Mémoire démembrement de la clause bénéficiaire contrat d'assurance vie

Telechargé par Lapouge Lison
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INTRODUCTION
De manière générale, font partie des préoccupations majeures de la population,
la constitution d’un complément de revenus pour la retraite, ainsi que la protection de
sa famille en cas de disparition.
C’est ainsi qu’intervient l’assurance-vie, qui fait partie des essentiels de la
transmission.
Ces contrats sont avantageux lors du vivant de leur propriétaire, car ils constituent une
épargne dans laquelle il est possible de venir puiser des sommes d’argent, mais
également à sa mort au profit des bénéficiaires désignés.
En mars 2017, l’un de nos clients, Monsieur X., est décédé. Il avait souscrit, au
fil de l’eau, dix assurances vie. Ces dernières, en raison de la complexité des
changements législatifs et glementaires propres aux assurances vie, ont mis plus
d’un an à toutes se dénouer.
En effet l’assurance vie est un outil de transmission du patrimoine indéniable, mais elle
n’en reste pas moins complexe sur certains aspects, et nécessite une expertise
approfondie et un suivi assidu.
Selon la théorie classique élaborée par les auteurs Aubry et Rau, le patrimoine
regroupe l’ensemble des droits et obligations pécuniaires d’une personne. Ce
patrimoine va se décomposer en deux parties, d’une part un actif, dans lequel on va
mettre l’ensemble des droits d’une personne et d’autre part le passif, dans lequel on
regroupe l’ensemble des obligations qui incombent à une personne. Ce patrimoine
peut être comparé à une enveloppe dans laquelle figure à la fois les éléments actifs et
les éléments passifs
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Cours d’introduction au droit civil par M. le Professeur MORDEFROY, Licence 1
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La mort de la personne va alors entraîner des conséquences sur son patrimoine, à
savoir sa transmission, aussi bien au niveau des éléments de l’actif que des éléments
du passif.
Le défunt, pendant son vivant, a la possibilité d’intervenir sur la transmission de son
patrimoine en prenant des dispositions que l’on appelle libéralités. Il s’agit d’actes par
lesquelles la personne va organiser sa transmission.
Monsieur X était uni à Madame X. dans le cadre d’un mariage. Le mariage est
un acte juridique, solennel, par lequel deux personnes décident de s’unir et d’adhérer
à un statut gal. Ce statut sera composé à minima du gime primaire, c’est à dire les
règles impératives auxquels on ne peut se soustraire, qui sont identiques pour tout à
chacun dès lors qu’ils sont mariés, peu importe le régime choisi.
Pour le reste, au-delà de ce régime primaire, les époux ont la possibilité d’aménager
eux même leurs relations financières en faisant un contrat de mariage
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.
C’est ici le cas, Monsieur et Madame X avait opté pour une séparation de biens
conventionnelle à travers la rédaction d’un contrat de mariage.
Dans ce gime paratiste, on a alors deux masses de biens personnels, si un bien
est acquis par les 2 époux, il n'y a pas de troisième masse de bien, le bien est indivis
personnel pour moit
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De cette union sont nés 2 enfants : Messieurs Y et Z, eux-mêmes mariés et ayant eu
une descendance.
Monsieur X au cours de sa vie sera amené à enrichir son patrimoine à travers
l’acquisition de biens et la souscription de différentes assurances vie.
Ces assurances vie multiplient les assureurs, les supports mais également les
fiscalités applicables car elles ont été souscrites de 1990 jusqu’à 2006, en multipliant
les versements sur chacune au fur et à mesure que les années s’écoulaient.
Ainsi, en 2002, lors de la première rencontre avec Monsieur X, son patrimoine global
brut s’élevait à 2 300 000 €, partis pour 1/3 de biens immobiliers, 1/3 de placements
financiers et 1/3 de biens professionnels. Ces biens professionnels allaient
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Cours de régimes matrimoniaux par Mme METZ, Master 1
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Cours de gestion de patrimoine par M. LASNIER, Master 2
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prochainement être cédés suite à son départ en retraite. Cela allait donc engendrer
une forte somme qu’il était nécessaire de replacer.
A la cessation de son activité, Monsieur X allait avoir un besoin de revenus
complémentaires. Il souhaitait également organiser la protection de sa famille et la
transmission en réexaminant les montants attribués aux bénéficiaires des assurances-
vie existantes.
Il ressort de l’étude patrimoniale qu’au vu des liquidités, on pouvait envisager
sereinement un complément de revenus d’une retraite déjà confortable. Mais il fallait
toutefois optimiser l’architecture des placements financiers et immobiliers afin
d’amoindrir les droits de succession. Notamment anticiper la cession des biens
professionnels qui allait intervenir 3 ans plus tard, en 2005, soit au 72 ans de Monsieur
X. Donc anticiper en souscrivant avant son 70ème anniversaire un contrat d’assurance
vie ainsi que le versement d’une somme relativement élevée dessus.
Sur l’assurance vie, il y avait pendant longtemps en France une hostilité de
principe vis à vis de son mécanisme. Il était vu d’un mauvais œil puisque reposait sur
la spéculation de la vie ou de la mort d’autrui.
C’est le canisme des tontines, apparue au milieu du XVIIème siècle et imaginée
par Lorenzo Tonti, qui permis de les faire entrer dans les mœurs. Cette technique visait
à regrouper un certain nombre de personnes qui étaient alors tenues de verser
régulièrement des sommes d’argent, mises en commun, et in fine réparties entre les
personnes survivantes à une date déterminée
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.
Le 28 mai 1818, le Conseil d’État estime que si l’on accepte le viager, on doit accepter
l’assurance vie qui est plus morale. Et la Cour de cassation, en 1853 affirme que mourir
est une chose normal, ainsi il est tout à fait possible de spéculer sur une chose normal.
C’est dans les années 1860 que le mécanisme de l’assurance vie va définitivement
être validé. C’est la Cour de cassation qui est saisie pour la dernière fois, en 1864,
d’une affaire contestant la cause du contrat d’assurance. Tentative de dénoncer le
contrat d’assurance vie lui-même, ce contrat étant entaché d’une cause immorale donc
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Droit des assurances, collection dirigée par Cédric Tahri, page 22
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dénué de cause
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. La Cour de Cassation a définitivement tranché en sens inverse,
disant qu’il était valable et doué de cause
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.
Sur la protection de sa famille et la transmission de son patrimoine, Monsieur X
souhaitait une limitation des droits de succession. La préconisation qu’on lui a alors
adressée impliquait de faire le plein des abattements des contrats d’assurance-vie, y
compris pour ceux investis après 70 ans et de capitaliser un maximum, d’effectuer des
donations en pleine propriété ou démembrement, et d’utiliser les abattements du
conjoint en membrant les clauses bénéficiaires d’une assurance vie, avec l’usufruit
au conjoint qui assume les droits de succession, et la nue-proprté aux enfants qui
récupèrent les fonds en exonération de droits.
En effet, en 2002 le conjoint était dans une situation moins confortable qu’aujourd’hui
puisqu’il n’était pas encore exonéré de droit de succession.
Le 3 avril 2009 Monsieur X rédige un testament dans lequel il prive son épouse
de tous ses droits légaux dans sa succession, et membre les clauses bénéficiaires
de quatre de ses contrats d’assurance vie pour lesquelles il nomme son épouse
usufruitière des capitaux, et ses enfants nus propriétaires des capitaux par parts
égales entre eux. Plus encore, il prévoit, pour ces capitaux démembrés, leur remploi
dans la souscription d’un nouveau contrat d’assurance vie.
Quelques jours plus tard, par un codicille daté du 10 avril 2009, il procède au
démembrement de la clause bénéficiaire de deux autres contrats d’assurance-vie , en
laissant à nouveau l’usufruit à son épouse, et la nue-propriété à ses fils.
Problématique : quelle incidence a une clause bénéficiaires démembrée
insérée dans un contrat d’assurance vie et quels sont les pouvoirs des bénéficiaires ?
Les assurances vie sont l’un des supports privilégiés des français, elles représentent
plus de 50% de l’épargne financière des ménages français
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et avaient, fin décembre
2017, un encours de 1 676 milliards d’euros
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Argument soutenu par le Procureur général près la Cour de Cassation
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Cours de droit des assurances par M. le professeur LERAY, Master 1
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Le Monde, Le poids de l’assurance-vie dans le patrimoine des Français est-il excessif ?
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Fédération Française de l’Assurance, Assurance-vie collecte nette positive en décembre 2017
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Mais c’est un support en perpétuelle mouvance, n’en démontre la loi fiscale pour 2018
instituant la Flat Tax et changeant à nouveau la fiscalité applicable aux rachats sur les
assurances vie
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.
Ainsi que ce soit en cas de vie ou en cas de décès, on a pu constater au cours
de ces dernières décennies que la fiscalité des assurances vie a évolué.
Pourtant, malgré les changements et difficultés d’appréhension pour les clients, elle
n’en demeure pas moins un outil privilégié de la transmission de patrimoine (Partie 1).
Toutefois, il est important de prendre en compte chaque dénouement possible
laissé au choix des bénéficiaires, car même lorsque l’on prend toutes les dispositions
préalables à l’application de la stratégie patrimoniale mise en place, le choix opéré par
les bénéficiaires in fine peut mettre à mal cette stratégie d’optimisation. (Partie 2)
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Voir annexe page 50
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