8-001-E-10 Grandes endémies : spécificités africaines D. Baudon, N. Barnaud, F.J. Louis Maladie endémique, du grec « endêmon nosêma », signifie maladie enracinée dans un écosystème particulier. Il s’agit de maladies infectieuses, enracinées par leurs réservoirs d’agents potentiellement pathogènes. Des facteurs géoclimatiques et environnementaux, le sous-développement et des comportements humains le plus souvent liés à des facteurs socioculturels, expliquent cet enracinement. Le concept de grandes endémies (GE) est né en Afrique sub-saharienne. Les GE africaines comprennent aujourd’hui des maladies transmises par des vecteurs comme le paludisme ou la fièvre jaune ; un hôte intermédiaire intervient parfois comme dans les bilharzioses ; les facteurs géoclimatiques sont ici prépondérants pour expliquer l’enracinement en zone intertropicale. Certaines GE sont surtout liées au sous-développement et/ou aux comportements humains, comme par exemple les infections par le virus de l’immunodéficience humaine, la maladie à virus Ebola, la tuberculose, l’ulcère de Buruli, le choléra, les tréponématoses endémiques, la méningite à méningocoque. Dans les pays en développement, aussi bien que dans les pays développés, l’enracinement des endémies est en général multifactoriel avec, selon les endémies, un facteur prédominant, comme les facteurs géoclimatiques pour les maladies à transmission vectorielle et la méningite à méningocoque, comme le sous-développement et/ou les comportements humains pour la plupart des maladies à transmission interhumaine directe. Le changement climatique peut modifier l’épidémiologie des endémies, et il sera nécessaire d’en évaluer l’impact en santé humaine. La mise en œuvre de la lutte contre ces endémies, importants problèmes de santé publique, présuppose une vulnérabilité suffisante et une volonté politique des États. Les objectifs, fonction de ces prérequis, sont le contrôle, l’élimination ou l’éradication. Faire régresser les GE actuelles à un niveau suffisamment bas pour qu’elles ne représentent plus un problème de santé publique devrait être l’objectif principal pour les deux prochaines décennies. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Endémie ; Afrique sub-saharienne ; Pays développés ; Épidémies ; Maladies émergentes ; Santé publique Introduction Plan ■ Introduction 1 ■ Endémie : un agent pathogène enraciné dans un écosystème par un réservoir 2 ■ Facteurs géoclimatiques, facteurs principaux d’enracinement des endémies Exemples en Afrique sub-saharienne Exemples dans les pays développés 2 2 2 ■ Sous-développement associé aux comportements humains : facteurs d’enracinement des endémies Exemples en Afrique sub-saharienne Exemples dans les pays développés : précarité, comportements humains et développement de maladies infectieuses 3 3 3 ■ Endémies émergentes 4 ■ Grande endémie : un problème de santé publique 4 ■ Grande endémie : quelle définition ? 4 ■ Lutte contre les grandes endémies 4 ■ Conclusion 5 EMC - Maladies infectieuses Volume 13 > n◦ 2 > mai 2016 http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(16)67702-5 Les maladies infectieuses transmissibles ont connu, surtout dans les pays développés, un déclin sensible depuis un siècle, essentiellement grâce à l’amélioration des conditions de vie (hygiène, nutrition), sous-tendue par le développement économique. En Afrique, avant les années 1950, les maladies infectieuses représentaient un fléau majeur. L’utilisation des médicaments antiparasitaires puis antimicrobiens, la mise en œuvre du programme élargi de vaccinations (PEV), l’utilisation des insecticides dans la lutte antivectorielle, la mise en œuvre de stratégies de lutte adaptées au contexte local (lutte contre les maladies diarrhéiques, protection maternelle et infantile) avaient permis de contrôler la plupart de ces maladies [1] . À cela s’est ajoutée ces dernières années la volonté mondiale de lutter contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH)/sida, la tuberculose et le paludisme [2] . En matière de santé humaine, une conséquence pour l’Afrique a été la baisse significative de la mortalité infantile et une augmentation de neuf ans de l’espérance de vie moyenne entre 1990 et 2012 [3] . Cependant, ces dernières décennies, dans quelques pays d’Afrique sub-saharienne, l’instabilité sociopolitique, les crises économiques, ont entraîné une 1 8-001-E-10 Grandes endémies : spécificités africaines dégradation progressive des systèmes de santé. Du fait des modifications de comportement, les populations vont aller au contact des réservoirs d’agents pathogènes (déforestation, développement de l’agriculture, travail dans les mines). Les années 1980/1990 vont ainsi marquer le réveil d’endémies classiques, parfois sous forme épidémique (fièvre jaune), et l’émergence de nouvelles endémies comme les infections par le VIH, certaines fièvres hémorragiques virales et en particulier Ebola, et l’ulcère de Buruli en Afrique tropicale. Les succès obtenus contre les maladies transmissibles se trouvent ainsi remis en partie en question par l’émergence de ces agents pathogènes, mais aussi, par exemple, par le développement de résistance des parasites et bactéries aux médicaments, et des moustiques aux insecticides. Décrire aujourd’hui les grandes endémies (GE) en Afrique, c’est d’abord en expliquer les facteurs d’enracinement et de développement, c’est ensuite montrer les caractéristiques spécifiques à l’Afrique par rapport aux pays développés. Le concept de GE étant né en Afrique sub-saharienne [4] , le choix des exemples est limité à cette partie de l’Afrique. Endémie : un agent pathogène enraciné dans un écosystème par un réservoir « Maladie endémique » vient du grec « endêmon nosêma » qui signifie maladie enracinée. Les agents potentiellement pathogènes (APP) sont maintenus de façon pérenne dans un réservoir qui peut être humain et/ou animal. Ce réservoir qui enracine l’APP en un écosystème particulier est la source d’infection pour le sujet sain (le terme APP englobe les virus, bactéries, parasites, champignons, agents transmissibles non conventionnels). L’homme peut représenter le réservoir unique d’APP comme dans la rougeole, la méningite à méningocoque ou l’infection à VIH. L’animal peut être aussi le seul réservoir (rage, Ebola virus, virus West Nile, grippe aviaire, Nipah virus, fièvre jaune, leptospirose). Dans le cas de la grippe humaine, les virus, enracinés dans leurs réservoirs d’animaux sauvages ou domestiques, peuvent basculer dans un réservoir humain, avec alors une transmission aérienne interhumaine permettant l’épidémisation dans la population. Les chauves-souris représentent le réservoir connu du virus Ebola ; elles s’échangent le virus entre elles et, par leurs déjections, contaminent l’environnement, en particulier des fruits. Des animaux (singes, antilopes, rongeurs) peuvent être infectés en mangeant ces fruits ; enfin, l’homme peut être contaminé en consommant les animaux ou les chauves-souris infectés, ou en les manipulant [5] . La transmission de l’agent pathogène à l’humain peut faire intervenir un insecte vecteur, anophèle dans le paludisme, Aedes dans la fièvre jaune et des arboviroses (dengue, chikungunya, zika virus), simulie dans l’onchocercose, glossine dans la trypanosomose humaine africaine (THA), Culex pour le virus West Nile. Parfois, l’agent pathogène effectue une évolution biologique chez un hôte intermédiaire comme un mollusque (schistosomoses) ou un crustacé d’eau douce (dracunculose). Dans tous ces cas, c’est alors le couple animal–vecteur (primate non humain – Aedes selvatique pour la fièvre jaune), homme–vecteur (homme–anophèle dans le paludisme), ou homme – hôte intermédiaire (homme – mollusque d’eau douce dans les bilharzioses) qui doit être considéré dans sa globalité comme le réservoir d’APP. L’endémie se définit fondamentalement à travers son écosystème (population, environnement, agents pathogènes) ; les facteurs géoclimatiques et environnementaux, le sous-développement, les facteurs sociaux culturels et en particulier les comportements des populations, interviennent à des degrés variables, isolés ou associés entre eux, comme facteurs d’enracinement de l’APP dans une zone donnée, d’un petit foyer géographique caractérisant les endémies en foyers (THA, onchocercose, dracunculose, ulcère de Buruli), à la terre entière dans le cadre des endémies cosmopolites telles que l’infection à VIH, la méningite à méningocoque, la tuberculose, la grippe humaine, la rougeole. 2 Facteurs géoclimatiques, facteurs principaux d’enracinement des endémies Exemples en Afrique sub-saharienne Des conditions nécessaires de chaleur, d’humidité et de pluviométrie favorisent la prolifération et la diffusion des vecteurs et hôtes intermédiaires, et expliquent qu’en Afrique certaines endémies sévissent essentiellement dans la zone dite « intertropicale », car située entre les tropiques du Cancer et du Capricorne (23◦ 27 de longitude nord et sud) [6, 7] . C’est le cas pour le paludisme (anophèles et plasmodiums), la fièvre jaune (Aedes et virus amaril), la THA (glossines et trypanosomes), l’onchocercose (simulies et Onchocerca volvulus), la dracunculose (cyclops et Dracunculus medinensis), les schistosomoses ou bilharzioses (mollusques et schistosomes). La méningite à méningocoque est l’exemple d’une endémie cosmopolite, à réservoir de virus strictement humain, à transmission interhumaine directe, où des conditions géoclimatiques interviennent pour l’enraciner dans sa forme la plus grave, endémoépidémique, dans une zone soudanosahélienne, dénommée ceinture de Lapeyssonnie ; elle est située entre les isohyètes 300 mm au Nord et 1100 mm au Sud [7, 8] . C’est de janvier à marsavril, pendant la saison froide et sèche, que l’on observe une recrudescence annuelle des cas, avec des taux d’incidence très élevés, de 15 à 100 cas pour 100 000 habitants et par an. La répartition des tréponématoses endémiques non vénériennes est liée au climat et à l’hygrométrie en particulier ; le pian est essentiellement localisé en zone tropicale humide, la syphilis endémique (Béjel) en zone sèche sahélienne. Exemples dans les pays développés La méningoencéphalite européenne se développe dans les forêts d’Europe Centrale où les sous-bois humides et les nombreux cours d’eau construisent un écosystème favorable au développement du réservoir (rongeurs) et du vecteur (tiques) ; les épidémies surviennent essentiellement du printemps à l’automne (période des activités en forêt). À la grande variété de tiques dures (ixodidae) et molles (argasidae) déjà connue (soit près de 900 espèces) se superpose la découverte récente (par technique de polymerase chain reaction) d’un nombre croissant de bactéries du genre Rickettsia, dont la topologie géographique s’étend, pour l’Europe, de l’Europe du Sud vers la Russie [9] . La maladie ou borréliose de Lyme sévit dans les zones boisées en Europe, dans l’est et l’ouest des ÉtatsUnis, et à un niveau moindre en Alaska et au Canada ; elle est devenue la plus fréquente des maladies vectorielles transmises à l’homme dans l’hémisphère Nord [10, 11] . La région d’endémie de la fièvre à tiques du Colorado est représentée par des zones d’altitude avec la présence du vecteur Dermacentor andersoni [12] . L’eau est indispensable à l’enracinement des encéphalites équines américaines, dont le foyer est situé dans des zones marécageuses proches du Mississipi où peuvent coexister les moustiques vecteurs et des oiseaux, hôtes du virus. La fièvre Q, cosmopolite, est toutefois plus enracinée dans les zones où sont élevés ovins, bovins ou caprins qui constituent l’essentiel du réservoir de Coxiella burnetii [13] ; l’homme se contamine le plus souvent par l’inhalation d’aérosols contenant des spores de C. burnetii. En France, la zone de forte endémie est située dans le Sud-Est où souffle le mistral qui facilite la diffusion des bactéries [14, 15] . La fièvre boutonneuse méditerranéenne trouve son lieu de prédilection dans tout le pourtour méditerranéen, et notamment dans le sud de la France où vit Rhipicephalus sanguineus (tique brune du chien), qui transmet la maladie à l’homme, tant en zone rurale qu’en zone urbaine [16] ; l’essentiel des cas a lieu l’été, pendant la période d’activité des larves des tiques, dépendante des conditions météorologiques de l’année et du printemps précédents. Les encéphalites virales d’origine vectorielle sont notamment transmises par le moustique du genre Culex que l’on rencontre à travers le globe excepté aux latitudes nord extrêmes : il est responsable de l’encéphalite Murray Valley dans le Nord de l’Australie, de l’encéphalite japonaise présente dans plusieurs pays développés d’Asie (Corée du EMC - Maladies infectieuses Grandes endémies : spécificités africaines 8-001-E-10 Sud, Japon, Taïwan), de l’encéphalite à virus du Nil Occidental (West Nile virus) sévissant dans les zones tempérées notamment en Amérique du Nord, ainsi que de l’encéphalite de Saint-Louis aux États-Unis. La leishmaniose, l’une des rares maladies d’origine parasitaire, est aussi endémique en l’Europe méridionale (surtout au Portugal), au Mexique, dans le Nord de l’Argentine et le Sud du Texas ; le phlébotome qui transmet le parasite, le plus souvent du chien vers l’homme, prolifère à la période estivale où l’humidité est plus importante. Sous-développement associé aux comportements humains : facteurs d’enracinement des endémies Exemples en Afrique sub-saharienne L’homme est l’acteur principal dans le développement de certaines endémies où il est habituellement le seul réservoir de l’agent pathogène, avec une transmission interhumaine directe. Le manque d’hygiène, la concentration des populations et son corollaire la promiscuité, les difficultés d’accès à l’eau potable, la malnutrition, le sous-développement économique, sont des facteurs favorisant le développement de ces endémies. Il s’agit de maladies liées au péril fécal (choléra, shigelloses, salmonelloses, diarrhée à rotavirus, giardiose), des maladies à transmission aérienne (tuberculose, méningite à méningocoque) et des maladies où la transmission cutanéomuqueuse intervient, comme dans la lèpre et les tréponématoses endémiques non vénériennes (pian ou béjel). Parfois, les comportements humains ont un rôle majeur dans le développement de l’endémie. Dans la dracunculose, l’homme se contamine en buvant de l’eau non filtrée contenant des cyclops porteurs de larves infestantes. De par le mode d’élimination des œufs dans l’eau, les schistosomoses font partie des maladies liées au péril fécal : la contamination humaine dépend des habitudes de contact avec l’eau (toilette, bain, lavage du linge, agriculture inondée). En Afrique centrale, les femmes sont plus souvent en contact avec l’eau – donc avec les glossines – que les hommes, ce qui explique un taux de prévalence de la THA trois fois supérieur chez les femmes âgées de plus de 15 ans. Dans le choléra, comme dans la maladie à virus Ebola, des risques importants de contamination, mais surtout de dissémination du vibrion pour le choléra et du virus pour Ebola, sont liés aux usages qui entourent la maladie : funérailles et autres rassemblements de populations (pèlerinages et autres fêtes religieuses, marchés, rassemblements liés au sport) [17, 18] . L’ulcère de Buruli, dû à Mycobacterium ulcerans, la troisième mycobactériose la plus importante, sévit dans les zones intertropicales humides ; les facteurs de risques identifiés, liés aux comportements humains, sont le contact avec l’eau stagnante, le port de vêtements courts pendant les activités agricoles, le soin incorrect des plaies [19] . Par ses comportements, l’homme peut aussi favoriser l’extension des endémies. Les déforestations créent de nouveaux écosystèmes favorables au développement de gîtes larvaires anophéliens ; elles ont permis en mettant l’homme en contact avec la faune sauvage l’éclosion d’épidémies à virus Ebola et de Lassa [20, 21] . Les créations de retenues d’eau avec des zones d’irrigation expliquent le développement des bilharzioses. L’homme, lorsqu’il est porteur asymptomatique de l’APP, les diffuse à l’occasion de ses déplacements aériens, maritimes ou terrestres : cela s’est vérifié aux XIXe et XXe siècles avec les pandémies de choléra liées au développement des transports maritimes puis aériens, et plus récemment par l’extension d’épidémies de viroses (virus du syndrome respiratoire aigu sévère, chikungunya, dengue, virus Zika, Ebola). Aujourd’hui, le choléra est endémique sur le littoral atlantique de l’Afrique Centrale [6] . Le virus Ebola a pu diffuser largement en Afrique de l’Ouest où les déplacements de populations sont très importants, puis a touché le milieu urbain. L’urbanisation anarchique que l’on observe en Afrique depuis une trentaine d’années s’accélère, avec son déficit sanitaire qui fait le lit des maladies du sous-développement, notamment de la tuberculose et des maladies liées au péril fécal. EMC - Maladies infectieuses Exemples dans les pays développés : précarité, comportements humains et développement de maladies infectieuses Malgré le niveau économique important, depuis quelques années une population croissante de personnes vivant dans la précarité s’est installée dans les pays développés. C’est ainsi que les poux de corps ont fait leur apparition chez les « sans domicile fixe », avec comme corollaire la réémergence de maladies autrefois endémiques. Par exemple, la fièvre des tranchées, qui était endémique en Europe au cours de la première guerre mondiale, fait reparler d’elle (notamment en France et aux États-Unis), avec de nouvelles formes d’infections à Bartonella quintana et un risque réel de typhus dans ces populations [22] . De même, la gale apparaît en augmentation depuis 2005, survenant dans les pays développés, par épidémies de collectivités, principalement en saison automnohivernale [23] . Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les taux d’incidence des tuberculoses pulmonaires à frottis positifs stagnent, après une augmentation jusqu’en 2006 [24] , avec deux facteurs de préoccupation : la comorbidité avec l’infection au VIH et l’apparition de formes pharmacorésistantes. De plus, l’endémie est irrégulièrement répartie et les disparités observées sont à mettre en relation, entre autres, avec des facteurs de précarité socioéconomiques, la toxicomanie ou encore l’immigration en provenance de pays de forte endémicité tuberculeuse. Le triomphe des traitements anti-infectieux dans nos sociétés hypermédicalisées ne doit pas laisser tomber en désuétude les comportements simples et classiques permettant de lutter contre les maladies infectieuses (comme par exemple le « lavage des mains »). En effet, bon nombre d’épidémies en Occident sont désormais manuportées. L’utilisation massive des traitements antibiotiques a favorisé l’émergence de bactéries résistantes, comme les staphylocoques multirésistants ou les klebsielles à bêtalactamases à spectre élargi ; les infections nosocomiales et iatrogènes sont désormais enracinées dans nos écosystèmes de soins. Dans les hôpitaux, la création de comités de lutte contre les infections nosocomiales est devenue une nécessité, avec comme objectif principal la prévention. Le brassage massif des populations, l’organisation en mégapoles, le développement des voyages internationaux permettent aujourd’hui la diffusion rapide d’agents comme le virus de la grippe qui s’étend ainsi chaque année à l’ensemble de la planète. L’environnement moderne urbain favorise la multiplication de germes dans de nombreux gîtes où l’eau chaude stagne (climatisation par exemple), permettant ainsi la transmission de légionnelles par des aérosols contaminés. Le développement des restaurations collectives intervient comme le facteur favorisant l’apparition de toxi-infections alimentaires collectives. L’infection à VIH, dans les pays occidentaux, a connu un enracinement plus marqué dans les populations toxicomanes et homosexuelles, à la différence de l’Afrique où le principal mode de transmission est la voie hétérosexuelle. Au total, quel que soit le niveau de développement d’un pays, l’enracinement des endémies est en général multifactoriel avec, selon les endémies, un facteur prédominant, comme les facteurs géoclimatiques pour les maladies à transmission vectorielle et la méningite à méningocoque, comme le sous-développement et/ou les comportements humains pour la plupart des maladies à transmission interhumaine directe. L’épidémie d’Ebola observée en Afrique de l’Ouest fin 2014 et en 2015 a touché essentiellement la Guinée Conakry, la Sierra Leone et le Liberia ; si la Sierra Leone a été déclarée exempte de transmission du virus par l’OMS le 17 novembre 2015, si aucun cas n’a été décrit en Guinée depuis le 29 octobre, le Liberia a notifié trois cas confirmés en novembre 2015. C’est l’association de plusieurs facteurs qui a permis l’explosion épidémique. Le virus s’est déplacé de 4000 km depuis l’Afrique Centrale vers l’Afrique de l’Ouest où il était inconnu. C’est le contact entre le réservoir de virus animal et l’homme en zone forestière qui a permis la contamination de l’homme ; le déplacement de sujets infectés porteurs asymptomatiques du virus pendant plusieurs jours a facilité la diffusion du virus en Afrique de l’Ouest. La méconnaissance de la maladie, la 3 8-001-E-10 Grandes endémies : spécificités africaines faiblesse des systèmes de santé, avec en particulier la quasi-absence de protection des personnels soignants, les comportements habituels socioculturels (rites funéraires non sécurisés, regroupement des familles), ont permis l’explosion de l’épidémie [18, 25] . Endémies émergentes Le phénomène des émergences des maladies infectieuses, surtout virales, s’est accéléré à partir de la deuxième partie du XXe siècle [26] . Parmi les arboviroses, la dengue hémorragique est apparue dans le Sud-Est asiatique dès les années 1950. Le virus chikungunya, alphavirus transmis par des Aedes, isolé en 1952 en Tanzanie, avait son aire de distribution étendue à l’Afrique subsaharienne et à l’Asie du Sud-Est ; l’endémie a émergé brutalement en 2005 dans le sud-ouest de l’océan Indien, touchant sévèrement l’île de la Réunion (près de 40 % de la population touchée), puis en 2006 Madagascar. Les Amériques sont touchées pour la première fois en 2013, d’abord à Saint-Martin ; puis l’ensemble des Caraïbes (Saint Barthélémy, la Martinique et la Guadeloupe), suivi par la Guyane, sont atteints par d’importantes épidémies en 2014. La région Pacifique avait aussi été atteinte avec les premiers cas autochtones décrits en Nouvelle-Calédonie en 2011 ; des épidémies surviennent en Papouasie Nouvelle-Guinée en 2012, puis dans d’autres îles de la région Pacifique (État de Yap, Tonga, Samoa et Tokelau) [27] . L’Europe n’est pas épargnée ; le chikungunya a fait une première incursion en Italie en 2007. En 2014, en France métropolitaine, quatre cas autochtones de dengue ont été détectés en région Provence–Alpes–Côte d’Azur et 11 cas autochtones de chikungunya confirmés dans l’agglomération de Montpellier [28] . Le virus Zika, flavivirus transmis par des Aedes, était présent lui aussi en Afrique et en Asie ; en 2007, il apparaît d’abord dans l’île de Yap, puis est responsable d’une épidémie en Polynésie française en 2013 à 2014, avant de disséminer dans d’autres îles du Pacifique dont la Nouvelle-Calédonie [29] . Cette diffusion mondiale des arboviroses est liée à la diffusion du moustique tigre Aedes albopictus. La pandémie du VIH, et les infections par les virus de l’hépatite B et de l’hépatite C, ne cessent de se développer dans le monde, avec en Afrique sub-saharienne des co-infections fréquentes [30] . En 2000, la fièvre de la vallée du Rift, qui n’avait touché que l’Afrique, a infecté l’Arabie Saoudite et le Yémen. Un coronarovirus émergeant fin 2002 en Chine méridionale, responsable du « syndrome respiratoire aigu sévère », a entraîné la première pandémie du XXIe siècle [26] . Le Middle East respiratory syndrome coronarovirus a émergé en 2012 essentiellement dans la péninsule arabique [31] . La maladie à virus Ebola a été décrite pour la première fois au Soudan en 1976, puis a diffusé dans des pays d’Afrique Centrale ; en 2014, elle a « émergé » en Afrique de l’Ouest [5] . Parmi les infections bactériennes, l’ulcère de Buruli a été déclaré maladie émergente par l’OMS en 1998 [32] . À titre anecdotique, on peut citer la réémergence en 2011 de la bilharziose urogénitale en Corse [33] . Grande endémie : un problème de santé publique Pour être qualifiée de « grande », une endémie doit être un problème de santé publique, c’est-à-dire avoir un impact important actuel ou potentiel, en termes de mortalité, de morbidité et/ou d’invalidité. Ainsi, le paludisme reste la première GE parasitaire mondiale. Chaque année, en Afrique sub-saharienne, il se produit au moins 300 millions de cas aigus, dont la moitié touche des enfants de moins de 5 ans, avec près de 350 000 décès [34] . Le choléra s’étend dans toute l’Afrique et l’on assiste à une flambée d’épidémies de fièvre jaune avec le relâchement de la vaccination [17, 35] . Plus de deux millions de cas de tuberculose étaient notifiés à l’OMS en 2014, ce qui représentait 23 % des cas mondiaux notifiés [24] . En 2013, selon le rapport ONU-SIDA 2014, environ 35 millions de sujets étaient porteurs du VIH dans le monde dont 24,5 millions pour l’Afrique sub-saharienne ; on a observé 1,5 millions de décès et 2,1 millions de nouveaux cas [36] . 4 En Afrique centrale, le taux de portage de l’antigène HBs, dont on sait qu’il est corrélé étroitement avec le taux de cancers primitifs du foie, variait de 26,6 % en zone soudano-sahélienne-tchadienne à 6,7 % en zone littorale gabonaise [37] . Une GE peut représenter aussi un coût socioéconomique élevé, lié certes aux stratégies de lutte et de prévention mises en place (coûts directs), mais aussi aux coûts indirects (production diminuée, agriculture affaiblie, tourisme en baisse). Le paludisme est responsable, en Afrique sub-saharienne, de 40 % des dépenses de santé publique [34] . L’épidémie d’Ebola est un exemple typique où l’impact économique est très élevé, alors que le nombre de cas et de décès est faible comparé à d’autres endémies comme le paludisme, l’infection à VIH ou les maladies diarrhéiques. La Banque mondiale a estimé que l’impact cumulé sur les finances publiques des trois pays les plus touchés (Sierra Leone, Guinée Conakry et Liberia) s’est élevé à plus d’un demi-milliard de dollars en 2014, soit presque 5 % de leurs PIB cumulés [38] . Grande endémie : quelle définition ? Lapeyssonnie définissait en 1979 les GE africaines comme des « maladies sociales qui règnent sous les tropiques et contre lesquelles des services spéciaux de lutte ont été créés » [8] . Les notions de sous-développement et de gravité en santé publique sont exprimées dans le concept de maladies « sociales ». Le concept de GE est né en Afrique [4] et la connaissance de l’historique de la lutte contre les endémies africaines explique l’importance de la notion de capacité de lutte associée dans cette définition [1, 39] . Au début du XXe siècle, seules la variole et la THA étaient considérées comme GE, car on pouvait lutter par la vaccination contre la première, et on disposait, avec la Lomidine® , d’un médicament efficace contre la seconde. En 1917, Jamot, médecin militaire français, invente la stratégie de médecine mobile pour lutter contre la maladie du sommeil (THA) qui décimait alors les populations ; cette stratégie allait être appliquée progressivement à d’autres endémies. Progressivement, la liste des GE s’est allongée avec la découverte de nouveaux moyens de lutte. En 1929 paraît le premier numéro de la revue « Les grandes endémies tropicales » éditée par le service de santé des colonies. En 1957 est créé dans les États d’Afrique francophone un « service commun de lutte contre les GE » qui cohabitait avec les « services nationaux des GE ». Nous proposons une définition actualisée des GE qui s’applique à toutes les situations, quel que soit le niveau de développement des populations et pays : « Une GE est une affection transmissible, enracinée par son réservoir d’APP dans un écosystème particulier ; des facteurs géoclimatiques et environnementaux, le sous-développement, des comportements humains liés en partie aux facteurs socioculturels interviennent dans cet enracinement, à des degrés variables selon l’endémie. De par ses conséquence en santé humaine, de par son coût pour la société, c’est un problème de santé publique ». Il existe d’autres grands problèmes de santé publique qui ne sont pas sous la dépendance d’agents transmissibles. Au cours des dernières décennies, presque tous les pays du monde ont vécu un transfert de grande ampleur de la mortalité des maladies infectieuses vers les maladies non transmissibles (MNT) et les traumatismes, et cela même dans la plupart des pays africains. Les MNT sont les premières causes de décès dans le monde (68 % des décès en 2012) ; près des trois-quarts des décès dus aux MNT (28 millions en 2012) sont survenus dans des pays à revenus faible ou intermédiaire [40] . Lutte contre les grandes endémies La mise en œuvre de la lutte contre une GE présuppose une volonté politique, une vulnérabilité de l’endémie, la possibilité d’une intervention effective et la démonstration faite de la faisabilité de cette lutte. La volonté des États de lutter contre les GE EMC - Maladies infectieuses Grandes endémies : spécificités africaines 8-001-E-10 s’exprime régulièrement dans le cadre de l’Assemblée mondiale de la Santé (OMS), au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique [41] et lors des assemblées de chefs d’États et de gouvernements. Il s’en est suivi le lancement par l’OMS de grands projets internationaux comme le Programme africain de lutte contre l’onchocercose, Roll Back Malaria, la stratégie Halte à la tuberculose, et par l’Union africaine de la Pan African Tsetse and Trypanosomiasis Eradication Campaign. Ces politiques ont eu pour effet, au-delà des frontières, d’harmoniser et de fédérer les actions de lutte. Cette volonté politique de poursuivre sur ces améliorations s’est exprimée entre autres par la Déclaration de Ouagadougou de 2008 sur les soins de santé primaires et les systèmes de santé [42] , par l’engagement de Luanda de 2014 sur la couverture sanitaire universelle en Afrique [43] . La vulnérabilité de l’endémie est d’autant plus importante qu’il est possible d’interrompre son cycle épidémiologique en luttant contre des cibles bien identifiées. Dans le cas de la THA, c’est la lutte contre la glossine, seul vecteur de l’endémie. Pour la dracunculose, la cible est le cyclops : une simple filtration de l’eau suffit à s’en protéger ; mais c’est la construction de puits autour des villages, ou l’approvisionnement continu en eau qui, en modifiant les comportements des populations, a permis l’élimination de cette endémie. La vulnérabilité de la poliomyélite, de la rougeole, de la diphtérie, de la coqueluche, du tétanos, de la fièvre jaune est démontrée par l’efficacité de la vaccination réalisée dans le cadre du PEV. L’utilisation du vaccin conjugué contre la méningite à méningocoque A (MenAfriVac) permet de lutter plus efficacement contre les épidémies de la ceinture sahélienne ; près de 160 millions de personnes ont déjà été vaccinées dans 12 pays de cette ceinture depuis 2010 [41] . Ces moyens de lutte (vaccins, antibiotiques, antiparasitaires, insecticides, etc.) ont été très rapidement disponibles et des résultats spectaculaires obtenus. Mais il s’est avéré également que l’utilisation intensive de ces armes pouvait avoir comme grave conséquence l’apparition de résistances qui grevaient leur efficacité : dans la lutte contre le paludisme, les anophèles ont appris à survivre aux premiers insecticides et les parasites sont devenus résistants à de nombreux antipaludiques. La quinine et les associations médicamenteuses intégrant les dérivés de l’artémisinine (artemisinin-based combination therapy) restent cependant régulièrement efficaces [44] . Pour qu’une intervention soit possible, il faut réunir des moyens financiers et humains pour une action dans la durée. Depuis quelques années de grandes institutions (Fonds monétaire international, USAID, Fondation Bill et Melinda Gates, etc.) ont mobilisé des sommes considérables pour lutter contre trois endémies, le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme ; à ce titre, par exemple, le Fonds mondial investit près de quatre milliards de dollars US par an [2] . Cette mobilisation commence à porter ses fruits, au moins pour le paludisme et le VIH/sida ; de 2000 à 2012, la mortalité liée au paludisme chez les moins de 5 ans a chuté de 48 % [34] . Cependant, la centralisation de la recherche et des chercheurs sur ces seules pathologies s’est faite au détriment d’autres endémies, désormais appelées officiellement maladies tropicales négligées (MTN) ; l’OMS en dénombre 17 qui touchent plus d’un milliard de personnes dans le monde (lèpre, tæniasis/cysticercose, leishmaniose, trachome, dracunculose, trématodoses d’origine alimentaire, schistosomiase, pian, trypanosomiase humaine africaine, maladie de Chagas, ulcère de Buruli, filariose lymphatique, échinococcose, dengue et dengue sévère, rage.) En conséquence, de grands laboratoires pharmaceutiques apportent leur soutien aux programmes sous forme de fourniture gratuite des médicaments nécessaires à la lutte contre ces MTN, l’ivermectine pour l’onchocercose mais aussi la lutte contre les filarioses lymphatiques, la pentamidine et la nifurtimox eflornithine combination therapy pour la THA, le praziquantel à travers la schistosomiasis control initiative par exemple. Les stratégies de lutte intégrées sont préférées aujourd’hui aux stratégies verticales avec des équipes mobiles. Cela implique pour les personnels de santé aux postes les plus périphériques une formation aux techniques de diagnostic et de lutte pour chaque endémie. Cela n’est pas toujours réalisé et pose parfois des problèmes : ainsi, le diagnostic du paludisme est encore trop souvent présomptif, ce qui compromet par exemple l’analyse statistique des résultats de la lutte par EMC - Maladies infectieuses moustiquaires imprégnées d’insecticide rémanent. Pour la tuberculose, on ne dispose pas encore d’outils diagnostiques simples, applicables dans tous les centres de santé. L’exemple de l’épidémie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest a montré l’impréparation des services de santé à la prise en charge des cas avec les conséquences sur la transmission interhumaine et la diffusion [18, 25] . Pour ce qui concerne les objectifs de la lutte contre les endémies, l’OMS a défini trois niveaux différents selon la vulnérabilité des maladies : la maîtrise, l’élimination et l’éradication. La maîtrise vise à réduire la morbidité et la mortalité d’une maladie à un niveau acceptable ; l’endémie persistante, il est indispensable de poursuivre les actions de lutte pour maintenir ou renforcer la réduction obtenue. Entrent dans ce cadre le paludisme, les schistosomoses, les tréponématoses endémiques, la tuberculose, le choléra, la méningite à méningocoques, la fièvre jaune, les infections à VIH et l’hépatite B. L’élimination vise à réduire la morbidité et la mortalité à un niveau tel que l’endémie ne soit plus considérée comme un problème de santé publique en termes de morbidité, de mortalité ou d’invalidité, mais comme un problème potentiel en cas d’inefficacité ou d’arrêt de la lutte. C’est le cas : • de la lèpre : moins d’un cas par an pour 10 000 habitants ; • de la THA : moins d’un cas par an pour 10 000 habitants exposés au risque de THA ; • de l’onchocercose : aucune simulie infectée sur 10 000 étudiées dans une zone endémique ; absence de microfilaires, de nodules et de signes sérologiques d’infection chez les moins de 5 ans et les nouveaux arrivants. Plusieurs autres endémies entrent dans ce cadre : la rougeole, la rubéole, la coqueluche, le tétanos néonatal, la filariose lymphatique. L’éradication est l’objectif ultime : c’est la disparition complète et définitive d’une maladie (incidence annuelle mondiale égale à zéro), c’est-à-dire de son réservoir d’APP. Seule la variole a été éradiquée à ce jour, mais l’OMS a engagé un programme d’éradication de deux autres endémies, la dracunculose et la poliomyélite [45] . En 2013, il ne restait que quatre pays endémiques pour la dracunculose (Éthiopie, Mali, Soudan du Sud et Tchad), contre 20 dans les années 1980. Pour la poliomyélite, les résultats sont encore plus spectaculaires : en 1988, 250 000 cas par an étaient notifiés. Ils n’étaient plus que 416 en 2013, soit une diminution de 99 %. Actuellement on ne peut envisager l’éradication de maladies dont le réservoir de virus est strictement animal. La fièvre jaune est l’exemple d’une endémie où le relâchement dans la stratégie de vaccination permet la réémergence des épidémies ; un vaccin très efficace (une seule injection protège toute la vie) est disponible, mais même si la population mondiale était vaccinée, le virus continuerait à circuler dans son écosystème forestier entre les primates singes et les moustiques Aedes. Dans l’éventualité de la mise au point d’un vaccin efficace contre le virus Ebola, l’endémie ne pourra non plus être éradiquée, le virus continuant à circuler en zone forestière au sein de son réservoir animal naturel, les chauves-souris. Conclusion La région africaine paye toujours un lourd tribut aux maladies transmissibles ; la pauvreté persistante et la faiblesse des systèmes de santé dans quelques pays africains aggravent cette situation. Cependant, depuis les années 2010, des progrès considérables ont été accomplis avec une régression significative du paludisme, un meilleur contrôle de l’endémie VIH, une augmentation importante des taux de vaccination faisant par exemple baisser significativement la mortalité par rougeole, une élimination de maladies comme la lèpre, la dracunculose, les maladies bénéficiant du PEV. Faire régresser les GE actuelles à un niveau suffisamment bas pour qu’elles ne représentent plus un problème de santé publique, c’est-à-dire les éliminer, poursuivre dans l’éradication de la poliomyélite, de la dracunculose, et même de la rougeole, devraient être les objectifs principaux des deux prochaines décennies du XXIe siècle. 5 8-001-E-10 Grandes endémies : spécificités africaines Les pays développés ont connu le recul des maladies infectieuses grâce à l’amélioration de l’hygiène individuelle et collective, et au développement économique. Leurs infrastructures sanitaires hypermédicalisées, associées à un système de surveillance des maladies efficace et à un contrôle vétérinaire systématique de leurs populations animales, ont permis de maintenir à des niveaux très bas les endémies préexistantes, et de circonscrire rapidement les foyers épidémiques dès leur apparition. Partout, l’homme joue un rôle de plus en plus important dans l’émergence, le développement et la diffusion de maladies infectieuses. La croissance démographique exponentielle a imposé, ces 30 dernières années, une exploitation accélérée des ressources de la planète (développement d’une agriculture intensive, déforestations massives). L’homme a modifié sans y prendre garde beaucoup d’écosystèmes, facilitant l’émergence d’endémies, essentiellement des zoonoses normalement cantonnées à un espace géographique limité [46] . L’augmentation du trafic aérien international, l’importance des échanges commerciaux et les déplacements de populations sont des éléments expliquant la diffusion des agents pathogènes. Ainsi, la mondialisation est un facteur favorisant les émergences infectieuses. Un nouvel acteur est apparu ces dernières décennies, le réchauffement climatique qui est susceptible de modifier les écosystèmes et en conséquence les aspects épidémiologiques de certaines endémies, et de favoriser l’émergence d’autres endémies ; il est nécessaire d’étudier son impact sur la santé humaine. “ Points essentiels • Les endémies sont enracinées par leur réservoir d’agents potentiellement pathogènes (virus, bactéries, parasites, champignons, agents transmissibles non conventionnels) dans des écosystèmes particuliers. • L’enracinement des endémies est le plus souvent multifactoriel : facteurs géoclimatiques et environnementaux, sous-développement, comportements humains. • Les grandes endémies sont des problèmes de santé publique. • Les objectifs de la lutte contre les grandes endémies sont le contrôle, l’élimination, l’éradication. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Richet P. 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Grandes endémies : spécificités africaines. EMC - Maladies infectieuses 2016;13(2):1-7 [Article 8-001-E-10]. Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels EMC - Maladies infectieuses Iconographies supplémentaires Vidéos/ Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires Autoévaluations Cas clinique 7