Art, anti-art et non-art, Dora Vallier (résumé)

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Art, anti-art et non-art - résumé
Dora Vallier
L’échoppe, 1986
L’ECART
Conjointement avec son interrogation sur une éventuelle fin de l’art, liée à une
mutation de notre civilisation et donc à la naissance d’un “autre chose”, Dora Vallier
reconnaît en Lascaux le symbole de la permanence de l’art, bien plus loin que dans l’histoire,
mais dans le Temps.
Du fait de “l’ancrage” historique de notre culture, nous ne réalisons pas sans efforts
que l’art vient d’infiniment plus loin que toute société, du seuil de la vie humaine, et que dans
l’amas des millénaires, la forme n’a pas d’âge. [p.12]
Le Temps dans cette perspective qui fuit cesse d’être une mesure pour devenir un tout
béant que la pensée ne saisit plus et que l’art, seul parmi les activités humaines, nous restitue à
travers les objets livrés par les fouilles, comme des balises placées ça et là dans l’inaccessible.
[p.13]
La question posée est : Dans quelles conditions peut mourir l’art, doté d’une résistance
incomparablement plus grande que celle du langage, que celle de l’écriture, que celle de la
littérature, doué d’une longévité autre que celle des religions ? [p.13]
L’art ne serait-il pas finalement lié à l’existence même de l’homme, comme le sont de son
corps ses mains et ses yeux.
MARCEL DUCHAMP / L’ANTI-ART
Pour Duchamp, l’art qui doit mourir est celui qui est au service de la société, non pas
l’expérience créatrice en soi, mais le geste créateur faussé à force d’être répété [p.14].
1914 marque la rupture dans son o : il renonce définitivement à la peinture pour
défendre un art hors de toutes conventions, qui va mettre en scène ce conflit art-civilisation
industrielle.
Si l’art est la trace matérielle du pouvoir de l’homme sur le monde, l’anti-art
fondamentalement dénonce ce pouvoir. [p.16]
Dans Réseaux de stoppage étalon, constitué de 3 couches successives (1911-1913-
1914) qui brouillent et finalement détruisent l’image, Duchamp installe la destruction de la
peinture comme touche finale, tandis que les Ready made (dès 1910), tirant leur sens de
l’esprit et non de la forme, il heurte l’habitude, le conformisme, l’esprit mécanisé. Dans cette
entreprise de bouleversement des valeurs, l’absurde, l’ironie, l’humour, comme aiguillons de
l’esprit, sont les éléments d’un anti-langage par lequel Duchamp élabore patiemment un anti-
art, qui ne peut entrer dans le circuit commercial sous peine de perdre son sens.
Cette dernière nuance fait toute la différence avec le non-art.
LE NON-ART
Il a en commun avec l’anti-art une contestation de l’art en tant que mode d’expression
et le rejet de son principe considéré comme périmé, inadapté à notre époque. [p.18] En
revanche, le non-art veut instaurer un nouveau langage plastique et remplacer l’art. Galeries,
musées, publicité, constituant un circuit culturel et commercial nouveau, ont
considérablement aidé le mouvement à proliférer, accentuant l’ambiguïté initiale.
Une négation se comporte en affirmation. Là où l’art est exécuté, surgit son simulacre.
Les critères esthétiques réfutés sont invoqués pour justifier la réfutation. Un acte
insuffisamment assumé, ni art, ni anti-art tient la scène. C’est la parodie de l’art qui se joue.
Un non-art est produit, vendu et défendu par ses exégètes comme si c’était de l’art. [p.19]
Parmi toutes les appellations de ce non-art, “pop-art” est celle qui correspond le mieux
à la réalité du phénomène sociologique. Il illustre bien le transfert vers une culture populaire,
avec ses propres circuit (communication de masse) et sa propre tradition d’images (réclame,
enseignes lumineuses, BD). L’erreur vient d’avoir réintroduit sous forme d’art, ces
manifestations dans le circuit de culture supérieur (musées, galeries) alors que leur place était
dans la rue.
[...] ce mouvement circulaire contourne l’art et l’élude. L’artiste, par définition,
créateur d’images se désigne comme consommateur d’images. C’est l’autonivellement
délibéré. [p.20]
Par volonté de rapprocher l’art et le public, l’artiste transpose des images quotidiennes
dans le contexte de l’o d’art. Ces images détournées, isolées, acquièrent involontairement un
sens différent : nées d’une volonté de nivellement, elles deviennent une réaction contre ce
nivellement, et il y a confusion entre une réaction de spectateur et l’émotion esthétique.
L’artiste, débarrassé de toutes les exigences spécifiques du langage de l’art, croit trouver la
liberté dans ce qui n’est que l’arbitraire. L’o peut être tout et n’importe quoi. Le bébé exposé
au Salon de mai. L’eau verte du Canal Grande. Le portrait flottant de Che Guevara. [p.21]
(œuvres décrites dans l’introduction)
avec la récupération du pop’art par l’ordre établi, abolition de la notion d’avant-garde
(Marcuse)
La quasi-totalité des formes que revêt le non-art se rejoignent en 3 points :
- utilisation de procédés propres à la société industrielle, surimpressions mécaniques, lumière
électrique, néon, une longue liste de trouvailles de bricoleurs, d’expédients éphémères. [p.22]
- un caractère incongru malgré leur réalisme outrancier, qui naît de leur improductivité
- une “dénonciation” de l’objet unique (thème récurrent de l’accumulation, de la répétition, de
la série).
Aussi diverses que soient ces tendances, dans le foisonnement actuel [...] le non-art est
en réalité une des formes que prend l’affrontement entre l’art et la société de consommation.
Le rythme de l’art est par définition lent, à tous les niveaux (initiation, apprentissage,
exécution, communication). Il est irréductible aux lois de la production, et reste au contraire le
lieu de retranchement de l’homme.
L’avalanche de non-art a porté ses fruits là où ceux-ci devaient venir : dans la rue,
donnant un élan de hardiesse et d’invention aux étalages, à la publicité, aux enseignes
lumineuses.
Aujourd’hui, “Primary structures”, “Minimal art”, derniers avatars du non-art,
semblent se fondre dans le cadre extérieur, qui a toujours été de même nature que lui, pour
laisser toute sa place à l’art du XXème siècle finissant.
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