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projet de thèse

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Cette recherche en thèse se situe dans le champ de la linguistique contrastive. La
linguistique contrastive est une branche de la linguistique qui s’intéresse aux similarités et aux
différences entre plusieurs systèmes linguistiques. Sur le plan historique, cette discipline est
récente puisque c’est dans les années 50 qu’elle prend son essor avec les travaux de Fries (1945)
dans Teaching and learning English as a foreign language et de Lado (1957) dans Linguistics
across cultures de telle sorte que de nos jours, elle comprenne plusieurs domaines entre autres
la linguistique comparée, la linguistique diachronique, les études synchroniques. Pour une
histoire plus détaillée, confère Kurteš (2006) et Yllera (2014). Les résultats des recherches
contrastives, faites pour identifier les interférences linguistiques et pour analyser les erreurs
commises par les locuteurs, étaient dès lors en faveur de l’enseignement des langues étrangères :
cette application s’est d’abord faite chez les Américains après la Seconde Guerre mondiale et
ensuite dans certains pays européens. Yllera (2014) fait l’état des lieux de cette discipline :
Dans les années soixante, deux grandes tendances se sont développées. D'une part, le vaste
projet américain de comparaison de l'anglais avec les principales langues européennes et,
d'autre part, les travaux de stylistique comparée réalisés dans le monde francophone. Les
presses de l'Université de Chicago devaient publier des grammaires contrastives des
principales langues européennes comparées à l'anglais, les Contrastive Structure Series,
dirigées par Charles A. Ferguson…seules les comparaisons de l'anglais avec l'allemand
(Moulton 1962 ; Kufner 1962), l'italien (Agard et Di Pietro 1965a et 1965b) et l'espagnol
(Stockwell et Bowen 1965 ; Stockwell, Bowen et Martin 1965) ont vu le jour ; les
comparaisons prévues avec le français et le russe n'ont jamais paru. Quant à la stylistique
comparée…seulement des comparaisons du français avec l'anglais (Vinay et Darbelnet
1958), l'allemand (Malblanc 1968) et l'italien (Scavée et Intravaia 1979) ont vu le jour.
Sur le plan épistémologique, la linguistique contrastive était assimilée à une branche de
la linguistique théorique ou générale et plus tard à celle de la linguistique appliquée jusqu’au
jour où elle est devenue une branche de la linguistique selon Fisiak (1980). C’est dans ce sens
que Bayiha (2019) atteste que : la linguistique contrastive est devenue une discipline à part
entière avec son objet, ses méthodes, ses objectifs. Elle ne vit pas en autarcie, elle entretient
des relations avec d’autres disciplines pour s’accommoder au caractère interdisciplinaire des
sciences. Ce qui fait que sur le plan théorique, la linguistique contrastive utilise les différents
modèles théoriques de chaque moment ; qu’elle emprunte ses modèles d'analyse aux grands
courants linguistiques du moment ; qu’elle emploie le plus souvent une démarche
sémasiologique et empirique, faisant une large part à l'équivalence traductrice, mais ce n'est que
récemment qu'elle a essayé d'évaluer le domaine qui lui est propre : le problème de la
comparabilité des langues [Yllera (2014)].
La large part de la linguistique contrastive dédiée à l’équivalence traductrice suscite
notre attention dans le cadre de cette recherche. Ce projet se subdivise en quatre points : le
premier point porte sur la suggestion de la problématique de l’étude ; dans le second, l’objectif
et la contextualisation de l’étude sont présentés ; le troisième point concerne l’état de la
question ; et le dernier est dédié à la présentation de la méthodologie que nous adopterons pour
cette étude.
1) PROBLÉMATIQUE
Il semble que l’activité traduisante est en plein essor dans sa pratique et dans sa théorisation.
Les traductions contemporaines par contre présentent toujours un côté qui reste à parfaire et un
idéal à rechercher : l’équivalence globale. Nous entendons par équivalence globale, la somme
des divers types d’équivalence qui peuvent exister entre un texte source et son texte cible
comme l’équivalence lexicale, l’équivalence syntaxique, l’équivalence de sens, l’équivalence
culturelle, l’équivalence pragmatique, etc. Ce problème est vu par Gourney (2013 : 401) sous
un angle différent lorsqu’elle fait remarquer que « les spécificités différentielles des langues
comparées apparaissent linéairement aux niveaux lexical, intra-phrastique et inter-phrastique et
elles sont la cause des problèmes de traduction… ». Ces spécificités différentielles intraphrastiques et inter-phrastiques entre les langues concernent aussi des opérations
propositionnelles que Chuquet et Paillard (1989) avaient déjà rangées parmi les problèmes de
traduction ; et par conséquent parmi les facteurs causant le manque d’équivalence globale. Et
plus tard, ces opérations propositionnelles ont été répertoriées dans le glossaire de linguistique
contrastive par Chuquet et Paillard (2017) pour montrer l’urgence avec laquelle elles doivent
être examinées dans le cadre des études contrastives anglais-français. C’est la raison pour
laquelle Kurteš (2006) souligne:
More specifically, equivalence in contrastive studies assumes that there is a universal
feature, an overall platform of reference, tertium comparationis, which enables the
comparison to be performed. The actual realization of that universal feature in the two
languages is what the contrastivist is interested in. In other words, equivalence is one of the
key issues of contrastive analysis, and the basic working law of the discipline…
Questions de recherche
Cet état de choses nous amène à nous questionner sur :
-
la participation de la mise en œuvre traductionnelle des opérations propositionnelles
pour l’équivalence globale entre certaines œuvres de Naomi Alderman et leur version
traduite respective ;
-
la manière dont les opérations propositionnelles sont mises en œuvre dans certaines
œuvres de Naomi Alderman et leur version traduite respective ;
-
les rapports entre l’actualisation des opérations propositionnelles dans les textes sources
et l’actualisation de celles-ci dans les versions traduites ;
-
les moyens à user ou les moyens qui ont été usés, en matière du rendu des opérations
propositionnelles, pour atteindre un seuil satisfaisant en faveur de l’équivalence
globale ;
-
la généralisation de ces moyens ou alors la possibilité de portabilité de ces moyens pour
analyser d’autres genres de textes traduits.
Pour le moment, les réponses à ces différentes questions auront une nature hypothétique ; et ces
hypothèses seront confirmées ou infirmées après l’étude proprement dite.
Hypothèses
-
la mesure de l’équivalence globale entre une œuvre et sa version traduite relève des
études traductologiques. Avant de mesurer la participation des opérations
propositionnelles pour l’équivalence globale, il est nécessaire de se rassurer du degré de
celle-ci dans les œuvres à étudier. Raková (2014) rapporte la déclaration de Toury
(1995 :61) et de Moya (2010 :141) : il n´a pas de sens de se demander si les deux textes,
original et traduit, sont équivalents, mais plutôt quel type et degré d´équivalence traductive il y a entre eux. Pour ce qui est des œuvres en études, l’équivalence globale
serait satisfaisante parce que les ressources textuelles et contextuelles auraient été
artistiquement mises en œuvre de manière à ce que l’objectif de leur création et de leur
traduction soit atteint. En clair, les opérations propositionnelles auraient été actualisées
dans les œuvres de Naomi Alderman et rendues dans leur version respective au moyen
de la langue cible de manière acceptable.
-
Ces opérations propositionnelles seraient mises en œuvre dans les textes sources et les
textes d’arrivée de façon irrégulière, c’est-à-dire à l’aide des structures multiples et
variées ; tantôt de même nature, tantôt de nature différente. La comparaison des textes
sources et des textes cibles respectifs révèlerait que certaines structures dans lesquelles
les opérations propositionnelles ont été actualisées, seraient rendues par les structures
ayant les mêmes opérations propositionnelles ou contenant les opérations
propositionnelles de même nature, mais de formulation différente, ou par une opération
propositionnelle différente ou encore par un fait de langue qui n’a rien avoir avec les
opérations propositionnelles.
-
les rapports entre l’actualisation des opérations propositionnelles dans les textes sources
et l’actualisation de celles-ci dans les versions traduites seraient perceptibles sur trois
plans : le plan syntaxique, le plan sémantique et l’emploi des procédés de traduction. Le
plan syntaxique pourrait inclure le rapport de correspondance formelle et le rapport de
dissimilarité formelle ; les rapports de type sémantique concerneraient le rapport
d’égalité de sens ou de correspondance notionnelle, le rapport d’inégalité de sens et le
rapport mitigé ; l’emploi des procédés de traduction déterminerait deux types de rapport
à savoir : le rapport de normalisation qui met en exergue les procédés normés et le
rapport de créativité qui se traduisent par les procédés créatifs ou l’écart traductionnel.
-
Les moyens qui auraient été usés seraient les constructions classiques et les
constructions innovantes pour satisfaire la nature artistique des œuvres. Les
constructions classiques rendent compte des normes qui régissent la langue tandis que
la seconde catégorie porte sur des constructions peu connues et moins répandues que
l’auteur ou le traducteur crée sous certaines conditions. Que ce soit dans l’une ou l’autre
catégorie, les moyens qui auraient été utilisés en matière du rendu des opérations
propositionnelles ne seraient pas exhaustifs puisque d’autres moyens pourraient être
convoqués et appliqués dans le même environnement textuel pour parfaire la qualité des
rendus, améliorant en conséquence le seuil de l’équivalence globale entre les textes
sources et les textes cibles.
-
La généralisation des moyens employés pour le rendu des opérations propositionnelles
dans ces œuvres dépendrait de leur nature. Les constructions classiques pourraient être
généralisées parce que leur usage témoigne leur transport de certaines œuvres
antérieures pour celles sur lesquelles se base notre étude ; pour les constructions
innovantes, leur généralisation devrait d’abord être précédée par leur test dans plusieurs
autres études similaires dans le but de vérifier leur applicabilité.
2) Objectif et contextualisation
L’équivalence globale incluant les opérations linguistiques, notre travail en thèse se donne
pour objectif d’examiner la manière dont les opérations propositionnelles (différentes des
relations propositionnelles telles que : la coordination, la subordination, et la juxtaposition) ont
été mises en œuvre dans certaines œuvres de Naomi Alderman et la manière dont celles-ci ont
été rendues dans leur version traduite respective. À cet effet, Gourney (2013 : 398) précise :
L’intérêt d’étudier la traduction des énoncés…est double. Tout d’abord, il permet de
présenter en cours de traduction les 3 niveaux auxquels sont observées linéairement les
différences récurrentes entre l’anglais et le français : niveaux lexical, intra-phrastique,
inter-phrastique. Ensuite, ce fait de langue [incise] constitue un point d’entrée
particulièrement intéressant dans les études contrastives appliquées à la traduction
littéraire.
Ces axes de travail seront réalisés dans une perspective contrastive et à l’aide de la théorie senstexte.
Parlant de la perspective contrastive, elle suppose au moins deux systèmes linguistiques à
partir desquels l’étude sera faite. Dans le cadre de notre travail de recherche, la perspective
contrastive va inclure l’anglais et le français. Par ailleurs, puisque notre outil méthodologique
est un corpus bilingue, il nous semble que la théorie sens-texte nous permettra de saisir les
subtilités du rendu des opérations propositionnelles (la dislocation, l'extraction, l'incise,
l'intégration syntaxique, la topicalisation, la clivée, les imbrications des circonstants, la
relativation, l’emphase). De plus, l’argument en faveur de l’usage de cette théorie est que le
travail interprétatif pendant l’activité de traduction aboutit finalement à l’obtention d’un sens
du texte source, que le traducteur convertit en texte dans la langue cible.
3) L’ÉTAT DE LA QUESTION
Nous allons d’abord brièvement aborder l’aspect historique et la présentation interne de la
théorie sens-texte à cause du format de cet exposé. Ensuite nous nous contenterons de passer
en revue un certain nombre de travaux dans lesquels cette théorie a été mise en œuvre et enfin
nous ferons aussi l’état de la question des travaux sur les œuvres de Naomi Alderman.
La théorie sens-texte est une théorie qui a une riche et longue histoire. Elle a été fondée à
Moscou dans les années 1960 par Igor Mel’čuk et par A. Zholkovsky pour combler les
insuffisances présentées par la Grammaire générative-transformationnelle. Au fil du temps,
après la formation du Cercle Sémantique de Moscou, plusieurs auteurs de divers background
linguistique ont œuvré pour son développement. Les preuves de l’essor de cette théorie sont la
publication des travaux récents à l’instar de : Semantics : from Meaning to Text de Igor Mel’čuk,
vol. 1 (2012), vol. 2 (2013), vol. 3 (2015) ; An Advanced Introduction to Semantics : a Meaning
Text Approach de Igor Mel’čuk et Jasmina Milíćevic (2020). En clair, Mel’čuk (1992)
reprécise :
La théorie Sens-Texte (TST) n'est pas une nouveauté linguistique. Comme nous l'avons
déjà dit, ses fondements ont été jetés dans les années 1960, à Moscou, par A. Zholkovsky
(présentement, à University of Southern California, Los Angeles) et l'auteur de ces lignes
(voir iolkovskij et Mel'čuk 1965, 1967). Peu après, Ju. Apresjan s'est joint à nous, et le
noyau de ce qu'on allait appeler le CERCLE SÉMANTIQUE DE MOSCOU a été ainsi
formé. Depuis, des dizaines de personnes ont apporté leur contribution au développement
de la TST et du MST, tant à partir du russe qu'à partir d'un certain nombre d'autres langues
(anglais, français, allemand, polonais, tatare, somalien). Des recherches ont été effectuées
dans tous les domaines de la linguistique, sauf en phonologie.
Pour plus d’histoire, confère Bacquelaine (2010). Parlant des postulats de la théorie sens-texte,
il en a trois majeurs que Mel’čuk (2012) présente :
Postulat 1
Une langue est un système de règles qui décrit la correspondance entre un ensemble infini de
sens et un ensemble infini de textes.
Postulat 2
La correspondance Sens-Texte en (1) doit être décrite par un dispositif logique, ou un système
de règles, qui constitue un modèle linguistique fonctionnel : un modèle Sens-Texte.
Postulat 3
Pour décrire la correspondance Sens-Texte sont introduits deux niveaux de représentation
intermédiaires : une représentation syntaxique, qui concerne la phrase, et une représentation
morphologique, qui vise le mot-forme.
Par ailleurs, les concepts qui y sont développés sont entre autres : le sens et la paraphrase.
Selon Mel’čuk (1992), la paraphrase se réfère à la synonymie ou à la symétrie qui existe entre
au moins deux entités. Ceci est notoire au travers de ce propos : la phrase Pl et la phrase P2
sont en relation de paraphrase si et seulement si elles sont plus ou moins synonymes… Nous
dirons également, pour deux phrases (ou syntagmes) synonymes Pl et P2, que l'une est une
paraphrase de l'autre ou que l'une paraphrase l'autre (et vice versa, puisque a relation de
paraphrase est symétrique.
Dans ce cadre théorique, la notion de « sens » est perçue sous trois angles à savoir : l’angle
situationnel, communicationnel et rhétorique. C’est ce qui permet la distinction de trois types
de sens que Mel’čuk (1992) énumère :
SENS SITUATIONNEL, OU sémantique à proprement parler, qui représente l'état de
choses dont il s'agit (les objets, les événements, etc., et toutes les relations que ceux-ci
entretiennent entre eux; le sens situationnel inclut également les données sur l'état interne
du locuteur : ses attitudes, ses opinions, etc.) - SENS COMMUNICATIF, qui représente
l'organisation du message par le locuteur (ce qu'il veut présenter comme connu ou comme
nouveau, ce qu'il veut faire ressortir ou, au contraire, reléguer à l'arrière-plan, etc.) - SENS
RHÉTORIQUE, qui représente les effets expressifs ou artistiques visés par le locuteur
(niveau soutenu, poétique argotique, officiel, familier, . . .; exposé explicatif, ironique,
humoristique, . . .).
Plusieurs recherches antérieures ont été réalisées grâce à la théorie sens-texte. Ce qui
signifie que ce cadre théorique a fait déjà ses preuves et qu’il peut être opérationnel pour
d’autres recherches.
Brunet-Manquant (2001) emploie la théorie sens-texte dans le cadre du traitement automatique
des langues naturelles pour réaliser un analyseur texte vers sens, permettant ainsi une
compréhension plus approfondie du texte et l’atteinte de la représentation sémantique. Valente
(2003) prend pour point de départ méthodologique « la lexicologie explicative et combinatoire »
(LEC) de la théorie sens-texte pour repérer et sélectionner le verbe et l’adjectif du discours de
la microinformatique pour faire enfin une analyse sémantique de ces unités lexicales selon les
principes de décomposition sémantique de la LEC. El Kanas (2005) prend pour appui théorique,
la théorie sens-texte pour mener une étude contrastive de l’anglais et du français dans une
perspective de génération multilingue. Brito (2010) s’attèle à faire non seulement une
présentation générale de la théorie sens-texte mais aussi une application de celle-ci à la
lexicographie et à l’enseignement/apprentissage des langues. Cette présentation inclut l’histoire
de sa genèse et de son développement, ses fondements, ses postulats, la définition du modèle
général et d’un modèle particulier. Luntadila Nlandu (2015) examine les nominalisations en
Kìkôngo à l’aide de 3 théories parmi lesquelles la théorie sens-texte ayant pour objectif le
questionnement de l’existence et du fonctionnement des nominalisations en kìkôngo.
Au regard de ce qui précède, notre choix théorique est justifié par trois raisons majeures.
D’abord, l’essence comparative de la théorie sens-texte perceptible dans la notion de
« paraphrase », qui met en relation au moins deux unités à comparer. Cette idée va en droite
ligne avec le principe fondamental de la linguistique contrastive. Ensuite, le caractère
globalisant de cette théorie représente un argument fort pour son emploi dans notre travail de
thèse puisqu’elle part de la représentation phonétique à la représentation sémantique passant
par les représentations morphologique de surface et profonde, syntaxique de surface et
profonde. Enfin, la théorie sens-texte est un instrument de mesure du sens entre deux unités
linguistiques à l’aide des niveaux d’analyse linguistique tels que : la phonétique, la morphologie
et la syntaxe et l’aide des paramètres comme la situation de communication et les moyens
esthétiques mis en œuvre lors de la production d’un énoncé.
Certaines œuvres de Naomi Alderman ont servi de corpus dans les domaines littéraire,
traductologique et cinématographique. Dans le domaine littéraire, Böttcher (2013) fait l’usage
des deux œuvres de Naomi Alderman, en tant que romans Anglo-judaïques, à base desquelles
les évasions divergentes ont été examinées au travers des représentations de la sexualité et du
genre. Plus tard, Delente (2019) étudie les relations intertextuelles entre Le Pouvoir et ses
hypertextes. Elle réalise que cette œuvre est une dystopie féministe et ce caractère fait de son
auteure, une héritière de Margaret Atwood. Récemment, Yebra (2020) se penche sur la fiction
de Naomi Alderman pour dresser une poétique de l’altérité et de la transition. C’est pour cela
qu’il répertorie les régularités esthétiques de la manière dont « l’autre » est présenté et perçu
dans l’univers fictionnel des œuvres de Naomi Alderman.
Les traductologues aussi se sont intéressés au The Power/Le pouvoir lors d’un séminaire
de traductologie féministe à l’ENS de Lyon. C’est dans ce cadre que Senna (2019) examine les
enjeux de la traduction des concepts féministes chinois. Par ailleurs, Wilhelm (2019) s’en est
aussi servi lors d’un séminaire de traductologie féministe à l’université Lumière Lyon 2 pour
examiner le rapport entre la traduction et le féminisme.
Dans le domaine cinématographique, Lelio, Weisz et MacAdams (2017) ont adapté La
désobéissance/ Disobedience de Naomi Alderman au cinéma. De nos jours, Le pouvoir/ Power
est en projet d’adaptation au cinéma en tant que série télévisée par Featherstone J.
À partir de cette brève revue, nous nous rendons compte que les œuvres de Naomi
Alderman n’ont pas encore été étudiées dans le champ linguistique et encore moins dans celui
de la linguistique contrastive. Cette piste de recherche nous semble prometteuse si elle est
exploitée. C’est la raison pour laquelle, parmi les productions de Naomi Alderman, trois œuvres
et leur traduction ont été sélectionnées pour l’analyse du rendu des opérations propositionnelles.
Pour ainsi dire, ces trois paires d’œuvres, que nous présenterons sous la rubrique réservée à la
méthodologie, représentent l’outil méthodologique pour notre travail en thèse.
4) MÉTHODOLOGIE
La méthodologie que nous envisageons adoptée peut être vue à trois niveaux : la nature des
données adéquates, l’outil de collecte de ces données et leur traitement.
4.1. Nature des données pour la recherche en linguistique contrastive
De manière générale, les données doivent être de qualité et numériquement suffisantes
pour une recherche linguistique et en linguistique contrastive. Elles peuvent le plus souvent être
recueillies d’un environnement réel (les milieux sociaux) ou d’un environnement livresque ;
elles représentent dans la majorité des cas, une présentation variée d’un fait linguistique choisi
par le chercheur selon certaines exigences. Dalbera (2002) reprécise que le type de données
sélectionnées n'est jamais innocent et traduit une préoccupation sous-jacente.
Dans le cadre de notre thèse, les données recherchées sont les opérations
propositionnelles, c’est-à-dire les structures phrastiques qui contiennent les phénomènes de
permutation, de clivée, de dislocation, d'incise, d'intégration syntaxique, de topicalisation,
d’imbrications des circonstants, de relativation.
4.2. Outil de collecte des données (les qualités d’un corpus, nomenclature des sous-corpus,
présentation de l’auteur et des traducteurs)
En recherche scientifique, le corpus représente un outil de collecte des données utilisé
dans certains cas à côté des interviews, de l’observation participante, du questionnaire, etc.
Le corpus et sa spécificité dans les études contrastives
L’outil qui nous permettra de collecter nos données est un corpus bilingue. Selon Dubois
et al. (2002), le corpus est un ensemble d’énoncés qu’on soumet à l’analyse. Par ailleurs,
Dalbera (2002) définit un corpus dans le cadre des sciences du langage comme un ensemble
d’éléments sur lequel se fonde l’étude d’un phénomène linguistique. Au regard de ces
définitions, le corpus bilingue est constitué d’éléments appartenant à deux langues différentes.
Les éléments d’une langue, en tant que constituant du corpus, sont appelés « sous-corpus ». Le
corpus d’étude se doit être représentatif et exhaustif. Son exhaustivité et sa représentativité
reposent sur celles des sous-corpus qu’il contient.
Dans les études contrastives en langues, la notion de « corpus » revêt un caractère
spécifique. Cette spécificité est vue principalement dans sa typologisation. On distingue deux
types de corpus en linguistique contrastive : les corpus comparables et les corpus de traduction
[Hartmann (1996), Johansson (1998), Altenberg et Granger (2002), Baker (1999), Novakova
(2010), Nádvorníková (2010 et 2017)]. La différence fondamentale entre ces types de corpus
est la présence ou non des traductions. Les corpus comparables contiennent uniquement
plusieurs textes sources dans plusieurs langues tandis que les corpus de traduction contiennent
les textes sources et ses traductions.
Présentation du corpus, des sous-corpus et motivation de choix
Pour notre travail en thèse, les trois œuvres de Naomi Alderman et leur traduction
constituent notre corpus. Vu sa composition, notre corpus est d’emblée un corpus de traduction
et regroupe les paires de sous-corpus suivantes:
-
Disobedience (2007) / La désobéissance (2008) Hélène Papot (Trad.)
-
The lessons (2010)/ Mauvais genre (2011) Hélène Papot (Trad.)
-
The Power (2016)/ Le pouvoir (2018) Christine Barbaste (Trad.)
Nous comptons procéder dans un premier temps faire une nomenclature des sous-corpus.
De plus, les travaux de Nádvorníková (2017) dans un second temps, seront une lanterne qui
nous éclairera sur la façon de rapprocher les différents sous-corpus. Ces travaux ressortent onze
pièges méthodologiques à la gestion des corpus parallèles, encore appelés corpus de traduction.
Cette tendance présentée par cette auteure nous contraint d’examiner les circonstances de la
traduction de ses trois œuvres et les règlementations nationales qui régissent l’activité de la
traduction puisque celles-ci influent sur les traducteurs d’une façon ou d’une autre.
Notre choix est porté vers les œuvres ci-dessus mentionnées à cause de leur caractère
contemporain. Ce qui fait qu’elles regorgent aussi une présentation synchronique et
contemporaine des langues en comparaison ; à cause de la popularité de l’auteure et de ses
diverses reconnaissances qu’elle a reçues (voir la biographie de Naomi Alderman) ; à cause des
témoignages des tierces en faveur de leur succès (la déclaration de Barrack Obama sur Le
pouvoir dans Tweeter) ; à cause de la disponibilité de leur traduction faite par des traductrices
reconnues et réputées.
4.3. Traitement et analyse des données
Le traitement des données dans le cadre des études contrastives en langues se fait sur la
base de deux tendances qui se succèdent : la tendance traditionnelle ou manuelle et la tendance
moderne ou électronique. Dans la première, l’homme est placé au centre du processus de
traitement et elle possède beaucoup d’inconvénients tels que : cette tendance est généralement
une source d’erreurs et d’ambiguïtés dans la présentation numérique, statistique des données
pour une recherche ; elle prend énormément du temps au chercheur. Par ailleurs, la familiarité
du contrastiviste aux données est, à notre sens, le seul avantage de cette tendance. Dans la
seconde, l’activité manuelle de l’homme est supplantée par l’ordinateur de telle manière que
plusieurs corpus ont déjà été électronisés et plusieurs logiciels d’alignement et de traitement
ont déjà vu le jour. Il suffit d’un clic selon la commande pour accéder au résultat souhaité.
L’avantage de cette tendance se trouve dans sa rapidité pour l’exécution des tâches ; sa précision
dans la génération statistique des données ; sa précision dans le repérage des fragments
unitaires. L’exécution fulgurante des tâches fait en sorte que le chercheur se familiarise moins
avec ses données.
Pour notre travail de thèse, nous comptons nous ranger derrière la tendance moderne
même comme toutes les conditions ne sont pas toujours réunies pour son implémentation. Il
s’agira
-
de localiser les fragments contenant les opérations propositionnelles dans les œuvres de
Naomi et dans leur texte traduit respectif. La lecture est le moyen par lequel cette tâche
sera exécutée ;
-
de rendre le corpus électronique ;
-
de repérer et ensuite d’extraire les fragments contenant les opérations propositionnelles
des œuvres de Naomi Alderman et de leur traduction à l’aide d’un « tagging » ;
-
d’effectuer un alignement des sous-corpus sur la base de l’équivalence traductionnelle
à l’aide des logiciels adéquats. Une panoplie s’offre à nous : Giza+++, Plug aligner,
Alinea, JAM, TXM, etc. ;
-
de présenter les données sous forme tabulaire, d’histogramme ou de diagramme à l’aide
d’Excel.
Les travaux de Mikhailov et de Cooper (2016) nous permettront de mener à bien cette opération
de traitement.
Après leur traitement, les données seront d’abord analysées sur le plan intralinguistique
et de façon isolée dans le but d’identifier la portée syntaxique et sémantique de chaque structure.
Ensuite, nous procéderons à l’analyse contrastive des rendus d’un sous-corpus à l’autre à l’aide
de la théorie sens-texte afin de ressortir les procédés de traduction mis en œuvre ; de présenter
l’impact de l’effort de traduction sur les textes traduits par rapport à leur texte source respectif ;
et de ressortir des insuffisances dans les traductions (s’il en a ) tout en y proposant des palliatifs.
Sujet de recherche
ÉTUDE CONTRASTIVE DES OPÉRATIONS PROPOSITIONNELLES DANS
CERTAINES ŒUVRES DE NAOMI ALDERMAN
ESQUISSE DE PLAN
Introduction générale
Partie 1 : fondements théoriques et méthodologiques
Chapitre 1 : Repères théorique
1.1. Histoire de la théorie sens-texte (TST)
1.1.1. Pré-temps de l’élaboration de la TST
1.1.2. Réceptivité de la TST
1.2.Présentation interne de la TST
1.2.1. Postulats
1.2.2. Tendances
1.3. Etat de la question théorique
1.4. Applicabilité de la TST aux études contrastives
Chapitre 2 : Appareillage conceptuelle
2.1. Concepts opératoires
2.1.1. Opérations propositionnelles
2.1.2. Clivée
2.1.3. Rélativation
2.1.4. Incise
2.1.5. Imbrication des circonstants
2.1.6. Intégration syntaxique
2.1.7. Topicalisation
2.1.8. Permutation
2.1.9. Dislocation
2.2. Concepts spécialisés
2.2.1. Linguistique contrastive
2.2.2. Comparaison des langues
2.3. Concepts connexes
2.3.1. Comparabilité et contrastivité
2.3.2. Tertuim comparationis/concept descriptif/concept comparatif
2.3.3. Correspondance/ équivalence/ congruence
2.3.4. Similarité et unité de comparaison
Chapitre 3 : considérations méthodologiques
3.1. Exigences méthodologique d’une étude contrastive
3.2. Les corpus multilingues comme outils méthodologiques
3.2.1. Les corpus parallèles
3.2.2. Les corpus comparables
3.2.3. Les corpus comparables de traduction
3.3. Méthode de constitution d’un corpus
3.3.1. Sources de données
3.3.2. Nature des données
3.3.3. Alignement et outil d’alignement
3.3.4. Cas spécifique
3.4. Procédure de traitement des données
3.4.1. Présentation de l’outil de traitement
3.4.2. Traitement proprement dit (étapes)
3.4.3. Style de présentation
Partie 2 : Présentation commentée des données
Chapitre 4 : Les sources Ɓ
4.1. L’auteur et la version originale Ɓ
4.2. Le traducteur et la version traduite Ɓ
4.3. Revue de la littérature des sources Ɓ
4.4. Présentation des opérations propositionnelles (OP) dans chaque Ɓ
4.4.1. Présentation numérique des OP dans chaque Version Ɓ
4.4.2. Présentation statistique des OP dans chaque version Ɓ
4.4.3. Fréquence usuelle de chaque type d’OP des sources Ɓ
Chapitre 5 : Les sources Γ
5.1. L’auteur et la version originale Γ
5.2. Le traducteur et la version traduite Γ
5.3. Revue de la littérature des sources Γ
5.4. Présentation des OP des sources Γ
5.4.1. Présentation numérique des OP dans chaque Version Γ
5.4.2. Présentation statistique des OP dans chaque version Γ
5.4.3. Fréquence usuelle de chaque type d’OP des versions Γ
Chapitre 6 : Les sources Δ
6.1. L’auteur et la version originale Δ
6.2. Le traducteur et la version traduite Δ
6.3. Revue de la littérature des sources Δ
6.4. Présentation des OP des sources Δ
6.4.1. Présentation numérique des OP dans chaque Version Δ
6.4.2. Présentation statistique des OP dans chaque version Δ
6.4.3. Fréquence usuelle de chaque type d’OP des versions Δ
Partie 3 : Analyse occurrentielle
Chapitre 7 : Les opérations actualisées par les lexèmes figés
7.1. Clivée
7.2. Rélativation
7.3. Incise
Chapitre 8 : Les opérations actualisées par des unités diverses
8.1. Cumul des circonstants
8.2. Dislocation
8.3. Topicalisation
Chapitre 9 : Les opérations transystémiques
9.1. Permutation
9.2. Intégration syntaxique
Conclusion générale
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