ARTICLE ORIGINAL J Radiol 1999; 80 : 843-848 © Editions françaises de radiologie, Paris, 1999. ANGIOGRAPHIE CÉRÉBRALE : ÉTUDE DES COMPLICATIONS SUR 450 EXAMENS CONSÉCUTIFS D Berteloot (1), X Leclerc (1), D Leys (2), R Krivosic (3) et JP Pruvo (1) ABSTRACT Cerebral angiography: review of complications in 450 consecutive examinations Purpose : To evaluate all types of complications, both minor and major, associated with modern cerebral angiography. Materials and Methods : A prospective study of 450 consecutive cerebral angiographic procedures is reported. Results : One patient (0,2%) died from a cholesterol embolus. In seven patients (1,6%), thromboembolic events occured within 24 hours after the procedure, leading to transient ischemic symptoms in six and permanent hemiplegia in one. Two patients suffered from acute renal failure (0,4%). Transient cardiac arrythmias were observed in three patients without consequence on the clinical outcome. Most complications of angiography occurred in patients referred from the neurology department for work-up of stroke syndrome. Conclusion : Our results show that morbidity and mortality rates related to the angiographic procedure did not decrease in spite of major improvement of angiographic materiel. Atherosclerosis is the main risk factor for complication. Most of the complications could be avoided by appropriate selection of indications and by using non-invasive techniques such as magnetic resonance angiography or helical CT angiography. Key words: Cerebral angiography. Complications. J Radiol 1999;80:843–8 RÉSUMÉ But : Évaluer précisément l’ensemble des complications de l’angiographie cérébrale. Matériels et méthodes : Nous avons réalisé une étude prospective incluant 429 patients consécutifs (450 angiographies). Résultats : Un patient (0,2 %) est décédé d’une embolie de cholestérol. Des accidents neurologiques survenaient chez sept patients (1,6 %) dans les 24 heures suivant l’examen : un patient présentait une hémiplégie permanente, les autres complications neurologiques étaient rapidement régressives. On notait 2 insuffisances rénales aiguës (0,4 %) et 3 troubles du rythme cardiaque sans conséquence. La plupart des complications survenait chez les patients du service de neurologie explorés pour bilan d’infarctus. Conclusion : Nos résultats montrent que les progrès techniques récents ont peu modifié la morbidité et la mortalité de l’angiographie cérébrale. La plupart de ces complications pourrait être évitée par une bonne sélection des indications et le recours aux techniques d’imagerie vasculaire non invasives (angiographie par résonance magnétique ou angioscanographie spiralée). Mots-clés : Angiographie cérébrale. Complications. INTRODUCTION L’angiographie cérébrale est l’examen de référence en neuroradiologie vasculaire : elle demeure le seul examen permettant une étude complète des vaisseaux cervico-encéphaliques depuis la crosse aortique jusqu’aux branches intracrâniennes corticales les plus distales. Il s’agit cependant d’une technique invasive comportant un risque d’accidents neurologiques liés au cathétérisme artériel. La mortalité de cet examen est estimée entre 0 (1-4) et 0,07 % (5) selon les études, avec une morbidité neurologique variant entre 0,4 (6) et 2,6 % (5). Des complications générales à type d’insuffisance rénale (0,07 %) (5) ou cardiaques (0,3 %) (1) peuvent également survenir. (1) Service de Neuroradiologie, (2) Service de Neurologie B, (3) Département d’Anesthésie Réanimation Chirurgicale 1, CHRU de Lille, Hôpital R Salengro, Boulevard J Leclercq, 59037 Lille Cedex. Correspondance : D Berteloot Malgré l’amélioration constante des techniques d’angiographie au cours des dix dernières années (imagerie numérisée, matériel de cathétérisme de plus en plus fin, progrès des produits de contraste), les accidents artériographiques persistent (7), alors que l’imagerie vasculaire non invasive (écho-Doppler couleur et surtout angio-IRM) s’améliore continuellement et rivalise maintenant avec l’angiographie conventionnelle dans certaines indications comme, par exemple, l’étude des bifurcations carotidiennes (8). gligeant les complications locales ou rénales. Le but de ce travail est de rapporter les résultats d’une étude prospective, réalisée dans le service de Neuroradiologie du CHRU de Lille, recensant l’ensemble des accidents neurologiques, systémiques et locaux compliquant 450 examens consécutifs. MATÉRIELS ET MÉTHODES Patients Il est donc important de réévaluer aujourd’hui les complications de l’angiographie conventionnelle. En effet, si la nature des accidents est bien connue, le taux d’incidents varie de 0 à 28 % selon les études (9), démontrant la faible reproductibilité d’une équipe à l’autre. D’autre part, les études récentes deviennent rares et s’attachent surtout à l’étude des accidents neurologiques, né- © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 01/10/2017 Il est interdit et illégal de diffuser ce document. Cette étude prospective est basée sur le suivi de 450 angiographies cérébrales Abréviations IRM : imagerie par résonance magnétique OAD : oblique antérieur droit OAG : oblique antérieur gauche TDM : tomodensitométrie 844 D Berteloot et al. : Angiographie cérébrale : étude des complications sur 450 examens consécutifs Analyse des complications Tableau I : Indications des 450 angiographies. Nous définissions comme complication de l’angiographie cérébrale toute altération de l’état de santé apparue pendant ou dans les 24 heures suivant l’examen et imputable à celui-ci. Les accidents survenus au-delà étaient également retenus comme complication quand la relation de cause à effet était évidente. Durant l’artériographie, la surveillance clinique du patient était assurée par un médecin et un infirmier anesthésiste, avec monitoring cardiaque et tensionnel permanent. Les complications perangiographiques et postangiographiques immédiates étaient évaluées à partir d’une fiche de surveillance remplie par le radiologue. Les paramètres recueillis dans cette fiche incluaient des informations concernant l’examen et son déroulement (indication et nature de l’examen, type et quantité de produit de contraste utilisé, durée de l’examen, temps de compression artérielle, difficultés rencontrées, complications immédiates) ainsi que des éléments cliniques recueillis en concertation avec le clinicien, 4 à 8 heures après l’examen, déterminant la présence de complications locales (point de ponction, pouls périphériques) ou générales (tension artérielle, fréquence cardiaque, examen neurologique, fonction respiratoire, manifestations allergiques, diurèse). Une étude complémentaire des dossiers cliniques était ensuite effectuée pour ne pas méconnaître certaines complications différées de l’angiographie. Elle permettait le suivi clinique de chaque patient pendant une durée minimale de 36 heures après l’examen et d’apprécier précisément la toxicité des produits de contraste à partir de critères biologiques. Table I : Indications for 450 angiograms. Indication des examens Nombre (%) Accident ischémique transitoire Infarctus Hémorragie méningée Hématome lobaire Contrôle de MAV Tumeurs Thrombophlébite Hémorragie ventriculaire Autres 63 (14) 166 (37) 118 (26) 47 (10) 32 (8) 14 (3) 5 (1) 5 (1) 10 (2,2) MAV : Malformation artério-veineuse. diagnostiques consécutives réalisées chez 429 patients (253 hommes et 176 femmes), du 1er décembre 1995 au 30 mai 1996. L’âge moyen était de 46 ans (7 à 80 ans). Tous les examens étaient réalisés dans le même service de Neuroradiologie. Deux tiers des patients étaient adressés par le service de neurologie spécialisé dans la pathologie vasculaire, un tiers par le service de neurochirurgie du même hôpital. L’artériographie était indiquée le plus souvent pour bilan d’ischémie (229 fois, soit 50,5 %) (tableau I). Chez 127 patients (28 %), elle était réalisée dans le cadre d’un bilan préopératoire afin de documenter et quantifier précisément une sténose carotide ou vertébrale. Chez 102 patients (22 %), l’angiographie était réalisée pour le bilan d’un infarctus du sujet jeune (< à 45 ans), pour suspicion de dissection des artères cervicales ou d’angéite intracrânienne. Enfin, chez 118 patients (26 %), l’examen recherchait un anévrisme intracrânien responsable d’une hémorragie méningée. Technique Avant chaque angiographie, un examen clinique, une consultation d’anesthésie et des examens paracliniques adaptés étaient systématiquement réalisés. Toutes les angiographies étaient réalisées sous anesthésie. La technique utilisée était le plus souvent une neuroleptanalgésie sans intubation, excepté chez 14 patients hospitalisés en réanimation pour lesquels une anesthésie générale avec intubation trachéale et ventilation artificielle était indiquée. Les angiographies ont été réalisées par un neuroradiologue senior aidé d’un interne sur une table d’angiographie numérisée (Philips Integris V3000) selon la technique de Seldinger fémoral. Chez un patient, l’échec du cathétérisme sélectif par voie fémorale nécessitait une ponction directe de l’artère carotide au cou. Des cathéters 4F, un guide hydrophile et un produit de contraste non ionique étaient utilisés à chaque fois. La quantité totale de produit de contraste injecté variait de 20 à 350 ml selon l’examen (moyenne : 186 ml). Un bilan d’ischémie comportait une étude systématique de la crosse aortique en OAD et OAG permettant l’analyse des sténoses ostiales. Celle-ci était complétée par des injections sélectives carotide, vertébrale ou sous-clavière (guidées par les signes cliniques ou la topographie de l’infarctus en TDM ou en IRM), permettant une bonne analyse du trajet cervical et du temps intracrânien. Dans les autres indications, seule une opacification sélective des troncs supraaortiques était réalisée. Chez 37 patients, l’étude se limitait au cathétérisme et à l’injection sélective d’un seul vaisseau, mais, le plus souvent, trois axes artériels étaient étudiés sélectivement. L’examen était réalisé entre 20 et 90 mn (moyenne : 49 mn). Les volumes de produit de contraste ainsi que les débits d’injection utilisés en fonction de l’axe artériel exploré sont indiqués dans le tableau II. Classification Les complications ont été séparées en trois grandes catégories : Tableau II : Volume et débit de produit de contraste injecté en fonction de l’axe artériel cathétérisé. Table II : Standard injection rates and volumes of contrast medium according to the catheterized artery. Volume (ml) Débit (ml/s) Crosse Ao ACC AV ASC ACI ACE 40 20 14 à 16 7à8 6à8 3à4 10 à 12 5à6 10 à 12 5à6 9 3 Ao : Aortique ACC : Artère carotide commune AV : Artère vertébrale ASC : Artère sous-clavière ACI : Artère carotide interne ACE : Artère carotide externe J Radiol 1999; 80 © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 01/10/2017 Il est interdit et illégal de diffuser ce document. D Berteloot et al. : Angiographie cérébrale : étude des complications sur 450 examens consécutifs Tableau III : Complications neurologiques. Table III : Neurological complications. Sexe Âge F F F H H H F 26 49 73 38 62 44 49 Clinique Artériographie Accident Évolution AIT Infarctus AIT Infarctus H. méningée H. ventriculaire Infarctus Normale Normale Athéromatose modérée Normale Anévrisme et athéromatose Normale Angéite Paresthésies Hémiparésie Aphasie Convulsions Hémiplégie Hémiplégie Hémiparésie < 1h 6h 12 h 72 h 36 h Permanente 1 mois AIT : Accident ischémique transitoire H : Hémorragie — neurologiques : définies par l’apparition, la récidive ou l’aggravation d’un signe ou d’un symptôme neurologique constatées durant ou dans les 24 heures suivant l’artériographie. Ces accidents étaient dits transitoires s’ils étaient résolus complètement en moins de 24 heures, constitués dans le cas contraire ; — systémiques : complications générales autres que neurologiques : cardiovasculaires (troubles du rythme cardiaque, crise d’angor, ischémie aiguë ou subaiguë de membre inférieur) ou rénales. Les néphropathies secondaires à l’administration de produits de contraste iodés étaient définies selon les critères recommandés par Rudnick puis Porter (10) : élévation de la créatininémie de plus de 10 mg/l lorsque la créatinine de base était anormale ; élévation de la créatininémie d’au moins 20 % quand la créatinine déterminée avant l’examen était normale. Ces variations devaient être constatées dans les 72 heures suivant la procédure, la responsabilité des produits de contraste étant retenue après exclusion de toute autre étiologie ; — locales : complications situées au point de ponction et liées à l’utilisation de matériel de cathétérisme (hématomes, faux anévrismes, dissection ou thrombose artérielles). RÉSULTATS Complications neurologiques (tableau III) Des accidents neurologiques étaient observés chez sept patients (4 femmes, 3 hommes, de 26 à 73 ans ; moyenne : 49 ans), soit pour 1,6 % des examens. Chez trois patients (0,7 %), ces complications étaient transitoires. Ces examens duraient en moyenne 51 mn, avec une dose moyenne de produit de contraste utilisée de 188 ml. Chez cinq patients, l’accident neurologique survenait plusieurs heures après la fin de l’examen, chez deux patients il survenait pendant l’artériographie. Chez cinq patients, cette complication constituait la majoration ou l’extension d’un déficit préexistant à l’examen. Le déficit neurologique était complètement résolutif en moins de trois jours chez 5 patients. Chez une femme de 49 ans explorée pour infarctus hémorragique, une hémiparésie survenue au décours de l’artériographie récupérait en 4 semaines. Enfin, chez un homme de 44 ans présentant une hémorragie intraventriculaire, le bilan angiographique s’est compliqué, 12 heures après la fin de l’examen, d’un infarctus cérébral avec hémiplégie droite permanente. Complications systémiques Des complications rénales étaient observées chez 4 patients (0,9 %). Pour deux d’entre eux, il s’agissait de perturbations biologiques isolées, spontanément résolutives. Deux patients souffraient d’insuffisance rénale chronique et présentaient une décompensation aiguë dans les suites de l’angiographie. Chez une patiente de 69 ans présentant une glomérulonéphrite chronique, une décompensation rénale aiguë est survenue avec aggravation des troubles de conscience nécessitant le maintien de la sédation et de la ventilation pendant deux semaines. Cette patiente avait reçu 180 ml de produit de contraste pour un bilan d’hémorragie méningée. Le retour à la fonction rénale de base était obtenu en 15 jours sans dialyse. Chez un autre patient, âgé de 60 ans, polyvasculaire, hospitalisé pour bilan d’infarctus sylvien, une insuffisance rénale aiguë s’est révélée le lendemain de l’examen par un œdème aigu du poumon. Cette complication était liée à une embolie de cristaux de cholestérol diagnostiquée cliniquement devant l’association de phénomènes ischémiques J Radiol 1999; 80 © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 01/10/2017 Il est interdit et illégal de diffuser ce document. 845 des orteils, d’un livedo reticularis et d’emboles de cholestérol visibles au fond d’œil. Malgré les séances d’hémodialyse, l’évolution s’est faite vers une insuffisance rénale terminale avec décès du patient trois mois après la réalisation de l’examen. Trois patients (0,7 %) explorés pour bilan d’ischémie ont présenté des troubles du rythme cardiaque pendant l’examen (tableau IV). Ceux-ci se produisaient toujours sur cardiopathie sous-jacente. Ces troubles du rythme étaient rapidement résolutifs et n’avaient pour conséquence que l’interruption de l’examen à chaque fois. Les complications vasculaires périphériques se résumaient à un cas d’ischémie subaiguë des orteils observé chez le patient décédé d’une embolie de cristaux de cholestérol. Ce patient de 60 ans était à haut risque pour ce type de complication puisque tabagique, hypertendu, diabétique, insuffisant rénal chronique, souffrant d’une dyslipidémie mixte et d’une artérite des membres inférieurs. Les troubles trophiques des orteils évoluaient sur un mode chronique jusqu’au décès du patient par insuffisance rénale. Des réactions allergoïdes au produit de contraste iodé étaient notées chez deux patients (0,45 %), sous forme d’éruption urticarienne. Pour l’un de ces deux malades, une préparation anti-allergique associant antihistaminiques et corticoïdes avait été instaurée de façon préventive du fait d’un terrain atopique. Les complications locales étaient représentées par 3 hématomes extensifs d’évolution rapidement favorable. Aucune autre complication locale n’a été observée. DISCUSSION L’incidence des complications de l’angiographie cérébrale est très variable selon les études avec des taux variant de 0 à 28 % (9). Les diverses séries publiées sont difficilement comparables, car la notion de complication est appréciée différemment selon les auteurs. Ainsi, les vertiges et les céphalées ne sont pas toujours répertoriés et sont pour certains auteurs classés dans les complications neurologiques, alors que pour d’autres, ces signes sont classés dans les complications systémiques (1). Les méthodes d’évaluation sont également différentes : la plupart des auteurs, Olivecrona (6), Mani (11), Earnest (5), Grzyska (3), Heiserman (4), étudient les accidents artériographiques uniquement dans les 24 heures suivant l’examen. Dion (1) les étudie sur une période supplémentaire de 24 à 72 heures et montre que d’authentiques complications sur- 846 D Berteloot et al. : Angiographie cérébrale : étude des complications sur 450 examens consécutifs Tableau IV : Complications cardiaques. Table IV : Cardiac complications. Patient Indication Facteurs de risque Complication Cardiopathie Artériographie Interrompue H/47 AIT HTA AC/FA H/53 Infarctus ? Bigéminisme ventriculaire Cardiopathie dilatée Coronarite sévère H/43 Infarctus Tabac, HTA Tachycardie sinusale Coronarite sévère Thrombose de la vertébrale droite Sténose à 95 % de la CIG AIT : Accident ischémique transitoire HTA : Hypertension artérielle AC/FA : Arythmie complète par fibrillation auriculaire CIG : Carotide interne gauche viennent dans un délai supérieur à 24 heures avec un taux d’accidents neurologiques s’élevant de 1,3 à 3,1 %. Les techniques angiographiques expliquent également l’hétérogénéité de ces différents travaux : Waugh et Sacharias (2) étudient les bifurcations carotidiennes dans 69 % des cas uniquement par opacification de la crosse aortique, alors qu’Earnest (5) ne la réalise que dans 4 % de ses bilans d’ischémie. La taille des cathéters (11), la nature des produits de contraste, l’utilisation de techniques conventionnelles ou numérisées (2) peuvent également modifier la morbidité. Enfin, l’expérience du radiologue est un paramètre important à discuter. Heiserman (4) ne retrouve pas de corrélation entre la survenue de complications neurologiques et l’expérience du radiologue, alors que d’autres équipes (12, 13) constatent une moindre morbidité avec des opérateurs plus expérimentés. Tous ces facteurs sont autant de variables expliquant l’hétérogénéité de ces différentes études dont les résultats doivent toujours être comparés avec prudence. Un patient dans notre étude est décédé à la suite d’une embolie de cristaux de cholestérol. Cette complication rare est la principale cause de mortalité de l’artériographie cérébrale (tableau V). Elle s’explique par l’embolie de cristaux de cholestérol à partir d’une volumineuse plaque d’athérome lorsque celle-ci est « mise à nu ». Cette circonstance est favorisée par les traitements anticoagulants ou fibrinolytiques, ou les microtraumatismes liés au cathétérisme (14). Plus rarement, l’embolie de cholestérol est spontanée. Son expression est souvent polyviscérale (14-17) : insuffisance rénale, ischémie mésentérique, ischémie ou douleurs des membres inférieurs, déficits neurologiques centraux (amaurose), manifestations cutanées (livedo reticularis) avec une mortalité éva- luée entre 68 (15) et 81 % (16) dans les formes aiguës. Son incidence au décours de l’angiographie est vraisemblablement sous-estimée et varie entre 0,08 et 0,8 % (17). Dans la plupart des cas, son caractère subaigu explique les difficultés du diagnostic. Le caractère aigu ou suraigu de la clinique peut être confondu avec une réaction allergique à une drogue (notamment à l’iode) administrée avant ou pendant le cathétérisme (15). Le seul patient ayant présenté cette complication dans notre étude rassemblait tous les facteurs de risque : homme âgé, tabagique, insuffisant rénal, athérosclérose sévère et prise d’anticoagulants. L’amélioration technique de l’angiographie ne permet pas de diminuer l’incidence de ce type de complication qui dépend directement du terrain du patient. Le recours aux techniques d’imagerie vasculaire non invasives prend donc tout son intérêt chez ces sujets à haut risque. Les accidents neurologiques liés à l’angiographie cérébrale ont très souvent été étudiés (tableau VI). Nous observons dans notre étude des taux d’accidents ischémiques transitoires et constitués respectivement de 0,7 et 0,9 %. Un déficit neurologique permanent était noté (0,2 %). Le taux total de complications neurologiques dans notre étude (1,6 %) est supérieur aux 0,4 % de la série d’Olivecrona (6), recueillie entre 1970 et 1974 à une époque où les conditions techniques de l’angiographie étaient plus difficiles. Ce taux d’accidents est d’ailleurs le plus faible rapporté ces 25 dernières années. Le caractère rétrospectif de cette étude explique en partie ces résultats : les accidents mineurs comme une aphasie ou des paresthésies transitoires sont souvent minimisés, alors que seuls les accidents les plus sévères sont répertoriés dans les dossiers du patient. On peut formuler la même remarque pour l’étude de Mani (11). Dans une étude prospective de 1990, Grzyska, Freitag et Zeumer (3) rapportent également un faible taux de complications neurologiques (0,55 %). Dans ce travail, cependant, seuls étaient retenus les accidents neurologiques « inattendus », ce qui sans doute a conduit à exclure certaines complications (4). Waugh et Sacharias (2) rapportent 0,9 % d’accidents neurologiques. Mais l’étude des troncs supraaortiques se limitait dans 22 % des cas à la réalisation d’une gerbe aortique jugée suffisante pour l’étude des bifurcations carotidiennes. En revanche, nos résultats se rapprochent de ceux de Dion (1,3 %) (1) ou d’Heiserman (1 %) (4) dont la méthodologie est voisine de la nôtre. Enfin, si la morbidité neurologique est variable, le taux de déficits neurologiques permanents apparaît relativement constant d’une étude à l’autre (entre 0,1 % (1, 2, 4, 11) et 0,2 % (6)) et est comparable à nos résultats. Toutes les études (1, 4, 5, 18) ont montré un risque accru de complications neurologiques chez les patients explorés pour bilan d’infarctus ou d’accident ischémique transitoire. C’était le cas de la plupart des patients présentant une complication neurologique dans notre étude. Dans cette population à risque, la survenue d’accidents neurologiques au décours de l’angiographie est cependant Tableau V : Mortalité de l’angiographie cérébrale dans les études antérieures. Table V : Cerebral angiography related mortality in prior studies. Auteur Olivecrona Mani Earnest Dion Grzyska Waugh Heiserman Année n Mortalité (%) Cause du décès 1970-1974 1969-1975 1980-1981 1983-1984 1990 1988-1990 1992-1993 5531 5000 1517 1002 1095 922 1000 0,02 0,02 0,07 0 0 0 0 Embolie de cholestérol Infarctus en fosse postérieure Embolie de cholestérol J Radiol 1999; 80 © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 01/10/2017 Il est interdit et illégal de diffuser ce document. D Berteloot et al. : Angiographie cérébrale : étude des complications sur 450 examens consécutifs dissection ou de thrombose artérielle peut s’expliquer par l’utilisation de cathéters 4F, plus petits que ceux utilisés dans les autres études. Tableau VI : Complications neurologiques dans les études antérieures. Table VI : Neurological complications in prior studies. Auteur Olivecrona Mani Earnest Dion Grzyska Waugh Heiserman Année 1970-1974 1969-1975 1980-1981 1983-1984 1990 1988-1990 1992-1993 n Déficit < 24h Déficit > 24h Total 5531 5000 1517 1002 1095 922 1000 n (%) 11 (0,2) 35 (0,7) 33 (2,2) 12 (1,2) 5 (0,45) 6 (0,6) 5 (0,5) n (%) 11 (0,2) 6 (0,12) 6 (0,4) 1 (0,1) 1 (0,09) 3 (0,3) 5 (0,5) n (%) 22 (0,4) 41 (0,8) 39 (2,6) 13 (1,3) 6 (0,54) 9 (0,9) 10 (1) d’interprétation difficile. En effet, un accident survenant plusieurs heures après la fin de l’examen peut tout aussi bien traduire une complication artériographique qu’une nouvelle manifestation de la pathologie sous-jacente (19). On comprend donc toute la difficulté à évaluer précisément l’incidence des accidents neurologiques, surtout dans ce sousgroupe de patients explorés pour bilan d’ischémie. Il est également admis que les patients présentant une athérosclérose évoluée constituent une population à risque de complications neurologiques, puisque des emboles de plaque d’athérome peuvent survenir au cours de l’examen en raison des microtraumatismes répétés liés à la manipulation du guide ou du cathéter (1). Dans notre étude, le seul patient ayant présenté un déficit neurologique pendant l’examen était hypertendu, tabagique, dyslipidémique ; des lésions athéromateuses sévères étaient identifiées en angiographie. Enfin, ce travail confirme la possibilité d’accidents ischémiques de survenue différée après l’angiographie (1). Un infarctus sylvien gauche s’est produit 12 heures après la fin de l’examen chez un patient sans déficit préexistant, sans trouble du rythme cardiaque et sans lésion vasculaire à l’artériographie. Ce type d’accident s’expliquerait par des phénomènes d’activation plaquettaire liés au produit de contraste. De multiples facteurs peuvent donc être à l’origine d’accidents neurologiques : un spasme artériel peut se produire (20), les produits de contraste peuvent intervenir par une modification morphologique des globules rouges ou de la viscosité sanguine (1), par un effet toxique sur l’endothélium vasculaire (21) ou une neurotoxicité directe (1, 21). Les facteurs mécaniques (emboles, dissection, thrombose) n’expliquent pas l’ensemble des accidents neurologiques qui peuvent donc se produire malgré des conditions techniques optimales (4). 847 La fréquence des insuffisances rénales aiguës compliquant l’angiographie cérébrale est difficile à apprécier à partir des données de la littérature, car la majorité des travaux consacrés aux complications de l’artériographie cérébrale n’étudie pas les complications rénales. D’autre part, quand ces complications sont étudiées, les données biologiques sont recueillies de façon rétrospective et donc incomplète. Sur 692 patients, Dion (1) ne relevait aucun cas d’insuffisance rénale. Earnest (5) rapporte un seul cas d’insuffisance rénale aiguë pour 1517 examens, liée à une embolie de cristaux de cholestérol (0,07 %). Malgré l’utilisation d’un produit de contraste non ionique, nous constatons deux cas d’insuffisance rénale aiguë (0,4 %). Bien que peu rapporté dans la littérature, ce type de complication n’est donc pas exceptionnel. L’insuffisance rénale préexistante reste le principal facteur de risque (22, 23). Les complications cardiaques rapportées dans la littérature sont essentiellement des crises d’angor : un cas pour Dion (0,3 %) (1), 6 cas pour Waugh et Sacharias (0,25 %) (2). Dans notre étude, nous n’avons constaté aucune crise d’angor. En revanche, des troubles du rythme cardiaque sont apparus deux fois chez des patients coronariens avec des lésions sténosantes sévères à l’angiographie cérébrale. Ces données confirment l’association entre athérosclérose et risque de complication cardiaque. Enfin, les complications locales étaient bénignes dans notre série, représentées essentiellement par des hématomes non compliqués. L’étude de la littérature montre clairement la diminution du taux de complications locales parallèlement à la diminution du calibre des cathéters. Certains accidents, comme les injections intramurales ou périvasculaires décrites dans les anciennes publications (6), ne sont plus rencontrés aujourd’hui. L’absence d’hématome compliqué, de J Radiol 1999; 80 © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 01/10/2017 Il est interdit et illégal de diffuser ce document. CONCLUSION Cette étude prospective retrouve globalement les mêmes accidents que ceux déjà décrits dans la littérature. Si la plupart d’entre eux sont bénins, on déplore cependant une hémiplégie définitive et un décès secondaire à une embolie de cholestérol, soit 0,4 % de complications graves. Les progrès techniques ne permettent donc pas d’éviter ce type de complication dont la survenue dépend avant tout d’un facteur de risque : l’athérosclérose. Chez les patients à haut risque, on peut donc espérer diminuer les accidents en limitant les indications de l’angiographie cérébrale et ceci grâce au développement de l’imagerie vasculaire non invasive. Dans les cas où l’angiographie demeure indispensable, seule une équipe entraînée travaillant dans des conditions techniques optimales et en collaboration étroite avec les cliniciens permet de réduire les risques de cet examen. Références 1. Dion JE, Gates PC, Fox A J, Barnett HJM, Blom RJ. Clinical events following neuroangiography : a prospective study. Stroke 1987;18:997-1004. 2. Waugh JR, Sacharias N. Arteriographic complications in the DSA era. Radiology 1992;182:243-6. 3. Grzyska U, Freitag J, Zeumer H. Selective intraarterial DSA : complication rate and control of risk factors. Neuroradiol 1990;32:296-9. 4. Heiserman JE, Dean BL, Hodak JA et al. Neurologic complications of cerebral angiography. AJNR 1994;15:1401-7. 5. Earnest F, Forbes G, Sandok BA et al. 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