Grandes endémies : spécificités africaines- Version 2016

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8-001-E-10
Grandes
endémies
:
spécificités
africaines
D.
Baudon,
N.
Barnaud,
F.J.
Louis
Maladie
endémique,
du
grec
«
endêmon
nosêma
»,
signifie
maladie
enracinée
dans
un
écosystème
particulier.
Il
s’agit
de
maladies
infectieuses,
enracinées
par
leurs
réservoirs
d’agents
potentielle-
ment
pathogènes.
Des
facteurs
géoclimatiques
et
environnementaux,
le
sous-développement
et
des
comportements
humains
le
plus
souvent
liés
à
des
facteurs
socioculturels,
expliquent
cet
enracinement.
Le
concept
de
grandes
endémies
(GE)
est
en
Afrique
sub-saharienne.
Les
GE
africaines
comprennent
aujourd’hui
des
maladies
transmises
par
des
vecteurs
comme
le
paludisme
ou
la
fièvre
jaune
;
un
hôte
intermédiaire
intervient
parfois
comme
dans
les
bilharzioses
;
les
facteurs
géoclimatiques
sont
ici
pré-
pondérants
pour
expliquer
l’enracinement
en
zone
intertropicale.
Certaines
GE
sont
surtout
liées
au
sous-développement
et/ou
aux
comportements
humains,
comme
par
exemple
les
infections
par
le
virus
de
l’immunodéficience
humaine,
la
maladie
à
virus
Ebola,
la
tuberculose,
l’ulcère
de
Buruli,
le
choléra,
les
tréponématoses
endémiques,
la
méningite
à
méningocoque.
Dans
les
pays
en
développement,
aussi
bien
que
dans
les
pays
développés,
l’enracinement
des
endémies
est
en
général
multifactoriel
avec,
selon
les
endémies,
un
facteur
prédominant,
comme
les
facteurs
géoclimatiques
pour
les
maladies
à
transmission
vectorielle
et
la
méningite
à
méningocoque,
comme
le
sous-développement
et/ou
les
comportements
humains
pour
la
plupart
des
maladies
à
transmission
interhumaine
directe.
Le
changement
climatique
peut
modifier
l’épidémiologie
des
endémies,
et
il
sera
nécessaire
d’en
évaluer
l’impact
en
santé
humaine.
La
mise
en
œuvre
de
la
lutte
contre
ces
endémies,
importants
problèmes
de
santé
publique,
présuppose
une
vulnérabilité
suffisante
et
une
volonté
politique
des
États.
Les
objectifs,
fonction
de
ces
prérequis,
sont
le
contrôle,
l’élimination
ou
l’éradication.
Faire
régresser
les
GE
actuelles
à
un
niveau
suffisamment
bas
pour
qu’elles
ne
représentent
plus
un
problème
de
santé
publique
devrait
être
l’objectif
principal
pour
les
deux
prochaines
décennies.
©
2016
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Masson
SAS.
Tous
droits
réservés.
Mots-clés
:
Endémie
;
Afrique
sub-saharienne
;
Pays
développés
;
Épidémies
;
Maladies
émergentes
;
Santé
publique
Plan
Introduction
1
Endémie
:
un
agent
pathogène
enraciné
dans
un
écosystème
par
un
réservoir
2
Facteurs
géoclimatiques,
facteurs
principaux
d’enracinement
des
endémies
2
Exemples
en
Afrique
sub-saharienne
2
Exemples
dans
les
pays
développés
2
Sous-développement
associé
aux
comportements
humains
:
facteurs
d’enracinement
des
endémies
3
Exemples
en
Afrique
sub-saharienne
3
Exemples
dans
les
pays
développés
:
précarité,
comportements
humains
et
développement
de
maladies
infectieuses
3
Endémies
émergentes
4
Grande
endémie
:
un
problème
de
santé
publique
4
Grande
endémie
:
quelle
définition
?
4
Lutte
contre
les
grandes
endémies
4
Conclusion
5
Introduction
Les
maladies
infectieuses
transmissibles
ont
connu,
surtout
dans
les
pays
développés,
un
déclin
sensible
depuis
un
siècle,
essentiellement
grâce
à
l’amélioration
des
conditions
de
vie
(hygiène,
nutrition),
sous-tendue
par
le
développement
écono-
mique.
En
Afrique,
avant
les
années
1950,
les
maladies
infectieuses
représentaient
un
fléau
majeur.
L’utilisation
des
médicaments
antiparasitaires
puis
antimicrobiens,
la
mise
en
œuvre
du
pro-
gramme
élargi
de
vaccinations
(PEV),
l’utilisation
des
insecticides
dans
la
lutte
antivectorielle,
la
mise
en
œuvre
de
stratégies
de
lutte
adaptées
au
contexte
local
(lutte
contre
les
maladies
diar-
rhéiques,
protection
maternelle
et
infantile)
avaient
permis
de
contrôler
la
plupart
de
ces
maladies [1].
À
cela
s’est
ajoutée
ces
dernières
années
la
volonté
mondiale
de
lutter
contre
le
virus
de
l’immunodéficience
humaine
(VIH)/sida,
la
tuberculose
et
le
paludisme [2].
En
matière
de
santé
humaine,
une
conséquence
pour
l’Afrique
a
été
la
baisse
significative
de
la
mortalité
infan-
tile
et
une
augmentation
de
neuf
ans
de
l’espérance
de
vie
moyenne
entre
1990
et
2012 [3].
Cependant,
ces
dernières
décen-
nies,
dans
quelques
pays
d’Afrique
sub-saharienne,
l’instabilité
sociopolitique,
les
crises
économiques,
ont
entraîné
une
EMC
-
Maladies
infectieuses 1
Volume
13
>
n2
>
mai
2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(16)67702-5
8-001-E-10 Grandes
endémies
:
spécificités
africaines
dégradation
progressive
des
systèmes
de
santé.
Du
fait
des
modi-
fications
de
comportement,
les
populations
vont
aller
au
contact
des
réservoirs
d’agents
pathogènes
(déforestation,
développement
de
l’agriculture,
travail
dans
les
mines).
Les
années
1980/1990
vont
ainsi
marquer
le
réveil
d’endémies
classiques,
parfois
sous
forme
épidémique
(fièvre
jaune),
et
l’émergence
de
nouvelles
endémies
comme
les
infections
par
le
VIH,
certaines
fièvres
hémorragiques
virales
et
en
particulier
Ebola,
et
l’ulcère
de
Buruli
en
Afrique
tropicale.
Les
succès
obtenus
contre
les
maladies
transmissibles
se
trouvent
ainsi
remis
en
partie
en
question
par
l’émergence
de
ces
agents
pathogènes,
mais
aussi,
par
exemple,
par
le
développement
de
résistance
des
parasites
et
bactéries
aux
médicaments,
et
des
moustiques
aux
insecticides.
Décrire
aujourd’hui
les
grandes
endémies
(GE)
en
Afrique,
c’est
d’abord
en
expliquer
les
facteurs
d’enracinement
et
de
dévelop-
pement,
c’est
ensuite
montrer
les
caractéristiques
spécifiques
à
l’Afrique
par
rapport
aux
pays
développés.
Le
concept
de
GE
étant
en
Afrique
sub-saharienne [4],
le
choix
des
exemples
est
limité
à
cette
partie
de
l’Afrique.
Endémie
:
un
agent
pathogène
enraciné
dans
un
écosystème
par
un
réservoir
«Maladie
endémique
»
vient
du
grec
«
endêmon
nosêma
»
qui
signifie
maladie
enracinée.
Les
agents
potentiellement
patho-
gènes
(APP)
sont
maintenus
de
fac¸on
pérenne
dans
un
réservoir
qui
peut
être
humain
et/ou
animal.
Ce
réservoir
qui
enracine
l’APP
en
un
écosystème
particulier
est
la
source
d’infection
pour
le
sujet
sain
(le
terme
APP
englobe
les
virus,
bactéries,
para-
sites,
champignons,
agents
transmissibles
non
conventionnels).
L’homme
peut
représenter
le
réservoir
unique
d’APP
comme
dans
la
rougeole,
la
méningite
à
méningocoque
ou
l’infection
à
VIH.
L’animal
peut
être
aussi
le
seul
réservoir
(rage,
Ebola
virus,
virus
West
Nile,
grippe
aviaire,
Nipah
virus,
fièvre
jaune,
leptospi-
rose).
Dans
le
cas
de
la
grippe
humaine,
les
virus,
enracinés
dans
leurs
réservoirs
d’animaux
sauvages
ou
domestiques,
peuvent
bas-
culer
dans
un
réservoir
humain,
avec
alors
une
transmission
aérienne
interhumaine
permettant
l’épidémisation
dans
la
popu-
lation.
Les
chauves-souris
représentent
le
réservoir
connu
du
virus
Ebola
;
elles
s’échangent
le
virus
entre
elles
et,
par
leurs
déjec-
tions,
contaminent
l’environnement,
en
particulier
des
fruits.
Des
animaux
(singes,
antilopes,
rongeurs)
peuvent
être
infectés
en
mangeant
ces
fruits
;
enfin,
l’homme
peut
être
contaminé
en
consommant
les
animaux
ou
les
chauves-souris
infectés,
ou
en
les
manipulant [5].
La
transmission
de
l’agent
pathogène
à
l’humain
peut
faire
intervenir
un
insecte
vecteur,
anophèle
dans
le
palu-
disme,
Aedes
dans
la
fièvre
jaune
et
des
arboviroses
(dengue,
chikungunya,
zika
virus),
simulie
dans
l’onchocercose,
glossine
dans
la
trypanosomose
humaine
africaine
(THA),
Culex
pour
le
virus
West
Nile.
Parfois,
l’agent
pathogène
effectue
une
évolu-
tion
biologique
chez
un
hôte
intermédiaire
comme
un
mollusque
(schistosomoses)
ou
un
crustacé
d’eau
douce
(dracunculose).
Dans
tous
ces
cas,
c’est
alors
le
couple
animal–vecteur
(primate
non
humain
Aedes
selvatique
pour
la
fièvre
jaune),
homme–vecteur
(homme–anophèle
dans
le
paludisme),
ou
homme
hôte
inter-
médiaire
(homme
mollusque
d’eau
douce
dans
les
bilharzioses)
qui
doit
être
considéré
dans
sa
globalité
comme
le
réservoir
d’APP.
L’endémie
se
définit
fondamentalement
à
travers
son
écosystème
(population,
environnement,
agents
pathogènes)
;
les
facteurs
géoclimatiques
et
environnementaux,
le
sous-développement,
les
facteurs
sociaux
culturels
et
en
particulier
les
comportements
des
populations,
interviennent
à
des
degrés
variables,
iso-
lés
ou
associés
entre
eux,
comme
facteurs
d’enracinement
de
l’APP
dans
une
zone
donnée,
d’un
petit
foyer
géographique
caractérisant
les
endémies
en
foyers
(THA,
onchocercose,
dra-
cunculose,
ulcère
de
Buruli),
à
la
terre
entière
dans
le
cadre
des
endémies
cosmopolites
telles
que
l’infection
à
VIH,
la
ménin-
gite
à
méningocoque,
la
tuberculose,
la
grippe
humaine,
la
rougeole.
Facteurs
géoclimatiques,
facteurs
principaux
d’enracinement
des
endémies
Exemples
en
Afrique
sub-saharienne
Des
conditions
nécessaires
de
chaleur,
d’humidité
et
de
pluvio-
métrie
favorisent
la
prolifération
et
la
diffusion
des
vecteurs
et
hôtes
intermédiaires,
et
expliquent
qu’en
Afrique
certaines
endé-
mies
sévissent
essentiellement
dans
la
zone
dite
«
intertropicale
»,
car
située
entre
les
tropiques
du
Cancer
et
du
Capricorne
(23
27de
longitude
nord
et
sud) [6,
7].
C’est
le
cas
pour
le
paludisme
(anophèles
et
plasmodiums),
la
fièvre
jaune
(Aedes
et
virus
ama-
ril),
la
THA
(glossines
et
trypanosomes),
l’onchocercose
(simulies
et
Onchocerca
volvulus),
la
dracunculose
(cyclops
et
Dracunculus
medinensis),
les
schistosomoses
ou
bilharzioses
(mollusques
et
schistosomes).
La
méningite
à
méningocoque
est
l’exemple
d’une
endémie
cosmopolite,
à
réservoir
de
virus
strictement
humain,
à
trans-
mission
interhumaine
directe,
des
conditions
géoclimatiques
interviennent
pour
l’enraciner
dans
sa
forme
la
plus
grave,
endé-
moépidémique,
dans
une
zone
soudanosahélienne,
dénommée
ceinture
de
Lapeyssonnie
;
elle
est
située
entre
les
isohyètes
300
mm
au
Nord
et
1100
mm
au
Sud [7,
8].
C’est
de
janvier
à
mars-
avril,
pendant
la
saison
froide
et
sèche,
que
l’on
observe
une
recrudescence
annuelle
des
cas,
avec
des
taux
d’incidence
très
éle-
vés,
de
15
à
100
cas
pour
100
000
habitants
et
par
an.
La
répartition
des
tréponématoses
endémiques
non
vénériennes
est
liée
au
cli-
mat
et
à
l’hygrométrie
en
particulier
;
le
pian
est
essentiellement
localisé
en
zone
tropicale
humide,
la
syphilis
endémique
(Béjel)
en
zone
sèche
sahélienne.
Exemples
dans
les
pays
développés
La
méningoencéphalite
européenne
se
développe
dans
les
forêts
d’Europe
Centrale
les
sous-bois
humides
et
les
nombreux
cours
d’eau
construisent
un
écosystème
favorable
au
développement
du
réservoir
(rongeurs)
et
du
vecteur
(tiques)
;
les
épidémies
sur-
viennent
essentiellement
du
printemps
à
l’automne
(période
des
activités
en
forêt).
À
la
grande
variété
de
tiques
dures
(ixodidae)
et
molles
(argasidae)
déjà
connue
(soit
près
de
900
espèces)
se
super-
pose
la
découverte
récente
(par
technique
de
polymerase
chain
reaction)
d’un
nombre
croissant
de
bactéries
du
genre
Rickettsia,
dont
la
topologie
géographique
s’étend,
pour
l’Europe,
de
l’Europe
du
Sud
vers
la
Russie [9].
La
maladie
ou
borréliose
de
Lyme
sévit
dans
les
zones
boisées
en
Europe,
dans
l’est
et
l’ouest
des
États-
Unis,
et
à
un
niveau
moindre
en
Alaska
et
au
Canada
;
elle
est
devenue
la
plus
fréquente
des
maladies
vectorielles
transmises
à
l’homme
dans
l’hémisphère
Nord [10,
11].
La
région
d’endémie
de
la
fièvre
à
tiques
du
Colorado
est
représentée
par
des
zones
d’altitude
avec
la
présence
du
vecteur
Dermacentor
andersoni [12].
L’eau
est
indispensable
à
l’enracinement
des
encéphalites
équines
améri-
caines,
dont
le
foyer
est
situé
dans
des
zones
marécageuses
proches
du
Mississipi
peuvent
coexister
les
moustiques
vecteurs
et
des
oiseaux,
hôtes
du
virus.
La
fièvre
Q,
cosmopolite,
est
toutefois
plus
enracinée
dans
les
zones
sont
élevés
ovins,
bovins
ou
caprins
qui
constituent
l’essentiel
du
réservoir
de
Coxiella
bur-
netii [13] ;
l’homme
se
contamine
le
plus
souvent
par
l’inhalation
d’aérosols
contenant
des
spores
de
C.
burnetii.
En
France,
la
zone
de
forte
endémie
est
située
dans
le
Sud-Est
souffle
le
mistral
qui
facilite
la
diffusion
des
bactéries [14,
15].
La
fièvre
boutonneuse
méditerranéenne
trouve
son
lieu
de
prédilection
dans
tout
le
pour-
tour
méditerranéen,
et
notamment
dans
le
sud
de
la
France
vit
Rhipicephalus
sanguineus
(tique
brune
du
chien),
qui
transmet
la
maladie
à
l’homme,
tant
en
zone
rurale
qu’en
zone
urbaine [16] ;
l’essentiel
des
cas
a
lieu
l’été,
pendant
la
période
d’activité
des
larves
des
tiques,
dépendante
des
conditions
météorologiques
de
l’année
et
du
printemps
précédents.
Les
encéphalites
virales
d’origine
vectorielle
sont
notamment
transmises
par
le
mous-
tique
du
genre
Culex
que
l’on
rencontre
à
travers
le
globe
excepté
aux
latitudes
nord
extrêmes
:
il
est
responsable
de
l’encéphalite
Murray
Valley
dans
le
Nord
de
l’Australie,
de
l’encéphalite
japo-
naise
présente
dans
plusieurs
pays
développés
d’Asie
(Corée
du
2EMC
-
Maladies
infectieuses
Grandes
endémies
:
spécificités
africaines 8-001-E-10
Sud,
Japon,
Taïwan),
de
l’encéphalite
à
virus
du
Nil
Occidental
(West
Nile
virus)
sévissant
dans
les
zones
tempérées
notamment
en
Amérique
du
Nord,
ainsi
que
de
l’encéphalite
de
Saint-Louis
aux
États-Unis.
La
leishmaniose,
l’une
des
rares
maladies
d’origine
parasitaire,
est
aussi
endémique
en
l’Europe
méridionale
(surtout
au
Portugal),
au
Mexique,
dans
le
Nord
de
l’Argentine
et
le
Sud
du
Texas
;
le
phlébotome
qui
transmet
le
parasite,
le
plus
souvent
du
chien
vers
l’homme,
prolifère
à
la
période
estivale
l’humidité
est
plus
importante.
Sous-développement
associé
aux
comportements
humains
:
facteurs
d’enracinement
des
endémies
Exemples
en
Afrique
sub-saharienne
L’homme
est
l’acteur
principal
dans
le
développement
de
cer-
taines
endémies
il
est
habituellement
le
seul
réservoir
de
l’agent
pathogène,
avec
une
transmission
interhumaine
directe.
Le
manque
d’hygiène,
la
concentration
des
populations
et
son
corol-
laire
la
promiscuité,
les
difficultés
d’accès
à
l’eau
potable,
la
mal-
nutrition,
le
sous-développement
économique,
sont
des
facteurs
favorisant
le
développement
de
ces
endémies.
Il
s’agit
de
maladies
liées
au
péril
fécal
(choléra,
shigelloses,
salmonelloses,
diarrhée
à
rotavirus,
giardiose),
des
maladies
à
transmission
aérienne
(tuber-
culose,
méningite
à
méningocoque)
et
des
maladies
la
trans-
mission
cutanéomuqueuse
intervient,
comme
dans
la
lèpre
et
les
tréponématoses
endémiques
non
vénériennes
(pian
ou
béjel).
Parfois,
les
comportements
humains
ont
un
rôle
majeur
dans
le
développement
de
l’endémie.
Dans
la
dracunculose,
l’homme
se
contamine
en
buvant
de
l’eau
non
filtrée
contenant
des
cyclops
porteurs
de
larves
infestantes.
De
par
le
mode
d’élimination
des
œufs
dans
l’eau,
les
schistosomoses
font
partie
des
maladies
liées
au
péril
fécal
:
la
contamination
humaine
dépend
des
habitudes
de
contact
avec
l’eau
(toilette,
bain,
lavage
du
linge,
agriculture
inondée).
En
Afrique
centrale,
les
femmes
sont
plus
souvent
en
contact
avec
l’eau
– donc
avec
les
glossines
– que
les
hommes,
ce
qui
explique
un
taux
de
prévalence
de
la
THA
trois
fois
supé-
rieur
chez
les
femmes
âgées
de
plus
de
15
ans.
Dans
le
choléra,
comme
dans
la
maladie
à
virus
Ebola,
des
risques
importants
de
contamination,
mais
surtout
de
dissémination
du
vibrion
pour
le
choléra
et
du
virus
pour
Ebola,
sont
liés
aux
usages
qui
entourent
la
maladie
:
funérailles
et
autres
rassemblements
de
populations
(pèlerinages
et
autres
fêtes
religieuses,
marchés,
rassemblements
liés
au
sport) [17,
18].
L’ulcère
de
Buruli,
à
Mycobacterium
ulce-
rans,
la
troisième
mycobactériose
la
plus
importante,
sévit
dans
les
zones
intertropicales
humides
;
les
facteurs
de
risques
identifiés,
liés
aux
comportements
humains,
sont
le
contact
avec
l’eau
stag-
nante,
le
port
de
vêtements
courts
pendant
les
activités
agricoles,
le
soin
incorrect
des
plaies [19].
Par
ses
comportements,
l’homme
peut
aussi
favoriser
l’extension
des
endémies.
Les
déforestations
créent
de
nouveaux
écosystèmes
favorables
au
développement
de
gîtes
larvaires
anophéliens
;
elles
ont
permis
en
mettant
l’homme
en
contact
avec
la
faune
sauvage
l’éclosion
d’épidémies
à
virus
Ebola
et
de
Lassa [20,
21].
Les
créations
de
retenues
d’eau
avec
des
zones
d’irrigation
expliquent
le
développement
des
bilhar-
zioses.
L’homme,
lorsqu’il
est
porteur
asymptomatique
de
l’APP,
les
diffuse
à
l’occasion
de
ses
déplacements
aériens,
maritimes
ou
terrestres
:
cela
s’est
vérifié
aux
XIXeet
XXesiècles
avec
les
pandé-
mies
de
choléra
liées
au
développement
des
transports
maritimes
puis
aériens,
et
plus
récemment
par
l’extension
d’épidémies
de
viroses
(virus
du
syndrome
respiratoire
aigu
sévère,
chikungunya,
dengue,
virus
Zika,
Ebola).
Aujourd’hui,
le
choléra
est
endémique
sur
le
littoral
atlantique
de
l’Afrique
Centrale [6].
Le
virus
Ebola
a
pu
diffuser
largement
en
Afrique
de
l’Ouest
les
déplacements
de
populations
sont
très
importants,
puis
a
touché
le
milieu
urbain.
L’urbanisation
anarchique
que
l’on
observe
en
Afrique
depuis
une
trentaine
d’années
s’accélère,
avec
son
déficit
sanitaire
qui
fait
le
lit
des
maladies
du
sous-développement,
notamment
de
la
tuber-
culose
et
des
maladies
liées
au
péril
fécal.
Exemples
dans
les
pays
développés
:
précarité,
comportements
humains
et
développement
de
maladies
infectieuses
Malgré
le
niveau
économique
important,
depuis
quelques
années
une
population
croissante
de
personnes
vivant
dans
la
précarité
s’est
installée
dans
les
pays
développés.
C’est
ainsi
que
les
poux
de
corps
ont
fait
leur
apparition
chez
les
«
sans
domicile
fixe
»,
avec
comme
corollaire
la
réémergence
de
maladies
autre-
fois
endémiques.
Par
exemple,
la
fièvre
des
tranchées,
qui
était
endémique
en
Europe
au
cours
de
la
première
guerre
mondiale,
fait
reparler
d’elle
(notamment
en
France
et
aux
États-Unis),
avec
de
nouvelles
formes
d’infections
à
Bartonella
quintana
et
un
risque
réel
de
typhus
dans
ces
populations [22].
De
même,
la
gale
apparaît
en
augmentation
depuis
2005,
survenant
dans
les
pays
déve-
loppés,
par
épidémies
de
collectivités,
principalement
en
saison
automnohivernale [23].
Selon
l’Organisation
mondiale
de
la
santé
(OMS),
les
taux
d’incidence
des
tuberculoses
pulmonaires
à
frottis
positifs
stag-
nent,
après
une
augmentation
jusqu’en
2006 [24],
avec
deux
facteurs
de
préoccupation
:
la
comorbidité
avec
l’infection
au
VIH
et
l’apparition
de
formes
pharmacorésistantes.
De
plus,
l’endémie
est
irrégulièrement
répartie
et
les
disparités
observées
sont
à
mettre
en
relation,
entre
autres,
avec
des
facteurs
de
précarité
socioécono-
miques,
la
toxicomanie
ou
encore
l’immigration
en
provenance
de
pays
de
forte
endémicité
tuberculeuse.
Le
triomphe
des
traitements
anti-infectieux
dans
nos
socié-
tés
hypermédicalisées
ne
doit
pas
laisser
tomber
en
désuétude
les
comportements
simples
et
classiques
permettant
de
lutter
contre
les
maladies
infectieuses
(comme
par
exemple
le
«
lavage
des
mains
»).
En
effet,
bon
nombre
d’épidémies
en
Occident
sont
désormais
manuportées.
L’utilisation
massive
des
traitements
antibiotiques
a
favorisé
l’émergence
de
bactéries
résistantes,
comme
les
staphylocoques
multirésistants
ou
les
klebsielles
à
bêtalactamases
à
spectre
élargi
;
les
infections
nosocomiales
et
iatrogènes
sont
désormais
enracinées
dans
nos
écosystèmes
de
soins.
Dans
les
hôpitaux,
la
création
de
comités
de
lutte
contre
les
infections
nosocomiales
est
devenue
une
nécessité,
avec
comme
objectif
principal
la
prévention.
Le
brassage
massif
des
populations,
l’organisation
en
méga-
poles,
le
développement
des
voyages
internationaux
permettent
aujourd’hui
la
diffusion
rapide
d’agents
comme
le
virus
de
la
grippe
qui
s’étend
ainsi
chaque
année
à
l’ensemble
de
la
pla-
nète.
L’environnement
moderne
urbain
favorise
la
multiplication
de
germes
dans
de
nombreux
gîtes
l’eau
chaude
stagne
(cli-
matisation
par
exemple),
permettant
ainsi
la
transmission
de
légionnelles
par
des
aérosols
contaminés.
Le
développement
des
restaurations
collectives
intervient
comme
le
facteur
favorisant
l’apparition
de
toxi-infections
alimentaires
collectives.
L’infection
à
VIH,
dans
les
pays
occidentaux,
a
connu
un
enracinement
plus
marqué
dans
les
populations
toxicomanes
et
homosexuelles,
à
la
différence
de
l’Afrique
le
principal
mode
de
transmission
est
la
voie
hétérosexuelle.
Au
total,
quel
que
soit
le
niveau
de
développement
d’un
pays,
l’enracinement
des
endémies
est
en
général
multifactoriel
avec,
selon
les
endémies,
un
facteur
prédominant,
comme
les
facteurs
géoclimatiques
pour
les
maladies
à
transmission
vectorielle
et
la
méningite
à
méningocoque,
comme
le
sous-développement
et/ou
les
comportements
humains
pour
la
plupart
des
maladies
à
trans-
mission
interhumaine
directe.
L’épidémie
d’Ebola
observée
en
Afrique
de
l’Ouest
fin
2014
et
en
2015
a
touché
essentiellement
la
Guinée
Conakry,
la
Sierra
Leone
et
le
Liberia
;
si
la
Sierra
Leone
a
été
déclarée
exempte
de
transmis-
sion
du
virus
par
l’OMS
le
17
novembre
2015,
si
aucun
cas
n’a
été
décrit
en
Guinée
depuis
le
29
octobre,
le
Liberia
a
notifié
trois
cas
confirmés
en
novembre
2015.
C’est
l’association
de
plusieurs
fac-
teurs
qui
a
permis
l’explosion
épidémique.
Le
virus
s’est
déplacé
de
4000
km
depuis
l’Afrique
Centrale
vers
l’Afrique
de
l’Ouest
il
était
inconnu.
C’est
le
contact
entre
le
réservoir
de
virus
animal
et
l’homme
en
zone
forestière
qui
a
permis
la
contamination
de
l’homme
;
le
déplacement
de
sujets
infectés
porteurs
asymptoma-
tiques
du
virus
pendant
plusieurs
jours
a
facilité
la
diffusion
du
virus
en
Afrique
de
l’Ouest.
La
méconnaissance
de
la
maladie,
la
EMC
-
Maladies
infectieuses 3
8-001-E-10 Grandes
endémies
:
spécificités
africaines
faiblesse
des
systèmes
de
santé,
avec
en
particulier
la
quasi-absence
de
protection
des
personnels
soignants,
les
comportements
habi-
tuels
socioculturels
(rites
funéraires
non
sécurisés,
regroupement
des
familles),
ont
permis
l’explosion
de
l’épidémie [18,
25].
Endémies
émergentes
Le
phénomène
des
émergences
des
maladies
infectieuses,
sur-
tout
virales,
s’est
accéléré
à
partir
de
la
deuxième
partie
du
XXesiècle [26].
Parmi
les
arboviroses,
la
dengue
hémorragique
est
apparue
dans
le
Sud-Est
asiatique
dès
les
années
1950.
Le
virus
chikungunya,
alphavirus
transmis
par
des
Aedes,
isolé
en
1952
en
Tanzanie,
avait
son
aire
de
distribution
étendue
à
l’Afrique
sub-
saharienne
et
à
l’Asie
du
Sud-Est
;
l’endémie
a
émergé
brutalement
en
2005
dans
le
sud-ouest
de
l’océan
Indien,
touchant
sévèrement
l’île
de
la
Réunion
(près
de
40
%
de
la
population
touchée),
puis
en
2006
Madagascar.
Les
Amériques
sont
touchées
pour
la
pre-
mière
fois
en
2013,
d’abord
à
Saint-Martin
;
puis
l’ensemble
des
Caraïbes
(Saint
Barthélémy,
la
Martinique
et
la
Guadeloupe),
suivi
par
la
Guyane,
sont
atteints
par
d’importantes
épidémies
en
2014.
La
région
Pacifique
avait
aussi
été
atteinte
avec
les
premiers
cas
autochtones
décrits
en
Nouvelle-Calédonie
en
2011
;
des
épidé-
mies
surviennent
en
Papouasie
Nouvelle-Guinée
en
2012,
puis
dans
d’autres
îles
de
la
région
Pacifique
(État
de
Yap,
Tonga,
Samoa
et
Tokelau) [27].
L’Europe
n’est
pas
épargnée
;
le
chikungunya
a
fait
une
première
incursion
en
Italie
en
2007.
En
2014,
en
France
métropolitaine,
quatre
cas
autochtones
de
dengue
ont
été
détectés
en
région
Provence–Alpes–Côte
d’Azur
et
11
cas
autochtones
de
chikungunya
confirmés
dans
l’agglomération
de
Montpellier [28].
Le
virus
Zika,
flavivirus
transmis
par
des
Aedes,
était
présent
lui
aussi
en
Afrique
et
en
Asie
;
en
2007,
il
apparaît
d’abord
dans
l’île
de
Yap,
puis
est
responsable
d’une
épidémie
en
Polynésie
franc¸aise
en
2013
à
2014,
avant
de
disséminer
dans
d’autres
îles
du
Paci-
fique
dont
la
Nouvelle-Calédonie [29].
Cette
diffusion
mondiale
des
arboviroses
est
liée
à
la
diffusion
du
moustique
tigre
Aedes
albopictus.
La
pandémie
du
VIH,
et
les
infections
par
les
virus
de
l’hépatite
B
et
de
l’hépatite
C,
ne
cessent
de
se
développer
dans
le
monde,
avec
en
Afrique
sub-saharienne
des
co-infections
fréquentes [30].
En
2000,
la
fièvre
de
la
vallée
du
Rift,
qui
n’avait
touché
que
l’Afrique,
a
infecté
l’Arabie
Saoudite
et
le
Yémen.
Un
corona-
rovirus
émergeant
fin
2002
en
Chine
méridionale,
responsable
du
«syndrome
respiratoire
aigu
sévère
»,
a
entraîné
la
première
pandémie
du
XXIesiècle [26].
Le
Middle
East
respiratory
syndrome
coronarovirus
a
émergé
en
2012
essentiellement
dans
la
péninsule
arabique [31].
La
maladie
à
virus
Ebola
a
été
décrite
pour
la
première
fois
au
Soudan
en
1976,
puis
a
diffusé
dans
des
pays
d’Afrique
Cen-
trale
;
en
2014,
elle
a
«
émergé
»
en
Afrique
de
l’Ouest [5].
Parmi
les
infections
bactériennes,
l’ulcère
de
Buruli
a
été
déclaré
mala-
die
émergente
par
l’OMS
en
1998 [32].
À
titre
anecdotique,
on
peut
citer
la
réémergence
en
2011
de
la
bilharziose
urogénitale
en
Corse [33].
Grande
endémie
:
un
problème
de
santé
publique
Pour
être
qualifiée
de
«grande
»,
une
endémie
doit
être
un
pro-
blème
de
santé
publique,
c’est-à-dire
avoir
un
impact
important
actuel
ou
potentiel,
en
termes
de
mortalité,
de
morbidité
et/ou
d’invalidité.
Ainsi,
le
paludisme
reste
la
première
GE
parasitaire
mondiale.
Chaque
année,
en
Afrique
sub-saharienne,
il
se
pro-
duit
au
moins
300
millions
de
cas
aigus,
dont
la
moitié
touche
des
enfants
de
moins
de
5
ans,
avec
près
de
350
000
décès [34].
Le
choléra
s’étend
dans
toute
l’Afrique
et
l’on
assiste
à
une
flambée
d’épidémies
de
fièvre
jaune
avec
le
relâchement
de
la
vaccina-
tion [17,
35].
Plus
de
deux
millions
de
cas
de
tuberculose
étaient
notifiés
à
l’OMS
en
2014,
ce
qui
représentait
23
%
des
cas
mon-
diaux
notifiés [24].
En
2013,
selon
le
rapport
ONU-SIDA
2014,
environ
35
millions
de
sujets
étaient
porteurs
du
VIH
dans
le
monde
dont
24,5
millions
pour
l’Afrique
sub-saharienne
;
on
a
observé
1,5
millions
de
décès
et
2,1
millions
de
nouveaux
cas [36].
En
Afrique
centrale,
le
taux
de
portage
de
l’antigène
HBs,
dont
on
sait
qu’il
est
corrélé
étroitement
avec
le
taux
de
cancers
primitifs
du
foie,
variait
de
26,6
%
en
zone
soudano-sahélienne-tchadienne
à
6,7
%
en
zone
littorale
gabonaise [37].
Une
GE
peut
représenter
aussi
un
coût
socioéconomique
élevé,
lié
certes
aux
stratégies
de
lutte
et
de
prévention
mises
en
place
(coûts
directs),
mais
aussi
aux
coûts
indirects
(production
dimi-
nuée,
agriculture
affaiblie,
tourisme
en
baisse).
Le
paludisme
est
responsable,
en
Afrique
sub-saharienne,
de
40
%
des
dépenses
de
santé
publique [34].
L’épidémie
d’Ebola
est
un
exemple
typique
l’impact
économique
est
très
élevé,
alors
que
le
nombre
de
cas
et
de
décès
est
faible
comparé
à
d’autres
endémies
comme
le
palu-
disme,
l’infection
à
VIH
ou
les
maladies
diarrhéiques.
La
Banque
mondiale
a
estimé
que
l’impact
cumulé
sur
les
finances
publiques
des
trois
pays
les
plus
touchés
(Sierra
Leone,
Guinée
Conakry
et
Liberia)
s’est
élevé
à
plus
d’un
demi-milliard
de
dollars
en
2014,
soit
presque
5
%
de
leurs
PIB
cumulés [38].
Grande
endémie
:
quelle
définition
?
Lapeyssonnie
définissait
en
1979
les
GE
africaines
comme
des
«
maladies
sociales
qui
règnent
sous
les
tropiques
et
contre
les-
quelles
des
services
spéciaux
de
lutte
ont
été
créés
»[8].
Les
notions
de
sous-développement
et
de
gravité
en
santé
publique
sont
expri-
mées
dans
le
concept
de
maladies
«
sociales
».
Le
concept
de
GE
est
en
Afrique [4] et
la
connaissance
de
l’historique
de
la
lutte
contre
les
endémies
africaines
explique
l’importance
de
la
notion
de
capacité
de
lutte
associée
dans
cette
définition [1,
39].
Au
début
du
XXesiècle,
seules
la
variole
et
la
THA
étaient
considérées
comme
GE,
car
on
pouvait
lutter
par
la
vaccination
contre
la
première,
et
on
disposait,
avec
la
Lomidine®,
d’un
médicament
efficace
contre
la
seconde.
En
1917,
Jamot,
médecin
militaire
franc¸ais,
invente
la
stratégie
de
médecine
mobile
pour
lutter
contre
la
maladie
du
sommeil
(THA)
qui
décimait
alors
les
populations
;
cette
stratégie
allait
être
appliquée
progressivement
à
d’autres
endémies.
Pro-
gressivement,
la
liste
des
GE
s’est
allongée
avec
la
découverte
de
nouveaux
moyens
de
lutte.
En
1929
paraît
le
premier
numéro
de
la
revue
«
Les
grandes
endémies
tropicales
»
éditée
par
le
service
de
santé
des
colonies.
En
1957
est
créé
dans
les
États
d’Afrique
francophone
un
«service
commun
de
lutte
contre
les
GE
»qui
cohabitait
avec
les
«services
nationaux
des
GE
».
Nous
proposons
une
définition
actualisée
des
GE
qui
s’applique
à
toutes
les
situations,
quel
que
soit
le
niveau
de
développement
des
populations
et
pays
:
«
Une
GE
est
une
affection
transmis-
sible,
enracinée
par
son
réservoir
d’APP
dans
un
écosystème
particulier
;
des
facteurs
géoclimatiques
et
environnementaux,
le
sous-développement,
des
comportements
humains
liés
en
partie
aux
facteurs
socioculturels
interviennent
dans
cet
enracinement,
à
des
degrés
variables
selon
l’endémie.
De
par
ses
conséquence
en
santé
humaine,
de
par
son
coût
pour
la
société,
c’est
un
problème
de
santé
publique
».
Il
existe
d’autres
grands
problèmes
de
santé
publique
qui
ne
sont
pas
sous
la
dépendance
d’agents
transmissibles.
Au
cours
des
dernières
décennies,
presque
tous
les
pays
du
monde
ont
vécu
un
transfert
de
grande
ampleur
de
la
mortalité
des
mala-
dies
infectieuses
vers
les
maladies
non
transmissibles
(MNT)
et
les
traumatismes,
et
cela
même
dans
la
plupart
des
pays
africains.
Les
MNT
sont
les
premières
causes
de
décès
dans
le
monde
(68
%
des
décès
en
2012)
;
près
des
trois-quarts
des
décès
dus
aux
MNT
(28
millions
en
2012)
sont
survenus
dans
des
pays
à
revenus
faible
ou
intermédiaire [40].
Lutte
contre
les
grandes
endémies
La
mise
en
œuvre
de
la
lutte
contre
une
GE
présuppose
une
volonté
politique,
une
vulnérabilité
de
l’endémie,
la
possibilité
d’une
intervention
effective
et
la
démonstration
faite
de
la
faisa-
bilité
de
cette
lutte.
La
volonté
des
États
de
lutter
contre
les
GE
4EMC
-
Maladies
infectieuses
Grandes
endémies
:
spécificités
africaines 8-001-E-10
s’exprime
régulièrement
dans
le
cadre
de
l’Assemblée
mondiale
de
la
Santé
(OMS),
au
Bureau
régional
de
l’OMS
pour
l’Afrique [41]
et
lors
des
assemblées
de
chefs
d’États
et
de
gouvernements.
Il
s’en
est
suivi
le
lancement
par
l’OMS
de
grands
projets
internationaux
comme
le
Programme
africain
de
lutte
contre
l’onchocercose,
Roll
Back
Malaria,
la
stratégie
Halte
à
la
tuberculose,
et
par
l’Union
africaine
de
la
Pan
African
Tsetse
and
Trypanosomiasis
Eradication
Campaign.
Ces
politiques
ont
eu
pour
effet,
au-delà
des
frontières,
d’harmoniser
et
de
fédérer
les
actions
de
lutte.
Cette
volonté
poli-
tique
de
poursuivre
sur
ces
améliorations
s’est
exprimée
entre
autres
par
la
Déclaration
de
Ouagadougou
de
2008
sur
les
soins
de
santé
primaires
et
les
systèmes
de
santé [42],
par
l’engagement
de
Luanda
de
2014
sur
la
couverture
sanitaire
universelle
en
Afrique [43].
La
vulnérabilité
de
l’endémie
est
d’autant
plus
importante
qu’il
est
possible
d’interrompre
son
cycle
épidémiologique
en
luttant
contre
des
cibles
bien
identifiées.
Dans
le
cas
de
la
THA,
c’est
la
lutte
contre
la
glossine,
seul
vecteur
de
l’endémie.
Pour
la
dra-
cunculose,
la
cible
est
le
cyclops
:
une
simple
filtration
de
l’eau
suffit
à
s’en
protéger
;
mais
c’est
la
construction
de
puits
autour
des
villages,
ou
l’approvisionnement
continu
en
eau
qui,
en
modi-
fiant
les
comportements
des
populations,
a
permis
l’élimination
de
cette
endémie.
La
vulnérabilité
de
la
poliomyélite,
de
la
rou-
geole,
de
la
diphtérie,
de
la
coqueluche,
du
tétanos,
de
la
fièvre
jaune
est
démontrée
par
l’efficacité
de
la
vaccination
réalisée
dans
le
cadre
du
PEV.
L’utilisation
du
vaccin
conjugué
contre
la
méningite
à
méningocoque
A
(MenAfriVac)
permet
de
lutter
plus
efficacement
contre
les
épidémies
de
la
ceinture
sahélienne
;
près
de
160
millions
de
personnes
ont
déjà
été
vaccinées
dans
12
pays
de
cette
ceinture
depuis
2010 [41].
Ces
moyens
de
lutte
(vaccins,
antibiotiques,
antiparasitaires,
insecticides,
etc.)
ont
été
très
rapidement
disponibles
et
des
résul-
tats
spectaculaires
obtenus.
Mais
il
s’est
avéré
également
que
l’utilisation
intensive
de
ces
armes
pouvait
avoir
comme
grave
conséquence
l’apparition
de
résistances
qui
grevaient
leur
effica-
cité
:
dans
la
lutte
contre
le
paludisme,
les
anophèles
ont
appris
à
survivre
aux
premiers
insecticides
et
les
parasites
sont
devenus
résistants
à
de
nombreux
antipaludiques.
La
quinine
et
les
asso-
ciations
médicamenteuses
intégrant
les
dérivés
de
l’artémisinine
(artemisinin-based
combination
therapy)
restent
cependant
réguliè-
rement
efficaces [44].
Pour
qu’une
intervention
soit
possible,
il
faut
réunir
des
moyens
financiers
et
humains
pour
une
action
dans
la
durée.
Depuis
quelques
années
de
grandes
institutions
(Fonds
monétaire
inter-
national,
USAID,
Fondation
Bill
et
Melinda
Gates,
etc.)
ont
mobilisé
des
sommes
considérables
pour
lutter
contre
trois
endé-
mies,
le
VIH/sida,
la
tuberculose
et
le
paludisme
;
à
ce
titre,
par
exemple,
le
Fonds
mondial
investit
près
de
quatre
milliards
de
dollars
US
par
an [2].
Cette
mobilisation
commence
à
porter
ses
fruits,
au
moins
pour
le
paludisme
et
le
VIH/sida
;
de
2000
à
2012,
la
mortalité
liée
au
paludisme
chez
les
moins
de
5
ans
a
chuté
de
48
%[34].
Cependant,
la
centralisation
de
la
recherche
et
des
cher-
cheurs
sur
ces
seules
pathologies
s’est
faite
au
détriment
d’autres
endémies,
désormais
appelées
officiellement
maladies
tropicales
négligées
(MTN)
;
l’OMS
en
dénombre
17
qui
touchent
plus
d’un
milliard
de
personnes
dans
le
monde
(lèpre,
tæniasis/cysticercose,
leishmaniose,
trachome,
dracunculose,
trématodoses
d’origine
alimentaire,
schistosomiase,
pian,
trypanosomiase
humaine
afri-
caine,
maladie
de
Chagas,
ulcère
de
Buruli,
filariose
lymphatique,
échinococcose,
dengue
et
dengue
sévère,
rage.)
En
conséquence,
de
grands
laboratoires
pharmaceutiques
apportent
leur
soutien
aux
programmes
sous
forme
de
fourniture
gratuite
des
médicaments
nécessaires
à
la
lutte
contre
ces
MTN,
l’ivermectine
pour
l’onchocercose
mais
aussi
la
lutte
contre
les
filarioses
lymphatiques,
la
pentamidine
et
la
nifurtimox
eflorni-
thine
combination
therapy
pour
la
THA,
le
praziquantel
à
travers
la
schistosomiasis
control
initiative
par
exemple.
Les
stratégies
de
lutte
intégrées
sont
préférées
aujourd’hui
aux
stratégies
verticales
avec
des
équipes
mobiles.
Cela
implique
pour
les
personnels
de
santé
aux
postes
les
plus
périphériques
une
formation
aux
techniques
de
diagnostic
et
de
lutte
pour
chaque
endémie.
Cela
n’est
pas
tou-
jours
réalisé
et
pose
parfois
des
problèmes
:
ainsi,
le
diagnostic
du
paludisme
est
encore
trop
souvent
présomptif,
ce
qui
compro-
met
par
exemple
l’analyse
statistique
des
résultats
de
la
lutte
par
moustiquaires
imprégnées
d’insecticide
rémanent.
Pour
la
tuber-
culose,
on
ne
dispose
pas
encore
d’outils
diagnostiques
simples,
applicables
dans
tous
les
centres
de
santé.
L’exemple
de
l’épidémie
à
virus
Ebola
en
Afrique
de
l’Ouest
a
montré
l’impréparation
des
services
de
santé
à
la
prise
en
charge
des
cas
avec
les
conséquences
sur
la
transmission
interhumaine
et
la
diffusion [18,
25].
Pour
ce
qui
concerne
les
objectifs
de
la
lutte
contre
les
endémies,
l’OMS
a
défini
trois
niveaux
différents
selon
la
vulnérabilité
des
maladies
:
la
maîtrise,
l’élimination
et
l’éradication.
La
maîtrise
vise
à
réduire
la
morbidité
et
la
mortalité
d’une
maladie
à
un
niveau
acceptable
;
l’endémie
persistante,
il
est
indis-
pensable
de
poursuivre
les
actions
de
lutte
pour
maintenir
ou
renforcer
la
réduction
obtenue.
Entrent
dans
ce
cadre
le
palu-
disme,
les
schistosomoses,
les
tréponématoses
endémiques,
la
tuberculose,
le
choléra,
la
méningite
à
méningocoques,
la
fièvre
jaune,
les
infections
à
VIH
et
l’hépatite
B.
L’élimination
vise
à
réduire
la
morbidité
et
la
mortalité
à
un
niveau
tel
que
l’endémie
ne
soit
plus
considérée
comme
un
problème
de
santé
publique
en
termes
de
morbidité,
de
morta-
lité
ou
d’invalidité,
mais
comme
un
problème
potentiel
en
cas
d’inefficacité
ou
d’arrêt
de
la
lutte.
C’est
le
cas
:
de
la
lèpre
:
moins
d’un
cas
par
an
pour
10
000
habitants
;
de
la
THA
:
moins
d’un
cas
par
an
pour
10
000
habitants
exposés
au
risque
de
THA
;
de
l’onchocercose
:
aucune
simulie
infectée
sur
10
000
étudiées
dans
une
zone
endémique
;
absence
de
microfilaires,
de
nodules
et
de
signes
sérologiques
d’infection
chez
les
moins
de
5
ans
et
les
nouveaux
arrivants.
Plusieurs
autres
endémies
entrent
dans
ce
cadre
:
la
rougeole,
la
rubéole,
la
coqueluche,
le
tétanos
néonatal,
la
filariose
lympha-
tique.
L’éradication
est
l’objectif
ultime
:
c’est
la
disparition
complète
et
définitive
d’une
maladie
(incidence
annuelle
mondiale
égale
à
zéro),
c’est-à-dire
de
son
réservoir
d’APP.
Seule
la
variole
a
été
éradi-
quée
à
ce
jour,
mais
l’OMS
a
engagé
un
programme
d’éradication
de
deux
autres
endémies,
la
dracunculose
et
la
poliomyélite [45].
En
2013,
il
ne
restait
que
quatre
pays
endémiques
pour
la
dra-
cunculose
(Éthiopie,
Mali,
Soudan
du
Sud
et
Tchad),
contre
20
dans
les
années
1980.
Pour
la
poliomyélite,
les
résultats
sont
encore
plus
spectaculaires
:
en
1988,
250
000
cas
par
an
étaient
notifiés.
Ils
n’étaient
plus
que
416
en
2013,
soit
une
diminution
de
99
%.
Actuellement
on
ne
peut
envisager
l’éradication
de
maladies
dont
le
réservoir
de
virus
est
strictement
animal.
La
fièvre
jaune
est
l’exemple
d’une
endémie
le
relâchement
dans
la
stratégie
de
vaccination
permet
la
réémergence
des
épidémies
;
un
vaccin
très
efficace
(une
seule
injection
protège
toute
la
vie)
est
dispo-
nible,
mais
même
si
la
population
mondiale
était
vaccinée,
le
virus
continuerait
à
circuler
dans
son
écosystème
forestier
entre
les
primates
singes
et
les
moustiques
Aedes.
Dans
l’éventualité
de
la
mise
au
point
d’un
vaccin
efficace
contre
le
virus
Ebola,
l’endémie
ne
pourra
non
plus
être
éradiquée,
le
virus
continuant
à
circu-
ler
en
zone
forestière
au
sein
de
son
réservoir
animal
naturel,
les
chauves-souris.
Conclusion
La
région
africaine
paye
toujours
un
lourd
tribut
aux
mala-
dies
transmissibles
;
la
pauvreté
persistante
et
la
faiblesse
des
systèmes
de
santé
dans
quelques
pays
africains
aggravent
cette
situation.
Cependant,
depuis
les
années
2010,
des
progrès
consi-
dérables
ont
été
accomplis
avec
une
régression
significative
du
paludisme,
un
meilleur
contrôle
de
l’endémie
VIH,
une
augmen-
tation
importante
des
taux
de
vaccination
faisant
par
exemple
baisser
significativement
la
mortalité
par
rougeole,
une
élimina-
tion
de
maladies
comme
la
lèpre,
la
dracunculose,
les
maladies
bénéficiant
du
PEV.
Faire
régresser
les
GE
actuelles
à
un
niveau
suffisamment
bas
pour
qu’elles
ne
représentent
plus
un
pro-
blème
de
santé
publique,
c’est-à-dire
les
éliminer,
poursuivre
dans
l’éradication
de
la
poliomyélite,
de
la
dracunculose,
et
même
de
la
rougeole,
devraient
être
les
objectifs
principaux
des
deux
pro-
chaines
décennies
du
XXIesiècle.
EMC
-
Maladies
infectieuses 5
1 / 7 100%

Grandes endémies : spécificités africaines- Version 2016

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