L’IMPACT DE L’AUDIT INTERNE SUR LA BONNE GOUVERNANCE DES ETABLISSEMENTS DU SECTEUR PUBLIC AU MAROC Mme. Asmae BELARAJ Doctorante, Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales –Souissi, Université Mohammed V- RABAT Centre d’Etudes Doctorales en Droit et Economie - Equipe de Recherche sur le Management des Organisations Adresse : B.P. 8755 Fès Atlas - FES- MAROC e-mail : [email protected] Tél : +212650201953 M. Mutapha OUKASSI Enseignant chercheur, Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales –Souissi, Université Mohammed V- RABAT e-mail : [email protected] RESUME : L’environnement des établissements publics est en perpétuelle mutation sous l’effet de la mondialisation et de la libéralisation de l’économie. Ce contexte place l’administration publique face à des enjeux d'amélioration de la gouvernance et de rénovation du cadre global de pilotage et de suivi des performances, par l’adoption de nouveaux modes de gestion publique. MOTS CLES : Audit interne, gouvernance, établissements publics, performance, nouveau management public. ABSTRACT : The environment of public institutions is constantly changing as a result of globalization and the liberalization of the economy. This context places the public administration facing issues of improving governance and renovating the overall management and performance monitoring framework by adopting new public management methods. KEY WORDS : Internal Audit, governance, public institutions, performance, New Public Management. I. OBJECTIFS ET PROBLEMATIQUE : L’objet de notre recherche est : La pratique de l’audit interne au sein des établissements publics marocains. Ce travail présente une étude sur la fonction d’audit interne comme levier de la bonne gouvernance. L’objectif est de voir comment ce système de gestion a évolué et comment permet-il d’aider les établissements du secteur public à apprécier leurs performances et prendre des décisions qui engagent leur avenir à long terme. Les établissements du secteur public obéissent aux exigences de gouvernance, imposées par l’ouverture à l’international qui nécessite un alignement et une adoption des bonnes pratiques de la gouvernance. Par conséquent, le contrôle dans ces administrations devrait répondre aux nouveaux besoins managériaux. Tous les éléments évoqués conduisent à considérer la problématique suivante : « En quoi l’implémentation d’un système d’audit interne impacte-t-elle la gouvernance des administrations publiques au Maroc ? ». II. REVUE DE LA LITTERATURE : 1. Contexte global lié à la thématique de recherche : Les Etablissements et Entreprises Publics (EEP), constituent des acteurs majeurs dans le modèle de développement du Maroc compte tenu de leurs interventions multiples dans l'offre de services publics aux citoyens, dans la réalisation de projets structurants pour le développement économique et social, l'aménagement du territoire, la réduction des disparités territoriales, l'ouverture à l'international et la promotion de l'investissement aussi bien public que privé dans divers secteurs d'activité, et de leur fort engagement en matière de gouvernance, de transparence, de responsabilité sociale et environnementale, de lutte contre la corruption, d’éthique et de reddition des comptes. 2. La gouvernance aux établissements publics : Selon Charreaux (1996), la gouvernance est définie comme étant « des mécanismes organisationnels qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui gouvernent leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire. » En application du principe institué par la nouvelle Constitution marocaine mettant en corrélation la responsabilité et la reddition des comptes et conformément au programme du Gouvernement prévoyant de franchir un nouveau palier de la bonne gouvernance des EEP et de renforcer leur rôle dans le processus de développement économique et social du pays, le Code marocain de bonnes pratiques de gouvernance des EEP a été lancé officiellement le 21 mars 2012, en tant que référentiel comprenant les règles et bonnes pratiques pour améliorer le cadre de gestion des entités publiques. 3. L’audit interne : La définition internationale adoptée par l’Institut International d’Audit Interne (l'IIA : the Institute of Internal Auditors) le 29 juin 1999 et approuvée le 21 mars 2000 par le Conseil d'Administration de l'Institut de l’Audit Interne (IFACI) et adoptée en octobre 2000 par l’UFAI (Union Francophone de l’Audit Interne) se présente comme suit : « L'Audit Interne est une activité indépendante et objective qui donne à une organisation une assurance sur le degré 2 de maîtrise de ses opérations, lui apporte ses conseils pour les améliorer, et contribue à créer de la valeur ajoutée. Il aide cette organisation à atteindre ses objectifs en évaluant, par une approche systématique et méthodique, ses processus de management des risques, de contrôle, et de gouvernement d'entreprise, et en faisant des propositions pour renforcer leur efficacité». 4. Cadre légal et réglementaire régissant la gouvernance et l’audit interne : Plusieurs textes ont mis l’accent sur la création d’un environnement favorable à la promotion de l’Audit Interne et de la bonne gouvernance au sein des Établissements Publics : La lettre Royale d’Août 1993 adressée par S.M. Le Roi Feu Hassan II au Premier Ministre, l’invitant à soumettre les Établissements Publics et les Administrations à l’Audit ; « l’audit est aujourd’hui de pratique courante dans les sociétés et les entreprises. Vous y ferez procéder dans tous les établissements publics où s’en fait ressentir ». (Le journal l’économiste, Édition N° 3 du 14/11/1993) ; La Décision n° : DPE 113/70/16 du 23 Septembre 1993 organisant la fonction d’Audit des Entreprises Publiques sous la tutelle du Ministère des Travaux Publics ; La loi n° 69-00 relative au contrôle financier de l'Etat sur les entreprises publiques et autres organismes, promulguée par le dahir numéro 1-03-195 du Ramadan de l’année 1424 correspondant au 11 novembre 2003. 5. Le nouveau management public : La multiplication de réformes au sein des administrations publiques, mobilisant des principes et des instruments inspirés de la doctrine du New Public Management (NPM), a provoqué des protestations et des mobilisations collectives de la part de nombreux groupes professionnels dans de nombreux secteurs (santé, éducation, justice, travail social, recherche…). L’audit s’accapare une place importante dans le programme des réformes initiées par le New Public Management (NPM), ou le Nouveau Management Public (Hopwood, 1984 ; Stewart, 1984 ; Gendron, Cooper et Townley, 2001 ; Pallot, 2003). III. METHODOLOGIE : L’analyse primaire de la littérature nous a montré que de nombreuses recherches ont été menées dans le but de démontrer l’existence d’une corrélation entre l’audit interne et la gouvernance. Cependant, la nature de la corrélation diffère selon les critères de sélection des organisations objet de l’étude. En ce sens, nous pouvons estimer que notre recherche se positionne au sein du paradigme positiviste puisque nous pouvons considérer que nous partons d’une loi universelle et que nous admettons bel et bien l’existence d’une relation entre les pratiques d’audit interne et la gouvernance en particulier au sein des établissements publics. La réalité existe en soi, et nous allons chercher à connaitre cette réalité, ce qui nous permet d’expliquer et de justifier la contribution de l’audit interne à atteindre la bonne gouvernance. Dans le cadre de cette recherche, nous comptons se baser sur la démarche « hypothético-déductive » consistant à commencer de la littérature existante, des connaissances, des théories et des concepts, afin d’émettre des hypothèses qui seront ensuite testées à l'épreuve des faits sur le terrain. Etant la plus couramment utilisée par les chercheurs en sciences-sociales, nous comptons donc procéder à des tests empiriques pour vérifier ou infirmer les hypothèses de recherche. 3 Pour tester notre modèle de recherche, nous entendons combiner la méthode qualitative et quantitative. L’emploi de méthodes mixtes s’explique notamment par le fait qu’elles permettent de surmonter les points faibles inhérents à chaque méthode utilisée lorsqu’elle est appliquée de manière isolée. Des informations provenant de différentes sources de données renforcent en outre la crédibilité des résultats de l’évaluation. Dans un premier temps, nous envisageons conduire une enquête auprès d’un échantillon d’établissements publics marocains dont la collecte de données sera faite moyennant des entrevues semi-dirigées avec des responsables et des cadres, et dans un second lieu par le biais de questionnaires web que nous allons établir à cet effet, afin de cerner les enjeux de notre problématique. IV. RESULTATS ATTENDUS : Malgré les réformes mises en œuvre par l’Etat, le mode de gouvernance et de gestion des établissements du secteur public au Maroc fait l’objet de critiques récurrentes sur l’insuffisante généralisation des comités spécialisés (audit, stratégie, investissement, nomination…) et l’absence de formation sur les principes de gouvernance dédiée aux représentants de l’Etat. Les besoins en audit interne sont actuellement importants en raison du poids économique et social croissant, des compétences élargies, et des exigences de gestion liées à la rationalisation des dépenses publiques et à l’optimisation de l’emploi des ressources. De ce fait, la gestion publique nécessite, dorénavant une organisation et une gestion plus efficace, efficiente et moins couteuse, à travers la mise en œuvre d’outils pertinents, notamment, l’audit interne. L’audit interne sera donc l’outil qui permettra d’évaluer les réalisations des établissements publics en vue de rendre leur gestion plus efficace, de se conformer aux pratiques de la bonne gouvernance et d’atteindre les objectifs de développement économique et social escomptés. Les auditeurs internes marocains, à l’instar de leurs homologues du monde entier, doivent, dans l’exercice de leur activité, respecter le cadre de référence de l’Audit Interne (CRIPP) qui se compose : De la définition de l’Audit Interne, des normes professionnelles de l’audit interne et du code de déontologie. Ces trois éléments constituent les « Dispositions obligatoires » du CRIPP, et des modalités pratiques d’application «MPA », des prises de positions de l’IIA-Global et des guides pratiques «GTAG », qui forment les « Dispositions fortement recommandées » du CRIPP. Ils doivent, aussi, se conformer aux lois promulguées au Maroc, et qui exigent que l’audit interne soit instauré, aussi bien au niveau des organismes publics que privés qu’il soit rattaché à la Direction générale et qu’il rende compte, dans le cadre de la bonne gouvernance, au Conseil d’Administration et aux Comités d’Audit. V. APPORTS DE LA RECHERCHE ET IMPLICATION : Le présent essai vise à présenter des apports théoriques et empiriques permettant d’améliorer la gestion et la gouvernance des établissements publics à travers un système d’audit interne. Il sera aussi l’occasion de discuter des principales expériences internationales réussies qui peuvent être transposées au Maroc, en prenant en compte les spécificités du pays. Notre travail a un double intérêt, tant sur le plan académique que managérial : 4 a. Sur le plan académique Ce travail de recherche s’inscrit dans la continuité des divers travaux qui ont traité l’audit au secteur public, et s’est fait élargir le champ de travail par rapport aux autres recherches en traitant de l’audit interne au secteur public au Maroc particulièrement. b. Sur le plan professionnel Cette étude permettra aux praticiens de connaitre les principales caractéristiques de l’audit interne au secteur public au Maroc à la lumière de la bonne gouvernance. L’objectif étant de mettre en place un audit dans le respect des principes de la bonne gouvernance, cette recherche sera d’une utilité aux décideurs publics, aux auditeurs et aux chercheurs. Elle permettra aux praticiens de connaitre les principales caractéristiques de l’audit interne au secteur public au Maroc à la lumière de la bonne gouvernance. VI. PRINCIPALES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES : BARBIER Ethienne, « Mieux piloter et mieux utiliser l’audit : l’apport de l’audit aux entreprises et aux organisations », Editions MAXIMA, 1999. BARTOLI A., « Le management des organisations publiques », Dunod, Paris, 1997. CHARREAUX Gérard et WIRTZ Peter, « Gouvernance des entreprises nouvelles perspectives », édition Economica 2006. DAUJOTAITĖ Dalia, ADOMAVIČIŪTĖ Danutė « The Role and Impact of Performance Audit in Public Governance» ». In: Bilgin M., Danis H., Demir E., Can U. (eds) Empirical Studies on Economics of Innovation, Public Economics and Management. Eurasian Studies in Business and Economics, vol 6. Springer, Cham, pp 29-44. GEIST B. « State Audit : Developments in Public Accountability », Palgrave Macmillan UK, 1981, 396 pages. HOLCMAN Robert, « Management public », Paris, Dunod, « Hors collection », 2014, 328 pages. MORDACQ Franck « La réforme de l'État par l'audit », Paris : LGDJ- lextenso éd.,; 14Condé-sur-Noireau: Impr. Corlet DL 2009. PESQUEUX Yvon, Le « nouveau management public » (ou New Public Management), 2006, p 74. RAUDLA Ringa , TARO Külli , AGU Cherlin , DOUGLAS James W. « The Impact of Performance Audit on Public Sector Organizations : The Case of Estonia », Public Organiz Rev (2016), Volume 16, Issue 2, pp 217–233. SANTO Viriato-Manuel, VERRIER Pierre-Eric. « Le management public », 3e éd., Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2007, 128 pages. 5