1 Une représentation simplifiée de l’économie : la notion de circuit économique 1- Quelques notions de base Acceptons, dans un premier temps, la définition selon laquelle les économistes étudient les mécanismes de production et de répartition des richesses dans les économies contemporaines où les rapports marchands sont généralisés, où l’usage de la monnaie est la norme et où les agents économiques jouissent d’une autonomie d’action relativement importante face au pouvoir politique. Appelons économie de marché les sociétés concrètes où domine ce type d’économie. Pour décrire et analyser les mécanismes de marché, les économistes manipulent un petit nombre de concepts-clefs qui leur permettent de distinguer et de définir les objets économiques, les opérations économiques et les agents économiques. a- Les objets économiques regroupent les éléments constitutifs de la richesse matérielle, ainsi que les moyens servant à la créer et à la faire circuler. Il faut retenir, entre autres : - La richesse proprement dite qui est l’ensemble des biens matériels et immatériels, mesurés en monnaie. On la désigne aussi par la notion d’actif, un actif pouvant se présenter sous une forme réelle (les biens immobiliers par exemple), monétaire (les moyens de paiement liquides), ou financière (la quasi-liquidité). - Les biens et services sont le terme générique pour désigner la richesse en tant que centre d’intérêt des économistes. Si les biens se présentent sous forme matérielle, les services ont une existence immatérielle (coupe de cheveux, service d’un enseignant ou d’un avocat, service de transport, service financier fourni par une banque). Biens et services ont ceci de commun qu’ils sont coûteux, contrairement aux biens libres (l’air, les océans, les forêts vierges, le sol et les richesses du 2 sous-sol) qui ne le sont pas, dans la mesure où ils sont disponibles dans la nature et ne sont donc pas le produit du travail humain. - La marchandise est un objet économique sur lequel existe un droit de propriété privée. Elle est donc appropriable privativement. A ce titre, en plus d’être coûteuse, au sens où elle exige un sacrifice (en travail et en capital) pour sa production, elle est échangeable contre de la monnaie et a donc un prix. En revanche, les services de police, ceux de l’armée ou ceux de l’état-civil fournis par l’Etat ne sont pas appropriables privativement. Ce sont des biens publics (ou biens collectifs, ou encore des biens non marchands) dont la caractéristique est d’avoir un coût (leur production suppose un sacrifice supporté par les contribuables), mais pas un prix. Ils posent aux économistes des problèmes particuliers que nous aurons à aborder plus tard. Ainsi, les biens et services, objet de préoccupation des économistes, sont tous coûteux, mais n’ont pas tous un prix fixé sur le marché. - La monnaie est un objet économique fondamental pour la circulation des richesses dans les sociétés modernes. Elle se présente aujourd’hui sous diverses formes : pièces, billets de banque, comptes bancaires courants (à vue). C’est un équivalant général qui permet de fixer la valeur de tous les autres biens et services, mais c’est aussi une réserve de valeurs bien commode. Son usage même et son acceptation supposent, de la part des acteurs économiques, l’existence d’une confiance totale vis-à-vis des pouvoirs publics qui en sont les émetteurs ou les garants. - Enfin, un titre est une créance, c’est-à-dire un droit en vertu duquel une personne (le créancier) peut exiger d’une autre personne (le débiteur) le versement d’une somme d’argent. Plus précisément, l’émission d’un titre est l’expression d’une promesse faite par un acteur X vendeur du titre (l’émetteur) à un acteur Y, acheteur du titre contre monnaie (le souscripteur), de lui procurer une certaine quantité de monnaie à échéance 3 précise. Pour ce faire, Y exige de X un avantage pour compenser sa renonciation à une jouissance immédiate. Cet avantage peut être un intérêt (en sus de la somme prêtée) s’il s’agit d’un titre de dette (exemple des obligations), ou de dividendes, c’est-à-dire des revenus versés à flux réguliers, s’il s’agit d’un titre de propriété (exemple des actions). b- Les Agents économiques : Un agent économique (ou acteur) est une construction abstraite d’individus, ou de groupes d’individus constituant un centre de décisions économiques autonomes et supposé avoir une logique de comportement identique. Au plan académique, les économistes ont divergé depuis l’origine sur le contenu précis du concept, les définitions proposées ayant toujours été intimement liées aux hypothèses sur la représentation qu’ils se font de l’activité économique elle-même. Ainsi, les économistes classiques anglais représentaient l’économie comme composée de trois classes sociales distinguées par leur rôle dans le processus de production et la nature des revenus qu’elles perçoivent : la classe des producteurs directs qui perçoit un salaire en contrepartie de la vente de son « travail », la classe des capitalistes qui reçoit, en rémunération de ses « avances de capitaux », un profit qu’elle réinvestit dans la production, et la classe des propriétaires fonciers qui vit de la rente, reçue en contrepartie de la location de ses terres et dépensée de façon improductive. Le philosophe et économiste allemand Karl MARX (1818-1883) adopte aussi une démarche macroéconomique, mais propose une représentation sensiblement différente puisqu’il réduit l’économie à l’existence de deux classes sociales dont les intérêts sont radicalement opposés : la classe ouvrière qui, seule, est créatrice de richesses, mais qui, démunie de moyens de production autres que sa « force de travail », est contrainte de vendre celle-ci à la classe des capitalistes qui l’exploite et en tire la plus-value qu’ils accumulent et réinvestissent à leur seul profit. 4 A son tour, l’économiste britannique John Maynard KEYNES (18831946), considéré comme le père de la macroéconomie moderne, s’attache à comprendre les mécanismes économiques à partir du comportement et des anticipations des trois catégories sociales en présence que sont l’Etat, les salariés et les entrepreneurs. Une position critiquée par les fondateurs du courant néoclassique (ou marginaliste) apparu en 1870-1880 et largement développé depuis. Niant l’existence des classes ou des catégorie sociales et privilégiant l’approche microéconomique, , le centre d’intérêt de ce courant dont est issu, notamment, l’école monétariste de Milton Friedman, se déplace vers l’analyse du comportement supposé rationnel ( l’homo-economicus) des individus consommateurs, producteurs, épargnants,…. Aujourd’hui, les comptables nationaux, dans une approche qui se veut consensuelle, proposent de distinguer cinq secteurs institutionnels selon deux critères de base : leur fonction économique principale et la nature du revenu principal qu’ils perçoivent. Ainsi distinguent-ils les ménages, les entreprises non financières, les entreprises financières, les Administrations publiques (l’Etat), et le reste du monde. 1- Les ménages : Les économistes s’écartent de la définition qu’en donnent les sociologues pour qui un ménage est une famille, avec ou sans enfants, unie par les liens du sang. Ils comprennent le ménage comme une entité constituée d’une ou de plusieurs personnes vivant sous le même toit, prenant les mêmes repas et disposant d’un revenu mis en commun. Ainsi, une personne seule peut constituer un ménage, mais aussi deux ou plusieurs personnes de sexe identique ou différent. L’important est qu’au sein du ménage existe un centre de décision économique unique (le chef de famille, le Recteur de l’Université, le Directeur d’hôpital). Le ménage peut donc aller de l’individu seul au ménage collectif (une caserne, un hospice, une prison,…). La fonction économique principale des ménages est la consommation finale des biens et des services (symbolisée par C) 5 auxquels ils ont accès grâce aux revenus (salariaux et non salariaux) qu’ils acquièrent en mettant à la disposition des autres agents des facteurs de production : le travail (L) et le capital (K). La partie non consommée par les ménages au cours de l’année est épargnée (S). 2- Les entreprises non financières : elles regroupent toutes les organisations dont la fonction économique principale est de produire des biens et des services marchands (c’est-à-dire destinés à la vente) et non financiers. Les biens sont des produits matériels (le chocolat, une maison, un véhicule,…), alors que les services sont des produits immatériels (coupe de cheveux, services d’un enseignant, ou service de transport par exemple). 3- Les entreprises (ou institutions) financières : elles regroupent la Banque centrale, les banques commerciales et les autres établissements de crédit, les caisses d’épargne, le Trésor public,…) qui produisent des services financiers et d’assurance. Elles ont pour fonction économique principale d’assurer le financement de l’économie. Pour cela, elles jouent un triple rôle : un rôle d’intermédiaire entre les agents à capacité de financement et les agents à besoin de financement, un rôle de transformation du surplus des ménages, souvent disponible à court terme, en ressources disponibles à long terme, et un rôle de création de monnaie et autres produits financiers comme les actions, les obligations, les bons du Trésor,… 4- Les Administrations publiques comprennent les Administrations centrales (l’Etat, la Sécurité sociale) et les Administration locales (Wilayas, Daïras et Communes). Leur fonction économique principale est la production de services non marchands (fournis à titre non onéreux), mais aussi la redistribution des revenus et des richesses nationales. Elles remplissent cette fonction en procédant à des prélèvements obligatoires (taxes, impôts, cotisations sociales). 5- Enfin, la Comptabilité nationale a créé un 5ème agent, fictif, nommé « le reste du monde » pour pouvoir saisir les opérations avec 6 l’étranger. Il regroupe l’ensemble des agents économiques « non résidents », ceux qui exercent une activité sur le territoire national depuis moins d’un an et entretienne t des relations marchandes avec les résidents. c- Les opérations économiques : Les agents économiques ainsi décrits effectuent diverses opérations que l’on peut regrouper en trois grandes catégories : - Les opérations sur biens et services (ou circuit de la production) comprennent les opérations de création des ressources dont dispose l’économie nationale (la production PIB et les importations M) et les opérations résultant de l’utilisation (emplois) des biens et services : consommation finale(CF) consommation intermédiaire(CI), formation brute de capital fixe(FBCF), appelée aussi investissement(I), variation des stocks(AS) et exportations X). Les ressources globales correspondent à l’offre globale, tandis que les emplois globaux correspondent à la demande globale. Pour chaque produit, mais aussi au niveau global, il est postulé l’égalité entre les quantités produites et les quantités utilisées. En introduisant les prix des biens et des services, celle-ci devient une égalité entre les valeurs offertes et les valeurs demandées dans l’économie nationale, au cours de l’année : Ressources = Emplois Offre globale = Demande globale PIB + M = CF + CI + I + X + AS, PIB (1) = C + I (2) + X - M (3) PIB= Produit intérieur d’où : 7 C + I = Demande intérieure X - M = Demande étrangère nette Trois cas peuvent se présenter : - Si (1)= (2) (3)=0 : L’équilibre des échanges extérieurs est réalisé lorsqu’il y a équilibre des échanges intérieurs. - Si (2) > (1) (3) < 0 : Les échanges extérieurs sont déficitaires - Si (2) < (1) (3) > 0 : excédent des échanges extérieurs NB : Retenons que le PIB, C, I, M et X sont appelés agrégats pour désigner le fait qu’ils sont calculés au niveau global, par agrégation de l’ensemble de la production, de la consommation finale, des investissements, des importations et des exportation de la Nation, au cours de l’année d’exercice considérée. - Les opérations de répartition (ou circuit du revenu) concernent la distribution, la redistribution et l’utilisation des revenus issus de la production. Leur analyse revient à analyser le circuit du revenu, sachant que, dans une économie fermée, le PIB est parfaitement identique au revenu national brut : tous les agents économiques ayant contribué à la création de richesses reçoivent, en contrepartie, un revenu correspondant. Dans un premier temps, les revenus sont distribués (répartis) entre les salariés (les salaires) et les propriétaires des entreprises (revenu du capital). Dans un second temps, une partie de ces revenus est prélevée sur les agents économiques par l’Etat (au sens large) sous forme de prélèvements obligatoires (impôts, taxes, cotisations sociales), pour être redistribuée ensuite à ces mêmes agents comme revenus de répartition sous forme de prestations sociales (allocations chômage, allocations familiales, retraites, soins médicaux, maternité, …). - Les opérations de financement de l’économie (ou circuit financier) consistent à mettre en relation deux catégories d’agents économiques : 8 les agents ayant une capacité de financement et ceux disposant d’un besoin de financement. Les agents ont une capacité de financement lorsque leur épargne annuelle excède leurs investissements annuels. Par convention, les comptables nationaux considèrent que seuls les ménages ont cette capacité potentielle, sachant leurs investissements se calculent sur leurs dépenses annuelles affectées à l’acquisition de biens immobiliers. A l’inverse, les agents ont un besoin de financement dans la mesure où ils ne disposent pas d’une épargne annuelle propre pour couvrir la totalité des investissements envisagés au cours de la même année. Egalement par convention, l’Etat et les entreprises non financières sont considérés comme étant dans cette situation. Il est admis que l’Etat est en situation chronique de déficit budgétaire : il ne génère pas d’épargne et a donc recourt en permanence aux emprunts pour financer ses dépenses courantes, service de la dette comprise. Quant aux entreprises, si elles peuvent générer du cash-flow, le montant de celui-ci est rarement suffisant pour faire face aux dépenses de trésorerie, et surtout aux investissements envisagés au cours de l’année. Globalement, la fonction financière est assurée, dans une économie de marché, par les entreprises (ou institutions) financières qui regroupent la Banque centrale, les banques commerciales et autres établissements de crédit, les banques d’affaires, ainsi que par les Caisses d’épargne, le Trésor public, et les compagnies d’assurance. Toutes ces institutions produisent ainsi une large gamme de services financiers et d’assurance servant à mobiliser l’épargne disponible pour la mettre à la disposition des agents à besoin de financement. Précisons qu’il existe dans une économie de marché deux circuits de financement distincts. Dans le circuit indirect, les banques commerciales interviennent comme intermédiaires entre les agents à capacité et les agents à besoin de financement. Par l’octroi de crédits aux agents à besoin de financement, elles remplissent un rôle de transformation du surplus des ménages, souvent disponible à court terme, en ressources disponibles à long terme, au moyen de la création de monnaie scripturale. Quant au circuit direct, il permet une mise en relation directe des deux types d’agents sur le marché 9 financier (le marché boursier) au niveau duquel circulent divers produits financiers comme les effets commerciaux, les actions, les obligations, les bons du Trésor,…