جامعة سيدي محمد بن عبد هللا فاس-كلية العلوم ظهر المهراز UNIVERSITE SIDI MOHAMED BEN ABDELLAH FACULTE DES SCIENCES DHAR EL MAHRAZ - FES - Filière SVI Projet Tutoré Semestre S6 Mémoire LE MERCURE ET LA SANTE HUMAINE Utilisation et toxicité Présenté par : ANINE Assia KABBOU Zakaryae ZARKANE Houda Encadrant : Pr IBN LKHAYAT IDRISSI Meryem Soutenu le : 15/05/2019 Jury : Examinateur 1 : Pr GUEMMOUH Raja Examinateur 2 : Pr DAMIRI Laila Encadrant : Pr IBN LKHAYAT IDRISSI Meryem Année Universitaire : 2018/2019 REMERCIEMENTS Nous tenons tout d’abord à remercier « DIEU » l'unique pour toutes ses créations. Nous tenons à remercier infiniment Professeur IBN LKHAYAT IDRISSI Meryem pour l’aide précieuse qu’elle nous a apportée tout au long de notre démarche. Elle a su nous guider avec compétence et patience tout au long de notre projet. Nos sincères gratitudes s’adressent également aux membres du jury Professeur GUEMMOUH Raja Et Professeur DAMIRI Laila d’avoir accepté d’examiner ce travail. Veuillez trouver dans ce travail notre sincère respect et notre profonde reconnaissance. Nous profitons aussi de ce travail pour exprimer nos plus vifs remerciements et reconnaissance envers tous les Professeurs et toutes les personnes qui nous ont apporté du soutien durant nos études, et qui n’ont cessé de nous conseiller, et envers tous nos amis qui ont été toujours près de nous avec leurs encouragements, critiques et conseils. Table des matières Liste des figures Liste des tableaux Liste des abréviations INTRODUCTION………………………………………………………………………… 1 I. LE MERCURE I.1. Historique ………………………………………………………………………..………..3 I.2. Les caractéristiques du mercure …………………………………………………………..3 I.3. Les formes du mercure ………………………………………………………………. …. 4 I.4. Propriétés physiques et chimiques ……………………………………………...………...5 I.5. Principales sources d’émission ……………………………………………...……………6 I.6. Utilisations du mercure …………………………………………………………………...7 II. INTOXICATION AU MERCURE ET SES DÉRIVÉS II.1. Métabolisation du mercure dans l'organisme………………………………….…………8 II.2. Toxicocinétique du mercure……………………………...……………….…………… ..8 II.2.1. Le Mercure organique….……………………………………………………………….9 II.2.1.1. Absorption …………………………………………….…………………………......9 II.2.1.2. Transport et distribution ……………………………….…………………………….9 II.2.1.3. Excrétion …………………………………..…………………………………………9 II.2.2. Le Mercure inorganique……………………………………………...……………….10 II.2.2.1. Absorption …………………………………………………………...……………..10 II.2.2.2. Transport et distribution ………………………………………………….……….. 10 II.2.2.3. Excrétion …………………………………..………………………………………. 11 II.3. Intoxication par le mercure ………………………………………………...………….. 11 II.3.1. Intoxication aiguë……………………………………….……………...………......... 12 II.3.2. Intoxication chronique………………………………………………..………...……. 12 II.4. Mécanisme d'action du mercure……………………...……… ………………………12 II.5. Effets toxiques du mercure ……………………………………………....…………..…13 II.5.1. Effets sur les reins………………………………………………….……………….…13 II.5.2. Effets sur le foie…………………………………………………………………….…13 II.5.3. Effets neurologiques……………………………...……………………………..…… 13 III. LE MERCURE ET LES PRODUITS DE SANTÉ III.1. Les thermomètres………………………………………………………..…..................14 III.2. Les médicaments et les vaccins……………………………………………...…...….... 15 III.3. Amalgames dentaires………………………………………………………...…….…. 16 IV. EXPOSITION HUMAINE AU MERCURE ET A SES COMPOSES IV.1. Exemple de la baie de Minamata (Japon)………………………...…………...……… 17 IV.2. Cas du Maroc…………………………………………………..……………………... 17 IV.3. Action de l’OMS……………………………………………...…………...………….. 20 CONCLUSION………………………………………………………….....…………….… 22 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES:………………………….…..………....………. 23 LISTE DES FIGURES Figure 1 : Cinétique du mercure dans l’organisme Figure 2 : Teneurs moyennes en mercure pour les diverses espèces de poisson du Littoral Marocain Figure 3 : Variation des teneurs en mercure en fonction des ports de pêche LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 : Concentration du mercure dans les muscles des poissons consommés dans la région d’étude (Martil) LISTE DES ABREVIATIONS FCP : Fréquence de la Consommation du Poisson INH : Institut National d'Hygiène MED POL : Programme d’évaluation et de maîtrise de la pollution marine dans la région méditerranéenne MT : Métallothionéine OMS : Organisation Mondiale de la Santé ONSSA : Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires SNC : Système Nerveux Central INTRODUCTION Depuis toujours, la Terre est utilisée pour ses ressources naturelles. La constante évolution des technologies a foncièrement réduit les ressources naturelles, et a déclenché un processus d’épuisement irréversible. Les émissions anthropiques, liées aux activités humaines n’ont cessé d’augmenter, notamment depuis la révolution industrielle. L’extraction et l’utilisation intensive d’éléments naturellement présents, dans le but d’améliorer et d’accompagner nos besoins et ceux de l’industrie, ont complètement bouleversé les cycles biogéochimiques naturels de ces derniers. Le mercure utilisé depuis toujours dans l’industrie a grandement participé à l’évolution de nos sociétés. Mais son utilisation intensive et non contrôlée a perturbé son cycle naturel, et participe actuellement à la dégradation de l’environnement. La combustion d’énergies fossiles, l’extraction de minerais ou la production de déchets, utilisent du mercure et participent fortement à sa dispersion dans tous les compartiments de l’environnement (atmosphère, sol, eau, faune, flore,…). Or le mercure, bien qu’utile et naturel, est avant tout un composé toxique pour l’Homme et l’Environnement. Inorganique ou sous forme organique, tous les dérivés du mercure sont toxiques. Dans l’atmosphère on le retrouve principalement sous forme gazeuse, et de part sa grande volatilité, le mercure est distribué en tous points de la planète. Sous forme divalente organique, il peut être assimilé par les organismes et accumulé tout au long de la chaine trophique. Mais, la prise de conscience du pouvoir toxique du mercure est récente. En effet, il aura fallu attendre de grandes catastrophes, comme celle de Minamata au Japon en 1956 (Osame et Takizawa, 2001) pour que l’on se rende compte du pouvoir létal du mercure, pour l’Homme et les Êtres vivants. Malheureusement, de nos jours, des populations locales souffrent encore de contamination au mercure, comme en Amazonie (Bidone et al., 1997) ou au Canada (Tian et al., 2010). Pour réduire et endiguer cette menace sous-jacente, les autorités publiques internationales ont décidé de mettre en place plusieurs réseaux de mesure et de surveillance. Le mercure est donc de plus en plus surveillé, et reconnu de nos jours comme un polluant important et néfaste pour l’Homme et l’Environnement. Or, pour réduire et endiguer cette pollution, il est nécessaire de mieux connaître les sources (naturelles et anthropiques), et de comprendre tous les mécanismes biologique et/ou chimique mis en jeu lors de la 1 transformation du mercure en sa forme la plus toxique, le méthylmercure. De ce fait, l’étude de la pollution par le mercure recouvre plusieurs champs disciplinaires (chimie, physique, biologie, sociologie,…), qui sont aujourd’hui en total interaction pour mieux comprendre ces mécanismes. 2 I. LE MERCURE I.1. Historique Connu depuis plus de 2 000 ans, le mercure est mentionné dans les écrits des Grecs et des Romains. Le cinabre (HgS), principal minéral exploité pour générer du mercure, paraît avoir été utilisé comme colorant avant que le mercure métal ne le soit pour sa capacité à concentrer les métaux précieux. La consommation de mercure est restée faible jusqu'au 16ème siècle où elle commença à croître avec son utilisation dans l'amalgamation de l'argent destiné à produire la monnaie. Le développement de l'industrie au XIXème siècle voit la consommation de mercure s'orienter vers son utilisation dans la thermométrie, la mesure des pressions et dans la fabrication des contacts électriques. Actuellement, le mercure est reconnu comme métal dangereux dont l'utilisation dans certains secteurs de l'industrie est interdite ou en voie d'élimination (cathodes Hg dans l'industrie du chlore, la thermométrie…). De nos jours, le mercure se retrouve également, en très petite quantité, dans des ordinateurs portatifs, des piles, des téléphones, certains équipements d’éclairage de pointe et dans les freins anti-blocage de voitures fabriquées en 2002. Les utilisateurs de mercure ou de produits mercuriels sont en diminution constante et les industries chimiques font l'objet de suivis et de contrôles importants quant à leurs rejets. Actuellement, la production de mercure primaire est faible, et la majeure partie du mercure utilisé provient du recyclage des déchets contenant cet élément et des sous-produits générés par les industries minières et métallurgiques. I.2. Les caractéristiques du mercure ▪ C'est le seul métal liquide à température ambiante. Il se divise par l'agitation en fines gouttelettes. C'est aussi le seul métal dont la température d'ébullition soit inférieure à 650° (357°) ; ▪ Il se caractérise par une extrême volatilité ; ▪ Il se combine très facilement avec d'autres molécules, que ce soient des métaux (amalgames), des molécules inorganiques (sels) ou organiques (carbone) ; ▪ C'est un métal dit « lourd » dans la classification du chimiste Mendeleiev, dans la mesure où il possède une « masse atomique » de 200 (hydrogène =1) ; 3 ▪ C'est un métal toxique, une toxicité qui vient de son extrême volatilité (puisqu'il peut être facilement respiré), de sa relative solubilité dans l'eau et les graisses (il peut être facilement transporté dans le corps), et de sa capacité à se lier avec d'autres molécules qu'il va modifier ou dont il va transformer les fonctions. Quelques gouttes de mercure I.3. Les formes du mercure Sur le plan physico-chimique, le mercure est un métal qui change facilement de forme et de propriétés. Très volatil, il passe aisément de l'état liquide à l'état gazeux à température ambiante. En présence d'oxygène, le mercure s'oxyde très facilement passant de l'état métallique (Hg0), liquide ou gazeux, à l'état ionisé (Hg2+). C'est aussi un métal qui s'associe facilement aux molécules organiques formant de nombreux dérivés mercuriels. Le mercure se présente sous deux familles distinctes : ♠ Le mercure métallique ou inorganique qui prend lui-même trois formes différentes : - le mercure métallique élémentaire, sous forme liquide (noté Hg°). C'est le mercure classique, sous sa forme la plus connue, qui était utilisée dans les thermomètres. - le mercure sous forme gazeuse (noté Hg°). En chauffant il se transforme en vapeur. - le mercure inorganique, sous forme ionique. C'est ce qu'on appelle les atomes de mercure (notés Hg2+). ♠ L'autre grande famille est constituée par le mercure organique, combiné à une molécule contenant du carbone il est à la base de tout élément vivant (ou qui a été vivant). Il existe des échanges permanents entre ces différentes formes, car le mercure a une grande capacité à se transformer, notamment sous l'effet de l'acidité du milieu et de la présence de molécules assurant ces combinaisons (chlore, soufre). La transformation peut être décrite comme suit : 4 ▪ du mercure métallique aux ions mercuriques : l'oxydation. Le mercure sous forme de vapeur est inhalé. Par l'action de la catalase présente dans les globules rouges, le mercure métallique est transformé en ions mercuriques, qui passent dans le sang. ▪ des ions mercuriques au mercure organique : la méthylation. Celle-ci se déroule principalement en milieu aqueux ou dans les intestins, en fonction de l'acidité et de la présence de soufre. Les composés de mercure organique les plus connus sont le méthylmercure et le diméthylmercure. Il existe aussi du mercure dit « particulaire », c'est-à-dire que le mercure peut se lier avec des particules telles que les matières minérales ou organiques en suspension (détritus organiques, argiles...). La particule mise en jeu sert de support au mercure ou à ses différentes formes de spéciations. On retrouve du mercure particulaire dans l'air, les sols et les eaux. I.4. Propriétés physiques et chimiques Les propriétés physico-chimiques du mercure diffèrent selon sa forme chimique : ► Mercure inorganique métallique Le mercure est le seul métal connu qui est liquide à 0°C. Le mercure métallique émet des vapeurs dès 0°C ; c'est, là encore, une propriété originale du mercure. Le taux de vapeurs émises augmente avec la température. A température ordinaire, la quantité de vapeurs émises est loin d'être négligeable (INRS, 1999). Il est très faiblement soluble dans l'eau; sa solubilité augmente légèrement avec la température. Un équilibre s'établit entre le mercure non dissous, le mercure en solution et les vapeurs de mercure, si bien que l'eau ne constitue pas une 5 protection contre les vapeurs de mercure (INRS, 1999) : Hg liquide ↔ Hg dissous ↔ Hg vapeur Le mercure élémentaire est peu liposoluble. Dérivés inorganiques du mercure, la plupart des sels mercuriques est très peu volatile, soluble dans l'eau (donnant des cations mercuriques) et insoluble dans les lipides à l'exception du chlorure mercurique (corrosif), qui est liposoluble. Les sels mercureux par contre sont en général non volatils, insolubles dans l'eau et les lipides. Les oxydes sont non volatils et insolubles dans l'eau. Le sulfure de mercure ou cinabre, qui est le minerai le plus connu, est non volatil et insoluble dans l'eau. ► Composés organomercuriels Le mercure sous forme ionisée a tendance à former des liaisons covalentes (donc solides), à la différence d'autres métaux qui se lient plutôt grâce à des liaisons ioniques. Cette propriété explique la formation des composés organométalliques de type méthylmercure, ce qui aura des conséquences importantes en toxicologie, du fait de leur solubilité qui va se partager entre l'eau et les lipides (Picot et Proust, 1998). Un nombre important de ces composés est volatil à température ordinaire. Les plus volatils sont les dérivés alkylés, et surtout dialkylés comme le diméthylmercure (CH3-Hg-CH3). Ils sont plus ou moins solubles dans l'eau. Les composés arylés et alkylés sont particulièrement stables en milieu aqueux ou en présence de dioxygène. Le diméthylmercure, modèle de composés organométalliques symétriques, est insoluble dans l'eau. Selon leur structure, les composés organomercuriels sont plus ou moins liposolubles. Ainsi le diméthylmercure est totalement liposoluble, car formé de liaisons covalentes comme dans les hydrocarbures de type méthane dont il dérive. Le cation méthylmercure (CH3Hg+) pouvant former des liaisons ioniques avec des ligands minéraux (OH-, Cl-...) et/ou organiques (fonction thiol,...), sera à la fois hydrosoluble et liposoluble. L'hydrosolubilité de certains cations dérivés du mercure (nitrate...), la liposolubilité des composés organomercuriques et dans une moindre mesure du mercure sous forme élémentaire (à l'état de vapeurs) sont à l'origine de risques d'intoxication aiguë ou à long terme (Picot et Proust, 1998). I.5. Principales sources d’émission Quelque soit la forme chimique du mercure qui se trouve dans la nature, il est émis à partir d'un éventail de sources naturelles comme les volcans, les sols, les conduits volcaniques sous6 marins, les zones géologiques riches en mercure ainsi que les eaux douces et les océans, les plantes, les feux de forêt, les cristaux de sel marin et la poussière météorique. Bien que les émissions naturelles se produisent principalement sous forme de vapeurs de mercure élémentaire (Hg0), des particules et des vapeurs d'oxydes, de sulfures, d'halogénures ainsi que des vapeurs de méthylmercure peuvent également être émises. Les activités humaines dégagent aussi du mercure dans l'environnement. Les sources seraient, par ordre décroissant d'importance: le raffinage et la combustion des combustibles fossiles (Wilhelm et Bloom, 2000; Wilhelm, 2001), les activités minières, les incinérateurs, certains processus industriels notamment liés à l'industrie du chlore et de la soude caustique et le recyclage des thermomètres, des lampes au mercure … qui sont plutôt source de pollutions locales, mais parfois très graves. Par ailleurs, 85 % de la pollution mercurielle des lacs et des cours d'eau (Fitzgerald et Watras, 1989), provient aujourd'hui directement des activités humaines (Schickling et Broekaert, 1995) ou du pétrole (Liang et al., 2000; Olsen et al., 1997; Shafawi et al., 1999). Par conséquent, le mercure persiste dans l’environnement où il circule, sous diverses formes, entre l’air, l’eau, les sédiments, le sol et le biote. Les émissions actuelles s’ajoutent au réservoir mondial de mercure, continuellement mobilisé, déposé sur terre et dans l’eau et mobilisé à nouveau. Et selon sa forme physique et chimique le mercure peut être déposé à proximité de la source d'émission ou être soumis au transport atmosphérique à grande distance par des masses atmosphériques. I.6. Utilisations du mercure La combustion de produits fossiles, la déforestation, l’exploitation minière et l’implantation de complexes hydroélectriques sont des activités anthropiques qui produisent et rejettent des particules de mercure dans l’environnement ([USEPA], 2014 ; [O.N.U.A.A]., 2013-2016). Le mercure est utilisé à plusieurs fins et comme constituant de plusieurs produits : batteries, thermomètres, baromètres, amalgames dentaires, peintures, teintures, interrupteurs, thermostats, fongicides, vaccins, et il est encore utilisé dans certains laboratoires de recherche (O.N.P, 2011 ; O.N.P., 2013). Le mercure est aussi largement employé dans l’orpaillage artisanal pour s’amalgamer avec l’or (ONUAA, 2013-2016). Le mercure peut provenir d'une source de contamination telle que, lampe au mercure (par exemple: 22 mg/ lampe de 125 watts, 34 mg/ lampe de 175 watts), tube fluorescent (par exemple : < 0,05 % du poids d'un tube régulier) (O.N.P., 2014). 7 II. INTOXICATION AU MERCURE ET SES DERIVES II.1. Métabolisation du mercure dans l'organisme Le mercure est un métal qui n’accomplit aucune fonction physiologique et son mode d’absorption varie selon son état chimique. Environ 95 % du CH3Hg ingéré est absorbé. Le CH3Hg passe facilement la barrière hémato-encéphalique et ceci est généralement attribué à sa lipophilie. Le CH3Hg est partiellement excrété par voie biliaire, mais est en majeure partie réabsorbé dans l’intestin suite à l’existence d’un cycle entéro-hépatique. La flore intestinale serait capable de transformer le mercure inorganique en mercure organique et inversement. Une élévation de la concentration urinaire moyenne de mercure (7,6 µg/g créât) observée chez des sujets ingérant du poisson contaminé par du CH3Hg a été attribuée à la libération de mercure inorganique in vivo et son accumulation dans les reins. La demi-vie (T1/2) d’élimination du CH3Hg est d’environ 70 jours. La T1/2 du mercure métallique se situe entre 4 et 45 jours dans le sang et de 40 jours dans l’urine. II.2. Toxicocinétique du mercure Figure 1: Cinétique du mercure dans l’organisme 8 II.2.1. Le Mercure organique II.2.1.1. Absorption Trois voies d’absorption du mercure organique sont possibles (pulmonaire, cutanée et digestive) (Figure 1), avec une meilleure absorption des dérivés alkylés à chaîne courte (comme le CH3Hg). En milieu professionnel, l’absorption pulmonaire est de l’ordre de 60% et est la plus fréquente surtout vis à vis des dérivés alkylés les plus volatils. Très lipophiles, ils passent facilement la barrière cutanée. En population générale, l’exposition au mercure organique est principalement digestive par l’ingestion d’aliments contaminés (poissons) (Lauwerys et al., 2007; Haufroid et al., 2007) et l’absorption digestive du CH3Hg est de 95%. II.2.1.2. Transport et distribution Dans la circulation sanguine, le mercure organique se fixe principalement sur les groupements thiol des globules rouges (90% du mercure organique est intra-érythrocytaire) ou forme un complexe hydrosoluble en se fixant sur les groupements thiol d’un ligand (Clarkson, 2002). Très lipophile, le CH3Hg passe facilement la barrière hémato-encéphalique par le biais d’un transport actif (Kerper et al., 1996) et une fois dans le cerveau devient moins échangeable que dans les autres organes (Lauwerys et al., 2007). Dans le système nerveux central (SNC), le mercure se localise préférentiellement dans la substance grise (PNUE, 2002), en particulier les cellules de Purkinje. L’accumulation dans le rein du CH3Hg est limitée à la différence des ions mercuriques rapidement formés lors de l’exposition à l’éthylmercure (CH3-CH2-Hg). L’éthylmercure diffuse plus lentement dans le cerveau, et, à quantité égale, il a une toxicité moindre que celle du CH3Hg. Le CH3Hg ingéré est rapidement diméthylé par la flore bactérienne intestinale en une forme inorganique (Clarkson, 2002). II.2.1.3. Excrétion L’élimination du mercure organique est principalement biliaire. Il subit dans l’intestin un cycle entéro-hépatique avec réabsorption portale. Cette excrétion peut être stimulée par l’administration de résines thiolées fixant le mercure (Clarkson, 2002). Une partie du CH3Hg excrété par voie biliaire est déméthylée en mercure inorganique par la flore microbienne et une faible partie est réabsorbée. La majeure partie du CH3Hg est éliminée sous forme déméthylée dans les fèces. Le CH3Hg est faiblement excrété dans les phanères et dans les urines (inférieure à 10%). La demi-vie biologique du CH3Hg chez l’homme est estimée entre 9 35 et 189 jours, avec de larges variations inter-individuelles. Chez les personnes ayant une exposition constante, une stabilisation de la charge corporelle sera obtenue après un an. L’excrétion du CH3Hg dans le lait maternel est plus faible que celle du mercure inorganique. II.2.2. Le Mercure inorganique II.2.2.1. Absorption Sous forme de vapeur, le mercure élémentaire est rapidement et essentiellement absorbé par voie pulmonaire, le taux d’absorption alvéolaire étant classiquement évalué à 80% (Lauwerys et al., 2007). Les quelques études portant sur l’absorption par voie orale du mercure métal ne rapportent pas de symptômes, et de nombreuses études concluent à un coefficient d’absorption par voie digestive négligeable de l’ordre de 0,01%. Par voie cutanée, le taux d’absorption du mercure métallique sous forme vapeur est faible, évalué à moins de 3% par certains auteurs (Hursh et al., 1989). La pénétration sous-cutanée du mercure métallique est une voie accidentelle régulièrement décrite chez des infirmières par blessures suite au bris de thermomètres à mercure. En revanche, plusieurs observations ont montré des intoxications avec syndrome néphrotique par passage transdermique lors de l’application cutanée de crème ou savon éclaircissant contenant des sels de mercure inorganique. Encore récemment, elles sont décrites dans des pays en voie de développement et dans certains pays industrialisés qui n’ont pas légiféré pour en interdire l’utilisation dans les produits cosmétiques. Le taux d’absorption digestive des dérivés inorganiques, tel que le chlorure mercurique, suite à l’ingestion volontaire ou accidentelle peut aller jusqu’à 15%, et peut être à l’origine d’une intoxication aigue. L’inhalation de ces dérivés en milieu industriel est faible. II.2.2.2. Transport et distribution Le mercure élémentaire après absorption est distribué rapidement dans tous les organes, où il est rapidement oxydé en ion mercurique (Hg2+) lui permettant de se fixer sur des protéines sanguines et tissulaires; il reste néanmoins échangeable expliquant l’action chélatrice de certains agents. Après exposition à des concentrations atmosphériques de mercure élémentaire comprises entre 0,1 et 0,2 mg/m3, 74 à 80% du mercure inhalé est retenu dans l’organisme avec une accumulation ciblée sur le rein où il se lie à la métallothionéine (MT). Le mercure inorganique se distribue de façon similaire dans tous les organes. L’accumulation des dérivés inorganiques dans le rein et le fœtus est plus faible que le mercure métallique, ce dernier étant plus lipophile. Les ions mercuriques formés se fixent sur les protéines 10 plasmatiques et sont rapidement distribués dans le foie et le rein. Dans le rein, les ions mercuriques sont conjugués à des groupements thiol (-SH) de molécules endogènes pour être ensuite captés par les cellules épithéliales des tubules proximaux et des anses de Henlé, mais peu par les glomérules. Dans les cellules, il s’accumule dans les lysosomes, les mitochondries et les membranes cellulaires. Une partie importante du mercure inorganique se fixe sur une protéine aux propriétés similaires à la métallothionéine (MT), cette dernière semblant jouer un rôle protecteur en inhibant l’action toxique du mercure. A la différence de l’ion mercurique, le mercure métallique, du fait de son caractère très lipophile, traverse facilement la barrière hémato-encéphalique et placentaire avant d’être ionisé en Hg2+ sous l’action de catalases. Les ions mercuriques hydrophiles se retrouvent donc piégés dans les lysosomes, expliquant la neurotoxicité du mercure et sa longue demi-vie dans le cerveau. La demi-vie dans le rein et le cerveau semble corrélée aux taux particulièrement élevés de MT dans ces deux organes. II.2.2.3. Excrétion L’élimination du Hg° ou mercure inorganique est principalement rénale lors d’exposition prolongée, dans une moindre mesure, elle peut être biliaire (jusqu’à 40%), et plus faible par voie cutanée et salivaire ou dans les phanères. Après le début de l’exposition, il existe une période de latence en relation avec le stockage progressif de mercure dans le rein. Par la suite, l’excrétion s’élève et atteint un plateau entre 10 jours et 6 mois. Le mercure inorganique est excrété sous forme ionisée ou fixée à des protéines. En cas d’exposition aux vapeurs de mercure, celui-ci peut être excrété dans le lait maternel sous forme inorganique via l’albumine. La demi-vie biologique du Hgo est comprise entre 40 et 90 jours. II.3. Intoxication par le mercure L’intoxication au mercure est également appelée hydrargisme, hydrargyrie ou hydrargyrisme. Le mercure est un métal, dans tous les cas, très toxique mais il est important de distinguer les effets des sels de mercure (mercure sous forme ionisée) Hg++ et Hg+ du mercure métallique Hg°, des effets des composés organiques du mercure (méthylmercure, CH3Hg notamment) beaucoup plus toxiques. Cet élément est d’autant plus nocif qu’il s’évapore facilement et ses vapeurs sont aisément assimilées par l’organisme. De plus, l’absorption simultanée de cuivre, de zinc ou de plomb tend à accroitre le pouvoir nocif du mercure. 11 II.3.1. Intoxication aiguë L’ingestion accidentelle ou volontaire de mercure métallique ne provoque pas d’intoxication parce qu’il est très peu absorbé, mais peut se compliquer d’une fausse route et entraîner une inhalation avec une atteinte pulmonaire. Les intoxications aiguës par ingestion publiées sont essentiellement liées à l’ingestion volontaire ou accidentelle de chlorure mercurique. Des douleurs abdominales, des vomissements sanglants, voire même des perforations digestives ont été observés (Garnier, 2000). II.3.2. Intoxication chronique Chez l’homme, les deux principaux organes cibles du mercure élémentaire et du mercure inorganique sont le système nerveux central et le rein. Ainsi, les principaux symptômes d’hydrargyrisme chronique (intoxication par le mercure) sont d’ordre neurologique, comme des troubles de la psychomotricité, des troubles cognitifs et des modifications de la personnalité (comme de l’irritabilité, de l’anxiété). Le mercure atteint également les reins (lésions glomérulaires et tubulaires) et induit une protéinurie. Enfin, il est également observé des troubles cardiovasculaires (tachycardie, hypertension artérielle), respiratoires, hépatiques et immunologiques. Le mercure organique atteint essentiellement le cerveau, avec des paresthésies, un malaise général, des modifications et des troubles sensoriels. Le méthylmercure induit la maladie de Minamata avec l’apparition de troubles neurologiques sévères. Le mercure organique provoque également des atteintes rénales. Les mêmes observations sont faites chez l’animal, et les organes cibles sont les mêmes (INERIS, 2010). II.4. Mécanisme d'action du mercure L'activité cytotoxique du mercure est liée d'une part à sa grande affinité pour le soufre, entraînant le blocage des fonctions thiol (-S-H) des protéines (modifiant ainsi leur structure tertiaire et quaternaire), des peptides (glutathion) ou des acides aminés soufrés (cystéine). Les protéines ainsi inactivées peuvent être des enzymes, des protéines des membranes cellulaires (notamment des récepteurs d'hormones et de neuromédiateurs), des protéines membranaires des organites cellulaires (mitochondries, lysosomes), des protéines membranaires impliquées dans les transports ioniques (ATPase Na-K, canaux calciques) ou encore la tubuline et la myéline, ce qui provoque de graves perturbations dans la conduction de l'influx nerveux (Olivieri et al., 2000). 12 II.5. Effets toxiques du mercure II.5.1. Effets sur les reins Le mercure ionisé Hg2+ (inorganique) va s’accumuler au niveau des tubules proximaux du rein et la zone superficielle de la médullaire externe. Lors de forte exposition au mercure élémentaire ou inorganique, des tubulopathies dose-dépendantes et des glomérulonéphrites à dépôts extra membraneux de mécanisme immunotoxique sont observées (Hua, 1993). Les atteintes tubulaires semblent survenir au-delà d’un certain seuil d’exposition, classiquement lorsque l’excrétion urinaire du Hg dépasse 50 µg/g de créatinine (Testud, 2005). Une augmentation de l’excrétion de la N-acétyl-β-D-glucosaminidase (NAG) à partir de 25 µg/g de créatinine de Hg urinaire suggère une atteinte tubulaire débutante. Par contre, il n’a pas été établit de seuil de survenue des atteintes glomérulaires. Généralement les manifestations rénales de l’exposition chronique au mercure métallique sont discrètes, associant une atteinte glomérulaire et tubulaire modérée, survenant à des niveaux d’exposition supérieurs à ceux nécessaires pour entraîner une atteinte neurologique. II.5.2. Effets sur le foie La cytolyse hépatique est un signe d’intoxication aigue par le mercure (Necib et al., 2013). Elle ne s’observe qu’après des contaminations massives. Le mercure inhibe la synthèse des hémoproteines, et en particulier celle du cytochrome P450, ce qui peut être à l’origine d’interactions médicamenteuses et d’effets toxiques d’autres substances. II.5.3. Effets neurologiques Les premières manifestations cliniques lors de l’exposition chronique aux vapeurs de mercure sont peu spécifiques : céphalées, asthénie, troubles de la personnalité et du caractère, troubles de la mémoire et de la concentration, des tremblements intentionnels (Smith RG et al.,1970; Fawer RF et al.,1983). Dès ce stade, les tests psychométriques et les potentiels évoqués permettent d’objectiver une atteinte neurologique centrale (Albers JW et al., 1988). A un stade plus avancé, les signes d’encéphalopathie sont plus spécifiques et associent un syndrome cérébelleux complet et une franche altération intellectuelle (Piikivi L et al., 1983; Garnier R, 2000). Dans les cas sévères, le tableau peut se compléter d’hallucinations et de delirium, plus rarement d’une atteinte des voies optiques ou d’un syndrome extrapyramidal. L’atteinte périphérique avec une polyneuropathie sensitivomotrice distale est fréquente. 13 III. LE MERCURE ET LES PRODUITS DE SANTÉ III.1. Les thermomètres Le mercure présente certaines caractéristiques physiques qui ont été mises à profit pour entrer dans la fabrication de produits courants : son coefficient de dilatation a servi aux appareils de mesure de température et de pression (thermomètres, baromètres, manomètres...), son excellente conductivité a servi aux petits matériels électriques (piles, lampes au néon...). La plupart de ces usages ont été prohibés, mais l'interdiction porte sur les nouvelles mises sur le marché. Des stocks anciens, encore chargés de mercure, restant en usage, et présentant parfois des risques pour les utilisateurs. Le mercure a été utilisé très tôt, au XVIIème siècle, comme fluide dans les thermomètres du fait de son coefficient de dilatation élevé, mais c'est seulement au XVIIIème siècle que l'on définit la température des rejets sains, et au XIXème siècle que la prise de température fut un acte de routine médicale. Pendant plus de 100 ans, les thermomètres utilisés furent des thermomètres à mercure. Bien que beaucoup plus chers que les thermomètres à mercure (de l'ordre de deux à trois fois le prix), les produits de remplacement sont apparus dans les années 70 : thermomètres électroniques (fabriqués en Chine) et thermomètres à infrarouge (essentiellement d'origine américaine). Dès lors que les produits de substitution étaient disponibles, les efforts pour limiter les usages du mercure ont été accélérés à la fin des années 80. Un véritable thermomètre à mercure Bien que banalisé, le thermomètre à mercure n'est pas sans inconvénient ni danger. Outre les risques infectieux liés au nettoyage insuffisant de l'appareil, mais non spécifique au thermomètre à mercure, les principaux risques sont liés au bris. Le risque est évidemment lié à l'usage. La casse, très rare chez les particuliers, peut être importante, voire très importante en milieu hospitalier, du fait de l'usage intensif des thermomètres. 14 Le bris d'un thermomètre est responsable de lésions traumatiques locales (perforations...) et de plaies cutanées. Ces plaies sont bénignes tant qu'il n'y a pas de contact avec le mercure. Dans le cas contraire, le contact entraîne une réaction inflammatoire et un risque toxique. L'autre risque est l'ingestion de mercure par les enfants. L'ingestion est elle aussi bénigne la plupart du temps car le mercure est très peu absorbé dans le tube digestif, mais il peut y avoir complication soit lorsque le mercure est piégé dans l'appendice, soit lorsque le mercure ingéré passe dans l'arbre respiratoire et entraîne alors des réactions inflammatoires. III.2. Les médicaments et les vaccins Le mercure a été utilisé ou se retrouve à l'état de traces dans les médicaments et vaccins soit comme : - agent anti-infectieux, - résidu, - conservateur. L'utilisation des métaux lourds tels que l'argent, le cuivre, et surtout le mercure, à des fins thérapeutiques, est connue dès l'Antiquité et s'est poursuivie jusqu'à la première moitié du XXème siècle. Le mercure sous forme de sels ou d'oxyde a été utilisé pour ses propriétés anti-microbiennes, antiseptiques et anti-bactériologiques. Le mercure agit soit en détruisant la cellule, soit en inhibant la multiplication cellulaire. Le mercure a servi notamment pour traiter la syphilis et les furoncles persistants. Ces usages ont fortement décliné, tant en raison de la toxicité du produit qu'en raison de la baisse progressive de son efficacité (du fait de l'emploi intensif des dérivés mercuriels en milieu hospitalier, de nombreux micro-organismes étant devenus résistants). Les sels mercuriques ont été retirés, et seuls quelques dérivés organiques ont continué à être utilisés. Les dernières utilisations auraient donc disparu, en Europe, au cours des dix dernières années, les contrôles préventifs réalisés par l'agence européenne d'évaluation des médicaments, avant la mise sur le marché ne permettent pas d'autoriser des médicaments de cette nature. Quant au mercurochrome, bien connu de toute une génération, cette appellation est tout aussi trompeuse que les « plombages dentaires » qui n'ont pas plus de plomb qu'il n'y avait de mercure dans le mercurochrome. On trouve également le mercure à l'état de trace dans quelques produits de santé, médicaments ou vaccins, sous forme de résidus, de traces du catalyseur utilisé pour la fabrication du principe actif. Il s'agit alors d'impuretés à des doses infinitésimales. Les médicaments doivent subir l'examen préalable sous forme d'autorisation de mise sur le 15 marché (ANM) et un taux résiduel de mercure serait bien évidemment discriminant et interdirait ce médicament. Néanmoins, quelques cas d'utilisation détournée ont pu être cités. C'est en partie le cas de certains produits utilisés pour traiter des cancers dermatologiques qui peuvent contenir des traces de produits toxiques. Ces traces ont pour effet de blanchir la peau. L'utilisation détournée consiste à utiliser ces produits pour son effet secondaire (le blanchiment de la peau) et non pour son effet primaire. Enfin, le mercure est utilisé comme agent conservateur pour les vaccins, pour éviter la contamination par des bactéries, notamment dans les flacons multi doses entamés. Le dérivé mercuriel utilisé est le thiomersal, qui se trouve à l'état de traces principalement dans trois vaccins : les vaccins appliqués aux jeunes enfants (le DTC-diphtérie, tétanos, coqueluche) et certaines marques de vaccins contre l'hépatite B et contre la grippe. En France, on compte 8 vaccins contenant du thiomersal. Il s'agit de 2 vaccins contre l'hépatite B et de 6 vaccins antigrippaux. III.3. Amalgames dentaires Les métaux précieux ou lourds sont utilisés depuis plusieurs millénaires (ex : Egypte Antique) pour obturer des cavités dentaires, avec ou sans intervention préalable. L’amalgame résulte du mélange de mercure (à raison de 43 à 50,5% en poids) avec un complexe d’autres métaux comprenant généralement de l’argent (40 à 70% du poids de ce complexe), de l’étain (12 à 30%), du cuivre (12 à 30%), de l’indium (0 à 4%), du zinc (0 à 1%) et du palladium (0,5%). Le mercure de l’amalgame (majoritaire en poids) est connu pour libérer, de manière continue, des vapeurs de ce métal qui sont inhalées ou dégluties par le sujet. Ce dernier se trouve donc exposé de manière prolongée à de faibles taux de mercure. La biodisponibilité du mercure est, dans ces conditions, variable mais élevée (de l’ordre de 80%). Sa capacité à franchir les barrières de l’organisme (barrière glomérulaire, barrière hémato-encéphalique, barrière placentaire, barrière mammaire, etc.) l’est tout autant. La demie vie d’élimination du mercure dans ces conditions d’imprégnation serait de l’ordre de 1 à 3 mois. De ce fait, le mercure ainsi introduit diffuse pratiquement dans l’ensemble de l’organisme et peut être identifié par dosage (si la dose d’exposition est suffisamment forte ou la méthode de dosage sensible) dans pratiquement tous les organes cibles (cerveau, rein, thyroïde, etc.) et les fluides (sang, urine, liquide amniotique, etc.). L'éventuelle intoxication chronique par le mercure dentaire serait particulièrement insidieuse puisqu'elle débuterait par des symptômes non spécifiques, tant physiques (fatigue, manque d'appétit, sécrétion salivaire, diarrhée) que psychologiques (perte de confiance en soi, 16 irritabilité, dépression ...). La liste des maux constatés chez les porteurs d'amalgames et imputés par ces derniers aux amalgames est donc particulièrement impressionnante : troubles du sommeil, cernes sous les yeux, nervosité, torticolis, fourmillement dans les jambes, perte de sensibilité des seins, crampes anales, vertiges, rhumes, perte d'énergie, perte de mémoire, maux de tête, écriture tremblante, irritabilité, timidité, bégaiement, nausée, toux sèche... Autant de maux que la médecine ne parvenait pas à guérir, jusqu'à la délivrance : le retrait des amalgames. Cette toxicité potentielle et la mobilisation de groupes et associations particulièrement motivés ont entraîné l’interdiction de l’usage du mercure dans plusieurs pays, en particulier ceux déjà sensibilisés à la toxicité du mercure par voie alimentaire : Russie (1975), Japon (1982), Norvège (2007), Suède (2009). IV. EXPOSITION HUMAINE AU MERCURE ET A SES COMPOSES IV.1. Exemple de la baie de Minamata (Japon) La catastrophe de Minamata au Japon (1953-1956) fut un des premiers accidents écologiques graves. Les familles de pêcheurs de la baie de Minamata furent contaminées par le méthylmercure qui s'était concentré tout au long de la chaîne alimentaire : la concentration en mercure des gros poissons carnivores était jusqu'à 500 000 fois supérieure à celle de l'eau de la baie. L'usine de plastique à l'origine de cette intoxication rejetait dans la mer des ions mercuriques (le sulfate de mercure était utilisé comme catalyseur), transformés ensuite en méthylmercure par des bactéries présentes dans les sédiments. Cette intoxication fut à l'origine de 11300 empoisonnements avec atteinte cérébrale évoquant des scléroses en plaques, des maladies de Parkinson, des syndromes cérébelleux, etc. et d'un millier de décès. De nombreuses atteintes fœtales furent observées : troubles neuropsychiques graves, absence de membres ou membres tordus même en l'absence de symptômes observables chez la mère. Ces pathologies évoquent les handicaps de naissance de cause souvent inconnue (autisme, insuffisance motrice cérébrale, syndrome cérébelleux, épilepsie, etc.). IV.2. Cas du Maroc Dans le but d’étudier l’exposition de la population, de la région de Martil, à des niveaux de mercure, nous rapportons les résultats d’une étude réalisée au sein du département de 17 toxicologie de l’INH sur le mercure dans les cheveux et sa relation avec la consommation des poissons, dans une communauté de la côte méditerranéenne marocaine, région de Martil. En se basant sur les données de l’enquête nutritionnelle réalisée, les poissons les plus couramment consommés sont : la sardine (Sardina pilchardus), le mugil (Mugil cephalus), et le merlan (Merluccius merluccius). Les concentrations totales de mercure (Tableau 1) dans ces échantillons varient entre 0,081 et 0,175 µg/g. Ces résultats se rapprochent de ceux trouvés sur la côte atlantique, [Hg] 0,049-0,194 µg/g, mais sont légèrement au-dessus des niveaux publiés dans le cadre du programme de surveillance MEDPOL pour la côte méditerranéenne avec des moyennes de 0,031 µg/g et 0,033 µg/g, détectées respectivement lors des campagnes de 2010 – 2012, et celle de 2013 – 2015. En général ces données révèlent, que dans la région d’étude, les teneurs en Hg sont bien inférieures à la norme de 0,50 µg/g établie par la réglementation Européenne. Tableau 1 : Concentration du mercure dans les muscles des poissons consommés dans la région d’étude (Martil) Espèces de poissons n Concentration en Hg (µg/g) Moyenne±S.D. Longueur (cm) Pilchard (Sardina 2 pilchardus) 6 Common mulet 2 (Mugil cephalus) 4 Hake 1 (Merluccius merluccius) 8 10-14 0.137±0.042 20-25 0.096±0.017 20-38 0.101±0.031 Des échantillons de cheveux ont été prélevés chez 108 individus (68 hommes, 40 femmes) vivant à Martil. Pendant l’échantillonnage chaque personne a répondu à un questionnaire détaillant l’âge, la profession, les espèces des poissons consommées, et la fréquence de la consommation du poisson (FCP) exprimée comme nombre de repas de poisson consommé par semaine. Les résultats de cette étude sont rassurants (0,22- 9,56 µg/g). Le niveau moyen de mercure reste faible (1,79 µg/g), et les teneurs ne dépassaient pas la norme OMS de 10 µg/g. Les niveaux les plus élevés du mercure enregistrés dans cette étude (environ 9,56 µg/g) sont ceux trouvés dans les cheveux des personnes qui ont eu un FCP de 5 fois par semaine. Il est 18 possible que la raison pour laquelle les individus présentant des teneurs élevées en Hg, soit la pêche dans un site (point chaud) fortement contaminé par le mercure. Au demeurant, il s’est avéré que les pêcheurs colligés dans cette étude avaient des teneurs de mercure ne dépassant pas les normes internationales. De même, toutes les femmes ont montré des concentrations en mercure de cheveux en dessous de 10 µg/g. Les produits de la pêche et ceux des fruits de mer sont des sources importantes d’énergie, de protéines, et d’aliments essentiels, tels que les vitamines, les oligoéléments, et les acides gras oméga-3. En raison de ces effets bénéfiques, le but ne serait pas de réduire la consommation de poissons, mais de développer des stratégies pour identifier les sites pollués (Figure 2), engager des actions de décontamination et de réduction de l’émission du mercure dans l’environnement et de sensibiliser le consommateur. Notons qu’au Maroc, un plan de surveillance a été mis en place en 2006 par l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), en vue de suivre le niveau de ce métal dans les principales espèces de poisson des côtes marocaines (Figure 3). En 2013 le projet de loi portant approbation de la convention Minamata sur l'usage et les émissions de mercure, a été adopté en conseil de gouvernement. Cette convention vise à réduire au niveau mondial les émissions du mercure, très toxiques pour la santé et l'environnement, en vue de l'éliminer d'ici 2020 dans plusieurs produits. Figure 2 : Variation des teneurs en mercure en fonction des ports de pêche 19 Figure 3 : Teneurs moyennes en mercure pour les diverses espèces de poisson du littoral marocain IV.3. Action de l’OMS L’Organisation mondiale de la Santé publie des données sur les effets sanitaires des différentes formes de mercure, des conseils pour identifier les populations risquant d’être exposées au mercure. Elle fournit aussi des outils pour réduire l’exposition à cet élément, ainsi que des conseils pour remplacer les thermomètres et tensiomètres utiles pour les soins de santé. Elle dirige des projets visant à promouvoir la gestion et l’élimination rationnelles des déchets de soins de santé et a facilité la mise au point d’un dispositif sans mercure, validé et abordable, pour mesurer la pression artérielle. Si la Convention de Minamata autorise les pays à poursuivre l’utilisation du mercure dans les dispositifs médicaux de mesure jusqu’en 2030 sous certaines conditions, l’OMS et l’organisation non gouvernementale Health Care without Harm estiment que les conséquences potentiellement négatives pour la santé du mercure sont si graves que tous devraient s’efforcer de respecter la date cible de 2020 fixée dans la Convention. L’OMS et ses partenaires du secteur de la santé s’efforceront en outre de : ♦ éliminer progressivement les antiseptiques locaux et les produits cosmétiques éclaircissants de la peau à base de mercure; ♦ élaborer des stratégies de santé publique visant à traiter les effets sur la santé de l’utilisation du mercure dans l’extraction artisanale et à petite échelle de l’or; 20 ♦ élaborer des mesures pour éliminer progressivement l’utilisation des amalgames dentaires; ♦ encourager l’échange d’informations sanitaires, une meilleure sensibilisation du public et la recherche en santé. 21 CONCLUSION Aujourd’hui, la production mondiale de mercure est passée de 10 000 tonnes par an en 1970 à moins de 2 000 tonnes par an. Néanmoins, dans plusieurs régions du monde, la pollution environnementale due à l'emploi de ce métal est extrêmement préoccupante et a de graves conséquences sur la santé des populations locales. Si certaines applications du mercure ont disparu, de nombreuses professions sont encore exposées. Pour la population générale, l’interdiction des thermomètres médicaux au mercure a supprimé l’une des causes principales d’intoxication des enfants. L’amélioration de la préparation des amalgames dentaires et le traitement des déchets issus des cabinets dentaires a aussi permis de limiter à la fois l’exposition des dentistes et celles des patients. Afin de réduire l’exposition humaine aux sources de mercure, il existe plusieurs moyens de prévenir les effets négatifs sur la santé : l’interdiction de la vente des produits cosmétiques et des produits de la pharmacopée traditionnelle contenant du mercure, la substitution des appareils à base de mercure, la règlementation des mines informelles, des usines à charbon et d’extraction d’or, les incinérateurs, et la décontamination des zones de travail et des anciens sites pollués pour la récupération du mercure répandu et sa transformation en composés non volatils. 22 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Albers JW, Kallenbach LR, Fine LJ, Langolf GD, Wolfe RA, Donofrio PD et al. Neurological abnormalities associated with remote occupational elemental mercury exposure. Ann Neurol 1988; 24:651-9. Bidone, E.D., Castilhos, Z.C., Cid de Souza, T.M., Lacerda, L.D., 1997. Fish contamination and human exposure to mercury in the Tapajos River Basin, Para State, Amazon, Brazil: a screening approach. 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