Ces changements de postures, au niveau des
organisations et de leurs employés, ne sont
pas nouveaux. Ils font l’objet d’études et de
recherches en management depuis la fin des
années 1970 alors que se constituent dans
les grandes entreprises américaines les pre-
mières unités de corporate venturing. Selon
Bouchard (2009, p. 1), le premier article1
consacré au corporate entrepreneurship
paraît en 1969 et le premier ouvrage2dédié
au corporate venturing en 1978. Entre
temps, deux articles de Norman Macrae
parus dans The Economist3en 1976 et en
1982 annonçaient la montée du phénomène.
De même qu’un article d’Octave Gélinier
publié, en 1978, dans la Revue française de
gestion, dans lequel il affirmait : « Les pays,
les industries, les entreprises qui innovent et
se développent sont ceux qui pratiquent
l’entrepreneuriat. Les statistiques des 30
dernières années sur la croissance, les
exportations, les innovations brevetées le
démontrent clairement: cela coûte très cher
de se passer des entrepreneurs » (Gélinier,
1978, p. 9). Mais la vogue du terme « intra-
preneurship » et sa visibilité médiatique ont
été assurées par le best-seller de G. Pinchot,
Intrapreneuring (Pinchot, 1985), qui consti-
tue assurément le manifeste de l’entrepre-
neuriat organisationnel, présenté voire
exalté à travers une galerie de portraits d’in-
trapreneurs, véritables héros de l’innovation
au sein de grandes organisations souvent
rétives au changement.
Depuis, plusieurs revues généralistes,
comme Strategic Management Journal ou
spécialisées, comme Entrepreneurship
Theory & Practice et Journal of Business
Venturing, ont proposé à une ou deux
reprises, à partir du début des années 1990,
des dossiers ou des numéros spéciaux sur ce
thème. En France et dans les pays franco-
phones, mis à part quelques livres et articles
isolés4, le domaine semble encore peu cou-
vert et vraisemblablement mal connu.
L’objectif de ce numéro spécial est donc
double. Il s’agit tout d’abord, de mieux faire
connaître cette notion d’entrepreneuriat
organisationnel, de souligner les liens
qu’elle entretient avec d’autres notions, telle
que l’innovation, et d’autres disciplines, de
situer les principaux enjeux et d’indiquer
quelques perspectives de développement.
Le présent dossier regroupe cinq contribu-
tions qui s’inscrivent dans le cadre de cette
démarche.
Les trois premières s’intéressent à diffé-
rentes facettes du phénomène en le reliant
notamment à des problématiques proches
telles que les communautés de pratique
(Blanchot-Courtois et Ferrary), l’inno-
vation durable (Ronteau et Durand) ou la
revitalisation des activités (Hernandez). Les
deux dernières contributions questionnent
la solidité du champ en pointant l’histo-
ricité du phénomène étudié (Hatchuel,
Garel, Le Masson et Weil) ou en examinant
les conditions de validité d’un de ses
concepts clés, l’entrepreneuriat organisa-
tionnel (Basso, Fayolle et Bouchard)
L’article initial de Valérie Blanchot-
Courtois et Michel Ferrary, « Valoriser la
R&D par des communautés de pratique
d’intrapreneurs » apporte immédiatement
88 Revue française de gestion – N° 195/2009
1. Westfall (1969, p. 235-246).
2. Norman D. Fast, The rise and fall of corporate new venture divisions, UMI Research Press, Ann Arbor, Mich., 1978.
3. Macrae (1976) et Macrae (1982, p. 67-72).
4. Signalons l’exception notable d’un dossier de l’Expansion Management Review (n° 125, été 2007) et d’une série
d’articles sur le sujet parus dans le journal Les Échos en juin 2007.