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6. Discussion
L'offre de soins proposée dès l'année 2008 par le SSR de Médecine In-
terne de l'hôpital Bichat était pilote au sein de l'assistance publique
hôpitaux de Paris (APHP). Les patients qui y sont pris en charge sont
relativement jeunes, polypathologiques et en situation de grande
fragilité sociale. Pour la majorité des patients, le séjour en SSR a permis
1- la résolution des problèmes médicaux ayant motivé la prise en
charge, 2- un retour au domicile dans des conditions optimisées et 3-
un moindre recours hospitalier dans l'année suivant la sortie
d'hospitalisation. La résolution des problèmes médicaux ayant motivé
la prise en charge en SSR était associée à une diminution de la mortalité
à 1 an.
La durée d'hospitalisation des patients pris en charge en SSR de
Médecine Interne est longue: 108 jours en médiane d'hospitalisation
en SSR faisant suite à 41 jours en médiane d'hospitalisation en secteur
« aigu » MCO (médecine, chirurgie, obstétrique). L'analyse de 24,681
séjours en SSR dans les suites d'un AVC entre 2010 et 2014 à partir
des données du PMSI montrait que la durée médiane de séjour était
de 60 jours en SSR neuro-locomoteur, 41 jours en SSR gériatrique et
36 jours dans les autres types de SSR (I.e. cardiovasculaire, respiratoire,
métabolique,…) pour des patients âgés de 58 à 89 ans ayant eu en
amont 1 séjour en MCO de 15 jours en médiane [1]. En 2008, l'analyse
à l'échelle nationale des données du PMSI et des statistiques annuelles
des établissements de santé (SAE) identifiait, pour une durée moyenne
de séjour en SSR de 34,8 jours, 1321 très longs séjours (i.e. d'une durée
supérieure à l'année) [2]. La longue durée de séjour en SSR de Médecine
Interne est à mettre en lien avec la polypathologique (médiane de 5 pa-
thologies chroniques graves par patient), les comorbidités (médiane du
score de Charlson à 6 à l'admission), le niveau de dépendance (50 % des
patients ayant un score A.D.L b3), la lourdeur des soins (près de 50 % de
pansements complexes, 25 % de patients en hémodialyse) et les
difficultés d'ordre social (près de 1/3 de patients sans domicile fixe, 2/
3 de patients ayant un revenu bSMIC) à résoudre avant la sortie du SSR.
Le niveau d'autonomie nécessaire à la sortie de SSR du patient dé-
pend fortement de la structure d'accueil au retour (domicile), de
l'entourage (famille, aidants ;…) et des ressources socio-économiques.
Si l'on considère le temps administratif et logistique nécessaire à la
mise en place des aides sociales (orientation MDPH, allocation adulte
handicapé, allocation personnalisée d'autonomie, aide médicale d'état)
et à l'adaptation et la sécurisation du domicile au moyen d'aides tech-
niques (barre d'appui, lit médicalisé, déambulateur) et/ou humaines,
les contraintes de nature socio-économique conditionnent pour une
part importante la durée de séjour. Paradoxalement ces variables de
contexte ne sont le plus souvent pas disponibles dans les analyses de
durées de séjour en SSR. Dans notre étude, le séjour hospitalier a dû
être prolongé pour résoudre des problèmes de nature sociaux (alors
que les problèmes médicaux étaient eux résolus) chez la majorité des
patients (n= 32, 54,5 %). Cette « attente » pour raison sociale a prolongé
en médiane le séjour hospitalier de 49,5 jours (+ 35 % du temps
d'hospitalisation, p= 0,0012).
Les pathologies des patients admis en SSR de Médecine Interne sont
multiples (en nombre et en diversité), sévères (score de Charlson à
l'admission élévé ; 25 % de décès identifiés dans l'année suivant la sortie
d'hospitalisation) et donc susceptibles d'aggravation aiguë (plus de 1/5
patient transféré en cours de séjour en secteur aigu pour dégradation
clinique). Dans notre étude, pour une population d'âge médian de 61
ans, le score de Charlson à l'admission était ≥4 chez 83,6 %. L'analyse
de l'ensemble des séjours (n= 8884) en SSR de cardiologie après
infarctus du myocarde en France en 2011 montrait que seulement 28
% des patients (âge moyen 65 ans) avaient un score de Charlson à
l'admission ≥4[3]. Dans cette étude la durée médiane de séjour en
SSR était de 40,7 jours. De la même façon, le score de Charlson calculé
chez 366 patients hospitalisés sur 1 mois dans 19 services de Médecine
Interne en France était de 0 chez 98 (27 %) patients (âge médian de 50,4
ans) [4]. Dans notre étude, 2 patients seulement (3,3 %) avaient un score
de Charlson à 0 à l'admission. La prise en charge des patients en SSR de
Médecine Interne est rendue possible par la proximité immédiate avec
les structures de soins aigus (telles que les unités de soins intensifs) et
du plateau technique multidisciplinaire fonctionnant 24 h/24 h.
Malgré une approche pluridisciplinaire (assistante sociale, aides-
soignants, diététicienne, ergothérapeute, infirmiers, médecins,
psychologue,…) et un séjour hospitalier prolongé (médiane 128
jours), la prise en charge en SSR de Médecine Interne ne permet pas la
résolution complète des problèmes médicaux pour 1/3 des patients. Le
seul facteur associé de façon significative à l'« échec » de la prise en
charge en SSR est d'ordre social (revenus bSMIC) confirmant la force
du lien précarité - « mauvaise » santé [5]. Le niveau de précarité sociale
des patients pris en charge en SSR de Médecine Interne (pourcentage de
patients SDF, faibles revenus et faible niveau de couverture sociale) est
comparable à celui des patients se présentant à la consultation de per-
manence d'accès aux soins de santé (PASS) des centres hospitalo-
universitaires parisiens [6]. Pour plus de 90 % des patients pris en charge
en SSR de Médecine Interne, la première admission sur le site était via le
service d'accueil des urgences (SAU) rendant compte du recours aux
soins souvent tardif, et à un état avancé dans la maladie, des personnes
les plus démunies. Ainsi, le SSR de Médecine Interne peut véritablement
être considéré comme un « deuxième aval » du SAU. Fait majeur, le taux
de mortalité à 1 ande la sortie d'hospitalisation des patients en « échec »
de prise en charge est très élevé (42 %) et bien supérieur à celui observé
chez les patients pour qui la prise en charge en SSR a permis la résolu-
tion complète des problèmes médicaux (12,5 % pb0,01).
Ce travail a plusieurs limites : 1-l'analyse est rétrospective et
monocentrique, 2-le nombre de patients analysés est limité, 3-les pa-
tients pris en charge sont issus du bassin de population du nord de
Paris, plus pauvres et disposant d'un accès aux soins moins favorisé
que ceux du centre ou de l'ouest de la capitale, 4-les données issues
du PMSI (nombre de réadmissions et décès dans l'année suivant la sortie
de SSR) ne capturent que les séjours sur le site (Hôpital Bichat) et ne
sont donc pas exhaustives. Cette étude offre toutefois la première de-
scription de la population âgée de 75 ans ou moins accueillie en SSR
de Médecine Interne.
En conclusion, les patients pris en charge en SSR de Médecine In-
terne sont, en raison de leur fragilité médicale et sociale ainsi que des
fortes contraintes techniques et du coût inhérents à leurs pathologies,
« naturellement » exposés à la rupture de soins. Ce travail montre que
chez ces patients 1-la dégradation de l'état de santé est souvent révers-
ible et 2-l'absence d'amélioration de l'état de santé est associée à une
forte mortalité à 1 an.
Déclaration de liens d'intérêt
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.
Sources de financements
Aucune.
Contribution des auteurs
KS and MPC had full access to all of the data in the study and take re-
sponsibility for the integrity of the data and the accuracy of the data
analysis. Acquisition of data: SH, KS, JFA, AD, TG, CB, MN, DVG, TP and
MPC. Analysis and interpretation of data SH, KS, JFA, AD, TG, CB, MN,
DVG, TP and MPC. Manuscript preparation: SH, KS, TP and MPC.
Reviewed and approval of the manuscript SH, KS, JFA, AD, TG, CB, MN,
DVG, TP and MPC.
4S. Hannane et al. / La Revue de médecine interne xxx (2020) xxx–xxx
Pour citer cet article : Hannane S, et al., Soins de suite et réadaptation (SSR) de Médecine Interne pour sujets jeunes polypathologiques: étude
observationnelle d'une structure pilot..., Rev Med Interne (2020), https://doi.org/10.1016/j.revmed.2020.07.003
ARTICLE IN PRESS
G Model
REVMED-5942; No. of Pages 5