Programme Serena. Document de travail n°2013-01 - serena

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Le concept de service
écosystémique en écologie :
émergence, utilisations, portée et
controverses
Fanny RIVES, IRD/CNRS Montpellier
Document de travail n°2013-01
Avec le soutien de :
Ce travail a bénéfic ié d'une aide de l'Agence Nationale de la Recherche
dans le cadre du programme SYSTERRA, portant la référence ANR-08-STRA-13
Tables des matières
INTRODUCTION..........................................................................................................................................................3
THEME 1 : ARTICULATION DU CONCEPT DE S E AVEC LES TRAVAUX EN ECOLOGIE S UR
LES RELATIONS B IODIVERS ITE-FONCTIONNEMENT DES ECOS YSTEMES ...............................4
DEFINITION DES T ERMES UTILISES ............................................................................................................................4
Les éléments de base : co mposantes, écosystèmes et biodiversité ................................................................4
Les fonctions des écosystèmes : des processus pour le fonctionnement des écosystèmes ou pour les
humains....................................................................................................................................................................7
Des fonctions aux services écosystémiques .....................................................................................................11
LE S ET UDES ET DEBAT S EN ECOLOGIE SUR LES RELAT IONS BIODIVERSIT E-FONCT IONNEMENT DES
ECOSYST EMES (BFE).................................................................................................................................................12
Histoire des études sur les relations BFE : une évolution des questions et des objectifs de recherche
.................................................................................................................................................................................12
Débats autour des études sur les relations BFE.............................................................................................14
QUEST IONS SOULEVEES P AR L’APPLICATION DE CES T RAVAUX POUR LA CONSERVAT ION ET POUR L ’ET UDE
DES SERVICES ECOSYST EMIQUES.............................................................................................................................15
THEME 2 : PLACE DU CONCEPT DE S E DANS L’APPROCHE S YS TEMIQUE ..............................17
UN CONCEPT MILIT ANT POUR UNE VISION ECOSYST EMIQUE DE NOT RE RELATION A LA NATURE..................17
A l’origine du concept : considérer les processus écologiques ...................................................................17
L’approche écosystémique dans le MA : une vision plus holistique que systémique...............................18
QUELLE VISION SYST EMIQUE DANS L ’OPERATIONNALISAT ION DU CONCEPT DE SE ?.....................................19
Des approches qui tendent à réduire la complexité.......................................................................................20
Une vision systémique dans les approches multi-services............................................................................21
THEME 3 : DIVERS ITE DES DEFINITIONS ET DES CADRES D’ANALYS E DES S ERVICES
ECOS YSTEMIQUES ..................................................................................................................................................23
EXPLORER LE SPECT RE DE CE QUI EST ENTENDU DERRIERE L ’EXPRESSION « SERVICES ECOSYST EMIQUES »
......................................................................................................................................................................................23
Les SE : des processus et/ou des entités ..........................................................................................................24
Les SE : fonctions des écosystèmes ou produits de fonctions ? ...................................................................26
Les SE : bénéfices ou fournisseurs de bénéfices ? .........................................................................................28
Les SE : produits de l’écosystème ou co-produits des activités humaines et des écosystèmes ? ...........28
Production de SE : dans les écosystèmes naturels ou anthropisés ? ..........................................................31
Conclusion ............................................................................................................................................................32
EVOLUT ION DES CADRES EN REACTION AU CADRE DU MILLENNIUM ECOSYST EM A SSE SSMENT .................33
Mieux caractériser la relation entre le fonctionnement des écosystèmes et la fourniture de services
écosystémiques .....................................................................................................................................................33
Mieux caractériser la relation entre services écosystémiques et bien -être humain.................................40
Conclusion sur les cadres d’analyse ................................................................................................................43
CONCLUS ION : ELEMENTS DE DISCUSSION .............................................................................................45
DES UT ILISATIONS MULTIPLES DES SE POUR DES OBJECTIFS DIFFERENT S........................................................45
DES DEBAT S SUR LES SE QUI FONT ECHO A DES DEBAT S PLUS LARGES EN ECOLOGIE ....................................47
2
Introduction
Le concept de service écosystémique (SE) a été porté à l’origine par des
écologues dans une perspective de souligner le rôle du fonctionnement des
écosystèmes pour les humains (Daily, 1997; de Groot, 1992; Ehrlich and
Ehrlich, 1982). Cet argument est mobilisé pour sensibiliser sur la nécessité
d’assurer le maintien de ce fonctionnement dans un contexte de dégradation
des écosystèmes et de pertes de biodiversité.
Le concept a ensuite été médiatisé par le Millennium Ecosystem Assessment
(MEA) en 2005. Cette synthèse sur l’évolution des écosystèmes propose une
définition, une classification et un cadre pour l’analyse des services
écosystémiques. Cette initiative a influencé les recherches voire initié de
nouveaux travaux sur le fonctionnement des écosystèmes, sur l’évaluation
physique et monétaire des biens et services associés à ce fonctionnement,
sur la conceptualisation des relations entre les humains et leur
environnement, sur les stratégies de conservation de la biodiversité…
L’historique de l’émergence du concept de SE a été abordée dans le cadre du
programme Serena (Méral, 2012).
L’étude présentée dans cette synthèse vise à analyser comment sont abordés
les SE en écologie, quels ont été les effets de ce concept sur les travaux des
écologues et quels ont été les facteurs d’appropriation ou de rejet du concept
dans cette discipline. Cette étude est essentiellement basée sur une analyse
bibliographique, complétée par 7 entretiens réalisés avec des écologues de
Montpellier travaillant avec différentes approches (écologie fonctionnelle,
écologie de la restauration, biologie de la conservation) et sur différents
objets.
Trois principaux thèmes ont été explorés et sont présentés successivement
dans le document :
(1)Articulation du concept de service écosystémique avec les travaux
existants en écologie sur les relations entre la biodiversité et le
fonctionnement des écosystèmes ;
(2)Positionnement du concept de service écosystémique dans l’approche
systémique développée en écologie
(3)Diversité des définitions et des cadres d’analyse des services
écosystémiques
3
Thème 1 : Articulation du concept de SE avec les travaux en
écologie sur les relations biodiversité-fonctionnement des
écosystèmes
Les études sur les services écosystémiques, et notamment le MEA, font
souvent référence aux travaux d’écologie sur les relations entre la
biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes. Pour saisir comment
s’articule le concept de SE avec ces travaux, cette partie introduit dans un
premier temps les termes d’écologie qui sont utilisés dans ces domaines.
Nous proposons ensuite une synthèse de l’histoire des travaux en écologie
sur les relations biodiversité fonctionnement des écosystèmes pour pouvoir
interroger ensuite les modalités d’utilisation de ces travaux pour étudier les
services écosystémiques.
Définition des termes utilisés
Cette partie vise à définir les termes utilisés dans les travaux d’écologie sur
les relations entre biodiversité et fonctionnement des écosystèmes, souvent
mobilisés pour l’évaluation des services écosystémiques et les travaux plus
récents sur les relations écosystèmes/ biodiversité et bien-être humain.
Ces termes sont utilisés pour caractériser différents éléments de la relation
entre écosystèmes et bien-être humain. Les définitions sont issues des
références bibliographiques qui adressent les relations entre deux ou
plusieurs éléments et fournissent des définitions explicites des termes. Audelà des définitions spécifiques, cette partie vise aussi à montrer comment
ces différents éléments sont articulés selon les définitions retenues par les
auteurs.
Les éléments de base : composantes, écosystèmes et biodiversité
Plusieurs termes sont utilisés pour caractériser les éléments sur lesquels se
basent le fonctionnement des écosystèmes ou la production de services
écosystémiques : biodiversité, diversité spécifique, espèces, structure…
Biodiversité et ses différents niveaux
De nombreux travaux mentionnent de façon générique la biodiversité, pour
décrire différents niveaux de diversité (le plus souvent diversité spécifique).
Dans les travaux sur les services écosystémiques, il semblerait que
biodiversité soit parfois assimilée à écosystèmes. Ainsi, le MEA met en avant
que la biodiversité augmente la protection contre les inondations mais les
exemples donnés sont basés sur la destruction totale d’écosystèmes comme
une forêt ou une mangrove qui conduirait à une augmentation du risque
d’inondation (Cardinale et al., 2012).
De manière générale dans le cadre du MEA, la biodiversité est assimilée à la
vie sur terre.
Les travaux sur les relations biodiversité – fonctionnement des écosystèmes
(BFE) ou sur les relations biodiversité – services écosystémiques (BSE),
lorsqu’ils définissent explicitement la biodiversité font souvent référence à la
définition de Wilson (Hooper et al., 2005):
4
« all hereditarily based variation at all
genes within a single local population,
part of a local community, and finally
that compose the living parts of the
world »
levels of organization, from the
to the species composing all or
to the communities themselves
multifarious ecosystems of the
D’autres se réfèrent à la définition donnée par la Convention sur la diversité
biologique (Naeem et al., 2012):
“the variability among living organisms from all sources including, inter
alia, terrestrial, marine and other aquatic ecosystems and the
ecological complexes of which they are part; this includes diversity
within species, between species and of ecosystems”.
D’autres auteurs utilisent une définition plus restrictive de la biodiversité,
dans laquelle la diversité à l’échelle des écosystèmes n’est pas intégrée:
“Biodiversity is the variety of life, including variation among genes, species and
functional traits » (Cardinale et al. 2012, p. 60).
Les premiers travaux sur les relations BFE dans les années 90 (e.g. Tilman
and Downing, 1994) considéraient les effets de la diversité spécifique ou de
la richesse spécifique (le nombre d’espèces) sur les fonctions des
écosystèmes (Diaz and Cabido, 2001; Thompson and Starzomski, 2007) (le
plus souvent la production de biomasse, voir définitions des fonctions cidessous). Ces travaux se sont ensuite étendus à d’autres éléments de la
biodiversité tels que la diversité génétique, la diversité fonctionnelle (voir
définition des groupes fonctionnels ci-dessous) ou la diversité paysagère
(Naeem, 2002; Naeem et al., 2012).
Composition et structure
Cette considération de la diversité en termes de quantité (que ce soit le
nombre d’espèce, de type génétique, d’habitat dans un paysage etc.) a aussi
été complétée dans les études sur les relations BFE par la prise en compte
d’une autre caractéristique de la diversité, i.e. la composition. La
composition, notamment la composition spécifique, réfère à l’identité des
espèces qui composent l’écosystème. Cette caractéristique a été introduite
dans les études BFE pour souligner que le nombre d’espèces n’est pas le seul
facteur à jouer sur les fonctions des écosystèmes ; l’identité de ces espèces
pouvant aussi avoir un effet sur une fonction (Hooper et al. 2005). Par
exemple, la présence d’une espèce à croissance rapide au sein d’un
écosystème aura un effet sur la fonction de production.
La notion de structure des écosystèmes réfère à la fois à la composition, au
nombre d’espèces et au nombre d’individus par espèce (ou gène, habitat
etc.). Cette notion décrit le fait que les écosystèmes ne sont pas constitués
d’un assemblage aléatoire d’espèces mais qu’ils sont structurés autour des
réseaux d’interactions entre espèces au sein des communautés et des
réseaux de cycles biogéochimiques (Naeem et al. 2012).
Dans les travaux visant à définir de nouveaux cadres d’analyse des services
écosystémiques, les notions de composant et structure des écosystèmes sont
5
mentionnées en référence aux choses qui constituent l’écosystème et
représentent le support des processus (ou des services) (Boyd and Banzhaf,
2007; de Groot et al., 2012; Fisher et al., 2009; Haines-Young et al., 2010;
Wallace, 2007). Dans ces définitions l’accent est mis sur le caractère
structurel, distinct du caractère dynamique des processus, plutôt que sur une
caractéristique particulière relative au nombre ou à l’identité de ces éléments
comme dans les études sur les relations BFE. Wallace (2007) caractérise ainsi
la différence entre les éléments de l’écosystème (biotiques ou abiotiques),
qui sont « des entités tangibles décrites en termes de quantité », et les processus,
qui sont « des opérations et réactions, décrites en termes de taux (exemple,
production par unité de temps) » (p.244) . Pour lui, la structure et la composition
d’un écosystème sont les éléments observables et mesurables à un temps T
et qui sont modifiés par les processus des écosystèmes (p.236). Boyd et
Banzhaf (2007) décrivent les composants comme les éléments des
écosystèmes (eau, océan, type de végétation, population d’une espèce) dont
les interactions physiques, chimiques ou biologiques représentent les
processus ou fonctions des écosystèmes. De la même façon, Fisher et al.
(2009) considèrent la structure des écosystèmes comme fournissant « la plate
forme à partir de laquelle les processus ont lieu » (p.646).
Enfin, dans le cadre de la première phase du TEEB, la notion d’abondance est
introduite. Cette étude souligne en effet que les services écosystémiques ne
sont pas uniquement dépendants de la variabilité (e.g. diversité spécifique) ;
nombre d’entre eux dépendent beaucoup plus des quantités (e.g. abondance
d’une espèce en particulier ou biomasse)(Balmford et al., 2008). Ces
considérations sont particulièrement pertinentes pour les services
d’approvisionnement, pour lesquels l’abondance est déterminante dans la
quantité du service produit. Mace et ses collègues (2012) notent aussi la
pertinence des mesures en termes d’abondance ou quantité pour l’étude des
services écosystémiques et soulignent que ce type de mesure n’est pas
intégré dans le concept de biodiversité tel que définit par la Convention sur la
diversité biologique.
Unités de fourniture des services écosystémiques
Parmi les travaux qui s’intéressent aux relations entre biodiversité et
fourniture de services, certains considèrent la diversité fonctionnelle (voir
section 2 ci-dessous) et d’autres ont cherché à définir un concept qui
permette de considérer les composantes de l’écosystème qui assurent la
production de services. Le concept de « Service providing unit » (SPU) a ainsi
été introduit en échos aux notions d’unités évolutives ou unités
démographiques pour décrire la contribution d’un groupe d’individus d’une
espèce (une population) à un service écosystémique identifié (Luck et al.,
2003). L’exemple donné est celui d’une population d’abeille dans un paysage
agricole qui fournit un service de pollinisation. Dans la même idée, le concept
« Ecosystem service provider » (ESP) couvre
différentes entités de
l’écosystème comme les populations, les espèces, les groupes fonctionnels,
les réseaux trophiques ou les types d’habitats qui produisent les services
(Kremen, 2005).
6
Les fonctions des écosystèmes : des processus
fonctionnement des écosystèmes ou pour les humains
pour
le
Le concept de fonction en écologie est associé aux termes fonctionnement,
processus, propriété, groupe fonctionnel, diversité fonctionnelle, traits
fonctionnels, guilde et niche.
Fonctionnement des écosystèmes
Les premiers travaux sur les relations biodiversité – fonctionnement des
écosystèmes font plus souvent référence à la notion de fonctionnement qu’à
celle de fonction (Hooper et al., 2005; Loreau et al., 2001; Tilman, 1999).
Ce concept de fonctionnement est rarement défini dans ces travaux mais
Naeem et ses collègues (1999) en donnent la définition suivante:
“Ecosystem functioning reflects the collective life activities of plants,
animals, and microbes and the effects these activities - feeding,
grow ing, moving, excreting waste, etc. - have on the physical and
chemical conditions of their environment. (Note that “functioning”
means “show ing activity” and does not imply that organisms perfo rm
purposeful roles in ecosystem-level processes.) A functioning
ecosystem is one that exhibits biological and chemical activities
characteristic for its type. A functioning forest ecosystem, for example,
exhibits rates of plant production, carbon storage, and nutrient cycling
that are characteristic of most forests. If the forest is converted to an
agroecosystem, its functioning changes.” (p.4)
Fonction et processus
Le concept de fonction, en particulier dans les travaux sur les relations BFE,
peut s’entendre soit comme processus soit comme rôle.
Pour plusieurs auteurs, fonction est synonyme de processus des
écosystèmes. Par exemple, Cardinale et al. (2012) définissent les fonctions
des écosystèmes comme « des processus écologiques qui contrôlent les flux
d’énergie, de nutriments et de matière organique dans un environnement » (Box 1,
p. 60). Wallace (2007) retient le terme de processus des écosystèmes ou
processus écologiques et précise qu’il l’utilise comme synonyme de fonction1 .
Les fonctions ou processus des écosystèmes les plus souvent énoncés sont la
production, l’absorption et le recyclage des nutriments, la respiration ou la
décomposition (Cardinale et al., 2012; Díaz et al., 2006; Duffy, 2008).
La description des processus par Naeem et al. (1999) peut aussi être
assimilée aux fonctions2 . Ces auteurs quantifient les processus des
1
Ce choix vise à éviter les confusions associées au terme fonction, voir différent es définit ions des fonctions
dans ce paragraphe.
2
Dans un autre article, Naeem (Naeem, 2002) exp lique le concept de fonction « l’idée que les activités
métaboliques collectives des organismes au sein d’un habitat consomment de l’énergie et déplacent de la
mat ière entre des compartiments organiques et inorganiques » (p. 1539). Cette défin ition évoque les
discussions autour de l’assimilat ion de l’écosystème à un organisme. Dans ses études sur les succes sions
végétales, Clements assimilait les communautés végétales à un organisme qui nait, grandit, vit et meurt
(Jax, 1998). Tansley, quant à lu i, propose le concept de « quasi-organisme » pour conserver l’idée
d’organisation tout en soulignant que le développement des écosystèmes n’a rien à voir avec l’ontogénie
d’une plante ou d’un animal, dans ce sens que les composants des stades de développement sont très
différentes de ceux du « quasi-organisme » adulte (Tansley, 1935). Dans la définit ion des fonctions
7
écosystèmes par la mesure des taux des mouvements de matière et
d’énergie (e.g. la production, la décomposition) entre les compartiments
biotiques et abiotiques des écosystèmes. Le fonctionnement est quant à lui
mesuré par l’ampleur et la dynamique des processus. D’autres travaux qui
abordent spécifiquement les relations entre biodiversité et services
écosystémiques décrivent aussi les processus des écosystèmes comme des
changements des stocks et/ou flux de matériels dans un écosystème, résultant de
l’interaction entre organismes et entre eux et leur environnement physico -chimique »
(Mace et al. 2012, glossaire p.19).
D’autres auteurs, et notamment dans les travaux qui visent à définir de
nouveaux cadre d’analyse des SE, distinguent les processus des fonctions des
écosystèmes. Dans ces approches, les fonctions sont considérées en termes
de caractéristiques ou capacités des écosystèmes. Ainsi Harrington et al.
(2010, p.2781), qui définissent les termes utilisés dans le projet RUBICODE,
définissent les processus comme les interactions (événement, réaction ou
opération) entre les éléments biotiques et abiotiques de l’écosystème qui
sous-tendent les fonctions. Les exemples de processus donnés sont la
photosynthèse ou l’absorption de nutriments. Les fonctions sont définies
comme les caractéristiques intrinsèques des écosystèmes liées à un lot de
conditions et processus (e.g. productivité primaire, cycles biogéochimiques).
La définition des fonctions proposée par de Groot et ses collègues (2002) et
retenue dans le TEEB (de Groot et al. 2012) considère les fonctions en
termes de capacité ou potentiel des écosystèmes (purification de l’eau,
population viable de poissons) à fournir des services écosystémiques. Bien
que les fonctions soient des préalables à la fourniture de services, ces
fonctions sont considérées comme existant dans les écosystèmes
indépendamment de leur utilité pour les hommes (Entretien James Aronson
et Rudolf De Groot). Ces fonctions sont maintenues par la structure et les
processus sous-jacents (dynamique des chaines trophiques, cycles nutritifs).
Bien que le cadre du TEEB distingue les processus des fonctions, De Groot
note que cette distinction n’est pas toujours évidente selon les services et
fonctions considérés.
Dans des travaux plus anciens, De Groot utilisait les expressions « fonctions
de la nature » ou « fonctions environnementales », notamment pour
remplacer la notion de ressources naturelles (de Groot, 1987, 1992). Ces
notions sont difficiles à distinguer de celle de services écosystémiques,
d’autant que la classification utilisée dans l’ouvrage «functions of nature»
(fonction de régulation, fonctions support ou « carrier functions », fonctions
de production et fonctions d’information) est proche de celle du MA pour les
services. De Groot replace ces différentes notions sur un gradient de
précision.
proposées par Naeem, l’idée d’activités métaboliques collectives renvoie aux fonctions des organismes
vivants telles que décrites en physiologie (respiration, nutrition, reproduction…). Au -delà des discussions
pour savoir jusqu’à quel point les écosystèmes peuvent être assimilés à des organismes, cette vision des
écosystèmes et cette définition de leurs fonctions renvoient à l’approche systémique promue par l’écologie
des écosystèmes.
8
“ I would say that ecosystem functions are the most specific form
(meaning the capacity of a given ecosystem/l ocation to provide
services, often limited to the living part), while functions of nature is a
broader term meaning the importance of ‘nature in general’ to people
(so closer to the services-concept). Environmental functions are still
more broad and can include, for example, the role of the ozone layer in
filtering UV-radiation, so in general all beneficial “things” in our
environment” (Entretien Rudolf De Groot, Avril 2013)
Processus et propriétés
Dans les travaux sur les relations entre biodiversité et fonction des
écosystèmes, certains auteurs évoquent des mesures des propriétés des
écosystèmes (Balvanera et al., 2006; Hooper et al., 2005). Les concepts de
propriété et de processus sont eux aussi parfois utilisés dans le même sens.
Duffy (2008) distingue une propriété, qui est une mesure d’un état de
l’écosystème (ex : biomasse ou quantité d’azote dans le sol), d’une fonction
de l’écosystème, qui est un processus tel que la production ou la respiration.
L’utilisation indifférenciée des deux notions pourrait provenir du fait que les
processus se mesurent par leur produit. Par exemple, la fonction (ou le
processus) de production de biomasse d’une prairie sera mesuré par la
quantité de biomasse aérienne ou souterraine des végétaux.
Groupes fonctionnels, diversité fonctionnelle, traits, guilde et niche
Le concept de groupes fonctionnels peut-être relié à celui de fonction des
écosystèmes par l’idée que les processus des écosystèmes résultent de
l’action des organismes (Petchey et al., 2009). Les organismes qui, à une
échelle donnée, assurent une ou des fonctions communes ou qui ont des
caractéristiques biologiques en commun peuvent ainsi être groupés au sein
d’un même groupe fonctionnel. Par exemple, différentes espèces de la famille
des légumineuses qui fixent l’azote pourront être groupées au sein d’un
même groupe. La notion de type fonctionnel et les concepts de guilde ou
niche 3 relèvent aussi de la même idée que celle de groupe fonctionnel
(Hooper et al. 2005). Selon Schwartz et al. (2000), les groupes fonctionnels
permettent de « réduire la complexité en agrégeant des espèces par un rôle
partagé qu’elles jouent pour une fonction particulière de l’écosystème » (p. 304).
La diversité fonctionnelle, considérée comme l’une des composantes de la
biodiversité, décrit ainsi la diversité de ce que les organismes font (e.g. le
nombre de groupes fonctionnels, - la richesse des groupes fonctionnels - est
une composante de la diversité fonctionnelle) plutôt que la diversité des
identités de ces organismes (le nombre d’espèces ou richesse spécifique).
Dans les travaux sur les relations BFE, cette approche par la diversité
fonctionnelle fait écho aux questions sur la prise en compte de la composition
spécifique des écosystèmes. De la même façon que la considération des
effets de la richesse spécifique a été complétée par la prise en compte des
effets de la composition spécifique, l’analyse des effets de la richesse
fonctionnelle (nombre de groupes fonctionnels) a été complétée par une
3
Cependant, certains auteurs ont proposé des distinctions entre le concept de guilde et groupe fonctionnel
(Simberloff and Dayan, 1991)
9
analyse des effets de la composition fonctionnelle (présence de certains
groupes fonctionnels)(Diaz and Cabido 2001). Considérer l’effet de la
composition fonctionnelle sur le fonctionnement semble plus évident que
pour la composition spécifique dans la mesure où les groupes fonctionnels
ont un lien direct avec les fonctions des écosystèmes.
Un trait fonctionnel se définit comme la caractéristique d’un organisme qui
présente un lien explicite avec la fonction de cet organisme (Lavorel et al.,
1997). Les traits peuvent être par exemple la taille des feuilles ou des
graines, la composition chimique ou l’architecture des racines.
Dans l’application de ces concepts, le regroupement de différents organismes
au sein d’un même groupe fonctionnel peut se faire selon leur réponse
similaire à une pression de l’environnement (e.g. variation climatique,
disponibilité des ressources) ou selon leur effet similaire sur un processus
donné (e.g. cycle du carbone). La même distinction se retrouve à propos des
traits fonctionnels, les traits de réponse fonctionnelle déterminent ainsi la
façon dont une espèce répond à un changement de l’environnement tandis
que les traits d’effet fonctionnel déterminent la façon dont une espèce affecte
les propriétés de l’écosystème (Hooper et al. 2005).
Dans la pratique, les groupes fonctionnels sont souvent définis sur la base
des réseaux trophiques (Naeem and Li, 1997) ou des traits d’histoire de vie
(Hooper and Vitousek, 1997). Un groupe fonctionnel défini sur la base des
réseaux trophiques, pourra rassembler les producteurs primaires, les
parasites ou les décomposeurs. Un groupe défini sur la base des traits
d’histoires de vie, pourra rassembler les espèces fixatrices d’azote ou les
plantes annuelles par exemple.
Le regroupement des espèces par groupes fonctionnels soulève cependant
des questions relatives à la définition des limites entre groupes (Hooper et al.
2005; Petchey et al. 2009). Premièrement, l’effet des organismes sur les
processus relève le plus souvent de caractéristiques continues. Par exemple,
la fixation d’azote peut se décliner selon un gradient suivant les espèces et
les conditions du sol. Ainsi, comment définir la frontière entre groupes ? Par
ailleurs, une espèce assure une multitude de fonctions et ce à différentes
échelles d’espace et de temps. Ainsi, selon les fonctions et les échelles
considérées, les espèces pourront se regrouper différemment dans les
groupes fonctionnels. Pour prendre en compte ces considérations, Petchey et
al. (2009) proposent différentes façon de mesurer la diversité fonctionnelle,
en précisant que le choix dépendra des questions adressées.
Le courant de l’écologie fonctionnelle trouve un écho dans l’approche par
services écosystémiques dans la mesure où il s’intéresse à ce qu’assurent
certains groupes d’organismes au sein de l’écosystème (Diaz et al., 2007;
Lavorel et al., 2011). En se fondant sur les entretiens effectués auprès
d’écologues, nous pouvons émettre l’hypothèse que les écologues des
communautés ont pu se saisir des approches par services écosystémiques
assez facilement car ils étudiaient des niveaux d’organisation proches de
ceux auxquels sont abordés les SE.
10
Des fonctions aux services écosystémiques
La définition la plus répandue du concept de service écosystémique (SE) est
celle donnée par le Millennium Ecosystem Assessment (2005): « ecosystem
services are the benefits people obtain from ecosystems » . Cette définition
générique peut se décliner en trois grandes approches des SE selon la
relation considérée avec les fonctions des écosystèmes.
La première définit les SE comme un sous-ensemble des fonctions des
écosystèmes : « Ecosystem services are the set of ecosystem functions that are
useful to humans » (Kremen 2005, p. 468). Les processus décrits sont donc les
mêmes, sauf que les SE représentent juste la part des processus qui
bénéficient aux humains. Cette approche est bien décrite par Luck, Daily et
Ehrlich (2003):
« The terms ‘ecosystem service’ and ‘ecosystem function’ are largely
interchangeable, as used here, although ecosystem services can be
defined as ecological processes that benefit people, whereas ecosystem
functions can be considered as all ecological processes regardless o f
whether they are beneficial to humanity » (p. 331) .
La seconde définit les SE comme un produit des fonctions des écosystèmes.
La classification proposée par Wallace (2007) sous-entend ce type de relation
entre processus des écosystèmes (qu’il utilise co mme synonyme de fonction)
et services écosystémiques. Il considère ainsi que « nous gérons les processus
des écosystèmes dans le but de ré-organiser les éléments des écosystèmes pour
fournir des services qui conviennent mieux aux valeurs humaines » (p. 236).
La troisième considère que les SE dépendent de fonctions définies en termes
de capacité des écosystèmes (De Groot et al. 2002; Haines-Young et al.
2010). Par exemple, le maintien d’un climat favorable (service) est lié à la
régulation du climat
(fonction) par les composants et processus des
écosystèmes ; le contrôle des inondations (service) est lié au ralentissement
de la circulation des eaux de surface (fonction). Cette conception de la
relation entre SE et fonction a été précisée lors d’un entretien. De Groot
considère que, en général, les SE sont des produits des fonctions mais que
dans certains cas, par exemple pour le service de purification de l’eau, le
service est difficile à distinguer de la fonction et serait donc définit comme
une certaine interprétation ou appréciation des fonctions selon l’utilité que les
humains y trouvent.
Ces différentes conceptions des SE ont des conséquences notoires sur la
façon dont se caractérise la production des services et notamment, pour les
travaux en écologie, sur la façon dont pourront être mobilisées les études sur
les relations biodiversité – fonctionnement des écosystèmes pour éclairer les
relations entre biodiversité et SE (voir Paragraphes suivants).
Ces différentes définitions des fonctions des écosystèmes, des processus et
des services montrent que les mêmes termes peuvent être assimilés ou avoir
des acceptions différentes. Ces multiples acceptions prêtent d’autant plus à
confusion que les mêmes termes sont utilisés pour décrire des étapes
différentes d’une même relation entre écosystèmes et bien-être humain.
11
Les études et débats en écologie sur les relations biodiversitéfonctionnement des écosystèmes (BFE)
Histoire des études sur les relations BFE : une évolution des
questions et des objectifs de recherche
Les premières hypothèses sur les relations entre diversité biologique et
fonctionnement des écosystèmes ont été avancées par Darwin, qui se basait
sur des observations de l’agriculture pour avancer que la diversité devait
avoir un effet sur la productivité. Des recherches plus approfondies ont
ensuite été conduites par Odum, Mac Arthur, Margalef et Elton dans les
années 50 sur les effets de la diversité sur la stabilité, la productivité et le
potentiel d’invasion (Tilman and Lehman, 2002). Ces auteurs se sont basés
sur des modèles verbaux4 et sur la comparaison d’habitats (forêt tropicale
Vs forêt tempérée) et se sont surtout attachés à montrer la dépendance de la
stabilité des processus des écosystèmes à la diversité. Ces résultats ont été
remis en cause par les travaux de May dans les années 70, basés sur des
modèles mathématiques appliqués à l’écologie des populations (Goodman,
1975).
Les études sur les relations directes entre diversité et processus des
écosystèmes ont démarré dans les années 70. Ces études s’intéressaient aux
effets de l’ajout de nutriments sur la productivité et aux effets de
l’augmentation de la biomasse sur la diversité spécifique (Huston, 1979;
Silvertown, 1980). Elles se fondaient sur des expérimentations effectuées sur
des prairies et s’intéressaient à la diversité spécifique. De nombreuses études
se sont notamment basées sur l’analyse de données issues du dispositif
expérimental aux Royaume Uni : « Park Grass Experiment », constitué de
multiples parcelles de plantes annuelles. A l’origine, ce dispositif était destiné
à évaluer les effets de différents régimes de fertilisation sur les rendements
des prairies permanentes (Silvertown 1980). Ces travaux montrent que la
diversité est plus faible dans des conditions où les nutriments sont
importants (Huston, 1979). Cette corrélation est expliquée par la compétition
entre espèces. Lorsque la croissance est rapide, l’exclusion par compétition
agit plus vite. D’autres études ont utilisé des observations en milieu naturel,
effectuées sur des forêts. Elles s’intéressaient aux relations entre nutriments
du sol et diversité spécifique (Huston, 1980; Keddy and MacLellan, 1990) et
ont aboutit aux mêmes conclusions : les forêts les plus diversifiées se
retrouvent sur des sols pauvres tandis que les sols les plus riches abritent
des forêts avec une richesse spécifique plus faible (Huston 1980). Ces
premières études étaient justifiées par leur portée théorique et pour la
compréhension de la répartition de la végétation sur la planète et des
tendances de la diversité.
A partir des années 90, les écologues se tournent vers l’étude des effets de la
diversité sur les processus écologiques ou les propriétés des écosystèmes. La
question est donc posée dans l’autre sens par rapport aux études des années
70. D’après Naeem (2002), l’approche de la biodiversité évolue ; alors que
4
Terme mathématique qui décrit une expression ou démonstration basée sur des mots plutôt que su r des
formules.
12
les écologues cherchaient à savoir d’où venait la biodiversité, ils cherchent
maintenant à savoir à quoi elle sert. Ces études se développent dans la
lignée des ouvrages sur la biodiversité et sur les conséquences de sa
dégradation (Ehrlich and Ehrlich, 1982; Wilson, 1992). Elles portent
majoritairement sur les effets de la diversité spécifique sur la production de
biomasse. Elles s’appuient sur des approches théoriques, sur des modèles
(Tilman et al., 1997), sur des expérimentations à l’échelle de la parcelle
(Tilman and Downing, 1994) ou basées sur des reconstitutions
d’écosystèmes en milieu contrôlé (Naeem et al., 1995) et plus rarement, sur
du suivi en milieu réel (Wardle et al., 1997).
Les articles de synthèse sur ces travaux attribuent souvent l’émergence des
travaux sur les relations biodiversité – fonctionnement des écosystèmes
(BFE) aux inquiétudes de leurs auteurs sur les conséquences des pertes de
biodiversité liées aux activités humaines (Hooper et al. 2005) et les
positionnent dans une dynamique post-Rio (Cardinale et al. 2012). Symstad
et ses collègues (2003) considèrent quant à eux que les écologues ont
toujours été intéressés par ces questions et que les problématiques associées
aux changements globaux n’ont fait que renforcer cet intérêt.
En effet, selon les auteurs et les périodes, les finalités de ces travaux sont
différentes. Certains auteurs semblent être motivés par la volonté de
démontrer l’importance de la biodiversité pour le fonctionnement des
écosystèmes (Tilman et al. 1997). Naeem et ses collègues (Naeem et al.,
1995) se positionnent quant à eux dans un objectif d’évaluer les effets des
pertes de biodiversité en proposant une étude basée sur des
expérimentations en écotron pour explorer la question suivante : « est-ce que
des écosystèmes appauvris mais intacts (contenant des producteurs primaires, des
consommateurs et des décomposeurs) procèdent différemment que des systèmes
plus spécifiquement riches dont ils découlent ? » (p. 249). Si les questions sont
étroitement liées, les méthodes pour y répondre sont différentes. Au regard
des méthodes utilisées, les premières études sur les relations BFE étudiaient
plutôt les effets d’un changement du nombre d’espèces (ou de groupes
fonctionnels) et non les conséquences des pertes d’espèces liées aux activités
humaines. Entre 1990 et 2012, ces études ont été de plus en plus été
justifiées par leur portée pour répondre aux questions relatives à la
fourniture de services écosystémiques et pour leur application dans le
domaine de la conservation. L’analyse bibliométrique montre cette évolution.
Une première analyse (figure 1) a été effectuée à partir des mots clés
suivants combinés dans la rubrique ‘Topic’ du Web Of Science :
- « *diversity » or « species richness »;
AND
- « ecosystem function » or « ecosystem functionning » ;
AND
- « Ecosystem service* »
Cette première analyse générale montre que le concept de service
écosystémique est de plus en plus utilisé dans les études qui font référence à
la biodiversité et au fonctionnement des écosystèmes. Néanmoins, les mots
clés utilisés peuvent renvoyer à une grande diversité de travaux qui ne
relèvent pas nécessairement des études sur les relations entre biodiversité et
fonctionnement des écosystèmes.
13
Figure 1 : Evolution des publications sur le fonctionneme nt des écosystèmes
et sur les serv ices écosystémiques
Une seconde analyse plus fine a donc été effectuée seulement sur les travaux
qui associent les mots clés relatifs à la biodiversité à ceux sur le
fonctionnement des écosystèmes et l’expression SE. Les résumés de ces
articles ont été parcourus afin de considérer uniquement les travaux qui
traitent effectivement des relations entre biodiversité et fonctionnement des
écosystèmes. Parmi ceux-ci, nous avons identifié les articles qui ont recours
au concept de SE comme une justification de la po rtée de leur travaux des
articles qui mettent en avant une évaluation des SE en assimilant les SE aux
fonctions des écosystèmes (figure 2).
Figure 2 : Evolution de la façon d’utiliser le concept de SE dans les travaux
sur les re lations biodiversité fonctionneme nt des écosystèmes
Cette seconde analyse permet de voir que le nombre de travaux sur les
relations biodiversité fonctionnement des écosystèmes qui ont recours au
14
concept de SE augmente. Si le concept de SE était surtout utilisé comme
justification des études BFE dans les premières années, de plus en plus
d’études BFE mettent en avant directement l’étude de la pro duction de SE,
en assimilant les SE aux fonctions des écosystèmes.
Débats autour des études sur les relations BFE
Dans les années 90, les études sur les relations BFE ont suscité des débats
relatifs à l’interprétation des résultats. L’effet positif de la b iodiversité sur des
processus des écosystèmes démontré par différents auteurs (Naeem et al.
1995; Tilman and Downing 1994) est remis en question par d’autres
(Huston, 1997; Wardle et al., 1997). Huston met en avant plusieurs
problèmes méthodologiques dans la réalisation de ces études :
- la confusion entre l’effet de l’ajout de nutriments et celui de la diversité
spécifique sur la production des prairies ;
- les effets d’échantillonnage : en choisissant de façon aléatoire les
espèces, plus on augmente le nombre d’espèces et plus la probabilité
de sélectionner une espèce avec une propriété particulière est élevée.
Ces biais méthodologiques ont donné lieu à de nouvelles conceptions des
expérimentations ou des modèles théoriques (Tilman et al. 1997) et à des
synthèses pour identifier les points de consensus et de divergences (Hooper
et al. 2005; Cardinale et al. 2012).
Les principales conclusions de ces articles sur les relations BFE sont les
suivantes :
1. L’effet de la richesse spécifique sur le fonctionnement des écosystèmes
peut être lié à la présence d’une ou quelques espèces qui ont un effet
dominant
sur
certaines
propriétés
de
l’écosystème
(effet
d’échantillonnage). Cet effet de la composition spécifique est
particulièrement important sur la productivité.
2. L’effet de la richesse spécifique ou fonctionnelle sur le fonctionnement
peut être lié à des interactions positives entre espèces. Ce type d’effet
peut se cumuler avec l’effet d’échantillonnage.
3. La réponse des propriétés de l’écosystème sature à partir d’une
certaine richesse spécifique.
4. La réponse à la richesse spécifique varie selon les processus étudiés et
les écosystèmes considérés.
5. Les pertes de diversité entre niveaux trophiques ont le potentiel
d'influencer les processus de façon plus importante que la diversité au
sein d'un niveau trophique.
Questions soulevées par l’application de ces travaux pour
conservation et pour l’étude des services écosystémiques
la
Le développement du concept de SE s’inscrit clairement dans l’inquiétude des
conséquences des pertes de biodiversité et de la dégradation des
écosystèmes liés aux activités humaines. L’approche par les SE, et
notamment dans le MA, est fondée sur les relations BFE et recourt aux
travaux des années 90 sur ces relations pour justifier son discours.
Dès lors que les travaux sur les relations BFE ont été mobilisés pour répondre
à des questions plus pragmatiques relatives aux conséquences des pertes de
15
biodiversité liées aux activités humaines sur la fourniture de SE, de nouvelles
questions méthodologiques ont été soulevées (Cardinale et al. 2012; Kremen
2005). Ces questions se posent aussi dans le domaine de la conservation de
la biodiversité (Schwartz et al., 2000; Srivastava and Vellend, 2005) et de
façon plus globale en écologie pour la validation de ces travaux dans des
conditions réelles (Symstad et al. 2003) ou pour mieux considérer la
complexité des écosystèmes (Lecerf and Richardson, 2010).
Premièrement, les résultats sur les relations BFE ont été obtenus à partir de
modèles théoriques ou d’expérimentations conduites à l’échelle de la parcelle
tandis que les stratégies pour la conservation de la biodiversité ou le
maintien des SE se posent à des échelles plus grandes (Kremen 2005).
Deuxièmement, la majorité des études évaluent les effets de la diversité sur
la production. A partir de quelques études s’intéressant à d’autres processus,
il a été démontré que l’effet de la diversité dépend des processus considérés
(Hooper et al. 2005). L’effet de la diversité sur des processus considérés
comme importants dans l’approche par services tels que la régulation du
climat ou la purification de l’eau est plus difficile à étudier (Schwartz et al.,
2000). Il existe ainsi un décalage entre les processus importants à étudier
pour évaluer les risques de perte de services et les processus qui ont été le
plus largement étudiés en écologie fondamentale. Troisièmement, les
expérimentations pour étudier les relations BFE s’appuient sur une réduction
du nombre d’espèces au hasard. Pourtant, dans la réalité, les disparitions
d’espèces n’ont pas lieu de façon aléatoire. Les traits qui favorisent
l’extinction des espèces sont souvent positivement corrélés à ceux qui leur
procurent une importance pour certaines fonctions des écosystèmes
(Srivastava and Vellend, 2005; Zavaleta and Hulvey, 2004). Ainsi, les traits
qui rendent les espèces attractives ou nocives pour les humains sont souvent
des traits qui caractérisent des contributions particulières de ces espèces
dans les écosystèmes (Lawler et al., 2002).
Ces questions méthodologiques se posent lorsque les SE sont considérés
comme un sous-ensemble des fonctions. En effet, même si les processus
étudiés sont similaires (e.g. pollinisation, régulation des cycles hydriques,
production de biomasse), les échelles d’analyse et les modalités de
disparition des espèces sont différentes. Ceci a conduit au développement
d’études en milieu réel et notamment dans des agroécosystèmes qui
explorent les relations entre la diversité spécifique ou fonctionnelle et la
pollinisation (Kremen et al., 2002), ou la protection contre les parasites
(Avelino et al., 2011).
D’autres questions méthodologiques viennent s’ajouter lorsque les services
sont considérés comme résultant de plusieurs fonctions ou comme étant un
coproduit du fonctionnement de l’écosystème et des activités humaines ( cf
thème 3).
16
Thème 2 : Place du concept de SE dans l’approche systémique
Dans les débats sur les services écosystémiques on peut trouver à la fois des
auteurs qui mettent en avant une avancée de cette approche liée à
l’intégration d’une vision plus (éco)systémique des relations hommes-nature
et d’autres auteurs qui soulignent le risque d’une compartimentation de la
nature. Ces deux points de vue se retrouvent notamment dans les réponses
à un article sur les services écosystémiques proposé par Anne Teyssèdre
dans la section « Regards et débats » du site de la Société Française
d’Ecologie5 .
« L’apport principal de cette notion de services écosystémique est
l’importance accordée aux processus écologiques complexes, qui rompt
profondément avec la notion de ‘renouvellement de stock’ qui était
celle qui dominait lorsqu’on parlait auparavant des ‘ressources
naturelles’ » Harold Levrel, économiste
« …c’est cette ‘compartimentation’ de la nature en une liste de services
qui me semble problématique vis-à-vis de l’écologie en tant que
discipline scientifique » Fabien Quétier, écologue
Ces points de vue éclairent l’existence d’interprétations assez contradictoires
des services écosystémiques. Cette section tente d’identifier dans la
littérature sur les services (travaux originels, Millennium ecosystem
assessment et travaux d’opérationnalisation du concept) les éléments qui
permettent d’expliquer ces deux interprétations ou sentiments différents à
l’égard du concept de SE.
Un concept militant pour une vision écosystémique de notre relation
à la nature
A l’origine du concept : considérer les processus écologiques
Le concept de service écosystémique et ses précurseurs (services de la
nature, fonctions de la nature, fonctions de l’environnement) ont été mis en
avant par des écologues dans les années 80 avec la volonté de souligner
notre dépendance à la nature et l’urgence à garantir un bon fonctionnement
des écosystèmes (Daily, 1997; de Groot, 1987; Ehrlich and Ehrlich, 1982).
Mais au-delà d’un cri d’alarme, certains auteurs montrent spécifiquement la
volonté, avec ce concept, d’introduire une vision beaucoup plus
écosystémique des bénéfices que nous tirons de la nature. Ils positionnent
ainsi le concept de services écosystémiques en rupture avec celui de
ressources naturelles. Le concept de ressource est présenté comme étant
centré sur les composantes des écosystèmes qui nous sont utiles (ex : eau,
bois, poissons), sans considérer ni les processus écologiques permettant le
renouvellement de ces composantes ni ceux qui peuvent être utiles aux
hommes en tant que tel (ex : régulation des cycles hydriques, stockage du
5
17
http://www.sfecologie.org/regards/2010/10/25/regards -4-teyssedre/
carbone). L’introduction d’une nouvelle approche émane de la volonté de
reconnaître que le fonctionnement des écosystèmes dans son ensemble, et
pas seulement ses composantes, est utile aux humains. Ainsi, De Groot
(1992), l’un des précurseurs du concept de SE, précise que “the concept of
environmental functions thus includes not only the harvestable goods (i.e. natural
resources in the narrow sense) and land uses values but also refers to other benef its
of natural environment which are less tangible” (p.4) . Il définit les fonctions de
l’environnement comme « la capacité des processus naturels et des composants à
fournir des biens et des services qui satisfont les besoins humains » . Ce concept
de fonctions de l’environnement couvre les ressources mais les resitue dans
une vision plus large des bénéfices que les humains tirent des écosystèmes
en intégrant les processus écologiques. Cette rupture avec le concept de
ressource est aussi soulignée dans des travaux sur l’évaluation des services.
Perrings et al. (1995) distinguent l’économie des ressources, qui fonde ses
travaux sur la biologie des populations et attribue des valeurs aux
populations, de l’économie de l’environnement qui fonde ses travaux sur
l’écologie des écosystèmes. Barbier et al. (2009) montrent de façon plus
marquée la relation avec l’écologie d’Odum en précisant que les « actifs »
(asset) dont sont issus les bénéfices ne représentent pas les traditionnels
stocks de l’économie des ressources mais le système qui produit les flux de
ces choses (p. 248). Ces auteurs assimilent ainsi les services
d’approvisionnement aux ressources renouvelables, sur lesquelles se sont
focalisés jusqu’alors la majorité des travaux en économie des ressources.
Ainsi, que ce soit de la part des écologues ou des économistes (ecological
economic), l’introduction du concept est motivée par la volonté de prendre en
compte le rôle des processus des écosystèmes en plus des composantes des
écosystèmes, déjà reconnues dans le do maine de la gestion avec le concept
de ressources naturelles; et déjà intégrées dans les évaluations économiques
à travers les valeurs d’usage direct.
L’approche écosystémique dans le MA : une vision plus holistique que
systémique
Dans le Millennium Ecosystem Assessment, la vision écosystémique est mise
en avant en référence à l’approche écosystème (Ecosystem approach) telle
que définie par la convention sur la diversité biologique 6 . Si l’approche
écosystème souligne la nécessité de considérer le fonctionnement des
écosystèmes, les limites et les échelles spatio -temporelles qui caractérisent
les processus des écosystèmes (principes 5 à 8) ; il s’agit d’une approche de
gestion des écosystèmes, relevant d’une vision holistique qui place l’homme
au cœur de l’écosystème. Cette approche de gestion est souvent confondue
avec l’approche écosystémique telle que définie en écologie pour la
compréhension du fonctionnement des écosystèmes en termes d’interactions,
de rétroactions et de flux d’énergie.
L’approche écosystème souligne que les objectifs de gestion relèvent de
choix sociétaux (principe 1). Le MA fait référence à l’approche écosystème
6
Principes de l’approche écosystèmes telle que défin ie par la CDB :
http://www.cbd.int/ecosystem/principles.shtml
18
plutôt par rapport à cette vision holistique, de façon cohérente avec la place
attribuée aux services écosystémique de lien entre les écosystèmes et le
bien-être humain.
“The CBD states that the ecosystem approach is a strategy for the
integrated management of land, water, and living resources that
promotes conservation and sustainable use in an equitable way. This
approach recognizes that humans, w ith their cultural diversity, are an
integral component of many ecosystems. In order to implement the
ecosystem approach, decision makers need to understand the multiple
effects on an ecosystem of any management or policy change.” Global
Assessment report, chapitre 1, p.29.
Ainsi, les auteurs du MA insistent plus sur la vision holistique - comprise
comme une vision qui considère les humains comme composante des
écosystèmes -, que sur la vision systémique qui insiste sur les processus et
les feedbacks au sein de l’écosystème.
Dans les schémas qui illustrent le cadre conceptuel du MA (figures A et B pp.
vi-vii de la synthèse),
en arrière plan des services écosystémiques,
apparaissent les termes « Life on earth – Biodiversity ». Ces termes semblent
donc
représenter
les
écosystèmes qui supportent
les
services
écosystémiques. Lele et al. (In press) soulignent que les composantes
abiotiques ne sont pas intégrées dans ces termes. Ils questionnent l’omission
des énergies fossiles ou nucléaires qui contribuent pourtant au bien-être.
D’un point de vu plus conceptuel, la mise en exergue des composantes
biotiques et de la biodiversité peut apparaître en décalage avec une approche
écosystémique en écologie, qui intègre justement les interactions entre les
organismes vivants et entre eux et leur environnement abiotique. Bien que
cette définition des écosystèmes soit donnée dans le texte, elle n’apparaît
pas clairement dans les schémas conceptuel du MA.
Bien que le rôle des processus soit intégré au travers des services support et
de régulation, la classification en groupes de services et leur présentation
sous forme de liste évoque une vision compartimentée plutôt que systémique
des écosystèmes et des bénéfices tirés par les humains.
Quelle vision systémique dans l’opérationnalisation du concept de SE
?
Certains écologues rencontrés en entretien ont montré une certaine
déception liée au décalage entre les promesses d’un concept de service
écosystémique
ancré
dans
une
approche
systémique
et
une
opérationnalisation qui tend plutôt à compartimenter les éléments de la
nature.
« Effectivement, il y avait ce pari, et ça avait quelque chose d’un petit
peu… encourageant, que dans service écosystémique, il y avait
écosystème, y’avait service, bon très bien avec t out ce que ça a de
problématique mais bon, y’avait écosystème et donc y’avait cette idée
de pouvoir restaurer peut -être une réflexion sur des temps longs, sur
des connectivités entre habitats, sur ce qui fait qu’un écosystème
aujourd’hui, c’est complexe. Donc, avec des réflexions sur la non-
19
linéarité des systèmes, sur le retard de certaines réponses etc. Et ben
tout cet aspect écosystémique, moi je le cherche encore, il a disparu
parce qu’on n’a pas pu s’empêcher de classer, de séparer, de diviser. »
Nous avons ainsi tenté d’identifier, dans la littérature sur les travaux
d’opérationnalisation du concept de SE, les travaux qui évoquent plutôt une
approche écosystémique en termes de complexité, d’interactions, de
feedbacks, de non linéarité et d’autres travaux plutôt évocateurs d’une
approche compartimentée, réductionniste, qui aborde les relations de façon
linéaire ou sous forme de listes. Cette analyse vise à comprendre l’origine
des sentiments partagés sur l’approche par services écosystémiques, sans
prétendre attribuer une portée systémique ou non aux travaux.
Des approches qui tendent à réduire la complexité
La tendance consistant à compartimenter les éléments de la nature peut
s’analyser comme une difficulté à mettre en œuvre des approches
systémiques, fondées sur le maintien de processus, dans une perspective de
gestion des écosystèmes.
La difficulté à mettre en œuvre des approches systémiques pour la gestion
est mise en avant de deux manières:
- une première qui met l’accent sur la nécessité de fournir des
informations pertinentes pour les gestionnaires;
- une seconde qui part du constat que les objectifs de la gestion des
écosystèmes sont fixés en fonction des produits finaux que nous
utilisons dans les écosystèmes.
Luck et al. (2009) justifient ainsi leur cadre d’analyse de la fourniture de
services écosystémiques par la nécessité de simplifier la pensée systémique
pour fournir des informations pertinentes pour la gestion : “Although
ecosystem services are generated f rom my riad interactions occurring in complex
systems, we need to understand at least some of the key relationships to manage
the delivery of service effectively” (p.225) . Ces auteurs proposent ainsi les
concepts de Service-Providing Units (SPU) et Ecosystem Service Provider
(ESP, introduit par (Kremen 2005)), regroupé sous le concept de ServiceProvider (SP) pour identifier et quantifier les populations, les espèces ou les
habitats qui fournissent des services. Cette approche est introduite en
complément des travaux qui s’intéressent aux relations entre diversité
spécifique et fonctionnelle et processus des écosystèmes (travaux de Diaz,
Tilman, Loreau…) ou services écosystémiques (travaux de Balvanera, Diaz,
Lavorel…), soulignant que « un focus sur la diversité en soi ne doit pas passer à
côté de l’analyse de la contribution de chacune des espèces, populations et
génotypes aux services écosystémiques » (p.224) . En définissant les services
écosystémiques comme le sous-ensemble des fonctions des écosystèmes (ou
des processus des écosystèmes), Luck et al. et Kremen s’intéressent aux
services en tant que processus et reconnaissent donc le rôle du
fonctionnement des écosystèmes. Ils étudient d’ailleurs uniquement des
services de régulation et services supports. Cependant, leur analyse fondée
sur l’identification d’entités (à l’échelle d’une population, d’un groupe
fonctionnel ou d’un habitat) qui sous-tendent les services évoque plutôt une
20
approche compartimentée de l’écosystème. Ils soulignent d’ailleurs qu’ils
reconnaissent que les interactions entre providers sont cruciales pour la
fourniture de services mais qu’ils adoptent une vision en termes de serviceprovider clé analogue au concept d’espèce clé de voute (p.228).
Wallace (2007) justifie quant à lui sa remise en cause du cadre du MA en
pointant que la classification proposée confond à un même niveau des
processus (des moyens) pour atteindre les services et les services euxmêmes (des fins). Il considère que la gestion des écosystèmes est guidée
par l’objectif de réorganiser les éléments des écosystèmes pour qu’ils
délivrent des services qui correspondent mieux aux valeurs humaines
(p.236). Cette idée se retrouve dans le cadre proposé par Mace et al. (2012)
qui est celui retenu dans l’évaluation des écosystèmes anglais (Mace and
Bateman, 2011). Ces auteurs distinguent les processus des écosystèmes (ou
services intermédiaires) des services finaux qui fournissent des biens aux
humains et justifient ce cadre notamment par le fait que « le focus de la
gestion de l’environnement et de l’habitat est le service final plutôt que les processus
sous-jacents » (p.20).
Wallace suggère que la définition des objectifs de gestion, et donc des
services, soit fondée sur les éléments des écosystèmes et ce, pour 3 raisons.
Premièrement, les éléments des écosystèmes sont mieux connus que les
processus et la structure et la composition sont de meilleurs indicateurs des
processus que l’inverse. Deuxièmement, en focalisant la gestion sur le
maintien des processus, certaines espèces peuvent être considérées comme
ne méritant pas d’être protégées car leur rôle dans les processus clés n’a pas
été démontré. Cette remarque s’appuie notamment sur les travaux sur les
relations biodiversité – fonctionnement des écosystèmes qui montrent une
saturation des processus à partir d’un certain nombre d’espèces (Hooper et
al. 2005). Troisièmement, les humains mesurent leur bien-être en termes de
bénéfices tangibles (alimentation, eau, or…) ou de bénéfices abstraits. Dans
les deux cas, les bénéfices sont exprimés en quantité et non au regard des
cycles d’azote qui se déroulent correctement. Wallace définit donc les
services comme des bénéfices et des actifs des écosystèmes (assets) qui
sont directement utilisés ou autrement bénéfiques pour les humains (p.240).
Bien que la composition des écosystèmes et les services écosystémiques
soient difficiles à distinguer dans ses définitions, la liste proposée de services
(Aliments, Oxygène, Protection contre les prédations etc. p.241) montre que
l’auteur reconnaît le rôle du fonctionnement des écosystèmes pour le bienêtre humain et pas seulement les ressources qui peuvent être extraites de
ces écosystèmes. Cependant, l’approche consistant à décrire les objectifs de
gestion en termes de composition des écosystèmes évoque une vision de
l’écosystème structurée en compartiments. Cette vision est soulignée par
Costanza (2008), qui, en réponse à l’article de Wallace, regrette une
approche simplificatrice de la complexité des écosystèmes et une vision trop
linéaire des relations entre écosystèmes et bien-être.
Une vision systémique dans les approches multi-services
L’approche en termes de service provider peut-être considérée comme une
première étape d’une approche plus systémique dès lors qu’elle participe à
une réflexion sur la participation de ces ESP à différents services à travers
21
plusieurs niveaux trophiques. Ainsi, De Bello et al. (2010) proposent de
compléter les travaux qui associent des groupes d’organismes à certains
processus ou services écosystémiques (travaux de Kremen par exemple) et
ceux qui identifient les caractéristiques et mécanismes par lesquels ces
organismes agissent sur les processus des écosystèmes (travaux de Luck par
exemple) par une analyse des relations entre les activités des organismes à
différents niveaux trophiques et les processus et services écosystémiques. Ils
basent leur étude sur la synthèse de différents travaux qui associent les
traits fonctionnels de différents groupes d’organismes à des processus ou des
services écosystémiques, et ce, à différents niveaux trophiques. Ils proposent
le concept de grappe de traits-services (Trait-service clusters) résultant des
multiples associations entre traits et services à travers différents niveaux
trophiques (p. 2876).
D’autre part, si la majorité des études, et notamment le MA, étudient les
services de façon individuelle ou éventuellement les interactions entre deux
services, d’autres approches se développent pour considérer les relations
entre plusieurs services (Bennett et al., 2009; Raudsepp-Hearne et al.,
2010). Ces travaux considèrent les trade-offs et synergies entre services et
les mécanismes sous-jacents à ces relations, reflétant ainsi une vision plus
systémique des services en termes de feedbacks et de dynamiques.
22
Thème 3 : Diversité des définitions et des cadres d’analyse des
services écosystémiques
La recherche de définitions des termes utilisés dans les travaux d’écologie sur
les relations entre biodiversité, fonctionnement des écosystèmes et bien-être
humain, ainsi que les entretiens réalisés avec des écologues de Montpellier
ont mis en exergue une grande diversité de l’interprétation et de l’utilisation
du concept de service écosystémique.
Cette diversité est abordée dans cette étude sous deux angles : (1) les points
de divergence qui peuvent être mis en évidence entre les différentes
interprétations du concept de service écosystémique et (2) les précisions
apportées par les cadres d’analyses des services écosystémiques, qui
proposent des alternatives ou adaptations au cadre du MA.
Explorer le spectre de ce qui est entendu derrière l’expression «
services écosystémiques »
L’analyse des travaux sur les services écosystémiques montre que ce concept
est appréhendé de différentes façons, y compris lorsque les auteurs font
référence à la définition donnée par le Millenium ecosystem assessment
(MA), qui est la plus répandue dans la littérature. Cette définition,
« Ecosystem services are the benefits provided by ecosystems », est suffisamment
large pour qu’une multitude de processus et produits puissent être analysés
au nom de la compréhension ou de l’évaluation des services écosystémiques.
Leur
classification
en
services
de
type
supports,
régulation,
approvisionnement et culturels laisse aussi place à l’étude d’une grande
diversité de processus.
Suite à la publication du MA en 2005, plusieurs auteurs ont pointé du doigt
des confusions ou des imprécisions dans la définition donnée par le MA et ont
proposé de nouvelles définitions (Boyd and Banzhaf, 2007; Fisher et al.,
2009; Hein et al., 2006; Wallace, 2007). Leurs précisions portent sur trois
points :
- Considérer les SE comme des entités et non comme des processus
(Boyd and Banzhaf, 2007)
- Distinguer les SE des fonctions des écosystèmes (Hein et al., 2006;
Wallace, 2007)
- Distinguer les SE des bénéfices (Fisher et al., 2009)
Ces précisions ont permis à d’autres auteurs de se positionner par rapport à
la définition du MA et aux nouvelles définitions proposées (Díaz et al., 2006;
Haines-Young et al., 2010).
Plus récemment, une nouvelle question émerge dans les travaux sur les
services écosystémique sur la considération du rôle des humains dans la
fourniture de SE (Braat and de Groot, 2012; Lele et al., In press; Tallis et al.,
2012).
Enfin, bien que ce ne soit pas nécessairement souligné dans la littérature, les
discussions sur les SE montrent qu’il existe des interprétations différentes
relatives à l’origine des services, et spécifiquement des services
d’approvisionnement. Certains auteurs limitent ces services aux écosystèmes
23
« naturels » tandis que d’autres considèrent aussi les services produits dans
les systèmes agricoles7 .
Les interprétations des services écosystémiques sont donc explorées au
regard de ces cinq critères :
1. Les SE sont-ils considérés comme des entités et/ou des processus ?
2. Les SE sont-ils considérés comme des fonctions de l’écosystème et/ou
des produits de ces fonctions ?
3. Les SE sont-ils considérés comme des bénéfices ou comme des
fournisseurs de bénéfices ?
4. Les SE sont-ils considérés comme des produits de l’écosystème ou
comme des produits conjoints des écosystèmes et des activités
humaines ?
5. Les SE sont-ils limités aux écosystèmes « naturels » ?
Les différentes interprétations ont été identifiées dans la littérature et les
entretiens à partir des définitions données explicitement et des précisions
apportées mais aussi à partir des classifications et des autres éléments
considérés par les auteurs dans la relation entre écosystèmes et bien-être
humains. En effet, tous ces éléments permettent de mieux saisir les contours
de ce que les auteurs associent aux services écosystémiques.
L’analyse se base sur une sélection d’articles d’auteurs clés dans le domaine
et d’auteurs qui ont explicitement proposé des précisions de la définition des
SE.
Les SE : des processus et/ou des entités
La distinction entre processus et entité vise ici à souligner la différence entre
respectivement, l’expression d’une action, qui se traduit en termes lexical par
des noms se terminant souvent par « -tion » (digestion, production,
régulation)8 , et la description d’un matériau ou objet (bois, eau, fruits). La
même distinction peut se retrouver entre services et biens mais nous
préférons utiliser les termes de processus et entités compte tenu de
l’ambigüité relative au terme service soulignée ici.
La définition et la classification du MA laissent entendre que les SE peuvent
être des processus ou des entités. En effet, les services de régulation
peuvent être considérés comme des processus (e.g. régulation du climat,
traitement des déchets) ; les services support couvrent majoritairement des
processus (e.g. formation des sols, photosynthèse) et des entités comme
l’eau (cf Synthèse p.106) ; les services d’approvisionnement couvrent des
entités (e.g. la nourriture, le bois, les fibres) et ; les services culturels
couvrent à la fois des entités (e.g. paysages culturels) et des formes de
processus ou activités (e.g. récréation, tourisme).
7
Tout en reconnaissant que la distinction entre système naturel et non naturel n ’est pas très pertinente, il
s’agit ici de distinguer des biens produits sans intervention humaine d’autres biens produits avec une forte
intervention humaine. Par exemple, distinguer un fruit produit par un arbre qui a poussé spontanément et se
reproduit de façon autonome d’un fruit produit par un arbre qui a été planté, taillé, amendé et dont l’espèce
a été sélectionnée par des humains.
8
http://www.cnrt l.fr/definition/-tion
24
Dans leur article sur la valeur des services écosystémiques, Costanza et ses
collègues (1997) précisent qu’ils regroupent des biens (entités) et des
services (processus) sous le terme service écosystémique. Ceci n’est pas
précisé dans le MA mais apparaît implicitement à travers l’utilisation
récurrente de l’expression « biens et services des écosystèmes ».
Daily quant à elle considère que les services écosystémiques sont des
processus et les distingue des biens des écosystèmes.
« Ecosystem services are the conditions and processes through which
natural ecosystems, and the species that ma ke them up, sustain and
fulfill human life. They maintain biodiversity and the production of
ecosystem goods, such as seafood, forage, timber, biomass fuels,
natural fiber, and many pharmaceuticals, industrial products, and their
precursors. […] In addition to the production of goods, ecosystem
services are the actual life-support functions, such as cleansing,
recycling, and renewal, and they confer many intangible aesthetic and
cultural benefits as well. » (p.3)
Ainsi Daily semble considérer spécifiquement la part processuelle dans le
service écosystémique. Néanmoins, ceci n’empêche pas de considérer le rôle
de ces processus dans la production d’entités (les biens des écosystèmes).
Dans cette perspective, ces biens sont des résultats des services et non les
services eux-mêmes.
Boyd et Banzhaf (2007) se sont distingués de la définition du MA et de celle
de Daily notamment en considérant que les services doivent se cantonner
aux entités.
“In addition to being directly used, another important aspect of our
definition of ecosystem services is that they are “components”. This
means that services are ecological things or characteristics, not
functions or processes. Ecosystem components include resources such
as surface water, oceans, vegetation types, and species populations.”
(p.620)
Face à la question de savoir si leur définition des services ne couvre pas
plutôt des biens (des choses), Boyd et Banzhaf répondent que les « stocks
sont souvent des proxy de mesure des services » (p.620) . Leur argument est que
la contribution écologique au bien-être est souvent sous forme d’actifs («
asset ») qui représentent un apport de capital à la production. Ainsi, parmi
les services identifiés par le MA, ces auteurs retiennent seulement certains
services d’approvisionnement tels que le bois, le coton, le bois énergie, le
bétail ou les cultures (p.623).
Wallace (2007) aborde la question d’une approche par les composants ou par
les processus mais à un autre niveau que Boyd et Banzhaf. En effet, il
souligne que certains auteurs utilisent le terme service en incluant à la fois
les biens et les services tandis que d’autres distinguent les deux. Il se situe
parmi ceux qui utilisent le terme service au sens large (biens et services),
dans la lignée du MA mais suggère tout de même de remplacer le terme «
service écosystémique » par « bénéfice écosystémique ». Wallace introduit la
distinction entre entités et processus mais il la situe au niveau des critères de
caractérisation des services et non des services eux-mêmes. En effet, dans
son cadre d’analyse (tableau 3, p.241), il distingue les processus des
écosystèmes des éléments biotiques et abiotiques, parmi les « processus et
actifs qui doivent être gérés pour délivrer des services écosystémiques ». Il
suggère ainsi que la définition des objectifs de gestion, et donc des services,
25
soit basée sur les éléments de structure des écosystèmes plutôt que sur les
processus, notamment du fait que les humains mesurent leur bien-être en
termes de quantité des composantes des écosystèmes et non en termes
d’efficacité d’un processus (p.239).
L’approche de Wallace éclaire aussi deux types d’interprétations qui peuvent
être données à la notion d’entité, éléments ou composantes. Ces entités
peuvent être considérées comme étant les composantes des écosystèmes
elles-mêmes ou comme étant la résultante de l’action des processus
écologiques sur ces composantes. Ces deux formes d’entités sont difficiles à
distinguer dans les écosystèmes dans la mesure où les composantes de
l’écosystème sont à la fois les supports et les acteurs des processus et à la
fois le résultat de ces processus. Ainsi, dans la définition de Wallace, les
services semblent être à la fois les produits des processus (“We manage
ecosystem processes with the goal of re-organising ecosystem elements to deliver
ecosystem services” p.236) et à la fois les composantes de l’écosystème luimême (“All services are equal in that they will always be ecosystem assets that are
directly used or otherwise of benefit to individual humans” p.240 ).
L’argument de Wallace à propos des mesures en termes de quantité est
aussi mis en avant par Diaz et al. (2006) dans l’objectif de justifier que le
concept de service doit couvrir à la fois les entités et les processus. En effet,
Diaz et ses collègues incluent dans les services les biens matériels et
immatériels (e.g. nourriture, bois) et les services qui résultent des processus
des écosystèmes (formation des sols, maintien de la fertilité) (Box 1,
p.1301). Ils soulignent leur différence avec l’interprétation de Boyd et
Banzhaf, en expliquant que dans leur perspective conceptuelle, ils préfèrent
utiliser une vision large des SE pour éviter que l’évaluation soit biaisée en
faveur des services qui peuvent être quantifiés (comme la nourriture) mais
qui ne sont pas forcément les plus critiques. Notons cependant que si ces
auteurs reconnaissent des entités et des processus comme services, ils
étudient spécifiquement les services qui relèvent de processus (cf encadré
rouge dans figure 1 p.1301).
Dans leur papier introductif pour la revue « Ecosystem Services », Braat et
De Groot (2012) abordent cette question du regroupement des biens et
services sous le terme Services écosystémiques. Ils caractérisent les
processus par l’idée de « travail effectué » et les entités par l’idée de «
produit » (ou bien) mais acceptent que ces aspects différents aient pu être
regroupés sous le terme de services écosystémiques pour des raisons
pratiques (p.5). Ils suggèrent néanmoins que pour les travaux futurs relatifs
à ce concept la distinction entre biens et services soit rétablie.
Les SE : fonctions des écosystèmes ou produits de fonctions ?
A l’origine, les fonctions des écosystèmes se définissent en écologie comme
les processus intervenants au sein d’un écosystème sans tenir compte de
l’utilité de ces processus pour les humains (Odum, 1956 In Braat and de
Groot 2012).
Dans le MA, l’intégration des services de type support dans la classification
laisse entendre que les SE peuvent être assimilés aux fonctions des
écosystèmes. Nous avons d’ailleurs pu noter, lors d’échanges oraux dans des
26
communautés d’écologues (notamment au CEFE, laboratoire du CNRS à
Montpellier), que cette catégorie de services est souvent appelée fonction.
Néanmoins, les autres types de services mentionnés dans le MA montrent
que les SE ne se cantonnent pas aux fonctions. Les services culturels
illustrent particulièrement bien cette idée.
L’assimilation des services supports aux fonctions des écosystèmes a conduit
certains auteurs à écarter ce type de services de leur classification : « we do
not distinguish the category ‘supporting services’ which represents the ecological
processes that underlie the functioning of the ecosystem » (Hein et al. 2006, p.
211) . De plus, ces auteurs n’intègrent dans les services de régulation que
ceux qui sont perçus comme utiles par les humains.
Kremen (2005) ou Luck et al. (2009) considèrent quant à eux les services
comme la part des fonctions des écosystèmes qui sont utiles aux humains.
Tout au long de son article, Kremen utilise les termes de service ou fonction
de façon indifférenciée, par exemple : « The services provided by ecosystems
are ecosystem-wide or community attributes; nonetheless these functions can often
be characterized by… » 9 (p.469). L’assimilation totale des services aux fonctions
des écosystèmes est aussi illustrée par le fait que cette auteur fait référence
à des travaux sur les relations biodiversité – fonctionnement des
écosystèmes pour tirer des conclusions sur la fourniture de services (travaux
de Tilman ; Jonsson et al. ; Peterson, Allen et Holling). L’interprétation des
services comme étant équivalents aux fonctions, dans le type de processus
étudiés, semble aussi être celle de Daily. Il est évident que, en considérant
que les SE sont des fonctions, ces auteurs considèrent les SE comme des
processus (cf point 1 ci-dessus) mais la réciproque n’est pas vrai (Tableau 1).
En effet, Wallace considère que les SE sont des produits de fonctions mais ne
cantonne pas pour autant les SE à des entités. Il critique le mélange entre
des moyens et des fins sous un même niveau de classification, tel que
proposé par le MA. La définition qu’il propose cantonne les services aux fins.
Dans les exemples donnés (Tableau 3, p.241), les services sont
essentiellement des entités (e.g. nourriture, oxygène, eau), quelques actions
en termes de protection (protection contre les prédations ou contre les
maladies), des variables environnementales (température, humidité, lumière,
chimie) et l’accès au ressources pour un épanouissement socio-culturel (pour
la récréation, l’esthétisme etc). En insistant sur la distinction entre ce qui est
de l’ordre des fins et des moyens, Wallace distingue clairement les fonctions
des écosystèmes des services. Compte tenu des ambigüités que peut
soulever le concept de fonction, il retient le terme processus des
écosystèmes et l’utilise comme synonyme de fonction. Les processus sont
considérés comme les moyens qui permettent d’assurer des services (fins).
Enfin, d’autres auteurs qui considèrent parmi les services des processus et
des entités introduisent une distinction supplémentaire entre les processus
biophysiques des écosystèmes, les fonctions des écosystèmes et les services
(de Groot et al. 2012). Les processus peuvent être interprétés comme les
actions primaires des écosystèmes (e.g. la production primaire ou la
photosynthèse) tandis que les fonctions présentent un lien plus direct avec
les services (e.g. fonction de purification de l’eau pour fournir le service eau
potable).
9
27
Les termes services et fonctions ne sont pas soulignés dans le texte o rig inal.
Enfin, certains auteurs précisent que les services peuvent résulter des
interactions entre plusieurs fonctions (de Bello et al. 2010).
Les SE : bénéfices ou fournisseurs de bénéfices ?
La définition et le cadre du MA interprètent les services comme étant euxmêmes les bénéfices pour les humains (Millenium Ecosystem Assessment
2005): « Ecosystem services are the benefits people obtain f rom ecosystems
(p.40)/ Ecosystem services are the benefits provided by ecosystems (p.39)» .
Dans les cadres d’analyse plus récents, plusieurs auteurs introduisent la
notion de bénéfices en la distinguant de celle de service (Boyd and Banzhaf
2007; Fisher et al. 2009; de Groot et al. 2012). Fisher et Turner (2008)
mentionnent explicitement que « les services ne sont pas des bénéfices »
(p.1168). Considérer les services comme fournisseurs de bénéfices ou
bénéfices eux-mêmes est indépendant du fait de considérer les services
comme des processus ou des entités. Ainsi, Fisher et Turner ou Boyd et
Banzhaf considèrent tous deux les services comme des fournisseurs de
bénéfices mais les premiers considèrent que les services peuvent être des
entités ou des processus (« ecosystem services include ecosystem organization or
structure as well as process and/or functions » (F isher et a l. 2009, p.645)) tandis
que les seconds considèrent que les services sont des entités (Tableau 1).
Pour illustrer le fait que certains auteurs définissent les services comme des
bénéfices fournis par les écosystèmes ou comme les attributs des
écosystèmes qui conduisent au bénéfices, Nahlik et al. (2012) prennent
l’exemple des poissons. Si les SE sont interprétés comme des attributs des
écosystèmes (fournisseurs de bénéfices), les SE seront les poissons tandis
que si les SE sont interprétés comme des bénéfices, alors ce seront les
poissons exploités pour le commerce qui seront considérés comme SE. Dans
ces deux interprétations, les SE sont considérés comme des entités bien
qu’ils puissent être considérés comme bénéfice ou fournisseur de bénéfice.
Cet exemple renvoie aux deux types d’entités qui peuvent être distinguées :
les entités-composantes de l’écosystème (e.g. les poissons) et les entitésproduits des processus (e.g. poisson pour le commerce).
L’introduction des bénéfices en aval de services dans la relation écosystèmes
– bien être humain relève de la volonté (1) de distinguer clairement ce qui a
un impact explicite (ou du moins ce qui est perçu comme ayant un impact)
sur le bien-être humain (e.g. plus de nourriture, moins d’inondations) et (2)
de reconnaître que pour que les écosystèmes aient un impact sur le bien-être
humain, cela nécessite une contribution d’autres formes de capital
notamment du capital humain. Les services peuvent ainsi se définir comme
des processus strictement écologique (qui affectent le bien-être humain)
tandis que pour en tirer des bénéfices, il faut leur apporter d’autres capitaux.
Les SE : produits de l’écosystème ou co-produits des activités
humaines et des écosystèmes ?
Dans sa synthèse, le MA propose deux définitions légèrement différentes:
-
28
“Ecosystem services are the benefits provided by ecosystems” (p.39)
- “Ecosystem services are the benefits people obtain from ecosystems” (p.40)
La première définition sous-entend que les services sont issus exclusivement
(ou sont) des processus écologiques tandis que la seconde laisse entendre
que des dynamiques ou des capitaux extérieurs à l’écosystème peuvent
participer à la fourniture de services (Fisher et al. 2009). Ces deux tendances
se retrouvent dans le document à travers les verbes d’action associés aux
SE. Les SE peuvent être « utilisés », « dégradés », « maintenus », « conservés » …
ce qui laisse entendre que les SE sont des composantes des écosystèmes, au
même titre que pouvaient l’être les ressources naturelles (Weber et al.
1990). On peut aussi « inciter/payer les propriétaires à fournir des SE » , ou «
augmenter la productivité des SE », ce qui sous-entend une participation
humaine à la fourniture de SE.
Le cadre proposé par le MA illustre quant à lui une relation unidirectionnelle
des écosystèmes vers le bien-être humain, qui correspond plutôt à la
première définition présentée ci-dessus.
La majorité des définitions des SE semblent reconnaître que l’existence d’un
service écosystémique est conditionnée par la présence d’un bénéficiaire,
d’un humain qui utilise ou perçoive ce service. Haines-Young et al. (2010)
par exemple soulignent que « les services n’existent pas de façon isolée des
besoins humains » (p.116). Ceci est une première façon de considérer la
participation des humains à l’existence du service.
La participation des activités humaines à la fourniture de services peut aussi
être considérée à travers l’impact des activités humaines sur les
écosystèmes. Ainsi, les hommes modifient les écosystèmes et ces derniers
vont donc fournir des services différents. Cette façon d’intégrer les activités
humaines apparait dans le cadre du MA avec la flèche entre la boîte « direct
drivers of change » et la boite « ecosystem services » (Figure 3).
29
Figure 3 : Cadre conceptuel du MA sur les inte ractions entre biodive rsité,
services écosystémiques, bien-être et facteurs de c hangeme nt (Millennium
Ecosystem Assessment, 2005)
Ces deux façons de considérer la participation humaine à la fourniture de
services sont résumées dans la Figure 4, A.
Néanmoins, dans ces approches, le service reste considéré comme un produit
de l’écosystème (modifié ou non par les humains). Fisher et Turner (2008)
par exemple précisent que « les services écosystémiques sont de nature
écologique » (p.1168) . Ainsi, dans la mise en œuvre de l’approche par service,
les études qui proposent une évaluation des services se limitent le plus
souvent à évaluer le potentiel bio-physique, sans tenir compte de l’existence
d’un bénéficiaire ou d’une demande (Tallis et al., 2012). Les travaux qui
cherchent à cartographier les services écosystémiques par exemple se basent
sur des caractéristiques biophysiques telles que des fonctions ou
composantes des écosystèmes (Egoh et al., 2008) ou les traits fonctionnels
(Lavorel et al., 2011) comme proxy pour cartographier la distribution de
services.
Si l’introduction de la notion de bénéfices dans les cadres d’analyse des
services permet de considérer la contribution des activités humaines au
niveau du bénéfice, certains auteurs considèrent la participation des activités
humaines directement au niveau du service écosystémique. Tallis et al.
(2012) distinguent le potentie l biophysique de l’écosystème pour fournir un
SE (« supply ») du SE lui-même.
“Measuring supply is necessary but not sufficient to determine the level
of ecosystem service provision or the resultant benefits to society.
Measuring the actual delivery of services to people also requires
30
information concerning
services.” (p.980)
the
demand
for
and
use
of
ecosystem
Cette proposition d’analyse de la fourniture de services semble relever d’une
interprétation des SE comme un co-produit des activités humaines et des
écosystèmes (Figure 4, B).
Figure 4 : Façons de considére r la participation des activ ités humaines à la
fourniture de se rvices
Production de SE : dans les écosystèmes naturels ou anthropisés ?
Les enjeux soulevés par cette question sont particulièrement explicites pour
les services d’approvisionnement. Prenons l’exemple de la nourriture,
présentée en tête de liste des services d’approvisionnement dans le MA.
Considère-t-on que la nourriture peut-être un produit de l’agriculture (e.g. le
blé cultivé) ou considère-t-on uniquement les produits alimentaires issus des
écosystèmes « naturels » (e.g. les fruits récoltés dans la forêt) ?
Le MA intègre les deux dans la liste des services d’approvisionnement. En
effet, parmi les sous-catégories du service nourriture sont mentionnés d’une
part, les cultures, l’élevage et l’aquaculture (évalués comme des services en
croissance) et d’autre part les pêches et les produits issus des plantes et
animaux sauvages (évalués en déclin en raison de la surexploitation des
pêches et du déclin des habitats naturels) (Millenium Ecosystem Assessment
2005, Table 2.1, p.41). Cette intégration des services produits aussi bien
dans les écosystèmes naturels que dans les agro-écosystèmes est cohérente
avec la volonté du MA de souligner notre dépendance aux écosystèmes.
Dans son ouvrage Nature’s services, Daily (1997) précise quant à elle qu’elle
considère uniquement les services issus des écosystèmes naturels (p.2). Ce
choix est justifié par trois principaux arguments : 1) les biens et services qui
découlent des écosystèmes naturels sont largement sous-évalués par la
société (notamment car ils ne sont pas commercialisés dans des marchés
formels); 2) les perturbations anthropiques des écosystèmes naturels sont
difficile voire impossibles à inverser et 3) si la tendance actuelle continue, les
humains vont détruire tous les écosystèmes naturels restants.
Pourtant, pour certains, l’intérêt du concept de service écosystémique est de
permettre aux écologues de s’intéresser aux écosystèmes anthropisés ou aux
agro-écosystèmes.
« Oui tout a fait, parce que ça [l’utilisation du concept de SE en
écologie] changeait quand même la perception des gens qui ont
travaillé d’une écologie qui était surtout dirigée à étudier les espèces
dans des systèmes purs. Aux Etats-Unis, tous les wilderness areas…
donc quand on parlait de l’écologie, c’était surtout aller dans les
31
réserves, étudier les espèces en
absence de l’humanité, et
certainement avec les services écosystémiques alors là, on commence
de plus en plus à considérer l’écologie comme un outil ou une science
qui avait aussi une application très importante dans les paysages
dominés par les humains. » (Entretien avec F. DeClerck, mars 2013).
Dans le domaine de la conservation, ceci se traduit par l’intégration des
stratégies classiques de conservation des espèces dans les aires protégées
dans une vision plus large qui considère aussi la biodiversité en dehors de
ces zones et la fourniture de services écosystémiques sur le long terme
(Haslett et al., 2010). Dans ce contexte, les écologues qui travaillent sur les
services écosystémiques dans les agro -écosystèmes s’intéressent plutôt aux
services de régulation. L’un des arguments mis en avant rejoint ceux de Daily
: les services d’approvisionnement fournis par les agro -écosystèmes sont
largement couverts par les marchés tandis que les services de régulation
sont peu pris en compte. Cet argument est aussi celui qui justifie la mise en
place de paiements pour services environnementaux, notamment par la FAO
(externalités).
L’approche de De Groot dans son ouvrage « Functions of Nature » peut
s’interpréter comme une approche intermédiaire. Dans cet ouvrage, les
fonctions de production (qui peuvent être assimilées aux services
d’approvisionnement) se limitent aux « biens produits naturellement et pour
lesquels l’homme a seulement besoin d’investir du temps et de l’énergie dans la
collecte » (p.83). Par contre, dans les systèmes cultivés, De Groot considère
que la fonction de la nature n’est pas de fournir une ressource mais plutôt un
substrat et un espace adéquat pour produire ces ressources. Le rôle des
écosystèmes dans les systèmes agricoles est donc compris parmi des
fonctions de types « porteuses » (« Carrier functions »).
Conclusion
L’analyse des définitions présentée cidessus montre que la définition du MA
est la plus large possible par rapport aux
5 critères (Figure 5).
Si certains auteurs regrettent le flou de
cette définition et soulignent la nécessité
de la préciser pour que le concept puisse
être
opérationnalisé
dans
une
perspective de gestion des écosystèmes
(Boyd and Banzhaf, 2007; Wallace,
2007), ce caractère englobant de la
définition du MA a aussi permis à
différents auteurs de resituer différents
types de travaux en se référant aux SE.
Figure 5 : Définitions des auteurs clés et du MEA en fonction des cinq critères
32
Evolution des cadres en réaction au cadre du Millennium Ecosystem
Assessment
Au-delà de ces multiples interprétations du concept de services, plusieurs
cadres et classifications ont été proposés depuis celui du MA. Ces cadres ont
souvent été développés dans une perspective d’opérationnalisation de
l’approche par services écosystémiques, notamment pour les évaluations
nationales et internationales (Mace and Bateman 2011; De Groot et al.
2010).
Wallace (2007) et Boyd et Banzhaf (2007) remettent en question la
définition, le cadre et la classification proposés par le MA et regrettent
notamment sa complexité et son caractère flou. Fisher et al. (2009)
soulignent quant à eux que le document du MA intitulé « A framework for
assessment » ainsi que des auteurs clés dans la rédaction du MA sont clairs
sur le fait que le cadre proposé n’est pas statique et que le concept est voué
à évoluer. Ils suggèrent que la communauté scientifique s’intéresse aux
façons dont les SE sont définis et utilisés par les différents acteurs.
Ainsi, différentes typologies et cadres d’analyse des services ont été proposés
à la suite du MA. Dans la lignée du MA, certains auteurs tentent de redéfinir
les SE et préciser la typologie du MA (De Groot et al. 2002; Fisher and Turner
2008; Mace and Bateman 2011; Tallis et al. 2012). D’autres auteurs
proposent des typologies basées sur d’autres notions que les services pour
décrire les relations entre les processus écologiques et le bien-être humain
mais explicitent le lien entre les éléments décrits et les services (Balmford et
al., 2011).
De façon plus ou moins explicite, les nouveaux cadres qui sont proposés
cherchent tous à démêler les relat ions qui se créent depuis le fonctionnement
des écosystèmes jusqu’au bien-être humain. Ces nouvelles typologies et
cadres peuvent être analysés au regard des relations spécifiques qu’ils
s’attachent à préciser. Ces nouveaux cadres proposent une caractérisation
plus fine des relations entre le fonctionnement des écosystèmes et la
fourniture de services et/ou entre les services et le bien-être humain.
Les précisions apportées sont présentées ci-dessous en explicitant les
stratégies choisies pour clarifier les relations entre les différents éléments de
la relation.
Mieux caractériser la relation entre le fonctionnement
écosystèmes et la fourniture de services écosystémiques
des
Le MA cherche à rendre compte de l’ensemble des processus écologiques qui
peuvent servir, de façon directe ou indirecte, aux humains. Cette volonté de
reconnaître le rôle du fonctionnement des écosystèmes jusqu’aux processus
écologiques de base sous-jacents à toute production ou tout phénomène de
régulation des cycles biophysiques dont les humains bénéficient, associée à
un manque de connaissances sur ces processus écologiques de base, permet
de comprendre l’origine de la classification du MA en services supports,
services de régulation, services d’approvisionnement et services culturels et
33
l’intégration de ces différents types de services dans la définition et le cadre
des SE.
Bien que cette typologie ait largement été utilisée dans les travaux sur les
SE, le mélange de processus écologiques fondamentaux qui ont un effet
indirect sur le bien-être humain et de processus qui leurs sont plus
directement utiles a suscité des adaptations du cadre du MA qui se traduisent
de trois façons différentes :
- Exclusion de ce qui relève des processus écologiques de la définition
des SE ;
- Distinction, parmi les SE, entre ceux qui relèvent de processus
fondamentaux de l’écosystème et ceux qui sont plus directement utiles
aux humains ;
- Exclusion de ce qui relève des processus écologiques de la définition
des services et précision, parmi ces processus, de ceux qui relèvent
de processus fondamentaux de l’écosystème et ceux qui sont plus
directement liés à al fourniture de SE pour les humains.
1. Exclure les processus écologiques de la définition des SE
Parmi les types de services reconnus par le MA, Hein et al. (2006) retiennent
seulement les services de régulation, services d’approvisionnement et
services cultures parmi les SE. Bien qu’ils reconnaissent la typologie du MA,
Hein et ses collègues considèrent que les services supports « représentent les
processus écologiques qui sous-tendent le fonctionnement des écosystèmes » (p.
211) et justifient leur exclusion par deux arguments. Le premier concerne
l’opérationnalisation du concept pour l’évaluation des SE. Dans la mesure où
ces services sont à la base du fonctionnement des écosystèmes, leur valeur
est déjà intégrée aux autres types de services et les inclure dans l’évaluation
pourrait conduire à un double compte. Le second argument concerne le
manque de connaissances relatives au fonctionnement des écosystèmes. De
nombreux processus écologiques sous-tendent le fonctionnement des
écosystèmes mais ceux-ci sont mal connus. Dans ce contexte comment isoler
ceux qui participent à la fourniture de services de régulation,
d’approvisionnement ou culturels et qui doivent être pris en compte dans
l’évaluation ?
Ainsi, Hein et ses collègues cherchent à clarifier la classification du MA en
excluant les services qui relèvent de processus inhérents à l’écosystème, qui
n’ont pas de relation directe avec le bien-être humain et dont la relation
indirecte est difficile à identifier. Ces processus inhérents à l’écosystème ne
sont donc plus considérés dans l’analyse proposée par ces auteurs. De Bello
et al (2010) quant à eux choisissent de considérer les services supports et les
services de régulation sous un même type en raison de la difficulté à les
distinguer.
Dans la même idée, Wallace (2007) considère que les services supports et
les services de régulation ne sont pas directement demandés par les humains
et relèvent de processus écologiques qui sous-tendent les services
d’approvisionnement et culturels. Son argumentaire pour écarter les services
supports et de régulation de la liste de ce qu’il considère comme service est
34
basé sur une distinction entre les fins et les moyens. Wallace remet en
question la classification du MA car elle met sur le même plan des processus
(moyens) qui sous-tendent des services et les services eux-mêmes (fins).
Cette confusion pose selon lui problème pour l’opérationnalisation du concept
de SE. Si le problème du double compte est posé, Wallace souligne surtout la
nécessité de redéfinir les services et leur classification pour que ce concept
soit pertinent pour les gestionnaires des écosystèmes et les prises de
décision dans ce domaine. Il circonscrit donc les services aux bénéfices car
ces derniers sont les objectifs qui guident la gestion des écosystèmes (les
fins) et les indicateurs de la qualité des processus écologiques sous-jacents
(les moyens).
Ainsi, Wallace propose une redéfinition des services et une nouvelle
classification basée sur les valeurs humaines soutenues par ces services
(Figure 6).
Figure 6 : Cadre et typologie proposés pa r (Wa llace, 2007)
Sa définition et sa classification sont resituées dans un nouveau cadre dans
lequel les processus inhérents à l’écosystème ne sont plus compris parmi les
services. Néanmoins, ce cadre souligne l’importance de ces processus et les
35
resitue en amont des services dans les relations entre fonctionnement des
écosystèmes et bien-être.
2. Distinguer parmi les SE ce qui relève de processus fondamentaux
de ce qui relève de processus utiles aux humains
La distinction entre des services intermédiaires et des services finaux (Figure
7) proposée par Fisher et ses collègues (Fisher and Turner 2008; Fisher et al.
2009) peut aussi être considérée comme relevant d’une volonté de distinguer
les processus inhérents à l’écosystème (services intermédiaires) des
processus qui seront directement utiles aux humains (services finaux)1 0 . Les
services intermédiaires comprennent à la fois des éléments de structure et
des processus. « La structure des écosystèmes est considérée comme un service
dans la mesure où elle fournit la plate-forme à partir de laquelle les processus des
écosystèmes se produisent » (p.646) . Les services intermédiaires reposent donc
sur des interactions entre la structure et les processus des écosystèmes et
conduisent aux services finaux. Les services finaux résultent d’une interaction
entre de multiples services intermédiaires. Ce cadre est celui qui a été adopté
dans le cadre de l’évaluation des écosystèmes du Royaume Uni (application
nationale du MA)(Mace and Bateman 2011).
Figure 7 : Cadre et typologie proposés pa r (F isher et al., 2009)
Ces différents niveaux de processus restent néanmoins compris comme des
services car ces auteurs considèrent que, « tant qu’il y a des bénéficiaires, la
plupart des éléments et des processus des écosystèmes fournissent des services »
(Fisher and Turner 2008, p. 1269). Les auteurs mentionnent clairement
qu’ils ne retiennent pas la seconde définition du MA (« Benefits people obtain
10
L’idée de considérer des services finaux a été introduite par Boyd & Ban zhaf (2007), surtout pour
répondre au problème du double compte dans l’évaluation. Ces auteurs considèrent que « la plupart des
composantes et fonctions des écosystèmes sont des produits intermédiaires dans la mesure où ils sont
nécessaires à la production de services mais ce ne sont pas des services. » (p.619).
36
from ecosystems ») car ils considèrent que les services concernent des
phénomènes écologiques (Fisher et al. 2009, p.644)1 1 . Néanmoins, la
réciproque de l’idée que tout processus fournit un service tant qu’il y a un
bénéficiaire est aussi soulignée : « les services écosystémiques incluent
l’organisation et la structure des écosystèmes ainsi que les processus et/ ou les
fonctions si ils sont consommés ou utilisés par l’humanité directement ou
indirectement. […]. Sans bénéficiaires humains il n’y a pas de services » (p.645).
Balmford et ses collègues (2011), parmi lesquels on retrouve Fisher,
s’appuient sur cette distinction entre services intermédiaires et services
finaux mais proposent une autre terminologie plus proche des concepts
d’écologie. Ils définissent des lots reliés entre eux qui « diffèrent selon leur
proximité au bien-être humain » (p.164) : les processus écosystémiques
fondamentaux (core ecosystem processes), les processus écosystémiques
bénéfiques (beneficial ecosystem processes) et les bénéfices des
écosystèmes. Les deux premiers sont considérés comme des fonctions
biophysiques : les processus fondamentaux sont des fonctions basiques des
écosystèmes (cycle de nutriments et de l’eau) tandis que les processus
bénéfiques sont ceux qui délivrent les bénéfices aux humains (production de
biomasse). Les services écosystémiques n’apparaissent plus dans le schéma
de la relation entre fonctionnement des écosystèmes et bien-être humain.
Néanmoins, Balmford et ses collègues croisent leur typologie avec celle du
MA pour identifier parmi les processus fondamentaux (e.g. production,
décomposition, cycles nutritifs), les processus bénéfiques (e.g. pollinisation,
contrôle biologique, production de biomasse) et les bénéfices (e.g. cultures,
bois d’œuvre, fibres issues des cultures) les 4 types de services
écosystémiques décrits par le MA (Figure 8).
Ce cadre est celui qui a été proposé dans la première phase du TEEB
(Balmford et al., 2008).
11
Ainsi, les services culturels du MA ne sont pas considérés comme des SE ; ils constituent des bénéfices
issus des services (voir section suivante).
37
Figure 8 : Cadre et typologie proposés pa r (Balmford et al., 2008) et
correspondance avec le typologie du MA
3. Exclure ce qui relève des processus écologiques de la définition des
services et préciser ces processus
Le cadre retenu dans le document final du TEEB (de Groot et al., 2012) est
une adaptation du cadre proposé par Haines-Young et Potshin (2010). Ces
cadres isolent les processus écologiques des services et détaillent la relation
entre les processus inhérents aux écosystèmes et la fourniture de service en
proposant un schéma (Figure 9) en cascade dont les éléments relevant des
écosystèmes (la « boîte » écosystème et biodiversité) sont découplés en :
Processus ou structure biophysique
Fonctions
38
Figure 9 : Cadre en cascade proposé dans le cadre du TEEB (de Groot et al.,
2012)
Les fonctions sont définies comme le potentiel des écosystèmes à délivrer
des services (purification de l’eau), tandis que la structure et les processus
biophysique sont des composantes et dynamiques fondamentales du
fonctionnement de l’écosystème (e.g. photosynthèse, cycles nutritifs). Les
services supports tels que définis par le MA sont donc considérés parmi les
fonctions et les processus biophysiques des écosystèmes et ne sont plus
compris parmi les services écosystémiques. Ce découplage entre processus
et fonctions pourrait être assimilé à celui proposé par Fisher entre services
intermédiaires (qui comprennent structure et processus) et services finaux.
Néanmoins, le cadre retenu dans le TEEB ne considère pas ces processus et
fonctions comme des services. Il serait donc plus proche des notions de
processus fondamentaux et processus bénéfiques mais contrairement à
Balmford, le cadre du TEEB retient le concept de service comme un élément
de la relation entre les processus des écosystèmes et les bénéfices pour les
humains. Les services sont définis comme une conceptualisation des choses
utiles que les écosystèmes font pour le bien-être humain, ils comprennent les
biens et les services.
Au-delà de leur clarification du rôle des processus des écosystèmes dans la
relation entre fonctionnement des écosystèmes et bien-être, certains cadres
présentés ci-dessus tentent aussi d’isoler et clarifier ce qui est relatif au bienêtre humain.
39
Mieux caractériser la relation entre services écosystémiques et bienêtre humain
Dans la définition et le cadre du MA, les services sont directement considérés
comme les bénéfices qui participent au bien-être humain (Fisher et al. 2009).
Les cadres de Boyd & Banzhaf, de Fisher, de Balmford et du TEEB isolent le
bénéfice pour les humains dans leur analyse de la relation entre
fonctionnement des écosystèmes et bien-être. Boyd & Banzhaf (2007, p.619)
et Fisher et Turner (2008, p.1168) mentionnent clairement que les services
ne sont pas des bénéfices.
L’introduction de la notion de bénéfices dans le cadre d’analyse des services
est justifiée par ces auteurs par deux caractéristiques spécifiques de ce
maillon dans la relation fonctionnement des écosystèmes-bien-être:
- Les bénéfices sont les produits finaux qui affectent directement le bien-être
humain.
- La réalisation des bénéfices nécessite l’apport de capitaux humains ; les
bénéfices étant un produit conjoint des services écosystémiques et d’autres
capitaux.
1. Des bénéfices en lien direct avec le bien-être humain
Concernant le premier point, la définition des bénéfices varie légèrement
selon la place et la définition des services dans les différents cadres.
Balmford et al. (2011), dont le cadre n’intègre pas directement la notion de
services, associent aux bénéfices des services d’approvisionnement et des
services culturels tels que définis par le MA (Figure 8). Les auteurs qui
conservent la notion de service dans leur cadre (de Groot et al., 2012; Fisher
et al., 2009) distinguent quant à eux les bénéfices des services
écosystémiques (Figure 7 et Figure 9). Fisher et al. considèrent que les
services culturels tels que définis par le MA ne sont pas des SE mais des
bénéfices car ce ne sont pas des phénomènes écologiques.
L’intégration de la notion de bénéfice pour caractériser en quoi les SE
participent au bien-être (et distinguer ainsi services et bénéfices) permet de
reconnaître le caractère subjectif des bénéfices issus des services et ainsi les
multiples points de vue relatifs aux SE. Cette idée émerge dès lors que les
auteurs mentionnent que les bénéfices issus d’un même service (ou d’un
même processus bénéfique) peuvent être multiples (De Groot et al. 2010;
Fisher et al. 2009; Balmford et al. 2011). Par exemple, la nourriture assure la
nutrition mais aussi du plaisir voire une identité sociale. Fisher et al. (2009)
abordent clairement la question des multiples points de vue à travers l’idée
que les services sont « bénéfice-dépendant » (p.648). Ainsi, les bénéfices qui
intéressent une personne vont dicter ce qu’elle comprend comme un SE.
Cette perspective conduit à considérer les conflits qui peuvent émerger du
fait que différents acteurs peuvent percevoir des bénéfices différents issus du
même SE. Dans le cadre retenu par le TEEB les éléments relatifs au bien-être
sont découplés en distinguant les bénéfices et les valeurs attribuées à ces
bénéfices (figure 9). De Groot et al. reconnaissent ainsi que de multiples
valeurs peuvent être associées à un bénéfice et que l’évaluation de ces
bénéfices est subjective (p. 21).
40
Cette notion de bénéfice suscite aussi des réflexions relatives à l’évaluation
des services. Fisher et al. (2009) proposent de faire porter l’évaluation sur
les bénéfices et avancent que leur classification évite les double-compte
puisque seul le bénéfice final est évalué. Ils préconisent d’être clairs sur les
services finaux et bénéfices considérés. En effet, un même service peut être
considéré comme intermédiaire ou final selon le bénéfice considéré. Par
exemple, la production primaire d’une forêt sera un service final si l’objectif
est le bois d’œuvre mais elle sera un service intermédiaire si l’objectif est
l’eau potable. La délimitation entre service intermédiaire et service final ne
peut donc être fixée à priori. La notion de dépendance du service au bénéfice
permet de préciser pour quel bénéfice le service est compté. Ainsi, dans une
forêt, la production de biomasse ligneuse sera évaluée seulement si des
humains tirent un bénéfice de cette production (en exploitant du bois
d’œuvre par exemple).
Dans le cadre de l’évaluation de multiples bénéfices, Balmford et al. (2011)
reconnaissent qu’un processus bénéfique de l’écosystème (ou service final)
peut avoir un effet sur différents bénéfices. Dans ce contexte, ce sont les
processus bénéfiques qui doivent être évalués.
Cette distinction entre service et bénéfice permet aussi de considérer dans
l’analyse les zones de production de service et les zones où des humains
bénéficient de ces services.
2. Considérer l’apport de capitaux humains au niveau des bénéfices
Le second point relatif à l’apport des capitaux humains est mentionné par
Boyd & Banzhaf (2007), Fisher et al. (2009) et Balmford et al. (2011). Boyd
& Banzhaf précisent qu’ils considèrent la récréation comme un bénéfice et
non comme un service car celle-ci résulte d’un usage conjoint de services
écosystémiques finaux et d’autres « biens et services conventionnels » (p.619).
Fisher et al. définissent le bénéfice comme «le point auquel le bien-être humain
est directement affecté et le point où d’autres formes de c apital (construit, humain,
social) sont potentiellement nécessaires pour réaliser le gain de bien-être » (p.646) .
Ils donnent l’exemple de la provision d’eau propre (service) et de l’eau
propre pour la consommation qui nécessite des outils d’extraction (bénéfice).
Les premières propositions de cadre pour l’IPBES semblent aussi vouloir
intégrer la notion de bénéfices issus des services (Key Message 6, p.9) et
l’idée que d’autres capitaux (appelés richesses dans ce cadre) participent à
ces bénéfices (Key Message 5, p.7-8). Cependant, l’étape à laquelle est
considérée la participation de ces capitaux reste flou, tantôt au niveau du
bien-être (Key Message 5) et tantôt directement au niveau du service (Key
message 9, p.12).
Bien que le TEEB (de Groot et al. 2012) introduise les notions de bénéfices et
valeurs dans le cadre retenu, la contribution du capital humain à la
production de ces bénéfices n’est pas considérée.
3. Considérer l’apport de capitaux humains au niveau du service
Dans un article plus récent, Braat et De Groot (2012) notent qu’avec la
représentation en cascade du TEEB (figure 9), le flux unidirectionnel vers le
bas peut laisser penser que les services coulent sans effort depuis les
41
écosystèmes jusqu’au bien-être humain (p.8). Ils mettent en avant le travail
que les humains doivent fournir pour que les services d’approvisionnement et
culturels et certains services de régulation leurs soient délivrés (en se basant
sur l’approche par flux d’énergie de Odum). Leur proposition de considérer
des travaux tels que le ramassage, la cueillette ou la chasse comme des
inputs nécessaires à la fourniture de service est différente de celle des
auteurs mentionnés ci-dessus qui intègrent la participation du capital humain
au niveau du bénéfice et non au niveau du service. En effet, la proposition de
Braat et De Groot implique que le service ne soit plus considéré comme
strictement issu d’un processus écologique. Or, Fisher et al. (2009)
défendent l’idée que les services écosystémiques concernent des
phénomènes écologiques (« we def ine ecosystem services to be about ecological
phenomena », p.644). Dans leurs travaux, l’introduction de la notion de
bénéfices en aval des services vient justement renforcer cette idée en
distinguant ce qui est de l’ordre des processus écologiques (services
intermédiaires et finaux) et ce qui est de l’ordre du bien-être humain
(bénéfices).
La proposition de Braat et De Groot trouve un écho dans le cadre proposé par
Tallis et al. (2012). Ce cadre distingue la structure et la fonction des
systèmes écologiques qui sont pertinents pour un service (supply), le service
réellement utilisé ou apprécié par les gens (service) et le changement qui en
résulte pour le bien-être humain (benefit) (figure 10). Ce cadre isole les
processus écologiques et les bénéfices pour les humains et considère les
services comme un co-produit des processus biophysiques et des activités
humaines. De façon assez proche du cadre du TEEB, les fonctions
écologiques et éléments biophysiques sont considérés comme un potentiel à
fournir un service donné et sont distingués du service en soi. Mais le cadre de
Tallis et al. se distingue du TEEB par la définition du service, dont la
fourniture réelle nécessite une demande et une utilisation par les humains.
«La distribution spatiale des gens, des infrastructures et des écosystèmes, le
contrôle des institutions sur l’accès et les comportements humains déterminent
comment les gens interagissent avec l’écosystème de façon à transformer le supply
en service qui est utilisé ou apprécié » (p.980).
Figure 10 : Cadre proposé par (Ta llis et al., 2012)
42
En France, une étude exploratoire a été conduite pour appliquer le cadre du
MA au niveau national (Maresca, 2009). Cette étude propose une adaptation
du cadre du MA qui semble vouloir considérer les services comme un co produit. Bien que peu de détails soient fournis sur les définitions des
différents éléments de ce cadre, cette analyse en termes de co-produit
semble être limitée à certains éléments qui sont considérés comme naturels
mais qui doivent beaucoup à l’intervention humaine. Ils donnent l’exemple de
la chasse, où une part du gibier peut-être maintenue grâce à des lâchers par
les humains. Ainsi, la participation humaine à la production de service ne
concerne pas le travail fournit de manière générale (ou le capital humain
apporté) pour que des éléments ou processus écologiques puissent être
transformés en services. La participation humaine renvoie aux actions
d’humains pour renforcer ou orienter des processus écologiques.
Figure 11 : Cadre proposé par (Maresca, 2009) pour le MA frança is
Conclusion sur les cadres d’analyse
L’analyse des cadres montre que la caractérisation de différentes étapes de la
relation entre écosystèmes et bien-être et de nouvelles voies de classificatio n
des services est aussi une façon de redéfinir les contours du concept de
service écosystémique, y compris lorsque la définition annoncée au départ
est celle du MA.
Ces nouveaux cadres visent à clarifier les différentes étapes de la relation
entre le fonctionnement des écosystèmes et le bien-être. Cependant, en
gagnant sur la capacité à évaluer les services de façon moins ambigüe, ne
risquons-nous pas de perdre de vue l’idée de dépendance des humains au
fonctionnement des écosystèmes ? Cette tendance a été soulignée lors d’un
de nos entretiens.
« La biodiversité n’est pas un service en soi mais elle est une propriété
du vivant, et cela ne rend pas toujours un service […] Donc, n’allons
43
pas raconter que la biodiversité rend service, ça a pas de sens. Du
coup, on découple, on fait reculer le service, service égale fonction ou
fonctionnement, non ça ne marche pas parce ce que… ce qu’on a dit
sur la pollinisation, sur le fait que ça dépend… du coup, service, on le
recule encore, on le recule au produit fini ; c 'est-à-dire … pour que ça
soit bien calculé, il faut inclure tous les coûts de production, le fait qu’il
y a des camions qui viennent, qu’il faut redistribuer le pot du miel, et
cela va ensuite sur les étalages etc. Du coup, on arrive au service
écosystémique comme quelque chose qui redevient… qui a perdu toute
sa vertu de départ. On revient à dire les services écoàsystémiques
c’est quasiment les produits alimentaires transformés, les produits
manufacturés, donc ce sont les choses commercialisées, et la
biodiversité a disparu là dedans, d’une certaine façon ».
La proposition de prendre en compte la participation des capitaux humains à
la fourniture des services (cadre de Tallis et al.) peut aussi être perçue
comme une avancée conceptuelle allant dans le sens d’une vision plus
systémique et holistique (approche système socio-écologique) intégrant les
dynamiques et les feedbacks entre système écologique et système social.
Cependant, du point de vue de l’opérationnalisation autour des Paiements
pour Services Environnementaux, cette façon de conceptualiser les SE peut
soulever des inquiétudes. En effet, une entreprise qui transforme de l’énergie
hydraulique en électricité pourrait revendiquer un paiement pour la fourniture
d’un service écosystémique.
44
Conclusion : éléments de discussion
Les éléments ci-dessous sont des amorces de réflexion à partir des résultats
sur les trois thématiques présentées.
Des utilisations multiples des SE pour des objectifs différents
La diversité des définitions et des cadres d’analyse des services
écosystémiques peut s’analyser comme le reflet des multiples objectifs qui
peuvent motiver le recours à ce concept. Les auteurs peuvent porter
plusieurs objectifs.
Les premiers travaux qui ont participé à l’émergence du concept étaient
avant tout des actions de sensibilisation (Costanza et al., 1997; Daily, 1997;
de Groot, 1992; Millennium Ecosystem Assessment, 2005). Bien que ces
travaux se soient aussi engagés dans différentes formes d’évaluation - pour
décrire les processus écologiques sous-jacents à la production de services,
analyser le niveau de dégradation ou développement des services ou pour
estimer la valeur économique globale des services sur la planète -, l’objectif
premier était de lancer un cri d’alarme sur les risques liés à la dégradation
des écosystèmes et aux pertes de la biodiversité. Cette sensibilisation peut
se faire via la démonstration de notre dépendance aux écosystèmes et à leur
fonctionnement ou via des évaluations économiques des services rendus par
les écosystèmes.
Dans le Millennium Ecosystem Assessment, la volonté de souligner notre
dépendance à tous les processus et composantes des écosystèmes, depuis
les processus élémentaires tels que la photosynthèse jusqu’aux composantes
comme le bois, se traduit par une définition et un cadre très englobant qui
intègrent à la fois des processus et des entités, des fonctions et des produits
de fonctions et qui considèrent parmi les services d’approvisionnement, ceux
qui sont produits par les écosystèmes naturels et par les systèmes agricoles.
La sensibilisation peut aussi être plus tournée vers ce qui n’a pas été pris en
compte dans le passé. Ainsi, la définition de Daily, dans son ouvrage
« Nature’s services » - qui considère les services comme des processus et
intègre uniquement parmi les services ce qui est produit par les écosystèmes
« naturels » -,
souligne une volonté de sensibiliser à ces processus
écologiques qui ne sont généralement pas reconnus, contrairement aux
produits de l’agriculture et aux composantes de l’écosystème, telles que le
bois ou les poissons, qui sont valorisés sur les marchés. Daily considère les
processus qui permettent le fonctionnement de l’écosystème et donc le
renouvellement de ces composantes qui sont finalement utiles aux humains,
plutôt que le produit en soi. Dans son ouvrage « the functions of nature »,
De Groot insiste aussi sur la nécessité de prendre en compte ce qui a été
oublié dans nos stratégies de gestion des écosystèmes.
“The traditional view has often been that natural ecosystems are
unproductive areas whose benefits can only be realized by conversion
to some other use. As a result, many natural areas have been altered
to serve other purposes simply because their value to society cannot
be adequately demonstrated and because traditional evaluation
methodologies automatically favour short term, high value uses of the
land.” (p. XII)
45
Cependant, De Groot considère aussi un rôle de la nature dans les systèmes
agricoles, lui aussi sous-estimé, qui est celui de fournir et renouveler le
substrat, le support des activités.
Enfin, cette volonté de sensibiliser et considérer ce qui n’est pas pris en
compte par ailleurs passe aussi par le choix des services étudiés. Ainsi, F. De
Clerck, bien qu’il se situe dans une définition large des services, incluant
notamment les produits de l’agriculture, focalise son travail sur les services
de régulation car ils ne sont pas pris en compte par les marchés.
Le recours au concept de SE dans une perspective d’évaluatio n nécessite des
précisions et des ajustements parmi les processus et composantes de
l’écosystème considérés comme services. Ceci se traduit dans les cadres par
une distinction entre ce qui relève du fonctionnement fondamental de
l’écosystème de ce qui relève des processus ou composantes directement
utiles. La limite entre ces deux types de processus n’est pas forcément très
nette, ce qui conduit par exemple Fisher et Turner (2008) à préciser que la
classification des services en services intermédiaires ou finaux dépend du
bénéfice considéré. Dans une perspective d’évaluation économique, ceci se
traduit par l’exclusion de certains processus fondamentaux de l’écosystème
de ce qui est retenu comme SE. Ainsi, les classifications proposées par Hein
et ses collègues (2006), par Wallace (2007) ou dans le TEEB (de Groot et al.,
2012), qui excluent ce qu’ils considèrent comme relevant de processus
écologiques, sont justifiées par le risque de double compte dans l’évaluation
des services. Pour les auteurs qui considèrent les processus fondamentaux
des écosystèmes parmi les services, le problème du double compte est
adressé en faisant porter l’évaluation au niveau du bénéfice plutôt qu’au
niveau du service (Fisher et al., 2009).
Par ailleurs, le concept de service écosystémique a aussi été investi par les
acteurs de la conservation et chercheurs en biologie de la conservation.
Comme dans le cas de Daily, l’objectif est de trouver un nouvel argument de
sensibilisation pour montrer l’urgence à assurer le fonctionnement des
écosystèmes (Marris, 2009). Au-delà de la sensibilisation, cet argument
représente pour certains un nouveau moyen de justifier la conservation de la
biodiversité plutôt que de focaliser sur la valeur intrinsèque de la biodiversité.
Compte tenu de la difficulté à démontrer une corrélatio n positive entre
biodiversité et fourniture de services, l’utilisation de cet argument nécessite
de redéfinir et approfondir les études sur les relations entre biodiversité et
fonctionnement des écosystèmes (Schwartz et al., 2000; Srivastava and
Vellend, 2005).
Dans ce contexte, certaines adaptations de la classification des SE proposée
par le MA semblent être motivées par la volonté de redonner une place à la
biodiversité dans l’approche par SE. Ainsi, dans le TEEB, une nouvelle
catégorie de services de type habitat a été introduite (de Groot et al., 2012).
Cette catégorie souligne le rôle des écosystèmes dans la fourniture d’habitat
pour les espèces migratrices et réservoir pour les processus qui maintiennent
l’évolution.
46
“Instead, the Habitat Service has been identified as a separate
category to highlight the importance of ecosystems to provide habitat
for migratory species (e.g. as nurseries) and gene-pool “protectors”
(e.g. natural habitats allowing natural selection processes to maintain
the vitality of the gene pool)” (p.19)
Faith et al. (2010) ont aussi proposé de compléter le concept de service
écosystémique avec celui de « Evosystem services » pour souligner que la
valeur de la biodiversité n’est pas seulement dans la fourniture de services ni
dans la valeur intrinsèque mais aussi dans le maintien du potentiel évolutif.
Ces pistes d’analyse des objectifs derrière l’utilisation des SE pourraient être
approfondies en analysant l’origine des promoteurs des différentes définitions
et leurs trajectoires.
Des débats sur les SE qui font écho à des débats plus larges en
écologie
Les questions soulevées par l’approche par services écosystémiques peuvent
être resitués ou comparés à des questions abordées de façon plus large en
écologie.
Justifier la préservation de la biodiversité pour son rôle dans la fourniture de
SE est questionné notamment parce que certains SE, et notamment les
services d’approvisionnement peuvent nécessiter seulement quelques
espèces pour être assurés. Ce débat peut être comparé à celui qui a animé
les écologues dans le cadre des travaux sur les relations biodiversité –
fonctionnement des écosystèmes. En effet, certains auteurs ont remis en
question les résultats montrant un effet de la diversité spécifique sur la
production car l’effet démontré pouvait être lié plus à la composition qu’à la
richesse spécifique. Dans les travaux BFE, la démonstration d’un effet de la
biodiversité sur le fonctionnement des écosystèmes a été appuyée en
considérant l’extrapolation des résultats obtenus en milieu réel et sur le long
terme. Les défenseurs de l’hypothèse d’un effet positif de la biodiversité sur
le fonctionnement des écosystèmes mettent ainsi en avant l’idée que si, en
milieu expérimental et sur du court terme, l’effet de la biodiversité n’est pas
toujours évident ; en milieu réel, intégrant de multiples niveaux trophiques et
des perturbations de l’environnement, le nombre d’espèce nécessaires pour
assurer le fonctionnement doit forcément être élevé.
Dans les discussions sur les SE, un argument similaire est utilisé : si un petit
nombre d’espèce peut suffire à fournir un SE spécifique ; la gestion des
écosystèmes implique de considérer la fourniture de différents services et sur
le long terme, un plus grand nombre d’espèces sera nécessaire, notamment
pour maintenir le potentiel évolutif compte tenu de l’évolution des besoins
humains.
Les questions relatives aux approche multi-services font aussi écho aux
discussions sur le land sharing/ land sparing en écologie. Ce débat oppose
une approche de gestion basée sur une dissociation dans l’espace entre des
espaces de production intensifs et des espaces « naturels » à une approche
de gestion basée sur des mosaïques de paysages où l’on cherche les
synergies entre conservation et production agricole notamment. L’idée de
47
resituer la conservation dans une approche où les aires protégées sont
intégrées dans une vision plus large dans laquelle on considère la fourniture
de services (Haslett et al., 2010) s’intègre tout a fait dans ce débat sur land
sharing/ land sparing. Elle peut aussi se resituer dans l’évolution de l’écologie
du paysage où l’on est passé d’une vision en termes de patchs et matrice,
considérant que les patchs de végétation « naturelle » dans le paysage
étaient dispersées comme des îles dans une matrice comparable à un océan ;
à une vision en termes de mosaïque où il existe des interactions entre les
différents éléments du paysage.
Enfin, les débats sur une approche écosystémique ou compartimentée
pourraient aussi se resituer dans une fluctuation historique de l’écologie entre
des approches basées sur la réduction, la simplification et des approches
basées sur la complexité, les deux étant finalement complémentaires.
48
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Le programme SERENA traite des enjeux liés à l’émergence de la notion de « service environnemental » dans le domaine des politiques
publiques concernant le milieu rural. Cette notion prend en compte non seulement la fonction productive des écosystèmes à travers
l’agriculture, traditionnellement appréhendée par les politiques agricoles, mais aussi d’autres fonctions : régulation, culturelles…
L’objectif du programme SERENA est d’identifier les principes, les mécanismes et les instruments qui facilitent la prise en compte de la
notion de service environnemental dans les nouveaux dis positif s d’action publique en milieu rural. Il s’agira de mieux comprendre les
recompositions des politiques publiques et d’être en mesure d’élaborer des recommandations pratiques pour en améliorer la mis e en œuvre.
Le programme SERENA, d’une durée de 4 ans (2009-2012), repose sur une analyse comparative internationale (France, Costa-Rica et
Madagascar) et mobilise environ 40 scientifiques, essentiellement de sciences sociales, issus d’organis mes de recherche franç ais (IRD,
CIRAD, CEMAGREF, CNRS, ENGREF, Université de Montpellier 3, Université de Versailles St Quentin en Yvelines, ENITAC, INRA…).
Les produits du programme SERENA (publications, guides opérationnels , CD Rom, site internet) seront déclinés pour deux publics
principaux : la communauté scientifique et la communauté des acteurs impliqués dans les politiques environnementales et rurales
(décideurs, experts, responsables d’organis ations de la société civile et du secteur priv é…).
The SERENA programme deals with issues linked to the emergence of the concept of environmental service in rural public policies. In this
context, ecosystems managed by agriculture are not only analysed from a traditional productive function perspective but also for their
regulatory, cultural functions, and thus for the services linked to the maintenance of habitats, biodiversity and landscape.
The overall objective of the SERENA programme is to identify the principles, mechanisms and instruments that enable for an incorporation of
the environmental service concept in public action for rural areas. Findings help to adjust public policies and to give practical
recommendations for service provision and management.
The SERENA programme runs for a period of four years (2009-2012), to carry out an international comparative analysis (France, Costa Rica
and Madagascar). The scientific research team consists of about 40 scientists mainly from social sciences, and from various F rench
research institutes (IRD, CIRAD, CNRS, ENGREF, CEMAGREF, University of Montpellier 3, University of Versailles Saint Quentin en
Yvelines, ENITAC, INRA…).
The outcomes of the SERENA programme are publications, handbooks, CD ROMs and web pages targeting two user groups: the scientific
community as well as stakeholders and decision-makers involved in environmental and rural policies formulation and implementation
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