Année 2010 - THÈSE de Doctorat Pour l’obtention du grade de Docteur de l’Université du Maine Faculté des Sciences et Techniques Spécialité : Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives Présentée par Mickaël RIPAMONTI Détermination des relations moment-vitesse et puissance-vitesse des muscles du tronc. Application à l’évaluation isocinétique de patients lombalgiques chroniques Soutenue publiquement le 16 juin 2010 JURY Rapporteurs : Pr. Michel REVEL – PU-PH Hôpital Cochin, Paris cedex 14 Pr. Jean-René LACOUR – PU-PH Université Claude Bernard, Lyon 1 Examinateurs : Pr. Jean-Pierre MARIOT – PU Université du Maine, Le Mans Dr. Christophe HAUTIER – MCU-HDR Université Claude Bernard, Lyon 1 Co-directeur de thèse : Dr. Abderrahmane RAHMANI – MCU Université du Maine, Le Mans Directeur de thèse : Dr. Denis COLIN – HDR Centre de l’Arche, Saint-Saturnin Détermination des relations moment-vitesse et puissance-vitesse des muscles du tronc. Application à l’évaluation isocinétique de patients lombalgiques chroniques RIPAMONTI Mickaël Directeur de thèse : Docteur Denis COLIN, HDR, Centre de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelle de l’ARCHE Co-directeur : Abderrahmane RAHMANI, Maître de Conférences, Laboratoire Motricité, Interactions, Performance, EA 4334, Université du Maine Ce travail de thèse visait à caractériser les capacités musculaires du tronc à partir de contractions isocinétiques et à étudier l’intérêt d’une telle évaluation dans le cadre d’un programme de restauration fonctionnelle du rachis (RFR) proposé au Centre de l’Arche chez des patients lombalgiques chroniques. La première étude de ce travail de thèse avait pour objectif de proposer un protocole d’évaluation isocinétique des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc pour décrire les relations moment-vitesse et puissance-vitesse de ces deux groupes musculaires. Cette étude, réalisée avec des sujets sains, a montré que les relations momentvitesse et puissance-vitesse de ces groupes musculaires sont respectivement linéaires et polynomiales du second ordre en accord avec celles obtenues dans la littérature pour d’autres articulations. Cette étude a également démontré la nécessité d’évaluer les deux groupes musculaires sur deux sessions différentes afin d’éviter l’apparition de la fatigue et/ou une éventuelle diminution de la motivation chez les sujets. Dans la deuxième étude, ce protocole a ensuite été appliqué à des sujets lombalgiques chroniques. Le but était de voir si la lombalgie avait une influence sur la forme de ces relations et si les paramètres mécaniques extrapolés (le moment maximal isométrique M0, la vitesse de contraction à vide V0, la puissance maximale Pmax et la vitesse optimale Vopt) avaient un intérêt dans le cadre de l’évaluation des patients lombalgiques. Les résultats ont montré que les relations restaient identiques à celles des sujets sains, et que Pmax est le seul paramètre significativement différent entre les deux populations pour les deux groupes musculaires, alors que la comparaison des ratios fléchisseurs/extenseurs ne présentaient aucune différence significative entre les deux populations. Cette étude offre la perspective de proposer un travail de renforcement musculaire plutôt orienté sur la force pour les muscles extenseurs du tronc et sur la vitesse pour les muscles fléchisseurs du tronc. La troisième étude de ce travail a examiné l’intérêt de la détermination des relations moment-vitesse et puissance-vitesse dans le protocole d’évaluation du centre de l’Arche. Les résultats aux évaluations classiques (évaluations isométriques de Ito et Sorensen ; iso-inertielle de soulever de charge et de la répétition maximale) et isocinétiques ont montré une amélioration significative des capacités physiques des patients entre l’entrée et la sortie du programme RFR, trois semaines plus tard. Cette amélioration est principalement due à une meilleure activation motrice et à une familiarisation des patients aux évaluations. Bien que le programme RFR montre une efficacité dans la prise en charge des muscles fléchisseurs, il ne permet pas de compenser la perte de force des muscles extenseurs à la fin du programme. En conclusion, ce travail de thèse a permis 1. d’établir des relations moment-vitesse et puissance-vitesse pour les muscles du tronc dans des conditions isocinétiques ; 2. de montrer que la puissance maximale était un paramètre intéressant lors de l’évaluation des patients lombalgiques (influencé par une diminution importante de la force maximale pour les extenseurs et une diminution de la vitesse maximale pour les fléchisseurs) ; 3. de démontrer l’intérêt d’une évaluation isocinétique en complément des évaluations habituellement réalisées dans les programmes de restauration fonctionnelle du rachis du centre de l’Arche. Mots clés : Moment-Vitesse ; Puissance-Vitesse ; Lombalgie ; Isocinétique ; Restauration Fonctionnelle du Rachis LABORATOIRE MOTRICITE, INTERACTIONS, PERFORMANCE – EA 4334 – LE MANS Torque-velocity and power-velocity of trunk muscles. Isokinetic measurements in chronic low back pain patients RIPAMONTI Mickaël Directeur de thèse : Docteur Denis COLIN, HDR, Centre de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelle de l’ARCHE Co-directeur : Abderrahmane RAHMANI, Maître de Conférences, Laboratoire Motricité, Interactions, Performance, EA 4334, Université du Maine The purpose of this work was to determine the trunk muscular abilities from isokinetic measurements and to study the interest of introducing this kind of evaluation in the exercise therapy program of the Centre de l’Arche. The first study focused on describing the torque-velocity and power-velocity relationships of both trunk flexor and extensor muscles during isokinetic measurements. Nine healthy subjects performed several trunk flexion and extension at 6 preset velocities. Results showed that the torque-velocity and power-velocity relationships were linear and parabolic, respectively. These results also showed that the trunk flexor and extensor muscles should be evaluated on two separate days to avoid fatigue. The second study was realized to show whether the low back pain can influence the torque-velocity and powervelocity relationships and/or the mechanical parameters values extrapolated from these relationships (i.e. the isometric maximal moment M0, the maximal velocity V0, the maximal power Pmax and the optimal velocity Vopt). The results showed that i) the torque- and power-velocity relationships obtained with low back pain patients were similar to those described for healthy subjects; ii) the only parameter which demonstrates a significant difference between healthy and low back pain subjects was the maximal power whatever the considered muscular group. Comparison of each maximal moment produced at each velocity and the flexor/extensor ratio of low back pain patients were not significantly different from healthy subjects. This introduces the perspective of proposing a training program focusing on trunk extensor strength on the one hand and on trunk flexor velocity on the other hand. The purpose of the third study was to determine the interest of including the torque- and power-velocity relationships evaluation in the low back patients protocol proposed in the centre de l’Arche. The results of usual tests performed in the centre de l’Arche showed a significantly improvement between the inclusion and the release (three weeks later) of the low back patients during isometric (Ito and Sorensen tests), isoinertial (lifting, 1-RM), and isokinetic measurements. These results were mainly due to an increase of the muscular activation and also to the familiarization to the tests. Even if the training program showed an improvement of the flexors muscles, the trunk extensor muscle strength of low back pain patients remained significantly different at the release time. To conclude, this work allowed 1. establishing torque- and power-velocity relationships for trunk muscles under isokinetic conditions; 2. determining that maximal power as an interesting parameter of the disease, with an important decrease of the maximal torque for extensor muscles on the one hand, and a decrease of maximal velocity for flexor muscles on the other hand; 3. demonstrating the interest of isokinetic measurements to the exercise therapy program realized in the centre de l’Arche. Keywords: Torque-Velocity relationships; Power- Velocity relationships; Low back pain; Isokinetic; Exercise therapy LABORATOIRE MOTRICITE, INTERACTIONS, PERFORMANCE – EA 4334 – LE MANS Ce travail de thèse s’est déroulé au sein du laboratoire Motricité Interactions Performance de l’Université du Maine et en collaboration avec le Centre de l’Arche à Saint-Saturnin. Je tiens d’ores et déjà à témoigner ma reconnaissance à toutes les personnes qui ont participé à ce travail, de près ou de loin, l’ont encadré et ont accepté de le juger. Je tiens également à remercier tous ceux qui m’ont soutenu tout au long de ce travail. J’exprime mes sincères remerciements au Docteur Denis Colin, médecin chef d’établissement, qui a bien voulu m’ouvrir les portes du Centre de l’Arche et accepter d’encadrer ce travail. Il a toujours pu rester disponible malgré un emploi du temps des plus chargé. Je tiens à exprimer toute ma gratitude au Docteur Abdel Rahmani pour avoir été, dès le début, très disponible pour moi. Ton implication, ton intérêt, ta rigueur et ta compétence ont permis la réalisation de ce travail. Ta patience et ta confiance en moi ont été souvent des moteurs au cours de ces années de travail. Très reconnaissant pour les savoirs que tu m’as transmis, j’espère faire aussi bien que toi et que notre collaboration ne s’arrêtera pas à cette thèse. Pour tous ces faits, Merci. Je tiens également à remercier le Professeur Jean-René Lacour d’avoir accepté d’évaluer ce travail. Son aide et ses remarques constructives m’ont été précieuses lors des mes recherches. Merci également au Professeur Michel Revel, rapporteur de ce travail, d’avoir pris de son temps pour m’en accorder. Merci au Docteur Christophe Hautier d’avoir accepté de participer à ce jury. Merci au Professeur Jean-Pierre Mariot d’avoir accepté de participer à ce jury et d’avoir toujours été présent pour me corriger, me reprendre et me motiver. Merci pour les conseils prodigués au cours des années passées et ceux à venir. Merci à Isabelle Foucault Chevalier, kinésithérapeute responsable du Biodex, pour avoir partagé son matériel avec moi. Je tiens à remercier de tout mon cœur mes parents et ma sœur pour leur soutien et leur confiance pendant toutes ces années d’études. Je suis souvent resté très évasif au sujet de mon travail mais j’espère que vous serez fier de moi comme je le suis de vous. Une pensée pour Simon et Mathieu, mes inséparables amis, qui même s’ils ont pris le train en cours de route, ne sont plus jamais descendus. Merci d’avoir toujours été prompts à me remettre en selle quand je m’éloignais trop de mon travail. Je tiens particulièrement à remercier Stéphanie de m’avoir supporté pendant toutes ces années de bien différentes façons… Tu as toujours su être pertinente face à mes interrogations, mes excès et mes sautes d’humeur. Aujourd’hui encore tu le prouves, sache que tu comptes énormément pour moi. Merci à toi, ma charmante coiffeuse, arrivée sur le tard, pour tes encouragements, ta motivation et ton enthousiasme face à ce projet. Tu t’es voulue n’être qu’une étoile filante malheureusement, mais une des plus belles parenthèses que j’ai vécues. Ornithorynque. Table des Matières Table des Matières Introduction Générale 1 La Lombalgie 5 1. Définition 6 2. Anatomie fonctionnelle du tronc 9 2.1. La colonne vertébrale 2.1.1. Le rachis lombaire 2.1.2. Le disque intervertébral 9 10 11 2.2. Amplitude articulaire du rachis lombaire 13 2.3. Mécanique du rachis lombaire 14 2.4. Les muscles du tronc 2.4.1. Les muscles de la paroi abdominale 2.4.2. Les muscles latéro-vertébraux lombaires 2.4.3. Les muscles postérieurs du tronc 15 16 17 18 3. Origine de la lombalgie 20 4. Prise en charge de la lombalgie 22 4.1. Le syndrome de déconditionnement 22 4.2. Les différents types de prise en charge 4.2.1. Le repos général 4.2.2. Les traitements physiques 4.2.3. Les écoles du dos 4.2.4. Le programme de restauration fonctionnelle du rachis 24 24 25 26 26 5. Évaluation de la force musculaire du sujet lombalgique 28 5.1. L’évaluation musculaire isométrique 28 5.2. L’évaluation dynamique de la force musculaire 5.2.1. L’évaluation iso-inertielle 5.2.2. L’évaluation isocinétique 5.2.2.1. Définition 5.2.2.2. Évaluation isocinétique des muscles du tronc 5.2.2.3. Évaluation iso-inertielle ou isocinétique des patients lombalgiques 29 29 30 30 33 35 Table des Matières 6. Les relations force-vitesse et puissance-vitesse 6.1. Au niveau du muscle isolé 6.2. Lors du mouvement d’extension 37 37 41 7. Buts de l’étude 46 Étude 1 Relations moment-vitesse et puissance-vitesse des muscles fléchisseurs 47 et extenseurs du tronc 1. Introduction 48 2. Matériels et méthodes 2.1. Sujets 2.2. Systèmes de mesure 2.3. Protocole expérimental 2.4. Acquisition des données 2.5. Relation moment-vitesse et puissance-vitesse 2.6. Analyse statistique 49 49 49 52 53 54 55 3. Résultats 3.1. Données mécaniques 3.2. Les relations moment-vitesse angulaire 3.3. Les relations puissance-vitesse angulaire 56 56 57 58 4. Discussion 4.1. Données mécaniques 4.2. Les relations moment-vitesse angulaire 4.3. Les relations puissance-vitesse angulaire 60 60 61 63 5. En résumé 64 Étude 2 Relations moment-vitesse et puissance-vitesse des muscles du tronc des 65 patients lombalgiques : la puissance maximale comme indicateur de la lombalgie 1. Introduction 66 2. Matériels et méthodes 2.1. Sujets 2.2. Système de mesure, protocole, acquisition des données 2.3. Analyse des données 2.4. Analyse statistique 68 68 69 69 69 3. Résultats 70 4. Discussion 72 5. En résumé 74 Table des Matières Étude 3 Quelles informations les relations moment- et puissance-vitesse 75 apportent-elles sur le programme de RFR proposé au centre de l’Arche ? 1. Introduction 76 2. Matériels et méthodes 2.1. Sujets 2.2. Protocole 2.2.1. Evaluation isocinétique 2.2.2. Evaluations isométriques 2.2.2.1. Endurance des muscles fléchisseurs du tronc 2.2.2.2. Endurance des muscles extenseurs du tronc 2.2.3. Evaluation iso-inertielle 2.2.3.1. Le soulever de charges 2.2.3.2. Evaluation de la répétition maximale (1-RM) sur appareil de musculation 2.2.4. Evaluation de la douleur : Echelle Visuelle Analogique (EVA) 2.2.5. Evaluation de la qualité de vie : auto-questionnaire de Dallas 2.3. Analyse statistique 77 77 77 77 77 77 78 79 79 80 3. Résultats 83 3.1. Evaluation physique des patients 3.2. Qualité de vie et douleur 3.3. Relation entre les évaluations 4. Discussion 4.1. Les tests classiques 4.2. Apport de la mesure isocinétique 5. En résumé 81 81 81 83 84 84 86 86 88 90 Conclusion générale et perspectives 92 Références bibliographiques 96 Introduction Générale Introduction générale 1 Introduction Générale La lombalgie est une pathologie courante et un problème majeur de santé publique. Depuis plusieurs années, la littérature fait état de recherches tentant de trouver un paramètre récurrent voire prédictif de cette pathologie qui entraîne une rupture sociale et un déconditionnement physique. Ce déconditionnement est la conséquence d’une somme de facteurs agissant sur la personne (la douleur, l’inactivité, la perte de la flexibilité et des capacités musculaires). Il se traduit le plus souvent par un effondrement des activités quotidiennes entraînant une perte de la force musculaire. Cette pathologie touche principalement les muscles du tronc, notamment les muscles abdominaux et paravertébraux. Evaluées principalement à partir de données isométriques (Ito et coll. 1996 ; Biering-Sørensen 1984), les qualités de force peuvent également être estimées à l’aide d’appareils isocinétiques (Akebi et coll. 1998 ; Vézirian et coll. 1996). Les premières relations entre la force et la vitesse ont été décrites sur le muscle isolé de grenouille (Hill 1938 ; Fenn et Marsh 1935 ; Hill 1922). Depuis plusieurs décennies, ces relations ont été largement documentées chez l’Humain, aussi bien lors de mouvements mono-articulaires des membres supérieurs (Moss et coll. 1997 ; de Koning et coll. 1985) et inférieurs (Rahmani et coll. 1999 ; Tihanyi et coll. 1982 ; Thorstensson et coll. 1976), que de mouvements pluri-articulaires des membres supérieurs (Cronin et coll. 2003 ; Izquierdo et coll. 2002) et inférieurs (Rahmani et coll. 2004 ; Izquierdo et coll. 2002 ; Rahmani et coll. 2001 ; Driss et coll. 1998 ; Arsac et coll. 1996 ; Bosco et coll. 1995 ; Vandewalle et coll. 1989 ; Vandewalle et coll. 1987 ; Sargeant et coll. 1981). L’évaluation des muscles du tronc n’a, quant à elle, été réalisée que pour deux, voire trois vitesses dans des conditions isocinétiques (Schumacker et coll. 1999 ; Gremion et coll. 1996). Ces différentes études ont permis d’établir, entre autres résultats une estimation des ratios entre les muscles extenseurs et fléchisseurs du tronc (Roques et coll. 2002 ; Gremion et coll. 1996), mais pas de décrire les 2 Introduction Générale relations force-vitesse pour ces groupes musculaires. Pourtant, l’étude des relations forcevitesse et puissance-vitesse d’un groupe musculaire, apporte l’information la plus complète sur les qualités de celui-ci. En rééducation, elles permettent d’identifier les points faibles, ainsi que les gains obtenus lors d’un programme de réentraînement, tel que le programme de restauration fonctionnelle du rachis. Elles permettent également d’identifier des zones de travail en fonction de l’objectif visé. Dans des conditions isocinétiques, trois types de renforcement musculaire peuvent être envisagés pour l’articulation concernée : un travail avec des vitesses lentes (cf. charges lourdes en musculation) plutôt orienté vers une amélioration de la force maximale ; un travail avec des vitesses rapides (cf. charges légères en musculation) plutôt axé sur une reprise d’activité avec peu de résistance et qui trouverait sa place en début de rééducation ; et un travail avec des vitesses intermédiaires, visant un travail en puissance qui alliera à la fois des qualités de force et de vitesse. La démarche préalable étant de déterminer les qualités musculaires faisant défaut aux patients lombalgiques. Les relations force-vitesse s’établissent pour un mouvement de translation, lorsque les actions mécaniques sont modélisées par la résultante des forces qui s’exercent sur le système étudié. La puissance est alors le produit de la force par la vitesse. Dans le cas d’une articulation de nature pivot, comme c’est toujours le cas dans un mouvement isocinétique, il convient de parler de relation moment-vitesse. Le moment est alors produit par le groupe musculaire actionneur au niveau de l’articulation, et la vitesse correspond alors à une vitesse angulaire. Dans ce cas, la puissance est le produit du moment par la vitesse angulaire. Les relations moment-vitesse permettront alors d’accéder à plusieurs paramètres musculaires : le moment maximal isométrique théorique M0, la vitesse maximale de contraction V0, la puissance maximale Pmax et la vitesse optimale Vopt associée à cette puissance. 3 Introduction Générale Le travail de thèse présenté dans ce mémoire a été réalisé en collaboration avec le Centre de rééducation et de réadaptation fonctionnelle de l’Arche, qui a la volonté d’intégrer des mesures isocinétiques des muscles du tronc dans son programme de renforcement musculaire des patients lombalgiques. Les objectifs étaient : 1- de mettre en place un protocole d’évaluation des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc dans des conditions isocinétiques ; 2- d’intégrer ces mesures isocinétiques dans le programme d’évaluation des patients lombalgiques ; 3- de valider les mesures réalisées au Centre de l’Arche par d’autres techniques, en les comparant aux mesures isocinétiques. 4 La Lombalgie La Lombalgie 5 La Lombalgie Définition 1. Définition La Société Française de Rhumatologie (2007) définit la lombalgie chronique comme une « douleur lombo-sacrée, à hauteur des crêtes iliaques, ou plus bas, médiane, ou latérale, avec possibilités d’irradiations ne dépassant pas le genou, mais avec prédominance des douleurs lombo-sacrées durant au moins 3 mois, quasi quotidiennes, sans tendance à l’amélioration ». La douleur chronique est le point de départ des plaintes des personnes souffrant de cette pathologie. Elle se décrit comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, évoluant depuis plus de trois à six mois et/ou susceptible d’affecter de façon péjorative le comportement ou le bien-être du patient, attribuable à toute cause non maligne » (ANAES 1999). L’International Association for the Study of Pain (IASP) cherche à standardiser la terminologie utilisée pour décrire cette pathologie. Leur définition a été établie à partir de la localisation des points douloureux ressentis par les patients. La douleur lombale est limitée latéralement par les bords externes des muscles spinaux, et transversalement par une ligne imaginaire passant par le processus épineux de la douzième vertèbre dorsale (T12) pour le niveau supérieur, et par celui de la première vertèbre sacrée (S1) pour le niveau inférieur. La douleur sacrée est située dans une zone entourant le sacrum ; elle est limitée au niveau inférieur par une ligne transversale imaginaire passant par les articulations sacro coccygiennes et latéralement par une ligne verticale passant par le processus épineux de S1. Pour l’IASP, la lombalgie est une perception douloureuse provenant d’une des deux régions précédentes voire des deux en même temps. Cette pathologie est cataloguée « maladie du siècle » car selon les estimations huit personnes sur dix souffriront de douleurs rachidiennes au moins une fois au cours de leur vie (Poiraudeau et coll. 2004). La lombalgie recouvre trois situations cliniques distinctes par leur durée : 6 La Lombalgie Définition 1. La lombalgie aiguë est la plus courte. Le tableau clinique le plus souvent observé est celui du lumbago (Poiraudeau et coll. 2004). Aisément reconnaissable, il survient brutalement à la suite d’un effort traumatisant, d’un geste quotidien de la vie courante ou d’un faux mouvement, avec parfois la perception d’un craquement. La lombalgie aiguë engendre une douleur souvent très pénible mais d’importance variable, qui est calmée avec du repos. La contracture des muscles paravertébraux va entraîner l’adoption d’une attitude antalgique. Cependant, la guérison est rapide, elle varie de 2 à 15 jours. 2. La lombalgie subaiguë dure de 6 à 12 semaines. Les causes et les facteurs de cette situation clinique sont les mêmes que celles de la lombalgie aiguë. C’est afin de permettre une étude plus spécifique de cette situation à fort risque de chronicité que cette catégorie de lombalgie commune a été constituée (Poiraudeau et coll. 2004). 3. La lombalgie chronique et récidivante est la plus longue avec une durée supérieure à 12 semaines (3 mois). C’est sur cette dernière forme de la lombalgie que portera notre travail. Dans les pays occidentaux, l’incidence des lombalgies, proportion des sujets déclarant souffrir ou avoir souffert au moins une fois de la région lombale au cours d’une période déterminée, varie de 60 à 90%, alors que la prévalence, pourcentage de cas survenant habituellement en un an dans une population n’ayant jamais souffert, n’est que de 5 % (Gross et Battié 2005 ; CatsBaril et Frymoyer 1991). Ces deux données font de cette pathologie l’une des plus fréquentes dans les pays industrialisés (Gourmelen et coll. 2007). Elle constitue la seconde cause de consultation chez le médecin et est responsable de nombreux arrêts de travail prolongés en France (Genêt et coll. 2002) comme aux Etats-Unis (Andersson 1999). En France, chaque année, 111 000 7 La Lombalgie Définition arrêts de travail d’une durée moyenne de 33 jours (soit 3,5 millions de journées de travail perdues) sont directement liés à la lombalgie. Les formes chroniques représentent 6 à 8% des lombalgies et occasionnent plus de 80% des dépenses médicales directes ou indirectes (Véron et coll. 2008 ; Genêt et coll. 2002). Il est également établi que les chances de reprise du travail diminuent avec la prolongation de l’arrêt de travail. Ainsi, 30% environ des patients reprennent le travail après un an d’arrêt, alors que les chances de reprise sont quasiment nulles après deux années d’arrêts de travail continus (Rossignol et coll. 1988). Dès le milieu des années 1990, la lombalgie figure au 3ème rang des affections motivant l’entrée en invalidité avec 2,4% des admissions annuelles (Mälkiä et Ljunggren 1996). Ceci place le traitement ainsi que la prévention de la lombalgie comme un enjeu majeur de santé publique (Olivier et coll. 2008), tant par les conséquences sociales (isolement, diminution de la qualité de vie) que professionnelles (absentéisme, invalidité) (Véron et coll. 2008) de cette affection. La lombalgie peut être considérée comme une maladie bénigne, guérissant à 90% en moins de trois mois, seule la chronicité en constitue la gravité. Elle peut avoir un retentissement majeur sur l’individu dans sa vie professionnelle, familiale et personnelle (Poiraudeau et coll. 2004). L’implication psychologique n’est pas absente, les antécédents personnels du patient tels que son état de dépression latente ou vraie et son comportement par rapport aux phénomènes douloureux et aux problèmes de santé, s’ajoutent aux facteurs déjà cités (Vanvelcenaher 2003). Ainsi, la lombalgie comporte de multiples facettes dont l’appréciation est d’autant plus difficile qu’elle est pauvre en signes physiques, et riche en plaintes douloureuses. 8 La Lombalgie Anatomie fonctionnelle du tronc 2. Anatomie fonctionnelle du tronc 2.1. La colonne vertébrale La colonne vertébrale est un système haubané relié à une longue tige osseuse flexible composée de 24 vertèbres mobiles et de 9 vertèbres fusionnées. Les vertèbres sont de formes hybrides, c'est-à-dire construites sur le même schéma mais de formes et de tailles différentes. La partie mobile de la colonne vertébrale s’articule par l’intermédiaire de disques intervertébraux et d’apophyses articulaires supérieures et inférieures (Figure 1). Figure 1 : Disque intervertébral (d’après CalaisGermain 1991). Pour supporter le poids du tronc et résister aux contraintes de pressions, le rachis présente 3 courbures dans le plan sagittal : lordose cervicale, cyphose dorsale et lordose lombaire (Figure 2). Figure 2 : Courbures du rachis, 1-courbure sacrale, 2-courbure lombale (lordose), 3-courbure dorsale (cyphose), 4-courbure cervicale (lordose). (d’après Kapandji 2007). 9 La Lombalgie Anatomie fonctionnelle du tronc A chaque étage de la colonne vertébrale, les vertèbres ont un corps vertébral ou un arc postérieur différent de l’étage suivant ou précédent. Cependant, même si les vertèbres possèdent des reliefs singuliers et d’autres communs, on peut rassembler leurs caractéristiques dans une vertèbre type (Figure 3), qui présente deux parties principales : le corps vertébral dans la partie antérieure, partie la plus massive de la vertèbre ; et l’arc postérieur situé en arrière a une forme de demi-cercle concave vers l’avant. Ces deux parties encerclent un espace, le canal vertébral, permettant le passage de la moelle épinière. Processus transverse Processus articulaire Corps vertébral Figure 3 : La vertèbre type (d’après CalaisGermain 1991). Processus épineux 2.1.1. Le rachis lombaire Situé entre le pelvis et le rachis dorsal, le rachis lombaire s’articule avec le sacrum en bas et supporte le rachis dorsal ainsi que cervical. De ce fait, il est celui qui supporte le poids du tronc. Le rachis lombaire est constitué de cinq vertèbres lombaires (L1 à L5). Vu de face, il est rectiligne avec une largeur des corps vertébraux et des processus transverses croissante de L1 à L5 (Figure 4). Le corps vertébral des vertèbres lombaires est plus massif et large que celui des autres vertèbres pour pouvoir résister au poids du tronc. Le processus épineux est très massif et de forme rectangulaire. Les processus transverses sont longs et servent de fixation aux différents muscles du dos. Les processus articulaires dépassent en haut et en bas le corps vertébral lorsqu’on regarde la vertèbre de dos. Les facettes articulaires supérieures et inférieures correspondent à celles des vertèbres voisines et s’emboîtent d’étage en étage. Cela permet de limiter presque entièrement les mouvements de rotation au niveau de l’étage 10 La Lombalgie Anatomie fonctionnelle du tronc lombaire. Les processus articulaires servent de liaison et de stabilisation avec la vertèbre supérieure. Figure 4 : Le rachis lombaire (d’après Kapandji 2007). Le rachis lombaire repose sur le sacrum qui lui-même est enserré par les deux os iliaques. Il est de forme pyramidale et est constitué de la soudure des cinq vertèbres sacrées. Sa face supérieure représente la base de la pyramide et présente un promontoire sacré. Sa partie inférieure en forme de pointe (l’apex) s’articule avec un petit os, le coccyx. Le plateau sacré, centre de la face supérieure du sacrum, s’articule avec la cinquième vertèbre lombaire par l’intermédiaire d’un disque vertébral. Le plateau sacré est légèrement incliné vers l’avant (environ 40° par rapport à l’horizontale), ainsi, le poids du corps appuyant sur L5 et reposant sur le plateau sacré se répartit verticalement. Ce poids a une deuxième composante qui tend à faire glisser la vertèbre L5 vers l’avant. Ce sont les processus articulaires de L5 venant en butée sur l’arrière qui permettent de tenir l’ensemble lorsque le plateau sacré est très incliné. 2.1.2. Le disque intervertébral Le disque intervertébral est composé de deux parties (Figure 5). La partie périphérique, annulus fibrosus, a une consistance très ferme et est constituée de lamelles concentriques de fibrocartilage. L’orientation de ses fibres est oblique et en opposition d’une lamelle à l’autre afin de lui assurer une forte résistance lors des mouvements de torsions. Le nucleus pulposus constitue le centre du disque intervertébral. Il a l’aspect d’une bille de gélatine composée 11 La Lombalgie Anatomie fonctionnelle du tronc presque entièrement d’eau (90%) qui correspond à l’amortisseur du disque. Il permet de répartir les contraintes axiales dans l’anneau et de maintenir le disque en pression. Ainsi, le disque résiste mieux aux mouvements de translation et de torsion. Ce système fonctionne parfaitement s’il est étanche. Mais le disque intervertébral est fragile et tend à se détériorer avec le temps s’il est sollicité dans certaines conditions mécaniques. Cette bille gélatineuse repose sur une plaque cartilagineuse qui recouvre entièrement le plateau vertébral. Figure 5 : Disque intervertébral (d’après Kapandji 2007). Le disque est presque intégralement avasculaire et non innervé (sauf sur son tiers périphérique). Dès lors, sa nutrition constitue un problème. Elle dépend des propriétés thixotropiques (transformation en solutions de gels visqueux lorsqu’on les agite) des gels le constituant. Cet effet thixotropique s’effectue lors des mouvements du tronc, i.e. de charge/décharge, et les cycles de compression-étirement entre les plaques cartilagineuses et le disque. D’autres éléments sont également indissociables du rachis car ils interviennent dans la stabilité et la mobilité du tronc : les facettes articulaires postérieures ainsi que le système ligamentaire et musculaire rachidien et sous-pelvien. Les facettes articulaires postérieures, par leur orientation, favorisent les différents mouvements du tronc (flexion, extension et inclinaison) tout en limitant les rotations. Le système ligamentaire et musculaire quant à lui, gère l’amplitude globale de mouvement du tronc. En effet, l’extensibilité musculo-tendineuse 12 La Lombalgie Anatomie fonctionnelle du tronc du tronc et des membres inférieurs permet l’harmonie des mouvements du rachis lombaire ainsi que des mouvements du bassin autour des hanches. 2.2. Amplitude articulaire du rachis lombaire Quel que soit le mouvement considéré (flexion, extension, inclinaison latérale) (Figure 6), les différents ligaments vont tour à tour être mis en tension ou être relâchés. Cependant, le rachis étant considéré comme un empilement de segments rigides et fixes (les vertèbres) et de parties mobiles (les disques intervertébraux), les différents mouvements s’additionnent, ce qui donne une grande amplitude de mouvement au final. Cette mobilité n’est pas la même selon la forme des vertèbres, elle est donc différente selon la région du rachis étudiée. Au niveau du rachis lombaire, l’amplitude de mouvement diminue avec l’âge de l’individu. Il est admis que bien que personnelles, les valeurs d’amplitude maximales pour le rachis lombaire sont de 30° pour l’extension et de 40° pour la flexion (Figure 6b). La partie la plus mobile du rachis lombaire (amplitude maximum de flexion-extension) se situe au niveau L4L5. L’amplitude de l’inclinaison latérale est également variable selon les individus et diminue avec l’âge (Figure 6a). En moyenne, elle est de 20 à 30° de chaque côté. L’amplitude maximum de l’inclinaison lombaire se situe entre L4-L5. L’amplitude de rotation au niveau du rachis lombaire est limitée à 5° de chaque côté en rotation totale, ce qui implique une rotation moyenne de 1° pour chaque étage lombaire. Les deux dernières vertèbres L4 et L5 sont maintenues sur le sacrum par l’intermédiaire des ligaments ilio-lombaires. Ceux-ci sont composés de trois faisceaux. Les faisceaux supérieurs et inférieurs s’attachent respectivement sur l’os iliaque (crête iliaque) et les processus transverses des vertèbres L4 et L5. Le dernier faisceau part du processus transverse de L5 et se termine à la fois sur l’os iliaque et sur le sacrum. Ces ligaments ilio-lombaires sont puissants et limitent la mobilité de la charnière lombo-sacrée lors des mouvements de flexion, d’extension ou d’inclinaison latérale. 13 La Lombalgie a Anatomie fonctionnelle du tronc b Figure 6 : Amplitude du rachis lombaire en a inclinaison latérale et b - flexion, extension (d’après Kapandji 2007). 2.3. Mécanique du rachis lombaire Lors du mouvement de flexion (Figure 7a), la vertèbre de l’étage supérieur bascule vers l’avant. Cela a pour conséquence de diminuer l’épaisseur de la partie antérieure du disque intervertébral et de la pincer. Le nucleus pulposus est ainsi déplacé vers la partie postérieure et exerce une pression sur les fibres de l’annulus fibrosus. Les lames, les processus épineux et les processus articulaires s’écartent. Tous les ligaments situés dans le plan postérieur sont mis en tension et limitent la flexion. Lors du mouvement d’extension (Figure 7b), la vertèbre de l’étage supérieur bascule vers l’arrière. Le disque intervertébral est pincé en arrière, repoussant le nucleus pulposus vers l’avant. La limitation d’amplitude du mouvement d’extension est due au ligament vertébral commun antérieur qui est mis en tension et aux différentes butées osseuses. Les lames se rapprochent, les processus épineux entrent en contact tandis que les processus articulaires s’engagent plus profondément et sont même en compression. Lors du mouvement d’inclinaison latérale (Figure 7c), la vertèbre de l’étage supérieur bascule sur le côté de l’inclinaison. Le disque intervertébral se pince du côté de l’inclinaison et repousse le nucleus pulposus sur le côté opposé. Du côté de l’inclinaison, les ligaments notamment le ligament jaune et le ligament intertransversaire sont détendus, les processus transversaires se rapprochent et les processus articulaires glissent l’un sur l’autre. Du côté opposé, l’inverse se produit. 14 La Lombalgie Anatomie fonctionnelle du tronc a c b Figure 7 : a- Mouvement de flexion vertébral ; b- Mouvement d’extension vertébral ; c- Mouvement d’inclinaison latérale (d’après Calais-Germain 2005). Lors du mouvement de rotation (Figure 8), les fibres du disque intervertébral sont en torsion. Les fibres composant l’annulus fibrosus se croisant d’une couche sur l’autre, le mouvement de rotation entraîne au niveau du disque une mise en tension d’une couche sur deux et une diminution de la hauteur du disque. Il y a donc une compression du nucleus pulposus. Dans ce cas, même si l’amplitude de mouvement est faible à cause des butées osseuses, tous les ligaments sont en tension. a b Figure 8 : Mouvement de rotation : le mouvement de rotation (a) entraîne une mise en tension des fibres et une diminution de hauteur (b) (d’après Calais-Germain 2005). 2.4. Les muscles du tronc Les muscles du tronc exercent une action complexe. Ils initient un mouvement de flexion ou d’extension du rachis, contrôlent l’amplitude et la vitesse du mouvement. Ils servent également au maintien de la posture par l’ajustement du rachis face à la pesanteur, la marche ou au port de charge, que celui-ci soit asymétrique ou non. Il faut cependant souligner que si les muscles extenseurs du rachis sont principalement dédiés à l’extension du tronc, les muscles fléchisseurs sont quant à eux, à la fois fléchisseurs de la hanche, moteur du rachis lombaire et de la mécanique ventilatoire. Même s’il apparaît arbitraire d’opposer les muscles 15 La Lombalgie Anatomie fonctionnelle du tronc fléchisseurs du tronc aux extenseurs, dans cette étude, nous ne considèrerons ces deux groupes musculaires que pour dans leur fonction de fléchisseurs et extenseurs du rachis. 2.4.1. Les muscles de la paroi abdominale Le muscle le plus antérieur et le plus superficiel est le grand droit de l’abdomen (rectus abdominis) (Figure 9). Il est composé de deux bandes musculaires tendues de part et d’autre de la ligne médiane (ligne blanche). Il s’étend verticalement des arcs et cartilages costaux des côtes 5, 6 et 7 ainsi que de l’appendice xiphoïde jusqu’au pubis sur la symphyse pubienne. Il est entrecoupé d’intersections tendineuses lui donnant sa forme particulière lorsqu’il est contracté. Le transverse de l’abdomen (transversus abdominis) est le plus profond des trois muscles antéro-latéraux de l’abdomen (Figure 9). Tendu horizontalement, ce muscle s’étend entre les processus transverses des vertèbres lombaires, la crête iliaque, les dernières côtes et la symphyse pubienne. C’est un muscle en deux parties qui se rejoignent sur la ligne blanche en passant sous les fibres du grand droit de l’abdomen. Figure 9 : Grand droit de l’abdoment et transverse de l’abdomen (d’après Kapandji 2007). L’oblique interne de l’abdomen (obliquus internus abdominis) est le muscle intermédiaire des muscles antéro-latéraux (Figure 10a). Ses fibres musculaires sont tendues obliquement de bas en haut et de l’extérieur vers l’intérieur. Elles s’étendent de l’épine iliaque aux côtes 11 et 12. Ses fibres aponévrotiques s’attachent sur la symphyse pubienne, le dixième cartilage costal et 16 La Lombalgie Anatomie fonctionnelle du tronc l’appendice xiphoïde. Sur l’avant, ses fibres aponévrotiques s’attachent au niveau de la ligne blanche avec les fibres du muscle oblique interne de l’abdomen opposé. L’oblique externe de l’abdomen (obliquus externus abdominis) constitue le muscle le plus superficiel des muscles antéro-latéraux (Figure 10b). Ses fibres musculaires sont tendues obliquement de haut en bas et de l’extérieur vers l’intérieur, et s’étendent des 7 dernières côtes à la crête iliaque. Les deux faisceaux de fibres aponévrotiques se rejoignent au niveau de la ligne blanche et sont étendus entre l’appendice xiphoïde et le pubis. a b Figure 10 : a- Oblique interne ; b- Oblique externe (d’après Kapandji 2007). 2.4.2. Les muscles latéro-vertébraux lombaires Ils sont aux nombres de deux. Le psoas (psoas) est un muscle long qui s’étend entre les processus transverses et les disques intervertébraux des vertèbres D12 à L5 jusqu’au petit trochanter du fémur (Figure 11a). Le carré des lombes (quadratus lumborum) s’attache entre la dernière côte, les processus transverses des cinq vertèbres lombaires et la crête iliaque. Lorsque le bassin est fixe, ils permettent l’inclinaison homolatérale. Le psoas provoque en plus, une rotation du tronc du côté controlatéral (Figure 11b). 17 La Lombalgie a Anatomie fonctionnelle du tronc b Figure 11 : a - Psoas et b - Carré des lombes (d’après Calais-Germain 2005). 2.4.3. Les muscles postérieurs du tronc Ils sont disposés en plusieurs couches. Les muscles les plus profonds sont principalement des muscles intersegmentaires courts (Figure 12), ils s’insèrent sur deux vertèbres consécutives. Les muscles intertransversaires (intertransversarii) vont d’un processus transverse à l’autre. Ils permettent l’inclinaison latérale du rachis s’ils ne sont sollicités que d’un seul côté. Les muscles interépineux (interspinalis) sont tendus d’une épine à la suivante. Ils provoquent l’extension des vertèbres. Figure 12 : Intertransversaire et interépineux (d’après Calais-Germain 2005). Les muscles transversaires épineux (multifidi) sont formés de quatre faisceaux qui partent tous d’un même processus transverse (Figure 13). Les faisceaux les plus courts sont les fibres laminaires. Elles s’attachent sur l’étage vertébral n+1 et n+2 au niveau des lames. Les deux autres faisceaux s’attachent au niveau vertébral n+3 et n+4 sur les processus épineux. Les fibres de ce muscle étant obliques, elles vont induire les mouvements d’extension, de rotation et d’inclinaison latérale du rachis. 18 La Lombalgie Anatomie fonctionnelle du tronc Figure 13 : Transversaire épineux. Les chiffres 1, 2, 3 et 4 correspondent aux 4 étages supérieurs où s’attachent chacun des faisceaux du transversaire épineux (d’après Calais-Germain 2005). Le muscle longissimus thoracique (longissimus) et le muscle ilio-costal lombal (iliocostalis) naissent d’une masse commune (Figure 14). Celle-ci est attachée par une épaisse couche tendineuse sur le sacrum et sur la face postérieure des crêtes iliaques. Le muscle longissimus thoracique est une longue bande musculaire qui se fixe sur les processus transverses des vertèbres lombaires et dorsales jusqu’à la face postérieure de la deuxième côte. Le muscle ilio-costal lombal évolue en plusieurs faisceaux superposés allant de la masse commune jusqu’aux cinq dernières vertèbres cervicales. La principale action de ces muscles est l’extension du rachis mais ils ont également une action d’inclinaison latérale et de rotation lorsqu’ils ne sont contractés que d’un seul côté. Figure 14 : Longissimus Kapandji 2007). 19 thoracique (d’après La Lombalgie Origine de la lombalgie 3. Origine de la lombalgie La lombalgie et la douleur qu’elle engendre peuvent avoir plusieurs origines. Les muscles spinaux peuvent être source de lombalgie. Bogduk (1980) a montré que des injections salines hypertoniques dans ces muscles induisaient des lombalgies et des douleurs somatiques localisées. Les muscles spinaux peuvent être affectés par des déchirures suite à un effort important ou un étirement soudain. Des études menées chez les animaux ont montré que les jonctions tendineuses cèdent lorsque les muscles sont étirés avec force (Garrett et coll. 1988). Cette lésion peut entraîner une réponse inflammatoire pouvant être source de douleur. Ces lésions pourraient résulter de la combinaison des mouvements de flexion et de rotation du tronc. Le « déséquilibre musculaire » (Jull et Janda 1987) est également supposé engendrer une douleur. Dans le cas du rachis lombaire, c’est le déséquilibre entre les fléchisseurs et les extenseurs du tronc, exprimé par le ratio Fléchisseurs/Extenseurs (F/E), qui serait mis en cause (Dvir et Keating 2003 ; Newton et coll. 1993). Cependant, aucune étude ne semble s’accorder sur un ratio F/E unique, quelle que soit la population considérée (saine vs. lombalgique) (Dervišević et coll. 2007 ; Drapala et Trzaskoma 2006 ; Hultman et coll. 1993). Certains auteurs rapportent des ratios de 0,75 pour les sujets sains, et supérieurs à 1 pour les lombalgiques chroniques (Dvir et Keating 2003 ; Newton et coll. 1993), alors que d’autres montrent des valeurs variant de 0,36 à 0,43 pour ces deux populations (Hultman et coll. 1993), ou fluctuant entre 0,54 et 0,64 (Dervišević et coll. 2007). L’entorse ligamentaire, particulièrement au niveau du ligament interépineux, peut également être une source de lombalgie. Feinstein et coll. (1954) ont montré que la stimulation expérimentale par injections salines hypertoniques dans le ligament interépineux engendrait une lombalgie avec une douleur projetée dans les extrémités inférieures. Cependant, Wik (1995) a montré que l’anesthésie de ce ligament interépineux n’a soulagé la douleur que pour 20 La Lombalgie Origine de la lombalgie 10 patients sur une cohorte de 230. L’entorse de ce ligament n’est donc pas un facteur déterminant de la douleur ressentie par le sujet lombalgique chronique. Les disques intervertébraux étant innervés (Yoshizawa et coll. 1980), ils sont également une source potentielle de lombalgie. Des expériences menées soit par injection d’une solution saline dans le nucleus pulposus (Bogduk et coll. 1995) ou par stimulation thermique de l’annulus fibrosus (O’Neill et coll. 2002), ont démontré que la douleur engendrée peut être ressentie dans la fesse ou la partie postérieure de la cuisse. Ces expériences montrent que les disques vertébraux et plus particulièrement lombaires peuvent être responsables de douleurs somatiques correspondant aux douleurs du patient lombalgique. 21 La Lombalgie Prise en charge de la lombalgie 4. Prise en charge de la lombalgie 4.1. Le syndrome de déconditionnement L’étude de Mayer et coll. (1985) a décrit la lombalgie chronique comme étant un syndrome de déconditionnement, résultant d’une somme de facteurs agissant sur la personne : l’immobilisation due à la douleur, l’inactivité croissante, les lésions des tissus mous et la douleur. Ce syndrome de déconditionnement se traduit le plus souvent par une diminution des activités quotidiennes principalement liée à cette douleur permanente ou déclenchée par le mouvement. La limitation fonctionnelle ajoutée à la peur de se faire mal est le centre du problème (Tait et coll. 1990). Parmi les causes physiques, et en particulier au niveau du tronc, l’insuffisance musculaire paravertébrale et abdominale joue un rôle important mais non exclusif (Kong et coll. 1996 ; Kerkour et Meier 1994). Ce syndrome que la lombalgie chronique engendre, provoque un déconditionnement à l’effort qui entraîne une diminution des capacités physiques initiales. Cette désadaptation survient après plusieurs semaines d’inactivité (Olivier et coll. 2008). On note principalement une perte de la flexibilité, qui se traduit par une hypo-extensibilité musculotendineuse, notamment au niveau des muscles (ischio-jambiers), et des capacités musculaires en endurance et en force des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc (Bibré et coll. 1997). Le manque d’activité quotidienne engendré par les souffrances lombaires peut entraîner une baisse de l’aptitude aérobie, une atrophie des différentes fibres musculaires au niveau des muscles multifidi (Jowett et coll. 1975) et une diminution de la musculature des parois antérieure et postérieure du tronc (Nachemson et Lindh 1969). Les muscles extenseurs du tronc sont normalement plus puissants que les fléchisseurs (Andersson et coll. 1988). Ce sont majoritairement des muscles posturaux pour les muscles du plan profond ainsi que de puissants stabilisateurs du tronc pour les muscles superficiels. La littérature montre que dans cette pathologie, les muscles extenseurs du tronc perdent beaucoup plus de force que les 22 La Lombalgie Prise en charge de la lombalgie fléchisseurs surtout aux vitesses rapides correspondant aux vitesses gestuelles quotidiennes (Newton et coll. 1993 ; Mayer et coll. 1985). L’étude de Lavignolle et coll. (1989) réalisée dans des conditions isométriques et isocinétiques confirme ces résultats. La force évaluée dans des conditions isométriques, sur 125 patients lombalgiques, montrait une diminution de 20% pour les muscles fléchisseurs et de 40% pour les muscles extenseurs du tronc par rapport à des sujets sains. L’évaluation isocinétique révélait, quant à elle, une diminution de la force de 48% à la vitesse angulaire de 120°/s. Lee et coll. (1999) confirment l’existence d’une différence significative entre la force développée chez le sujet sain et celle produite par le patient souffrant de lombalgie pour les muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc. Les auteurs concluent que ce déséquilibre est prédictif de l’apparition ultérieure d’une lombalgie. En fait, cette différence entre les sujets sains et lombalgiques représente plutôt un facteur de risque pour le sujet présentant un déséquilibre de la force des muscles du tronc. Cependant, outre le paramètre de force, il faut également en considérer d’autres qui sont liés à la vie quotidienne. La contraction musculaire peut être perturbée par la répétition d’un geste, la fatigabilité, les accélérations brusques ainsi que le retard de contraction de certains muscles stabilisateurs. Wilder et coll. (1996) ont montré que dans une situation de port de charge soudain comme lorsque l’on rattrape un colis qui nous échappe, le temps de réaction des muscles concernés était allongé par plusieurs facteurs : la fatigue mais surtout la présence ou non d’une lombalgie. Dans cette situation, il est aisé de comprendre qu’une tâche bien exécutée est mieux tolérée par le rachis qu’une autre réalisée sans apprentissage ou sur une musculature fatiguée. Richardson et coll (1999) ont grâce à l’imagerie statique ainsi que l’électromyographie, montré que les muscles extenseurs touchés principalement par la lombalgie sont les stabilisateurs du tronc et notamment les muscles transversus abdomini ainsi que le multifidus. 23 La Lombalgie Prise en charge de la lombalgie Sur le plan fonctionnel, c’est la perte de l’endurance qui est marquante, car elle va entraîner une augmentation de la douleur lors de la reprise d’activité et une crainte des douleurs provoquées lors des mouvements du dos (Kishino et coll. 1985). A ce déconditionnement physique, s’ajoute une désocialisation progressive. En plus de l’arrêt de travail provoquant une perte d’identité professionnelle, la grande majorité des sujets lombalgiques évoque aussi un arrêt des activités de loisirs provoquant une perte de contact avec l’entourage, ainsi qu’une diminution de leur qualité de vie (Polatin et coll. 1993). 4.2. Les différents types de prise en charge 4.2.1. Le repos général La plupart des méthodes de rééducation proposées aux patients souffrant de lombalgie sont fondées sur la prise en charge d’un symptôme. Le traitement de la douleur est le plus souvent le point central du problème. Lors de la prise en charge d’une lombalgique chronique, on assiste à la mise en place d’un traitement physique inspiré de celui proposé à la phase aiguë. Ainsi, le repos est fortement conseillé, l’économie des mouvements impliquant une mise en jeu du rachis est recommandée et les médications sont maintenues. Ce traitement médical représenté par les antalgiques et les anti-inflammatoires ne semble justifié que dans le cas de lombosciatique ou pendant une phase aiguë. A l’état chronique, leur efficacité est incertaine (Poiraudeau et coll. 2004 ; Deyo 1983). Il est maintenant admis que le repos général et l’alitement prolongé ne sont plus recommandés comme moyen thérapeutique. Les conséquences sur le plan physique au-delà de quatre jours sont importantes avec un risque de pérennisation de la symptomatologie (Rozenberg et coll. 2002 ; Deyo et coll. 1986). On peut supposer que les conséquences d’une immobilisation prolongée (désadaptation cardiovasculaire, perte de tonus musculaire) mises en avant par différents auteurs, sont applicables et transposables aux patients souffrant de lombalgie chronique. De plus, Costill et coll. (1985) 24 La Lombalgie Prise en charge de la lombalgie ont montré, sur des sportifs, que l’alitement entraînait des complications par la suite, telle que la diminution de la force du tronc. 4.2.2. Les traitements physiques Les différents traitements physiques tels que la massokinésithérapie, l’acupuncture, la balnéothérapie ou les manipulations vertébrales montrent une efficacité à court terme intéressante mais leur efficacité à long terme reste discutée (Poiraudeau et coll. 2004 ; Assendelft et coll. 2003 ; Cherkin et coll. 2003 ; Hoehler et coll. 1981). La physiothérapie est reconnue comme sédative de la douleur, mais la sédation n’est bien souvent que temporaire, ce qui pose un réel problème avec la lombalgie chronique (Ter Riet et coll. 1990). Les manipulations vertébrales semblent être d’un intérêt controversé. Certaines études reconnaissent leur efficacité à court terme (Hadler et coll. 1987 ; Nwuga 1982) mais leur efficacité réelle à long terme sur les patients souffrant de lombalgie chronique semble absente (Assendelft et coll. 2003 ; Shekelle et coll. 1992). Les techniques passives font partie intégrante des prises en charge ayant pour point problématique la douleur, d’où sa prescription courante lors des lombalgies chroniques. Cependant, de même que pour les autres techniques, son effet sur la douleur est transitoire (Poiraudeau et coll. 2004). Le traitement chirurgical est indiqué par la nature et la gravité potentielle de certaines atteintes neurologiques, compliquant l’évolution d’une lomboradiculalgie (Nachemson 1993). Il faut cependant notifier que le retentissement psychologique de la chirurgie dans la lombalgie chronique est important et nécessite une prise en charge multidisciplinaire. 25 La Lombalgie Prise en charge de la lombalgie 4.2.3. Les écoles du dos Les écoles du dos ont constitué la première démarche active face à la lombalgie chronique. Cette démarche mise en place fin à la fin des années 60 par Marianne Zachrisson-Forsell, contenait déjà les lignes directrices des écoles du dos actuelles (Zachrisson-Forsell 1981) : rendre le patient acteur de sa guérison, lui enseigner les causes de sa douleur et lui apprendre les gestes et les postures adéquates. Les écoles du dos proposent un programme de reconditionnement physique ainsi que l’apprentissage d’une nouvelle gestuelle physique (Phélip 1991). Elles s’appuient sur des règles d’économie rachidienne et du dos (Vanvelcenaher 2003) et ont surtout pour objectif la diminution de la fréquence des récidives douloureuses, de l’absentéisme professionnel et de la dépendance du patient vis à vis de sa douleur (Masquelier 1991). Les écoles du dos réalisent des programmes de 3 jours à 1 semaine associant une information sommaire concernant les notions élémentaires d’anatomie, de biomécanique, de pathologie mécanique du rachis et la réalisation d’exercices musculaires simples (Poiraudeau 2004 ; Revel 1995). Les résultats de ces écoles sont décrits comme positifs sur le court terme (Vanvelcenaher 2003 ; Grardel et coll. 1991) mais ayant tendance à s’effacer sur le long terme (Daltroy et coll. 1997 ; Versloot et coll. 1992). 4.2.4. Le programme de restauration fonctionnelle du rachis Le programme de restauration fonctionnelle du rachis (RFR) fondé sur le traitement du syndrome de déconditionnement (Vanvelcenaher et Vanhee, 1995), fait partie de l’arsenal thérapeutique conventionnel de la prise en charge des lombalgies chroniques (Poiraudeau et coll. 1999 ; Mayer et coll. 1985). Ces programmes de réentraînement à l’effort abordent le traitement de la lombalgie chronique de manière différente des écoles du dos, des techniques passives ou de la physiothérapie. En effet, l’expertise de chacun des intervenants impliqués dans la prise en charge multidisciplinaire du patient lombalgique chronique et du programme 26 La Lombalgie Prise en charge de la lombalgie de réentraînement à l’effort est mise en commun afin de lutter contre la sédentarisation des patients et ainsi, faciliter la reprise du travail (Véron et coll. 2008). La douleur n’est jamais le critère principal d’efficacité de ces programmes car la réduction de la douleur ne semble pas être un facteur prédictif de retour au travail (Bontoux et coll. 2004). Les exercices des établissements proposant les programmes de restauration fonctionnelle comprennent toujours pour la partie réentraînement physique, des étirements, un renforcement musculaire et un travail de l’aptitude aérobie (Poiraudeau et coll. 2004). Le programme de réentraînement physique est fondé sur une première évaluation du patient lors de son inclusion dans le protocole RFR. Ce premier bilan permet de renseigner les intervenants ainsi que les patients sur plusieurs paramètres : la perception de la douleur, la flexibilité lombo-pelvi-fémorale et les aptitudes musculaires (Vanvelcenaher 2003). Un second bilan est parfois mis en place lors de séjour long (5 semaines) dans l’établissement. A la sortie du patient, un dernier bilan est effectué. Celui-ci fournit des renseignements sur l’évolution finale de l’état du patient et constitue un point de départ pour le suivi futur et les visites ultérieures dans l’établissement. 27 La Lombalgie Evaluation de la force musculaire 5. Evaluation de la force musculaire du sujet lombalgique L’évaluation de la force musculaire peut être réalisée à partir de contraction isométrique, (au cours de laquelle il n’y a pas de déplacement des points d’insertions des muscles concernés), ou à partir de contraction dynamique lors d’un rapprochement (travail concentrique) ou un éloignement des leviers (travail excentrique). 5.1. L’évaluation musculaire isométrique L’évaluation isométrique des muscles du tronc, est principalement réalisée par 2 types de mesure : les tests de Biering-Sørensen pour les extenseurs du tronc (Biering-Sørensen 1984) et de Ito pour les fléchisseurs du tronc (Ito et coll. 1996). Au cours de ces évaluations, le temps de maintien d’une posture est enregistré, les critères d’arrêt du chronomètre étant soit l’épuisement musculaire, soit la douleur. Ces deux évaluations de la force musculaire isométrique 1) demandent peu de matériel, 2) sont peu coûteuses et 3) sont faciles à mettre en œuvre chez le lombalgique. Elles permettent un bon suivi des progrès réalisés lors du programme de restauration fonctionnelle du rachis (Ito et coll. 1996 ; Hultman et coll. 1993 ; Biering-Sørensen 1984). Le Biering-Sørensen, par exemple, rapporte un élément sur l'endurance des muscles paravertébraux, notamment le multifidus et l’ilio-costal (Flicker et coll. 1993). Ito et coll. (1996) ont montré que les consignes simples permettent une compréhension facile de l’exercice à réaliser et que les différents tests sont vécus par la personne souffrant de lombalgie chronique comme étant non agressifs, donc pratiqués sans appréhension. Les tests isométriques bien que facilement réalisables et permettant d’obtenir rapidement des renseignements sur les groupes musculaires évalués, ne représentent pas la solution idéale pour l’évaluation musculaire régulière du sujet. Ils restent limités dans la pertinence des informations qu’ils fournissent sur les capacités musculaires du lombalgique. En effet, le 28 La Lombalgie Evaluation de la force musculaire recrutement musculaire au cours d’une contraction isométrique n’est pas maximal dans cette population (Mayer et coll. 1995). Ainsi, les évaluations isométriques pratiquées en centre renseignent plus sur la résistance à la fatigue lors d’une contraction le plus souvent sousmaximale, qu’ils ne fournissent une évaluation de la force musculaire. En outre, le degré de motivation du patient est une limite importante car c’est lui qui déterminera la performance réalisée. De plus, la standardisation (position, angle) n’est pas évidente à mettre en œuvre entre les tests d’entrée et de sortie. En effet, les mesures effectuées sont trop éloignées des conditions d’utilisation physiologique de la musculature du tronc (Codine et coll. 2001). Le tronc étant à considérer comme un élément indissociable car fonctionnant dans un système global, il faut des outils d’évaluation adaptés permettant des mesures concrètes et objectives. Les appareils isocinétiques font partie de ces outils (Mayer et coll. 1985). Enfin, leur utilisation est d’autant plus indiquée que la plupart des mouvements sportifs ou de la vie quotidienne sont réalisés en dynamique. 5.2. L’évaluation dynamique de la force musculaire 5.2.1. L’évaluation iso-inertielle L’évaluation musculaire dans des conditions iso-inertielles peut être réalisée soit avec des appareils de musculation classique, et donc dans un environnement plus ou moins contrôlé, soit par de soulever de caisses chargées. L’appareil de musculation permet de placer le sujet dans une position standardisée. Après une familiarisation obligatoire avec l’appareil et le mouvement, avec des charges sous-maximales, le patient doit réaliser plusieurs contractions avec une augmentation de la charge après chaque essai réussi. La mesure s’arrête dès l’apparition d’une sensation douloureuse ou lorsque les critères de réalisation ne sont plus correctement respectés (compensation ou amplitude du mouvement réduite). La dernière charge soulevée en respectant les critères de réussite correspond alors à la charge maximale 29 La Lombalgie Evaluation de la force musculaire que le groupe musculaire sollicité peut soulever. Pour des raisons de sécurité, l’utilisation d’appareils permettant de guider la masse à soulever est privilégiée. L’évaluation dynamique avec le port de charge correspond d’avantage à une évaluation fonctionnelle d’un système pluri-articulaire car elle sollicite dans un même mouvement les membres supérieurs et inférieurs. Le PILE (Progressive Isoinertial Lifting Evaluation) est un test américain (Mayer et coll. 1988). Son adaptation française correspond au test du Soulever de Charges (TSC). Le TSC est fondé sur un cycle : saisir puis soulever une caisse lestée du sol, la poser sur un plan horizontal situé à 75 cm du sol, puis reposer la caisse à son emplacement de départ. Il faut réaliser 4 cycles en 20 secondes pour chaque caisse chargée. L’incrémentation des charges est de 5 kg (à partir d’une charge minimale de 5 kg) pour les hommes, alors qu’elle est de 2,5 kg pour les femmes (à partir d’une charge minimale de 2,5 kg) après chaque essai réussi. L’épreuve s’arrête soit à la demande du patient ou lorsque le temps est dépassé. Le PILE rajoute 2 critères d’arrêt du test : 1) lorsque le sujet a atteint une quantité de charges additionnelles supérieure à 50% de sa masse corporelle, ou 2) si sa fréquence cardiaque atteint plus de 80% de sa fréquence cardiaque maximale. Ces différentes mesures mises en place au cours du programme de réentraînement du patient permettent de quantifier la progression entre son inclusion et sa sortie. 5.2.2. L’évaluation isocinétique 5.2.2.1. Définition Dans les années 60, Hislop et Perrine (1967) ont été parmi les premiers à décrire le concept des appareils isocinétiques. Leur utilisation s’étend aussi bien au domaine sportif (Fry et coll. 1991; Sharp et coll. 1982) qu’à la rééducation (Pocholle et Codine 1998 ; Heuleu et coll. 1991). Leur fonctionnement repose sur le contrôle de la vitesse du levier sur lequel le segment corporel étudié est attaché (Baltzopoulos et Brodie 1989 ; Osternig 1986). De fait, quand le 30 La Lombalgie Evaluation de la force musculaire mouvement angulaire du segment corporel égalise ou dépasse la vitesse présélectionnée, le dynamomètre produit une résistance de telle sorte que la vitesse angulaire reste constante. Pour atteindre la vitesse présélectionnée, un délai temporel est nécessaire et la mesure du couple articulaire n’intervient que lorsque cette vitesse est atteinte. Ainsi, les phases d’accélération et de freinage du mouvement qui pourraient affecter les résultats, ne doivent pas être prises en compte par le système de mesure isocinétique car elles ne correspondent pas à des conditions isocinétiques et ne sont par conséquent pas interprétables (Chomiki et coll. 1998). Elles correspondent tout simplement à la mise en action du système de levier par le sujet pour atteindre la vitesse désirée, et à l’arrivée en butée du levier en fin de mouvement (Sapega et coll. 1982). Les appareils isocinétiques permettent d’isoler l’action d’un groupe musculaire (Gülch 1994) et de collecter des données quantifiables, offrant l’opportunité de réaliser dans des conditions opératoires standardisées, une observation et une évaluation musculaire objectives, pertinentes et quantitatives des capacités de force à développer (Kannus 1994). A leur début, les appareils isocinétiques étaient équipés d’un programme informatique simple permettant de comparer les données de chacun des côtés ainsi que le calcul : du travail total, de la puissance et de l’endurance. Par la suite, diverses améliorations ont été ajoutés telles que le rétrocontrôle, la correction de la gravité, les différents modes de contraction (concentrique, excentrique, passif). L’ajout de modules d’évaluation permet au clinicien d’évaluer toutes les principales articulations corporelles. L’isocinétisme est une méthode qui ne se substitue pas aux autres techniques de rééducation conventionnelle (manuelles ou instrumentales) mais qui constitue un moyen complémentaire parmi l’ensemble des techniques de rééducation disponibles (Maurer et coll. 1999 ; Calmels et coll. 1986). Cependant, même si la contraction isocinétique est éloignée des conditions d’utilisation physiologique des muscles (gestes quotidiens soumis à des variations d’accélération), il semble intéressant lors de la rééducation, d’utiliser le 31 La Lombalgie Evaluation de la force musculaire renforcement musculaire sur les appareils d’isocinétisme en complément d’un travail statique, isotonique, et/ou à différentes vitesses de contraction (Codine et coll. 2001). L’intérêt principal de l’évaluation isocinétique lors de l’évaluation de la force musculaire est qu’elle donne un grand nombre de renseignements sur les performances dynamiques d’un groupe musculaire telles que la force, le travail, l’explosivité et l’endurance (Kannus 1994). L’asservissement du paramètre vitesse par la machine permet d’éviter des calculs difficiles et approximatifs rencontrés dans d’autres formes d’exercices dynamiques, en particulier d’éliminer les effets inertiels. Lors du réentraînement, la résistance variable permet de travailler en sécurité. C’est l’avantage majeur. Il n’y a pas de mouvement retour à effectuer du levier, cela évite les accidents lors des contractions excentriques (MacIntyre et coll. 1995). Lors de la rééducation, les exercices proposés peuvent se situer dans la zone de force sousmaximale ou non douloureuse, tout en travaillant sur l’amplitude totale du mouvement. De plus, le mode passif permet une mobilisation musculaire dès les premiers temps de la prise en charge (ou après la chirurgie) (Perrin 1993). Bref, l’exercice isocinétique permet de s’adapter aux possibilités du sujet. En théorie toutes les articulations majeures du corps humain peuvent être évaluées avec les appareils isocinétiques. Cependant, les localisations les plus fréquentes sont le genou (Dvir et David 1996 ; Kellis et Baltzopoulos 1996), l’épaule (Ellenbecker et Roetert 1999 ; Brox et coll. 1995) et le tronc (Akebi et coll. 1998 ; Vézirian et coll. 1996). Les membres inférieurs ont fait l’objet de multiples études en condition isocinétique. L’expérience a permis d’améliorer les conditions d’expérimentation comme la prise en compte des inerties dues aux masses des segments corporels et du levier (Winter et coll. 1981), ou l’importance du rétrocontrôle visuel pour augmenter les valeurs de la performance (Campenella et coll. 2000). 32 La Lombalgie Evaluation de la force musculaire La position au cours de l’évaluation doit être standardisée et décrite avec précision car un changement de position d’une articulation au cours du mouvement (Miller et coll. 1997), amène une modification des paramètres enregistrés. L’alignement entre l’axe de rotation du dynamomètre et l’axe de l’articulation à étudier doit en théorie être presque parfait. Un défaut d’alignement peut entraîner un biais dans le recueil des mesures (Deslandes et coll. 2008 ; Greenfield et coll. 1990). Le coefficient de fiabilité et de reproductibilité des mesures isocinétiques est supérieur à 0,8 aussi bien pour le membre supérieur (Greenfield et coll. 1990 ; Hageman et coll. 1988), que le membre inférieur (Kues et coll. 1992 ; Gross et coll. 1991 ; Harding et coll. 1988) ou le tronc (Grabiner et coll. 1990 ; Smidt et coll. 1980). 5.2.2.2. Evaluation isocinétique des muscles du tronc Les études concernant le tronc dans des conditions isocinétiques sont nombreuses (Akebi et coll. 1998 ; Luoto et coll. 1996 ; Vézirian et coll. 1996). Comme pour les mesures aux niveaux des membres inférieurs (Herzog 1988 ; Winter et coll. 1981), les poids du dossier et du tronc du sujet doivent être pris en compte lors de l’évaluation du couple. Vézirian et coll. (1996) montrent que négliger l’effet de ces paramètres mécaniques conduit à surévaluer le moment maximal d’environ 20% pour les fléchisseurs du tronc et à sous-évaluer d’environ 15% celui des extenseurs. Le ratio fléchisseurs-extenseurs du tronc après correction de la gravité était alors de 50% supérieur aux valeurs de ratio obtenues sans correction de la gravité. La rééducation en condition isocinétique a pour but, comme toutes les autres techniques de rééducation, de restaurer les performances musculaires antérieures. Pour cela, cette pratique s’attache à redonner un gain d’amplitude pour le patient et à retrouver une souplesse des muscles agonistes et antagonistes (Chan et Maffulli 1996). Le bilan isocinétique en fin de programme de renforcement musculaire est un moyen d’évaluer les progrès effectués durant 33 La Lombalgie Evaluation de la force musculaire les semaines passées dans le centre. Cette évaluation isocinétique est proposée dans certains programmes de renforcement musculaire des extenseurs et fléchisseurs du tronc chez des lombalgiques chroniques (Voisin et coll. 1994 ; Vanvelcenaher et coll. 1994). Cette évaluation réalisée avec le système Liftask simule un mouvement de soulever de charge (Figure 15). Les résultats montrent généralement que chez les sujets lombalgiques, les muscles extenseurs sont les plus touchés, avec des différences significatives par rapport aux sujets sains. La différence sur les pics de force entre des sujets masculins indemnes de lombalgie et les patients est d’environ 50% quelque soit la vitesse étudiée (Kishino et coll. 1985). Cependant, ce mouvement fait intervenir toute la chaîne musculaire de l’individu et ne permet pas de distinguer la part des membres inférieurs de celle du tronc. Figure 15 : Outil isocinétique d’évaluation et d’entraînement en simulation de soulever de charges – Liftask (d’après Vanvelcenaher 2003). Si on s’intéresse plus particulièrement à l’évaluation de la force des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc, on s’aperçoit que le paramètre le plus utilisé pour caractériser ces muscles est le moment maximal. Gremion et coll. (1996) ont d’ailleurs publié une base de données portant sur l’analyse du moment maximal rapporté au poids corporel du sujet. Ces auteurs montrent une variation de ce paramètre en fonction du sexe et de l’âge du sujet, mais n’abordent pas l’évolution en fonction de la vitesse pour chaque groupe d’âge. Akebi et coll. (1998) se sont intéressés à l’influence de la vitesse angulaire sur la variation du moment maximal chez des sujets sains et lombalgiques chroniques, de sexe masculin et féminin. Cette étude a révélé que le coefficient de variation du moment maximal était plus grand chez les 34 La Lombalgie Evaluation de la force musculaire femmes que chez les hommes. Il était plus important chez les patients lombalgiques que les sujets sains. Ces coefficients de variation pour une vitesse angulaire de 120°/s étaient supérieurs à ceux obtenus pour une vitesse de 60°/s. Les différentes études portant sur la mesure de la force du tronc n’ont pris en compte qu’une, deux, voire trois vitesses angulaires (Schumacker et coll. 1999 ; Gremion et coll. 1996). Ces études ont permis de comparer le moment des sujets sains à celui de sujets lombalgiques (Akebi et coll. 1998 ; Kerkbour et Meier 1994), d’estimer le ratio extenseurs-fléchisseurs des muscles du tronc (Roques et coll. 2002 ; Gremion et coll. 1996), de quantifier l’effet de la douleur (Akebi et coll. 1998, Luoto et coll. 1996). Aucune étude ne s’est cependant attachée à établir des relations entre le moment et la vitesse angulaire pour les muscles du tronc alors que celles-ci sont largement documentées pour le membre inférieur (Rahmani et coll. 1999 ; Arsac et coll. 1996 ; Seck et coll. 1995 ; Harries et Bassey 1990). Un objectif de ce travail (étude 1) a été d’évaluer les capacités des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc chez le sujet sain à l’aide d’un appareil isocinétique, afin d’établir une relation entre le moment et la vitesse pour ces deux groupes musculaires. 5.2.2.3. Evaluation iso-inertielle ou isocinétique des patients lombalgiques Les tests dynamiques à charge constante n’autorisent pas le développement du moment maximal du sujet sur toute l’amplitude du mouvement (Croisier 2002). De plus, la recherche de la résistance maximale que l’individu peut soulever une seule fois (le 1-RM) par essais successifs, entraîne une fatigue qui peut nuire à la validité des mesures obtenues (Merat 1988). Il est difficile de mesurer et contrôler la force développée pour différentes charges. Cela rend la mesure imprécise lors de l’étude de la performance musculaire humaine (Sapega 1990). 35 La Lombalgie Evaluation de la force musculaire Par opposition, l’utilisation de dynamomètre isocinétique dans l’évaluation des patients lombalgiques offre l’opportunité de réaliser dans des conditions opératoires standardisées, une observation et une évaluation musculaires objectives, pertinentes et quantitatives des capacités de force à développer (Kannus 1994). La résistance variable offre l’avantage d’une évaluation dans de bonnes conditions de sécurité lors du traitement de pathologie musculo-tendineuse (Baltzopoulos et Brodie 1989 ; Timm 1988). La vitesse du mouvement peut être modifiée pour s’adapter aux capacités du sujet ; par ailleurs la résistance de l’ergomètre est proportionnelle aux différentes capacités musculaires pour chaque angle, car la force musculaire n’est pas la même selon l’amplitude angulaire choisie (Huijing 1992). De plus, il n’y a pas besoin de solliciter le muscle dans des conditions excentriques et donc potentiellement traumatisantes pour revenir à la position de départ (MacIntyre et coll. 1995). Un objectif de ce travail (étude 2) a porté sur l’évaluation, dans des conditions isocinétiques, des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc chez le sujet lombalgique chronique à partir des relations moment-vitesse et puissance-vitesse. 36 La Lombalgie Relations force-vitesse et puissance-vitesse 6. Les relations force-vitesse et puissance-vitesse 6.1. Au niveau du muscle isolé Le système locomoteur humain met en jeu trois systèmes qui sont en interaction : un système rigide (les os), un système servant de lien (les articulations) et un système mobilisateur (les muscles). Le muscle est un tissu capable de générer une force et de la transmettre par transformation d’une énergie chimique en énergie mécanique. Le but pour le muscle est de se raccourcir (action concentrique) ou de s’opposer à son allongement (action excentrique). La connaissance structurelle du muscle permet de comprendre ses propriétés mécaniques. La myosine et l’actine constituent les protéines contractiles du muscle. L’organisation régulière des filaments d’actine et de myosine en sarcomère puis en myofibrille renforce le caractère contractile de la fibre musculaire. Le raccourcissement des fibres et le comportement mécanique des ponts d’union sont expliqués par Huxley (1957) sous le nom de « théorie des filaments glissants ». L’association en ponts d’union par glissement des filaments protéiques d’actine et de myosine les uns par rapport aux autres provoque le raccourcissement des fibres. Weber (1846) modélise les caractéristiques de la mécanique musculaire en assimilant le muscle en contraction à un simple ressort. Par la suite, Hill (1922) associe à ce ressort un élément visqueux en parallèle. Cependant, ce modèle n’est pas suffisant pour expliquer la tension de repos importante constatée lorsque le muscle est soumis à un étirement élevé. Modifié par Hill (1951), ce dernier propose un modèle à 3 composantes (Figure 16) : la composante contractile (CC) modélise le générateur de la force musculaire, c’est à dire les ponts d’union entre l’actine et la myosine ; la composante élastique série (CES) est composée d’une partie active constituée des ponts actine-myosine et d’une partie passive localisée dans les structures tendineuses du muscle ; la composante élastique parallèle (CEP) correspond aux tissus conjonctifs et sarcolemme, soit à l’enveloppe du muscle. 37 La Lombalgie Relations force-vitesse et puissance-vitesse Figure 16 : Modèle à trois composantes (d’après Shorten 1987). La force d’un groupe musculaire dépend de la longueur des muscles concernés. Cette performance est expliquée par la relation force-longueur qui est construite en connectant les points obtenus lors de contractions isométriques maximales à partir de différentes longueurs de repos. Cette relation applicable à chaque muscle reflète le comportement mécanique des fibres composant le muscle (Huijing 1992). Les pics de force (tension) développés sont fonction du nombre de ponts d’unions créés entre les filaments d’actine et de myosine de la fibre musculaire, ainsi que du degré de chevauchement de ces deux protéines contractiles. Ce qui explique pourquoi, on a moins de force lorsqu’une articulation est en extension ou flexion complète. Les chevauchements sont minimaux ou maximaux. La forme de la courbe force-longueur s’explique à partir des résultats obtenus sur une fibre isolée de grenouille (Gordon et coll. 1966). En accord avec les données ultérieures de Edman et Reggiani (1987), ces auteurs ont montré qu’une longueur de sarcomère de 2,05 et 2,0 m respectivement, correspond au maximum de ponts d’union entre les filaments d’actine et de myosine. Lorsque l’on s’éloigne de cette longueur, le nombre de ponts d’union diminue et la force produite n’est plus maximale. La composante contractile ou force active est une relation de type parabolique où la force atteint un maximum à une longueur optimale L0 (Figure 17). Cependant, la relation force-longueur croit à nouveau sur sa deuxième partie, c’est la contribution de la composante élastique parallèle, une force passive s’ajoute donc à la force active. Avant L0, c’est principalement la CC qui produit la force et après cette longueur optimale, c’est la CEP qui influence la relation. 38 La Lombalgie Relations force-vitesse et puissance-vitesse Figure 17 : Relation force-longueur globale (2) est le résultat de la contribution de la composante contractile (3) et de la composante élastique parallèle (1) (d’après Goubel et Lensel-Corbeil 2003). La force maximale que peut développer un muscle dépend aussi de la vitesse à laquelle il se raccourcit. Lorsque la vitesse est proche de zéro, c’est presque une action isométrique, induisant le développement d’une force maximale. Ensuite, lorsque la vitesse augmente, le sarcomère se raccourcit plus vite, le cycle d’attachement et détachement des ponts d’actines et de myosine est plus rapide. Cela implique qu’a chaque moment il y a moins de ponts créés et donc moins de force produite (Huxley 1957). L’établissement d’une relation force-vitesse permet d’estimer la vitesse maximum de raccourcissement d’un muscle. Cette relation exprime le fait que la vitesse de raccourcissement du muscle est dépendante de la force imposée. Cette relation de forme hyperbolique décroissante au niveau du muscle isolé, montre que le couple force et vitesse s’ajuste selon le modèle de Hill (1938) pour former une relation force-vitesse (Figure 18). Figure 18 : Exemple de relations force-vitesse (trait plein) et puissance-vitesse (pointillé) obtenues sur du muscle isolé (d’après Jones et coll. 2005). A vitesse nulle, le muscle produit un exercice isométrique, c’est la force maximale isométrique (F0). De même, la vitesse de raccourcissement lors d’une charge nulle sera notée 39 La Lombalgie Relations force-vitesse et puissance-vitesse V0. Ces deux paramètres caractéristiques peuvent être déduits de la relation force-vitesse et modélisés sous la forme : (F + a)(V + b) = (F0 + a)b = (V0 + b)a La force F s’exprime en newton (N), la vitesse de contraction V en mètre par seconde (m/s), les constantes a et b représentent respectivement, les dimensions d’une force et d’une vitesse. La valeur a/F0 caractérise la courbure de la relation force-vitesse. La puissance d’un muscle correspondant au produit de la force par la vitesse, elle peut être calculée à partir de la relation force-vitesse. Entre F0 et V0, le produit de la force par la vitesse détermine une relation polynomiale qui donne deux autres paramètres physiologiques, la puissance maximale (Pmax) et la vitesse optimale (Vopt). C’est donc la valeur a/F0 de la relation force-vitesse qui influencera directement les valeurs de Pmax et Vopt. Si le muscle montre une courbure très incurvée pour la relation force-vitesse, la puissance développée sera faible. La relation force-vitesse et par conséquent la relation puissance-vitesse sont influencées par plusieurs facteurs. Le type de fibres composant le muscle est un premier facteur. Dès 1967, Barany montre que l’activité ATPasique de la myosine influence la vitesse de raccourcissement de la fibre musculaire et que cela doit être observable à la fois sur le muscle entier et la fibre isolée. Les travaux de Brooke et Kaiser (1970) confirment ces idées et démontrent, à partir de la coloration de l’ATPase myofibrillaire, qu’il existe 3 types de fibres dans le muscle squelettique humain : I (lentes), IIa (intermédiaires), IIb (rapides), présentant les mêmes relations force-vitesse et puissance-vitesse avec des paramètres de F0, V0, Pmax et Vopt différents au niveau du muscle in-situ de ceux mesurés in-vivo (Figure 19). 40 La Lombalgie Relations force-vitesse et puissance-vitesse Figure 19 : Exemple de relation force-vitesse, puissance-vitesse pour des fibres de type I (triangle et trait plein respectivement) et pour des fibres de type IIb (rond et pointillés, respectivement) (d’après Bottinelli et coll. 1996). La vitesse de raccourcissement d’un muscle composé de fibres de type II est deux fois plus élevée que celle d’un muscle composé de fibres de type I (Close 1964). Les fibres rapides présentent une vitesse de raccourcissement à charge nulle 3 à 5 fois supérieure à celle des fibres lentes (Barany 1967). V0 dépend également de la température ainsi que de la longueur des sarcomères (Jones et coll. 2005 ; Minajeva et coll. 2002 ; Edman 1979). 6.2. Lors du mouvement d’extension L’évaluation isocinétique d’un groupe musculaire permet d’obtenir plusieurs caractéristiques fonctionnelles du sujet : les pics de moment et de puissance, le moment moyen, la puissance moyenne absolues (en Nm pour les moments, et en W pour les puissances) ou relatives (rapportées à la masse du sujet, Nm/kg). La littérature rapporte que le moment maximal est la variable la plus précise, la plus fiable et la plus reproductible des valeurs mesurées lors d’un mouvement isocinétique (Kannus 1992 ; Sapega 1990 ; Bemben et coll. 1988), Kannus (1994) montre également que les autres variables pouvant être obtenues lors de l’exercice isocinétique (la puissance, le travail…) sont aussi fiables que les données obtenues pour le pic de moment. L’obtention de plusieurs pics de moment pour plusieurs vitesses angulaires permet d’établir outre un bilan musculaire précis, une relation entre le moment et la vitesse pour le groupe musculaire évalué, et ainsi compléter l’exploration diagnostique du sujet par différentes variables musculaires. 41 La Lombalgie Relations force-vitesse et puissance-vitesse Ces différents paramètres obtenus lors de la détermination des relations moment-vitesse et puissance-vitesse au cours du mouvement isocinétique permettent de quantifier le niveau de puissance qu’un groupe musculaire est capable de produire. En associant des mesures isométriques et dynamiques lors d’un mouvement mono-articulaire, Thorstensson et coll. (1976) tentent de décrire des relations moment-vitesse de forme hyperbolique (Figure 20). Obtenues avec des sujets masculins devant réaliser une extension maximale du genou lors d’une prise de mesure isométrique d’une part, et des mesures réalisées à différentes vitesses dans des conditions isocinétiques d’autre part, ces mesures unissent deux modes d’activation musculaire différents (Murphy et Wilson 1996). Si on ne s’intéresse qu’au mouvement réalisé dans des conditions dynamiques, la relation observée n’est plus de forme hyperbolique mais se rapproche d’une forme linéaire. Ce même type de comportement se retrouve dans l’association de mesures réalisées dans des conditions isométriques ainsi qu’iso-inertielles d’extension du genou (Tihanyi et coll. 1982). L’évaluation dynamique menée contre différentes charges, montre une relation plutôt de forme linéaire entre le moment et la vitesse. Figure 20 : Relation Moment-Vitesse lors de contractions isocinétiques (d’après Thorstensson et coll. 1976). Depuis plusieurs années, différentes études ont montré des relations linéaires entre le moment et la vitesse pour des mouvements mono-articulaires lors de contractions iso-inertielles (Rahmani et coll. 1999) ou isocinétiques (Caiozzo et coll. 1981 ; Perrine et Edgerton 1978 ; Thorstensson et coll. 1976). Cette forme linéaire de la relation a également été obtenue pour 42 La Lombalgie Relations force-vitesse et puissance-vitesse des mouvements pluri-articulaires en condition iso-inertielle (Rahmani et coll. 2004 ; Izquierdo et coll. 2002 ; Rahmani et coll. 2001 ; Seck et coll. 1995 ; Bosco et coll. 1995 ; Vandewalle et coll. 1987) et isocinétique (McCartney et coll. 1983 ; Sargeant et coll. 1981). Cette relation linéaire suit le même schéma que celle décrite par Hill, le moment diminue avec l’augmentation de la vitesse. Elle permet de déterminer les mêmes paramètres musculaires : le moment maximal isométrique théorique M0, qui correspond à l’intersection de la relation avec l’axe de moment ainsi que la vitesse maximale de contraction pour une charge nulle V0, correspondant à l’intersection de la relation avec l’axe de vitesse. Cette relation linéaire est de type : M = M0 . 1 V V0 Où M représente le moment mesuré en Newton-mètre (Nm) et V la vitesse préréglée pour les appareils isocinétiques (en °/s). La puissance est le résultat du produit entre le moment et la vitesse. La relation entre le moment et la vitesse étant linéaire, cela induit une relation polynomiale du second degré entre la puissance et la vitesse (Rambaud et coll. 2008 ; Rahmani et coll. 2001 ; Bosco et coll. 1995 ; Sargeant et coll. 1981) (Figure 21). Cette relation polynomiale coupe l’axe des abscisses aux deux points caractéristiques de la relation force-vitesse (M0 et V0), la relation puissance-vitesse est ainsi nulle pour ces valeurs. Entre ces deux valeurs, la courbe de puissance-vitesse atteint une puissance maximale (Pmax) correspondant à une vitesse de contraction optimale (Vopt). 43 La Lombalgie Relations force-vitesse et puissance-vitesse Figure 21 : Exemple de relation Force-Vitesse (losange) et Puissance-Vitesse (cercle) obtenues durant un exercice d’extension de la jambe avec (symboles noirs) et sans (symboles blancs) prise en compte de l’inertie (d’après Rahmani et coll. 1999). Les relations entre le moment et la vitesse obtenues in vivo lors de la contraction d’un système pluri articulaire chez l’Humain, sont linéaires alors qu’elles sont hyperboliques pour le muscle isolé. Plusieurs facteurs permettent d’expliquer cette différence. Que ce soit lors d’exercices mono- ou pluri-articulaires, le mouvement n’est pas effectué par un seul muscle mais par un ou plusieurs groupes musculaires, il est donc soumis à une variation des bras de levier et de l’angle articulaire. De plus, le muscle humain in situ atteint des vitesses de contraction moindres que lors de conditions in vitro. En relation avec l’influence de la composition en fibres du muscle, il est possible d’influencer la relation moment-vitesse et notamment la pente de la relation (Thorstensson et coll. 1976). En effet, la relation moment-vitesse et par conséquent puissance-vitesse peut être modifiée avec un entraînement approprié. Caiozzo et coll. (1981) montrent avec un entraînement sur un ergomètre isocinétique concernant les extenseurs du genou qu’il est possible de faire varier cette relation moment-vitesse. Mais cette relation peut également être modifiée avec un travail isométrique. Kaneko et coll. (1983) sur les fléchisseurs du coude et Duchateau et Hainaut (1984) sur les adducteurs du pouce montrent un gain des valeurs de F0, V0 et Pmax quel que soit le type d’entraînement des sujets, isométrique ou dynamique. Les variations dans les paramètres musculaires obtenus peuvent s’expliquer et être mis en relation avec la composition en fibres du groupe musculaire évalué. Le muscle étant composé de fibres ayant différentes propriétés contractiles, Thorstensson et coll. (1976) ont montré que la répartition des différents types de fibres dans le muscle 44 La Lombalgie Relations force-vitesse et puissance-vitesse influence la pente de la relation moment-vitesse. Plus la pente est importante, plus M0 est grand et plus V0 est faible indiquant que le muscle étudié contient un pourcentage de fibres lentes (type I) important. Si la relation moment-vitesse se déplace vers la droite, c’est que le muscle étudié est majoritairement constitué de fibres rapides, induisant des valeurs de F0, V0 et Pmax plus importantes (Tihanyi et coll. 1982). Ainsi, la composition en fibres du muscle influencera la pente de la relation moment-vitesse et les paramètres qui y sont associés. La bicyclette à courroie de distribution et volant d’inertie a été utilisée pour montrer que différentes populations de sportifs, les sprinters, les coureurs de demi fond et les coureurs de 100 km, qui demandent respectivement des caractéristiques de puissance et d’endurance différentes n’obtiennent pas des valeurs de puissance maximale et de vitesse optimale identiques. Les valeurs de Pmax et de Vopt des sprinteurs sont supérieures à celles des coureurs de demi fond qui sont également supérieures à celle de coureurs de 100 km (Arsac et coll. 1995). Hautier et coll. (1996) ont confirmé l’idée que les paramètres musculaires obtenus avec la relation puissance-vitesse sont influencés par le pourcentage de fibres rapides dans le groupe musculaire considéré. 45 Buts de l’étude La Lombalgie 7. Buts de l’étude Dans le domaine de la rééducation, les relations moment-vitesse et puissance-vitesse obtenues lors du travail isocinétique sont bien documentées mais restent souvent limitées au membre inférieur. Le premier objectif de ce travail a été de mettre en place un protocole d’évaluation des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc dans des conditions isocinétiques afin 1) d’établir des relations moment-vitesse et puissance-vitesse de ces groupes musculaires, et 2) de décrire l’allure de ces relations. Ce premier objectif atteint, ce protocole de mesure a ensuite été appliqué à des sujets souffrant de lombalgie chronique pour 1) voir si les relations étaient influencées par la pathologie puisque celle-ci touche les muscles du tronc et 2) comparer les capacités musculaires des sujets lombalgiques à celles de sujets sains pour identifier le(s) paramètre(s) musculaire(s) le(s) plus influencé(s) par la pathologie. Enfin, une troisième étude avait pour but d’étudier l’intérêt de l’évaluation des relations moment-vitesse et puissance-vitesse des muscles du tronc par rapport aux évaluations classiques (Ito, Sorensen, 1-RM, Soulever de charge) dans le programme de renforcement musculaire de trois semaines proposé au centre de l’Arche. 46 Etude 1 ETUDE 1 Relations moment-vitesse et puissancevitesse des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc Mickaël Ripamonti, Denis Colin, Abderrahmane Rahmani (2008) Torque–velocity and power–velocity relationships during isokinetic trunk flexion and extension. Clinical Biomechanics, 23(5): 520-526. Mickaël Ripamonti, Denis Colin, Abderrahmane Rahmani (2005) Mise en place d’un protocole d’évaluation des muscles du tronc dans des conditions isocinétiques. XXVème Congrès National Scientifique de la Société Française de Médecine du Sport, Saint Etienne. 47 Etude 1 Introduction 1. Introduction Depuis de nombreuses années, les appareils isocinétiques sont utilisés pour caractériser les aptitudes musculaires des individus aussi bien dans le domaine sportif (Fry et coll. 1991) que clinique (Pocholle et Codine 1998). Les relations moment-vitesse et puissance-vitesse exploitées pour les membres inférieurs et supérieurs chez l’être humain lors de l’exercice isocinétique (Valour et coll. 2003 ; Seck et coll. 1995), n’ont pas été établies pour les muscles du tronc. Ce type de relation présente un intérêt pour des patients en centre de rééducation et peut s’avérer utile pour l’évaluation de leurs aptitudes physiques (force, vitesse, et donc puissance) dans un environnement sécurisé. Par exemple, l’extrapolation à partir de ces relations du moment maximal qu’un individu est capable de développer affranchit le clinicien d’une évaluation de la force contre des résistances trop importantes. De plus, la comparaison des relations pré- et post-rééducation est un moyen qui nous renseigne de manière fiable sur l’efficacité du programme de renforcement musculaire. Enfin, les patients lombalgiques constituent une population hétérogène en termes d’âge, de sexe, et de capacités physiques. La description des relations moment-vitesse et puissance-vitesse devrait rendre possible l’individualisation du suivi du patient car les données recueillies reflètent ses caractéristiques musculaires. Le but de cette étude est i) de montrer qu’il est possible d’établir des relations moment-vitesse et puissance-vitesse pour les muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc lors d’un exercice isocinétique ; ii) d’établir les précautions à prendre pour que ces relations soient fiables et représentatives des capacités musculaires d’un individu. 48 Etude 1 Matériels et méthodes 2. Matériels et méthodes 2.1. Sujets Neuf sujets de sexe masculin (âge : 26 11 ans ; taille : 1,76 0,19 m ; masse corporelle : 75 15 kg) indemnes de lombalgie ou de problèmes au dos ont participé à cette étude. Après une période de familiarisation avec l’appareil isocinétique utilisé le jour de l’évaluation et quelques répétitions à vitesses rapides, un consentement éclairé est signé par le sujet et le protocole expérimental expliqué. 2.2. Systèmes de mesure Toutes les mesures isocinétiques sont effectuées sur l’ergomètre Biodex système 1 (model 900-240, Biodex Corporation, Shirley, NY, USA) (Figure 22) du Centre de rééducation et réadaptation fonctionnelle de l’Arche. Elles sont ensuite enregistrées sur l’ordinateur relié au système de mesure (PC 486 DX2, 66 Mhz) via une carte d’acquisition échantillonnée à une fréquence de 100 Hz (Biodex Medical Systems Inc. X2151, Shirley, NY, USA). Figure 22 : Dynamomètre isocinétique BIODEX système 1. 49 Etude 1 Matériels et méthodes Le sujet est assis sur un fauteuil rembourré et articulé dont l’assise est stable et le dossier mobile (Figure 23). Cette partie est asservie au moteur situé à la droite du sujet, qui lui-même est relié au système informatique. Situé à la gauche du sujet, le moniteur permet un rétrocontrôle visuel après l’achèvement de chaque série. En effet, chaque répétition étant représentée par une couleur, cela permet de pouvoir discuter avec le sujet de son ressenti et de repérer directement sur les courbes les différentes étapes de son effort. Figure 23 : Module d’évaluation du tronc. Le sujet est assis sur le fauteuil (Figure 24) de manière à ce que l’axe de rotation du dossier soit au regard de la face postéro-externe de ses crêtes iliaques. Le dossier est pourvu de coussins lombaire et thoracique ainsi que d’un appui-tête ajustable, permettant une installation confortable du sujet. Le fauteuil est également muni de cale-pieds réglables en hauteur afin de limiter l’utilisation des membres inférieurs. L’angle défini entre la cuisse et la jambe est de 15° par rapport à la ligne médiane de la cuisse (Smith et coll. 1985). Pour éviter toute compensation, l’assise est dotée de deux sangles velcro au niveau des cuisses afin de 50 Etude 1 Matériels et méthodes solidariser les membres inférieurs au fauteuil lors de la réalisation des différentes séries. Le dossier est également pourvu de sangles ajustables, au niveau des épaules du sujet. Celles-ci permettent de solidariser le tronc au dossier afin de limiter au maximum le décollement des épaules lors des mouvements de flexion-extension. L’utilisation du module tronc pour l’évaluation des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc permet de modéliser le tronc par un segment corporel rigide, et la hanche par une liaison pivot. Nous émettons les hypothèses qu’il ne doit pas y avoir d’enroulement au niveau de la colonne vertébrale, ou de manière négligeable, et que les mouvements horizontaux du tronc sont négligeables. Pour cela, les sujets tiennent les sangles avec leurs mains au niveau des épaules, sans croiser les bras, pour former un bloc. Les bras ne doivent pas être en tension, la tête du sujet est droite et repose sur l’appui tête. Figure 24 : Position de départ du protocole isocinétique. 51 Etude 1 Matériels et méthodes 2.3. Protocole expérimental Le protocole s’est déroulé en plusieurs temps. Le premier temps correspondait à une explication du déroulement de l’expérimentation aux sujets. Lors de cette session, ceux-ci ont pu se familiariser à l’appareillage et au mouvement à effectuer lors de l’évaluation. Un consentement éclairé a également été signé à la fin de cette session. La deuxième séance correspondait à la prise de mesure des muscles fléchisseurs du tronc. Elle débutait par un échauffement standardisé composé de séries de flexions-extensions à 300, 200 et 150°/s. Chaque sujet a réalisé respectivement 20, 15 et 10 répétitions sous-maximales aux différentes vitesses. Entre chacune de ces séries, le sujet respectait un repos de 3 minutes minimum. L’évaluation des muscles fléchisseurs était réalisée 10 minutes après l’échauffement. Les sujets devaient alors effectuer une série de flexions-extensions à 6 vitesses différentes (120, 105, 90, 75, 60 et 45°/s). Les flexions-extensions à chacune des vitesses étaient espacées de 3 minutes de repos au minimum. Le troisième temps d’expérimentation correspondait à l’évaluation des muscles extenseurs. Cette session de mesure intervenant après un intervalle de 2 jours au maximum. Le protocole appliqué était identique à celui des muscles fléchisseurs du tronc afin de comparer les deux groupes musculaires dans les mêmes conditions. Au cours des séries, seule la phase concentrique du groupe musculaire étudié était prise en compte. La phase de retour excentrique s’effectuait sans effort à une vitesse angulaire fixée à 300°/s, ainsi le sujet n’avait pas d’effort à fournir et ne rencontrait aucune résistance. Deux essais étant suffisants pour atteindre la performance maximale aux vitesses lentes (Mawdsley et Knapik 1982), les sujets ont réalisé trois répétitions successives aux vitesses de 45, 60 et 75°/s. Aux vitesses « modérées » (90, 105, 120°/s), la performance étant améliorée après les 2 ou 3 premiers essais (Osternig 1986), les patients ont réalisé 5 essais successifs. Entre chaque contraction, le sujet devait respecter un temps d’arrêt de 1 seconde afin d’éviter l’utilisation 52 Etude 1 Matériels et méthodes de la phase excentrique précédant la contraction. Sur la figure 27 présentant un exemple des courbes de moment et de vitesse angulaire au cours d’une série d’extensions du tronc, on peut constater que pendant la phase de retour (flexion dans ce cas), le moment produit par le sujet est nul, ce qui montre son relâchement total. L’amplitude totale de travail angulaire était de 60°, avec un angle de départ de 90° entre le tronc et le membre inférieur pour atteindre un angle final de 30° vers l’avant. Le protocole devant être appliqué aux patients lombalgiques, cette amplitude de mouvement permet d’éviter aux sujets de se retrouver dans une zone de travail pouvant occasionner des douleurs. Le protocole d’évaluation débutait par les muscles fléchisseurs du tronc pour éviter aux sujets, et plus particulièrement aux sujets lombalgiques, une trop grande appréhension de l’exercice à réaliser. Des encouragements verbaux ont été lancés tout au long du test pour que les sujets réalisent une contraction la plus rapide et la plus forte possible à chaque mouvement. 2.4. Acquisition des données Pour éviter toute surestimation des mesures de force et obtenir des données fiables, le poids du sujet ainsi que celui du bras de levier ont été déterminés avant l’évaluation. L’estimation de ces poids était effectuée à partir d’une position standard du sujet, qui restait immobile et relâché, grâce à une procédure automatique du système isocinétique. Les données étaient alors enregistrées, échantillonnées à 100Hz via une carte interface (Biodex Medical Systems Inc. X2151, Shirley, NY, USA). L’analyse des données n’a pas été réalisée à partir des données fournies automatiquement par l’ergomètre isocinétique, mais à partir des valeurs instantanées (valeurs brutes) récupérées dans le système de mesure. La phase de travail (phase active) au cours de laquelle les sujets travaillaient réellement à la vitesse constante préréglée était alors déterminée (Figure 25). La puissance instantanée était alors obtenue par calcul du produit de la vitesse de mesure par le moment. Pour chaque vitesse, l’essai pour lequel le moment 53 Etude 1 Matériels et méthodes maximal était le plus important était considéré comme le meilleur essai et était utilisé pour l’analyse des données. Le moment maximal correspondant à cet essai ainsi que la puissance calculée étaient alors recueillis pour tracer les relations moment-vitesse et puissance-vitesse. Moment (Nm), Vitesse (°/s) 300 Moment Phase active 250 200 150 Vitesse 100 50 0 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 - 50 - 100 Temps (ms) Figure 25 : Exemple d’évolution du moment (trait gras) et de la vitesse (trait fin) en fonction du temps au cours d’une série d’extensions du tronc à 75°/s. 2.5. Relation moment-vitesse et puissance-vitesse Les relations moment-vitesse angulaire et puissance-vitesse angulaire ont été tracées à partir des six mesures réalisées aux vitesses préréglées. Pour les muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc, le moment pic (Mpic) et la puissance pic (Ppic) recueillis pour chaque vitesse angulaire ont été utilisés pour tracer respectivement, les relations moment-vitesse et puissance-vitesse. La relation moment-vitesse a été définie par une relation linéaire. L’utilisation d’un modèle non linéaire n’augmente pas significativement la valeur de corrélation de cette relation. Le moment maximal isométrique (M0) et la vitesse maximale de contraction à vide (V0) correspondant à l’intersection de la relation linéaire avec, respectivement, l’axe du moment et de la vitesse ont été extrapolés à partir de l’équation de la régression. L’angle pour lequel le moment maximal était atteint a également été identifié. 54 Etude 1 Matériels et méthodes La relation puissance-vitesse a été décrite par une relation polynomiale du second ordre. A partir de cette relation, la puissance maximale (Pmax) et la vitesse optimale (Vopt) correspondante ont été extrapolées. Les valeurs de moment et de puissance ont été exprimées par rapport à la masse corporelle de l’individu, soit, respectivement en Nm/kg et W/kg. 2.6. Analyse statistique Les données sont présentées sous forme de moyenne et d’écart type (X (ET)). Toutes les relations présentées ont été décrites par des régressions linéaires ou polynomiales, avec un coefficient de corrélation (r) et un seuil de significativité (p). Ce seuil de significativité a été fixé à p < 0,05. Une analyse ANOVA pour mesures répétées a été utilisée pour comparer les angles auxquels les moments maximaux sont associés. Si une différence significative était démontrée, un test a posteriori de Tukey était alors appliqué pour déterminer la ou les vitesses pour lesquelles ces différences apparaissaient. 55 Etude 1 Résultats 3. Résultats 3.1. Données mécaniques Les valeurs des moments maximaux (Mpic), des puissances maximales (Ppic) et des angles pour lesquels ces valeurs sont obtenues aux différentes vitesses angulaires sont présentées dans le tableau 1. Le moment pic intervient au début de la contraction musculaire pour les muscles fléchisseurs (entre 70-80°) et extenseurs (entre 40-50°) du tronc. Quel que soit le groupe musculaire considéré, plus la vitesse angulaire est faible et plus le moment maximal et la puissance maximale sont obtenus précocement au cours de l’effort. Les angles correspondant à chacune des vitesses angulaires ne sont pas significativement différents entre deux vitesses consécutives sauf pour la vitesse de 120°/s qui est différentes d’avec la vitesse de 105°/s pour les deux groupes musculaires. Tableau 1 : Moment maximal (Mpic), puissance maximale (Ppic) et angle pour lequel les valeurs maximales sont atteintes pour chaque vitesse angulaire. L’écart type est présenté entre parenthèses. Fléchisseurs Extenseurs Vitesse angulaire (°/s) Mpic (Nm/kg) Ppic (W/kg) Angle (°) Mpic (Nm/kg) Ppic (W/kg) Angle (°) 120 1,9 (0,21) 4,1 (0,43) 69 (4) 3,3 (1,09) 7,1 (2,27) 50 (7) 105 2,3 (0,45) 4,3 (0,83) 73 (4) 4,3 (1,03) 7,8 (1,90) 46 (4) 90 2,4 (0,47) 3,9 (0,73) 76 (3) 4,6 (0,91) 6,9 (1,42) 44 (4) 75 2,5 (0,52) 3,3 (0,68) 79 (2) 4,7 (0,75) 5,9 (0,98) 41 (3) 60 2,6 (0,51) 2,7 (0,53) 81 (2) 4,8 (0,73) 4,8 (0,76) 39 (3) 45 2,8 (0,55) 2,2 (0,43) 83 (2) 4,6 (0,66) 3,6 (0,52) 38 (3) 56 Etude 1 Résultats 3.2. Les relations moment-vitesse angulaire Cinq sujets n’ayant pas réussi à atteindre 120°/s lors des flexions du tronc, les données pour cette vitesse angulaire n’ont pas été prises en compte. Cependant, les relations momentvitesse obtenues pour les muscles fléchisseurs du tronc étaient linéaires pour le groupe entier (r = 0,97, p < 0,001), et pour chacun des sujets (r = 0,96-0,99, p < 0,01) (Figure 26). Les valeurs de M0 et V0 extrapolées à partir des relations moment-vitesse étaient respectivement 4,5 4,7 Nm/kg et 263,9 153°/s. Pour les muscles extenseurs du tronc, tous les sujets ont réussi à atteindre les six vitesses préréglées. Les relations moment-vitesse obtenues sont linéaires pour le groupe entier (r = 0,96, p < 0,001) et pour chacun des sujets (r = 0,82-0,97, p < 0,05) (Figure 27). Les valeurs de M0 et V0 extrapolées à partir des relations moment-vitesse sont respectivement 6,34 Nm/kg et 294,1 1,2 81,3°/s. Figure 26 : Exemple sur un sujet de relations moment-vitesse et puissancevitesse pour les muscles fléchisseurs du tronc. . Si les muscles extenseurs du tronc sont évalués à la suite du groupe des fléchisseurs, en respectant un temps de repos d’au moins 10 minutes entre les deux évaluations, la relation 57 Etude 1 Résultats moment-vitesse n’est plus linéaire mais polynomiale du second degré pour le groupe entier (r = 0,98, p < 0,03) et pour chacun des sujets (r = 0,91-0,99, p < 0,05) (Figure 28). La relation semble s’aplanir dans les vitesses lentes pour tous les sujets. Les moments mesurés pour les deux vitesses les plus lentes (i.e. 45 et 60°/s) ne montrent pas de différence significative. Figure 27 : Exemple sur un sujet de relations moment-vitesse et puissance-vitesse pour les muscles extenseurs du tronc. 3.3. Les relations puissance-vitesse angulaire Les relations puissance-vitesse sont décrites par des relations polynomiales du second ordre pour les muscles fléchisseurs du tronc pour le groupe entier (r = 0,99, p < 0,05) et pour chaque sujet (r = 0,96-0,99, p < 0,05). Les valeurs de Pmax et Vopt extrapolées étaient respectivement 4,47 1,83 W/kg et 171,1 86,8°/s. Lors du mouvement d’extension, les relations puissance-vitesse sont également de forme polynomiale du second degré pour le groupe entier (r = 0,99, p < 0,05) et pour chacun des sujets (r = 0,98-0,99, p < 0,05). Les valeurs de Pmax et Vopt extrapolées étaient alors respectivement 7,75 1,72 W/kg et 146,82 72,6°/s. Pour les deux groupes musculaires, les 58 Etude 1 Résultats relations ne présentaient que la partie ascendante de la relation. Cependant, quel que soit le groupe musculaire considéré, la valeur de Pmax extrapolée à partir de l’équation de la régression n’était significativement pas différente de la puissance mesurée à la vitesse de 120°/s. Figure 28 : Exemple sur un sujet de relations moment-vitesse et puissancevitesse pour les muscles extenseurs du tronc après l’évaluation des fléchisseurs du tronc. 59 Etude 1 Discussion 4. Discussion 4.1. Données mécaniques Les valeurs des moments maximaux pour les mouvements de flexion et d’extension du tronc obtenues dans cette étude sont en accord avec celles rapportées dans la littérature (Kolyniak et coll. 2004 ; Woodhouse et coll. 1993). Les résultats montrent également que l’angle pic correspondant au moment pic augmente lorsque la vitesse angulaire diminue (Tableau 1). Ces résultats sont aussi en accord avec la littérature (Osternig 1986 ; Thorstensson et coll. 1976). Thorstensson et coll. (1976) montrent sur un mouvement isocinétique d’extension du genou, que le temps pour atteindre le moment maximal augmente avec la vitesse angulaire. Ce phénomène peut vraisemblablement être attribué à une période d’accélération plus longue lors de l’augmentation de la vitesse (Osterning 1986). Dans notre étude, les valeurs pics des moments sont atteintes pour des angles d’environ 77 5° lors du mouvement de flexion et 43 5° lors du mouvement d’extension. Ces résultats sont en ligne avec ceux de Langrana et Lee (1984) obtenus dans des conditions isocinétiques réalisées dans une position assise. Il est intéressant de noter que l’angle d’apparition du moment pic lors du mouvement d’extension dans notre étude, correspond à l’angle mesuré par Larivière et coll (2002) lors d’un exercice de soulever de charges (43 7°). On peut supposer que l’angle obtenu pour le mouvement de flexion dans le cas de notre protocole pourrait correspondre à l’angle de fin de réalisation d’un exercice de soulever de charges. Il peut s’avérer intéressant de vérifier cette hypothèse dans le cas des patients lombalgiques. En effet, la similarité des angles peut donner une orientation du travail d’amplitude pour la rééducation musculaire des patients. Un travail de renforcement musculaire autour de l’angle pour lequel les patients sont capables de produire le plus de force possible pourrait venir en complément d’un travail sur une amplitude complète. 60 Etude 1 Discussion On peut également remarquer que lorsque l’angle auquel ce moment pic est obtenu est exprimé par rapport à la position de départ (i.e., 90° et 30° par rapport à l’axe horizontal, respectivement pour les muscles fléchisseurs et extenseurs), sa valeur moyenne est de 13 5° pour les deux groupes musculaires. Ce résultat est en accord avec de précédentes études qui ont montré que la force maximale était toujours atteinte au même angle articulaire lors d’un mouvement mono-articulaire d’extension du genou (Häkkinen et coll. 1987) ou pluriarticulaire de demi squat (Rahmani et coll. 2001), quelle que soit la masse soulevée. Ceci doit attirer l’attention sur le fait que l’évaluation musculaire des patients lombalgiques inclus dans un programme de restauration fonctionnelle du rachis est réalisée à partir des tests isométriques de Shirado et de Sorensen (Poiraudeau et coll. 2007), sans réelle standardisation de l’angle d’exécution. La détermination des angles auquel le moment maximal est obtenu doit permettre une évaluation plus efficace dans des conditions isométriques. En effet, Murphy et coll. (1995) ont montré que l’angle le plus pertinent pour évaluer le moment dans des conditions isométriques doit correspondre à l’angle pour lequel le moment maximal est obtenu dans des conditions dynamiques. 4.2. Les relations moment-vitesse angulaire Les relations moment-vitesse établies pour les muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc (Figure 28 et 29) sont en accord avec celles obtenues lors de contractions isocinétiques (Seck et coll. 1995) ou iso-inertielles (Rahmani et coll. 2001) sur les membres inférieurs et supérieurs (Driss et coll. 1998). Elles permettent donc de déterminer précisément les caractéristiques mécaniques des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc à partir des paramètres mécaniques décrits précédemment (i.e. M0, V0, Pmax et Vopt). Il est important de noter que tous les sujets n’ont pas atteint la vitesse de 120°/s lors du mouvement de flexion du tronc. On peut supposer que cette vitesse angulaire est trop élevée par rapport au seuil de 61 Etude 1 Discussion réaction du muscle de certains sujets car les muscles du tronc sont principalement des muscles posturaux (Moffroid 1997), jamais utilisés dans ces conditions d’exercice. Cependant, cela n’affecte pas la linéarité de la relation, qui reste statistiquement significative. Par contre, l’évaluation des muscles extenseurs du tronc lors de la même session que les fléchisseurs révèle une relation moment-vitesse non plus linéaire mais polynomiale du second ordre (Figure 30). Ce type de relation est comparable à celles obtenues dans certaines études au cours d’extensions du genou (Froese et Houston 1985 ; Perrine et Edgerton 1978). Ces études n’expliquaient ces relations que par le manque de confort possible rencontré par les sujets (Perrine et Edgerton 1978). Dans notre cas, on peut imputer ce résultat à un phénomène de fatigue musculaire même avec un temps de repos suffisant (10 minutes) entre l’évaluation des deux groupes musculaires. De plus, on ne note aucune différence significative entre les moments de force des muscles extenseurs mesurés aux vitesses les plus lentes. Spendiff et coll. (2002) ont montré que la fatigue induisait une diminution des valeurs des pics de force. Les mesures des muscles extenseurs à 45 et 60°/s sont les deux dernières mesures après une série de 10 mesures (6 en flexion et 4 en extension). On peut alors comprendre que les sujets subissent aussi bien une fatigue physique qu’une baisse de motivation. L’évaluation de la fatigue musculaire aux moyens d’électrodes électromyographiques, n’a pu être envisagée. En effet, les mouvements d’extension sollicitent principalement des muscles profonds, difficilement identifiables par de l’électromyographie de surface. De plus, la partie lombaire repose sur un coussin ne permettant pas la pose des électrodes. Enfin, la randomisation des mesures n’a pas été envisagée car l’évaluation doit être pratiquée à une population de patients lombalgiques chroniques. L’évaluation de ce type de patient doit débuter avec les muscles les moins atteints (les fléchisseurs du tronc) et les vitesses induisant le moins de résistance (i.e. les vitesses élevées). Ceci dans le but de rassurer le patient et de le placer dans de bonnes conditions de réalisation du protocole. 62 Etude 1 Discussion Par conséquent, l’évaluation des muscles du tronc doit être réalisée avec précaution, et conduit à évaluer les deux groupes musculaires sur des sessions effectuées sur deux jours différents. 4.3. Les relations puissance-vitesse angulaire Les relations puissance-vitesse établies pour les muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc (Figures 28 et 29) sont polynomiales du second ordre, conformément à celles rapportées dans la littérature (Rahmani et coll. 2001 ; Taylor et coll. 1991). Néanmoins, les relations puissance-vitesse obtenues pour les muscles du tronc ne sont décrites que dans la partie ascendante de la relation. Ce résultat est conforme à ceux rapportés sur d’autres mouvements tels que le squat (Rahmani et coll. 2001) ou le développé couché (Rambaud et coll. 2008). Le point commun de ces différents mouvements, tout comme les mouvements de flexion et d’extension du tronc est de faire intervenir plusieurs groupes musculaires. L’association de ces différents groupes musculaires peut expliquer une relation puissance-vitesse incomplète. Ce n’est, par exemple, pas le cas d’un mouvement mono-articulaire tel que l’extension des genoux pour lequel un seul groupe musculaire intervient, et pour lequel la relation puissancevitesse est décrite complètement (Rahmani et coll. 1999). La valeur de Pmax ne peut alors être déterminée qu’à partir de l’équation des polynômes d’ordre deux. Ce résultat suppose qu’il faudrait étendre la gamme de mesure à des vitesses élevées. Or, pour les muscles fléchisseurs du tronc, nous avons observé que plusieurs sujets n’étaient pas capables d’atteindre la plus grande vitesse programmée dans notre étude (120°/s). Dans une précédente étude, Chandelier (2003) avait tenté d’évaluer le moment isocinétique sur des patients lombalgiques à des vitesses supérieures à 120°/s. Aucun patient n’a pu atteindre cette vitesse. Cependant, dans notre étude, la détermination de Pmax à partir de l’extrapolation de la courbe ne montre aucune différence significative avec la puissance 63 Etude 1 Discussion obtenue à 120°/s chez les patients qui ont pu atteindre cette vitesse angulaire. On peut dès lors considérer cette Pmax comme acceptable. Dans tous les cas, la relation significativement linéaire des relations force-vitesse nous autorise également à estimer la Vopt et la Pmax comme l’ont fait d’autres auteurs (Yamauchi et coll. 2009, Vandewalle et coll. 1987), à savoir : Vopt= ½ V0 et Pmax = ½ V0 x ½ M0. 5. En résumé Cette étude a permis de mettre en place un protocole d’évaluation des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc dans des conditions isocinétiques et d’établir des relations moment-vitesse et puissance-vitesse pour ces deux groupes musculaires. Pour éviter les phénomènes de fatigue et obtenir des paramètres musculaires fiables, les groupes musculaires doivent être évalués lors de deux sessions différentes. 64 Etude 2 ETUDE 2 Relations moment-vitesse et puissancevitesse des muscles du tronc des patients lombalgiques : la puissance maximale comme indicateur de la lombalgie Mickaël Ripamonti, Denis Colin, Abderrahmane Rahmani (2010) Maximal power of trunk flexor and extensor muscles as a qualitative indicator of low back pain.Soumis The Spine Journal. Mickaël Ripamonti, Denis Colin, Denis Schmidt, Michel Ritz, Abderrahmane Rahmani (2009) Isokinetic evaluation of trunk muscles in healthy and low back pain subjects. XXXIVème Congrès annuel de la Société de Biomécanique, Toulon. Computer Methods in Biomechanics and Biomedical Engineering, 12(Suppl. 1), 215-216 65 Etude 2 Introduction 1. Introduction L’évaluation des muscles du tronc a déjà été réalisée avec des appareils isocinétiques (Akebi et coll. 1998 ; Grabiner et Jeziorowski 1992 ; Shirado et coll. 1992). L’adaptation de la résistance au cours du mouvement permet une mesure dans des conditions optimales de sécurité, même dans un contexte pathologique (Croisier 1996 ; Gleeson et Mercer 1996 ; Perrin 1993). Comme nous l’avons déjà signalé (cf. Evaluation isocinétique des muscles du tronc, page 36), plusieurs études ont utilisé les appareils isocinétiques pour estimer le ratio extenseurs-fléchisseurs des muscles du tronc (Roques et coll. 2002 ; Gremion et coll. 1996), ou quantifier l’effet de la douleur (Akebi et coll. 1998, Luoto et coll. 1996). Cependant, les relations moment-vitesse et puissance-vitesse n’ont jamais été établies pour les muscles du tronc. Or, ces relations nous renseignent sur les principales caractéristiques musculaires des individus (Gür et coll. 2003 ; Häkkinen et coll. 1987). La détermination des paramètres musculaires extrapolés (M0, V0, Pmax et Vopt) peut être exploitée lors des programmes de restauration fonctionnelle du rachis (RFR). Généralement, les programmes de réentraînement proposés dans le RFR se basent sur l’estimation de la répétition maximale (1 RM). Même si cette charge maximale est déterminée à partir d’efforts sous-maximaux, elle est souvent réalisée avec plusieurs charges, et elle ne renseigne que sur la force maximale de l’individu. Cependant, la masse à déplacer n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. Les mouvements réalisés dans la vie courante ne nécessitent pas forcément la production d’une force importante, mais souvent des variations de vitesse. Behm et Sale (1993) montrent qu’avec des programmes utilisant différentes vitesses de mouvements, on peut aussi obtenir une amélioration de la force. De plus, nous avons vu dans la première étude que la fatigue pouvait influencer l’allure de ces relations. La lombalgie étant une pathologie induisant une diminution de la force et de l’endurance musculaire (Olivier et 66 Etude 2 Introduction coll. 2008), on peut supposer que cette pathologie qui a une incidence sur les muscles du tronc pourrait également avoir une influence sur les relations moment-vitesse et puissance-vitesse. Enfin, lors d’une comparaison entre patients lombalgiques et sujets sains, Grabiner et Jeziorowski (1992) ont démontré que la puissance générée par les muscles extenseurs du tronc semblait être un élément discriminant entre les deux groupes. Ces auteurs ont émis l’hypothèse que les programmes de réentraînement des patients lombalgiques devraient inclure la détermination de ce paramètre. A notre connaissance, aucune étude n’a cherché à vérifier si la puissance musculaire des patients lombalgiques pouvait être considérée comme un paramètre pertinent dans la comparaison des patients lombalgiques par rapport à un groupe de sujets sains. Le but de cette étude était d’appliquer le protocole de mesure établi lors de l’étude 1, sur des patients souffrant de lombalgie chronique au centre de l’Arche. L’objectif était i) de comparer les patients lombalgiques à une population témoin pour voir l’éventuelle influence de la lombalgie sur les capacités musculaires des patients ; ii) de montrer que la puissance maximale était un indicateur de la pathologie. 67 Etude 2 Matériels et méthodes 2. Matériels et méthodes 2.1. Sujets Vingt et un sujets de sexe masculin ont pris part à cette étude et ont été réparti en deux groupes. Les caractéristiques des deux groupes sont décrites dans le tableau 2. Le groupe des lombalgiques (GL) constitué de onze sujets lombalgiques chroniques. Ces patients étaient inclus dans le programme de restauration fonctionnelle du rachis en respectant la définition de la Société Française de Rhumatologie sur lombalgie chronique : tous les patients souffraient de cette pathologie depuis au minimum 5 ans, avec des épisodes douloureux en continu. Les patients lombalgiques chroniques ont tous été examinés par le médecin référent du Centre de l’Arche avant leur inclusion. Sont exclus de ce protocole, les patients en grande souffrance physique lors de leur inclusion dans le programme RFR, les patients ayant eut une chirurgie au niveau du rachis ou une pathologie cardiaque. Le groupe contrôle (GC) était composé de dix hommes indemnes de lombalgie ou problèmes de dos. Ces sujets étaient des personnes actives professionnellement, pratiquant une activité physique occasionnelle et se rapprochant des critères anthropométriques de GL. Les données anthropométriques des deux groupes ne révèlent aucune différence significative. Les critères d’exclusion du protocole sont les mêmes que pour GL. Après une période de familiarisation avec l’appareil isocinétique utilisé le jour du test et quelques répétitions à vitesses rapides, un consentement éclairé est signé par le sujet et le protocole expérimental expliqué. Tableau 2 : Caractéristiques anthropométriques des sujets sains (GC) et lombalgiques chroniques (GL). Caractéristiques GL GC p Age (années) 39,3 (8,5) 34,5 (8,2) ns Masse (kg) 82,7 (15,1) 76,0 (10,5) ns Taille (m) 1,78 (0,07) 1,75 (0,01) ns 68 Etude 2 Matériels et méthodes 2.2. Système de mesure, protocole, acquisition des données Le système de mesure, le protocole d’évaluation des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc pour les deux groupes, et l’acquisition des données sont identiques à l’étude 1 (cf. page 49-54). 2.3. Analyse des données Les relations moment-vitesse et puissance-vitesse sont établies selon une technique identique à celle de l’étude 1 (page 54-55). Le ratio entre les muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc (F/E) a également été déterminé sur les moments mesurés à chaque vitesse de contraction, ainsi que pour les moments maximaux (M0) et la puissance maximale (Pmax) extrapolés à partir des relations moment-vitesse et puissance-vitesse. 2.4. Analyse statistique Les données sont présentées sous forme de moyenne et d’écart type (X ET). Toutes les relations présentées sont décrites par des régressions linéaires ou polynomiales, avec un coefficient de corrélation (r) et un seuil de significativité (p). Ce seuil de significativité est fixé à p < 0,05. Un test non paramétrique de Mann-Whitney a été utilisé pour comparer les données recueillies pour le groupe de lombalgique à celles des sujets sains. 69 Etude 2 Résultats 3. Résultats Les relations moment-vitesse sont linéaires pour les deux groupes de sujets, tant pour les fléchisseurs (r = 0,90-0,99, p < 0,01) (Figure 29) que pour les extenseurs (r = 0,98-0,99, p < 0,001) (Figure 30) du tronc. Pour les fléchisseurs du tronc, les valeurs de V0 de GC sont significativement plus élevées que celles de GL (respectivement 490 189°/s vs. 277 54°/s). Les valeurs de M0 ne montrent pas de différence significative entre les deux groupes (2,78 1,05 Nm/kg pour GC vs. 2,41 0,60 Nm/kg pour GL). Pour les muscles extenseurs du tronc, les valeurs de M0 sont significativement plus élevées pour le GC que pour le groupe GL (respectivement 4,94 1,4 Nm/kg vs. 3,75 0,91 Nm/kg). La vitesse maximale V0 ne montre pas de différence significative entre les deux groupes (respectivement 365 147°/s pour GC vs. 338 169°/s pour GL). Figure 29 : Exemple sur un patient lombalgique chronique de relations momentvitesse (r = 0,92, p < 0,002) et puissancevitesse (r = 0,99, p < 0,02) pour les muscles fléchisseurs du tronc. 70 Etude 2 Résultats Figure 30 : Exemple sur un patient lombalgique chronique de relations momentvitesse (r = 0,952, p < 0,001) et puissancevitesse (r = 0,99, p < 0,008) pour les muscles fléchisseurs du tronc. Les relations puissance-vitesse sont d’ordre polynomial du second degré pour les muscles fléchisseurs (r = 0,98-0,99, p < 0,05) et extenseurs (r = 0,99, p < 0,05) du tronc pour les deux groupes de sujet. Quel que soit le groupe musculaire, la Pmax du groupe contrôle est significativement supérieure à celle du groupe des lombalgiques (fléchisseurs : 4,29 W/kg pour GC vs. 2,7 contre 4,51 0,65 W/kg pour GL ; extenseurs : 6,72 1,57 W/kg pour GC vs. 1,04 W/kg pour GL). La Vopt n’est pas significativement différente entre les deux groupes quel que soit le groupe musculaire considéré (fléchisseurs : 192 GC vs. 135 0,92 28°/s pour GL ; extenseurs 166 51°/s pour GC vs. 127 88°/s pour 40°/s pour GL). Les sujets lombalgiques montrent une relation significative entre Pmax et V0 pour les muscles fléchisseurs du tronc (r = 0,74, p < 0,05). Cette relation n’est pas vérifiée pour le GC. Il n’y a pas de relation entre Pmax et M0 pour les deux groupes musculaires, quel que soit le groupe de sujet considéré. Aucune différence significative n’apparaît entre les deux groupes pour les ratios F/E, quel que soit le paramètre considéré. Les ratios varient entre 0,59 et 0,67. 71 Etude 2 Discussion 4. Discussion Les relations moment-vitesse et puissance-vitesse obtenues sur les patients lombalgiques sont identiques à celles obtenues pour le GC, et en accord avec la littérature (Ripamonti et coll. 2008 ; Langrana et Lee 1984 ; Thorstensson et coll. 1976). Le protocole d’évaluation proposé à l’étude 1 s’applique aux patients lombalgiques, et l’atteinte des muscles du dos n’influence pas la relation moment-vitesse. On peut alors se demander l’intérêt d’une telle évaluation par rapport à une évaluation classique déjà appliquée dans les programmes de restauration fonctionnelle du rachis : la détermination des paramètres musculaires à partir des relations moment-vitesse et puissance-vitesse apporte des éléments de comparaison entre les deux populations. Les résultats montrent que Pmax est le seul paramètre significativement différent entre les deux populations et pour les deux groupes musculaires. Pmax se révèle être un indicateur intéressant de la lombalgie. Cette hypothèse avait déjà été formulée par Grabiner et Jeziorowski (1992) qui proposaient d’inclure dans le RFR des séances de renforcement musculaire orientées sur la puissance. Les résultats de notre étude montrent que l’impact de la lombalgie sur les deux groupes musculaires ne se fait pas de la même manière. En effet, les fléchisseurs du tronc présentent une différence significative pour V0 alors que la différence significative porte sur M0 pour les muscles extenseurs. En d’autres termes, les patients lombalgiques sont capables de produire autant de force que les sujets sains aux vitesses lentes, alors qu’aux vitesses rapides, même si la production de force est identique, les sujets lombalgiques ne sont pas capables de contracter les muscles fléchisseurs aussi rapidement. Pour les muscles extenseurs, la différence de puissance est principalement due à la différence de production de force. On peut attribuer cela à une moindre utilisation du tronc lors des gestes de la vie courante. En effet, on peut supposer que les patients lombalgiques compensent leur mal de dos par l’utilisation des autres groupes musculaires, et en particulier la sangle abdominale. Actuellement, le RFR est basé sur un renforcement musculaire en 72 Etude 2 Discussion incrémentation de semaine en semaine par rapport aux performances réalisées lors des tests d’inclusion (Poiraudeau et coll. 2004). Or, les résultats de notre étude suggèrent que, pour que la prise en charge des patients soit efficace, les muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc ne doivent pas être réentraînés de la même manière. Il faudra bien sûr vérifier cette hypothèse en comparant les effets du programme actuellement proposé au centre de l’Arche (i.e. centré sur la force) à celui d’un programme orienté sur le renforcement de la puissance maximale. Par contre, les résultats de notre étude ne montrent aucune différence significative pour la vitesse optimale. Les muscles du tronc étant exclusivement constitués de fibres de type I, il n’y a aucune raison que leur typologie musculaire soit influencée par la lombalgie. En effet, plusieurs auteurs ont montré que ce paramètre était relié à la composition du muscle (Sargeant 1994). Dans le cas de notre expérimentation les deux groupes de sujets étaient composés d’individus qui ne se différenciaient que par l’atteinte ou non d’une lombalgie. La détermination des relations moment-vitesse et puissance-vitesse offre donc une méthode complémentaire pour évaluer les patients souffrant de lombalgie chronique. En effet, les muscles du tronc sont souvent évalués à partir des tests isométriques de Ito et Sorensen (Hultman et coll. 1993). Ces tests sont faciles et rapides à mettre en place, néanmoins la standardisation de l’angle de contraction et la reproductibilité sont difficiles à obtenir chez les patients lombalgiques (Demoulin et coll. 2006 ; Keller et coll. 2001). Les appareils isocinétiques, quant à eux, permettent de standardiser la mesure puisque l’angle de travail peut être imposé, et les coefficients de reproductibilité obtenus lors de l’évaluation du tronc varient entre 0,95 et 0,98 (Dervišević et coll. 2007 ; Karataş et coll. 2002 ; Palmer McLean et Conner 1994). Toutefois, la comparaison des moments pics entre les sujets sains et lombalgiques pour les différentes vitesses angulaires n’apporte pas d’arguments pertinents à la différence entre ces deux populations. En effet, les moments et puissances pics obtenus dans notre étude, montrent des différences entre les deux groupes de l’ordre de 20% en faveur 73 Etude 2 Discussion du GC, en accord avec la littérature (Shirado et coll. 1995 ; Mayer et coll. 1985), mais cette différence n’est pas significative et peut s’expliquer par la relative variabilité des deux populations (coefficient de variation pour les sujets sains et lombalgiques de 32% pour les fléchisseurs et de 21% pour les extenseurs, quelles que soit la vitesse considérée). De la même manière, il est difficile de s’appuyer sur le ratio F/E dans le cas de notre protocole puisque la valeur de ce dernier ne montre aucune différence significative entre les deux populations. Les valeurs du ratio varient entre 0,59 et 0,67, en accord avec Dervišević et coll. (2007) qui rapportent des ratios F/E de l’ordre de 0,54 à 0,64 pour le même type de population. L’utilisation de ce paramètre reste très discutée dans la littérature qui ne semble pas s’accorder sur une valeur commune de ce ratio (Drapala et Trzaskoma 2006 ; Hultman et coll. 1993 ; Newton et coll. 1993). Les différences entre les ratios déterminés dans notre étude et ceux calculés dans des études antérieures (0.75 et > 1 respectivement pour les sujets sains et lombalgiques) (Newton et al. 1993 ; Mayer et al. 1985) peuvent s’expliquer par le fait que ces ratios F/E sont dépendants de l’expérimentateur, du protocole ainsi que de l’appareil isocinétique utilisé (Dervišević et coll. 2007 ; Hupli et coll. 1997). 5. En résumé Les résultats de cette étude montrent que les relations moment-vitesse et puissance-vitesse ne sont pas influencées par la pathologie et que la diminution de la puissance maximale peut être un indicateur de la lombalgie chronique. Cet indicateur montre qu’il serait pertinent pour optimiser le RFR de différencier les renforcements des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc. Les muscles fléchisseurs devraient être renforcés avec un programme à base de charges légères mais avec beaucoup de répétitions alors que les muscles extenseurs devraient être renforcés, comme c’est le cas actuellement, sur des protocoles de développement de la force. 74 Etude 3 ETUDE 3 Quelles informations les relations momentet puissance-vitesse apportent-elles sur le programme de RFR proposé au centre de l’ Arche ? 75 Etude 3 Introduction 1. Introduction L’évaluation musculaire des patients lombalgiques, inclus dans le programme de RFR du centre de l’Arche, est réalisée à partir de deux types de mesure : des évaluations isométriques à partir des tests de Ito et Sorensen ; et des évaluations dynamiques avec le soulever de charges et le 1-RM. Bien que ces mesures soient faciles à réaliser, leur objectivité ou leur pertinence peuvent être remises en cause. De nombreuses études ont, par exemple, montré que la force estimée dans des conditions isométriques n’était pas reliée à la performance motrice (Jaric et coll. 1989 ; Viitasalo et coll. 1981). Or, les gestes de la vie courante sont généralement réalisés de manière dynamique. Le test de soulever de charge est une évaluation dynamique qui permet d’estimer la capacité physique d’un individu et son endurance à l’exercice (Vanvelcenaher 2003). Néanmoins, la part du travail musculaire de la sangle lombaire dans ce mouvement multi-segmentaire n’est pas facilement identifiable, sauf par l’utilisation de moyens vidéo et d’une plateforme de force. Cependant, ceci allongerait considérablement le temps d’évaluation des patients. L’ergomètre isocinétique permet une quantification individuelle précise, fiable et objective pour l’évaluation physique des patients (Urzica et coll. 2007 ; Calmels 1998 ; Kannus 1994). C’est donc un outil intéressant pour l’évaluation de la force maximale volontaire des muscles du tronc (Bygett et coll. 2001). De plus, nous avons montré que la détermination des relations moment-vitesse et puissance-vitesse des muscles du tronc dans des conditions isocinétiques pouvait apporter un moyen d’évaluation complémentaire aux autres techniques d’évaluation (Ripamonti et coll. 2008). Le but de cette troisième étude était de montrer que les paramètres musculaires identifiés à partir des relations moment-vitesse et puissance-vitesse pouvaient apporter des informations intéressantes par rapport à l’évaluation classique des patients lombalgiques réalisée au centre de l’Arche. 76 Etude 3 Matériels et méthodes 2. Matériels et méthodes 2.1. Sujets Cette étude ne porte que sur les sujets lombalgiques présentés à l’étude 2 (page 68). Les sujets lombalgiques ont été inclus dans un programme RFR de 3 semaines. L’évaluation des patients était réalisée lors de leur inclusion et à leur sortie du programme RFR du centre de l’Arche. 2.2. Protocole 2.2.1. Evaluation isocinétique Le protocole d’évaluation isocinétique des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc est identique à celui de l’étude 1. 2.2.2. Evaluations isométriques 2.2.2.1. Endurance des muscles fléchisseurs du tronc La capacité de résistance à la fatigue des muscles fléchisseurs du tronc a été évaluée avec le test isométrique Ito. Le test de Ito (Figure 31) se réalise en décubitus dorsal avec les bras croisés sur la poitrine, les membres inférieurs étant relevés avec un angle de 90° d’une part entre le tronc et les cuisses, et d’autre part entre les cuisses et les jambes. Il s’agit de maintenir le plus longtemps possible le menton collé au sternum, tout en enroulant les épaules et en décollant les omoplates du sol. Le temps de maintien de la position statique est mesuré en secondes (maximum 240 secondes) et l’arrêt de l’épreuve est donné par le non respect de la position de départ et/ou une douleur. 77 Etude 3 Matériels et méthodes Figure 31 : Test de Ito (d’après Evans et coll. 2007). 2.2.2.2. Endurance des muscles extenseurs du tronc L’évaluation isométrique des muscles extenseurs du tronc est réalisée avec le test BieringSørensen (Figure 32). Le sujet est en décubitus ventral sur une chaise romaine, le bassin (les épines iliaques antéro-supérieures) en appui sur le bord du coussin. Les membres inférieurs sont maintenues à la chaise par un contre appui au niveau du tendon d’Achille et une sangle au niveau des cuisses du sujet. Le sujet doit maintenir le plus longtemps possible la posture suivante : bras croisés sur la poitrine avec le tronc dans le vide et à l’horizontale. Le temps de maintien de la position est mesuré en secondes (valeurs normales de 180 secondes pour les hommes et 240 secondes pour les femmes). L’arrêt de l’épreuve est donné par le non respect de la position de départ et/ou une douleur. Figure 32 : Test original de Sorensen (d’après Demoulin et coll. 2006). 78 Etude 3 Matériels et méthodes 2.2.3. Evaluation iso-inertielle 2.2.3.1. Le soulever de charges Inspiré du PILE (Mayer et coll. 1988a), ce test dynamique évaluant la capacité physique, l’endurance à l’effort ainsi que la performance fonctionnelle, implique de soulever des charges disposées à l’intérieur d’une caisse, du sol jusqu’à un plateau situé à 0,75 m de hauteur (Figure 33). Cette action fait intervenir les membres inférieurs ainsi que le secteur lombaire. La caisse est ensuite posée sur le plateau avant d’être remise au sol. Le protocole consiste en un cycle de quatre levers comprenant chacun huit mouvements à effectuer en 20 secondes maximum. Un cycle correspondant à un aller entre le sol et le plateau et un retour du plateau au sol. La première charge soulevée est de 5 kg, avec une incrémentation des charges par palier de 5 kg après chaque cycle réussi. L’arrêt de l’épreuve est donné si l’exécution d’un cycle a dépassé 20 secondes ou lorsque la fatigue et/ou une douleur survient. La charge totale est ensuite évaluée en pourcentage de la masse corporelle. Les références (Vanvelcenaher 2003 ; Mayer et coll. 1988b) situent cette charge totale entre 45 % et 55 % de la masse corporelle du sujet. Figure 33 : Test de soulever de charges. 79 Etude 3 Matériels et méthodes 2.2.3.2. Evaluation de la répétition maximale (1-RM) sur appareil de musculation La 1-RM que les patients pouvaient développer à partir des différents groupes musculaires ont été évaluées à partir d’une presse abdominale pour les muscles fléchisseurs (Figure 34) et d’une presse dorso-lombaire pour les muscles extenseurs du rachis (Figure 35). Cette 1-RM a été déterminée à partir d’une charge sous-maximale (90% du 1-RM) à partir de la table de Berger (Berger 1961). Figure 34 : Presse abdominale. Figure 35 : Presse dorso-lombaire. 80 Etude 3 Matériels et méthodes 2.2.4. Evaluation de la douleur : Echelle Visuelle Analogique (EVA) Le patient évalue la douleur ressentie à partir d’une échelle visuelle étalonnée de 0 à 100 millimètres. La forme utilisée au centre de l’Arche est une règle droite de 10 centimètres dont les extrémités correspondent à des sensations extrêmes (0 pour une absence de douleur et 100 pour une douleur maximale). La réponse est donnée en traçant un trait sur la règle ; la cotation s’effectue en mesurant au millimètre près, la distance entre l’origine et le trait apposé par le patient. 2.2.5. Evaluation de la qualité de vie : auto-questionnaire de Dallas Ce questionnaire à questions fermées est une échelle spécifique, validée en français (Marty et coll. 1998), évaluant l’influence de la douleur lombaire à partir de 16 items organisés dans quatre domaines : les activités quotidiennes (7 questions), le travail et les loisirs (3 questions), l’anxiété et la dépression (3 questions) ainsi que le comportement social (3 questions). Le questionnaire de Dallas prend en compte non seulement le retentissement de la douleur lombaire tel qu’il est perçu par l’individu lui-même sur le plan physique, psychologique et social, mais également les attitudes qu’il adopte face à sa douleur. Les résultats s’expriment en pourcentage variant de 0% (absence du retentissement) à 100% (gêne maximale). 2.3. Analyse statistique Les données sont présentées sous forme de moyenne et d’écart type (X ET). Toutes les relations moment-vitesse et puissance-vitesse obtenues sont décrites respectivement par des régressions linéaires ou polynomiales, avec un coefficient de corrélation (r) et un seuil de significativité fixé à p < 0,05. Lorsqu’elles existent, les relations entre les différentes évaluations ont été décrites par des régressions linéaires. La comparaison des évaluations 81 Etude 3 Matériels et méthodes physiques des patients lombalgiques entre leur inclusion et leur sortie du programme a été réalisée avec un test non paramétrique de Wilcoxon. 82 Etude 3 Résultats 3. Résultats 3.1. Evaluation physique des patients Les résultats des patients lombalgiques aux tests de Ito, Sorensen et soulever de charges obtenus à l’inclusion et à la sortie du programme RFR sont présentés dans le tableau 3. Toutes les évaluations présentent une amélioration significative des paramètres fonctionnels des patients lombalgiques sur un programme RFR de trois semaines (p < 0,01). Les différentes évaluations montrent une augmentation de 110 88 40 % pour Ito, 112 24 % pour Sorensen, 20 % pour le soulever de charge. Tableau 3 : Résultats des patients lombalgiques obtenus aux différentes évaluations réalisées à l’inclusion et à la sortie du programme RFR. Inclusion Sortie Ito (en s) 167 (138) 351 (82) * Sorensen (en s) 131 (79) 279 (60) * 15,91 (9,17) 19,39 (11,91) 30 (10,97) * 38, 1 (11,92) * Soulever de charges (en kg) Soulever de charges (en %masse corporelle) * p < 0,01 différence significative entre l’inclusion et la sortie Il y a une amélioration significative (p < 0,01) du 1-RM des groupes musculaires abdominaux et lombaires sur les appareils de musculations entre l’inclusion et la sortie du programme RFR. Les valeurs moyennes passent de 0,33 fléchisseurs et de 0,44 0,1 kg/kg à 0,64 0,06 kg/kg à 0,48 0,07 kg/kg pour les 0,08 kg/kg pour les extenseurs. L’évaluation isocinétique des patients lombalgiques entre l’inclusion et la sortie montre également une augmentation significative de V0 (35 150 %, p < 0,01) et Pmax (23 0,01) pour les muscles fléchisseurs du tronc (p < 0,01), et de M0 (11 (15 2 %, p < 0,01) pour les muscles extenseurs (Tableau 4). 83 8 %, p < 21 %, p < 0,01) et Pmax Etude 3 Résultats Tableau 4 : Moment maximal isométrique théorique (M0), vitesse maximale de contraction à vide (V0) et puissance maximale (Pmax) des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc pour les sujets lombalgiques chroniques (GL). GL Fléchisseurs du tronc Extenseurs du tronc Inclusion Sortie M0 2,00 (0,41) 2,01 (0,41) V0 304,74 (43,36) 412,30 (108,107) * Pmax 2,89 (0,84) 3,56 (0,91) * M0 3,32 (0,76) 3,69 (0,92) * V0 316,42 (126,7) 300,54 (108,94) Pmax 4,45 (1,17) 5,13 (1,19) * * p < 0,01 différence significative entre l’inclusion et la sortie des sujets lombalgiques 3.2. Qualité de vie et douleur Les résultats des patients lombalgiques à l’échelle de douleur montrent une tendance à l’amélioration (p = 0,06) entre l’inclusion et la sortie. L’auto-questionnaire de Dallas présente une amélioration significative (p < 0,01) pour les activités quotidiennes, le travail et les loisirs ainsi que l’anxiété et la dépression. Aucune différence n’est observée pour le dernier item (le comportement social). 3.3. Relation entre les évaluations Aucune corrélation deux à deux n’a été observée entre les évaluations classiquement réalisées dans le RFR du centre de l’Arche (Ito, Sorensen, le soulever de caisse et 1-RM). Les résultats obtenus lors de ces évaluations ne sont également ni reliés à la douleur, ni aux différents items du questionnaire de Dallas. 84 Etude 3 Résultats La puissance maximale des muscles extenseurs du rachis, déterminées au cours de l’évaluation isocinétique, est significativement reliée au test de soulever de charges (r = 0,70, p < 0,01) (Figure 36), à la sortie des patients lombalgiques. Figure 36 : Relation entre la puissance maximale des extenseurs (Pmax Extenseurs) et le soulever de charge en % de masse corporelle. Lors de la sortie des patients lombalgiques, la puissance maximale des muscles fléchisseurs est significativement reliée à la répétition maximale estimée pour les muscles abdominaux (r = 0,85, p < 0,001) (Figure 37). Pour les muscles extenseurs, on ne note qu’une tendance entre la puissance maximale de ce groupe musculaire et la 1-RM (r = 0,62, p = 0,07). Figure 37 : Relation entre la puissance maximale des fléchisseurs (Pmax Fléchisseurs) et le 1-RM calculé pour les abdominaux lors de la sortie du programme RFR. Sur les différents domaines de l’auto-questionnaire de Dallas, seul l’item des activités quotidiennes est relié lors de la sortie avec le moment maximal des muscles extenseurs du tronc estimé dans des conditions isocinétiques (r = 0,63, p < 0,05). 85 Etude 3 Discussion 4. Discussion 4.1. Les tests classiques L’étude de Mayer et coll. (1985) a introduit dans les programmes de restauration fonctionnelle, la notion de syndrome de déconditionnement des lombalgiques chroniques. Cette notion inclut un déficit des muscles du tronc et notamment des muscles extenseurs ainsi que la diminution de la résistance à la fatigue (Genty et Schmidt 2001 ; Vanvelcenaher et coll. 1992). Bien que différents d’un protocole à un autre et donc difficilement comparables, les exercices proposés dans les programmes de restauration fonctionnelle sont efficaces dans la prise en charge des sujets lombalgiques chroniques (Verfaille et coll. 2004 ; Kuukkanen et Mälkiä 1996). Le programme de restauration fonctionnelle du rachis proposé au centre de l’Arche ne déroge pas à la règle. Tous les résultats aux évaluations physiques dites classiques montrent une amélioration significative entre l’inclusion des patients et leur sortie du programme (Tableau 3). Le programme RFR est court (3 semaines), aussi, il convient d’être prudent quant à l’interprétation de ces résultats. Cette amélioration des capacités musculaires des patients ne peut pas être liée à une modification de leur structure musculaire. On peut principalement l’attribuer à deux raisons : la familiarisation aux différentes évaluations et/ou l’amélioration de l’activation motrice. En effet, l’inactivité physique et la crainte de la douleur inhérente à la lombalgie chronique sont responsables de l’affaiblissement de la musculature rachidienne. L’apprentissage et la familiarisation avec les différents mouvements réalisés lors des évaluations participent à l’amélioration des paramètres obtenus entre les deux sessions de mesures (Urzica et coll. 2007 ; Cronin et Henderson 2004 ; Newton et coll. 1993). Par exemple, Urzica et coll. (2007) observent une amélioration des valeurs moyennes des moments musculaires des muscles du tronc pour des mesures réalisées à deux jours 86 Etude 3 Discussion d’intervalle. De plus, à l’inclusion dans le programme RFR, les procédures d’exécution et règles à suivre pour effectuer les différentes évaluations sont généralement inconnues des patients lombalgiques. La position au cours des tests isométriques et de soulever de charge est peut être plus conforme à la réalisation correcte de l’exercice, ou à une reprogrammation neuromusculaire et à la libération des freins nociceptifs provenant des différents exercices du réentraînement (Calmels et coll. 2003). Enfin, on peut également supposer que l’activation motrice des patients a été améliorée au cours des tests dynamiques. Sale (1992) montre que l’amélioration de la force musculaire en début de réentraînement est principalement due à une meilleure activation motrice. Ainsi pour être plus pertinent et proposer une évaluation objective du patient, il serait recommandé d’avoir une session de familiarisation du patient avec tous les tests physiques dans les jours précédant l’inclusion dans le programme du centre de l’Arche. De la même manière que pour les qualités physiques des individus, le questionnaire de Dallas témoigne d’une amélioration générale de la qualité de vie des patients du centre puisqu’on note une amélioration de tous les items, hormis du comportement social. D’autres études arrivent aux mêmes conclusions (Olivier et coll. 2008 ; Verfaille et coll. 2004). Contrairement à d’autres travaux (Olivier et coll. 2008 ; Véron et coll. 2008), les résultats de notre étude ne montrent pas d’amélioration significative pour l’EVA mais seulement une tendance entre l’inclusion et la sortie du programme RFR des patients lombalgiques (p = 0,06). On peut imputer ce résultat au nombre réduit de patients lombalgiques (n = 11) ayant participé à notre étude. Olivier et coll. (2008) ont, par exemple, observé une diminution de la douleur dans une population de soixante patients. Néanmoins, la mise en relation deux à deux de ces différentes évaluations ne montre aucune corrélation entre la qualité de vie des patients et les évaluations physiques, ni même entre les évaluations physiques elles-mêmes. Il est alors possible de se demander objectivement si toutes ces mesures sont nécessaires puisqu’au final les évaluations 87 Etude 3 Discussion juxtaposent une batterie de mesures indépendantes les unes des autres. Celles-ci nous confirment seulement que les patients améliorent leurs scores entre le début et la fin du programme RFR. Il est probable que les trois semaines de réadaptation fonctionnelle du centre de l’Arche soient plus efficaces sur le déconditionnement des patients (amélioration des paramètres physiques et de la qualité de vie) que sur la douleur elle-même (pas de différence entre l’inclusion et la sortie). Le programme semble avoir un impact sur les patients qui reprennent l’habitude de réaliser des activités quotidiennes sans être freinés par la douleur. 4.2. Apport de la mesure isocinétique Les résultats de notre étude montrent un intérêt certain de l’évaluation isocinétique des patients lombalgiques dans le programme de RFR. Dans un premier temps, on note que seulement deux paramètres ne présentent pas de différence significative entre le temps de l’inclusion et la sortie du patient, M0 pour les muscles fléchisseurs du tronc et V0 pour les muscles extenseurs (Tableau 4). Ces résultats appuient l’hypothèse que les sujets lombalgiques chroniques continuent de solliciter la sangle abdominale dans les activités quotidiennes induisant une moindre perte de leur force maximale. Par contre, le programme proposé au centre de l’Arche pour le renforcement des muscles abdominaux semble avoir un impact sur la vitesse de contraction des sujets pour ce groupe musculaire. En effet, si l’on compare les patients lombalgiques ayant participé à cette étude au groupe contrôle de l’étude 2, la différence significative notée au niveau des fléchisseurs du tronc pour V0 et Pmax n’existe plus à la sortie des patients. Le réentraînement à l’effort du centre de l’Arche est fondé sur l’utilisation de charges intermédiaires (entre 60% et 75% du 1-RM estimé à partir du 3-RM). L’utilisation de telles charges permet donc d’améliorer ou de maintenir une production de force élevée, mais permet également d’améliorer la vitesse de contraction du muscle (Fleck et Kraemer 1987 ; Kanehisa et Miyashita 1983). 88 Etude 3 Discussion Pour les muscles extenseurs du tronc, l’amélioration significative de M0 et de Pmax (Tableau 4) entre l’entrée et la sortie du programme reste insuffisante en comparaison du groupe contrôle de l’étude 2. En effet, on observe toujours une différence significative pour ces deux paramètres entre les deux groupes. Ces résultats conduisent à supposer que l’amélioration de la force des extenseurs est principalement liée, comme pour les tests classiques, à une meilleure coordination de tous les muscles composant les extenseurs du tronc. Les paramètres musculaires estimés à partir des mesures isocinétiques sont les seuls à être reliés à plusieurs paramètres estimés à partir des évaluations classiques et de la qualité de vie à la sortie du programme. En premier lieu, on note une relation significative (Figure 37) entre la Pmax et la 1-RM pour les muscles fléchisseurs d’une part, et une tendance (p = 0,07) entre la Pmax et la 1-RM pour les muscles extenseurs d’autre part. Si la tendance observée pour les muscles extenseurs peut là encore être due à une population peu élevée, elle dénote également que le programme de renforcement de ce groupe musculaire, qui est identique à celui décrit ci-avant pour les muscles fléchisseurs, n’est pas suffisant pour améliorer le paramètre « défaillant », à savoir la force des extenseurs, tout du moins chez les patients les moins forts. Lors de l’étude précédente, nous avions avancé l’hypothèse que le programme du centre de l’Arche devait différencier les renforcements des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc. Il faudrait pour les muscles fléchisseurs, un programme à base de charges légères mais avec beaucoup de répétitions alors que pour les muscles extenseurs, un protocole de développement de la force à base de charges lourdes (avec moins de répétition) semble plus approprié. Pour vérifier cette hypothèse il faudrait envisager une étude sur une période de renforcement alors plus longue que 3 semaines. Toutefois, la Pmax des extenseurs est significativement reliée au lever de charge (Figure 36). Ce résultat reste cohérent puisque les extenseurs du tronc participent largement à l’exécution de ce type d’exercice. Néanmoins, au départ du geste, les membres inférieurs ont une 89 Etude 3 Discussion importance qui est probablement non négligeable. Même si cette mesure correspond à un test fonctionnel intéressant puisqu’il se rapproche d’un geste de la vie courante, il ne permet pas d’axer l’évaluation de l’individu exclusivement sur les extenseurs du tronc contrairement à l’évaluation isocinétique. Une analyse vidéo du mouvement permettrait de quantifier la part des extenseurs dans la production de force et/ou de puissance au cours du lever de charge. Enfin, l’évaluation isocinétique est reliée à l’amélioration de la qualité de vie. En effet, le moment maximal M0 des muscles extenseurs du tronc est le seul paramètre relié à l’item de l’auto-questionnaire de Dallas reflétant les activités de la vie quotidienne (r = 0,63, p < 0,05) à la sortie du programme. L’amélioration du « mieux-être » ressenti par les patients, s’accompagne d’une augmentation de la force des muscles du dos. On peut penser que pour un programme plus long (celui de 5 semaines, par exemple), d’autres items pourraient être reliés à des paramètres musculaires. Ces premières données, si elles étaient confirmées sur un plus grand nombre de patients, permettraient d’envisager le remplacement de l’ensemble des tests, dont la pertinence est discutable et les résultats souvent difficilement quantifiables, par la mesure dans des conditions isocinétiques, des relations force-vitesse des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc. 5. En résumé Les résultats de cette étude montrent que le programme proposé au centre de l’Arche améliore les performances physiques des personnes lombalgiques chroniques incluses dans le programme. Ces résultats sont en accord avec ceux largement présentées dans la littérature scientifique. Cependant, l’évaluation isocinétique, si elle reste complémentaire, apporte un intérêt certain puisqu’elle permet de mettre en relation les paramètres musculaires des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc avec les évaluations physiques classiquement 90 Etude 3 Discussion effectuées au centre de l’Arche et avec la qualité de vie des patients. Les mesures isocinétiques montrent également que les extenseurs du tronc, principalement touchés par la lombalgie chronique, sont toujours en déficit après un programme de trois semaines de restauration fonctionnelle du rachis. Ce programme reste trop court pour ramener ce groupe musculaire à un niveau de force comparable aux sujets sains de notre étude. 91 Conclusion générale et perspectives CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES 92 Conclusion générale et perspectives Ce travail de thèse visait à caractériser les capacités musculaires du tronc à partir de contractions isocinétiques et à étudier l’intérêt d’une telle évaluation dans le cadre d’un programme de restauration fonctionnelle du rachis (RFR) proposé au centre de l’Arche chez des patients lombalgiques chroniques. Les capacités mécaniques d’un groupe musculaire sont décrites par les relations entre la production de force ou de puissance du groupe musculaire considéré et sa vitesse de contraction. La détermination de ces relations nécessite de mesurer précisément la force (ou le moment pour un mouvement de rotation), la puissance et la vitesse lors de mouvements maximaux effectués dans différentes conditions de charges (dans le cas de mouvements isoinertiels) ou de vitesse (dans le cas de mouvements isocinétiques). Si ces relations sont bien définies pour les muscles des membres inférieurs et supérieurs, elles n’ont jamais été décrites pour les muscles du tronc. La première étude de ce travail de thèse avait pour objectif de proposer un protocole d’évaluation isocinétique des muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc pour décrire les relations moment-vitesse et puissance-vitesse de ces deux groupes musculaires. Cette étude réalisée avec des sujets sains a montré que les relations moment-vitesse et puissance-vitesse de ces groupes musculaires sont respectivement linéaires et polynomiales du second ordre comme le rapporte la littérature pour d’autres articulations. Cette étude a également démontré la nécessité d’évaluer les deux groupes musculaires sur deux sessions différentes afin d’éviter l’apparition de la fatigue et une éventuelle diminution de motivation des patients. Les problèmes de fiabilité des mesures étant résolus, ce protocole a ensuite été proposé à des sujets lombalgiques chroniques. Le but de cette deuxième étude était de voir si ces relations restaient conformes à celles obtenues pour les sujets sains ou si la pathologie avait une quelconque influence sur la forme et/ou sur les paramètres mécaniques extrapolés (le moment maximal isométrique M0, la vitesse de contraction à vide V0, la puissance maximale Pmax et la 93 Conclusion générale et perspectives vitesse optimale Vopt). Les résultats de cette étude ont montré que les relations restaient identiques à celles des sujets sains, et que le seul paramètre qui distinguait les deux populations pour les deux groupes musculaires était la puissance maximale. Par contre, la comparaison des différents moments mesurés à chaque vitesse et le rapport fléchisseurs/extenseurs ne présentaient aucune différence significative entre les deux populations. Nous avons également observé que les patients lombalgiques présentaient des valeurs de vitesse de contraction V0 pour les muscles fléchisseurs, et un moment maximal isométrique pour les extenseurs plus faibles que la population contrôle. Cette étude offre la perspective de proposer un travail de renforcement musculaire plutôt orienté sur la force pour les muscles extenseurs du tronc et sur la vitesse pour les muscles fléchisseurs du tronc. La troisième étude de ce travail a étudié l’intérêt d’intégrer dans le protocole d’évaluation du centre de l’Arche la détermination de ces relations moment-vitesse et puissance-vitesse. On note pour les résultats à l’échelle visuelle analogique ainsi qu’au questionnaire de qualité de vie, une amélioration des scores entre l’entrée et la sortie du programme RFR. Les résultats aux évaluations isométriques à partir des tests de Ito et Sorensen couramment utilisés dans ces programmes RFR, à l’évaluation iso-inertielle de soulever de charge et de la 1-RM et aux mesures isocinétiques ont tous montré une amélioration significative des capacités des patients entre leur inclusion dans le programme et leur sortie, trois semaines plus tard. Néanmoins, cette amélioration peut en partie être imputée à une meilleure activation motrice à travers le réentraînement à l’effort proposé par le centre de l’Arche, mais également à une reprise d’assurance des patients. L’évaluation isocinétique des patients lombalgiques montre une amélioration des paramètres musculaires des fléchisseurs du tronc puisque la différence qui existait avec les sujets sains a disparu à la sortie du programme. Toutefois, la différence de capacités musculaires des muscles extenseurs restent toujours présentes à la fin du programme malgré une amélioration de la puissance maximale, entres autres. 94 Conclusion générale et perspectives Si ce travail montre bien la complémentarité qu’apporte l’évaluation isocinétique des relations moment-vitesse et puissance-vitesse dans le cadre de l’évaluation des patients lombalgiques, il ouvre également plusieurs perspectives de travail. Tout d’abord, il serait aussi intéressant de continuer à augmenter le nombre de sujets lombalgiques pour affiner l’analyse des données obtenues avec l’ergomètre isocinétique. Ensuite, l’application de ce protocole d’évaluation isocinétique à des patients lombalgiques inclus dans un programme RFR sur 5 semaines permettrait de voir si le travail proposé au centre a un effet sur les muscles extenseurs du tronc sur une telle durée, comme il semble en avoir un sur les muscles fléchisseurs au bout de trois semaines. La mise en place d’un protocole de renforcement musculaire différencié pour les muscles fléchisseurs et extenseurs du tronc permettrait de vérifier l’hypothèse selon laquelle le programme RFR proposé peut être amélioré et répondre plus personnellement et efficacement aux besoins du sujet lombalgique. La comparaison entre les femmes et les hommes atteints de lombalgie pourrait également permettre de voir si la lombalgie a la même incidence sur la diminution des capacités musculaires, ou si elle varie selon le sexe comme c’est le cas par exemple pour les personnes âgées. 95 Références bibliographiques REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 96 Références bibliographiques Abenhaim, L., Rossignol, M., Valat, J.P., Nordin, M., Avouac, B., Blotman, F., Charlot, J., Dreiser, R.L., Legrand, E., Rozenberg, S. and Vautravers, P. (2000). The role of activity in the therapeutic management of back pain. Report of the international Paris Task Force on back pain. Spine 25(4): 1S-33S. 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