On apprend alors qu'elle est issue de la famille du « vidame de Chartres » ; une haute lignée qui conforte le
registre épidictique du portrait à travers les termes élogieux et hyperboliques : »parfaite / admiration / »
avec l'emploi du superlatif « une des plus grandes héritières » . L'éloge est conséquent car il participe à
l'embellissement du personnage féminin puisque tout en elle incarne la perfection dans un lieu tout aussi
exceptionnel ,dans lequel en plus, il n'est pas rare de voir « de belles personnes » .
Toutefois, force est de constater dans ce début d'extrait que la description de la future princesse va plus être
suggérée que dressée , effacée au profit du portrait de sa mère qui va suivre , la mettant ainsi au second
plan .
Un portrait élogieux, assez « précieux » allant de pair ici avec une éducation plutôt singulière.
Deuxième mouvement :
Un statut social et une beauté qui sont redevables à une femme de qualité : Madame de Chartres, sa mère. Le
cœur du passage focalise sur celle-ci et l'éducation prodiguée à travers le champ lexical de la droiture ,
comme le soulignent les laudatifs suivants: « le bien, la vertu et le mérite » amenés grâce à une proposition
relative introduite par « dont » , caractérisant cette « femme » , amplifiant le mérite par conséquent de cette
jeune veuve ; laudatifs qui la caractérisent, eux -mêmes renforcés par l'adjectif attribut, hyperbolique
« extraordinaires » .
Mère d'exception, elle s'est donnée tout entière à l'éducation de sa fille(confère le champ lexical ci-dessous)
mettant en avant ce travail pour lui permettre d' acquérir aussi bien la beauté morale que physique : « donné
ses soins/travailla/cultiver/songea à lui donner » termes profonds dévoilant un devoir sérieux, vu comme
légitime pour elle , alors qu'à ce moment-là les jeunes filles de bonne famille étaient élevées au couvent.Une
éducation singulière donc envers les « us » de l'époque .Elle s'oppose aussi à la tradition qui excluait de trop
en dire sur les questions de cœur et les dangers de l'amour caché, perfide , malsain car trop frivole. Au
contraire, grâce à la franchise d'un dialogue respectueux envers sa fille , elle a su lui montrer les dangers de
l'amour pour mieux la » persuader » et non l'obliger comme il était de coutume de faire dans ce milieu
,amenant par là même souvent, un interdit vite franchissable.
C 'est ensuite, une vision assez pessimiste de l'amour qui est donnée, soulignée par l'antithèse des termes
« agréable et dangereux ». L'amour des hommes est cruel et l'on doit s'en méfier comme le montre le lexique
dépréciatif dans le passage suivant : « le peu de sincérité, tromperies, infidélité , malheurs domestiques, où
plongent les engagements » ; gradation confortée par l'emploi du déterminant possessif « leurs »,accentuant
le côté menaçant voire prédateur des hommes (courtisans).
Ici, Madame de Chartres (et l'auteure surtout) donne(nt) une image assez ambiguë de la cour, certes lieu
d'exception mais lieu plutôt intrigant et superficiel aussi . La vertu reste la grande force de son programme
éducatif ; une qualité rare car difficile à conserver dans cet univers galant, et qui permettra à sa fille de
s'éloigner du « pernicieux amour » au profit de celui plus heureux , qui est « d'aimer son mari et d'en être
aimée »:nous avons donc une expression qui sonne comme un constat moral, dévoilant néanmoins toute la
difficulté à aimer sincèrement dans cet univers d'apparat et d'apparences. Ce serait un juste retour honnête et
légitime des choses , mais bien rare à l 'époque des mariages de raison ou arrangés .
Femme de caractère, elle nous offre une vision assez rigoriste de cette éducation certes, mais
quelque part, Mme de Chartres finalement n'hésite pas à mener elle-même sa fille dans ce monde où la
séduction masculine est de rigueur et face à laquelle, sa fille doit rester sur ses gardes ,comme une mise à
l'épreuve, indispensable ,quand on fait partie du « beau monde »...
.
Eléments pour la conclusion :
Ainsi, à la lecture de ce passage dont la construction syntaxique complexe et appuyée révèle des portraits
féminins singulièrement menés : celui de la mère expliquant tout en éclipsant quelque peu celui de la fille ;
puis, au travers de l'analyse de l'éducation particulière de la future princesse de Clèves , nous nous rendons
compte que cette entrée à la cour s'annonce comme un défi pour l'héroïne . Univers dans lequel, et défi pour
lequel, la psychologie aura une place de choix ...
Aussi, à ce stade de l'œuvre, nous sommes en droit de nous demander si la future princesse résistera aux
passions ou si sa vertu, véritable « fer de lance » de son éducation sera ébranlée voire abandonnée.