aux défis posés par le placement d’une personne âgée immigrante dans un milieu de vie protégé. La perception que les répondants ont exprimée par rapport aux valeurs personnelles et culturelles, croyances personnelles, attentes de la société d'accueil, préoccupations, défis de leur vieillissement à court et à long terme est en lien avec leur trajectoire migratoire et les spécificités de la région y compris l'offre et la qualité des services socio-sanitaires offerts par les CSSS. À ce sujet, questionné sur la probabilité ou non d’aller vivre dans un CHSLD ou dans une résidence pour personnes âgées, l’opinion des 162 répondants a été fort différente d’une personne à l’autre en ce qui a trait à leurs attentes à propos de la qualité de vie et de la compétence culturelle qui doivent être offertes dans ces milieux de vie. Les attentes et recommandations des répondants en ce qui a trait au milieu de vie protégé Avant de présenter les résultats en ce qui a trait aux attentes des répondants envers les CHSLD, il est important de mentionner que les réponses de la majorité des répondants (n=7) sont basées sur une bonne connaissance des services qui sont offerts dans un milieu de vie protégé. Parmi ces derniers, un répondant a vécu pendant quelques mois dans une résidence privée, trois répondants ont de proches aînés qui ont été hébergés dans des CHSLD et un répondant a un ami aîné qui a été hébergé dans un CHSLD. De plus, un conjoint d’un des répondants travaille dans une résidence privée et un autre répondant a déjà travaillé dans un organisme public offrant des soins de santé et des services sociaux. Pour leur part, cinq participants considèrent que leurs connaissances sur la mission et l’organisation des milieux de vie substituts se limitent à l'information transmise par les médias (n=5). Les attentes des répondants en ce qui a trait à la qualité de vie Les répondantes estiment qu'il y a quelques éléments qui devraient être améliorés dans les milieux de vie substituts et qui se rapportent à l'environnement physique, à l'environnement organisationnel, 163 à l'environnement culturel et psychoculturel ainsi qu’à l'environnement politique. L'environnement physique En cas d’hébergement dans un CHSLD public ou privé ou dans une résidence à but lucratif pour aînés, tous les répondants souhaitent avoir accès à un établissement situé près de leurs proches qui offrent des espaces privés. Ce genre d’unité résidentielle leur permettra d’assurer leur intimité et de recevoir les membres de leur entourage (enfants, membres de la parenté et amis) comme bon leur semble. C’est de cette manière que s’est exprimé un des répondants : « Toutes les personnes désirent vivre dans des chambres simples pas nécessairement les immigrants. C’est ta vie quotidienne, tu ne vas pas la partager avec n’importe qui. » (Répondant 5) En plus d’avoir accès à un espace privé bien à eux, la majorité des répondants (n=7) estime que la décoration des espaces privés doit respecter l’appartenance religieuse de ses occupants ainsi que leurs goûts personnels. Un répondant juge par contre que la décoration est une affaire de femmes, tandis qu’un autre estime que de pouvoir décorer son espace privé en fonction de ses goûts et besoins permet d’augmenter le moral des personnes âgées immigrantes affaiblies par la présence de problèmes de santé. L’extrait suivant illustre ce propos. 164 « Comme je t’ai dit, le fait de vivre ses convictions c’est important ça nous donne le coût de continuer et de vivre. Le moral est très important qu’on soit malade ou qu’on soit déminé physiquement, le moral aide à soutenir la personne. » (Répondant 10) Par ailleurs, cinq répondants ont évoqué l’importance de la présence d’espaces communs comme une salle de jeux et de loisirs, une bibliothèque ainsi qu’une salle à manger. D’autres répondants considèrent que la présence d’espaces communs est importante pour qu’ils puissent continuer à pratiquer leurs loisirs et leurs centres d'intérêt (n=2) ainsi que pour continuer à entretenir des rapports sociaux (n=2) ou pour favoriser les rencontres entre les résidants. Les extraits suivants illustrent ses propos. Une continuité à des loisirs individuels : « Pas plus que ça, moi si j’avais des livres et un ordinateur cela serait suffisant. Récemment, j’ai accès à l’opéra, j’ai accès au satellite, je vais à Jonquière tous les deux trois semaines pour voir l’opéra. Il y a le ciné-club, mais cette année j’ai eu des problèmes de santé, je ne peux pas monter les escaliers. S’il y a des pièces de théâtre, des chanteuses, j’y vais. Je désire avoir accès à une piscine. Si c’est une résidence qui ouvre des services aux Québécois, ça suffit. » (Répondant 8) Une continuité à des rapports sociaux et des pratiques religieuses : « Que si les personnes qui ont les moyens 165 physiques de se placer, il y a des salles de recueillement ou de prières et aussi des salles de réception pour recevoir lors de certaines occasions de la parenté ou des amis lorsqu’il y a dans des fêtes ou de célébrer des occasions qui normalement, c’est sûr dans sa propre chambre ça devient trop dérangeant pour lui. » (Répondant 10) « Je préfère la présence des espaces verts conçus pour faire des activités de jardinage. Je préfère le collectif et l’individuel. Par exemple, dans mon appartement, je pourrais avoir un poêle, je peux aller manger dans la place collective, ça dépend. » (Répondant 9) L'environnement organisationnel Lorsque l’hébergement en milieu de vie protégé sera retenu comme solution pour répondre à l’état de santé précaire des répondants, ces derniers ont abordé, entre autres, les mesures suivantes : 1) la gouvernance ; 2) l'administration ; 3) la culture organisationnelle et ; 4) la collaboration avec les communautés culturelles. D'abord, la moitié des participants envisage d’avoir recours en cas de besoin à des résidences privées plutôt qu’à des CHSLD publics, car ils estiment que ces établissements offrent une plus grande diversité et une meilleure qualité de services et sont mieux gérés que les CHSLD. Par ailleurs, certains répondants (n= 3) considèrent que leur choix d’avoir 166 recours à des établissements publics ou privés dépendra de la disponibilité ou non de ressources financières adéquates pour défrayer les frais associés à leur hébergement, tandis que d’autres (n=2) sont, pour le moment, assez indifférents, car ce qui importera à leurs yeux c’est de pouvoir avoir accès à des services de qualité. Les extraits suivants confirment ces propos : « Je ne sais pas. Le privé est capable de négocier, du moment que tu payes, quand tu payes, tu peux dire je veux ça, je veux ça, je veux ça, je ne regarde pas le prix. Dans le public, là, ils vont dire que j’ai ça et ça que tu vas le prendre sinon tu n’entres pas. Oui, le privé c’est le choix numéro 1. » (Répondant 3) « Je ne peux pas prévoir ces situations, mais lorsqu’elles arriveront, je préférerais entrer dans une institution privée. Selon moi, le privé est meilleur. » (Répondant 4) « Des résidences privées si mon revenu me le permet. Je sais que quand tu payes pour un service tu reçois le service. » (Répondant 9) Une bonne gestion : « Le secteur privé c’est mieux, mais ça dépend de la personne qui dirige. S’il y a de bonnes gens avec une bonne intention, ça va marcher.» (Répondant 1) « Je n’ai pas problèmes, ni avec le privé, ni avec le public. Quand arrivera le moment, je vais aller évaluer un peu là et 167 je vais trancher pour le meilleur, si le public est meilleur je vais aller vivre dans un établissement public. C’est tout. » (Répondant 2) « Si mes possibilités me permettent, ça sera plus dans une résidence privée » (Répondant 11) Si la plupart des personnes rencontrées étaient plus ou moins ambivalentes quant à la représentation culturelle des résidants, certains ont toutefois manifesté des réticences envers la maladie mentale (n=4) et d’autres (n=4), envers la présence de personnes ayant de graves pertes d’autonomie dans la poursuite de leurs activités de la vie quotidienne dans les résidences pour aînés. Pour leur part, certains répondants (n=3) sont indifférents à l’égard de ces dimensions. Les extraits suivants illustrent leurs propos. L’indifférence : « Je m’en fous. Non, non, car la maladie n’appartient à personne, c’est des choses que le Bon Dieu a donné. Je n’ai rien à lutter contre, même si je lutte, c’est une lutte perdue. » (Répondant 3) L’indifférence conditionnée : « On aime vivre avec des gens à peu près en même situation de santé. Il faut à mon avis s’organiser à placer les gens qui ont des situations semblables ou comparables. Je n’ai pas de préférences où il 168 y a des contacts soit de l’interne soit de l’externe de l’institution comme je l’ai dit. » « (Répondant 10) La réticence vis-à-vis de la perte d’autonomie : « Je ne suis pour aucune forme de composition, je suis pour un mélange beau et bon. J’aimerais me regrouper plus ou moins avec des gens qui ont que des petites maladies. Un endroit qui permet une meilleure synergie à l’intérieur de l’institution. » (Répondant 2) La réticence vis-à-vis de la maladie mentale : « Pour la maladie mentale, moi je ne la souhaite à personne. Moi je n’aime pas la maladie, je ne suis pas Dieu pour dire ça je l’aime et l’autre je ne l’aime pas. Si tu tombes dans une situation comme ça, tu acceptes tout le monde. Ce sont des gens assez avancés dans l’âge, tu vas trouver toute sorte de monde là, tu vas sélectionner ça veut dire que tu mènes la vie avant, alors ce n’est pas logique. » (Répondant 9) Lorsqu'il s'agit de l'administration, certains répondants ont évoqué que la composition ethnique des intervenants doit refléter la composition ethnique des résidants (n=4), ou que le pourcentage d’intervenants provenant de communautés culturelles travaillant au sein des CHSLD ou dans les résidences pour aînés doit être proportionnel à celui qui existe dans la société d’accueil. Pour leur part, d’autres personnes considèrent que ce qui est important ce sont les compétences des intervenants (n=6), la qualité des 169 services (n=1) ainsi que la présence de personnes pouvant servir d’interprètes en cas de besoin et ce, surtout dans les établissements du réseau public. Les extraits suivants illustrent ces propos : Les compétences des intervenants : « Moi, l’intervenant qui va me parler, ça ne me dérange qu’il soit de n'importe quelle communauté, mais ce qui m’intéresse c’est qu’il soit qualifié, qu’il connaisse son travail, de n'importe quelle origine ça me dérange pas. » (Répondant 1) La qualité des services : « Ce n’est pas une question de pourcentage, mais c’est une question de services. Il faut qu’ils soient capables de fournir le service indépendamment qu’ils soient immigrants ou non. Et souvent, l’aide qui provient d’une personne qui n’est pas de notre culture ou de notre religion est mieux appréciée. Donc, ce n’est pas le pourcentage d’employés égal des pourcentages de résidants. » (Répondant 10) Dans la même veine, quant à la langue de communication privilégiée dans les milieux de vie protégés, l’usage des deux langues officielles du Québec a été sollicité par le quart des répondants (n=4), tandis que la même proportion ne considère pas la langue comme une barrière de communication. À ce sujet, un répondant a mentionné que ce n’est pas important pour lui de comprendre ce que les intervenants peuvent dire et deux autres répondants ont mentionné l’importance de l’usage d’autres 170 langues que le français ou l’anglais dans les milieux de vie protégés. En ce qui a trait aux moyens de diffusion de l’information dans d’autres langues que le français ou l’anglais, un répondant recommande la disponibilité d'une salle d'informatique (n=1), tandis qu’un autre répondant recommande d'avoir un récepteur satellite individuel dans chacune des unités résidentielles afin de pouvoir regarder dans cet espace, les chaînes préférées (n=1). L'extrait suivant illustre ce propos. « Oui, oui, c’est la polyvalence des sources de l’information. Je ne dis pas anglais, français, mais des langues qui devront être parlées, écrites, comprises par les résidants. Ça ne coûte rien d’acheter un récepteur et un disque et ensuite de le brancher au poste qu’il veut. » (Répondant 3) La majorité des répondants (n=10) ont aussi mentionné l’importance de la présence d’interpréteurs dans les CHSLD, car cette solution permet à chaque aîné de s’exprimer et aux intervenants de comprendre ce que les personnes âgées ont à dire (n=1). La présence d’interprètes est également considérée comme un service sensible (n=1) qui repose sur la tolérance et le respect des autres (n=1) et sur la reconnaissance des particularités culturelles de certains groupes ethniques. La présence d’interprètes est également vue comme un moyen permettant de transmettre les bonnes informations aux P.A.I. et aide à bien identifier leurs besoins (n=1). Un des répondants considère, pour sa part, que la présence d’interprètes est requise pour les aînés qui ne comprennent pas le français ou l’anglais (n=1). Toutefois, un 171 répondant juge que ce service n’est pas nécessaire en raison de la politique du bilinguisme qui prévaut dans la société d’accueil. Des services d’interprètes : « Je dis que tout intervenant dans une société pluraliste comme le Québec dois avoir une formation à l’interculturel, doit avoir une sensibilité de référence à tous les niveaux de langue de références culturelles, il doit être sensible, il peut avoir les services d’interprète, mais il doit être sensible. » (Répondant 7) « Il faut avoir des traducteurs formés. Il faut chercher la bonne information et la traduire convenablement. Moi, je pense qu’il faut intégrer les immigrants surtout dans les services publics. » (Répondant 11) Pas nécessaire d’avoir recours à des interprètes : « Pour les interpréteurs, je n’ai pas eu certaines circonstances qui demandent la présence d’un interpréteur. Par exemple, le permis de conduire est disponible en deux langues le français et l’anglais. C’est excellent cette culture. » (Répondant 4) Par ailleurs, en ce qui a trait à la dispensation des services dans les CHSLD, un répondant recommande la réduction du nombre de personnes âgées pouvant être admis dans ce genre de milieu de vie, l'augmentation des salaires des intervenants et l’embauche de plus d’infirmiers pour s'occuper convenablement des personnes âgées. 172 « Je n’ai pas aucune recommandation, car le niveau de la protection sociale est excellent ici. Les médecins ont beaucoup de patients. Le nombre de patients est très élevé. Selon le système actuel, le médecin travaille 48 heures et se repose 36 heures. Lorsque la personne travaille 48 heures, il va perdre sa concentration. Pour les gestionnaires, ils sont excellents. Dans le privé, l’infirmière travaille plus de sa capacité, car le privé obéit à une logique commerciale. Elle ne prend pas assez de pauses, pour manger, etc. D’où l’importance d’augmenter le nombre des infirmières dans les résidences. » (Répondant 4) En ce qui a trait à la culture organisationnelle, certains répondants ont peur que les milieux de vie substituts, CHSLD comme résidences privées, ne tiennent pas comptent de leurs besoins culturels (n=1), d’autres ont peur de se retrouver dans une institution qui ne permet pas que les résidants puissent entretenir des contacts avec l’extérieur. Certains craignent également de se sentir emprisonnés ou ont peur de manquer de liberté (n=2), de vivre dans un milieu de vie inadéquat (n=2) ou d’être mis sur une liste d’attente sans recevoir les services requis. Les images négatives projetées dans les médias seraient, entre autres, un des facteurs qui alimentent les différentes peurs des répondants ou leur résistance à entrevoir un changement de milieu de vie lorsque leur santé ne leur permettra plus de demeurer dans leur propre logement. 173 D'autres répondants considèrent toutefois que le professionnalisme des intervenants et leurs bonnes qualités morales (n=2), le peu de chance de se retrouver dans ce type de milieu de vie tout comme le fait que leur état de santé sera plus précaire au moment de leur institutionnalisation, les empêchent actuellement de formuler des craintes envers les CHSLD. La négligence des besoins culturels : « Comme je n’ai pas vraiment de bonnes informations sur les CHSLD, je ne peux pas vous dire. Ma seule crainte c’est le côté culturel, car lorsque je suis arrivé ici avec ma famille, nous avons vécu cette situation. » (Répondant 1) Vivre dans une prison : « Ça ne me posera pas de craintes, je n’ai pas d’attentes. Ça sera stupide de dire non, parce que quand tu arrives à la situation d’être placé dans une institution et tu es rendu faible, tu n’es pas capable de te défendre. L’individu qui est rendu un légume, on va lui faire goûter de la misère, parfois il arrive qu’il y aura des gens qui n’ont pas ni scrupules ni lois et ils regardent seulement monsieur ou madame, en fonction de l’argent qu’ils rapportent. Vous voyez que ces institutions n’ont pas de critères et que les gens craignent de vivre dans la misère. » (Répondant 3) « Ma crainte c’est de passer tout mon temps dans une prison. » (Répondant 6) 174 L’attente et le placement dans un milieu de vie inadéquat : « De ne pas avoir une place adéquate. Parfois, tu peux être dans une liste d’attente et pendant ce temps-là tu es un peu partout, tu es dans l’hôpital puis dans ta maison avec l’aide du CLSC. Donc, c’est plutôt les listes d’attentes qui m’angoissent. » (Répondant 10) Lorsqu’il s’agit des facteurs qui nuisent à l’intégration sociale des P.A.I. dans les milieux de vie substituts, la plupart des répondants ont évoqué l’interdépendance de facteurs qui sont d’ordres personnel, organisationnel et culturel. En ce qui a trait aux facteurs organisationnels, des répondants ont évoqué l’ignorance du personnel concernant certaines dimensions culturelles comme l’intimité du corps, les besoins de nourriture et d’espaces de cultes ainsi que le manque de motivation de travailler en gériatrie. Lorsqu’il s’agit des facteurs personnels, l’isolement des personnes âgées immigrantes peut être expliqué par l’absence d’initiatives de communication entre elles et les autres personnes vivant ou travaillant dans les CHSLD, l’immigration à un âge tardif qui réduit les chances d’intégration dans les milieux de vie protégés ainsi que la présence de négligence ou d’abus des enfants envers leurs parents. Certaines situations particulières comme la perte d’un être cher et l’exil, l’avancement en âge, le chagrin, le peu de visites de ses proches, l’éloignement géographique avec les membres de sa communauté et la maîtrise d’une seule langue réduisent les possibilités d’adaptation des personnes âgées dans un milieu de vie protégé. 175 L’isolement, l’ignorance de l’intimité : « Les facteurs personnels, le fait que celui qui manque de visites de sa famille. C’est la solitude. Avec ça, il peut être en rupture avec la communauté, et les membres de la communauté qui ne viennent pas te voir. Dans les facteurs organisationnels, on ne prend pas en considération des rituels religieux. Ce sont des moments importants et l’organisation des services doit prendre ça. Il y’a des facteurs culturels comme l’intimité corporelle. L’intimité de la parole, par exemple, les Québécois parlent trop fort. » (Répondant 1) Le manque de motivation du personnel : « Lorsque le personnel est empathique, ça facilite aussi l’intégration. Ça facilite d'exprimer ce que tu veux. Le travailleur qui travaille dans le CHSLD, s’il est préoccupé seulement par la paie, il va blesser les bénéficiaires. » (Répondant 3) « Ce qui peut nuire c’est qu’il y’a de l’indifférence face aux besoins culturels. Dans ce cas-là, on attaque la dignité de la personne âgée qui n’a pas beaucoup de moyens de défense, donc ça peut lui faire très mal. Les personnes âgées, une fois qu’elles ont mangé ou qu’elles ont pris leurs pilules, tout ce qui reste c’est comme une affirmation ou comme sentir qu’elles existent dans cette résidence. » (Répondant 10) 176 En ce qui a trait aux facteurs culturels, la moitié des répondants souhaiterait retrouver une diversité ethnique (n=6) dans les milieux de vie substituts, car cela éviterait l’égocentrisme ethnique, la présence de « ghetto » ou la transformation de ces institutions en milieu de vie centré sur une seule et unique religion ou sur une seule ethnie culturelle. D’autres répondants aimeraient par contre qu’entre 10 % à 30 % des personnes âgées proviennent de communautés culturelles diverses, tandis qu’un des répondants considère que sa communauté est surreprésentée au Québec parmi les diverses communautés culturelles, et que cela lui permet de penser qu’ils seront suffisamment nombreux dans ce genre de milieu de vie pour pouvoir avoir accès à des soins culturellement adaptés à leur réalité et à leurs croyances religieuses. Par ailleurs, un répondant a évoqué son indifférence envers la diversité culturelle de personnes âgées au sein des milieux de vie protégés, tandis qu’un autre considère qu’il ne peut pas se prononcer sur ce sujet en raison de son inexpérience dans de tels environnements. Les extraits suivants illustrent ces propos. La diversité culturelle de la société québécoise : « Multiculturelle, car au Québec c’est la diversité culturelle et religieuse et je voudrais voir autour de moi dans un CHSLD, cette diversité culturelle et religieuse dans un endroit ouvert qui accepte mes convictions culturelles et religieuses. » (Répondant 1) Le respect des valeurs communautaires et humaines : « Moi, ce n’est pas la question de monoculture. Je ne 177 m’embarque pas dans la question de monoculture, ça doit être multiculturel, mais à condition qu’elle garde mes valeurs et me permet de faire mes prières. Valeurs d’abord communautaires, deuxièmement valeurs humanistes. Écoute, tu es rendu à l’âge de 80 et imagine-toi que tu as fait une projection et tu es rendu à l’âge de 100 ans et tu es faible. Écoute, moi ce que je vois, ce sont des gens qui viennent et on va faire la prière ensemble, je m’en fous si j’étais Noir ou Chinois, c’est la proximité de notre créateur pas plus. » (Répondant 2) « Ça ne me dérange pas. Dans ma religion, j’ai appris que la Terre est un seul pays et l’autre, ça ne me dérange pas si c’est un... ou c’est un... » (Répondant 5) Pour éviter les ghettos : « Pour parler sincèrement, moi je voudrais avoir l’harmonie avec tout le monde, il y a des immigrants avec lesquels je m’entends très bien, d’autres je ne m’entends absolument pas, ainsi de suite avec les Québécois des trucs comme ça, mais je ne peux pas dire je préfère… comme moi ou je ne sais pas. Je n’aime pas le ghetto. » (Répondant 9) L’importance est accordée à la communication : « Du moment où il y a du contact ce n’est pas le pourcentage qui compte, mais si le contact est absent dans l’institution comme 178 telle, la résidence s’organise pour qu’occasionnellement ou régulièrement les personnes puissent se faire des contacts via des ressources externes. » (Répondant 10) En ce qui a trait à la culture organisationnelle basée sur la diversité ethnique, la majorité des répondants a suggéré que les espaces communs visant à assurer le bien-être culturel des P.A.I. soient destinés à plusieurs groupes ethniques (n=7). À ce sujet, les raisons évoquées par les répondants sont d'ordres humanitaire et culturel et se traduisent par le souci de ne pas faire de distinction entre les groupes ethniques (n=2), de valoriser la diversité culturelle (n=1) sous plusieurs formes, par la tenue d’activités musicales et de repas et d’éviter toute forme de regroupement ethnique ou « de ghettos » (n=2). Pour leur part, d'autres répondants (n=3) souhaitent la présence d’espaces communs non ethniques afin de favoriser la liberté de choix et la liberté de pratique (n=1) et de valoriser la diversité ethnique (n=2). Un autre répondant considère que le nombre de P.A.I. doit être suffisant pour justifier la présence d'espaces pour un groupe ethnique particulier, mais estime aussi qu’il est nécessaire de libérer un espace pour faciliter les pratiques religieuses des P.A.I . Valoriser la diversité culturelle : « Moi, je préfère qu’il soit destiné à plusieurs groupes ethniques qui permettent la diversité. La diversité de la musique, les gens proposent des activités culturelles qui viennent d’ailleurs, c’est beaucoup plus énergisant. » (Répondant 11) 179 « J'opte pour des espaces communs multiculturels. Moi je n’ai pas de problème avec plusieurs groupes ethniques. Par exemple les repas ethniques de Liban, de Chili, sont des constituants qui ont de bonnes répercussions sur la santé. L’huile d’olive vient de plusieurs pays, il a de bonnes répercussions sur la santé. Donc dans toutes les cultures, les repas doivent être diversifiés. » (Répondant 4) La nécessité de la présence d'un espace particulier : « À plusieurs groupes ethniques si le nombre est très restreint de ces communautés-là, et s’il y a un pourcentage important d’une communauté c’est de libérer une place pour une communauté. Si le nombre est petit il faut qu’il y ait un espace qui peut être partagé, mais qui soit autre que la cafétéria et le salon de conversation. Par exemple, on prend un petit espace vide qui sera utilisé l’avant-midi pour faire la prière pour telle ou telle ethnie, et l’après-midi pour une autre ethnie ; dans ce sens-là, il y aura une place de recueillement que la personne peut se retrouver qui respecte son intimité culturelle. » (Répondant 10) Enfin, tous des répondants souhaitent l'existence de liens de collaboration avec des organismes communautaires œuvrant auprès des communautés culturelles. Tous jugent que cette dimension est importante, car elle permet de recueillir des informations susceptibles de favoriser la réalisation d’activités, de sorties, et la tenue de fêtes culturelles (n=2). Cette 180 collaboration permet aussi une meilleure identification des besoins et des préférences des P.A.I. Dans le même registre, un répondant a souligné la nécessité d'établir des protocoles d’entente entre les CHSLD et les organismes religieux permettant de fournir des bénévoles pour aider les P.A.I. à se déplacer à l'extérieur des CHSLD afin d'assister à des activités communautaires (n=1). Toutefois, selon un répondant, l'existence de ce genre de liens est tributaire d’un nombre minimal de quatre P.A.I. appartenant à la même communauté ethnique. Les extraits suivants illustrent ces propos. Le besoin d’informations : « Ça, c’est très important dans le sens où en s’intéressant à ces organismes communautaires, on va avoir plus d’informations. D’abord, de l’information sur une clientèle en particulier. Deuxièmement lorsque vous faites une recherche vous cherchez à savoir comment ça se passe. Prendre des informations et les utiliser dans l’organisation cela les aidera à penser un peu la vie à l’intérieure de l’institution. » (Répondant 2) Une implication bidirectionnelle : « C’est une question de coordination, et un programme qui tient compte des besoins et qui définit les programmes ce sont les associations. Un vieux qui vit dans un CHSLD où les membres ce sont des musulmans, il faut l’existence d’une coordination entre l’association et le CHSLD, par exemple, pour les activités de 181 Ramadan pour les activités de la prière, une implication bidirectionnelle, le CHSLD doit connaître où il y a des activités communes qui peuvent répondre aux besoins des vieux musulmans, et deuxièmement en assurant un épanouissement. Ils doivent venir à la mosquée s’ils en sentent le besoin et lorsqu’ils viennent ils doivent avoir un repas adéquat. Le CHSLD doit s’ouvrir pour les personnes qui veulent venir comme bénévoles pour aider les vieux. » (Répondant 3) La nécessité de visiter les P.A.I. : « Il est impératif qu’il existe une coopération. Chaque association a des programmes et parmi ces programmes on retrouve la visite des aînés. Cela permettra, entre autres, de les aider et d’identifier leurs besoins. » (Répondant 4) L'environnement culturel et psychoculturel La plupart des répondants estiment qu’il est nécessaire d’offrir diverses activités récréatives ou sociales, religieuses et culturelles dans les CHSLD dont des activités physiques, la présence d’une bibliothèque, des activités culturelles comme la présentation de pièces de théâtre, de spectacles de musique ainsi que la tenue de soirées ou de semaines culturelles, les pratiques religieuses et les jeux. L’accès à Internet et à divers postes de télévision dans chacune des chambres des résidants demeure également des services qui doivent être mis à la disponibilité des personnes 182 âgées tout comme la possibilité de recevoir les différents membres de leur entourage dans des espaces individuels ou collectifs. Les répondants estiment aussi qu’il est souhaitable que les personnes âgées immigrantes puissent périodiquement avoir accès à des aliments traditionnels et participer à des activités sociales et communautaires correspondant à leurs habitudes et pratiques religieuses sans importuner les autres résidants. Les répondants considèrent toutefois que la responsabilité de répondre aux besoins et goûts des personnes âgées immigrantes n’incombe pas seulement aux intervenants et aux administrateurs des CHSLD, mais aussi à leurs enfants et aux autres membres de leur entourage. La planification et l’organisation des activités religieuses, sociales et culturelles spécifiques à un groupe ethnique seraient donc une responsabilité tant personnelle, familiale qu’organisationnelle. La célébration des fêtes avec la famille : « J’espère que ma famille, mes enfants et mes petits enfants vont venir pour célébrer avec moi les fêtes. J’espère que mes enfants vont m’emporter la nourriture de temps à un autre. » (Répondant 7) En ce qui a trait aux soins de santé, seulement trois répondants ont suggéré la protection de l’intimité corporelle des résidants en s’assurant que les chambres occupées par plus d’une personne le soient par des aînés de même sexe. De plus, ces répondants souhaitent que les intervenants qui offrent des soins soient du même genre que les bénéficiaires qui reçoivent des soins. 183 L'environnement politique Selon la plupart des répondants (n=7), le gouvernement doit jouer un rôle de régulation et de contrôle sociosanitaire selon une approche intégrée qui consiste à : 1) instaurer des lois qui préconisent des initiatives qui contribuent à l'intégration sociale des P.A.I. ; 2) assurer la formation des intervenants au cours de leur parcours universitaire et tout au long de leur carrière professionnelle ; 3) encourager les recherches évaluatives dans le domaine de la prestation des soins et du soutien aux personnes âgées immigrantes ; 4) prendre en considération les avis et les réclamations des P.A.I. ; 5) améliorer les conditions de vie dans les établissements publics ; 6) s'assurer que les milieux de vie substituts soient aptes à recueillir les P.A.I. ; 7) faciliter la présence d’activités sociales et récréatives dans les CHSLD qui permettent aux P.A.I. de se remémorer leurs souvenirs et ; 8) sanctionner les établissements qui offrent des mauvais traitements aux personnes âgées. La compétence culturelle La prochaine section traite des recommandations des répondants en ce qui a trait aux comportements idéaux des intervenants et leurs rôles dans un milieu de vie protégé culturellement compétent. Les comportements idéaux des intervenants Certains répondants estiment que tout intervenant ayant à travailler auprès de personnes âgées immigrantes doit avoir de bonnes qualités 184 humaines (n=1), de l’empathie (n=1), des compétences professionnelles (n=2) et des habiletés techniques (n=1). D'autres répondants considèrent que les intervenants doivent être respectueux des comportements culturels des personnes âgées, être sensibles (n=2) et avoir des connaissances de base sur l’intervention interculturelle (n=3). Par ailleurs, un répondant considère que les connaissances culturelles des intervenants sont plus présentes dans les grands centres urbains qu'en région. Des compétences professionnelles : « Les professionnels doivent connaître leurs rôles et adopter de bonnes attitudes. Pour moi, ça n’existe pas le terme habileté culturelle, c’est comment on agit avec des personnes d’une autre culture, la question c’est la communication, donc quand on est professionnel, la dimension technique est là, mais la dimension humaine accompagne l’exercice de son travail. Dans ce sens-là, je parle de professionnalisme. » (Répondant 2) Des qualités humaines : « Moi, je m’attends à rencontrer des gens polis, des gens patients. Je vais vous dire quelque chose : je ne vais pas imposer ma culture et ma religion aux gens de ce pays. J’ai accepté de venir au Canada et il faut que je m’adapte aux règlements de ce pays. Comprenez-vous ce que je dis, c'est-à-dire moi il faut que je m’adapte au climat. J’ai appris la langue française pour ne pas déranger les autres. » (Répondant 5) 185 Une formation spécifique : « Je pense que la formation universitaire ou collégiale permet d’outiller les étudiants de la sensibilisation culturelle et ethnique y compris un modèle ou un protocole à suivre dans des cas spécifiques avec les personnes immigrantes. » (Répondant 10) La formation et des attitudes positives envers les immigrants : « Les intervenants dans les CHSLD devront avoir une expérience dans les milieux gériatriques. De plus ils doivent accepter l’autre et avoir de l’écoute et de l’empathie. On ne peut pas demander aux intervenants de connaître toutes les cultures, mais il faut avoir une ouverture d’esprit. ». (Répondant 11) La formation en interculturel : « Moi je pense que n’importe quel intervenant dans une société comme le Québec doit avoir une formation sur l’intervention interculturelle. » (Répondant 7) Les rôles des intervenants Selon les répondants, les intervenants devraient assumer trois grands rôles au sein des CHSLD ou dans les résidences privées pour favoriser l’intégration sociale des P.A.I.: l’avocat, le facilitateur et le pair-aidant. 186 Le rôle d'avocat (n=4) s'inscrit dans le cadre d'un paradigme structurel-fonctionnel qui émane de relations de travail hiérarchisées dans une institution où les prises de décision reviennent aux supérieurs. Dans ces situations, les intervenants doivent veiller à défendre l'identité culturelle et religieuse des P.A.I. auprès des membres de la direction afin de permettre aux aînés de se déplacer pour pratiquer leurs rituels religieux. Les intervenants doivent également s’assurer que les CHSLD mettent en place tous les moyens susceptibles de favoriser leur bien-être et une continuité dans leurs pratiques culturelles. Ce rôle d’avocat vise à ce que les CHSLD respectent les valeurs culturelles et religieuses des P.A.I, leur âge, leurs habitudes de vie et de leur routine quotidienne. Pour sa part, le rôle de facilitateur (n=3) s'inscrit dans le cadre d'un paradigme interactionniste. Selon ce paradigme, les intervenants offrent une gamme variée de services aux P.A.I. tout en s’assurant que les membres de leur famille contribuent à répondre à certains de leurs besoins personnels. Ce rôle viserait à renforcer l'estime de soi de la P.A.I. Le rôle de pair-aidant (n=4) s'inscrit, quant à lui, dans le cadre d'un paradigme politico-critique qui vise la valorisation de la différence des P.A.I. par l'affirmation de la nécessité de la présence de repas ethniques dans les milieux de vie substituts, par la reconnaissance de la présence des P.A.I. qui se traduit par la célébration de fêtes culturelles et par l’acceptation de leurs valeurs. L'articulation de ce rôle semble reposer sur une vision culturaliste qui considère les P.A.I. comme des membres d'une sous-culture 187 marginale, à qui l’on doit reconnaître les différences, entre autres, en utilisant l'écoute active des P.A.I. L'avocat : « Il doit être formé et il doit comprendre les différences culturelles et les différences religieuses. L’intervenant peut demander à la direction de donner des objets qui permettent à ces vieux-là d’aller à la mosquée, d’assurer le transport, assurer une alimentation adéquate, c’est le respect. Ça, c’est une mesure fondamentale pour faire sentir aux vieillards qu’ils sont respectés. Après le repas, l’exercice physique, ou le respect des valeurs de chacun. Par exemple, après le repas, il a besoin de prendre une sieste. Et après la sieste un exercice physique. » (Répondant 3) Facilitateur : « Parmi les activités que je propose, la zoothérapie. Par exemple, apporter aux aînés dans la résidence des chiens entraînés qui leur permettent de dialoguer et de créer certaines ambiances. Pour les repas ethniques, ça devrait être des repas approuvés par le médecin et c’est la famille qui apporte ces repas et ce n’est pas l’institution qui se charge de préparer ces repas. Par ailleurs, les aînés juifs désirent manger la viande vacharde, ce n’est pas l’institution qui devra le fournir, c’est la famille qui devra les fournir. » (Répondant 4) 188 Le pair-aidant : « De croire et de connaître les différences culturelles et de favoriser la diversité et la pratique des coutumes culturelles, respecter les préférences, avoir des repas ethniques, permettre d’avoir un repas ethnique servi pour certains groupes minoritaires et annoncer et célébrer les jours ethniques. » (Répondant 6) « Tout cela remet au pluralisme culturel et religieux et de l’intervenant et de l’institution exactement. Car lorsqu’on parle de la salle de culte comme ici à l’université au deuxième étage. À n’importe quel moment cette salle est ouverte. Tu peux aller faire une petite prière et avoir du repos. Il faut tenir compte des habitudes culturelles et des interdits culturels comme le porc, la gélatine. » (Répondant 1) Le vieillissement des répondants dans la région permet de mentionner plusieurs éléments qui sont favorables pour l'intégration des P.A.I. dans un milieu de vie protégé : 1) une vieillesse active; 2) une expérience de vie riche; 3) la familiarisation avec les services médicaux offerts par la société d'accueil et en région; 4) des attitudes favorables avec la qualité de soins et; 5) une attitude favorable envers le personnel soignant issu de la société d'accueil. Toutefois, il existe certains facteurs ou croyances qui peuvent amener les répondants à considérer les milieux de vie protégés comme une aberration : 1) des facteurs socioculturels qui résident sur le surinvestissement des rapports familiaux et; 2) des problèmes de 189 rationnement et d’ordre fonctionnel malgré les besoins de soins médicaux au fur et à mesure de l’avancement en âge. Par ailleurs, les attentes des répondants permettent de dégager une tendance idéologique à propos de l’intégration. Il s'agit d'une idéologie pluraliste qui repose sur la distinction entre l’espace individuel comme la chambre du résidant et la pratique religieuse privée et l’espace commun comme les services communs, la justification d'un certain nombre de résidants pour célébrer une fête religieuse et culturelle. 190 DISCUSSION 191 Ce chapitre a pour but de discuter les résultats de la présente étude en fonction de ses trois principaux objectifs. Rappelons que l'un de ceux-ci cherchait à recueillir le point de vue de personnes immigrantes âgées de 50 ans et plus sur leurs attentes et leurs appréhensions envers leur propre placement en CHSLD ou dans des résidences privées pour personnes autonomes ou en perte d’autonomie. Le deuxième objectif consistait à documenter la perception qu’ont ces répondants du niveau actuel de compétence culturelle des CHSLD et des résidences privées, situés sur le territoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, à répondre adéquatement aux besoins des résidants provenant de communautés ethnoculturelles. Le troisième objectif visait à recueillir les recommandations de ces répondants afin de faciliter l'intégration sociale des résidants provenant de communautés ethnoculturelles dans les CHSLD et dans les résidences pour aînés. Les résultats obtenus pour chacun de ces trois objectifs sont discutés en fonction de deux grands éléments, c’est-à-dire les écrits scientifiques portant sur la situation des personnes immigrantes au Québec, au Canada et dans les communautés éloignées des grands centres urbains et sur les compétences culturelles des CHSLD à répondre aux besoins des personnes âgées immigrantes, et le cadre de référence privilégié pour réaliser cette étude, qui repose sur le modèle de la compétence culturelle de CampinhaBacote et sur le modèle conceptuel de Kayser-Jones. Ce chapitre comporte d'abord trois grandes sections qui permettent de discuter des résultats de la présente étude en fonction des objectifs que l’on poursuivait. Par la suite sont présentées les limites de la présente recherche ainsi que ses retombées en ce qui a trait à l'intégration des P.A.I. dans les milieux de vie protégés. 192 Les attentes et les appréhensions envers le placement dans un milieu de vie protégé La trajectoire migratoire des répondants, et par conséquent leur intégration dans la société d'accueil, façonne leur point de vie en ce qui a trait à leurs attentes et appréhensions envers le placement dans un milieu de vie protégé. La trajectoire migratoire renvoie à la représentation symbolique du territoire et de l’espace. Selon Gilbert (2005) : « Les trajectoires migratoires sont ponctuées d’aller-retour, de va-et-vient fréquents entre divers lieux : pays natal ou pays de résidence, pays où sont installés des membres de la famille dispersée ou la collectivité en diaspora, pays d’adoption. Cette mobilité entraîne des réaménagements des identifications culturelles et sociales et des appartenances à des groupes ou à des réseaux locaux, nationaux ou transnationaux. » À ce sujet, l'intégration des répondants dans la région se situe dans un contexte social pluriel qui se traduit par une combinaison variable de territoires et de réseaux et qui s’insère dans une dualité de l’ancrage et du mouvement dont les trois structures principales sont le territoire d’accueil, l’ici ; le référent-origine, là-bas ; et l’ailleurs, c'est-à-dire l’ensemble des lieux autres que la société d'accueil. L'intégration dans la région est aussi le résultat d’un processus identitaire singulier de longue durée qui dépasse la simple rencontre du répondant avec d’autres cultures en région et qui 193 témoigne de la complexité de ses interactions et de ses représentations de soi qui découlent de ses rapports avec les lieux, les proches, l’ensemble de la société et les différents types de relations que le répondant juge essentielles. Ainsi, la représentation symbolique de l’espace et du temps ont permis aux répondants de se positionner par rapport à la région et face à leurs pays d'origine. À ce sujet les entrevues réalisées ont permis de dégager deux lieux subjectifs : le lieu d’attachement qui renvoie au pays d'origine et le lieu de projet qui renvoie aux motifs d'installation dans la région. Par ailleurs, la région représente pour la majorité des répondants à une continuité à leurs liens sociaux, politiques et économiques. En effet, la plupart des répondants ont pu assurer la continuité de liens sociaux et affectifs avec des personnes demeurant encore dans leur pays d’origine. De plus, les répondants ont su assurer leur stabilité dans le pays d’accueil, construire d’autres liens sociaux et en recomposer des anciens. Ce rapport des répondants à l’espace et au temps semble avoir un lien avec leur visibilité sociale dans la région qui se définit en tant que : « Processus par lequel des groupes sociaux bénéficient ou non d’une attention publique » (Voirol, 2005 : 16). À notre avis, la visibilité sociale des répondants dans la région rejoint la théorie d'anthropologie du mouvement de Tarrius (1992) qui considère le migrant comme un nomade qui se déplace dans des espaces qui ne correspondent pas aux frontières nationales. En tant qu'acteurs de changement, ces migrants créent, par leur mobilité, de nouveaux territoires 194 qui se superposent aux territoires existants. Cette théorie aide à comprendre le répondant comme « acteur de circulation et d’échange » qui bâtit des ponts, réduit les distances par les liens de proximité sociale et forge des identités nouvelles et des rapports originaux à l’espace. Dans cet univers du mouvement, l'établissement des répondants dans la région rejoint les résultats de la recherche de Tremblay et coll. (1997), réalisée au Saguenay– Lac-Saint-Jean, qui révélait que l’emploi et la présence d’une conjointe ou d’un conjoint étaient les deux raisons les plus importantes menant à l’établissement des immigrants dans cette région. Ainsi, la présence de parents est un autre facteur relevé par notre enquête et celle de Métropolis (2003). Ajoutons à ces motifs, la recherche d’un refuge psychologique à la suite de l'atteinte d'une situation d'incapacité physique permanente dans le métropolitain et la présence d'un noyau de structure religieuse dans la région. Quant au pouvoir de rétention de la région, les résultats de la présente recherche démontrent que la situation de la catégorie des emplois professionnels est beaucoup plus fréquente que les autres catégories d'emploi de services et d’ouvriers. De plus, le mariage mixte (n=3), la pauvreté des liens sociaux avec les membres de la famille dans le pays d'origine (n=1) et l'affaiblissement des liens avec les enfants qui demeurent hors de la région (n=1) représentent aussi des facteurs de rétention dans la région. Toutefois, dans la présente étude, quelques répondants occupant un emploi professionnel ont exprimé leur intention de quitter la région après leur retraite, tout comme l’ont fait d’autres immigrants ayant participé à l’étude menée par Tremblay (1997) dans la région du Saguenay–Lac-SaintJean. Par contre, ces retraités n'avaient pas l'intention d'aller « n'importe où » 195 et, surtout, n’envisageaient pas de retourner dans leur pays d'origine, bien que cette possibilité ait été exprimée à quelques reprises dans la présente étude. À la lumière des résultats obtenus dans la présente étude, il est donc possible de reproduire une figure qui illustre le contexte d'intégration des présents répondants dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean (Figure 5). Les données de la présente étude permettent aussi de constater, tout comme le fait Simard en 2003, que les répondants ont manifesté des valeurs et des attitudes qui reposent sur les différents principes suivants : 1) l’ouverture au monde qui se manifeste par un statut socio-économique relativement élevé, des voyages et des déplacements à plusieurs endroits dans le monde et le recours à des termes comme « adaptation », « intégration » et « effort » qui renvoient à leur familiarisation avec la différence ; 2) le multilinguisme qui prend la forme de maîtrise de plusieurs langues et qui permet non seulement de trouver un emploi qualifiant, mais de découvrir plusieurs pays et d’entrer en dialogue avec d’autres cultures et ; 3) une culture transnationale du fait que les répondants ne sont pas centrés sur leur communauté d’origine, mais orientent leurs stratégies d’intégration sociale en fonction d’une stratégie globale d’intégration à la société québécoise. 196 Figure 5 Le contexte d'intégration des répondants dans la région Là-bas Ici La région Le lieu de projet Nouveau cadre de vie Appartenance pragmatique Espace de réalisation sociale La projection d’avenir Acculturation La visibilité Référent — Origine Le lieu d'attachement Les valeurs Le projet migratoire Les conditions de vie Les réseaux sociaux Combinaison variable de territoires et de réseaux Dualité de l'ancrage et du mouvement Ailleurs Autres endroits Multiterritorialité Essaimage Généalogies Transnationalisme 197 Tous ces éléments permettent aux répondants d’appartenir à des espaces multiples, qu’ils soient locaux, nationaux ou internationaux, et de se familiariser aux différentes institutions de la société d'accueil comme les CSSS et de faire apparaître une identité ethnique à double facette à la fois singulière et plurielle. Chez les répondants de la présente étude, l’identité singulière s’exprime par l'attachement aux valeurs familiales, par le fait que l’utilisation éventuelle de milieux de vie protégés est considérée comme une aberration et par la disponibilité d’un soutien social et affectif des membres d’une communauté (famille, amis, voisins) pour faire face aux difficultés de la vie quotidienne. Pour sa part, l’identité plurielle se traduit par un statut socioprofessionnel dans la société d'accueil et par la participation à une vie associative culturelle qui permettent aux répondants d'établir des frontières claires entre l'espace individuel et communautaire (la maison, le voisinage, le groupe d'appartenance, le groupe d'amis et le groupe de référence) et l'espace collectif (le travail et l'espace public) en ce qui a trait à l'usage de la langue, à la pratique religieuse, aux coutumes vestimentaires, aux repas, aux fêtes religieuses et culturelles célébrées et d'autres sortes de préférences culturelles, religieuses et idéologiques. La visibilité sociale des répondants dans la région semble donc faire apparaître les trois types d’immigrants suivants : les déracinés, les revendicateurs et les discrets. Cette typographie véhicule des stratégies qui facilitent la vie des répondants en région et permet d'identifier les besoins et les difficultés particulières que les répondants pourraient faire face lors d’une institutionnalisation dans un milieu de vie protégé. 198 À ce sujet, il est important de souligner que la majorité des répondants a eu et a encore des possibilités de s’exprimer et de se faire comprendre des intervenants offrant différents services de santé. En général, les répondants de la présente étude n’ont pas eu de difficulté à obtenir de l’information sur les ressources disponibles et sur les codes de fonctionnement de la société d’accueil. Dans ces conditions, la catégorie des revendicateurs et la catégorie des déracinés sont plus susceptibles de rester plus dépendantes respectivement de leurs enfants et des membres de leur voisinage avec toutes les conséquences que cela suppose, tandis que la catégorie des immigrants discrets semble ressentir le besoin d’être accepté et reconnu par les intervenants. Ce besoin pourrait découler de la pauvreté des rapports sociaux qu’ont ce type d’immigrants avec les membres de leur entourage qui représente en quelque sorte des possibilités réduites de tissage de nouvelles relations sociales avec les autres résidants et ce qui augmente la possibilité d’isolement social en cas d'institutionnalisation dans un milieu de vie protégé. Par ailleurs, la majorité des répondants peut subir dans un milieu de vie protégé un choc culturel engendré par la différence entre la place accordée aux personnes âgées dans leurs pays d’origine, et celle qui leur est accordée dans la société d'accueil. Cela semble affecter leur estime de soi étant donné que seulement deux répondants ont évoqué explicitement le concept de vieillissement. Par ailleurs, la catégorie des discrets regroupe les immigrants les moins aisés financièrement, ce qui influencera sans doute leur choix du type d’établissement où ils iront vivre lorsqu’ils auront besoin de recevoir de l’aide ou du soutien dans l’accomplissement de leurs activités 199 de la vie quotidienne (CHSLD public versus résidence privée) et limitera leur choix en matière d'options qui peuvent être offertes en faveur de leurs préférences culturelles. Il y a alors le risque que des besoins d’intimité et d’autonomie seront ressentis de façon plus aiguë par les répondants de cette catégorie. Ce passage de l’autonomie à la dépendance peut aussi générer une confusion identitaire accompagnée de sentiments de marginalisation et d’aliénation (Berry et coll., 1987 : 492). La perception qu’ont les répondants sur le niveau actuel de compétence culturelle Les données de la présente étude semblent démontrer que la perception des répondants en ce qui a trait à la compétence culturelle des CSSS, des CHSLD et des résidences privées pour personnes âgées autonomes ou en perte d’autonomie situés sur le territoire du Saguenay–LacSaint-Jean est liée à leur propre perception de leur état de santé. Tout d’abord, il est intéressant de souligner que la définition que donnent les répondants au terme santé rejoint la définition du concept proposée par l'OMS qui considère que la santé comprend trois composantes : physique (corps), psychologique (moral) et social (investissement sur le réseau social). De plus, l'aspect spirituel de la santé des individus est un autre aspect évoqué par quelques répondants dans leur rapport avec les institutions religieuses de la région, dans l’appréhension d'un des répondants envers la vieillesse et dans la plupart des recommandations émises en ce qui 200 a trait aux activités qui devraient être offertes dans les milieux de vie protégés. Toutefois, dans les rapports qu’entretiennent les répondants avec les intervenants des différentes missions des CSSS, le fait d'être en bonne santé correspond plutôt à un état de santé physique sans maladie. Il s'agit alors là d'une conception biomédicale qui médicalise le corps à traiter lorsque l’une ou l’autre des pièces sont en mal de fonctionnement. De plus, les préoccupations des répondants sont pour la plupart centrées autour des soins de santé primaires et des interactions avec leur médecin de famille. Ces résultats sur l'interaction des répondants avec les professionnels de santé sont semblables à ceux qui ont été mentionnés dans diverses études réalisées auprès de différentes femmes immigrantes (Emami et coll., 2001 ; Carignan et coll., 1999 ; Jan et coll., 1998 ; Mendelson, 2002 ; Omeri, 1997 ; Wilson et coll., 1994). Les rapports des répondants avec les intervenants semblent donc être strictement des rapports professionnels qui reposent sur la capacité des intervenants à offrir des services médicaux curatifs ou paramédicaux de suivi. Il est aussi possible de constater que les répondants ne sont pas prêts à vivre dans un milieu de vie protégé situé dans la région et n'appréhendent pas la région comme un lieu de sépulture. Ce qui pourrait, entre autres, expliquer pourquoi les répondants n'ont pas formulé beaucoup de suggestions en ce qui a trait à la compétence culturelle des CHSLD de la région. Par contre, la majorité des répondants ont évoqué des expériences positives avec les intervenants de la santé, majoritairement issus du groupe 201 dominant, tout en rapportant le manque d’accès aux institutions de soins et de services sociaux, des problèmes de communication dans leur langue maternelle et le peu de disponibilité de leur médecin de famille. Malgré la perception biomédicale des répondants en ce qui concerne les services de santé offerts dans la région, et dans le cadre du paradigme écologique de la présente recherche, les différentes dimensions de santé mentionnées par les répondants permettent de dégager la présence d’une perception holistique de la compétence culturelle. Cette conception appréhende le contexte de vie des personnes, regarde les individus comme un tout et pas seulement comme un organe malade, interprète l’impact de la maladie dans toutes les dimensions des personnes : physique, psychique, spirituelle et biopsychoculturelle et actualise toutes les ressources formelles et informelles pour affronter la maladie et ses conséquences. Par conséquent, la compréhension du concept de compétence culturelle des répondants est composée de segments imbriqués de la santé physique, mentale et émotionnelle, de valeurs socioculturelles et comprend un système de croyances qui relie la puissance de Dieu et de la médecine. Le sens donné à ce concept semble aussi profondément ancré dans la réalité d'appartenir à une communauté ethnique. Une perception similaire du concept de la santé a aussi émergé dans l’étude de MacKinnon et coll. (1999) réalisée auprès de femmes immigrantes vivant au Canada dans l’une des provinces de l’Atlantique (Île-du-Prince-Édouard). Ces répondantes ont alors expliqué que la santé physique signifie se sentir partie intégrante de la communauté. La santé mentale a également été interprétée par le même groupe de femmes en tant que sentiment d'appartenance à une famille et à la communauté 202 (MacKinnon et coll., 1999). De plus, une étude australienne réalisée auprès d’immigrants iraniens adultes rejoint la perception holistique de la compétence culturelle des présents répondants où la signification culturelle des soins de santé repose sur des concepts comme l'action, la pensée, des liens familiaux réfléchissants, l'identité culturelle réfléchissante et le fait d’avoir de cadres de vie sûrs et paisibles. La conception que se font les présents répondants de compétence culturelle rejoint celle de la politique multiculturelle du Canada en matière de santé où celle-ci est définie comme étant : « Réfléchie, inclusive, judicieuse et sensible aux valeurs sociales et culturelles des diverses communautés ethnoculturelles du Canada » Weerasinghe et coll. (2002 : 7) Autrement dit, il faut identifier les systèmes de valeurs auxquels adhèrent diverses cultures, et modeler les politiques publiques et la prestation de soins de santé dans le respect de ces valeurs. Les mesures facilitant l'intégration sociale des P.A.I. dans un milieu de vie protégé Les mesures que les répondants proposent pour faciliter l'intégration sociale des résidants provenant de communautés ethnoculturelles dans les milieux de vie substituts reposent sur la nécessité, pour les répondants, de se sentir chez soi et sur une idéologie pluraliste d'intégration. 203 En premier lieu, le sentiment d'être chez soi repose sur le postulat que l'institutionnalisation dans un milieu de vie protégé est un prolongement des conditions de la vie ordinaire de façon à permettre aux aînés de satisfaire leurs besoins d'ordres physiologique (la nourriture), psychologique (le sentiment d'être en sécurité), social (l'affection des proches et la reconnaissance de l'institution), d'estime de soi-même (l'autonomie) et de réalisation de soi (avoir une vie intérieure et des valeurs personnelles). En général, les différentes mesures proposées par les présents répondants visent à ce que les milieux de vie substituts puissent offrir un environnement de vie agréable (une chambre individuelle, la qualité des services) qui permet leur intégration dans un environnement extérieur (la communauté, la famille, le voisinage). Toutefois, les répondants ont omis de proposer des mesures qui accorderaient aux résidants une participation citoyenne dans la prise de décision au sein des différentes instances de représentation internes des aînés comme les conseils interdisciplinaires et le comité des usagers. Il semble donc que les mesures proposées par les personnes ayant participé à la présente étude s'inscrivent dans le cadre de stratégies d'évitement de conflits avec d'autres résidants et dans le cadre de stratégies d'évitement par rapport au stress et aux problèmes de santé mentale. Cette étude démontre également que pour la plupart des répondants, il est important de se sentir chez soi lorsque les aînés doivent volontairement ou non vivre dans un milieu de vie substitut. Ce résultat est similaire à plusieurs autres études réalisées auprès d’autres personnes immigrantes, dont celle d'un groupe d'immigrants âgés finlandais vivant en Suède (Heikkila et coll., 2003). En effet, dans la présente étude, nous pouvons conclure que le 204 principal désir des répondants consiste à pouvoir continuer de vivre leur propre vie comme ils ont fait actuellement, sans changement majeur et surtout en dehors des CHSLD. En ce qui a trait aux besoins culturels des répondants, les résultats obtenus semblent montrer l’absence de liens entre les mesures proposées par les divers immigrants et le pays d'appartenance, la religion, le genre, le statut professionnel et les motifs d'immigration. Toutefois, les mesures proposées suggèrent que les répondants ont une vision pluraliste de l'intégration qui repose sur le principe que les milieux de vie substituts ne doivent pas définir ou réglementer les valeurs privées des résidants (la langue, la culture, les pratiques religieuses, les relations familiales, interpersonnelles et associatives) et doivent respecter leurs libertés individuelles. Dans la présente recherche, deux tendances issues de cette vision pluraliste de l’intégration sociale des immigrants peuvent aussi se dégager. La première est celle du pluralisme intégrateur (Fleras et coll., 1992 ; Drieger, 1996) selon laquelle les milieux de vie protégés doivent favoriser la tenue d’activités culturelles, linguistiques et religieuses pour les résidants. Les CHSLD et les résidences privées pour aînés doivent alors veiller à enrichir la diversité ethnique et interculturelle au sein de leur milieu pour des résidants qui conservent leurs particularités culturelles, linguistiques et religieuses. Cette tendance est conforme à la politique multiculturelle du Canada dans le sens où le milieu de vie protégé accorde un appui financier aux activités linguistiques (fiches informatives, affichage en plusieurs langues) et culturelles (célébration des fêtes et espaces de culte) en faveur 205 des résidants provenant de communautés ethnoculturelles (Fleras et coll., 1992 ; Drieger, 1996). Selon cette vision, les intervenants doivent assumer les rôles de l'avocat et du pair-aidant. La deuxième tendance est celle de l'idéologie pluraliste civique. Selon cette vision de l’intégration sociale des immigrants (Fleras et coll., 1992 ; Drieger, 1996), les résidents doivent se conformer aux valeurs de l'institution (un effort d'intégration qui commence avant l'institutionnalisation) et, de son côté, l'institution s’assure qu’il n’y a pas d’ingérence dans les valeurs et coutumes privées des résidants. Cette idéologie civique part du principe que l'institution ne doit pas favoriser le maintien ou la promotion des valeurs privées de groupes particuliers d'individus par l’instauration d’une politique officielle de non-intervention dans les valeurs privées des groupes, y compris les P.A.I., et par l'adoption d'une série de pratiques antidiscriminatoires (Schnapper, 1992).. Toutefois, selon cette idéologie, les P.A.I. ont le droit de s'organiser socialement et financièrement afin de conserver ou de promouvoir les particularités de leur patrimoine culturel et ethnique. Ainsi, pour les tenants de cette vision de l’intégration sociale des immigrants, le soutien des besoins des P.A.I. par l'institution est justifié lorsque le pourcentage des P.A.I. dans le milieu de vie protégé le justifie. Il semble donc que dans ce contexte, les intervenants doivent assumer le rôle de facilitateur. À l'instar de ces deux visions de l’'intégration sociale des immigrants et des différents rôles que les intervenants doivent assumer, trois grandes approches ou modèles en travail social peuvent être mis à contribution pour 206 favoriser l'intégration sociale des P.A.I. dans les milieux de vie protégés : l’approche communautaire, l’approche interculturelle et l’approche ethnoculturelle. Selon le modèle communautaire, les intervenants sociaux assument le rôle d'avocat (Bolzman, 2009) dans un contexte où les P.A.I. vivant dans un même milieu de vie substitut peuvent rencontrer diverses problématiques communes en raison de trajectoires de vie et de caractéristiques ethniques ou d’aires culturelles semblables, de même position au sein de leur famille en raison de leur genre (cas des femmes migrantes) ou parce qu’elles ont vécu des traumatismes semblables (réfugiés ayant été torturés ou ayant connu des situations de violence extrême), etc. Dans ces circonstances, les travailleurs sociaux peuvent intervenir en fonction de certaines situations communes à certaines catégories de migrants. Ici, les stratégies des travailleurs sociaux consistent à faciliter l’établissement de liens entre des P.A.I. avec des parcours de vie semblables, ou avec d’autres acteurs de milieux de vie. Les intervenants sociaux peuvent aussi travailler avec les aînés immigrants à la construction ou à la reconstruction d’une identité, en s’appuyant sur des dimensions de leur culture d’origine, dans un contexte de changement. Pour sa part, le modèle interculturel repose sur le rôle du pair-aidant des intervenants (Bolzman, 2009). En effet, dans ce modèle, les intervenants sociaux prennent en considération la diversité ethnique des milieux de vie protégés et les situations de malentendus qui peuvent se produire entre les personnes âgées immigrantes et les autres membres vivant ou œuvrant dans ce genre d’établissement. De plus, selon ce modèle, les P.A.I. ne sont pas porteuses de valeurs, d’attitudes et de comportements aberrants, mais elles 207 défendent des points de vue légitimes qui doivent être entendus. Les objectifs des intervenants sociaux sont alors de valoriser le vivre ensemble par la sensibilisation à des modes de vie différents et l’accent doit être mis sur les ressemblances, les aspirations et les buts communs des personnes âgées. Dans cette perspective, la participation des migrants au sein de la résidence se fait en les considérants comme des acteurs à part entière, comme des partenaires qui contribuent, tout comme les autres acteurs, à la recherche de solutions communes aux problèmes qui surgissent, dans le respect des valeurs des autres résidents. En fonction du modèle ethnoculturel (Bolzman, 2009), les intervenants sociaux, alors facilitateurs, doivent prendre en compte les spécificités culturelles des P.A.I. et de leurs identités (nationale, ethnique et religieuse), leur parcours de vie et leur histoire migratoire. Selon cette perspective, les P.A.I. ont des identités qui sont singulières parce que chacune d’elle possède des expériences individuelles qui s'inscrivent dans le cadre d’un système de significations, dans un langage et des manières de faire qui font sens pour eux. Dans ce contexte, le travailleur social soutient les P.A.I. dans leur effort d’affirmation de leur culture et dans le cadre de leurs interactions avec les autres aînés et intervenants issus de la culture dominante. Ainsi, ce modèle reconnaît les appartenances culturelles des migrants et de leurs familles et par conséquent, les intervenants sociaux doivent encourager les P.A.I. à maintenir des relations avec leur communauté ethnique et avec diverses associations et des liens entre le passé et le présent. 208 Limites de la présente étude Même si la présente étude a permis de recueillir le point de vue de personnes immigrantes sur les CHSLD et sur la compétence culturelle de ces institutions à répondre aux besoins des P.A.I, il n'en demeure pas moins que la composition de l'échantillon, tant en matière de nombre que de caractéristiques sociodémographiques, est une importante limite à cette étude, notamment en ce qui a trait à la généralisation des résultats auprès d’autres catégories de migrants. Toutefois, comme l'objectif de la recherche n'était pas de généraliser les résultats, mais bien de comprendre plus en profondeur la perception de professionnels immigrants âgés de 55 ans et plus vivant au Saguenay–Lac-Saint-Jean, la taille de l'échantillon semble, selon nous, satisfaisante. D'ailleurs, pour Frish (1999), un échantillon de 8 à 10 répondants aux caractéristiques similaires est suffisant pour répondre aux objectifs d'une recherche qualitative. Une autre limite possible demeure celle de l'appartenance ethnique de l’auteur de ce mémoire. Ce dernier peut involontairement véhiculer certains préjugés et stéréotypes en ce qui a trait au rapport entre le groupe dominant et le groupe dominé. Malgré ces limites, il est possible de penser que cette étude est parvenue à atteindre les critères de validité interne en recherche qualitative, puisqu'il y a présence de plusieurs similitudes dans le discours des répondants et que nous croyons que l’interprétation des résultats est juste et pertinente. Toutefois, la validité externe n'a pu être atteinte, puisqu'il a précédemment été mentionné que les résultats de cette étude ne sont pas généralisables à d'autres populations, lieux et périodes de temps ayant les 209 mêmes caractéristiques. Par exemple, les points de vue soulevés par les répondants ne peuvent pas être généralisés à d'autres régions du Québec ou dans d'autres provinces du Canada. Contribution de la recherche Cette recherche peut être envisagée parmi les recherches pionnières au Québec en ce qui a trait : 1) au champ du travail social gérontologique qui s'intéresse aux situations d'intégration institutionnelle des P.A.I.; 2) aux recherches qui se rapportent à la catégorie des P.A.I. qui vivent dans les régions éloignées des grands centres urbains; 3) aux études portant sur certaines problématiques sociales qui découlent de la problématique de la régionalisation de l'immigration au Québec et 4) aux problématiques qui ne sont pas nécessairement traitées dans le cadre de travaux de commissions d’enquête ou lors de consultations publiques. De plus, les divers éléments évoqués dans le présent mémoire permettent d’identifier quatre acteurs concernés par l’intégration sociale des P.A.I. dans les milieux de vie substituts qui sont respectivement, le chercheur, le travailleur social, le politicien et la personne âgée. Enfin, quatre pistes de changement peuvent être envisagées : 1) la vision des problématiques d'immigrants; 2) la promotion de certaines interventions spécifiques; 3) la promotion de politiques sociales en faveur des immigrants et; 4) le changement d'attitude chez les intervenants. En ce qui a trait au chercheur, le cadre théorique envisagé dans cette recherche, inspiré du modèle de la compétence culturelle de Campinha210 Bacote et du modèle conceptuel de Kayser-Jones, a permis de dégager la vision holistique des répondants en ce qui a trait à la compétence culturelle des milieux de vie protégés et de dégager un bon nombre d'informations sur la visibilité sociale des P.A.I. et la reconnaissance et de leurs besoins par les milieux de vie protégés. Toutefois, le modèle de compétence culturelle de Campinha-Bacote semblerait plus adéquat pour aborder le point de vue des intervenants sociaux en regard de leurs interactions avec les P.A.I. En ce qui concerne le travailleur social et les quatre pistes de changement envisagées, les différentes idées émises par les participants peuvent servir aux intervenants sociaux lorsqu’ils doivent effectuer une évaluation fonctionnelle des P.A.I. et proposer un ensemble de mesures afin d’améliorer leur qualité de vie et la poursuite de leurs divers rôles sociaux. Par ailleurs, les résultats de la présente étude permettent de constater la présence de lacunes dans l'offre de services de santé de façon générale et ceux en faveur des P.A.I. À ce sujet, il s’avère important que les instances publiques favorisent le développement de programmes sociosanitaires en faveur des P.A.I. dans le cadre de la régionalisation de l'immigration et dans un souci d'attraction et de rétention des immigrants. Enfin, l'absence d'intérêt des répondants pour leur participation éventuelle dans les instances internes des milieux de vie protégés devrait inciter les immigrants à investir des efforts de participation démocratique et constructive dans les comités de quartier, les espaces religieux et les syndicats. De plus, le peu de recours des répondants aux organismes 211 communautaires ethniques et socio-sanitaires de la région devrait encourager les nouveaux immigrants à investir dans ce genre d'activités. Par ailleurs, l'importance des pratiques religieuses dans la vie des répondants devrait encourager les instances religieuses à être plus pragmatiques et réalistes envers les défis du vieillissement de la population, la politique d'immigration, le rôle des intervenants sociaux et le capital social des immigrants. Car le vieillissement des immigrants est un processus qui débute dès la décision de quitter son pays d'origine et de s'installer dans un pays d'accueil. Ce processus véhicule un ensemble de défis qui devraient encourager les immigrants tout au long de leur vie à se préparer, à prendre des initiatives dans toutes les sphères de leurs activités sociales et professionnelles et à affirmer leur dignité citoyenne. Avenues et perspectives de recherche Les conclusions de cette étude suggèrent quelques avenues pouvant être éventuellement abordées dans le cadre de futures recherches. En effet, en ce qui a trait à la recherche appliquée, il serait intéressant d’étudier le point de vue d’un nombre plus important de répondants en fonction de différentes caractéristiques sociodémographiques des P.A.I. sur leur propre vieillissement, sur les milieux de vie protégés, sur les services de santé et de services sociaux offerts dans la région, et sur la compétence culturelle de ces institutions à répondre à leurs besoins physiques, sociaux et culturels. De plus, il serait intéressant de comparer leur point de vue avec des personnes nées au Canada. Entre autres, une attention particulière pourrait être apportée aux femmes immigrantes, aux immigrants vivant seuls et ceux aux 212 prises avec d’importants problèmes de santé ou d’incapacités physiques. Il serait également intéressant de documenter le propre point de vue des intervenants psychosociaux et des gestionnaires sur la compétence culturelle des organismes publics et communautaires du réseau de la santé et des services sociaux à répondre aux besoins des P.A.I. Enfin, par rapport à la participation sociale des immigrants dans leur communauté d’accueil, il serait pertinent de réaliser des études sur les différents rôles joués par les organismes communautaires ethniques jouent dans la région et leur contribution dans la promotion de l’intégration sociale des immigrants sur divers aspects de leur citoyenneté régionale et celle des P.A.I dans les milieux de vie protégés. 213 CONCLUSION 214 Un premier aspect important à retenir de cette étude est que les attentes et les appréhensions des répondants envers le placement dans un milieu de vie protégé reposent sur la capacité des répondants à s’y adapter et s’y intégrer. D’abord, les répondants interviewés représentent des citoyens de la société d’accueil, car ils sont reconnus par cette société comme acteurs de changements et comme « acteurs de circulation et d’échange » qui travaillent sans cesse à bâtir des ponts, à réduire les distances par des liens de proximité sociale et à forger des identités nouvelles et des rapports originaux. Dans cet univers en mouvement, l'établissement des répondants dans la région s’explique par des causes économiques (emploi), des causes sociales (la présence d’une conjointe ou d’un conjoint, la présence de parents), des causes religieuses (la présence d'un noyau de structure religieuse dans la région) et des causes psychologiques (la recherche d’un refuge psychologique). En ce qui concerne le pouvoir de rétention de la région, les résultats de la présente recherche démontrent que la situation de la catégorie des emplois professionnels est beaucoup plus fréquente que les autres catégories d'emploi de services et d’ouvriers. De plus, le mariage mixte, la pauvreté des liens sociaux avec les membres de la famille dans le pays d'origine et l'affaiblissement des liens avec les enfants qui demeurent hors de la région représentent aussi des facteurs de rétention dans la région. Cette étude démontre également que la plupart des répondants ont manifesté des valeurs et des attitudes qui reposent sur les différents principes suivants : 1) l’ouverture au monde ; 2) le multilinguisme et ; 3) une culture transnationale. Toutefois, la plupart des répondants pourraient éprouver une situation d’isolement social lors de leur institutionnalisation dans les milieux 215 de vie protégés. L’isolement social des répondants pourrait alors se traduire par le manque de rapports sociaux avec les autres résidants chez la catégorie des revendicateurs et chez la catégorie des déracinés, car ils sont plus susceptibles de rester plus dépendants de leurs enfants et des membres de leur voisinage. L’isolement social pourrait aussi se manifester par un sentiment profond de solitude chez la catégorie des immigrants discrets en tant que conséquence de l’incapacité de l’institution à répondre à leurs besoins en tenant compte de la pauvreté de leurs rapports sociaux avec l’extérieur, les exigences de ces derniers et leur précarité financière. De plus, cette situation d’isolement subjective et objective pourrait être accentuée par leur regard négatif de la vieillesse en tant qu’un état de détérioration et de faiblesse. Cette étude semble démontrer que la perception des répondants envers la compétence culturelle des CHSLD et des résidences privées pour personnes âgées autonomes ou en perte d’autonomie situés sur le territoire du Saguenay–Lac-Saint-Jean est liée à leur propre perception de leur état de santé. Selon la plupart des répondants, il s’agit d’une conception holistique de la santé qui appréhende le contexte de vie des personnes, considère les individus comme un tout et pas seulement comme un organe malade, interprète l’impact de la maladie dans toutes les dimensions de la personne : physique, psychique, spirituelle et biopsychoculturelle et actualise toutes les ressources formelles et informelles pour affronter la maladie et ses conséquences. Par conséquent, la compréhension du concept de compétence culturelle des répondants est composée de segments imbriqués de la santé 216 physique, mentale et émotionnelle, de valeurs socioculturelles et comprend un système de croyances qui relie la puissance de Dieu et de la médecine. Par ailleurs, la conception compétence culturelle des répondants rejoint également la politique multiculturelle du Canada en matière de santé qui invite à identifier les systèmes de valeurs auxquels adhèrent diverses cultures, et à modeler les politiques publiques et la prestation de soins de santé dans le respect de ces valeurs. Dans le même ordre d’idées, les mesures que les répondants proposent pour faciliter l'intégration sociale des résidants provenant de communautés ethnoculturelles dans les milieux de vie substituts reposent sur la nécessité, pour les répondants, de se sentir chez soi et sur une idéologie pluraliste d'intégration. Le sentiment d'être chez soi repose sur le postulat que l'institutionnalisation dans un milieu de vie protégé est un prolongement des conditions de vie ordinaires. Les milieux de vie substituts doivent alors offrir un environnement de vie agréable qui permet leur intégration dans un environnement extérieur et de continuer à vivre leur propre vie comme ils le font actuellement, sans changement majeur. De plus, les mesures proposées par les répondants suggèrent qu’ils ont une vision pluraliste de l'intégration qui repose sur le principe que les milieux de vie substituts ne doivent pas définir ou réglementer les valeurs privées des résidants et doivent respecter leurs libertés individuelles. Dans la présente recherche, deux tendances issues de cette vision pluraliste de l’intégration sociale des immigrants peuvent aussi se dégager. La première est celle du pluralisme intégrateur selon laquelle les milieux de vie protégés doivent favoriser la tenue des activités culturelles, linguistiques 217 et religieuses des résidants. La deuxième tendance est celle de l'idéologie pluraliste civique. Selon cette vision de l’intégration sociale des immigrants, les résidants doivent se conformer aux valeurs de l'institution et, de son côté, l'institution s’assure qu’il n’y a pas d’ingérence dans leurs valeurs et leurs coutumes privées. À l'instar de ces deux visions de l’'intégration sociale des immigrants et des différents rôles que les intervenants doivent assumer, trois grandes approches ou modèles en travail social peuvent être mis à contribution pour favoriser l'intégration sociale des P.A.I. dans les milieux de vie protégés : l’approche communautaire (le rôle d'avocat), l’approche interculturelle (le pair-aidant) et l’approche ethnoculturelle (le facilitateur). Finalement, cette recherche peut être envisagée parmi les recherches pionnières au Québec en ce qui a trait : 1) au champ du travail social gérontologique ; 2) aux recherches qui portent sur le vécu des P.A.I. qui vivent dans les régions éloignées des grands centres urbains; 3) aux études portant sur la régionalisation de l'immigration au Québec et ; 4) aux problématiques qui ne sont pas nécessairement traitées dans le cadre de travaux de commissions d’enquête ou lors de consultations publiques. 218 REFERENCES 219 ACCÉSSS (2007). Les aînés issus des communautés ethnoculturelles au Québec et les services de santé et sociaux, un état de la situation. 35 p. (ACCÉSSS) (2000). Vieillir en contexte migratoire. Montréal, 162 p. Agency for Healthcare Research and Quality. (2005). National healthcare disparities report, 6 May, 2005.[En ligne], accessible sur: http://www.qualitytools.ahrq.gov/disparitiesreport/2004/browse/brows e.aspx?id=4507. 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Québec : Presses de l'Université Laval, 767 p. 250 APPENDICE 1 251 Dépliant de la recherche Les résultats obtenus permettront d'orienter les services actuellement en offerts fonction des besoins des personnes âgées immigrées et des besoins formation de des intervenants Votre nous participation permettra Vous pouvez Volontaires contacter recherchés directement le Recherche sur: chercheur, TahaAbderrafie, Maalla Le point de vue des immigrants sur le au 418-612-8215 Étudiant associé à l'Ordre des Travailleurs Sociaux et des Thérapeutes Conjugaux et Familiaux du Québec (OTSTCFQ) de documenter le point Assistant de recherche de vue des personnes immigrantes sur le vécu et l’intégration sociale des personnes âgées immigrées vivant en CHSLD. Membre de l’Association Internationale de l’Avancement du Service Social avec les Groupes (AASWG) Membre de l’Association Canadienne de Gérontologie (ACG) vécu et l'intégration sociale des résidents provenant de communautés ethnoculturelles Vous êtes une personne immigrante qui demeure au Canada depuis au moins un an et vous êtes âgé de 50 ans et plus : vous pouvez participer à cette étude. 252 APPENDICE 2 253 Lettre d’autorisation de transmission de mes coordonnées personnelle À la suite d’une rencontre avec__________________________, cette personne m’a informé des objectifs et du déroulement du projet de recherche portant sur le point de vue des personnes immigrantes sur la compétence culturelle des CHSLD et des résidences privées pour personnes âgées. À la suite des informations reçues, je soussigné(e) ________________________________ autorise monsieur Taha-Abderrafie Maalla ou madame Danielle Maltais, chercheurs principaux de cette étude, à communiquer avec moi par téléphone au __________________________. Le fait d’avoir signé ce document fait foi de ma permission de transmettre mes coordonnées aux chercheurs. L’intérêt que je porte envers ce projet de recherche ne m’engage en aucun cas à accepter de participer à cette étude lorsque l’un des chercheurs me contactera. Je serai entièrement libre d’accepter ou de refuser de participer à l’entrevue liée à ce projet de recherche. Je fournis mon prénom et mes coordonnées téléphoniques aux chercheurs uniquement afin qu’ils prennent contact avec moi et que je puisse alors confirmer ou infirmer mon désir de procéder à une entrevue. Nom de la personne de référence : Prénom de la personne recrutée : _____________ No. de téléphone (Maison) (Bureau) : : Signature de la personne recrutée : 254 APPENDICE 3 255 Renseignements aux participants et Formulaire de consentement Titre: Le point de vue des immigrants sur le vécu et l'intégration sociale des résidants provenant de communautés ethnoculturelles vivant en milieu de vie protégé : CHSLD et résidences privées. Chercheur: Taha-Abderrafie Maalla, étudiant à la Maîtrise en Travail social Département des sciences humaines (DSH), Unité d’enseignement en Travail social Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) 555, boulevard de l’Université Tél. :418 612 8215 Directrice de mémoire: Professeure Danielle Maltais, Ph.D. Unité d’enseignement en travail social DSH-UQAC Chicoutimi (Québec), Canada, G7H 2B1 Téléphone : 418 545-5011, poste 5284 Télécopieur : 418 545-5012 Courriel : [email protected] 1. Invitation à participer au projet Nous sommes heureux que vous participiez à la présente étude. Votre participation nous permettra de documenter le point de vue des personnes immigrantes sur le vécu et l’intégration sociale des personnes âgées immigrées vivant en CHSLD et sur la compétence culturelle actuelle de ces institutions à répondre aux besoins de cette clientèle. 256 2. Description du projet Les objectifs de la recherche Cette étude vise à : 1) recueillir le point de vue de personnes immigrantes âgées de 50 ans et plus sur leurs attentes et leurs appréhensions envers les CHSLD et les résidences privées pour personnes autonomes ou en perte d’autonomie ; 2) documenter la perception qu’ont ces répondants sur le niveau actuel de compétence culturelle des CHSLD et des résidences privées à répondre aux besoins des résidants provenant de communautés ethnoculturelles et ; 3) identifier les mesures que ces répondants proposent pour faciliter l'intégration sociale des résidants provenant de communautés ethnoculturelles dans ces deux types de milieu de vie. Description des épreuves impliquant le répondant Votre contribution à l’étude implique que vous participiez à une seule reprise à une entrevue semi-dirigée ou vous aurez à répondre à une série de questions ouvertes portant sur les éléments suivants : votre trajectoire migratoire, vos attitudes en ce qui a trait aux services formels existants, vos attentes en ce qui a trait à la qualité de vie et de la compétence culturelle qui devraient être offertes dans les milieux de vie protégés et les recommandations que vous aimeriez formuler à différentes instances ou personnes qui œuvrent dans les milieux de vie protégés au Québec. Lors de l’acceptation du document final du mémoire de maîtrise de TahaAbderrafie Maalla, tous les documents de travail et les enregistrements d'entrevues (en cas de passation du questionnaire par téléphone) seront détruits. 257 Déclaration sur la portée et les retombées envisageables des résultats de la recherche Nous pensons que les résultats obtenus à l’intérieur de cette étude permettront d’orienter les services en fonction des besoins des intervenants (formations, organisation des services, interventions interculturelles, etc.) et des personnes âgées immigrées. De plus, les nouvelles connaissances apportées par cette recherche permettront en fin de compte d’offrir des services de qualité mieux adaptés aux besoins des P.A.I. vivant dans les CHSLD. 3. Évaluation des avantages et des risques Votre participation à la recherche ne comporte aucun risque. 4. Droit de refus de participer et droit de retrait Vous avez tout à fait le droit de refuser de participer à cette recherche ou de vous retirer de cette étude en tout temps et ce, sans en subir aucun préjudice de la part du chercheur ou de toute autre personne. De plus, vous serez libres de ne pas répondre à certaines questions qui seront posées par l’intervieweur. Si, à la suite de votre participation à l’entrevue, vous désirez vous retirer, et que les données déjà recueillies à votre sujet ont déjà fait l’objet d’une entrées de données sur le logiciel N’Vivo, elles ne pourront être détruites puisqu’elles auront seront devenues des données anonymes, donc introuvables. 258 5. Confidentialité La confidentialité de tous les documents de travail sera assurée. À cet égard, le chercheur s'engage à avoir recours à des codes plutôt qu'au nom des répondants, à ne jamais transmettre les documents de travail à des établissements ou à d'autres chercheurs et à conserver les données colligées dans le cadre du projet à l’université, dans un classeur sous clef, pour une période minimale de sept ans. 6. Informations supplémentaires Le chercheur, Taha-Abderrafie Maalla, est disponible pour répondre à toute autre question concernant cette étude. Vous pouvez la contacter le jour ou le soir au (418) 612-8215. Ne signez pas ce formulaire de consentement à moins d’avoir reçu des réponses satisfaisantes à toutes vos questions. Cette recherche a été approuvée par le comité d’éthique à la recherche de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Pour toute question concernant les procédures liées à votre participation à cette recherche, communiquez avec madame Danielle Maltais, professeure-chercheure de l’Université du Québec à Chicoutimi au (418) 545-5011, poste 5284 et directrice de mémoire de cette étude. Pour d’autres informations concernant les règles d’éthique en vigueur à l’Université du Québec à Chicoutimi ou pour toutes autres questions en rapport avec cette recherche, vous pouvez contacter le président du comité d’éthique de la recherche, monsieur JeanPierre Béland au 545-5011, poste 5219. 259 7. Consentement à participer à la présente étude Par la présente, je consens à participer à la présente étude en voulant documenter le point de vue des personnes immigrantes sur la compétence culturelle des CHSLD et des résidences privées pour personnes âgées. Je certifie que j’ai pris connaissance des informations inscrites dans le présent document, en lien avec les objectifs et les modalités de cette étude et qu’un exemplaire m’a été remis. J’ai été informé que le chercheur principal était disponible pour répondre à toute question supplémentaire de ma part. J’ai également été informé qu’en aucun cas, mon nom et les réponses à mes questions ne seront dévoilés à qui que ce soit, que mon nom n’apparaîtra pas sur les différents documents inhérents à cette étude et que je peux refuser de répondre à des questions ou mettre fin à ma participation à cette étude à tout moment et ce, sans préjudice. De plus, j’ai été informé que le chercheur responsable de l’étude peut produire des articles ou des communications scientifiques à partir des analyses effectuées, tout en garantissant que les renseignements fournis sur les participants à l’étude demeureront strictement confidentiels et qu’en aucun temps les noms des participants ne seront mentionnés ou accessibleaccessibles lors des présentations ou dans les récits scientifiques. Signature du chercheur principal: ____________________________ Date: ____/____/____ Jour/Mois/Année Nom du répondant: _________________________________ Signature du répondant: ____________________________ Date: ____/____/____ Jour/Mois/Année 260 APPENDICE 4 261 Date : -----/-----/2010 Interviewer : ---------------------------------------Code : ------------------- Fiche signalétique 1. Informations sociodémographiques de la personne interviewée: 1) Date de Naissance : -----/-----/2010 Jour mois Année 2) Âge : ------------------- 3) Sexe : Femme Homme 4) Type de la résidence : Maison individuelle Maison jumelée (duplex) Bloc appartement de moins de 6 logements Bloc appartement de 6 logements et plus Autre, précisez ? ----------------------------------------------------------------------------- 5) Quel est votre statut matrimonial : Marié /conjoint de fait 262 Séparé / divorcé Célibataire Veuf, veuve 6) Est-ce que l’un de vos parents (mère ou père) demeure actuellement au Canada ? Si oui, où et qui ? Depuis quelle année sont-ils installés au Canada? -----/-----/----Jour mois Année Non 7) Combien de personnes demeurent avec vous actuellement ? Entourez le nombre de personnes vivant avec vous présentement, en vous excluant et par la suite précisez avec qui vous vivez ? 0 1 2 3 4 5 et plus 8) Personne qui demeure avec vous : Son lien de parenté avec vous Âge Statut d’immigration ------------------------------------------ ------ ------------------------------------ ------------------------------------------ ------ ------------------------------------ ------------------------------------------ ------ ------------------------------------ ------------------------------------------ ------ ------------------------------------ 9) Combien d’enfants avez-vous? Aucun enfant 1 enfant 263 2 enfants 3 enfants 4 enfants 5 enfants ou plus 10) Quel est le plus haut niveau d’études que vous avez complété ? Primaire (Moins qu’un secondaire V) Secondaire V Diplôme ou certificat d’études collégiales (programme de 2 ans ou de 3 ans) Diplôme ou certificat d’une école de métiers, d’un collège commercial privé, d’un institut technique, d’une école normale Études partielles à l’Université Certificat(s) universitaire(s) de premier cycle acquis Baccalauréat acquis Diplôme(s) en médecine, en art dentaire, en médecine vétérinaire, en optométrie ou en chiropraxie acquis Certificat(s) universitaire(s) de deuxième cycle acquis Maîtrise(s) acquise(s) Doctorat(s) acquis Autre, précisez : -------------------------------------------------------------------- 11) Au cours des 12 derniers mois, quelle était votre occupation habituelle ? Travail à temps partiel (moins de 30 heures par semaine) Travail à temps plein (30 heures et plus par semaine) Aux études dans un Service de formation à l’intégration sociale (SFIS) 264 Aux études à temps plein Aux études à temps partiel Au foyer (tenir maison) Ne travaille pas pour des raisons de santé A la retraite : arrêt définitif de travail pour des raisons de santé A la retraite : arrêt définitif de travail pour tout autre raison En congé de maternité Au chômage (Assurance-emploi) En grève ou lock-out Autre, précisez : -------------------------------------------------------------------- 12) Pour la dernière année, soit en 2009, quel est le revenu de votre famille (brut) provenant de toutes sources avant impôts et autres déductions ? Aucun revenu Moins de 10 000 $ Entre 10,000 $ et 19,999 $ Entre 20 000 $ et 29 999 $ Entre 40 000 $ et 59 999 $ Entre 60 000 $ et 79 999 $ 80 000 $ et plus Ne sait pas Refus 13) Comment considérez-vous votre situation économique ? Je me considère à l'aise financièrement 265 Je considère mes revenus suffisants pour subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille Je me considère pauvre Je me considère très pauvre 2. Renseignements sur l’état de santé : 14) Comment décririez-vous, dans l’ensemble, votre état de santé ? Excellent Bon Moyen Pauvre 15) Généralement, comment est votre moral ? ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 16) Y a-t-il autre chose que vous voudriez me dire à propos votre situation et votre état de santé ? ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Merci beaucoup ! 266 APPENDICE 5 267 GUIDE D'ENTRETIEN THEMATIQUE Code du répondant: .............................................................................. Date de l'entrevue: ................................................................................ Questions Avant de commencer, je tiens à vous remercier d’avoir accepté de participer à notre projet de recherche. Cette étude vise éventuellement à proposer des moyens pour orienter les services en fonction des besoins des résidants provenant de communautés ethnoculturelles qui devront en raison de leur état de santé aller vivre un jour ou l’autre dans un CHSLD ou dans une résidence privée pour personnes âgées autonomes ou en perte d’autonomie. De plus, les connaissances acquises par cette recherche permettront d'identifier les services de santé, sociaux et de soutien qui pourraient être développés dans ces milieux de vie pour mieux correspondent aux besoins des futurs résidants provenant de communautés ethnoculturelles. Tout d’abord, je vais vous poser quelques questions sur votre trajectoire migratoire, si ces derniers demeurent au Canada. Ensuite, mes questions s’attarderont davantage sur vos attitudes en ce qui a trait aux services formels existants. Par la suite, nous parlerons à propos de la décision de du placement d’un parent dans un milieu de vie protégé. Nous aborderons ensuite vos attentes en ce qui a trait à la qualité de vie et à la compétence culturelle qui devraient être offertes dans les milieux de vie 268 protégés. Enfin, nous terminerons l’entrevue par des recommandations que vous aimeriez formuler aux différentes instances ou personnes qui œuvrent dans les milieux de vie protégés au Québec. Avant de commencer, avez-vous des questions en ce qui concerne l’entrevue? I. Trajectoires d’immigration et modes d’intégration dans la communauté d’accueil 1) Pouvez-vous me parler de votre vie avant que vous arriviez au Québec? Région d’origine Année d’arrivée au Canada Religion Les langues parlées et écrites Votre activité professionnelle Études, formation Situation familiale Sa situation sociale et économique Vos antécédents de changements de milieu de vie, de pays, etc. Votre vision de votre pays d'origine : vie politique, place de la religion, normes sociales (relations hommes femmes, place des femmes, éducation des enfants) Les fêtes célébrées. 2) Pour vous, comment et quand fut prise la décision de partir? (âge, état de santé, contexte social et économique) 269 Quels étaient les motifs, les objectifs, les attentes et les appréhensions qui sous-tendaient ce projet pour vous (professionnels, politiques, sociaux)? 1. Motifs 2. Objectifs 3. Attentes 4. Craintes et appréhensions Quelle est votre catégorie d’immigrant? Qui a entrepris les démarches d’immigration (vous ou vos parents?) Comment se sont passé les démarches d’immigration (temps d’attente, les procédures qui ont été faites, etc.) 3) Pouvez-vous me parler de votre vie actuelle ici? Que faites-vous depuis votre arrivée au Québec? Quelles sont vos conditions de logement? Comment se passe votre vie ici, est-ce que vous travaillez, comment s'organise une journée type pour vous ? Quels sont vos réseaux de parenté, de voisinage, amicaux, professionnels? Avez-vous des contacts avec les associations, est-ce que vous êtes impliqué dans ces associations? Quelles sont les différences que vous percevez entre la vie au Québec et la vie dans votre pays d'origine en ce qui a trait aux rapports hommes/femmes, à l'éducation des enfants, aux rapports sociaux, plus généralement, à la vie politique? 270 Est-ce que vous êtes satisfait des soins et services que vous recevez du personnel soignant (médecin, infirmière, travailleur social, etc.)? 4) Quels sont les liens que vous gardez avec votre pays d'origine? Les contacts sont-ils fréquents et réguliers? Quelles sont les personnes avec lesquelles les liens sont restés forts/tenus, quelle est la nature de ces liens (aide financière...)? Vos projets futurs en matière de milieu de vie : installation définitive au Québec, départ ailleurs au Canada ou dans un pays tiers, retour au pays à plus ou moins long terme. II. Les attitudes en ce qui a trait aux services formels existants 5) Est-ce que vous considérez disposer d’informations suffisantes à propos des services de première et deuxième ligne, c'est-à-dire les CLSC, les CHSLD, les centres de jour, le médecin de famille et les organismes communautaires? Si oui, pouvez-vous m’en parler? 6) Quelles sont vos impressions à propos de des services offerts par les CHSLD et les résidences privées pour personnes âgées? Les CLSC, les CHSLD, Les centres de jour, résidences privées pour personnes âgées Le médecin de famille Les organismes communautaires 271 7) Est-ce que vous pensez que l’accès à ces services est facile? Si oui, quels sont les services que vous fréquentez jusqu’à maintenant en particulier? Est-ce qu’il y a des intervenants particuliers que vous sentez à l’aise avec eux? Sinon, qu’est-ce que vous proposez? 8) Est-ce que vous connaissez des personnes de votre communauté qui travaillent dans les services de première et deuxième ligne? Si oui, comment peuvent-elles être utiles pour vous? 9) Est-ce que vous connaissez une personne âgée dans vos connaissances qui est installée dans un milieu de vie protégé (résidence privée, CHSLD)? Si oui? Quelles sont les informations que vous avez apprises à son sujet? III. La décision de placement d’un parent dans un milieu de vie protégé 10) Si jamais l’état de votre état santé nécessite que l’on en prenne soin, comment pensez-vous que cela se passera pour vous? Votre implication, les démarches de demandes d’aide que vous entrevoyez faire, etc.), l’aide que vous pensez recevoir (de qui?) Vos attentes, vos réactions Les attentes et réactions de vos proches (conjointe ou les enfants) 11) Si jamais l’état de votre état de santé nécessite votre placement dans un milieu de vie protégé comme un CHSLD ou une résidence privée, selon vous, quelle sera votre position? 272 Vous allez chercher de l’information avant le placement? Si oui, qui peut vous aider à recueillir de l’information? Quel serait votre premier choix, et pourquoi? - CHSLD - Résidence privée 12) Actuellement, quelles sont vos craintes et appréhensions par rapport au CHSLD et aux résidences privées pour vous-même ou pour l’un de vos proches (conjoint ou parent ou membre de la parenté)? - CHSLD - Résidence privée - Du point de vue subjectif - Du point de vue objectif IV. Les attentes 13) De façon générale, quelles seraient vos préférences par rapport au milieu de vie protégé qui respecterait votre culture? Type du milieu de vie : résidence privée/CHSLD, institution monoculturelle ou pluriculturelle? La proximité géographique Type de chambre : chambrepour une personne ou chambre pour deux personnes ou chambre pour trois personnes La décoration de la chambre Les espaces communs que vous désirez retrouver pour votre parent Les langues utilisées dans la résidence 273 Le pourcentage des résidants appartenant à votre communauté que vous désirez avoir dans la résidence La clientèle desservie par la résidence : composition, nature des maladies, autonomie de la clientèle. 14) Quels seraient les activités sociales ou récréatives et les services de santé, les services sociaux ou tout autres types de service (par exemple, les menus spéciaux) qui devraient être offerts ou les mesures en vigueur dans l’établissement pour répondre à vos aspirations culturelles? Activités sociales et culturelles Soins de santé Autres types de services Mesures organisationnelles ou administratives en vigueur 15) Quelles sont les caractéristiques des intervenants qui œuvrent auprès des personnes âgées que vous jugez pertinentes pour assurer votre aide et votre soutien et qui respectent votre intimité corporelle, vos valeurs culturelles et vos coutumes religieuses des personnes immigrantes ? Le genre, la composition raciale, ethnique, religieuse et linguistique de la communauté sont reflétés dans personnel et les bénévoles. 16) Quels sont les comportements idéaux que devront/devraient avoir les intervenants pour bien répondre aux besoins des personnes âgées immigrantes? Les habiletés multiculturelles 274 La disponibilité de l’interprétation et de la traduction des langues culturellement appropriées. 17) Quels sont/seraient les services que vous jugez indispensables que l’on retrouve dans la les CHSLD et les résidences privées pour assurer un milieu de vie adéquat à vos préférences et pour assurer votre bien-être? Des services de base (p. ex., Soins infirmiers) Des services complémentaires (p. ex., Animation et loisirs, repas, aménagement extérieur) 18) Quels seront/seraient les espaces communs qui sont/seraient nécessaires pour assurer votre bien-être culturel? Espaces culturels destinés à un groupe ethnique spécifique Espaces culturels destinés à plusieurs groupes ethniques Est-ce que vous pouvez justifier votre choix? 19) Selon vous, quels sont, en général, les principaux facteurs (ou raisons) qui pourraient faciliter ou nuire à votre/l'intégration sociale des personnes âgées immigrantes dans les CHSLD et les résidences privées résidence? Des facteurs personnels (par exemple, tendance de votre parent vers la solitude) Des facteurs organisationnels (par exemple, la prestation des soins et des services) Des facteurs culturels (par exemple, les rôles et les statuts accordés aux P.A.) 275 V. Les recommandations 20) Selon vous, qu'est-ce qui pourrait être développé comme stratégies, mesures ou moyens pour assurer votre participation sociale et l’intégration sociale des personnes âgées immigrantes aux activités récréatives ou sociales offertes dans les CHSLD et dans les résidences privées? Des activités adaptées pour répondre aux besoins exprimés et aux problèmes des diverses communautés au sein de votre zone de service. Célébrer des fêtes culturelles ou des cérémonies culturelles. 21) Selon vous, quelles mesures ou interventions pourraient être mises en place dans les CHSLD et les résidences privées pour faciliter l'intégration sociale des personnes âgées immigrantes? L'aménagement des lieux (par exemple, posséder des objets culturels significatifs) Les programmes (par exemple, bibliothèque, journaux, arts, lecture, etc.) Des moyens de diffusion de l’information dans d’autres langues que le français ou l’anglais. L’existence des liens de collaboration avec des organismes communautaires s'adressant à des communautés culturelles. 22) Selon vous, quelles mesures ou interventions pourraient être mises en place dans les CHSLD et les résidences privées afin de répondre le mieux possible aux valeurs, aspirations et croyances des personnes âgées immigrantes? Les activités (par exemple, les habitudes culturelles) 276 La religion et la pratique d'activités culturelles (par exemple, salle de culte spécifique à votre religion) 23) Si vous aviez des recommandations à émettre au gouvernement, aux gestionnaires de CHSLD et de résidences privées ainsi qu’aux intervenants qui œuvrent dans ces milieux de vie pour s’assurer du respect des valeurs culturelles des personnes âgées qu’elles seraient vos recommandations? Recommandations au gouvernement Recommandations aux gestionnaires de CHSLD Recommandations aux gestionnaires de résidences privées Recommandations aux intervenants œuvrant en CHSLD Recommandations aux intervenants œuvrant en résidences privées 24) Avant de terminer l’entrevue, est-ce que vous avez d’autres éléments à me souligner concernant les éléments à tenir compte dans les CHSLD et les résidences privées pour ce qui est de l’intégration sociale et culturelle des personnes âgées immigrantes ? Merci de votre collaboration! 277 APPENDICE 6 278 279 280