Revue Médicale Suisse
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21 novembre 2012 2243
1 http://blog.ehesp.fr/
2 Crystal E. Tan, Glantz SA. Association between smoke-
free legislation and hospitalizations for cardiac, cerebro-
vascular, and respiratory diseases. Circulation 2012;126:
2177-21.
3 Hurt RD, Weston SA, Ebbert JO, et al. Myocardial infarc-
tion and sudden cardiac death in Olmsted county, Min-
nesota, before and after smoke-free workplace laws.
Arch Intern Med 2012;29:1-7.
tail de types cellulaires et que ce processus
paraît être à sens unique, allant de pair avec
une fixation croissante des destins cellulaires ?
La découverte que ce fléchage unidirection-
nel est beaucoup plus superficiel qu’on le
croyait, qu’il est en quelque sorte inessentiel
et révocable, pose un défi conceptuel à la
biologie et à ceux des philosophes qui s’inté-
ressent à celle-ci.
Que toute cellule soit «potentiellement toti-
potentielle» déboulonne la notion reçue de
potentialité et c’est tout l’aristotélisme intuitif
de l’embryologie classique qui s’effrite. C’est
même toute l’ontologie des objets du déve-
loppement, gamètes, cellules, embryon, orga-
nisme constitué, qui doit être réorganisée,
avec des implications majeures pour certai nes
questions normatives comme celle dite «du
statut éthique de l’embryon». En effet, les tours
de passe-passe sémantiques («l’embryon est
une personne potentielle» ou «l’embryon est
une personne avec du potentiel») souvent in-
voqués par les adversaires de la recherche
sur l’embryon humain révèlent leur vacuité :
ces affirmations sont soit fausses, soit tauto-
logiques. L’ironie, c’est que la recherche sur
les cellules pluripotentielles induites, dont une
des motivations était de trouver une source
de cellules pluripotentielles autre que l’em-
bryon lui-même, a du même coup détruit l’ar-
gumentation éthique que motivait cet aspect
de la recherche. Comme le disent le biologiste
et philosophe Giuseppe Testa et ses collabo-
rateurs : «Par un tournant vraiment ironique du
destin, les efforts de recherche visant à repro-
grammer des cellules adultes pour con tour-
ner les problèmes d’éthique supposés soule-
vés par les cellules souches embryonnaires
ont fini par démanteler les arguments sur les-
quels ces problèmes étaient fondés.»
2
Que reste-t-il de ces questions biologiques
et philosophiques essentielles dans le reflet
qu’ont donné les médias de ces découvertes
et du prix qui les récompense ? Rien ou pas
grand-chose. Un exemple : une chaîne de té-
lévision franco-allemande emblématique des
médias «de qualité» organise un débat sur les
cellules souches. De quoi sera-t-il question
dans l’entièreté de la discussion ? De la re-
cherche humaine de l’immortalité, effort légi-
time ou
hubris
insupportable, de la valeur dis-
cutable de la longévité extrême… vous voyez
le topo. Ce sont de tels malentendus fonda-
mentaux qui constituent le premier obstacle
au débat démocratique sur les applications
des sciences du vivant.
1 A vrai dire, le terme de «reprogrammation cellulaire»
généralement utilisé est assez malheureux, car il laisse
entendre que le programme initial est perdu et qu’il de-
vrait être reconstitué de l’extérieur.
2 Testa G, et al. Breakdown of the potentiality principle
and its impact on global stem cell research. Cell Stem
Cell 2007;1:153-6.
Pr Alex Mauron
Institut d’éthique biomédicale
CMU, 1211 Genève 4
alexandre.mauron@unige.ch
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