LE CONTENU ET LA MÉTHODE DES PHILOSOPHIES DE FRANZ BRENTANO ET CARL STUMPF Wilhelm Baumgartner Presses Universitaires de France | « Les Études philosophiques » 2003/1 n° 64 | pages 3 à 22 ISSN 0014-2166 ISBN 9782130534402 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2003-1-page-3.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- LE CONTENU ET LA MÉTHODE DES PHILOSOPHIES DE FRANZ BRENTANO ET CARL STUMPF © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Deux savants ont été actifs à la faculté philosophique de Würzburg, dont les recherches ont clairement influencé la psychologie qui s’émancipait alors en tant que discipline : Franz Brentano et Carl Stumpf. On présentera ici leurs contributions au développement de la discipline, leurs recherches, qui en firent de véritables « précurseurs » d’écoles importantes, ainsi que leurs philosophies selon leur contenu et leur méthode. Comme l’un et l’autre, en particulier Brentano, furent aussi impliqués dans les événements politiques ainsi que de politique ecclésiastique, on ne pourra éviter ici d’esquisser cet arrière-plan, ainsi que l’intervention de Brentano dans ce contexte. Autant que possible, nous nous servirons comme sources de Brentano et Stumpf eux-mêmes, de leur correspondance pour le moment encore inédite, ainsi que de pièces des archives du rectorat et du sénat de l’Université de Würzburg (ARUW). 1. La controverse sur le rapport de l’Église et de l’État. — En 1864, le pape Pie IX avait établi, avec son encyclique Quanta cura, un catalogue de 80 propositions présentées comme des « erreurs modernes » (le Syllabus errorum), dont l’acceptation était caractérisée comme incompatible avec la doctrine de l’Église. Étaient condamnés par exemple le rationalisme, l’indifférentisme, le socialisme, le communisme. En outre se voyaient refusées la liberté de conscience, la liberté d’opinion, la liberté de la presse, la souveraineté populaire, la forme d’État démocratique et la liberté de religion. Dans son effort pour défendre les vérités chrétiennes fondamentales contre les tendances philosophiques à leur dissolution et les idéologies de remplacement, le magistère ecclésial avait dépassé ses limites et avait formulé des attaques contre la vie politique et sociale tout comme contre la liberté de la science. Les Études philosophiques, no 1/2003 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 1. Situation du problème du point de vue historique général et de l’histoire des idées 4 Wilhelm Baumgartner Lors de la préparation du concile Vatican I, il y eut, entre les évêques allemands, ainsi que dans l’opinion publique, des débats très vifs quant à la justification du dogme. En premier lieu, il s’agissait du rapport de l’État et de l’Église. En réponse à une lettre du ministre de l’Intérieur bavarois, chargé des cultes et des écoles, V. Gresser, au recteur de l’Université de Würzburg, qui le priait de pousser les facultés de droit et de théologie à prendre position en ce qui concerne quelques questions posées par le Syllabus, l’ « infaillibilité pontificale » et « la doctrine des relations entre l’État et l’Église », les juristes de Würzburg firent état de leur préoccupation eu égard à des « effets indirects ou politiques » et des « conflits de conscience », et exprimèrent leur crainte que, au cas où la souveraineté de l’État serait subordonnée à l’autorité du pape et où toutes les lois existantes de nos États qui peuvent contredire les vues développées dans le Syllabus et celles du Pape présenté comme infaillible seraient changées, ce ne serait pas seulement le fondement du présent droit politique, mais encore l’État moderne luimême et tout ce qui repose sur lui, qui serait anéanti (ARUW, n. 20). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 2. L’attitude anti-impérialiste de Franz Brentano et Carl Stumpf. — Franz Brentano fut, tout au long de sa vie, opposé à toute forme d’ « absolutisme », dans les communautés politiques, religieuses et scientifiques (ainsi qu’à la Prusse et ses « philosophes d’État » Kant et Hegel). Carl Stumpf aussi exprima des réserves politiques massives, qu’il abandonna toutefois quelques années après avoir été appelé à son poste à Berlin. À propos des événements de 1870-1871, Stumpf écrit (1919, 113) : « La... guerre... en France... n’éveilla en nous aucune exaltation patriotique... » Mais les aspects privés ou historiques, si intéressants qu’ils puissent être dans la biographie de l’un comme de l’autre, Brentano et Stumpf, ne gagnent leur signification que du fait de l’interpénétration logique des problèmes d’un point de vue scientifique. 2. Le jeune savant Franz Brentano Ce n’est que le 14 juillet 1866 que Franz Brentano se montra à l’Université de Würzburg pour la première fois de façon un peu durable. Il avait soumis à la faculté de philosophie son écrit d’habilitation, « La psychologie d’Aristote ». Le rapport au sénat précise que cet écrit « a le premier rang parmi tous les travaux déposés auprès de cette faculté de philosophie en un demi-siècle » (ARUW, no 389). Pour la soutenance d’habilitation, le « tournoi » (C. Stumpf), Brentano avait dressé une liste de 25 thèses en latin, à propos desquelles la discussion © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Le dogme proclamé en définitive irrita les protestants et divisa les catholiques. Le contenu et la méthode des philosophies de Franz Brentano et Carl Stumpf 5 eut lieu en allemand. La plus impressionnante, et la plus déterminante pour l’avenir de la philosophie et de la psychologie – pas seulement celle de Brentano –, était la IVe : Vera philosophiae methodus nulla alia est nisi scientiae naturalis. Cette thèse, par-dessus le marché venant d’un prêtre, comme l’était Brentano, stupéfia l’auditoire. La défense des thèses, qui dura une heure et demie, permit à Brentano de montrer la sagacité de son esprit, la clarté et la précision de ses concepts, la facilité avec laquelle il comprenait des idées qui lui étaient étrangères, la sûreté de ses développements, le caractère réellement scientifique de sa méthode, ainsi que la multiplicité des aspects de sa connaissance de la philosophie et des sciences exactes (ARUW, no 389). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Et là, je pensai à vous. Je pensai que si vous vous habilitiez là, alors, naturellement, vous devriez... hériter de ma chaire. Et en définitive l’appel à Carl Stumpf fut lancé effectivement le 22 juillet 1873. Pourquoi Brentano abandonna-t-il si vite sa chaire, après tous les efforts déployés, comme on l’a dit, pour l’obtenir ? On n’a toujours pas, jusqu’ici, mentionné un fait : Brentano prenait très activement part – mais pas publiquement – aux discussions préparatoires de Vatican I. C’était lui qui, à la demande de l’évêque Ketteler, avait rédigé le memorandum pour la conférence des évêques de Fulda (« Quelques remarques sur la question : Est-il opportun de définir l’infaillibilité pontificale ? » : Brentano, 1869), dans lequel il en arrivait à la conclusion qu’il n’était ni motivable historiquement ni justifié logiquement d’ériger en dogme l’infaillibilité. Les évêques allemands firent leurs les arguments de Brentano, mais furent « retournés » à Rome. Mais Brentano, lui, tint bon sur sa position. Stumpf écrit, à ce propos : Les motifs de Brentano étaient exclusivement de nature théorique, ils ne tenaient à rien d’autre qu’aux contradictions internes de la doctrine de l’Église. Brentano se consacre alors entièrement à la finition de la Psychologie au point de vue empirique, cela aussi en raison du signe qui lui est donné d’un possible appel sur un poste à Vienne. « La sortie prochaine d’un gros livre qui soit reconnu, contribuera beaucoup à emporter la décision » (Brentano à © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Les représentants du sénat en vinrent à la conclusion « que la faculté de philosophie, en la personne du Dr Brentano, gagnerait un enseignant productif et qui donnerait une véritable impulsion » (ARUW, no 389). À l’événement public de l’habilitation avait également assisté l’étudiant en droit (jurisprudence) Carl Stumpf, qui prit alors la décision d’aller écouter les futurs cours de Brentano en philosophie. Le succès de Brentano comme enseignant fut énorme. Pourtant, à peine nommé, il pensait déjà à démissionner de sa chaire. Il écrit à Stumpf : 6 Wilhelm Baumgartner Stumpf, 4 novembre 1874). Le 15 novembre 1873, il écrit à Stumpf depuis Aschaffenburg : J’en suis déjà aux révisions, et je cherche à les accélérer autant que possible, car je voudrais donner le tout à l’impression début janvier. Mais d’ici là, de toute façon, nous nous reverrons, et je vous laisserai avoir une vue complète de ce travail du succès duquel ce n’est pas peu qui dépend, non seulement pour moi, mais encore pour ceux qui partagent mon orientation. En janvier 1874, la nomination de Franz Brentano comme professeur ordinaire de philosophie à l’Université de Vienne fut couronnée de succès. Avec Stumpf à la chaire de Würzburg, la réorientation de la philosophie (et, par là, de la psychologie) pouvait se déployer. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Carl Stumpf avait commencé ses études à l’Université de Würzburg lors du semestre d’hiver 1865. Il vit et entendit Brentano pour la première fois le 14 juillet 1866 lors de la dispute publique d’habilitation à Würzburg à laquelle assista un public nombreux. C’était une époque agitée. Le même jour fit rage la bataille près d’Aschaffenburg, notre patrie commune... La façon dont Brentano défendit et explicita ses thèses révéla une telle supériorité sur ses objecteurs, que je me jurai bien d’aller assister à ses cours pour l’hiver. Derrière chacune de ces thèses il y avait... une théorie pesée avec soin. En particulier, nous nous réjouissions de ce qu’il ne revendique pour la philosophie aucune autre méthode que celle des sciences de la nature, et qu’il fonde là-dessus ses espoirs de renaissance de la philosophie. C’était une conception nouvelle, incomparablement plus profonde et sérieuse de la philosophie (op. cit., p. 87 sq.). À côté des cours de Brentano, Stumpf assista aussi à des cours « de sciences, conformément à l’importance qu’il [Brentano] leur reconnaissait pour la philosophie, que cela soit du point de vue du contenu ou de la méthode » (Stumpf, 1924, p. 208). Pour le semestre d’hiver 1867-1868, Stumpf se rendit, sur le conseil de Brentano, à Göttingen auprès de Lotze. Après son doctorat en août 1868, Stumpf revint à Würzburg, afin de poursuivre ses études de philosophie auprès de Brentano. Stumpf se tourna de nouveau en 1870 vers Göttingen, et Lotze, et s’habilita là dès octobre 1870, avec un écrit sur les axiomes mathématiques. Stumpf exerça comme Privatdozent à Göttingen, ses cours comprenaient la « philosophie ancienne » et la logique, ce en quoi il s’appuyait sur ses notes des cours de Brentano de la période de Würzburg (lettre à Brentano du 25 avril 1871 : « ... comme le cours m’est beaucoup facilité par la transcription du vôtre »), mais il consacra la plus grande part de son énergie à des recherches scientifiques. Il écrit : © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 3. Carl Stumpf comme successeur de Brentano Le contenu et la méthode des philosophies de Franz Brentano et Carl Stumpf 7 Le livre Sur l’origine de la représentation d’espace était déjà complètement imprimé à l’automne de cette même année. Il parut en un temps particulièrement favorable pour mon avancement, puisque des chaires de philosophie étaient à pourvoir dans cinq universités. À Vienne, je fus mis en deuxième position, à Würzburg, où Brentano et Lotze s’y employèrent, on en vint à l’appel, et je pus aller m’établir là comme professeur ordinaire à l’automne 1873 (Stumpf, 1924, p. 212). En 1875, je commençais à travailler à la Psychologie du son. La remarquable collection acoustique de l’institut de physique fut mise à mon entière disposition. En outre j’allais assez souvent dans la journée à Hanau chez l’organiste Appunn, qui avait travaillé pour Helmholtz, et j’observais tout ce que je pouvais observer chez lui à qui mieux mieux. J’étais bien conscient de ce que se plonger ainsi dans tous les détails d’un domaine sensoriel, bien que Fechner en ait déjà donné un exemple prestigieux, contredisait profondément les intuitions communes en ce qui concerne la tâche d’un philosophe (Ibid., p. 213). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) qui sans doute a fait de moi par rapport à la majorité de mes collègues un outsider. L’activité d’observation et d’expérimentation m’a pris mon temps et mon énergie d’une façon plus continuelle que ce n’est le cas même de la plupart des psychologues expérimentaux... Pourtant, pour moi, la philosophie est toujours demeurée maîtresse à la maison (Ibid., p. 214). En 1879, je reçus un appel pour Prague... Brentano, qui enseignait à Vienne depuis 1874, était, sans que je le sache, intervenu au ministère pour me faire appeler, afin de gagner encore plus d’assise pour notre orientation en Autriche (Ibid., p. 215). Une lettre de Brentano à Stumpf du 13 janvier 1879 nous renseigne en détail là-dessus : Je m’acquitte d’une mission dont je suis chargé par le ministère, en vous demandant si et sous quelles conditions vous accepteriez un appel pour Prague... 4. Le programme de la psychologie de F. Brentano Brentano (1874) présente un programme de « recherches sur la voie du psychisme » (p. 89). Ce programme s’assigne la tâche de : 1 / procéder « empiriquement », c’est-à-dire de prendre pour base les expériences psychiques, les « phénomènes de la conscience » ; 2 / la psychologie doit être élevée au rang d’une science : « À la place des psychologies, nous devons chercher à établir une psychologie. » Mais : il n’y a pas de « psychologie spécifiquement nationale » et « il ne doit pas y en avoir » (p. 2). « La science est une république » (lettre à Hermann Schell, 19 juin 1904) ; 3 / on recherche la sûreté dans le fondement et l’unité dans la conviction. Par « l’action conjuguée de beaucoup de forces », également dans les © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Pour Stumpf, la période de Würzburg fut le début d’une orientation de travail à laquelle il resta fidèle toute sa vie, orientation Wilhelm Baumgartner © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) « combats scientifiques », il faut trouver pour la psychologie « ce que les mathématiques, la physique, la chimie », etc., « ont déjà atteint : un noyau de vérité universellement connue » ; 4 / d’une façon analogue aux sciences de la nature (recherche des propriétés et des lois des corps du monde de notre expérience externe), la psychologie (recherche et doctrine des propriétés et des lois du psychique/ mental/spirituel [seelisch] que nous trouvons immédiatement en nousmêmes par l’expérience interne, et que nous inférons également par analogie dans les autres) doit procéder méthodiquement. Brentano confirme ici sa célèbre 4e thèse d’habilitation de Würzburg (Brentano, 1866), d’après laquelle vera philosophiae methodus nulla alia est nisi scientiae naturalis ; 5 / comme la psychologie est conçue comme la science des actes / phénomènes / fonctions psychiques réelles (real) immédiatement accessibles, les « faits de la vie de l’âme » (Seelenleben) sont son véritable objet ; 6 / l’investigation de la « vie de l’âme » n’est rien d’autre que la psychologie de l’acte. Il n’y a rien de « métaphysique » derrière cela. Au contraire : on ne peut même pas distinguer la métaphysique (comme doctrine de l’effectivité [Wirklichkeit] au sens le plus large du terme) de la psychologie ; la psychologie a « à se tenir le plus possible à l’écart de toutes les théories métaphysiques » (1869/1968, p. 97-133, en particulier p. 103 sq. ; 1874/1924, p. 93 ; cf. 1982, p. 138), son domaine est l’effectivité psychique et sa compétence « l’anatomie de l’âme » (l’analyse) et la construction (synthèse) du psychique ; 7 / la psychologie est ainsi comprise comme la science des fondements, dont la métaphysique, entre autres, dépend. Elle constitue aussi le fondement de la construction de la psychophysique (relation corps-âme) (cf. op. cit., p. 131 n.) ; 8 / l’investigation des « propriétés et des lois » du psychique ne peut aboutir qu’en deux étapes consécutives. La première étape méthodique est l’analyse exacte de « ce qui se passe en nous », les propriétés caractéristiques ; la seconde, qui est fondée sur la première, c’est la saisie de la vie psychique sous des « lois » (cf. op. cit., p. 110 sq.) ; 9 / fondement du point 8 : après examen minutieux de la littérature contemporaine, Brentano découvre que les lois de la succession des phénomènes psychiques qui ont été établies jusque-là par induction ne sont pas exactes. Aussi ne peuvent-elles l’être, car elles sont « dépendantes d’une multiplicité de conditions physiologiques », qui de leur côté réclament encore une explication (1874, livre I, chap. III). C’est pourquoi, pour le moment, on ne peut recommander aucune « dérivation des lois psychiques à partir des lois physiques » et physiologiques, comme c’est tenté souvent. Il n’y a « à l’heure qu’il est que peu de faits assurés de la physiologie qui soient de nature à jeter de la lumière sur les phénomènes psychiques ». Pour expliquer les lois de la succession, nous serions conduits aux hypothèses les plus fragiles... Ce n’est pas seulement © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 8 Le contenu et la méthode des philosophies de Franz Brentano et Carl Stumpf 9 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) C’est pourquoi il est souhaitable de distinguer une psychologie descriptive des actes psychiques de la psychologie génétique, physiologique (cf. Brentano, 1982). À l’arrière-plan de cette distinction, il y a aussi la tentative de rendre la psychologie « exacte » en introduisant, comme on l’a déjà dit, des méthodes mathématiques en psychologie. Contre le verdict de Kant selon lequel la psychologie ne pourra jamais devenir une science pourvue d’un contenu explicatif, parce que, entre autres, les mathématiques ne sont pas applicables aux phénomènes psychiques, Brentano est, avec Herbart, d’avis qu’on peut tout à fait faire un usage exact de la mathématique « tant qu’il y a seulement quelque chose qui peut être compté » (1874, livre I, IV, § 1), par exemple des grandeurs, des intensités. Herbart a seulement échoué à trouver des déterminations métriques ayant un sens réel. La loi fondamentale de Weber-Fechner non plus n’est pas applicable, d’après laquelle toute augmentation également perceptible (ebenmerklich) des sensations est mathématiquement égale (gleich) et l’intensité de la sensation croît de grandeurs égales (gleich) à celles dont croît la stimulation physique, car elle repose sur une confusion de l’égalité perceptive (Ebenmerklichkeit) et d’une égalité mathématique de la perception (Gleichmerklichkeit). (Cf. là-contre la « loi de Brentano », op. cit., livre 1, IV, § 2.) Cela est encore compliqué par le fait que les sensations ne dépendent elles-mêmes pas seulement de la force de la stimulation extérieure, mais encore de facteurs psychiques co-déterminants. Avec la conclusion que parmi les phénomènes psychiques seules les sensations – et même pas toutes celles-ci – sont mesurables – et en plus seulement partiellement –, Brentano en arrive à ce que nous avons présenté comme la première étape du point 8 en tant que méthode de recherche : l’analyse descriptive de ce « ce qui est là », ce qui est donné immédiatement dans l’expérience, dans le vécu (im Erleben), la « perception interne ». 5. La coopération de Stumpf et Brentano 1 / On peut constater une façon de procéder tout à fait comparable chez Carl Stumpf. Dans une certaine mesure, on pourrait, de façon synoptique avec les 10 points trouvés chez Brentano (on n’a pas prétendu ici à l’exhaustivité), dresser un catalogue tout à fait analogue dans l’œuvre de Stumpf. Stumpf lui-même souligne son très large accord avec Brentano en ces matières (cf. par ex. Stumpf, 1924, p. 220). Plus importante que le parallélisme, qu’on pourrait établir, dans le jugement porté sur la psychologie contemporaine et leurs prédécesseurs, semble être – sur le fond – la façon de procéder commune dans la mise en œuvre de ce qu’on a nommé psychologie descriptive. (Cf. Kaiser-El-Safti, 1997.) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) l’abandon des recherches psychologiques pour les physiologiques, mais leur mélange dans des proportions significatives, qui semble peu recommandable (1874, livre I, III, § 7 ; [1869], 1968, p. 111 et p. 118 sq.). Wilhelm Baumgartner © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) En outre, Stumpf et Brentano ont travaillé parallèlement et en commun. 2 / Parallèle : le dépouillement de la littérature (presque la même de part et d’autre) contemporaine, avec une prise en considération particulière des empiristes anglais à partir de Hume. (Brentano entreprend en 1872 un voyage d’études en Angleterre. Il écrit à Stumpf, le 22 avril de Londres, qu’il a « visité les collections » et trouvé des « œuvres intéressantes » : à côté des œuvres qu’il connaissait déjà de J. St. Mill, également les écrits de Darwin, Mivart (Sur l’origine des espèces), Lewes (Histoire de la philosophie), Spencer (Principles of Psychology, etc.). Il recommande à Stumpf de lire les œuvres et de les faire acheter à Göttingen.) Deuxièmement, ils partagent, sur ce fond-là, une réception critique de la « philosophie allemande », comme l’appelait Mill, c’est-à-dire de l’ « idéalisme allemand ». 3 / Collaboration : le constant échange d’idées en la matière, dans des conversations à Würzburg et Aschaffenburg, et dans une correspondance continuelle. Stumpf et Brentano ont appris l’un de l’autre. Naturellement, Stumpf a aussi reçu des incitations décisives de Lotze. En particulier, la théorie lotzienne des « signes locaux » a dû être déterminante pour la recherche de Stumpf, Sur l’origine de la représentation d’espace (1873). La monographie de Stumpf s’explique aussi de façon critique avec la théorie de Lotze (p. 86-93), et Lotze y répond par une explicitation de sa doctrine, qui est imprimée comme appendice dans le livre de Stumpf sur l’espace (op. cit., p. 315-324). Le livre de Stumpf, à l’encontre de ce que pourrait laisser croire son titre, n’est pas une analyse génétique-physiologique, mais une « analyse psychologique » (p. 1 et 4) au sens de Brentano et une « description » des déterminations courantes de l’espace (logique de l’enquête), en particulier l’ « investigation » (Aufsuchung) des représentations d’espace (logique de la découverte). Avec cet outillage méthodologique, Stumpf s’élève, avec Brentano, contre le verdict de Kant (et de quelques néo-kantiens) contre la possibilité de la psychologie comme science. (Cf. là-dessus Kaiser-El-Safti, 1994.) 4 / Stumpf rejette le point de vue philosophique transcendantal de Kant en tant que doctrine des conditions de possibilité de l’expérience, et a recours au lieu de cela à l’expérience (des fonctions psychiques en tant que faits empiriques et pourtant sûrs, évidents) et à la mathématique. 1) L’ « intuition » de Kant comme « forme pure a priori » comprend en premier lieu déjà une contradictio in adjecto. Une « forme » sans contenu remplissant de provenance sensible est vide (ce que Kant dit du reste lui-même) et psychologiquement impossible, car toute forme est limitée (de l’extérieur) et limitante (de son intérieur) et remplie avec quelque chose. Un espace sans une qualité qui le remplisse n’est pas perceptible. L’espace est bien plutôt, comme les qualités (les attributs), un contenu d’intuition et de représentation. (Dans l’espace appréhendé purement géométriquement, on peut faire abstraction des qualités. Mais ne pas les prendre en compte ne peut signifier : les supprimer par la pensée.) © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 10 Le contenu et la méthode des philosophies de Franz Brentano et Carl Stumpf 11 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 1. L’analyse par Brentano et Stumpf des fonctions psychiques. — L’un et l’autre empruntent le terme technique de « fonction » aux mathématiques pour décrire d’un côté les « fonctions vitales » (Brentano, 1867), puis d’un autre côté et exclusivement les actes psychiques et leurs interrelations (Stumpf, 1873 ; Brentano, 1874). A) Les caractéristiques des fonctions psychiques. 1 / Au moins depuis sa publication « Phénomènes et fonctions psychiques » (1907), Stumpf passe pour celui qui a introduit le terme « fonction » en psychologie et, plus particulièrement, la théorie des fonctions. Pourtant l’usage du mot « fonctions » remonte, chez Stumpf comme chez Brentano, comme on l’a dit, aux tous premiers écrits et, de là, à Lotze ([1846], 1989, p. 152). Celui-ci parle de « phénomènes » et d’ « apparitions » dans la conscience unitaire ([1846] 1989, p. 144), d’une « phénoménologie de la conscience de soi » (1846, p. 222) et d’une nécessaire « phénoménologie de l’esprit humain (Gemüt) » ([1847] (1886), p. 322). Pour lui, il s’agit là d’appréhender descriptivement les « faits » psychiques, c’est-à-dire les fonctions ou les actes dans leurs constituants et leurs connexions, afin de parvenir à une présentation de l’interaction de la totalité de la vie de l’esprit. Il importe de commencer avec les vécus de conscience donnés à l’expérience les plus simples, mais non pas de s’interroger d’abord sur leurs « conditions » et leurs « forces », par lesquelles des processus spirituels voient le jour. (Cf. Lotze, 1881, p. VII sq. ; Orth, 1998.) 2 / À cette distinction de la psychologie descriptive et de la psychologie génétique vient s’ajouter en second lieu celle des phénomènes psychiques et des physiques. Ces deux moments ont été repris et poursuivis sur un mode différent par Brentano et Stumpf : Brentano écrit à Stumpf, le 8 mai 1871 : Ma psychologie me donne bien du travail. M’est opportune l’occasion d’étudier de plus près les Anglais. J’ai aussi ces derniers temps beaucoup lu dans Lotze... Microcosmos, t. I, livre 2, contient des idées vraiment pertinentes. Le fondement de la division de ses trois facultés ne me semble cependant pas solide... © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 2) La conception kantienne des intuitions de l’espace subjectives, selon laquelle seules des apparitions, des phénomènes, seraient présents au sujet, est rejetée, car les phénomènes sont « en soi », « réels » (real) et ont le caractère de « choses » (dinglich) (Brentano). Le phénomène et la chose en soi ne peuvent donc être (ontologiquement) opposés. (Cf. Brentano [1869], 1968, p. 113 sq.) 3) L’espace ne peut être une simple condition de la représentation. Comme tel, il ne serait lui-même pas intuitionné. Les conditions de l’espace ne sont pas intuitionnées, mais l’espace l’est via ses qualités/attributs. Les qualités comme contenus de l’intuition d’espace sont soumises à une analyse selon le modèle du rapport tout-parties : ce sont des parties perceptivement constitutives. Wilhelm Baumgartner © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Ce qui ne semble « pas solide » à Brentano, c’est la division des « classes de fonctions » qu’on trouve chez Lotze. Brentano y oppose sa « division en représenter, croire [juger] et mouvements affectifs (Gemütserregungen) ». Dans ses « trois catégories des phénomènes psychiques », vaut cette loi que (dans l’état de veille) : « Pas de représenter sans connaissance du représenter... et pas de penser sans quelque sentiment... » Les actes psychiques doivent « être distingués (unterscheiden) des sensations qui sont à leur fondement, mais en aucun cas en être séparés (scheiden) ». La construction des phénomènes les uns sur les autres contredit par exemple le primat de la volonté supposé par Lotze (et Wundt) : « Une volonté n’est pourtant possible qu’après une représentation, qui est une activité spécifique..., [et est] loin... d’être une action (Betätigung) primitive. » Dans cette lettre, pour ainsi dire un témoignage venant de l’atelier de Brentano, on voit comment Brentano prépare son livre de 1874 – aussi avec l’aide de Stumpf, qui procure des livres de la bibliothèque de l’Université de Göttingen, puis de Würzburg –, en particulier sa doctrine des « classes de fonctions » catégorialement différentes, et pourtant interdépendantes. B) Description des particularités des fonctions. — Brentano [1874] (1924, p. 109 sq.) constate, après avoir passé en revue la littérature contemporaine (logique de l’enquête), « l’abondance de confusions » entre les phénomènes physiques et les phénomènes psychiques. Ce qui fait défaut, c’est une délimitation claire entre les deux domaines. Il aspire d’abord à une « explication », une « clarification..., pas à une définition selon les règles en cours jusqu’ici chez les logiciens », afin d’exclure les malentendus et les confusions. Il lui semble qu’il s’impose d’expliciter les « concepts » de phénomène psychique et physique au moyen d’appellations plus familières, concrètes. De même Stumpf (1873, p. 3, et 1918, p. 4) : il suffit, « pour ce qui est du début de l’enquête, d’expliciter les expressions sur des exemples, et sans avoir en vue une définition complète... Le problème à résoudre [la relation représentation-sensation] est pour les psychologues en premier lieu celui d’une description pure des faits donnés dans la conscience ». 1 / Les représentations : selon Brentano (1874, p. 111), on a un exemple de phénomène psychique avec « toute représentation par sensation ou imagination », ce en quoi il faut entendre par « représentation » l’ « acte du représenter », et « non ce qui est représenté » ; et par « sensation » la sensation de douleur ou de plaisir qui accompagne une douleur ou un plaisir corporel, physique (et qui ne lui est pas identique) ; cela d’une façon analogue dans le cas de la représentation imaginaire. Stumpf (1873, p. 3) réplique de la même façon, et concrétise : Partout où nous visons quelque chose de particulier [avec la représentation], cela doit être désigné par des prédicats supplémentaires. Voici précisément les seules distinctions dont nous avons besoin : Représentation réelle (wirklich) – Représentation d’imagination ou de mémoire. Représentation concrète – abstraite. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 12 Le contenu et la méthode des philosophies de Franz Brentano et Carl Stumpf 13 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) À partir des représentations concrètes, on forme les représentations abstraites ou concepts ; une « représentation composée » est due à la représentation simultanée de plusieurs sons simples. En généralisant, on établit : les représentations de genre simple ou complexe, intuitif ou non intuitif, sont des connaissances d’un genre relativement simple, sur la base desquelles des fonctions de connaissance supérieures sont construites. 2 / Les jugements : dans son énumération approximative des états psychiques, Brentano cite aussi les activités suivantes : consécutions, convictions, opinions, doutes, donc des actes qu’on peut ranger sous la rubrique du jugement. On peut observer que rien ne peut être jugé qui n’est pas également représenté. Le passage en revue des sources contemporaines pertinentes (Herbart, Lotze) confirme ce résultat. D’autres conceptions aussi, manifestement, ont pu être utiles, après avoir été soumises à l’examen et « traduites dans notre langue », pour ce qui est d’une élucidation de la thèse de la dépendance des jugements par rapport aux représentations ou selon laquelle les jugements seraient des « phénomènes d’accompagnement » des représentations, et ils ne sont pas des « liaisons de représentations » (1924, p. 115 sq.). Comme autre caractéristique des jugements, on peut encore constater négativement, comme l’ont fait aussi des psychologues de premier plan, que le phénomène psychique « jugement », à la différence des phénomènes physiques, témoigne d’un défaut d’extension. 3 / Les mouvements affectifs : des états psychiques comme « la joie, la tristesse, la crainte, l’espoir, le courage, l’abattement, la colère, l’amour, la haine, le désir, la volonté, l’intention, l’étonnement, l’admiration, le mépris, etc. » il vaut, d’une façon analogue aux jugements : rien ne peut être désiré, espéré, etc., qui n’est pas aussi représenté. On peut constater positivement que les mouvements affectifs sont dépendants de représentations, et que les premiers sont des phénomènes d’accompagnement des secondes. (Sur la relation de dépendance « logique », cf. W. Baumgartner, 1996 b.) Négativement, on peut dire d’eux qu’ils témoignent, comme les représentations et les jugements, d’une absence d’extension – à la différence des phénomènes physiques. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Représentation simple – composée. Ce qu’il faut entendre par là, il est facile de le faire comprendre sur des exemples. Le plus originaire, c’est la sensation ou représentation réelle (comme nous pouvons la nommer de façon prégnante, bien que naturellement au sens général toute représentation en tant que telle soit réelle). Lorsque je joue un son à quelqu’un ou lui présente une couleur et qu’il y fait attention, alors nous appelons ce qu’il expérimente une sensation, ou représentation réelle. Mais nous parlons d’une représentation imaginaire (Phantasievorstellung) lorsqu’il est conscient du son sans qu’on lui ait joué celui-ci. Une représentation imaginaire avec la conscience de ce que nous nous sommes déjà représenté une fois le même contenu, est une représentation de la mémoire. Wilhelm Baumgartner © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 2. Résultats descriptifs généraux. — Comme résultats empiriques généraux en ce qui concerne les fonctions psychiques, voici les propriétés que l’on peut établir : 1 / les phénomènes psychiques ou actes sont des activités mentales transitives ; c’est-à-dire qu’elles se rapportent intentionnellement à quelque chose d’ « objectif », qui leur « apparaît » réellement, par exemple l’audition d’un « objet » son. Ils s’orientent en second lieu vers quelque chose comme leur contenu. C’est-à-dire que par exemple l’acte d’entendre a l’entendu pour contenu. Ce contenu n’est alors rien d’autonome, mais dépendant de l’acte : pas d’entendu sans acte d’entendre. (En ce qui concerne le rapport acte-contenu-objet, cf. W. Baumgartner, 1996 a.) 2 / les phénomènes psychiques sont eux-mêmes réels (real), puisque les états internes empiriques perceptibles, qui sont mis en activité par quelque chose qui leur est extérieur, sont « produits » en effet (gewirkt) ; 3 / ils ne créent pas cette extériorité, mais la constatent bien plutôt par cela que (et lorsque) elle vient à leur rencontre ; 4 / la rencontre peut advenir de plusieurs façons, différentes catégorialement : dans la représentation de quelque chose qui apparaît à quelqu’un, dans le jugement porté sur elle et dans la prise de position émotionnelle par rapport à elle ; 5 / les actes de représentation forment la base des actes de jugement et émotionnels : lorsque quelque chose est jugé (positivement ou négativement), les premiers contribuent en donnant précisément ce qui est présent à l’acte de représentation, c’est-à-dire que les jugements se rapportent alors à des données de représentation, et ne construisent pas eux-mêmes leurs objets de référence ; lorsque quelque chose est apprécié émotionnellement (avec amour ou avec haine), les actes de représentation contribuent en donnant ce qui est représenté ; 6 / les jugements et les émotions sont des actes analogues, dans la mesure où ils comprennent en eux des représentations, sur la base desquelles ils reposent. Ce sont des actes différents dans leur mode de référence et de prise de position par rapport à la représentation. Quant à cette liste empirique de résultats qui peuvent servir à fonder un accord des chercheurs dans leurs intuitions fondamentales, Brentano (1874/1924 ; 1889/1982) et Stumpf (1873, p. 308 ; 1907 a et b ; 1918, p. 4) parlent d’une seule voix. Naturellement leurs recherches visent à opérer avec le moins de présuppositions possible, sans implications métaphysiques, à procéder d’abord inductivement, et à mettre en garde contre toutes les « constructions » et le « nativisme erroné » avec ses conséquences : les « idées innées ». 3. Une « logique de l’examen » : définition des phénomènes psychiques. — Dans ses cours de logique, Brentano privilégie les points de méthode suivants afin © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 14 15 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) d’opposer à un « livre d’images logique... plein de processus internes secrets... et d’images », « de fictions, comme surrogats pour l’expression des pensées... de constructions fictives de relations entre de pseudo-objets » (1956, p. 44), une « logique de la recherche » ([1893] ; 1968, p. 80) : 1 / La logique doit procéder inductivement et déductivement ; inductivement, dans la mesure où le logicien doit entre autres prendre en compte ce que le psychologue a trouvé par induction ; déductivement, dans la mesure où, à la façon des mathématiciens, on procède à partir de prémisses (cf. 1956, p. 17). 2 / La logique est divisée en une « logique de l’examen de connaissances données » et une « logique de la découverte » de nouvelles connaissances – la première comme présupposé de la seconde. Il applique aussi, mutatis mutandis, la « logique de l’examen » à la psychologie. Il s’avère important ici que l’examen se rapporte à des connaissances « données », pour soumettre celles-ci à une analyse et établir les connexions légales entre les états psychiques qui existent déjà, c’est-à-dire pour les « définir » et les « déterminer ». (Ce sont les « parties logiques » ; Brentano, cours de métaphysique, 1867 ; Stumpf, 1873, § 5.) Le procédé d’ « examen de connaissances données » a un caractère critique. 3 / L’ « examen de connaissances données » (Brentano) ou l’ « inspection précise du donné » (Stumpf, 1918, p. 18) est « le procédé employé par Brentano ou Aristote, qui consiste à opérer une disjonction complète des points de vue possibles et la réfutation de tous sauf un avant la preuve directe » (Stumpf, 1924, p. 209). Le « donné » en tant qu’objet de l’examen comprend : les opinions, les thèses, les hypothèses, les théories sur les fonctions psychiques, comme on les trouve dans les compendiums. La « disjonction analytique » doit éprouver la solidité des arguments avancés, la langue dans laquelle ils le sont, la validité (intuitivité, effectuabilité, probabilité) des connaissances affirmées. 4 / De façon correspondante, la « tâche d’évaluation d’une connaissance donnée » s’articule dans les moments suivants : interrogation — sur le fait de savoir s’il y a bien positivement une connaissance au sens de Comte (cf. Brentano, [1869] 1968, p. 99-133) ; — « sur les pensées dans leur expression linguistique » (sur les phénomènes psychiques et leur expression dans la langue – parler et penser – noms et concepts – jugements et énoncés) ; — « sur les connaissances immédiates » (examen du savoir a posteriori, a priori) ; — « sur les connaissances médiates » (examen des inférences déductives et des syllogismes en général) ; — « sur la probabilité » (examen des principes de probabilité de Laplace, du théorème de Bernoulli, de la formation d’hypothèse et de l’induction, de la loi de causalité) (Brentano, 1956, § 9 sq. ; cf. Stumpf, 1907 b, introduction ; Stumpf, 1939, § 12-19 ; 1940, § 20-24). © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Le contenu et la méthode des philosophies de Franz Brentano et Carl Stumpf Wilhelm Baumgartner © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 5 / Stumpf et Brentano ont exposé de façon exhaustive leur concept théorique de l’ « examen » dans les passages auxquels nous venons de nous référer. Ce concept théorique exposé dans le cadre d’une doctrine du jugement (Brentano) ou d’une théorie de la connaissance (Stumpf) ne peut, en ce qui concerne l’interrogation des connaissances (en tant que fonctions psychiques), se passer d’une psychologie : « Plus d’une chose doit... être reçue de la psychologie, qui a été trouvée par induction » (Brentano, 1956, p. 17 ; cf. Stumpf, 1891), cela précisément pour la raison que la psychologie livre le « matériau empirique » de la connaissance à son élaboration ultérieure par la théorie de la connaissance et la logique au sens que nous avons indiqué du terme. On ne pourra ici consacrer d’analyse au reproche de « psychologisme », c’est-à-dire ayant trait à l’illégitimité du rôle que jouerait la psychologie (empirique), selon Brentano et Stumpf, pour une logique et une théorie de la connaissance (pures). Brentano (1911, p. 165-167) et Stumpf (1924, p. 31) ont, précisément en vertu de ladite méthode d’examen, de bonnes raisons de rejeter ce reproche. 6 / Le procédé d’examen, chez Brentano comme chez Stumpf, on peut en fait le trouver dans chacun de leurs écrits : il est constamment vrai qu’une thèse est exposée ; puis cette thèse est mise en opposition avec d’autres et on cherche à la corroborer par l’inspection des arguments pour ( « apologie » ) et des arguments contre ( « objections » ) dont on dispose ; cette étape est suivie d’une « récapitulation » des arguments pour et contre et d’une proposition de solution. Le procédé s’accompagne de la notification et de l’explication ( « définition nominale » ) des expressions, mots, concepts qui sont employés. Le reproche de « scolasticisme » (Dilthey) n’étonne pas ; Stumpf, quant à lui, eut affaire au reproche de logicisme (Wundt). A) Deux exemples de la « méthode d’examen ». 1 / Prenons Stumpf (1907 a) en premier exemple. Il renvoie le thème « phénomènes et fonctions psychiques » à ses contextes historiques (Kant, Leibniz) et contemporains (Mach), et réduit, après cet excursus, le problème à la « question fondamentale dont il s’agit ici, et dans laquelle toutes les différences ultérieures s’enracinent » : le rapport des phénomènes aux fonctions psychiques. (Il sait, en ce qui concerne cette réduction, souligne-t-il cependant, que « les différences principielles [peuvent n’être conduites à terme], si elles le sont jamais, qu’au moyen d’un combat pour l’existence séculaire, et de la fécondité des intuitions pour le progrès de la science »). L’exposition du thème est suivie de « 1. l’explication des expressions et des points de vue », et, après l’examen exhaustif des arguments, il en vient au premier résultat que les phénomènes (contenus des sensations venant des sens, images de la mémoire) et les fonctions sont les uns et les autres réels (real) dans leur comportement les uns par rapport aux autres, et forment une unité réelle. « Unité » ne doit pas être confondu ici avec « simplicité ». (cf. DP, « unité, non pas simplicité » du psychique). Puis on étaie la thèse © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 16 17 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) selon laquelle les fonctions « ne peuvent être réduites sans reste à des phénomènes », mais la « différence » entre les deux types d’entités est « la plus subtile que nous connaissions ». (Les arguments dans ce sens culminent dans le fait que « le concept des fonctions psychiques n’est pas relié par une nécessité logique à celui des phénomènes » (op. cit., p. 11, soulignement dans l’original).) Dans le temps suivant, il formule la « thèse ou hypothèse » de la « variabilité mutuellement indépendante », hypothétique parce que « des recherches expérimentales [sont] encore indispensables pour l’éprouver » (p. 15). Au lieu de cela, il met à l’épreuve de l’analyse les deux sous-thèses : les « fonctions psychiques peuvent varier sans variation dans les phénomènes » (p. 16-33) et « des variations sont possibles dans les phénomènes sans variations des fonctions » (p. 34-38), et il parvient au résultat (provisoire) d’avoir répondu à la question de départ quant à la relation / la différence des termes en jeu « conformément à l’état présent des recherches psychologiques », et non de « confirmer des recherches déjà réellement abouties ». « Pour établi... je tiens seulement que la description de l’immédiatement donné, en faisant abstraction donc de tout ce qu’on doit ajouter en pensée afin d’établir une connexion causale [comme dans “la vieille psychologie de l’association”], ne peut se passer des phénomènes... » (p. 38). Ici on constate donc un progrès, une extension, par l’analyse logique, de la connaissance donnée. Ce sont de toute façon les « petits pas », en tant qu’extension analytique, qui font avancer la recherche (contrairement au verdict kantien) – et non pas les « constructions systématiques ». 2 / Deuxième exemple d’examen : la controverse Stumpf-Wundt. Ce qui, à première vue, pourrait passer pour un conflit postpubertaire de vanités offensées, donne témoignage, après une analyse plus minutieuse, au moins pour ce qui est de Stumpf, du même « procédé d’examen ». Au dossier : Stumpf (1888) publia une recension de Wundt (18873) et une prise de position critique (1890) par rapport à l’élève de Wundt Carl Lorenz (1890) et à Wundt lui-même. Wundt (1890) répliqua. Puis Stumpf (1891 a). Wundt (1891 a) donna la réplique, ce à quoi Stumpf (1891 b) objecta son « Post-scriptum contre Wundt », et Wundt (1891 b) rédigea aussi un « post-scriptum ». (Une querelle analogue se déroula entre Bühler et Wundt, querelle qui tourna autour du pour (Bühler) et du contre (Wundt) en ce qui concerne l’ « introspection expérimentale » de l’école de Würzburg. Cf. là-dessus L. J. Pongratz, 1998.) En ce qui concerne l’aspect méthodologique de la controverse : Stumpf entreprit, en liaison avec ses recherches sur les comparaisons d’écarts de son, un « examen de la loi de Fechner » (Stumpf, 1890, p. 419 ; Brentano, 1874, voir ci-dessus). Il en vint donc à parler de Lorenz et de Wundt (« dans le laboratoire de psychologie de Wundt, Lorenz entreprit ses comparaisons de distances entre les sons », op. cit., p. 423). Wundt (1887, I, p. 428 sq.) avait vu dans les tableaux de mesures de Lorenz une « confirmation parfaite » et la « preuve définitive » de son affirmation de la mesurabilité des degrés © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Le contenu et la méthode des philosophies de Franz Brentano et Carl Stumpf Wilhelm Baumgartner © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) sonores sans prise en compte des rapports musicaux. Stumpf entreprend, quant à lui, d’ « examiner ce qui, d’un côté, autorise Wundt à parler d’une preuve définitive, de l’autre ce qui a pu le contraindre à abandonner sa doctrine [de la coïncidence des degrés sonores mesurables avec les degrés musicaux] » (Stumpf, 1890, p. 423). Il parvient, en avançant minutieusement pas par pas, au résultat que les comparaisons de distance entre les sons sont des jugements sur des contenus sensibles vécus dissemblables, et que « toute mesure » repose là-dessus. Les simples nombres ne font alors preuve – si tant est qu’ils prouvent quoi que ce soit – que « contre la théorie de Wundt et de l’auteur » (ibid., p. 443). Stumpf montre que la façon d’établir les tables de sons et les calculs sur lesquels la « théorie » s’appuie pèchent, que toute l’entreprise reste douteuse et que « la seule chose en faveur de laquelle on puisse positivement tirer quelque présomption de quelques-unes des tables... n’est, en tant qu’hypothèse, rien de neuf ; et que cela soit alors prouvé, voilà ce qui ne peut être affirmé au vu de l’état général de ces tables et des conditions d’expérience » (ibid., p. 455). La réponse de Wundt (1890) ne revient pas sur les contradictions mises en évidence (par Stumpf et d’autres), et parle seulement d’ « altérations » de son livre. La démonstration par Stumpf de ce que Wundt se contredit luimême dans deux recherches consécutives (Stumpf, 1891 a, p. 275) reste sans réponse chez Wundt. Ainsi serait-il « passé sur le plus grave ». Dans le détail, Stumpf reproche à Wundt des pétitions de principes qu’il aurait introduites dans les « définitions ». La réaction de Wundt à ces accusations se réduit à des reproches au « collégien » Stumpf, qui manquerait de « jugeotte » en beaucoup de choses, si bien que, dans la réponse de Stumpf, c’est « l’obscurité égyptienne... qui lui fait face ». Stumpf s’étonne d’ « entendre cela de la bouche d’un chercheur qui s’est laissé aller à commettre les fautes d’algèbre élémentaire les plus fatales [à côté de boulettes et de contradictions logiques] » (ibid., p. 287 sq.). Stumpf invite du reste aussi d’autres ( « examen par des personnes impartiales » ) à exercer la critique et l’anticritique. Un de ceux qui aient entrepris une telle chose, Ewald Hering, a par exemple montré, à propos de la « théorie de la vision binoculaire » de Wundt, « 1. qu’elle souffre de contradictions internes évidentes, 2. qu’elle repose sur des observations fausses, 3. et sur des calculs faux » (d’après Stumpf, 1891 a, p. 288). Stumpf ajoute : « Wundt a admis une faute de calcul, mais a présenté la formule de Hering comme “absolument fausse” et mis une autre formule, “juste”, à la place. Là-dessus, Hering a montré que la nouvelle équation de Wundt était identique avec celle qu’il avait lui-même établie et qui était supposée être absolument fausse » (ibid.). Ces deux exemples, qui illustrent le procédé de la « logique de l’examen », peuvent suffire ici partes pro toto. Ils montrent comment Stumpf (et Brentano) tiennent fermement « la bride au logistikon » (Husserl à propos de Brentano) et ne laissent rien passer qui aille contre la conséquence logique. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 18 Le contenu et la méthode des philosophies de Franz Brentano et Carl Stumpf 19 © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Les contributions de Brentano et de Stumpf, la Psychologie du point de vue empirique et la Représentation d’espace, s’avèrent être des enquêtes sur les actes psychiques ou fonctionnels, c’est-à-dire des activités spirituelles « supérieures ». Les deux auteurs comptent parmi les initiateurs de la philosophy of mind (au sens d’aujourd’hui) ou de la « psychologie fonctionnelle » en ce qui concerne des états ou des processus spirituels. Dans cette mesure, on peut parler d’une psychologie qui est de l’ordre d’une science de l’esprit ou « psychologie philosophique ». D’après l’idée directrice bien connue de Brentano et de Stumpf, la science de l’esprit et la science de la nature se distinguent seulement selon l’objet, et non selon la méthode. La science de l’esprit (psycho-logie) peut être élevée au rang d’une science en donnant une description analytique de son domaine d’objet avec précision logique. Les états et événements psychiques, mentaux ( « formations psychiques » ) complexes sont décomposés en leurs constituants les plus simples (d’une façon analogue à une analyse chimique), afin d’apprendre de quels éléments de construction ils sont constitués, et de voir comment ces « parties » se comportent les unes par rapport aux autres, et obtenir de l’information sur la structure interne et la construction du psychique. Ce procédé de « microscopie » est possible parce que les états psychiques sont immédiatement « expérimentés » (erfahren), « vécus ». La base expériencielle est alors constituée par les vécus internes. Dans cette mesure, cette psychologie est « psychologie empirique de la perception » ou « psychologie du vécu ». La perception ne s’oriente toutefois ici pas directement sur des états psychiques ; bien plutôt intervient dans la perception actuelle transitive (au sens usuel aujourd’hui du terme) simultanément aussi la perception « interne », « secondaire », « réflexive », intransitive de nos propres états psychiques. Cette « perception interne », en tant que phénomène d’accompagnement de la « perception externe », ne doit donc pas d’abord être confondue avec l’ « introspection », bien plutôt l’introspection ne devient-elle méthodique que par ceci que la perception « interne » est faite par une décision l’objet de l’enquête expérimentale, que les états spirituels « fugaces » sont « fixés », afin de les décrire de façon analytique. Par cette analyse des « constituants » du psychique et cette mise en évidence de leur construction « logique » les uns sur les autres, la psychologie de l’association de la même époque se voit réfutée. Dans cette façon de procéder, on reconnaît la fonction d’avant-coureurs de Brentano et de Stumpf pour « l’école de Würzburg de psychologie de la pensée ». Il est important de remarquer ici que ces recherches prennent leur départ dans des états réels vécus (empiriques) de la pensée et mettent méthodologiquement entre parenthèses les conditions génétiques, physiologiques (sans aucun doute co-déterminantes), afin de soumettre à leurs inves- © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) 6. Conclusion 20 Wilhelm Baumgartner tigations les fonctions de pensée elles-mêmes. On voit là clairement comment Brentano, Stumpf et les autres Würzbourgeois s’écartent dans leur méthode principiellement de la « psychologie physiologique » de Wundt qui leur est contemporaine. La querelle avec Wundt dont on a déjà parlé est donc surtout à recevoir pour une querelle de méthodes. © Presses Universitaires de France | Téléchargé le 29/03/2021 sur www.cairn.info (IP: 78.199.153.229) Carl Stumpf Stumpf C. (1869), Verhältniß des platonischen Gottes zur Idee des Guten, Halle, Pfeffer. Stumpf C. (1873), Über den psychologischen Ursprung der Raumvorstellung, Leipzig, Hirzel. (Reprint : Amsterdam, Bonset, 1965.) Stumpf C. (1883), Tonpsychologie. 1. Band, Leipzig, Hirzel. (Reprint : Amsterdam, Bonset, 1965.) Stumpf C. (1888), « Rezension von W. Wundt, Grundzüge der physiologischen Psychologie, 3. Auf. 1887 », Vierteljahresschrift für Musikwissenschaft, 4, 540-550. Stumpf C. (1890 a), Tonpsychologie. 2. Band, Leipzig, Hirzel. Stumpf C. (1890 b), « Über Vergleichungen von Tondistanzen », Zeitschrift für Psychologie und Physiologie der Sinnesorgane, 1, 419-462. Stumpf C. (1891 a), « Wundts Antikritik », Zeitschrift für Psychologie und Physiologie der Sinnesorgane, 2, 266-293. Stumpf C. (1891 b), « Mein Schlußwort gegen Wundt », Zeitschrift für Psychologie und Physiologie der Sinnesorgane, 2, 438-444. Stumpf C. (1891 c), « Psychologie und Erkenntnistheorie », Abhandlungen der philosophisch-philologischen Klasse der Königlich Bayerischen Akademie der Wissenschaften 19, 2. 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