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n° 475
mars 2007
KS
Gandevia et coll. [25] ont également montré une augmenta-
tion de l’activité cardio-vasculaire chez des sujets paralysés
lorsque ceux-ci imaginaient ou essayaient de contracter leurs
muscles ; la paralysie étant complète les changements végé-
tatifs observés ne peuvent être attribués à aucune activité
musculaire résiduelle. La participation des effecteurs végéta-
tifs lors de tâches d’imagerie motrice est une preuve de la par-
ticipation des structures centrales de la programmation
motrice. Cet effet pourrait être un mécanisme permettant
d’anticiper la demande énergétique en réduisant ainsi le délai
nécessaire pour activer le système cardio-respiratoire [31].
Chronométrie mentale
(fig. 3)
La similarité des mécanismes neurophysiologiques entre
action réelle et action simulée ne garantit pas que le
contenu d’une image motrice soit strictement identique à
sa contrepartie réellement exécutée. Des expérimenta-
tions psychophysiques utilisant le paradigme de la chro-
nométrie mentale permettent alors de montrer que l’image
motrice, en plus d’engager des circuits neuronaux sembla-
bles à ceux de la programmation et du contrôle moteur, est
soumise aux mêmes contraintes et lois que l’action réelle.
La durée du mouvement imaginaire est par exemple stricte-
ment corrélée à celle du mouvement réel [5, 32, 33, 34, 35].
Des études comportementales ont également montré que les
lois motrices et les contraintes biomécaniques s’appliquent
aux mouvements imaginés. Par exemple, le conflit vitesse-
précision (exprimé par la loi de Fitts [36]) s’applique de
manière spectaculaire à différentes tâches d’imagerie motrice
[37, 38]. Plus le mouvement à imaginer est difficile, et plus sa
durée est importante (de la même manière que le mouvement
réel), la simulation mentale intègre ainsi les caractéristiques
spatio-temporelles de la performance motrice.
L’idée d’une prise en compte des caractéristiques phy-
siques de la tâche lors du processus d’imagerie est aussi
appuyée par des expériences où les contraintes méca-
niques de la tâche motrice ont été manipulées. Notre
équipe a ainsi montré que lorsqu’on modifie la masse ou
l’inertie d’un membre du corps impliqué en imagerie
motrice, les sujets parviennent parfaitement à prédire la
durée du mouvement. L’isochronie entre mouvement réel
et simulé est ainsi toujours conservée [6, 34].
D’autre part, la dépendance de l’imagerie motrice à l’ef-
fecteur engagé dans la tâche a également été confirmée
grâce à des paradigmes psychophysiques. Maruff et coll.
[38] montrent alors que l’asymétrie temporelle observée
lors d’une tâche motrice entre la main dominante et non
dominante est également présente lors de la même per-
formance réalisée mentalement.
De la même manière, Sirigu et coll. [39] montrent que les
déficiences motrices affectant un membre (à la suite
d’une lésion du cortex moteur) se retrouvent à l’identique
lors de l’imagerie motrice. La durée du mouvement imagi-
naire impliquant le membre lésé est identique à la durée
du mouvement réel effectué par ce même membre. Ainsi,
“de la nature sélective et unilatérale de la lésion, on peut
conclure que l’imagerie motrice n’est pas une entité
généraliste, résumé d’une fonction cognitive, mais
qu’elle s’adresse spécifiquement aux représentations
motrices correspondant aux effecteurs choisis” [39].
IMAGE MOTRICE
ET THÉORIE DE LA SIMULATION
Les résultats expérimentaux mettant en avant des simili-
tudes fonctionnelles entre l’action et sa représentation
mentale consciente (ici l’imagerie motrice) sont à l’origine
LA SIMULATION MENTALE DU MOUVEMENT :
DONNÉES EXPÉRIMENTALES ET IMPLICATIONS CLINIQUES
▲Figure 3
Au niveau comportemental, une des caractéristiques de l’acte moteur mentalement
simulé est qu’il respecte presque parfaitement la durée de l’action réelle,
quelles que soient les contraintes du mouvement à imaginer. Le cerveau intégrerait
ainsi l’ensemble des contraintes corporelles et environnementales lorsque nous
imaginons un mouvement
Les durées moyennes (10 sujets) de mouvements de pointage du bras en réel et en
imaginaire sont représentées ici. On notera que l’isochronie entre mouvement réel
et imaginé est respectée dans différentes conditions de direction et de masse
(appliquées sur le bras pendant l’expérience)
Adapté de Papaxanthis et coll., 2002 ▲
Masse additionnelle
Durées (s)
Mouvements verticaux Mouvements horizontaux