
La Francophonie en Algérie
dans les matières scientifiques. Elle est pratiquée dans de nombreuses écoles privées (autrefois interdites). Elle est toujours
considérée comme la clé nécessaire pour poursuivre des études (notamment à l'étranger) ou pour trouver un emploi3. Sa
connaissance est liée pour les jeunes à l'espoir d'émigrer. Elle est présente dans les foyers par la télévision
;
les quotidiens
publient en effet les programmes de la télévision française, de telle sorte qu'une fraction importante de l'opinion algérienne
vit à l'unisson de la vie publique en France. Une bonne proportion de la presse, privée ou publique, est publiée en français.
Quant au secteur économique, il ne fonctionne qu'en français ou en anglais. La loi de généralisation de la langue arabe,
adoptée en décembre 1996, n'a été suivie d'aucune application. Ainsi,
à
la différence des années 1980, il n'y
a
plus en Algérie
d'impératif politique susceptible d'exclure la langue française ou d'en interdire l'emploi.
Outre sa présence directe, le français est présent en Algérie dans le langage quotidien par son association aux autres
langues parlées, dans le cadre de ce qu'on appelle l'alternance codique selon laquelle une phrase peut comprendre une
alternance d'algérien, de français et de berbère. Le français est devenu une réserve pour les langues algériennes
:
arabes ou
berbères, elles prennent des mots français auxquels elles donnent une forme locale
:
téléphonit-lu («je lui ai téléphoné»),
entend-on couramment. C'est donc une nouvelle façon de parler qui se crée en Algérie, à laquelle le français est associé,
de même qu'il l'est à la création artistique d'auteurs, de chanteurs ou de comédiens, qui ont recours à trois langues
d'expression
:
le français, l'arabe et le berbère. Une enquête récente de D. Caubet sur la création artistique4 donne la parole
à certains d'entre eux.
Des perspectives ouvertes
Lors du IXe sommet de la Francophonie, à Beyrouth, en octobre 2002, le président Bouteflika a prononcé devant les
chefs d'État et de gouvernement un important discours exprimant l'ouverture de l'Algérie au monde extérieur. Il
y
participait
en tant qu'invité personnel du président libanais. De fait, cette démarche ne
s'est
pas doublée d'une adhésion officielle à
laquelle l'opinion algérienne n'est pas préparée. Dans le même temps, une commission de réforme de l'enseignement a
travaillé durant une année (2001-2002). Son rapport n'a pas été rendu public, mais il
s'est
avéré qu'une partie importante
de ses travaux a été dominée par l'opposition entre partisans et adversaires du français, dans le cadre d'une rénovation de
la pédagogie et d'une modernisation de la structure d'enseignement.
Les conflits qui ont suivi ces travaux ont révélé la sensibilité d'une bonne partie de l'opinion à la question linguistique
et ont témoigné d'un attachement profond à la langue arabe pour diverses raisons. Pour certains, l'échec de l'enseignement
est lié à la part trop grande réservée au français dans le milieu social. De plus, l'attachement à la religion, à une forme de
vie traditionnelle, la conscience de l'hypocrisie sociale qui entoure la question du français, la méfiance vis-à-vis d'un
débridement des mœurs sous l'influence occidentale font qu'existe un large courant d'opinion attaché à la langue arabe,
qui empêche le pouvoir de décider de certains changements, comme des mesures pour l'accroissement de la part du français
dans les programmes et, encore plus, l'adhésion à la Francophonie. Toutefois, il existe aussi - et en partie chez les mêmes -
un fort courant moderniste qui estime que la revalorisation de l'enseignement nécessite de donner une part plus grande au
français (voire à l'anglais).
Ceci conduit à s'interroger sérieusement sur la place des langues en Algérie. Il est certain que l'arabisation, même mal
conduite, répondait réellement à un souhait de la population d'être rattachée par cette langue à l'islam et au monde arabe.
Or cette conscience existe toujours, réactivée quotidiennement par les événements de Palestine et d'Irak. C'est pourquoi
les circonstances actuelles, qui pourraient conduire à donner une part trop belle au français, et ceci d'autant plus facilement
qu'une large part de l'opinion le souhaite, doivent être considérées avec une grande prudence. En fait, l'Algérie a besoin
HERMÈS
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2004 77