Marie-Line Maublanc, CEFS-INRA, février 2019 ENVT
Introduction à l’éthologie
Pourquoi s’intéresser aux comportements animaux dans le cadre d’une formation vétérinaire ? Parce
que soigner un animal, c’est en prendre soin, assurer sa santé physique, mais plus largement son bien-
être, ce qui passe par le respect de ses besoins fondamentaux, dont fait partie la possibilité d’exprimer
des comportements propres à l’espèce, qu’il faut donc apprendre à connaître. De même qu’il faut
apprendre à connaître les comportements qui expriment un mal-être chez les diverses espèces que l’on
peut être amené à « soigner ».
Éthologie = étude biologique* des comportements animaux (y compris humains), dans
l’environnement dans lequel ils vivent (naturel ou non).
* Méthode scientifique = méthode empirique d’acquisition de connaissances permise par la
répétabilité du phénomène étudié : des observations rigoureuses mènent à la formulation d’hypothèses
sur les phénomènes observés, que l’on peut ensuite tester par de nouvelles observations ou par des
expérimentations, ce qui peut conduire à l’élaboration de théories.
Marie-Line Maublanc, CEFS-INRA, février 2019 ENVT
01- Histoire et théories en éthologie
Pourquoi parler théorie ? Parce que toute étude scientifique est effectuée dans le cadre d’une théorie.
Par exemple, nous admettons tous que la terre tourne sur elle-même et autour du soleil alors que c’est
le soleil que nous voyons tous les jours traverser le ciel et que nous n’avons pas l’impression de
tourner. D’ailleurs, aucun être humain n’a jamais vu la terre tourner autour du soleil… Mais une fois
admise, une théorie tend à devenir « transparente », c'est-à-dire qu’on ne voit plus qu’il s’agit d’une
théorie, et on a l’impression qu’il s’agit de faits bruts, observables, palpables, ce qui est évidemment
faux pour cette théorie héliocentrée, qui est particulièrement contre-intuitiveCette invisibilité est
préjudiciable, car on en oublie que toute théorie doit pouvoir être révisée, aménagée ou même
abandonnée (comme ce fut le cas pour la théorie géocentrée, selon laquelle tout tournait autour de la
terre).
Marie-Line Maublanc, CEFS-INRA, février 2019 ENVT
Évolution des espèces
On fait souvent remonter l’histoire de l’éthologie à Aristote (-384-322), qui a écrit une imposante
« Histoire des animaux », dans laquelle on trouve une description des mœurs de nombreuses espèces.
Mais les premières recherches vraiment dédiées à l’étude des comportements animaux datent de la fin
du XIXe siècle, et font suite à l’idée d’évolution des espèces, qui resurgit au début du XVIIIe siècle,
avec la découverte de fossiles de squelettes ne ressemblant à aucun squelette d'animaux vivants.
C’est Jean-Baptiste de Lamarck qui proposa une première théorie « transformiste », fondée sur
l’idée de complexification des organismes et de diversification adaptative, c'est-à-dire de spécialisation
des êtres vivants en de multiples espèces, sous l’effet des circonstances variées auxquelles ils sont
confrontés.
Puis Charles Darwin a ajouté à ces deux mécanismes ceux des variations spontanées et de la sélection
naturelle.
Ces idées suscitent un nouvel intérêt pour les ressemblances entre l'espèce humaine et les autres
espèces animales, notamment en ce qui concerne les comportements, dans une perspective
évolutionniste.
Marie-Line Maublanc, CEFS-INRA, février 2019 ENVT
Behaviorisme
Au début du XIXe siècle nait ainsi le « behaviorisme », ou « psychologie comparée », qui adopte l’idée
d’une continuité entre les processus observés chez l'animal et chez l'humain. Son objectif était
d’observer et de mesurer les comportements à l'aide des méthodes habituelles des sciences de la
nature, et de rechercher les variables qui influencent ces comportements, en mettant l’accent sur les
mécanismes en jeu à l’échelle de la vie de l’individu. Selon les behavioristes, les comportements sont
façonnés par des conditionnements aux stimuli en provenance de l’environnement, et les études
doivent donc porter sur le développement des comportements et sur l’apprentissage. L’idée était de
prédire les comportements (y compris humains), mais aussi d’utiliser les méthodes d’apprentissage
pour les contrôler et les orienter.
Dans le cas des animaux, le « canon » de Conway Morgan a établi les premières fondations et les
premières bases méthodologiques rigoureuses, en considérant que : « Nous ne devons en aucun cas
interpréter un comportement animal comme relevant de processus psychologiques de haut niveau, si
celui-ci peut être interprété comme relevant de processus de niveau inférieur sur l’échelle de
l’évolution psychologique et du développement ».
C’est ensuite John Watson qui invente le terme de behaviorisme et en établit les principes. Pour lui,
la psychologie doit se concentrer sur les comportements observables et mesurables et non sur les états
mentaux, qui sont inaccessibles (non seulement chez les animaux, mais aussi chez les humains, qui
n’ont pas l'aptitude à en fournir une analyse scientifique). On ne peut donc pas invoquer les processus
mentaux comme explication => ils sont assimilés à une boite noire.
L’explication des comportements ne résiderait pas dans la subjectivité de l’organisme, mais dans des
lois d’association simples, des mécanismes dont l’animal n’a pas conscience et sur lesquels il n’a
aucun moyen d’action. Par exemple, des rats qui ont été entrainés à trouver leur nourriture au fond
d’un petit couloir s’arrêtent à mi-chemin quand on double la longueur du couloir, et cherchent devant
un mur invisible la nourriture qui se trouve en évidence un peu plus loin. Autre exemple : une sterne
habituée à regagner son nid en évitant des buissons, continue à les « contourner » après qu’on les ait
coupés…
C’est Edward Thorndike qui introduit la notion de « loi de l’effet », selon laquelle tout
comportement, même le plus complexe, apparaît au hasard et s’installe ou disparait selon les
conséquences qu’il entraine, bonnes ou mauvaises. La connexion entre un stimulus et la réponse peut
donc être soit renforcée, soit affaiblie selon ses conséquences. Cette loi de l’effet est à la base des
apprentissages par renforcement.
Marie-Line Maublanc, CEFS-INRA, février 2019 ENVT
Comme Watson, Thorndike considérait que l’explication du comportement résidait dans ces lois
d’association. Il a ainsi montré que des chats enfermés dans une cage et attirés par de la nourriture
placée à l’extérieur, finissaient, par hasard, par actionner le mécanisme permettant l’ouverture de la
cage, et reproduisaient ensuite de plus en plus facilement ce comportement. Une fois qu’ils étaient
habitués à actionner ce mécanisme pour sortir, ils persistaient à le faire, même pour sortir d’une cage
qu’on avait ouverte en retirant tout un côté.
Enfin, Burrhus Frederic Skinner a développé la notion de conditionnement « opérant »* proposée
par Thorndike, et réalisé des conditionnements de plus en plus sophistiqués, surtout sur des rats ou des
pigeons, notamment dans ses « boites de Skinner », qui sont des cages munies de dispositifs à
actionner pour obtenir une récompense ou éviter une « punition », comme un choc électrique par
exemple.
* Conditionnement opérant : apprentissage visant à augmenter ou réduire l’émission d’un
comportement par un individu, en manipulant les conséquences (positives ou négatives) de ce
comportement pour cet individu.
Les principales critiques adressées au behaviorisme portent sur l’absence de prise en compte des
caractéristiques spécifiques (propres à chaque espèce) des comportements : les behavioristes
considéraient que les processus d’apprentissage étaient communs à toutes les espèces, y compris
l’humain. Les critiques portent aussi sur les conditions expérimentales très appauvries dans lesquelles
étaient faits leurs travaux, ce qui leur permettait de maitriser l'environnement expérimental et de
contrôler séparément les stimuli devant agir sur les comportements, mais ce qui n’offrait pas la
possibilité aux animaux expérimentaux d’exprimer des comportements très variés.
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