Classes de 1ère A et C Octobre Lycée Nahr Ibrahim Année 2020-2021 Mme de la Fayette, La Princesse de Clèves, 1678 Explication linéaire n°1 : « Le portrait de Mlle de Chartres » La plupart des mères s’imaginent qu’il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner : Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l’amour ; elle lui montrait ce qu’il a d’agréable, pour la persuader plus aisément sur ce qu’elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité ; les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d’un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d’une honnête femme, et combien la vertu donnait d’éclat et d’élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance ; Mot collectif « la plupart » + pluriel « des mères » + usage du présent de vérité générale→ généralisation des pratiques de l'époque, critiquées et remises en question à travers le verbe «s'imaginent». - « opinion opposée » (participe passé) → singularité, originalité de l’éducation de Mme de Chartres qui va à l’encontre d’un modèle éducatif traditionnel qui maintient les filles dans l’ignorance. - « ne parler jamais de galanterie » (négation) (« Galanterie »ici terme dépréciatif : aventures amoureuses) → négation qui marque le refus de parler de galanterie aux filles contrairement à Mme de Chartres qui préfère éclairer sa fille sur l’amour, la séduction et leurs dangers. - l’adverbe « souvent » + l’imparfait de répétition→ L'éducation morale donnée par Madame de Chartres repose essentiellement sur la répétition des conseils. - Cette longue phrase est une période bâtie sur un mode énumératif qui fait écho au travail patient, aux efforts continus de la mère afin d'inculquer la vertu et de mettre en garde sa fille contre les dangers de l'amour: « elle faisait », « elle lui montrait », « elle lui contait », « elle lui faisait », elle se donne tous les moyens de provoquer une prise de conscience chez sa fille (dialogue, exemples, répétition, etc). - Une éducation qui s’épanouit dans le dialogue: « parler », « faisait souvent des peintures », « persuadait », « contait » (verbes de parole). - L'usage du verbe «persuader» démontre que Madame de Chartres cherche à faire appel aux émotions de sa fille. Son autorité ne s'exerce donc pas dans une interdiction dénuée d'explications. Le but est que la vertu apprise à sa fille soit partie intégrante du comportement de la jeune fille. - pronom « elle » en position de sujet →Mme de Chartres assume le rôle de prendre en main le destin de sa fille en l’absence du père. La jeune fille occupant la place de C d’objet « lui », ce qui montre qu’elle reçoit son éducation sans remise en question et sans en être véritablement actrice. - « agréable » ≠ « dangereux » (antithèse) → vision contrastée de l’amour présenté comme une puissance trompeuse qui est attirante, séduisante, donc d'autant plus vicieuse. Elle en présente les plaisirs et en fait l’éloge pour mieux faire accepter sa critique par la suite → méthode argumentative habile. - Mme de Chartres va énumérer les vices des hommes qui semblent être manipulateurs et trompeurs, description subjective et péjorative à travers des termes dépréciatifs «tromperies », « leur infidélité » et l’adverbe « peu »→volonté de protéger sa fille des dangers de la séduction. Critique qui s’étend à tous les hommes et généralisation à travers le pluriel. - L'amour serait source de souffrances pour les femmes mariées qui succombent aux jeux de séduction: la métaphore « où plongent » → idée de descente, de chute, de perdition et d'abîme + adjectif péjoratif « malheurs domestiques » qui évoque les problèmes qui peuvent surgir au sein du couple Mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s’attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d’une femme, qui est d’aimer son mari et d’en être aimée. - « Mais » (conjonction de coordination→opposition ) la vertu fait briller l’humain et ses qualités mais n'est pas facile à entretenir. - Méfiance à l’égard de soi-même et prudence apparaissent comme un point essentiel: adjectifs hyperboliques «extrême défiance » ou encore « grand soin » Vision pessimiste de l’être humain qui peut facilement céder à ses inclinations. Il s'agit donc d'un combat difficile entre la force morale et les émotions. - l’adjectif « seul » insiste sur un seul amour permis : l’amour conjugal qui permet à Mlle de Chartres d’être heureuse. - « qui est d'aimer son mari et d'en être aimée » (chiasme + Polyptote « aimer », « aimée ») → l’amour réciproque garantit le bonheur du couple, une femme mariée doit être fidèle et dévouée à son mari. Mais cette condition nous interroge sur tant de mariages arrangés à cette époque et qui ne garantissent pas toujours l’amour réciproque.