Pathologie du carrefour iléo-cæcal A. ZOUGARHI Service de radiologie CHU Mohammed VI Marrakech Le Plan I- Introduction. II- Rappel anatomique et clinique. III- Moyens d’exploration: 1-Morphologique: -endoscopie. 2-Imagerie: a- Conventionnelle: transit du grêle, enteroclyse. b- Echograhie, Doppler. c- Imagerie en coupes: Scanner et coloscanner, IRM et Entero-IRM. d- Radiologie interventionnelle IV- Étiologies: 1-Inflammatoires. a- Idiopathiques: maladie de crohn. b- Non infectieuses: Appendicite. c- Infectieuses: Tuberculose. 2-Tumorales: a- Malignes: Adenocarcinome. b- Benignes. 3- Divers. V- Conclusion. INTRODUCTION La région iléo-cæcale représente un segment frontière entre l’intestin grêle et le cadre colique et un carrefour entre le pelvis, le mésentère et l’étage sus-mésocolique par l’intermédiaire de la gouttière para-colique. Cette région comporte cinq éléments anatomiques : l’iléon terminal, la valvule iléo-cæcale, le cæcum, l’appendice et le côlon ascendant. Elle est le siège d’une pathologie riche et variée. Coupe anatomique de la région iléocæcale Clinique Représente une part importante des abdomens aigus,révélés par une douleur de la fosse iliaque :abdomen chirurgical ou médical. Patient fébrile ou apyrétique. Notion de contage tuberculeux. Évolution en poussées et remissions. Moyens d’exploration Explorations morphologiques: Endoscopie: Excellente vision de la muqueuse colique, voire iléale, prise de prélèvements biopsiques et résection de lésion polypoïde. Difficultés : -Nécessité d'une analgésie. - Impossibilité occasionnelle de franchir la valvule de Bauhin. - Diagnostic des lésions sous-muqueuses ou extrinsèques. Pour ces raisons, il est nécessaire d'associer fréquemment endoscopie et imagerie pour explorer la région iléocaecale. Imagerie: Conventionnelle: Transit du grêle: Exploration simple et non contraignante pour le patient. Ingestion progressive de 900ml de contraste baryté dilué aux 2/3 ou à 50 % et la réalisation de plusieurs radiographies en procubitus et en décubitus en étalant les anses. Le but est d'explorer la totalité du grêle, les anses une à une, leurs contours, leur lumière, leur calibre, la mobilité dans le temps et dans l'espace, et d'évaluer l'atteinte des différents segments et l'atteinte de l'environnement mésentérique. Entéroclyse: Consiste à pratiquer un transit du grêle avec une sonde naso-jéjunale positionnée dans l'angle de Treitz afin d'éviter un reflux duodénogastrique de produit de contraste. Échographie En raison de sa facilité de réalisation et de son innocuité, elle a pris une place de plus en plus importante, notamment dans les situations d'urgence. Sonde convexe de 3,5 MHz à 5 MHz pour un repérage des différents segments digestifs puis linéaire haute fréquence de 7,5 MHz à 13 MHz pour analyse plus approfondie du tube digestif. Echographie Limites dépendant. : obésité, gaz digestifs, opérateur Doppler: Différencier une anse inflammatoire (hyper vasculaire) de l'extension d'un processus local à cette anse. Imagerie en coupes: Avantages 1. 2. 3. 4. 5. 6. Montrer l'atteinte transpariétale et le degré d’épaississement pariétal. La nature tumorale (tissulaire) ou inflammatoire de cet épaississement. Le siège de l’atteinte. La longueur, focale ou segmentaire. L’aspect de la graisse adjacente à cet épaississement. L’existence d’adénopathies. Limites: Faible pourcentage de détection de l'atteinte précoce, des fistules et des ulcérations. Imagerie en coupes Entéroscanner: Le contraste opaque permet de visualiser les anses grêles et les adénopathies, ainsi que les collections extraluminales et les abcès. La présence d'une obstruction ou d'une fistule est également bien évaluée. Cependant l'emploi d'un contraste positif peut masquer une atteinte pariétale, d'où l'intérêt d'utiliser un contraste négatif (l’eau) qui facilitera l'analyse de la paroi, en particulier avec injection de contraste iodé par voie veineuse périphérique. Entéro-IRM: Repose essentiellement sur les séquences pondérées en T2, les séquences rapides pondérées en T2 et les séquences pondérées T1 avec injection de gadolinium et saturation de graisse. L'ingestion de produit de contraste peut se faire comme pour l'entéroscanner soit per os ou soit par injection directe au travers une sonde nasojéjunale. Radiologie interventionnelle Indication: Abcès identifiés par l'imagerie et parfois en amont d'une éventuelle chirurgie à froid. Étiologies Pathologies inflammatoires Pathologies inflammatoires idiopathiques La maladie de Crohn: Maladie inflammatoire granulomateuse chronique du tractus gastrointestinal. Le diagnostic repose sur un faisceau d'arguments cliniques, morphologiques et histologiques. Peut atteindre n'importe quel segment du tube digestif. Atteinte élective du grêle terminal dans 30 à 40 % des cas correspondant à la description initiale « d'iléite régionale de Crohn ». L'évolution dans le temps est variable, marquée par de nombreuses poussées et remissions. Maladie de crohn Maladie de crohn Maladie de crohn L’épaississement pariétal est segmentaire et important, avec un rétrécissement de la lumière digestive. Rehaussement en cible ou en couches concentriques, dus à l’oedème durant la phase aiguë de l’inflammation. Augmentation de la densité de la graisse mésentérique. Adénopathies mésentériques et des lésions à distance. Maladie de crohn L’épaississement pariétal le long de la dernière anse, l’épaississement circonférentiel du cæcum et la localisation du centre de l’inflammation à distance de l’appendice permettent de différencier la maladie de Crohn des réactions inflammatoires d’une appendicite. Le diagnostic repose aussi sur des signes secondaires comme les fistules borgnes ou non, les abcès et la prolifération fibro-graisseuse péri digestive et sur l’atteinte d’autres segments du grêle. La rectocolite ulcéro-hémorragique Peut atteindre la valvule iléo-cæcale, donnant une iléite de reflux. N’est jamais isolée. Pathologie inflammatoire Infectieuses Tuberculose Pays d’endémie. La région iléo-cæcale est le siège le plus fréquent d’atteinte du tube digestif. Le diagnostic repose sur un épaississement asymétrique de la valvule iléo-cæcale de la partie interne et moyenne de la paroi cæcale, englobant l’iléon terminal et par des grosses adénopathies au centre hypodense. Les signes associés tels l’épaississement péritonéal, un épanchement intra-péritonéal et des signes sur la radiographie thoracique (antécédents de tuberculose), aident au diagnostic. Trois formes radiologiques : La forme hypertrophique: Tuberculose - La plus fréquente, réalise un aspect nodulaire qui entraîne une amputation partielle du caecum. -Les plis caecaux sont épaissis et nodulaires avec parfois une image de pseudoinvagination. -L'iléon terminal est fréquemment atteint sous forme d'une iléite pavimenteuse, ulcéro-nodulaire ou ulcéreuse. La forme ulcéreuse: - Vaste ulcère de plusieurs centimètres de diamètre entouré d'un bourrelet irrégulier et nodulaire ou par des ulcérations multiples et de morphologie variée. La forme ulcéro-hypertrophique: - Réalise une très courte sténose centrée, proche de la valvule, ou un rétrécissement plus ou moins long. -Des lésions ulcéreuses peuvent exister au centre ou sur les berges de la sténose ou du rétrécissement. Tuberculose caecale Pathologie inflammatoire Iléite terminale infectieuse Elle est due habituellement à des bactéries type Yersinia, Campylobacter ou Salmonelle. Le diagnostic est clinique devant l’apparition d’une diarrhée aiguë et sur la coproculture. TDM : épaississement circonférentiel pariétal inflammatoire de la dernière anse, du cæcum, étendu, rehaussé en couches avec adénopathies mésentériques locorégionales. Pathologie inflammatoire Inflammation régionale La réaction inflammatoire extrinsèque d’un abcès tubo-ovarien peut être responsable d’un épaississement pariétal inflammatoire de l’appendice et de la paroi cæcale. La constatation de signes inflammatoires et d’anomalies centrées sur la région tubo-ovarienne permettent le diagnostic différentiel avec l’appendicite. Pathologies inflammatoires non infectieuses APPENDICITE Urgence chirurgicale abdominale la plus fréquente. Diamètre de l’appendice supérieur à 6 mm, épaississement de la paroi, infiltration de la graisse péri appendiculaire, associés parfois à un épaississement focal de la dernière anse et du cæcum. Une interruption localisée de la paroi de l’appendice inflammatoire,un stercolithe appendiculaire en dehors de l’appendice, une collection liquidienne péri appendiculaire ou de l’air extraluminal sont des signes de perforation. Appendicite Appendicite DIVERTICULITE Diverticulite cæcale Peut être prise à tort pour une appendicite aiguë. Se manifeste par un épaississement de la paroi cæcale asymétrique ou circonférentiel, une inflammation diverticulaire. Diverticulite Diverticulite iléale Rare et présente les mêmes caractéristiques que le diverticulite cæcale. Diverticulite de Meckel Habituellement à distance de la valvule iléo-cæcale. Le diagnostic repose sur la visibilité d’une structure tubulaire, arrondie et ovalaire, borgne, adjacente à l’iléon, pouvant contenir un entérolithe inflammatoire, en présence d’un appendice normal. Appendicite Épiploïque Cæcale Torsion spontanée, ischémie ou inflammation d’un appendice épiploïque du colon. En TDM: masse para cæcale ovale, graisseuse, rehaussement en anneau bien limité qui entoure la masse et parfois une zone centrale de densité élevée. Traitement médical. Pathologies tumorales Tumeurs malignes primitives Adénocarcinomes Adénocarcinome du cæcum: Le cæcum représente environ 1/4 des localisations des adénocarcinomes du colon. Le colique se manifeste par un épaississement pariétal asymétrique sur un court segment, avec une transition brutale avec le segment colique normal. Les localisations cæcales se caractérisent par leur aspect polypoïde, volontiers volumineux, rarement cause d’une occlusion mais pouvant être un point de fixation à l’origine d’une invagination iléo-colique. Adénocarcinome du cæcum Il s’y associe assez souvent une infiltration minime de la graisse péri-colique, même en dehors des cas de perforation colique, toujours proportionnellement inférieure au degré de l’épaississement pariétal. Dans environ 10 % des cas, il existe un épaississement de la dernière anse iléale, soit tumoral soit inflammatoire. Les ganglions sont locorégionaux. Adenocarcinome caecal Adénocarcinome de la dernière anse Typiquement circonférentiel et obstructif, responsable d’un épaississement circonférentiel ou excentrique touchant un court segment de l’iléon et se rehaussant après injection de produit de contraste. Le diagnostic différentiel d’une forme infiltrative avec une maladie de Crohn peut être difficile, tout en sachant que l’adénocarcinome est une des complications classiques d’une maladie de Crohn évoluant depuis 15 à 20 ans. Adénocarcinome de l’appendice La majorité de ces tumeurs sont riches en mucine et sont à l’origine de mucocèles appendiculaires. L’épaississement pariétal et irrégulier de cette mucocèle, associé à des anomalies pariétales, sont des signes non spécifiques, qui peuvent correspondre à une dégénérescence maligne ou à une inflammation secondaire ou les deux. Les cancers non mucineux de l’appendice sont eux le plus souvent diagnostiqués sur la pièce d’appendicectomie. Mucocéle appendiculaire TUMEURS CARCINOÏDES Tumeur carcinoïde de la dernière anse Volontiers de petite taille , se présentant comme un épaississement pariétal nodulaire, une masse sous muqueuse à bords lisses, hypervasculaire. Elle est rarement visible tant sa taille est petite et c’est la réaction desmoplastique mésentérique, signe indirect le plus fréquent, qui fera évoquer le diagnostic. Cette réaction apparaît comme une masse stellaire mal limitée, de densité tissulaire, contenant des calcifications dans 50 % des cas avec rétraction du mésentère et des anses grêles adjacentes. Tumeur carcinoïde de l’appendice Habituellement de petite taille, inférieure à 1 cm et siège dans le 1/3 distal de l’appendice. À la base de l’appendice, elle peut être responsable d’une appendicite. Le plus souvent découverte à l’examen anatomopathologique de la pièce d’appendicectomie. Pathologie maligne primitive Lymphome de la région iléo-caecale: La région iléo-cæcale est le siège le plus fréquent du lymphome primitif du tube digestif. Il se présente sous la forme d’un épaississement important (1,5 à 7 cm) de la paroi du segment atteint, unique ou multi-segmentaire, circonférentiel, de densité tissulaire et se rehaussant faiblement après injection de produit de contraste. Il peut aussi se présenter comme une lésion polypoïde, petite ou grande, à l’origine d’une invagination. Lymphome Lymphome Il se distingue de l’adénocarcinome par un épaississement segmentaire plus long et une jonction avec le segment sain plus graduelle. Il est associé habituellement à un épaississement du mésentère et à des adénopathies rétropéritonéales engainant en « sandwich » les vaisseaux. L’ulcération de la masse est une complication classique avec formation de trajets fistuleux avec les anses intestinales adjacentes. Pathologie maligne primitive Les tumeurs stromales Siègent rarement sur l’iléon terminal et encore plus rarement dans le cæcum. Tumeur volumineuse, bien limitée de l’iléon, de type extraluminal avec un rehaussement en anneau hétérogène entourant une zone nécrotique. Tumeurs malignes secondaires D’origine hématogène par envahissement direct à partir d’un organe adjacent ou encore par carcinose péritonéale. Elles se manifestent par un épaississement intestinal, volontiers circonférentiel, avec un rétrécissement luminal, une angulation ou une masse polypoïde qui peut éventuellement se nécroser. Les cancers de l’ovaire droit envahissent habituellement le cæcum, la dernière anse, par l’intermédiaire du mésentère. Tumeurs bénignes Le lipome Le cæcum est le siège le plus fréquent des lipomes du tube digestif. Habituellement asymptomatique, elle peut être source de saignement et d’invagination. Quelque soit la localisation, un lipome apparaît comme une masse arrondie ou ovalaire, à limite nette,homogène,intra pariétale, de densité – 80 à – 120 UH. Tumeurs bénignes Adénomes de l’appendice Les adénomes mucineux (mucocèle) sont les plus fréquents. Ils apparaissent comme des masses para cæcales, arrondies, bien limitées, homogènes, de densité proche de l’eau ou plus denses, dépendant de la quantité de mucine . Les autres tumeurs bénignes Les adénomes de la région iléo-cæcale apparaissent comme des masses pédonculées ou sessiles de densité tissulaire. Les hémangiomes sont très rares, hypervasculaires et ils peuvent être pédiculés. Pathologies diverses Volvulus du cæcum Le cæcum est la seconde localisation des volvulus du colon, après le colon sigmoïde. On peut voir en TDM, l’image en « oeil de cyclone » due à la torsion des segments afférents et efférents autour de l’axe mésentérique. Le cæcum distendu est habituellement localisé à la partie moyenne de l’abdomen ou dans le cadre supérieur gauche. Volvulus caecum Typhlite ou colite neutropenique Patients immunodéprimés. Épaississement segmentaire inflammatoire des parois du colon, une collection liquidienne ou une augmentation de densité de la graisse péri colique, une pneumatose pariétale. Un diagnostic précoce et un traitement médical adapté permettent d’éviter la nécrose transmurale ou la perforation. Ischémie du cæcum Rare, survient le plus souvent chez les sujets âgés. Spontanée ou associée à une insuffisance cardiaque chronique, une chirurgie cardiopulmonaire, une chimiothérapie systémique, une aortite et à des embols de cristaux de cholestérol. Épaississement circonférentiel de la paroi cæcale avec une paroi stratifiée et une densification de la graisse péri colique avec un appendice normal et l’absence de diverticule. À un stade plus tardif, : pneumatose colique, gaz mésentérique ou portal, pneumopéritoine. Duplication kystique iléo-caecale Rares anomalies congénitales. Siègent essentiellement sur l’intestin grêle et en particulier la dernière anse et le cæcum. Apparaît en TDM comme une petite masse kystique arrondie ou tubulaire, à bords bien limités et localisée dans la paroi ou adjacente à la paroi du grêle. Peuvent être responsables d’une invagination. Endométriose de la région ileo-cæcale Très rare. La majorité des implants endométriosiques siègent sur l’iléon terminal à environ 10 cm de la valvule iléo-cæcale. Apparaît comme une zone de rétrécissement excentrique. Conclusion Pathologie extrêmement variée et polymorphe. Association imagerie et endoscopie. Place de l’imagerie en coupes. Diagnostic différentiel important: conduite thérapeutique médicale ou chirurgicale.