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Le grand livre du Marketing

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JEAN-MARIE DUCREUX (ESCP, MBA Columbia
et DES Sciences Éco) a commencé sa carrière
professionnelle en créant une entreprise de services
aux États-Unis, avant de rejoindre le Boston
Consulting Group à Paris. Il a ensuite dirigé la
filiale française de Seagram, puis la filiale française
d’ICI, puis deux entreprises de taille moyenne
dans le domaine de l’ingénierie et des technologies.
Administrateur de plusieurs sociétés de services,
il a été Senior Advisor au Boston Consulting
Group. Professeur affilié à l’ESCP-Europe, il est
l’auteur de La Formation dans tous ses états, de
Stratégie : les clés du succès concurrentiel et du
Grand livre de la stratégie aux éditions Eyrolles.
La démarche marketing assure à qui la connaît pérennité, croissance
et rentabilité. Il est donc essentiel d’en maîtriser les fondamentaux. À
l’heure d’Internet et de la dématérialisation de l’information, cet ouvrage
permet d’identifier les invariants de la réussite.
Ancré dans la réalité d’aujourd’hui, ce guide complet offre une
approche pédagogique illustrée par de nombreux exemples et plus de
200 figures.
>> Connaître pour comprendre
Rassemblez le maximum d’informations sur le marché, les
clients, la concurrence, les tendances et la dynamique du marché
et organisez ces informations de manière à ce qu’elles soient
utilisables et utilisées.
>> Positionner pour durer
Apprenez comment définir un positionnement stratégique rentable
et durable et déterminez le modèle économique qui l’accompagne.
barbarycourte.com
>> Concevoir pour convaincre
Découvrez comment concrétiser votre positionnement en
organisant les différentes composantes de votre offre (produits,
services, prix, communication, distribution) avec pertinence et
cohérence.
Auteur de plusieurs ouvrages de référence, JEAN-MARIE DUCREUX
est professeur affilié à l’ESCP-Europe.
Code éditeur : G54980
ISBN : 978-2-212-54980-5
>> Déployer pour réussir
Sachez mobiliser l’ensemble de vos ressources pour vous
implanter durablement sur le marché et utilisez les indicateurs
adaptés à vos besoins.
JEAN-MARIE DUCREUX
Conquérir et consolider
son avantage concurrentiel
jour après jour
Le grand livre du marketing
Introduction
C+KOMAVAN
Première partie
Connaître pour comprendre
Chapitre 1. Connaître le client d’aujourd’hui
JEAN-MARIE DUCREUX
Chapitre 2. Analyser
l’environnement de l’entreprise
Chapitre 3. Anticiper le monde de demain
Chapitre 4. Confronter l’entreprise
à son environnement
Deuxième partie
Positionner pour durer
Le grand livre du
marketing
Chapitre 1. Mener la
segmentation stratégique
Chapitre 2. Modéliser le
positionnement stratégique
Chapitre 3. Cristalliser le positionnement
Chapitre 4. Pérenniser le positionnement
Focus. Un exemple de
repositionnement : Valentine
Troisième partie
Concevoir pour convaincre
Chapitre 1. Ajuster les
ressources marketing
Chapitre 2. Dynamiser les produits services
> Connaître pour comprendre
> Positionner pour durer
> Concevoir pour convaincre
> Déployer pour réussir
Chapitre 3. Gérer activement les prix
Chapitre 4. Valoriser la distribution
Chapitre 5. Intégrer la communication
Focus. Un exemple de marketing
mix : Chivas Regal
Quatrième partie
Déployer pour réussir
Chapitre 1. Réunir les conditions de réussite
Chapitre 2. Assurer l’adaptation
internationale
Chapitre 3. Formaliser le plan marketing
Bibliographie
Index des mots clés
Index des graphiques
Glossaire des termes anglais
Table des matières
28 €
54980_montage_185_2k.indd 1
155 x 240 mm + rabats de 100 mm - 18,5 mm
19/05/11 10:44
JEAN-MARIE DUCREUX (ESCP, MBA Columbia
et DES Sciences Éco) a commencé sa carrière
professionnelle en créant une entreprise de services
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dans le domaine de l’ingénierie et des technologies.
Administrateur de plusieurs sociétés de services,
il a été Senior Advisor au Boston Consulting
Group. Professeur affilié à l’ESCP-Europe, il est
l’auteur de La Formation dans tous ses états, de
Stratégie : les clés du succès concurrentiel et du
Grand livre de la stratégie aux éditions Eyrolles.
La démarche marketing assure à qui la connaît pérennité, croissance
et rentabilité. Il est donc essentiel d’en maîtriser les fondamentaux. À
l’heure d’Internet et de la dématérialisation de l’information, cet ouvrage
permet d’identifier les invariants de la réussite.
Ancré dans la réalité d’aujourd’hui, ce guide complet offre une
approche pédagogique illustrée par de nombreux exemples et plus de
200 figures.
>> Connaître pour comprendre
Rassemblez le maximum d’informations sur le marché, les
clients, la concurrence, les tendances et la dynamique du marché
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Apprenez comment définir un positionnement stratégique rentable
et durable et déterminez le modèle économique qui l’accompagne.
>> Concevoir pour convaincre
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services, prix, communication, distribution) avec pertinence et
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Introduction
C+KOMAVAN
Première partie
Connaître pour comprendre
Chapitre 1. Connaître le client d’aujourd’hui
JEAN-MARIE DUCREUX
Chapitre 2. Analyser
l’environnement de l’entreprise
Chapitre 3. Anticiper le monde de demain
Chapitre 4. Confronter l’entreprise
à son environnement
Deuxième partie
Positionner pour durer
Le grand livre du
marketing
Chapitre 1. Mener la
segmentation stratégique
Chapitre 2. Modéliser le
positionnement stratégique
Chapitre 3. Cristalliser le positionnement
Chapitre 4. Pérenniser le positionnement
Focus. Un exemple de
repositionnement : Valentine
Troisième partie
Concevoir pour convaincre
Chapitre 1. Ajuster les
ressources marketing
Chapitre 2. Dynamiser les produits services
> Connaître pour comprendre
> Positionner pour durer
> Concevoir pour convaincre
> Déployer pour réussir
Chapitre 3. Gérer activement les prix
Chapitre 4. Valoriser la distribution
Chapitre 5. Intégrer la communication
Focus. Un exemple de marketing
mix : Chivas Regal
Quatrième partie
Déployer pour réussir
Chapitre 1. Réunir les conditions de réussite
Chapitre 2. Assurer l’adaptation
internationale
Chapitre 3. Formaliser le plan marketing
Bibliographie
Index des mots clés
Index des graphiques
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Stratégie : les clés du succès concurrentiel et du
Grand livre de la stratégie aux éditions Eyrolles.
La démarche marketing assure à qui la connaît pérennité, croissance
et rentabilité. Il est donc essentiel d’en maîtriser les fondamentaux. À
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permet d’identifier les invariants de la réussite.
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200 figures.
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Rassemblez le maximum d’informations sur le marché, les
clients, la concurrence, les tendances et la dynamique du marché
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utilisables et utilisées.
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Introduction
C+KOMAVAN
Première partie
Connaître pour comprendre
Chapitre 1. Connaître le client d’aujourd’hui
JEAN-MARIE DUCREUX
Chapitre 2. Analyser
l’environnement de l’entreprise
Chapitre 3. Anticiper le monde de demain
Chapitre 4. Confronter l’entreprise
à son environnement
Deuxième partie
Positionner pour durer
Le grand livre du
marketing
Chapitre 1. Mener la
segmentation stratégique
Chapitre 2. Modéliser le
positionnement stratégique
Chapitre 3. Cristalliser le positionnement
Chapitre 4. Pérenniser le positionnement
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repositionnement : Valentine
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Chapitre 1. Ajuster les
ressources marketing
Chapitre 2. Dynamiser les produits services
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Chapitre 4. Valoriser la distribution
Chapitre 5. Intégrer la communication
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Introduction
C+KOMAVAN
Première partie
Connaître pour comprendre
Chapitre 1. Connaître le client d’aujourd’hui
JEAN-MARIE DUCREUX
Chapitre 2. Analyser
l’environnement de l’entreprise
Chapitre 3. Anticiper le monde de demain
Chapitre 4. Confronter l’entreprise
à son environnement
Deuxième partie
Positionner pour durer
Le grand livre du
marketing
Chapitre 1. Mener la
segmentation stratégique
Chapitre 2. Modéliser le
positionnement stratégique
Chapitre 3. Cristalliser le positionnement
Chapitre 4. Pérenniser le positionnement
Focus. Un exemple de
repositionnement : Valentine
Troisième partie
Concevoir pour convaincre
Chapitre 1. Ajuster les
ressources marketing
Chapitre 2. Dynamiser les produits services
> Connaître pour comprendre
> Positionner pour durer
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> Déployer pour réussir
Chapitre 3. Gérer activement les prix
Chapitre 4. Valoriser la distribution
Chapitre 5. Intégrer la communication
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Quatrième partie
Déployer pour réussir
Chapitre 1. Réunir les conditions de réussite
Chapitre 2. Assurer l’adaptation
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Chapitre 3. Formaliser le plan marketing
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Le grand livre du marketing
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5927_.book Page 3 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Jean-Marie Ducreux
Le grand livre
du marketing
5927_.book Page 4 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Éditions d’Organisation
Groupe Eyrolles
61, bd Saint-Germain
75240 Paris cedex 05
www.editions-organisation.com
www.editions-eyrolles.com
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’Éditeur
ou du Centre Français d’Exploitation du Droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins,
75006 Paris.
© Groupe Eyrolles, 2011
ISBN : 978-2-212-54980-5
5927_.book Page 5 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
SOMMAIRE
INTRODUCTION. C+KOMAVAN .................................................
7
Première partie
Connaître pour comprendre ..............................................
11
CHAPITRE 1. CONNAÎTRE LE CLIENT D’AUJOURD’HUI ........................
13
CHAPITRE 2. ANALYSER L’ENVIRONNEMENT DE L’ENTREPRISE ..............
35
CHAPITRE 3. ANTICIPER LE MONDE DE DEMAIN ................................
45
CHAPITRE 4. CONFRONTER L’ENTREPRISE À SON ENVIRONNEMENT......
59
© Groupe Eyrolles
Deuxième partie
Positionner pour durer .......................................................
67
CHAPITRE 1. MENER LA SEGMENTATION STRATÉGIQUE ......................
69
CHAPITRE 2. MODÉLISER LE POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE ..............
83
CHAPITRE 3. CRISTALLISER LE POSITIONNEMENT ...............................
101
CHAPITRE 4. PÉRENNISER LE POSITIONNEMENT ................................
109
5
5927_.book Page 6 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Le grand livre du marketing
Troisième partie
Concevoir pour convaincre ...............................................
135
CHAPITRE 1. AJUSTER LES RESSOURCES MARKETING...........................
137
CHAPITRE 2. DYNAMISER LES PRODUITS SERVICES .............................
147
CHAPITRE 3. GÉRER ACTIVEMENT LES PRIX ......................................
169
CHAPITRE 4. VALORISER LA DISTRIBUTION ......................................
191
CHAPITRE 5. INTÉGRER LA COMMUNICATION ..................................
209
Quatrième partie
241
CHAPITRE 1. RÉUNIR LES CONDITIONS DE RÉUSSITE ..........................
243
CHAPITRE 2. ASSURER L’ADAPTATION INTERNATIONALE ....................
259
CHAPITRE 3. FORMALISER LE PLAN MARKETING ................................
283
BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................
293
INDEX DES MOTS CLÉS ................................................................
295
INDEX DES FIGURES ....................................................................
297
GLOSSAIRE DES TERMES ANGLAIS ..................................................
305
TABLE DES MATIÈRES ..................................................................
307
© Groupe Eyrolles
Déployer pour réussir ........................................................
6
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Introduction
© Groupe Eyrolles
C+KOMAVAN
Jusqu’à une période récente, le marketing pouvait sembler un
« art » plutôt facile : les évolutions étaient lentes, les niveaux de
rentabilité souvent stables, les marchés bien définis et protégés à
l’intérieur de frontières confortables, les actionnaires peu
exigeants, les technologies en progression régulière mais sans
rupture majeure. Quelques gimmicks marketing, de belles campagnes, des packagings réussis, un trade marketing sophistiqué
tenaient lieu de stratégie marketing.
Puis, le XXIe siècle est arrivé et la tourmente avec lui. La concurrence s’est rapidement exacerbée, le rythme d’innovation et de
mondialisation s’est brutalement accéléré, la visibilité s’est violemment raccourcie alors qu’il faut faire des investissements souvent
de plus en plus lourds. Les entreprises routinières et peu réactives,
focalisées sur le court terme, n’ont pas vu le client évoluer ni les
nouveaux entrants arriver. Certaines ont été balayées, d’autres ont
dû se réveiller dans la douleur.
De 1920 à 1990, la part du commerce mondial dans le PNB
mondial est restée stable autour de 15 % ; depuis 1990, la part du
commerce dans le PNB mondial n’a cessé de croître pour représenter aujourd’hui près de 30 %. Le nombre de pays qui ont rejoint
7
5927_.book Page 8 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Or, dès lors qu’il y a commerce, transports, monnaie, échange
d’informations, il y a standardisation et concurrence accrue. Les
cinq pays les plus exportateurs représentaient 50 % des exportations mondiales en 1990 et 35 % en 2005. La concurrence entre
pays et la concurrence entre entreprises sont plus vives que
jamais. Chaque entreprise doit donc mener à sa manière sa
recherche de l’avantage concurrentiel. L’avantage concurrentiel
initial est toujours celui de la compétitivité par les coûts et par les
prix. Comme on le verra ultérieurement, les coûts et les prix
tendent à baisser en monnaie constante sur de très longues
périodes pour des raisons variées dont la recherche de standardisation et l’augmentation des volumes. Dans un second temps, et
notamment lorsque la croissance d’un marché donné ralentit, la
recherche de l’avantage concurrentiel ne passe plus nécessairement par la compétitivité des coûts et des prix, mais par la valeur
attribuée au bien ou au service, valeur générée par différentes
formes de différenciation telles que qualité, service, fiabilité, etc. !
La dynamique concurrentielle crée ainsi un renouvellement
permanent d’offres s’appuyant sur un nouvel avantage concurrentiel, parfois d’autant plus fugitif qu’il est mineur. Cette fugacité
croissante de l’avantage concurrentiel se matérialise par la disparition d’entreprises et par l’apparition de nouveaux entrants. La
création d’entreprises n’a jamais été aussi forte : de nombreuses
entreprises de petite ou moyenne taille créées récemment prospèrent sur la base d’une innovation, d’une invention, d’une capacité
commerciale mise en œuvre avec succès. Le raccourcissement du
cycle de vie des produits est spectaculaire : la durée de vie
moyenne d’un modèle de châssis de voiture est passée de huit ans
il y a vingt ans à quatre ans aujourd’hui. La durée de vie d’un téléphone portable est passée de vingt-deux mois il y a six ans à seize
mois aujourd’hui.
8
© Groupe Eyrolles
la World Trade Organization (WTO) est passé de 85 en 1980 à 150
en 2005. Le transport maritime a pratiquement doublé depuis
1975. La masse de produits expédiés de Chine vers les États-Unis
augmente d’environ 9 à 12 % par an, soit un flux annuel supplémentaire de containers arrivant aux États-Unis de 1,5 million, c’està-dire la capacité annuelle du port de Vancouver.
5927_.book Page 9 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
© Groupe Eyrolles
C+KOMAVAN
Le comportement des clients, qu’ils soient le consommateur final,
la grande entreprise ou la PME, a accompagné, voire suscité dans
certains cas des adaptations profondes de la part des entreprises.
Par exemple, les clients veulent utiliser certains produits tels que
des locomotives, des copieuses, des vélos… sans nécessairement
en être propriétaires. La politique de prix se fonde alors sur l’usage
et non sur la propriété. Cette évolution a été une source d’innovation majeure en matière de politique de prix.
L’explosion d’Internet a modifié et continuera de modifier en
profondeur la communication et la distribution. La communication
traditionnelle a explosé avec la multiplication des écrans d’ordinateurs ou de téléphones et des canaux TV. Le client est plus sollicité
que jamais et doit gérer une déferlante d’informations. Les distributeurs classiques sont pris entre le « mortar », le « click » et le
« click and mortar »1.
Face à un avenir qui semble difficilement prévisible, la réflexion
marketing est-elle devenue inutile ? En effet, s’il est de plus en plus
difficile d’anticiper les évolutions de notre environnement, ne fautil pas se focaliser sur la réactivité plutôt que sur la réflexion et la
prise en compte des phénomènes de fond ? Comme le dit si bien
Paul Valéry : « Les événements sont l’écume des choses. Mais c’est la
mer qui m’intéresse. » Un des objectifs de cet ouvrage est précisément de construire une démarche qui privilégie la « mer » et non
« l’écume ». La pandémie du court-termisme qui frappe la société
diminue nos capacités à mettre les événements en perspective et
en prospective. La culture numérique nous dicte son rythme. Que
la visibilité soit réduite rend encore plus importante cette anticipation car les bénéfices n’en seront que plus grands. Se battre
uniquement sur le terrain de la réactivité à la poursuite de
l’« écume », c’est s’engager dans une course permanente sans
vision ni ligne directrice et accepter d’être en permanence
malmené par les clients, les concurrents, les fournisseurs et toutes
les parties prenantes de la vie économique. À long terme, c’est
prendre un risque majeur sur la pérennité de l’entreprise. Parce
1.
Littéralement « clic et mortier » décrit une entreprise de l’économie traditionnelle qui a aussi une activité sur Internet.
9
5927_.book Page 10 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
© Groupe Eyrolles
qu’elle donne de l’avance en début de course, qu’elle permet de
s’adapter aux évolutions et qu’elle évite d’être pris au dépourvu
face aux ruptures, une démarche marketing construite est une
contribution essentielle à la sécurisation de l’entreprise.
C+komavan, mais plus ça change, plus c’est la même chose : les
raisons qui ont fait les succès passés feront les succès futurs. La
démarche marketing permettra d’identifier les invariants de la réussite.
La démarche marketing proposée s’articule en quatre étapes :
• première étape : connaître pour comprendre. L’objectif est de
rassembler le maximum d’informations sur le marché, les
clients, la concurrence, les tendances et la dynamique du
marché et d’organiser ces informations de manière à ce qu’elles
soient utilisables et utilisées ;
• deuxième étape : positionner pour durer. L’objectif ici est de
définir le positionnement stratégique qui va être suivi, notamment de déterminer le modèle économique qui l’accompagne ;
• troisième étape : concevoir pour convaincre. Dans cette étape,
l’entreprise doit concrétiser le positionnement en organisant les
différentes composantes de son offre (produits, services, prix,
communication, distribution) d’une manière pertinente et
cohérente ;
• quatrième étape : déployer pour réussir. Rien ne sert d’avoir un
plan marketing très élaboré si les parties prenantes ne sont pas
fortement impliquées dans l’élaboration et dans le déploiement
de ce plan et ne disposent pas des indicateurs adaptés.
10
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Première partie
Connaître pour comprendre
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5927_.book Page 13 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Chapitre 1
CONNAÎTRE LE CLIENT
D’AUJOURD’HUI
« Ce n’est pas l’employeur qui paie les salaires, c’est le client. »
© Groupe Eyrolles
Henry Ford
Ce chapitre est le plus long de cet ouvrage ; c’est le chapitre fondateur, celui qui parle de l’essentiel : le client. Il traite bien sûr du client
final, le consommateur, mais aussi de l’entreprise en tant que client.
• Le consommateur
– Le consommateur d’aujourd’hui
– Les tendances à court terme
– Les études et recherches en marketing
• L’entreprise
– Les achats sont le résultat d’une demande dérivée avec des
objectifs spécifiques
– De multiples individus sont impliqués parfois de manière très
complexe
– Des processus, des règles et des standards d’achat sont en général définis
13
5927_.book Page 14 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Le résultat d’exploitation d’une entreprise résulte de la différence
entre les produits d’exploitation et les charges d’exploitation. En
termes moins comptables, la formule s’écrit :
C’est donc le client qui écrit la première ligne du compte d’exploitation.
Si le client n’écrit pas la première ligne, il est inutile, en fait nuisible,
d’écrire la seconde. Comme l’a si bien écrit Sam Walton, le fondateur
de Wal-Mart, la plus grande chaîne de distribution mondiale :
« C’est le client qui a le pouvoir. Toutes les forces de l’entreprise
doivent donc être mobilisées vers et pour le client ; cette remarque
est d’une banalité affligeante !! Et pourtant l’histoire des entreprises
déborde de situations où le client n’a pas été la première préoccupation. »
Quelques exemples :
• 1975 : lancement du Betamax par Sony ;
• 1976 : lancement du système VHS vidéo par JVC ;
• 1978 : la part de marché du VHS devient supérieure à celle du
Betamax ;
• 1980 : le Betamax a perdu la bataille.
Pourtant, le Betamax est techniquement supérieur : résolution
horizontale, ratio bruit-signal… ; de plus, il est le premier sur le
marché. Mais, les besoins du client qui achète un magnétoscope
sont clairs : enregistrer au moins deux heures (durée d’un film ou
d’un match) ; or, à l’origine, le Betamax ne peut enregistrer qu’une
heure ; pour le client, les termes de l’alternative sont donc
simples : enregistrer un film complet avec une résolution inférieure ou enregistrer la moitié d’un film avec une résolution supérieure. Les clients ont choisi.
Ce n’est pas l’entreprise qui juge de la supériorité du produit mais
ses clients… ; à ce titre, la supériorité n’est jamais décrétée, elle est
perçue. Elle se définit comme la meilleure réponse apportée aux
besoins des clients. Les clients n’achètent pas le produit qu’on leur
vend. Les clients achètent un concept qui dérive de l’utilisation, de
l’application qu’ils comptent avoir du produit et/ou du service que
l’entreprise leur a vendu.
14
© Groupe Eyrolles
Ventes – Coûts = Résultat
5927_.book Page 15 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Connaître le client d’aujourd’hui
Au salon automobile de Detroit en janvier 2007, un journaliste interroge Bob Lutz,
directeur général de General Motors, et lui pose une première question :
« Est-ce que vos mauvaises ventes sont dues à des problèmes de qualité ?
– Il y a trois ans j’avais honte, nous devions nous battre contre cette tradition
américaine qui consiste à négliger les détails, mais aujourd’hui vous ne pourriez pas
trouver une voiture japonaise ou allemande aussi bien assemblée que les nôtres.
– Vous êtes surtout présents sur les gros 4x4, les SUV et les pick-up, un marché en
déclin…
– GM n’a pratiquement pas senti le déclin ; nous avons même gagné de la part de
marché grâce à nos nouveaux véhicules qui sont plus efficaces que ceux de Toyota ou
de Nissan, et en ce qui concerne les pick-up nous avons battu notre record en 2006
avec plus d’un million d’unités vendues1. »
En décembre 2008, le président du groupe General Motors, Rick Wagoner, se
rend au Sénat américain pour obtenir des financements publics ; il déclare : « Nous
sommes ici au Sénat américain parce que nous avons fait des bêtises ; nous n’avons
pas réussi à être suffisamment flexibles et nous n’avons pas investi dans des véhicules
moins gourmands en carburant qui est ce que veut le marché américain2. »
Cet aveuglement n’est ni propre aux grandes entreprises, ni
nouveau. Le dirigeant de petite ou moyenne entreprise confronté
à une livraison en retard, un appel urgent de son banquier ou une
difficulté de production n’a guère le temps de placer le client au
centre de l’entreprise. L’autisme n’est pas loin.
Cette incapacité de beaucoup d’entreprises à mettre le client en
première ligne n’est guère nouvelle. Dès 1960, dans un article
célèbre intitulé « Marketing Myopia3 », Theodore Levitt dénonçait
la « myopie » dont sont frappées certaines firmes.
À l’inverse, certaines entreprises ont mis le client ou plutôt les
clients au centre de leur démarche.
© Groupe Eyrolles
Cisco – John Chambers, le PDG de Cisco : « Je passe actuellement la moitié de mes
journées avec les clients ; d’ici deux ans, je passerai les deux tiers de mon temps avec
eux et je doublerai le nombre de rendez-vous. »
Procter&Gamble – « Le consommateur est le patron » chez P&G ; chaque 23 avril
(en référence au 23 avril 1985 quand Coca-Cola lança à grands renforts
médiatiques le New Coke qui fut un échec spectaculaire), les salariés doivent se
demander ce qu’ils font pour améliorer la vie des consommateurs.
1.
2.
3.
Wall Street Journal, janvier 2007.
Financial Times du 5 décembre 2008.
Theodore Levitt, « Marketing Myopia », Harvard Business Review, juilletaoût 1960.
15
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Ikea – Écoutons Lea Kumpelainen, en charge de la stratégie assortiment au siège
d’Almhult d’Ikea : « Comprendre et anticiper au mieux les attentes des clients ; cette
connaissance très pointue du client fait d’Ikea le leader mondial de l’équipement de la maison.
Nous observons comment les gens vivent, quels problèmes ils rencontrent et nous essayons
d’imaginer des solutions simples et pratiques pour leur faciliter l’usage de leur foyer. »
« Nous nous fions peu aux études de marché ; nous écoutons ce qu’elles révèlent, mais
nous ne faisons pas ce qu’elles conseillent ; nous nous appuyons sur les informations qui
remontent du terrain »
Or connaître le client aujourd’hui est de plus en plus difficile malgré
des moyens et des outils de plus en plus performants. En effet,
• les attentes des différents publics se complexifient et parfois se
contredisent :
– attentes affichées, attentes virtuelles, attentes cachées, etc.,
– plaisir, immédiateté, irrationnel, émotionnel,
– consommateurs, acheteurs, prescripteurs, distributeurs, actionnaires, etc.,
– ambiguïté des positionnements ;
• les horizons de temps se raccourcissent :
– durée de vie des produits de plus en plus brève,
– temps de développement des nouveaux produits,
– comportement « zappeur » des consommateurs,
– slalom permanent dans l’hyperchoix ;
• la concurrence se complexifie :
– concurrence directe et indirecte,
– concurrence de substitution,
– accélération des dynamiques concurrentielles ;
• les horizons géographiques s’éloignent et se rapprochent :
– interpénétrations régionales,
– standardisation des produits,
– mondialisation et globalisation,
– « virtualisation » des produits/services,
– cocooning, repli sur son microcosme ;
• les enjeux financiers augmentent :
– développement, complexification, lancements ; coûts des
échecs,
– non-concordance des horizons de temps.
16
© Groupe Eyrolles
« Ikea attire un ensemble éclectique de clients (de l’étudiant au yuppie) qui auparavant
faisaient leur shopping auprès de plusieurs types de magasins. »
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Connaître le client d’aujourd’hui
L’expression générique « le client » comprend en fait une très grande
variété de clients : il peut s’agir en effet du client/consommateur/
client final, du client « grande entreprise » ou du client « PME »… Au
sein de chacune de ces catégories, nombreuses sont les segmentations possibles avec des besoins, des comportements associés et
des modes de décision spécifiques. Connaître un marché, c’est mener
des études, mais aussi… sortir de son bureau, observer les flux, aller
dans la rue, aller chez les clients et surtout bannir l’anthropomorphisme. Dans le roman Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque
part1 d’Anna Gavalda, la vendeuse résume brillamment son
approche : « Notez qu’à part l’énergie dépensée pour gérer ma
gérante, je me défends pas mal. Donnez-moi n’importe quelle cliente,
je vous l’habille de pied en cap. Sans oublier les accessoires. Pourquoi ?
Parce que je la regarde. Avant de la conseiller, je la regarde. »
© Groupe Eyrolles
Le consommateur
Il était une fois l’âge d’or du marketing de masse caractérisé par des
innovations puissantes, des marques fortes, des super/hypermarchés en forte croissance, peu de médias présentant des programmes
intergénérationnels (Dallas), une structure familiale simple et standard, bref des consommateurs prévisibles et en masse.
Mais aujourd’hui, c+komavan.
« Pour la première fois, le consommateur est le patron, chose fascinante et effrayante, car tout ce que nous faisions ou tout ce que nous
savions ne marche plus », affirme Kevin Roberts, directeur général de
Saatchi&Saatchi. La croissance des marques de distributeurs du pas
cher au meilleur, un nouvel environnement de distribution, l’explosion d’Internet, des audiences fragmentées (Sex in the City, Desperate
Housewifes, Femmes de footballeurs…), une diversité accrue de
structure familiale ont déstabilisé des marchés devenus beaucoup
moins prévisibles et un consommateur à l’identité précaire, assailli de
doutes en tout genre :
• déracinement progressiste : mondialisation, craintes multiples, plombiers
polonais, maternités tardives ;
1.
Le Dilettante, 1999 (première édition).
17
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
• affaiblissement des structures sociales en place ; fin du rôle central du travail ;
• doutes sur l’entreprise (rappel auto : Toyota, Mercedes, médicaments qui se révèlent
inefficaces ou dont les effets secondaires peuvent être dangereux voire mortels, Enron,
Northern Rock, Société Générale, retraites chapeau, GM, stock-options…) ;
• perte de cadre établi et durable : papillonnage, zapping, réseau d’amis virtuels,
instantanéité. Consommateurs débordés par le nombre de références :
150 références de whisky, plus de 400 références de yaourts dans les hypers, plus
de 100 références de brosses à dents, etc. ;
• agression commerciale permanente par les spams ; volonté d’appropriation du
quotidien : connexion permanente ; augmentation de la traçabilité – syndrome 06
(symbole du téléphone portable) + Wi-Fi ;
• crise du lien social, familial, individuel (celui qui fait tenir ensemble une
personnalité) ; réenracinement nostalgique et retour de la communauté ;
désinvestissement du futur (fin du progrès) ; baisse de l’engagement politique
(chute des utopies), etc.
Le consommateur d’aujourd’hui
Le consommateur est aujourd’hui un individu déboussolé en
recherche de sens ; l’entreprise elle-même est à la recherche du
client perdu :
• la moitié des grignoteurs de biscuits pour enfants ont plus de 35 ans ;
• 12 millions des 45 millions de consommateurs de LU ont plus de 50 ans ;
• 71 % des consommateurs de Nesquick ont plus de 15 ans ; 10 millions d’entre
eux ont plus de 35 ans ;
• 35 % des lingettes pour bébés sont achetées par des foyers qui n’ont pas d’enfants ;
• 17 % des utilisateurs de crèmes féminines pour le visage sont des hommes ;
Au travers d’identifications multiples, chacun est son propre
Pygmalion pour produire sa propre existence. Les consommateurs
sont toujours à quelques clics de la concurrence et deviennent
eux-mêmes par les informations qu’ils échangent de véritables
vecteurs de communication, un média à part entière. Ils deviennent ainsi une source d’informations privilégiées à l’heure où
l’influence de la publicité de masse (« la ménagère de moins de
50 ans ») s’étiole. Ils attendent une offre totalement spécifique ; la
communication doit être adaptée à chaque canal mais cohérente
sur l’ensemble des canaux ; la brutalité des messages, le marketing
de proximité, la vague anticool et le retour du mauvais goût dans
18
© Groupe Eyrolles
• 26 % des femmes utilisent des déodorants masculins.
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Connaître le client d’aujourd’hui
la mode remettent en cause les modèles du marketing de masse.
Quête de sens et d’identité, hypersegmentation, audiences plus
fragmentées, coût croissant des médias, efficacité douteuse et/ou
mal mesurée sont les fondements d’un nouveau marketing qui
prend en compte l’interaction avec le consommateur et qui permet
aux entreprises de proposer des offres individualisées.
• Clarins : « Votre peau est aussi unique que votre ADN » ; My Blend, la dernière
ligne cosmétique de Clarins, propose à ses clientes de leur concocter sur mesure
la crème dont leur peau a besoin.
• Intel : d’ici quatre ou cinq ans, on pourra disposer sur un PC de la puissance d’un
énorme data center ; « Votre médecin pourra alors à partir de votre corps finement
modélisé vous prescrire l’exacte posologie pour soigner votre angine » (Stéphane
Nègre, DG Intel France).
• La Poste : « Il faut anticiper des attentes, des frustrations des envies qui ne sont pas
toujours exprimées ; désormais, chacun peut affranchir son courrier avec des timbres à
sa propre effigie » (Jean-Paul Bailly, directeur général de La Poste).
• Essilor : « Un verre conçu uniquement pour vous selon la façon dont chacun bouge la
tête et les yeux. »
Les tendances à court terme
© Groupe Eyrolles
Les tendances les plus impactantes de l’offre actuelle semblent être
les suivantes.
• Le « tout service » (dématérialisation) : à l’origine, l’objectif de la
Smart était de passer de la voiture à la mobilité. Dans un
contexte de centres-ville saturés et de sensibilité grandissante à
la pollution, Smart se proposait de changer les données du
déplacement en ville et voulait placer ses clients au sein d’une
« chaîne de mobilité » :
– une petite urbaine à deux places, économique, de 250 cm seulement ;
– des formules de location novatrices (une Smart louée 11 mois de l’année et une
grosse berline pour les vacances) ;
– l’intégration du véhicule dans la chaîne de transport en cas de déplacement
« multi-modal » du client ;
– une assurance et un forfait d’entretien totalement intégrés ;
– des parkings dédiés aux périphéries des grandes villes européennes ;
– des centres de distribution/entretien/réparation permettant d’obtenir un
véhicule personnalisé en moins de trois heures.
Certes, le déroulé pratique n’a pas été exactement celui prévu,
mais le concept a donné naissance à de nombreux services dans
19
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
le domaine des transports (vélo), ou de l’informatique (puissance
informatique partagée).
• Le « tout électronique » (désintermédiation) : en 2001, le
« tourisme en ligne » est devenu le premier secteur du commerce
électronique. L’e-banking, les e-assurances, les e-tickets, le
courtage en ligne ont commencé à envahir la vie quotidienne.
La communication traditionnelle est remise en question car la
multiplication des écrans (nombre de chaînes TV, téléphone, etablettes, publi-écrans…) permet de régler l’arbitrage ancien
entre richesse et complexité des contenus et étendue du champ
d’action/nombre de personnes touchées.
Richesse
du contenu
Contenu riche,
peu diffusé
Internet
Multiplication
des écrans
(TV, téléphone)
PERSONNALISATION
DES MESSAGES
Contenu simple,
très diffusé
Champ d’action
La fin de l’arbitrage richesse/champ d’action
notre relation à la
consommation dépasse l’objet et sa possession ; elle recouvre
une part grandissante de symbolique, d’émotionnel et de relationnel ; « Le lien importe souvent plus que le bien » (comportements symboliques, logiques communautaires…).
• « Si vous pouvez combiner la technologie et la fantaisie de vos 6 ans, vous êtes en
mesure de créer quelque chose de très puissant et de très différent dans l’esprit des
gens : un “produit émotionnel”. Plus qu’un objet : un signe de reconnaissance culturel et
tribal » (Nicolas Hayek, SMH).
20
© Groupe Eyrolles
• Le « tout expérience » (imagination) :
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Connaître le client d’aujourd’hui
• « De distributeurs de produits alimentaires, nous sommes devenus des créateurs de
solutions pour mieux vivre. Cinq nouvelles valeurs sont ainsi promues autour de la
marque : la confiance, l’authenticité, la découverte, la relation et la facilité. Cette
approche nous amène à privilégier l’innovation sociologique sur l’innovation
technologique et à rechercher des alliances et des partenariats dans tous les
domaines » (André Tordjman, Auchan).
• « Au-delà du produit qui est connu, notre ambition est de créer une image, de
provoquer des débats, d’être un acteur social » (Luciano Benetton, Benetton).
• « Notre métier peut se définir autour de trois composantes principales : l’innovation, le
service et le divertissement (sense of fun). C’est cette approche qui nous permet de
transgresser toutes les logiques et de surmonter tous les obstacles » (Richard Branson, Virgin).
• « Un restaurant trois étoiles est un endroit où les gens viennent partager des
émotions. Le repas est un événement. En réalité, nous n’offrons pas de la nourriture à
nos clients. Ce que nous leur proposons est immatériel, éthéré : quelque chose comme
un conte de fées. Nous leur vendons du rêve » (Troisgros).
• « On a aimé : la métamorphose des lieux la nuit lorsque les flammes de mille
bougies créent une ambiance féerique où tout semble flotter sur l’eau ; l’orchidée
chaque jour renouvelée et la douceur du linge ; la belle alliance de l’hôtel avec
Guerlain… » (magazine Marie Claire).
© Groupe Eyrolles
• Le « tout gratuit » (démonétisation) : face à l’abondance d’offres
gratuites ou à très bas coût, le consommateur ou l’acheteur
d’entreprise s’habitue à des offres gratuites ou à des combinaisons d’offres où l’une des composantes est gratuite :
– Linux (Linus Torvald),
– Kazaa (Niklas Zennström/Pelle Törnberg),
– Skype (Niklas Zennström/Pelle Törnberg),
– Metro (Pelle Törnberg),
– téléphone portable offert avec le forfait,
– Ryan Air : vendredi 16 h, Florence : 0 €,
– consultations juridiques gratuites (mairies, associations),
– gratuité des Sanisettes,
– le mobile gratuit dans la rue (Free HD, Neuf) via les réseaux
communautaires,
– courtage en ligne : Bank of America, Zecco.com,
– « volez ce livre »,
– Deezer, Firefox
Source : Daniel Cohen, La Mondialisation et ses ennemis du bon usage
de la piraterie, Florent Latrive, Édition Exils.
21
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Sites C2C
Sites C2C
combinés
avec des
sites du
commerce
Conversation
boyfriend/
girlfriend
Études avec un
ami
Partage
de contenu
Création de
communautés
Converser tout
en regardant
la TV
Jeux en ligne
Suivi médical
Cosurveillance
de la maison
Exemple de sites C2C
22
© Groupe Eyrolles
Cette évolution, soulignée par de nombreuses études et ouvrages,
modifie en profondeur la relation à la valeur des biens et services.
• Le « tout collaboratif » : « What’s mine is yours » (ce qui est à
vous est à moi) est le titre d’un ouvrage de Botsman et Rodgers
qui décrit le phénomène de consommation collaborative qui
s’est développé avec les espaces de partage interactif rendus
possibles par le Web 2.0. C’est le « commerce » C2C, entre
clients et entre consommateurs. Ainsi, le site Netflix permet
d’échanger et de louer un ensemble de biens et de services tels
que des vêtements, des jouets pour enfants, des sources
d’énergie ou des maisons de vacances. De même, Zipcar est
un site de partage de véhicules qui regroupent plus de
400 000 membres. Pourquoi en effet dépenser une partie
significative de ses revenus dans une voiture qui reste la majorité de son temps au parking ? De nombreux sites se développent qui permettent de partager des sacs à main (Bag Borrow),
des voyages (Couch Surfing) ou toutes sortes d’objets usagés
(Freecycle). OhmyNews est un journal en ligne sud-coréen
écrit par 60 000 reporters citoyens qui y contribuent. Il est
devenu l’un des médias les plus influents de Corée et compte
jusqu’à 700 000 visites par jour. Treadless est un site en ligne
qui sollicite les internautes pour qu’ils proposent des idées de
dessins de nouveaux T-shirts ; la communauté vote et les
meilleurs dessins sont imprimés et vendus en ligne ; les
gagnants reçoivent un prix. En septembre 2007, le site a ouvert
son premier magasin à Chicago. Comme le tout gratuit, le tout
collaboratif remet en cause la relation fournisseur/client et la
valeur des biens et services. Mais signe-t-il pour autant la fin
du « j’achète donc je suis » ?
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Connaître le client d’aujourd’hui
Les études et recherches en marketing
Traditionnellement, pour cerner le consommateur, le marketing a
recours à trois grands types d’études et de recherches présentés
dans le tableau ci-dessous :
Définitions
Exemples
Moyens
Formalisation et
visualisation de situations simples ou complexes du marché
Dynamique concurrentielle, démographique, CSP,
comportement du
consommateur…
Panels, monographies, études de marché, classements…
Les études
explicatives
Mise en évidence de
variables causales et
de leur pondération
dans un phénomène
Sensibilité à différentes sollicitations, aux
prix, CSP…
Analyse de régression
dynamique, variance,
modélisation…
Les études
exploratoires
Recherche inductive
permettant une généralisation à partir d’un
échantillon limité
Attente consommateur, réaction à une
nouveauté, anticipation des ruptures…
Entretiens en profondeur, tests projectifs,
Delphi, mégatendances…
Les études
descriptives
© Groupe Eyrolles
Une typologie des études de marché
Pour mener à bien ces études, trois méthodologies sont utilisées :
• les méthodologies qualitatives ont deux fonctions : d’une part,
explorer afin de préparer une quantification et, d’autre part,
comprendre comment un problème se pose et comment modéliser un univers ;
• les méthodologies quantitatives qui visent à mesurer les variables dont dépendent les attitudes ou les comportements en
mettant en relief des corrélations ; elles sont mises en œuvre à
partir de sondages représentatifs ;
• enfin les panels qui, à partir d’un échantillon représentatif,
permettent de suivre l’évolution des marchés sur un univers
défini et à périodicité fixée.
Beaucoup d’entreprises accumulent des études de marché mais ne
parviennent pas à distiller cette recherche colossale en une
réponse claire à la question : quelles sont les attentes de nos
clients ? Comme le dit Lea Kumpelainen (Ikea), « nous nous fions
peu aux études de marché ; nous écoutons ce qu’elles révèlent,
mais nous ne faisons pas ce qu’elles conseillent ; nous nous
23
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
appuyons sur les informations qui remontent du terrain ». Il faut
donc aller beyond the numbers (au-délà des chiffres) et entrer dans
les cuisines, les Frigidaire, les magasins et les têtes. Comprendre
est important, mais il faut aussi ressentir.
Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises vont plus loin et mettent le
client à une contribution active, au point que l’on parle parfois de
« consom’acteurs » ; en voici quelques exemples :
• Nokia : le service Original Graffiti permet au client de créer sur Internet sa
propre façade de téléphone et de la transmettre via le Web à une unité de
production qui lui retournera sous quelques jours son œuvre originale ; « C’est un
argument fidélisant qui a beaucoup d’incidences sur la préférence de la marque » ;
• L’Oréal : 3 000 étudiants planchent sur le cas Biotherm Homme dans le cadre
du l’Oréal Marketing Award, jeu concours organisé dans le monde entier ; « C’est
une façon de rester en contact avec une population jeune qui a une vision précise de la
marque et une certaine forme d’expertise car ce sont des clients très exigeants » ;
• Casino : les clients experts ; Microsoft : les beta testeurs ; Cyrillus : les acheteuses
fictives ;
• Findus a installé une dizaine de caméras dans les cuisines de familles françaises ;
« En regardant les pratiques réelles des consommateurs, nous avons par exemple
compris qu’ils consommaient beaucoup de poissons surgelés nature. Nous avons
amélioré notre offre avec des portions plus pratiques et désormais nous dépassons Iglo,
alors qu’en 2004 ses parts de marché étaient 7 fois supérieures » (Matthieu
Lambeaux, directeur de Findus France) ;
• Groupe agroalimentaire Marie : fin des études réalisées par des cabinets
spécialisés et mise en place de groupes pluridisciplinaires (marketing, commercial,
R&D, production…) qui interagissent avec des consommateurs dans le cadre de
réunions interactives. De nombreux nouveaux produits sont nés de cette
méthode en partant de réflexions de consommateurs qui, par exemple,
cherchaient à allier qualité nutritionnelle et simplicité d’utilisation : les gratins aux
poissons qui permettent aux mamans de donner du poisson à leurs enfants.
Conséquences managériales : « Les différents métiers participent désormais au
processus d’innovation et sont mutualisés au service du consommateur » ;
Achetez, mangez, vivez, les études s’inspirent maintenant de la
vraie vie, comme le souligne les protagonistes : « On s’est inspiré
de la télérealité ; cela nous a permis de recouper certaines conclusions issues de sondages. Mais d’autres ont été totalement remises
en cause. Car en plaçant des caméras chez les gens, il n’y a plus de
résultats biaisés, comme c’est le cas avec le déclaratif. Tout ce que
24
© Groupe Eyrolles
• Danone fait goûter ses produits à des internautes qui partagent leurs points de
vue sur un blog créé à leur intention : « Home Use Blog ».
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Connaître le client d’aujourd’hui
l’on observe est 100 % vrai » (Steven Liebermann, directeur marketing Findus). « Cette opération Caméra salle de bains avait pour
objectif de nous reconnecter avec la réalité de l’utilisation de nos
produits en faisant sortir les équipes marketing de leur ghetto »
(Bruno Piacenza, PDG de Henkel France).
Dans le domaine des études et recherches en marketing, l’impact
des nouvelles technologies est multiple ; dans certains pays
(Australie, Japon, États-Unis), Internet est en passe de détrôner les
sondages en face à face ; ce mode de recueil progresse spectaculairement dans le monde avec le développement d’Internet et la
génération de données. Il en est de même avec l’exploration de
données (data mining), l’analyse prédictive, le développement
des algorithmes… Les avantages de ces évolutions sont
nombreux : réduction des coûts, information plus précise, retour
plus rapide.
L’entreprise
© Groupe Eyrolles
De nombreuses firmes ont des clients « consommateur » (B2C) et
des clients « entreprise » (B2B). Michelin vend à la fois aux constructeurs d’automobiles, mais aussi au client final qui change ses
pneus. Procter&Gamble vend des lessives au grand public, mais
aussi des savonnettes aux hôtels et des détergents au service
nettoyage des entreprises.
Accenture, PWC,
Valeo, SAP,
Pinguely, Volvo
Trucks, BCG, NCR,
Caterpillar, Airbus,
Sun Microsystems,
Alstom, Intel,
Veolia, Siebel,
Norbert
Dantressangle,
Air Liquide, GE
Medical, Publicis...
Saint-Gobain,
Michelin, IBM,
Lafarge, AXA,
Metro,
La Seigneurie,
Sanofi, Essilor,HP,
Gan, Ricoh,
Rank Xerox,
Beghin-Say…
EDF, SNCF,
Procter&Gamble,
L’Oréal, BNP,
SocGen, Danone,
Accor, Air France,
Renault, Hertz,
Nestlé,
Moët&Chandon,
Colgate,
Chronopost,
France Telecom,
Microsoft, Total,
Compaq, Lactel…
B2B
Chanel, Rolex,
Carrefour, Bic,
Benetton, Vuitton,
Avi, Décathlon,
Nikon, Festina,
Picard, Mont Blanc,
Honda…
B2C
Profil relatif des types de clients
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5927_.book Page 26 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Les principales caractéristiques de l’achat en milieu industriel ou
en B2B sont bien entendu très différentes de l’achat B2C :
• les achats sont le résultat d’une demande dérivée avec des
objectifs spécifiques ;
• de multiples individus sont impliqués parfois de manière très
complexe ;
• des processus, des règles et des standards d’achat sont en
général définis.
En fait, les objectifs de l’entreprise qui achète sont simples : elle veut
acheter le bon produit, dans la bonne quantité, au bon prix, pour
une disponibilité au bon moment et au bon endroit. Y parvenir est
une autre affaire. La relation entre les acheteurs et les vendeurs varie
considérablement selon les marchés. Le nombre de clients est en
effet très variable : Dassault vendant le Rafale s’adresse à un nombre
très réduit de clients potentiels ; Areva vendant une centrale
nucléaire a un nombre de clients potentiels très faible. Mais Lafarge
a à la fois quelques très gros clients et des millions d’artisans dans
le monde. De plus, dans certains cas, entre le vendeur et l’acheteur
existent une concurrence directe, une concurrence de substitution
ou une concurrence de clients. Certains des clients de Saint-Gobain
peuvent soit acheter des bouteilles, soit décider de les produire euxmêmes (« make or buy ») – ainsi, Perrier avait sa propre fabrication
(la Verrerie du Languedoc de Vergèze) –, soit utiliser d’autres types
d’emballage (acier, aluminium, brique, PET, fontaine, etc.). Par
exemple, Arianespace a créé sa propre compagnie d’assurances au
vu des primes très élevées demandées par les compagnies traditionnelles. Enfin, les vendeurs sont confrontés à une tendance lourde
qui est la réduction du nombre de fournisseurs et la désintermédiation ; ainsi, Dell, l’un des principaux constructeurs mondiaux de PC,
a procédé récemment à une réorganisation dans lequel il a invité ses
fournisseurs à s’organiser de manière efficace et a réduit leur
nombre par trois. De même, Sony, dans le cadre d’un de ses
nombreux programmes de réduction de coûts, s’est focalisé sur la
réduction du nombre de composants utilisés : celui-ci est passé de
840 000 à 100 000 dont 20 % propres à Sony, les 80 % restants étant
des composants standard utilisés par les autres fabricants ; le
nombre de fournisseurs est passé de 4 700 à 1 000.
26
© Groupe Eyrolles
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
5927_.book Page 27 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Connaître le client d’aujourd’hui
Les achats sont le résultat d’une demande dérivée
avec des objectifs spécifiques
L’achat est a priori rationnel, résultant de décisions souvent collégiales avec des critères de coût, de rentabilité, d’utilisation, de
livraison et la recherche d’une bonne adéquation produits/
besoins. Il peut s’agir d’achats répétitifs, auquel cas le marché sera
normalisé et contrôlé avec un système d’indexation des prix ou il
peut s’agir d’un achat important et ponctuel qui se traduira par un
cahier des charges, des essais, etc.
La notion de demande dérivée induit un décalage de temps entre
le moment où la décision doit être prise et le moment où ses
conséquences se concrétisent, comme le montre dans l’exemple
ci-dessous la problématique du producteur d’aluminium qui doit
prendre certaines décisions d’achat quinze ans avant que les
passagers ne montent dans l’avion.
Passagers
Agences de voyages
Tour operators
Compagnies aériennes
Avions
Autres matériaux
Équipements
Part des matériaux composite
dans le corps ou les ailes
d’un avion par type 777 : 11 % ;
787 : 50 % (fibre de carbone)
A380 : 30 % ; A350XWB : 53 %
Aluminium
Bauxite
Capacité
Électricité
© Groupe Eyrolles
La notion de demande dérivée – Le cas de l’aluminium
Le processus d’achat va être différent selon le type des produits ou
des services achetés ; il peut en effet s’agir :
• de produits de routine, incorporés de manière quotidienne dans
la vie d’entreprise (par exemple le ciment pour l’entreprise de
BTP) ;
27
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
• de produits à fort levier qui apporte une plus-value significative
au produit final (par exemple, de l’acier anticorrosion pour un
fabricant automobile) ;
• de produits stratégiques qui sont un composant critique du
produit final (par exemple le microprocesseur pour un fabricant
d’ordinateurs) ;
• de produits goulots d’étranglement : un produit qui joue un rôle
mineur dans le processus, mais qui peut néanmoins le stopper
(par exemple, le dioxyde de titane ou la boîte en aluminium
pour un producteur de peinture) ;
• de projets, c’est-à-dire d’un ensemble packagé de produits, de
services et de travail qui prend place dans le cadre d’une transaction complexe destinée à créer des actifs intangibles et/ou
tangibles dont pourra bénéficier l’acheteur sur une période de
temps importante (par exemple, l’intégration système pour un
opérateur de téléphonie mobile).
Connaître de manière approfondie le client « entreprise » est donc
primordial mais difficile. La bonne question à se poser est celle-ci :
« qui est le client ? ». En effet, le ou les décideurs sont au carrefour
d’un double réseau : d’une part, un réseau formel ou informel
interne à l’entreprise dont sont membres les utilisateurs, les acheteurs, les contrôleurs, etc. et, d’autre part, un réseau informel, externe
à l’entreprise de conseillers, de contractants, d’« influenceurs » divers
ainsi que d’institutions susceptibles d’avoir un mot à dire…
Ainsi, les laboratoires pharmaceutiques ont-ils un utilisateur final
(le patient), mais ils doivent avant tout traiter avec les multiples
administrations impliquées dans le domaine de la santé, ainsi que
les médecins et les pharmaciens : l’accès au marché (market
access) est pour le moins complexe.
Au sein du réseau interne, le rôle de chacun de ces intervenants
est variable en intensité et dans le temps ; en effet, le processus
d’achat va passer par plusieurs étapes comme le montre le schéma
ci-dessous :
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© Groupe Eyrolles
De multiples individus sont impliqués
parfois de manière très complexe
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Connaître le client d’aujourd’hui
Reconnaissance du problème
Identification du besoin
Recherche d’information
Évaluation des alternatives
Sélection des solutions et des fournisseurs
Évaluation post-achat
© Groupe Eyrolles
Processus de décision
La première étape est la reconnaissance du problème, en général
initiée par l’utilisateur du produit ou du service concerné qui
recherche une solution optimale à son besoin. La deuxième étape
consiste à traduire ce problème en une identification des besoins
qui peut aller jusqu’à la définition de spécifications ; des conseillers
peuvent alors intervenir et aider par leur expérience à la recherche
et à l’orientation des choix possibles en prenant en compte des
facteurs complémentaires (garantie, compatibilité, etc.). À partir de
là, un autre intervenant, probablement de la direction des achats, va
coordonner et formaliser le processus et lancer une recherche
critique des fournisseurs. Sur la base de leur réponse, le décideur
(c’est-à-dire celui qui engage les fonds et prend la responsabilité),
l’utilisateur, les conseillers vont entrer en jeu pour examiner les
offres et commencer les négociations. Le choix du ou des fournisseurs sera ensuite effectué avec un rôle prépondérant donné au
décideur final et à la direction des achats. Enfin, la dernière étape
qui consiste à examiner les performances obtenues lors de l’utilisation du produit ou du service sera menée par l’utilisateur.
Même si l’acheteur ou le comité achats coordonne au mieux
l’ensemble du processus, même si les différents intervenants
convergent tous vers la meilleure solution, comme le suggère le
schéma ci-dessous, chacun peut avoir son propre « agenda », son
propre « timing ». Bien connaître le client et le fonctionnement de
ce réseau interne n’est en effet pas chose facile.
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Conseillers/
contrôleurs
Utilisateurs
Comité d’achat
Acheteurs
Décideurs
Prescripteurs/influenceurs
Un réseau interne à l’entreprise
**
**
Recherche critique des fournisseurs
Examen des offres et négociations
*
Choix du ou des fournisseurs
Examens des performances
antérieures
***
*
*
*
**
*
***
Rôle des parties prenantes par étapes
30
***
**
***
***
*
© Groupe Eyrolles
Définition des caractéristiques
produit/service
Acheteurs
*
Décideurs
***
Filtres
Conseillers
Identification et formulation
du besoin
Prescripteurs
Utilisateurs
Le processus est donc complexe par le nombre d’intervenants
dont le rôle et le poids varient selon les étapes ; la combinaison
des différentes étapes et du rôle de chaque intervenant dans le
processus montre que celui-ci varie selon les étapes du processus,
comme le suggère la grille de lecture ci-dessous :
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© Groupe Eyrolles
Connaître le client d’aujourd’hui
Ce processus de décision interne peut être plus ou moins structuré. Ainsi, la plupart des grandes entreprises industrielles allemandes fonctionnent avec des centrales d’achat organisées
autour d’acheteurs et de techniciens. Les seuls fournisseurs habilités à livrer l’entreprise sont ceux présélectionnés et référencés
selon plusieurs niveaux (consultation, possibilité de commande,
probabilité de commandes). Les listes sont établies par les acheteurs. Les entreprises référencées doivent présenter une certification et le processus est souvent audité par un cabinet extérieur.
Les fournisseurs reçoivent des notes :
• A après le référencement ;
• B en cas de problème de livraison ou de litige ;
• C en cas de problème sérieux qui, dans beaucoup de cas,
entraîne un déréférencement.
Mais le processus de décision interne est potentiellement
impacté plus ou moins fortement par le réseau externe à l’entreprise. En effet, l’entreprise peut avoir un recours à un réseau
formalisé de consultants ou de cabinets d’ingénierie qu’elle
rémunère pour leurs avis et leurs conseils ; dans certains cas, elle
est amenée à prendre en compte un réseau informel d’acteurs
qui vont jouer un rôle direct ou indirect dans le marché cible. Ce
rôle peut être plus ou moins intense selon les marchés et il
convient donc de situer la position relationnelle de l’entreprise
dans ce réseau.
Une cartographie du réseau doit décrire l’intégralité des relations
et distinguer les liens forts (famille, amis…) et les liens faibles
(relations diverses…). Les relations ne sont pas uniquement
directes et unidirectionnelles mais aussi bidirectionnelles. Elles
peuvent aussi changer de signe et passer du positif ou négatif ; la
cartographie doit permettre de formaliser les réponses aux questions suivantes :
• les liens de communication : qui parle à qui ?
• les liens formels : qui reporte à qui ?
• les liens affectifs : qui apprécie qui ?
• les liens matériels : qui transfère des ressources ou de l’argent à qui ?
• les liens de proximité : qui est physiquement proche de qui ?
• les liens de connaissance : qui connaît qui ?
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Ce type de cartographie, par exemple dans le cas d’une avantvente de longue durée, doit évidemment être mis à jour fréquemment car les parties prenantes évoluent dans le temps.
Dans le cas réel présenté ci-dessous, les deux réseaux, interne et
externe, sont pris en compte pour suivre le rôle de chacun et les
moments forts. Il concerne l’achat d’un système de réfrigération
pour une usine. Interviennent les parties prenantes internes à
l’entreprise et celles externes à l’entreprise à différents stades du
processus de décision.
En noir :
interne
En bleu :
externe
Évaluation
des besoins
Spécifications
Approbation du
budget
préliminaire
Recherche
d’alternatives
Évaluation
des fournisseurs
Sélection
Ingénieurs
de production
et de
maintenance
%
%
%
%
%
Directeur
d’usine
majeur
%
majeur
mineur
majeur
Contrôleur
de gestion
%
%
%
%
%
Direction
des achats
%
%
%
%
%
Direction
générale
%
majeur
%
%
mineur
Consultant
engineering
mineur
%
majeur
majeur
majeur
Sous-traitants/
contractant
%
%
%
%
%
Fabricant de
l’équipement
%
%
%
%
%
Rôle des parties prenantes par étapes –
Mise en place d’un système de refroidissement dans une usine
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© Groupe Eyrolles
Source : American Marketing Association.
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Connaître le client d’aujourd’hui
© Groupe Eyrolles
Des processus, des règles et des standards d’achat
sont en général définis
La plupart des clients « entreprise » déclarent que leur premier
objectif est d’obtenir un bon prix ; l’expérience et les études
montrent qu’il n’en est rien et que ce qu’ils veulent avant tout, c’est
une relation avec leurs fournisseurs qui respectent un certain
nombre de principes. Dans une étude menée en 2009 auprès de
plus de 1 200 entreprises aux États-Unis et en Europe, le cabinet
McKinsey a constaté qu’il y a une grande différence entre ce que
disent les clients et leur comportement. Les clients insistent pour
dire que le prix est le facteur dominant qui influence leur opinion
sur la performance d’un fournisseur et donc leur décision d’achat ;
pourtant à l’examen attentif de l’évaluation des fournisseurs par les
acheteurs, le facteur le plus important s’est révélé être les caractéristiques du produit et du service, mais avant tout la qualité de la
relation avec le fournisseur ; les deux éléments les plus négatifs
dans la relation ont été, à hauteur de 20 %, une connaissance
insuffisante de la part du vendeur de ses propres produits et de
ceux de la concurrence, et à hauteur de 35 % trop de contacts (en
personne, par téléphone). Or, trouver le juste milieu entre trop de
contacts et pas assez requiert une connaissance approfondie du
client et de ses besoins. Ainsi, le « calendrier de contacts » avec la
grande entreprise doit prendre en compte à la fois l’actualité du
fournisseur, mais aussi les événements qui jalonnent la vie de son
client : développement en cours, processus industriel, situation
financière, lancement de nouveaux produits…
Pour s’assurer de la bonne connaissance continue des clients, les
grandes entreprises industrielles mettent en place des équipes
placées sous la direction d’un responsable compte clé (key
account managers ou KAM) ; le rôle de ces équipes est d’être en
contact permanent avec le client, d’identifier les besoins futurs et
bien sûr de répondre aux attentes immédiates. Ainsi, dans la construction automobile, certains fournisseurs ont jusqu’à 40
personnes présentes sur les sites de production. Des systèmes
similaires existent dans le monde du service. C’est ainsi que
Goldman Sachs a créé dans les années 1970 un département
modelé sur les organisations industrielles, Investment Banking
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
© Groupe Eyrolles
Services (IBS), avec pour rôle de trouver les clients nouveaux et
d’identifier les services que la banque pouvait leur offrir et en
confier l’exécution aux spécialistes ; cette évolution s’est matérialisée par la création des senior bankers qui, grâce à une connaissance fine de la stratégie industrielle et financière de leurs clients,
deviennent vite des interlocuteurs indispensables aux grandes
entreprises. Ainsi, le senior banker peut intervenir avec un esprit
d’équipe et de collaboration qui surmonte les difficultés fonctionnelles ; d’une manière pratique, chez Goldman Sachs on dit plutôt
« nous » que « je » ; il y a peu de patrons exerçant seul ses responsabilités : tous sont co-head. Il est fréquent que les clients reçoivent un appel de GS avant même que les autres banquiers aient
seulement pensé à décrocher leur téléphone.
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Chapitre 2
ANALYSER L’ENVIRONNEMENT
DE L’ENTREPRISE
« Parler est un besoin, écouter est un art. »
J.W. von Goethe
© Groupe Eyrolles
Ce chapitre vous permet de découvrir les principales méthodologies
les plus utilisées pour décrire l’environnement autour de trois thèmes :
• L’analyse de l’environnement
• Le cycle de vie du marché
• L’analyse de la concurrence
Une entreprise évolue au sein d’un système économique global,
son environnement, où se confrontent des acteurs et où s’exercent
de nombreuses forces sur lesquelles elle a en général peu de
poids. La compréhension de cet environnement et plus particulièrement de l’environnement concurrentiel est un préalable à toute
décision, permettant de s’assurer de l’adéquation entre l’environnement externe et les ressources internes.
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Une stratégie marketing n’est pas bonne ou mauvaise en soi : elle
dépend du terrain d’affrontement, des forces en présence et de ses
propres ressources.
Bien appréhender l’environnement passe par plusieurs étapes :
connaître l’environnement ou les pays où opère l’entreprise,
comprendre l’évolution du secteur et ses caractéristiques, et
notamment sa croissance ; construire une représentation des
forces concurrentielles et en anticiper la dynamique, faire une
synthèse de l’ensemble de ces informations.
Certaines entreprises qui réalisent l’importance de cette fonction
mettent en place des systèmes de veille permanente couvrant
l’ensemble des éléments qui composent le « macroenvironnement »
de l’entreprise (démographie, technologie, législation) et le
« microenvironnement » (demande, offre, publics concernés…) Le
graphique ci-dessous visualise ces différents éléments :
Macroenvironnement
gis
ltu
lat
Cu
ion
Microenvironnement
Lé
re
Entreprise
ie
ie
om
Publics
Démographie
Les composantes de l’environnement de l’entreprise
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© Groupe Eyrolles
log
Éc
no
on
ma
Organisation
De
ch
fre
Te
Of
nd
e
Produit
Service
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Analyser l’environnement de l’entreprise
L’analyse de l’environnement
L’analyse environnementale PESTEL consiste à décrire et à
analyser les composantes majeures de l’environnement (politique,
économique, socio-culturelle, technologique, environnementale et
juridique) et à évaluer leur dynamique et leur influence sur l’entreprise et sa stratégie.
Ces informations regroupent l’ensemble des données politiques,
sociales et économiques concernant le secteur. Dans de nombreux
cas, elles sont rassemblées par le syndicat professionnel ou la
fédération du secteur qui les maintient à jour ; elle recouvre les
domaines suivants :
• Politique : réglementations du secteur, législation sociale et
législation du travail, politiques fiscales, politiques douanières,
législation sur l’environnement, etc. ;
• Economie : statistiques et tendances macroéconomiques, coût
du travail, impact de la globalisation, changement d’environnement économique ;
• Socio-culturel : populations concernées par le produit ou le
service, attitude vis-à-vis du secteur, attitude de la presse vis-àvis du secteur, changements socio-culturels ;
• Technologie : impact des changements technologiques, impact
d’Internet, impact de la réduction des coûts de communication,
transferts de technologie ;
• Environnement : contraintes et opportunités environnementales ;
réglementations ; perspectives, modifications susceptibles d’intervenir dans les activités du secteur (recyclage…) ;
• Législation : environnement juridique du secteur ; propriété
intellectuelle, contraintes particulières au secteur.
© Groupe Eyrolles
Le cycle de vie du marché
Le cycle de vie du marché est un outil simple qui permet de
prendre en compte les différentes étapes par lesquelles passe la
vie d’un produit ou d’un marché ; le graphique présenté cidessous identifie les quatre phases traditionnelles.
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Chiffre d'affaires du secteur
Temps
Étape 1
Étape 2
Étape 3
Étape 4
Lancement
Croissance
Maturité
Déclin
Source : Theodore Levitt, « Exploit the Product Life Cycle », Harvard Business Review,
novembre-décembre 1965.
La première phase est celle de l’émergence du marché ou du
lancement d’un produit ; cette phase concerne un ou quelques
innovateurs : c’est la mise en œuvre d’une innovation technologique, commerciale voire financière, la mise en commun de fonctionnalités ou compétences dispersées, qui va permettre la
naissance d’un nouveau produit, bien ou service. Le premier
entrant, c’est-à-dire l’innovateur, bénéficie d’un avantage de
temps ; il essuie aussi les premières difficultés et doit s’ajuster aux
besoins des utilisateurs ; si ces précurseurs adoptent le produit, le
marché entrera dans une seconde phase, celle de la croissance.
Cette phase va attirer de nouveaux concurrents ; la bataille pour
les parts de marché va être intense ; les produits et services vont
être plus nombreux ; la qualité des produits s’améliore, la dynamique du marché est forte ; la rentabilité comptable des concurrents peut être bonne, même si les flux nets de liquidités sont
négatifs. C’est une période où les investissements sont importants,
soit sous forme d’immobilisations pour créer les capacités nécessaires à la production, soit sous forme de dépenses, par exemple
marketing pour bâtir une marque ou créer un réseau et, bien
entendu, financer le besoin en fonds de roulement.
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© Groupe Eyrolles
Le cycle de vie du marché
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Analyser l’environnement de l’entreprise
© Groupe Eyrolles
Le leader du marché défend sa position, alors que les challengers
doivent croître plus vite que le marché pour améliorer leur position relative. C’est donc une période qui réclame une capacité
financière solide, une méthodologie d’amélioration des processus
de fabrication afin de réduire les coûts, un potentiel de commercialisation fort afin de mettre les produits à la disposition des utilisateurs, une organisation mobilisée sur la croissance.
Puis la croissance du marché va diminuer et celui-ci va entrer dans
une phase de maturité ; la demande tend à être saturée, les utilisateurs ou les consommateurs deviennent plus exigeants sur les
caractéristiques du produit ; les concurrents marginaux commencent à réaliser que leur forte croissance passée ne leur a pas
permis de gagner des parts de marché ; la concurrence se fait sur
les prix ; certains concurrents entament des stratégies de segmentation fine afin d’éviter la concurrence des prix ; d’autres se retirent
du marché. Commencent à apparaître trois types d’environnement : un environnement compétitif, où l’élément déterminant est
la capacité des concurrents à continuer de baisser leurs prix ; un
environnement sophistiqué, où les concurrents cherchent à se
différencier par un meilleur marketing, un meilleur service aprèsvente, une meilleure qualité produit, des produits spécifiques, des
marques fortes, des réseaux de distribution très complets, etc. ; et
un environnement banal, dans lequel les concurrents proposent
des produits indifférenciés.
Enfin vient la phase de déclin du secteur ; le nombre de concurrents se réduit, des substituts viennent concurrencer les produits
ou les services existants ; il n’y a plus d’investissements. Les
restructurations aident à la diminution du nombre de concurrents.
L’objectif durant cette période de déclin est essentiellement financier : il s’agit de maximiser le flux net de liquidités.
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Phase
Lancement
Croissance
Maturité
Déclin
Croissance
moyenne
forte
faible
négative
Potentiel
fort
fort
Faible
nul
Concurrence
limitée
vive
décroissante
faible
Stabilité
incertaine
volatile
croissante
rigidifiée
Barrière
faible sauf
brevet
évolutive
forte
Stratégie
innover
croître
consolider
valoriser
Flux net de liquidités
négatif
négatif
positif
positif
Facteurs critiques
de succès
technologie
production
forces
commerciales
productivité
générale
maîtrise
des coûts ou
segmentation
Caractéristiques
Les différentes caractéristiques de chacune des phases
L’analyse de la concurrence
Une des approches les plus complètes de l’analyse concurrentielle
est celle proposée par Michael Porter ; elle consiste à considérer que
toute entreprise cherche à obtenir un avantage concurrentiel et que,
pour y parvenir, elle doit prendre en compte et maîtriser cinq forces :
Entrants
potentiels
Fournisseurs
Clients
distributeurs
Produits de
substitution
Source : Michael Porter, Choix stratégiques et concurrence, Economica, 1982.
Les cinq forces
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Intensité
concurrentielle
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© Groupe Eyrolles
Analyser l’environnement de l’entreprise
Ce modèle est un outil d’analyse stratégique et marketing qui
permet de simuler une situation de concurrence. Il consiste donc
à hiérarchiser ces cinq forces de manière à déterminer les éléments
stratégiques qu’il convient de maîtriser pour obtenir un avantage
concurrentiel.
L’attrait intrinsèque d’un secteur d’activité résulte du jeu de ces forces.
Quand l’entrée potentielle dans un secteur est facile (pas ou peu
de barrières à l’entrée), les concurrents existants sont peu protégés
des nouveaux entrants. Il en est de même lorsque les menaces de
substitution sont fortes : le secteur est peu attractif. Quand le
nombre de clients est faible et donc leur pouvoir individuel fort,
l’attractivité du secteur est réduite. Enfin, si le nombre de fournisseurs est réduit, leur pouvoir sur les entreprises est fort, diminuant
ainsi l’attrait du secteur.
Ces forces se combinent pour déterminer l’intensité de la lutte
concurrentielle du secteur. Qui sont les concurrents ? Qui propose
des biens et services ou des produits proches ? Quelle est leur
capacité financière ? Quelle est la nature de leur avantage ? Quelle
est la pérennité de leur stratégie ?
L’intensité concurrentielle s’accroît d’autant plus que les quatre
autres forces décrites ci-dessus sont défavorables. La structure
concurrentielle dépend aussi du cycle de vie du produit et de la
phase dans laquelle se trouve le marché. Dans un secteur en développement, la concurrence tend à être fragmentée : il y a un
nombre élevé de concurrents, les risques concurrentiels sont
élevés, l’activité marketing est forte. La rentabilité est médiocre. À
l’inverse, dans les secteurs matures, l’activité concurrentielle est
moins forte, en particulier quand un leader reconnu « gère » le
secteur ; les concurrents n’ont pas les moyens de remettre en
question son leadership ; le niveau de prix est suffisamment élevé
pour permettre à un concurrent marginal de survivre et, bien sûr,
pour permettre au leader qui bénéficie d’un avantage de coûts de
dégager une rentabilité très élevée.
De plus, la concurrence doit être envisagée non seulement en considérant des produits qui sont en lutte frontale, mais aussi en prenant
en compte les produits qui, de manière indirecte, sont en concurrence (par exemple acier/aluminium/plastique en automobile).
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Eau du robinet,
eau minérale, vin
Concurrence générique
Concurrence
intersegment
Boissons aux fruits,
gazeuses ou non,
soft drinks,
bières non alcoolisées
Concurrence
interproduit
Pepsi, marques de
distributeurs de cola
Source : Mercator.
Par exemple, dans le domaine des boissons, Coca-Cola est en
concurrence frontale avec Pepsi et les marques de distributeurs de
cola ; mais il y a aussi une concurrence intersegment avec les boissons gazeuses ou non aux fruits et les soft drinks ; enfin, il y a une
concurrence générique avec l’eau du robinet ou l’eau minérale.
En aval de l’entreprise se trouvent les distributeurs et les clients
finaux. Selon la structure de la distribution, selon le nombre de
clients, le rapport de forces entre l’entreprise et ses distributeurs
ou ses clients n’est pas le même. Par exemple, dans les périodes
où la croissance est forte et les concurrents nombreux, la grande
distribution bénéficie d’un rapport de forces favorable : c’est en
effet elle qui choisit ses fournisseurs et qui alloue à ceux qu’elle a
choisis des parts plus ou moins importantes de linéaire. À
l’inverse, lorsque la croissance est ralentie et que le secteur s’est
structuré autour d’un nombre réduit de concurrents forts, la
grande distribution peut difficilement envisager de ne pas distribuer le numéro 1 ou le numéro 2 du marché. Quand les magasins
Leclerc ont « délisté » la marque Danone, ils ont dû revenir en
arrière quelques mois après.
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Les différents niveaux de concurrence
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© Groupe Eyrolles
Analyser l’environnement de l’entreprise
En amont de l’entreprise se trouvent les fournisseurs ; là aussi
s’établit un rapport de forces entre l’entreprise et ses partenaires.
Les rapports de force avec les fournisseurs sont régis par leurs
tailles relatives ; dans les secteurs concentrés, les principaux
opérateurs peuvent être tentés de s’intégrer en amont en laissant
une place réduite aux fournisseurs ; à l’inverse, dans les secteurs
atomisés, le poids des fournisseurs est déterminant.
La quatrième force prise en compte par le modèle de Michael
Porter est celle des produits de substitution, qui, par la concurrence qu’ils exercent sur les produits existants, peuvent menacer
le succès stratégique d’une entreprise. Cette force est extrêmement
vive puisqu’elle représente le cœur même du système : c’est elle
qui permet de remplacer des produits existants par des produits
nouveaux présentant un avantage de coûts ou des fonctionnalités
nouvelles. Le CD a pratiquement remplacé le disque vinyle : il est
plus petit, il offre une qualité de reproduction meilleure, il est
moins cher. Il est lui-même menacé par d’autres formes de stockage et de diffusion de données (clé USB, téléchargement…). La
technologie a été un formidable accélérateur de cette force de
substitution. Même dans les secteurs réputés traditionnels, les
risques de substitution existent. Ainsi, pendant très longtemps,
vignerons et négociants n’ont considéré que les bouchons en
liège, dont le leader mondial est la société française Sabaté. Mais
depuis quelques années, notamment dans l’hémisphère Sud, les
viticulteurs utilisent les bouchons synthétiques et même parfois les
capsules métalliques. Les bouchons synthétiques représentent
aujourd’hui un tiers des bouteilles en Australie. De même, les
capsules métalliques, qui existent en Suisse depuis longtemps,
représentent 20 % du marché australien et 10 % du marché néozélandais. Sabaté, qui a mal anticipé cette évolution, a réagi tardivement à cette concurrence de substitution.
Enfin, la cinquième force est celle que représentent les entrants
potentiels qui peuvent être attirés par un nouveau marché et
provoquer des bouleversements importants dans la structure de
celui-ci. La menace que représentent aujourd’hui les nouveaux
entrants est plus importante qu’elle ne l’était dans le passé pour
deux raisons principales. D’une part, la fluidité croissante des
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
© Groupe Eyrolles
compétences entre entreprises, par le biais des progiciels, des
consultants, des technologies et des mutations de salariés, rend les
barrières traditionnelles moins opérantes. C’est ainsi que l’on peut
voir des entrants nouveaux dans des secteurs traditionnels en
cours de consolidation, tels que l’automobile avec l’arrivée des
producteurs asiatiques. D’autre part, la volonté des entreprises
d’utiliser au mieux leurs actifs existants les amène à entrer dans
des secteurs « nouveaux » qui partagent certains de ces actifs :
quand Vuitton se lance dans la mode, c’est pour utiliser son réseau
de vente, initialement créé pour des articles de maroquinerie.
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Chapitre 3
ANTICIPER LE MONDE
DE DEMAIN
« Ne pas prévoir, c’est déjà gémir. »
Léonard de Vinci
© Groupe Eyrolles
Ce chapitre parle du futur. Woody Allen, à la question : « Pourquoi
vous intéressez-vous au futur ? », répond : « C’est parce que je vais y
passer le restant de mes jours. »
• Les mégatendances
– Exemples de mégatendances centrées sur la vie sociale et économique
– Exemples grande consommation
• Les panels d’experts
– La méthode Delphi
Une des fonctions du marketing est d’anticiper le monde de
demain afin de préparer une offre pertinente. Anticiper le monde
de demain requiert une vision particulière car, comme le dit
Picasso : « Le futur est pareil à la beauté, tout est dans l’œil de celui
qui regarde. »
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Le marketeur va distinguer les zones de certitude (le vieillissement de
la population, le développement de la Chine, la dynamique des
écrans en tout genre…), qui vont permettre d’exprimer des prévisions, et les zones d’incertitude (le comportement du consommateur,
les nouvelles maladies, l’évolution de la technologie, les catastrophes
écologiques…), pour lesquelles il se livrera à un exercice de prospective avec l’humilité que requiert le constat suivant : « Je sais ce que je
sais, je sais ce que je ne sais pas, je ne sais pas ce que je ne sais pas. »
Niveau d’incertitude
Caractéristiques
de la prospective
Caractéristiques
de la prévision
Multiple et incertain, ruptures,
« quelque chose de différent
peut surgir »
Unique et certain, « plus de la
même chose »
Moyen, long terme
Court, moyen terme
Variables
Qualitative, quantifiable ou non
subjective, connue ou cachée
Quantitative, objective, connue
Relations
Dynamique, structures
progressives
Statique, structures constantes
Méthodes
Élaboration de scénarii
qualitative et stochastique
(« multivariables »)
Déterminisme et quantitative,
modèles économétriques et
mathématiques
Mégatendances, Delphi
préactive ou proactive (« le futur
désiré »)
Passive ou réactive (« le futur
subi »)
Futur
Horizons de temps
Attitude vis-à-vis
du futur
Source : Savoir anticiper, P. Gabilliet ; The Forgotten Half of Change, L. de Brabandere ;
Manuel de prospective stratégique, M. Godet ; Les Futuribles.
Prévisions et prospective
« La chance favorise l’esprit préparé. »
Les horizons de temps pertinents varient d’un secteur à un autre. Ainsi,
dans certaines industries comme l’industrie minière, le long terme
signifie au moins dix ans voire vingt ou trente ans. En revanche, dans
d’autres industries comme les téléphones mobiles ou les ordinateurs, le
long terme peut être de l’ordre de trois ans. Cette relativité a pour consé-
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© Groupe Eyrolles
Louis Pasteur
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Anticiper le monde de demain
quence que la traduction en nombre d’années du long terme ne sera pas
la même pour toutes les entreprises : un plan marketing pour une entreprise présente dans un cycle long sera au minimum établi sur une
période de cinq ans alors que le plan établi pour une entreprise présente
dans un cycle court s’inscrira plutôt dans une perspective à trois ans.
Réfléchir à un horizon long nécessite d’étudier les grands changements pour les cinq, dix ou vingt ans à venir, afin de s’y préparer
et d’identifier les moyens de les influencer dans l’intérêt de l’entreprise. Il s’agit d’explorer les futurs, d’anticiper l’incertitude et de s’y
préparer en déterminant les manières possibles de participer à ces
futurs. La prospective est la démarche qui vise, dans une perspective déterministe, à se préparer aujourd’hui à demain. Elle ne
consiste pas à prévoir l’avenir, mais à élaborer des possibles sur la
base de données disponibles (états des lieux, tendances lourdes,
phénomènes d’émergences) en recourant à des méthodologies
appropriées qui ne se contentent pas de prolonger les tendances
passées, mais au contraire permettent d’envisager les ruptures.
L’approche exploratoire aide
à anticiper ce qui peut arriver
Position
de départ
Situation réelle
Futur désiré
Point de vue
Le sujet qui sait
Le sujet qui agit
Examiner différents futurs en
explorant les tendances les plus
plausibles
Explorer les conditions nécessaires
pour atteindre un objectif
Simulation des chemins qui
mènent à ces futurs
Examen des différents chemins qui
arrivent à un futur certain en
remontant le temps
Objectif
Méthodes
Hier
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L’approche normative aide
à explorer ce qui peut être fait
Aujourd’hui
demain
Hier
Aujourd’hui
Demain
Source : Savoir anticiper, P. Gabilliet ; The Forgotten Half of Change, L. de Brabandere ;
Manuel de prospective stratégique, M. Godet.
Savoir anticiper : deux approches
Parmi celles-ci figurent les mégatendances et les panels d’experts.
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Le néologisme « mégatendances » provient du titre du livre de John
Naisbitt : Megatrends : Ten New Directions Transforming Our
Lives1. Mais le véritable initiateur de la démarche est peut-être Paul
Valéry qui, dans son ouvrage Regards sur le monde actuel (1931),
écrivait : « Les événements sont l’écume des choses. Mais c’est la mer
qui m’intéresse. »
Les mégatendances sont d’ordre macroéconomique, social,
sociétal et bien sûr microéconomique. Elles vont façonner l’environnement dans lequel les entreprises opèrent. Anticiper leur
impact permettra de profiter de vents favorables plutôt que d’aller
à contre-courant. Comprendre comment elles peuvent interagir
entre elles et donc comment elles peuvent bouleverser les
systèmes concurrentiels permettra de se positionner favorablement.
Comment une tendance devient-elle une mégatendance ? Selon
Matthias Horx, le futurologue et spécialiste des nouvelles
tendances, quatre conditions doivent être réunies :
• elle doit durer au moins trente ans ;
• elle est omniprésente : dans la vie quotidienne, la politique, la
culture et l’économie ;
• elle est toujours un phénomène mondial ;
• elle désigne une évolution qui peut temporairement perdre de
sa vigueur sans pour autant s’effondrer (concept de backlash
resistance).
Dans le monde d’aujourd’hui, qui se modifie plus par ruptures que
par évolutions continues, l’analyse des mégatendances doit être
conduite de manière très agressive et profonde, non conventionnelle, voire « dérangeante », sans oublier que la réalité dépasse
souvent la fiction. Dans le film Minority Report de Steven Spielberg
(2002), un journal électronique apparaît dans l’une des scènes qui
se passe en 2054. Epson a présenté en… 2006 la feuille électronique la plus fine du monde, concrétisant la naissance du papier
électronique au MIT en 1998 ; Plastic Logic construit à Dresde, en
1.
Warner Books, 1982 (première édition).
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© Groupe Eyrolles
Les mégatendances
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Anticiper le monde de demain
© Groupe Eyrolles
Allemagne, la première usine mondiale de papier électronique
flexible. Les fournisseurs d’encre encapsulée tels que E-Ink sont
prêts.
La méthodologie mégatendances vise à permettre la prise en
compte d’éventuelles ruptures, en conduisant la réflexion non pas
du point de départ, connu de tous, mais en considérant le point
d’arrivée et en remontant les étapes nécessaires pour y parvenir.
La démarche permet de simuler les conséquences sur le monde
économique, la consommation et l’investissement de la matérialisation rapide d’une mégatendance.
La première étape de la démarche consiste à présélectionner un
nombre réduit de mégatendances sur lesquelles focaliser la
réflexion. Cette sélection peut être organisée selon deux axes en
fonction du type de croissance recherchée :
• d’une part, un axe retenant les tendances génératrices de croissance par l’offre ou par la demande ;
• d’autre part, un axe prenant en compte l’étendue de l’impact :
un nombre réduit de segments ou de nombreux segments.
La deuxième étape consiste pour chacune des mégatendances
retenues à investiguer quatre questions :
• quelles sont les raisons qui renforceraient cette mégatendance ?
• quels sont les freins à cette mégatendance ?
• quelles sont les opportunités pour l’activité ?
• quelles sont les menaces sur l’activité ?
La troisième consiste à formaliser les réponses afin de construire
un arbre d’opportunités suggérant les passages obligés pour
parvenir à les saisir, comme le montre l’exemple en page suivante.
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Besoins
Opportunités
Logements
Abri
Terrains
Routes
Fleuves, lacs et mer
Mobilité
Rail
Urbanisation
Air
Eau
Consommables
Énergie
Déchets
Lignes fixes
Communication
Sans fil
Logements famille/mono, chauffage, éclairage
Logements modulaires
Bureaux (permanents, nomades)
Commerces (permanents, éphémères)
Réseau (urbain, intervilles) (éclairage)
Voitures (personnelles, partagées)
Camions, ferroutage, « meroutage »
Bus, tramway
Vélos, motos…
Réseau (urbain et périurbain, intervilles)
Matériel roulant
Aéroports (proximité, taille, desserte)
Avions (taille, rotation...)
Production
Distribution
Production
Distribution
Recyclage/Destruction
Enlèvement
Réseau/Infrastructure
Équipements
Infrastructure
Équipements
Source : J.-M. Ducreux, R. Abate et N. Kachaner, Le Grand Livre de la stratégie, Eyrolles, 2010.
Urbanisation : arbre des opportunités
C’est une analyse de ce type qui a amené Ikea a créé des maisons
modulaires.
Les bibliothèques de mégatendances sont nombreuses : de ces
bibliothèques ont été extraites deux séries d’exemples, l’une
centrée sur la vie sociale et économique, l’autre consacrée au
consommateur final.
La connectivité technologique va transformer la manière dont les
gens vivent et interagissent. Les individus, les entreprises, les États
sont en train d’apprendre à faire le meilleur usage des nouvelles
technologies de l’information et de la communication. Des
nouveaux développements dans des domaines tels que la biotechnologie, la technologie laser et les nanotechnologies vont nous
emmener dans un monde très différent, en termes de produits et
de services, du monde actuel.
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Exemples de mégatendances centrées sur la vie sociale
et économique
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Anticiper le monde de demain
L’utilisation très facile de l’information va changer l’économie du
savoir. Savoirs et connaissances sont aujourd’hui accessibles à tous ;
en même temps, les connaissances deviennent de plus en plus
spécialisées. L’utilisation d’outils de recherche tels que Google fait
d’une information quasiment infinie une information disponible
immédiatement de manière pertinente. L’accès à l’information est
devenu quasiment universel. La transformation qui va en résulter est
considérable. De nouveaux modèles de production, d’accès, de
distribution et de propriété du savoir et des connaissances émergent.
Les conurbations s’étendent, l’habitat individuel devient plus
étroit, les nations se rapprochent. Le développement de mégacentres urbains va accentuer les pressions sur les écosystèmes
régionaux et l’environnement de multiples manières.
Les risques de catastrophes naturelles consécutives aux changements climatiques augmentent, ainsi que la criminalité. Un monde
en mutation renforce les besoins de sécurité et d’un environnement sur lequel on peut compter.
Le trafic augmente, car les personnes et les biens matériels parcourent des distances de plus en plus grandes autour du globe. Un
Européen parcourait en moyenne 17 kilomètres par jour en 1970,
comparé à 35 kilomètres trente ans plus tard. La mobilité a son
prix. La circulation routière enregistre des taux de croissance
annuels de 2 à 3 %, et le nombre de voitures quintuplera jusqu’en
2030. Le ciel sera également plus encombré : le nombre de passagers aériens augmente de 5 % annuellement, et le volume du fret
aérien triplera probablement durant ces trente prochaines années.
© Groupe Eyrolles
Exemples de grande consommation
« Nous sommes en 2024, il est 7 h 31, quelque part en Europe. Nicole Tobler-Lee est
en retard. Elle emmène son fils Liu à la crèche et doit être à 8 h 30 tapantes à une
réunion de la direction de son entreprise. D’habitude, ce sont les grands-parents qui le
déposent, mais ils sont partis pour une semaine de randonnée à ski dans les monts
Yanshan, en Chine. Un séjour offert par la grand-mère au grand-père pour ses
75 ans1. » Cette scène, à première vue très banale, comporte des détails
inhabituels. Ces derniers dénotent des changements culturels mondiaux qui sont
l’expression de ce que l’on appelle les mégatendances.
1.
Source : Crédit Suisse.
51
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Voici 10 mégatendances qui vont impacter le secteur des biens à
destination du grand public :
Bien-être, culte du corps, santé
Recherche de l’authenticité, racines, cocooning
Hédonisme, relaxation, convivialité
Eve-olution des valeurs féminines, influence
Consommation hybride, bipolarisation
Accélération de la vie, court-termisme
Ego-tactiques, individualisation des règles collectives
Exploration, voyages, curiosité
Insécurité, terrorisme, crises
« Jeunisme », marché senior, attitude hédoniste
Source : J.-M. Ducreux, R. Abate et N. Kachaner, Le Grand Livre de la stratégie, op. cit.
Bien-être, culte du corps, santé : les consommateurs sont de plus
en plus conscients de leur santé. Les entreprises proposant des
« alicaments » ont donc de l’avenir. Les consommateurs recherchent également des produits plus « purs », d’où l’importance
croissante des ingrédients biologiques. La croissance dans ces
segments sera de plus de 10 % par an.
Recherche de l’authenticité, racines, cocooning : la cellule familiale se définit de moins en moins comme base de la consommation. La vie en célibataire prend de l’ampleur, on vit plus
longtemps, et les enfants reviennent de plus en plus souvent vivre
à la maison, par exemple après les études. L’espoir de vivre plus
longtemps permet de planifier tout autrement projets de carrière
et de famille.
Hédonisme, relaxation, convivialité : les consommateurs recherchent des produits qui leur procureront plus de sensations. Ils sont
donc prêts à essayer de nouveaux produits. La nourriture devient
de plus en plus un moyen d’échapper au stress de la vie quotidienne. L’alimentation dite « de confort » permet à la majorité des
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Exemples de mégatendances dans le secteur des biens de consommation
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© Groupe Eyrolles
Anticiper le monde de demain
consommateurs de satisfaire leur désir de prendre du temps pour
profiter de la vie. Malgré la tendance à l’individualisme, de
nombreux consommateurs cherchent à s’identifier à un groupe
dont les normes et les valeurs les attirent. Ils le font en adoptant
un modèle de consommation particulier. De ce fait, la vente de
produits éthiques est en plein essor.
EVE-olution des valeurs féminines, influence : au début du
XXe siècle, on ne recensait que 2 % de femmes dans les universités
et seulement 5 % de la population avait accès à l’enseignement
supérieur. Les femmes très diplômées étaient donc rares. Depuis,
elles n’ont cessé de combler leur retard et, depuis l’an 2000, elles
constituent plus de la moitié des étudiants. Cette évolution a des
répercussions très étendues. Du fait de ce relèvement du niveau
d’études, la planification de la carrière tient une place plus grande
dans les projets des femmes, les femmes dépensent leur argent
plus rapidement que les hommes, ce qui soutient fortement la
consommation.
Consommation hybride, bipolarisation : le marché de la grande
consommation va changer et s’étendre de manière très significative. Près d’un milliard de nouveaux consommateurs vont entrer
dans le monde de la consommation dans la décennie qui vient en
franchissant le seuil de 5 000 dollars de revenus annuels par foyer.
Ces consommateurs vont, dans un premier temps, concentrer leurs
achats sur les biens de première nécessité puis, dans un second
temps, s’ouvrir à tous les biens de grande consommation et d’équipement. Le montant de ces dépenses va passer d’environ quatre
trillions de dollars à neuf trillions en 2015, c’est-à-dire presque le
niveau de l’Europe occidentale. Dans les économies les plus développées, les changements de consommation vont être profonds
avec un écartèlement des modes de consommation. Quel que soit
l’endroit où ils vivent, les consommateurs vont bénéficier d’accès
à de multiples informations concernant les produits et les
marques. Au cours de ces dernières années, les consommateurs
qui ont vu leur pouvoir d’achat diminuer se sont habitués à trouver
des produits de luxe à bas prix. Les consommateurs à fort revenus,
de leur côté, sont devenus plus regardants sur les prix en fonction
de leur implication dans le produit.
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Accélération de la vie, court-termisme : les consommateurs cherchent toujours à gagner plus de temps ; 82 % des consommateurs
en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord définissent le gain
de temps comme une priorité. Dans les dix ans à venir, la consommation de produits prêts à l’emploi devrait doubler. La mode de
l’échange d’informations en temps réel est repris par les sociétés
qui l’intègrent dans leurs produits… L’intelligence collective
couplée avec le temps réel et le mélange des informations
engendre des produits nouveaux et des applications mélangeant
les données du consommateur et ses déplacements en temps réel.
Le développement des ventes flash, tant pour les clubs privés
(avec parrainage) que pour les ventes de masse qui ne durent
qu’une journée est illustratif de cette vision. Les transactions boursières se font en une nanoseconde.
Ego-tactiques, individualisation des règles collectives : les consommateurs recherchent de plus en plus des produits adaptés à leur
style de vie, et désirent acheter des produits dont ils tireront un
bénéfice personnel. L’individualisme est croissant. Les producteurs
devront cibler leurs produits sur des groupes de consommateurs
de plus en plus restreints, et répondre à leurs critères de saveur et
de quantité.
Exploration, voyages, curiosité : l’accès à l’information, combinée
avec la recherche de soi amène les individus à des explorations de
toutes sortes et à la recherche de références, soit envers soi-même
(multiplication des psychologies), soit vers l’extérieur de manière
historique (généalogie, racines…), soit géographique (vers
d’autres cultures et d’autres modèles).
Insécurité, terrorisme, crises : dans un monde ultracommunicant,
la propagation des crises est ultrarapide ; les clivages de toute
nature engendrent des réactions violentes ; les groupuscules non
formalisés communiquent entre eux de manière très facile ; les
virus informatiques se développent à grande vitesse (multiplication par 10 tous les deux ans).
« Jeunisme », marché senior, attitude hédoniste : les personnes
âgées se comportent de plus en plus comme des jeunes, alors que
les consommateurs plus jeunes souhaitent vivre comme des
adultes. Les producteurs qui développent des produits répondant
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
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Anticiper le monde de demain
à ces aspirations ont de l’avenir. Les consommateurs jeunes ont un
budget personnel de plus en plus important et développent de
plus en plus tôt la fidélité à un produit. Les plus âgés recherchent
des produits correspondant à une société où la notion de vieillesse
est bannie.
Ce développement lié à une couverture médicale toujours plus
performante sollicite la santé publique car les prétentions aux
soins médicaux augmentent et les coûts associés également. Le
vieillissement de la population dans les pays les plus développés
va nécessiter des ajustements d’efficacité du secteur public. Sans
gain de productivité, les coûts liés aux retraites et à la santé
publique vont exploser. Mais le problème ne se limite pas aux
pays développés : les pays en voie de développement vont devoir
eux-mêmes faire des choix en ce qui concerne les services sociaux
et le rôle de la fonction publique dans le domaine de la santé et
des retraites.
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Les panels d’experts
Le monde évolue à une vitesse accélérée, notamment dans le
domaine de la technologie. Facebook, en moins de douze ans, a
quintuplé sa taille pour atteindre 500 millions d’utilisateurs. Plus
de 4 milliards de personnes sur Terre ont des téléphones mobiles.
Cette vitesse du changement amène un reformatage de beaucoup
d’entreprises, notamment de la manière dont elles gèrent leurs
compétences et leurs actifs et le type de structure qu’elles peuvent
mettre en place. Comprendre les implications de ce grand changement n’est pas facile. Certaines entreprises se dotent de fonctions
spécialisées pour anticiper ou accompagner ces changements et
en tirer le meilleur parti. Ainsi Google s’est doté d’un chief economist et Microsoft d’un chief environmental strategist.
La réunion d’experts d’un sujet donné est une manière de
confronter les points de vue afin de dégager des zones de convergence. De tels panels peuvent être réunis de manière informelle
(par exemple lors de conférences ou de tables rondes) ou formelle
(en utilisant des méthodes de formalisation des discussions et des
points de vue). La méthode Delphi en est un exemple.
55
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
La méthode Delphi
L’objectif est d’apporter des réponses convergentes d’experts à des
problèmes particulièrement complexes et lourds : combien faut-il
d’aéroports autour de Paris ? Faut-il construire tel ou tel équipement ? Comment se nourrira l’humanité lorsqu’il y aura plus de
10 milliards d’habitants sur Terre ?
Le principe de la méthode est qu’un groupe d’experts est soumis
à plusieurs séries de questionnaires. Après chaque série, une
synthèse anonyme des réponses leur est remise, ainsi que les argumentaires ayant conduit à ces réponses. Les experts sont ensuite
invités à revoir leurs réponses précédentes à la lueur de ces
éléments. Il est généralement constaté qu’à la suite de ce
processus (qui peut être réitéré plusieurs fois si nécessaire), les
divergences s’estompent et que les réponses convergent vers la
« meilleure » réponse. Il existe plusieurs manières de mettre en
œuvre la méthodologie. Néanmoins, on retrouvera à chaque fois
les trois étapes suivantes :
Phase 1 – Formulation du problème
C’est une étape fondamentale dans la réalisation d’un Delphi. En
effet, dans une méthode d’experts, l’importance de la définition
précise du domaine d’investigation est d’autant plus grande qu’il
faut être bien certain que les experts recrutés ont tous la même
notion de ce domaine.
Phase 2 – Choix du panel
À l’origine de la méthode, le panel était principalement constitué
d’experts ; la notion d’experts a ensuite évolué pour inclure
d’autres parties prenantes à la question (utilisateur, fournisseur,
collectivités…).
Le questionnaire est envoyé au panel d’experts. Des questionnaires successifs sont envoyés afin de diminuer la dispersion des
opinions et de préciser l’opinion consensuelle médiane. Au cours
du deuxième tour, les experts, informés des résultats du premier
tour, doivent fournir une nouvelle réponse et surtout sont tenus
de la justifier si elle est fortement déviante par rapport au groupe.
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© Groupe Eyrolles
Phase 3 – Déroulement pratique et exploitation des résultats
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Anticiper le monde de demain
© Groupe Eyrolles
Au cours du troisième tour, on demande à chaque expert de
commenter les arguments des déviants. Quant au quatrième tour,
il donne la réponse définitive : opinion consensuelle médiane et
dispersion des opinions (intervalles interquartiles).
L’un des avantages du Delphi est la quasi-certitude d’obtenir un
consensus à l’issue des questionnaires successifs. Par ailleurs,
l’information recueillie au cours de l’enquête sur les tendances,
ruptures et événements déterminants pour l’évolution future du
problème étudié est généralement riche et abondante.
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Chapitre 4
CONFRONTER L’ENTREPRISE
À SON ENVIRONNEMENT
« Les vraies richesses sont les méthodes. »
© Groupe Eyrolles
Friedrich Nietzsche
L’objectif de ce chapitre est de confronter l’entreprise à son environnement ; il couvre le sujet très classique des forces et faiblesses de
l’entreprise et l’identification des opportunités et des menaces.
• Les forces
• Les faiblesses
• Les opportunités
• Les menaces
• La synthèse SWOT
L’analyse SWOT permet de synthétiser la confrontation de l’entreprise avec son environnement. Cette confrontation va nourrir la
réflexion sur le marketing stratégique et particulièrement la définition
du positionnement.
59
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À ce stade de la démarche, l’entreprise a une bonne connaissance
de ses clients ; s’il s’agit de clients grande consommation, elle a une
bonne connaissance du comportement du consommateur, des
attentes de la distribution et elle a intégré les tendances à court
terme ; s’il s’agit d’un client entreprise, elle a pris en compte leur
complexité et dressé une cartographie des réseaux internes et
externes. Puis elle a élargi la compréhension de son environnement via notamment l’analyse PESTEL et la prise en compte des
différentes forces concurrentielles actives sur le marché, y compris
celles représentées par les produits de substitution et les nouveaux
entrants potentiels. Elle a identifié les facteurs clés de succès dans
le secteur. Enfin, elle s’est livrée à un exercice prospectif afin d’intégrer les dimensions du long terme dans sa réflexion. Il importe
maintenant d’organiser ces informations d’une manière utilisable et
de confronter l’entreprise à son environnement afin de conduire la
réflexion sur le positionnement stratégique de l’entreprise. Ainsi,
l’analyse va consister à effectuer un double diagnostic :
• un diagnostic externe, qui identifie les opportunités et les
menaces présentes dans l’environnement ;
• un diagnostic interne, qui identifie les forces et les faiblesses de
la firme ; on peut comparer avec profit la perception des forces
et faiblesses de l’entreprise par elle-même et la perception des
forces et faiblesses de l’entreprise par ses clients, concurrents,
fournisseurs et autres acteurs externes.
Ce diagnostic, développé à Harvard au milieu des années 1960,
généralement connu sous le nom de SWOT (de l’anglais Strengths,
Weaknesses, Opportunities, Threats), peut être utilisé de deux
manières : soit de manière relativement superficielle pour
permettre d’avoir rapidement une vue d’ensemble de la situation,
soit d’une manière plus sophistiquée et plus approfondie qui en
constitue un véritable outil d’élaboration du positionnement stratégique. Dans ce cas, un certain nombre de règles sont à respecter :
• les points retenus doivent être vérifiables et précis. Mieux vaut
dire : « Un avantage de 10 euros à la tonne sur la matière
première » plutôt que : « Un bon rapport qualité-prix » ;
• mieux vaut une courte liste d’éléments significatifs plutôt qu’une
très longue liste qui mélange les priorités ;
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© Groupe Eyrolles
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
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Confronter l’entreprise à son environnement
• les constats et éventuellement les options générés par l’analyse
doivent être utiles, utilisés et réutilisés ultérieurement dans le
processus de recherche du positionnement ;
• l’analyse doit être menée au bon niveau selon les objectifs :
produits, division ou groupe.
L’analyse SWOT est un schéma simple mais puissant pour
permettre à l’entreprise de capitaliser sur ses forces, d’anticiper les
menaces et de prendre le meilleur avantage possible des opportunités qui se présenteront. Elle combine ses différents facteurs pour
aider au choix du positionnement.
Les forces
Les forces sont les aspects positifs internes que contrôle l’entreprise et sur lesquels elle peut bâtir dans le futur :
• Quels avantages a l’entreprise ?
• Que fait-elle mieux que quiconque sur le marché ?
• Quelles ressources uniques a-t-elle ?
• Y a-t-il des ressources dont elle dispose dans de meilleures
conditions que les concurrents ?
• Quelles sont, d’après les clients et d’après les concurrents, les
forces de l’entreprise ?
Cette analyse doit être construite d’un point de vue interne, mais
aussi en prenant en compte l’avis des clients et des parties
prenantes sur le marché. Les forces doivent être évaluées de
manière relative, notamment par rapport à la concurrence : ainsi,
si tous les concurrents offrent des produits de haute qualité, alors
un processus de production de haute qualité n’est pas une force,
c’est une nécessité.
© Groupe Eyrolles
Les faiblesses
Les faiblesses sont les aspects négatifs internes, mais qui sont
également contrôlés par organisation, et pour lesquels des marges
d’amélioration importantes existent. Afin de fiabiliser leur évaluation, il peut être utile de se référer aux meilleures pratiques du
secteur (benchmark).
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
• Qu’est-ce que l’entreprise peut améliorer ?
• Qu’est-ce qu’elle devrait éviter ?
• Qu’en pensent les parties prenantes sur le marché, notamment
les clients et les concurrents ?
• Quels sont les facteurs qui font perdre des ventes ?
De même, ces questions doivent être considérées aussi bien sur
une base interne qu’externe. Est-ce que les parties prenantes à
l’extérieur de l’entreprise voient des faiblesses que l’entreprise
elle-même ne voit pas ? À l’inverse, l’entreprise voit-elle en elle des
faiblesses que les parties prenantes externes ne voient pas ? Est-ce
que les concurrents font mieux que l’entreprise ?
Ce recensement doit être conduit de manière réaliste, il vaut mieux
que les vérités déplaisantes apparaissent le plus tôt possible.
Les opportunités
Les menaces
Les menaces sont les problèmes, obstacles ou limitations extérieurs, qui peuvent empêcher ou limiter le développement de
l’entreprise. Elles sont souvent hors de son champ d’influence.
62
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Les opportunités sont les possibilités extérieures positives, dont on
peut éventuellement tirer parti, dans le contexte des forces et des
faiblesses actuelles. Elles se développent hors du champ d’influence
de l’entreprise.
Quelles sont les opportunités ouvertes à l’entreprise ? Quelles sont
les tendances et les mégatendances dont elle est consciente et qui
lui sont favorables ? Ces opportunités peuvent résulter de changements de technologie, de changements sur le marché ; elle peut
aussi résulter de changements politiques, environnementaux,
législatifs, de changements de mode de consommation, de style de
vie, d’évolution démographique. Une manière utile de regarder les
opportunités est de les comparer aux forces et d’évaluer si l’entreprise est en mesure de les saisir ; il est aussi utile de regarder les
faiblesses et de voir si les opportunités identifiées peuvent
permettre de les réduire ou de les éliminer.
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Confronter l’entreprise à son environnement
• Quels sont les obstacles auxquels l’entreprise fait face ?
• Que font les concurrents et quel impact leurs actions peuvent
avoir sur l’entreprise ?
• Est-ce que les conditions de fonctionnement du secteur sont en
train de changer ou s’apprêtent à changer ?
• Est-ce que les évolutions technologiques sont une source de
fragilisation ?
• Y a-t-il une faiblesse qui peut véritablement remettre en cause
l’activité ?
Cette analyse peut être très riche en mettant en avant ce qui doit
être fait et en plaçant les problèmes en perspective.
La synthèse SWOT
Ce recensement sérieux, complet, mais privilégiant les éléments
les plus significatifs et soulignant les priorités, peut alors être
présenté sous la forme synthétique suivante :
Forces
Faiblesses
Qu’est-ce que l’entreprise fait bien ?
A-t-elle des ressources uniques sur
lesquelles elle peut capitaliser ?
Qu’est-ce que les autres parties prenantes
voient comme ses forces ?
Qu’est-ce que l’entreprise peut améliorer ?
Où a-t-elle moins de ressources que les
autres ?
Qu’est-ce que les autres identifient comme
ses faiblesses ?
Menaces
Opportunités
Quelles tendances peuvent menacer
l’entreprise ?
Que font les concurrents ?
À quelles menaces les faiblesses de
l’entreprise l’exposent-elle ?
Quelles sont les opportunités ouvertes à
l’entreprise ?
Quelles sont les tendances qui lui confèrent
un avantage ?
Comment peut-elle transformer ses forces
en opportunités ?
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Synthèse SWOT
Une manière souvent très intéressante d’utiliser l’outil SWOT est
de le conduire pour certains de ses concurrents. Une telle analyse
donnera des indications très précieuses sur la manière de se battre
contre eux.
63
5927_.book Page 64 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
• Dématérialisation des produits et multiplication des opportunités de différenciation
• Développement des modes de distribution du fait de facteurs exogènes (Internet) et du fait
de l'évolution de l'encadrement réglementaire (directive européenne)
• Multiplication des accès à l'information (descendante et montante)
• Opportunité de réussir un marketing individualisé
Menaces
• Concurrence vive : guerre des prix, nouveaux entrants, nouveaux modèles économiques
• Banalisation des produits et des services et multiplication de l'offre
• Communication de grande envergure menée par la concurrence pour toucher le particulier
• Saturation des marchés
• Délocalisation de la production des offres
Externes
Opportunités
Internes
Forces
Faiblesses
• Produit concurrentiel de par son rôle central
• Anticipation du développement via Internet
• Contacts auprès de grands groupes
• Manque d'expertise marketing
• Pas d'outils informatiques adaptés pour une analyse approfondie de la clientèle
• Activité XX pas dans le cœur de métier
• Stratégie commerciale fondée sur le produit et non sur le consommateur
Exemple d’analyse SWOT
Ce recensement des facteurs étant fait et qualifié, l’étape suivante
consiste à comprendre comment ils interagissent. Il s’agit de voir
comment tirer parti de la situation au mieux. Il convient lors de
cette phase d’explorer systématiquement les dix possibilités
offertes par l’analyse. Le schéma ci-dessous établit les relations
entre les facteurs de l’analyse SWOT :
Liste
des forces
Comment
maximiser les
Liste
des opportunités opportunités ?
Approche
externe
Liste
des menaces
Comment
minimiser les
menaces ?
Comment
maximiser les
forces ?
Liste
Examiner en
des faiblesses quoi les forces
permettent de
Comment
maîtriser les
minimiser les
faiblesses
faiblesses ?
Comment
utiliser les
forces pour
tirer parti des
opportunités ?
Comment
corriger les
faiblesses en
tirant parti des
opportunités ?
Comment
utiliser les
forces pour
réduire les
menaces ?
Comment
minimiser les
faiblesses et
les menaces ?
Examiner en quoi les opportunités
permettent de minimiser les menaces
Relation entre les facteurs de l’analyse SWOT
64
© Groupe Eyrolles
Approche interne
5927_.book Page 65 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Confronter l’entreprise à son environnement
© Groupe Eyrolles
L’entreprise présente dans plusieurs pays doit mener des analyses
similaires dans chaque pays important pour elle. En effet, les
opportunités et les menaces peuvent varier significativement d’un
pays à l’autre. Un recensement peut permettre de transférer d’un
pays à l’autre des opportunités ou d’anticiper les menaces. Il en
est de même des forces et des faiblesses : ainsi de telle entreprise
qui a découvert dans sa filiale argentine un produit très prometteur
qu’elle a ensuite diffusé dans de nombreux pays par les autres
filiales.
L’analyse SWOT permet de synthétiser la confrontation de l’entreprise avec son environnement. Cette confrontation va nourrir la
réflexion sur le marketing stratégique et particulièrement la définition du positionnement.
65
5927_.book Page 66 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
5927_.book Page 67 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Deuxième partie
Positionner pour durer
5927_.book Page 68 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
5927_.book Page 69 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Chapitre 1
MENER LA SEGMENTATION
STRATÉGIQUE
« Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement
que changer le pansement. »
Francis Blanche
© Groupe Eyrolles
Ce chapitre aborde le sujet essentiel de la segmentation stratégique.
En utilisant les documents publiés par McKinsey et le Boston Consulting Group, ainsi que diverses études, il met en évidence le phénomène de bipolarisation des marchés et identifie les positionnements
qui en résultent.
• La bipolarisation des marchés
• Le positionnement et les modèles économiques associés
Les marchés, sauf dans leur vie initiale, ne sont pas homogènes. Et
ce d’autant plus qu’ils sont matures. À l’origine d’un marché, en
effet, l’offre est réduite. Mais lorsque le marché devient mature, il
se complexifie et les concurrents multiplient les offres. Aussi est-il
69
5927_.book Page 70 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
nécessaire de comprendre leur fonctionnement et les besoins des
clients afin de construire une offre adaptée à la typologie de clientèle visée, qu’il s’agisse du consommateur final ou d’une entreprise.
L’objectif est donc de segmenter les marchés en fonction d’un
certain nombre de critères. Selon les critères retenus, on va définir
un premier niveau de segmentation – une segmentation « dure »,
résistante au long terme, dite « segmentation stratégique » ou
« macrosegmentation » – et un second niveau de segmentation –
une segmentation fine, orientée sur le court-moyen terme, dite
« segmentation marketing » ou « microsegmentation ».
La segmentation stratégique est l’exercice qui consiste à identifier
les domaines d’activité homogènes dans un secteur ou un marché
donné, notamment en prenant en compte les phénomènes et les
modèles économiques ainsi que les barrières qui permettent de
protéger l’activité. Cet exercice permet d’identifier la manière de
créer des avantages économiques durables dans le long terme.
Son objectif est de déterminer le positionnement stratégique de
l’offre et de définir le modèle économique associé.
La segmentation marketing est l’action d’analyser le marché et de
regrouper certains types de consommateurs ou de firmes en sousgroupes homogènes partageant des besoins et des valeurs identiques et adoptant des comportements d’achat et de consommation
semblables permettant de développer des produits ou des services
adaptés et de les promouvoir par des ressources marketing appropriées. Son objectif est d’affiner et de finaliser le marketing mix.
Segmentation marketing
A pour objectif la définition d’un
positionnement stratégique structurant à
long terme.
Vise à diviser les clients en groupes
caractérisés par les mêmes besoins ou
comportements d’achat.
Prend en compte les éléments structurants
du marché, notamment la bipolarisation des
marchés, les structures économiques et les
business models.
Prend en compte des critères
sociodémographiques, géographiques et
économiques, des éléments de personnalité,
de style de vie et de comportement.
Permet de définir un modèle économique
(business model) durable et profitable.
Permet d’adapter l’offre aux clients, de
sélectionner des cibles fines et d’affiner le mix.
Long terme.
Court et moyen terme.
Les deux niveaux de segmentation
70
© Groupe Eyrolles
Segmentation stratégique
5927_.book Page 71 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Mener la segmentation stratégique
Ce chapitre est centré sur la segmentation stratégique ; la segmentation marketing sera prise en compte dans la partie « concevoir »,
qui traite du marketing opérationnel.
© Groupe Eyrolles
La bipolarisation des marchés
L’impact et les sources de segmentation varient très significativement selon le taux de croissance et la maturité du marché.
L’analyse du cycle de vie du marché permet d’en comprendre les
raisons. En effet, les barrières stratégiques – c’est-à-dire tout
élément intervenant dans la conception, la production ou la
commercialisation d’un bien ou d’un service qui rend difficile ou
coûteuse l’entrée d’un nouveau concurrent sur ce segment – sont
de différentes natures et leur rôle varie dans le temps.
Ainsi les barrières financières peuvent être un obstacle insurmontable pour des concurrents qui souhaitent entrer dans un secteur
nouveau pour eux. L’intensité capitalistique du métier, la taille de
l’investissement nécessaire à la production, le désavantage de coûts
liés à la non-expérience, l’impossibilité de bénéficier des économies d’échelle peuvent se révéler des obstacles insurmontables.
Les barrières commerciales peuvent aussi se révéler des obstacles
formidables pour le nouvel entrant : au nombre de celles-ci, la
puissance de la marque, la force du réseau de distribution, la
maîtrise logistique sont des éléments déterminants. Par exemple,
presque toutes les marques de luxe constituent des réseaux de
magasins situés dans les quartiers les plus recherchés des grandes
villes du monde ; cette stratégie a un coût élevé et constitue une
barrière commerciale visible, mais aussi une barrière financière
plus insidieuse : l’intensité capitalistique croissante du secteur
protège les acteurs existants et rend coûteuse l’arrivée de
nouveaux entrants ; le prix du ticket d’entrée augmente.
Le niveau de prix peut aussi se révéler un obstacle majeur s’il
contraint le nouvel entrant à essuyer des pertes pendant de
longues périodes ; Intel, en menant une stratégie de prix agressifs
et de renouvellement fréquent de produits avec des performances
améliorées, rend difficile l’entrée d’un nouveau venu dans ce
secteur, où le numéro 2, AMD, est à peine rentable.
71
5927_.book Page 72 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Les barrières liées aux ressources, aux compétences et au savoirfaire sont, de manière croissante, déterminantes. Elles peuvent se
matérialiser de manière explicite, par exemple par des brevets ou
des propriétés intellectuelles. Elles peuvent aussi être plus difficiles à identifier dans le cas, par exemple, d’une entreprise capable
d’utiliser au mieux les compétences individuelles et collectives.
C’est ainsi que certaines entreprises ont une capacité à mettre sur
le marché de manière beaucoup plus rapide que d’autres des
nouveaux produits ; c’est ainsi que certaines entreprises ont une
capacité à mieux recruter que d’autres ; c’est ainsi que certaines
entreprises ont une plus grande capacité à capitaliser sur le savoirfaire et les compétences.
Les facteurs clés de succès (et donc les barrières) varient selon la
maturité du secteur. En période de forte croissance et notamment
de lancement, ce sont la nature et les qualités du produit qui sont
les composants décisifs : le produit doit en effet être accepté et
demandé par les utilisateurs et les consommateurs ; ce sont ses
caractéristiques techniques ou fonctionnelles qui en feront un
succès. Une fois le produit lancé et accepté par les utilisateurs,
l’objectif est de permettre à des utilisateurs potentiels toujours plus
nombreux d’avoir un accès facile au produit ; c’est donc la distribution qui est un élément clé : le produit doit être présent dans
plus de points de vente et dans plus de régions.
Dans cette période de forte croissance, les changements concurrentiels peuvent prendre place plus facilement qu’en période de
maturité ; de nouveaux concurrents sont susceptibles de faire leur
entrée à tout instant et de prospérer. En revanche, dès que la croissance ralentit, la concurrence se bat dans un marché devenu plus
difficile ; la demande et donc l’offre se complexifient ; le client
devient plus exigeant et peut exercer son choix face à une offre
étendue en fonction de ses propres critères. Le marché se
segmente.
Lorsque la croissance ralentit, on observe une double évolution
des produits à partir de la même gamme initiale : d’une part, des
produits qui répondent à une sophistication des usages, ce qui
entraîne une augmentation des prix, et, d’autre part, des produits
qui répondent à une popularisation des usages avec un abaisse-
72
© Groupe Eyrolles
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
5927_.book Page 73 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Mener la segmentation stratégique
Volume
Expansion
Maturité
Déclin
Décollage
Expérimentation
0
Utilisateurs/Acheteurs
Peu nombreux
Essais
Adopteurs
initiaux
Adopteurs
croissants
Production
croissante
Nombreux
acheteurs
Popularisation
Saturation du
marché
Affinage des
besoins : prix/
sophistication
Bipolarisation
très forte
Structure concurrentielle
Temps
Peu de
concurrents
Entrée de
concurrents
Production
indifférenciée
Rôle de
distribution
Intensification
de la concurrence
Lutte pour
conserver les
parts de
marché
Premières
faillites
Réduction du
nombre de
concurrents
© Groupe Eyrolles
Cycle de vie classique d’un produit
ment continu des prix. La gamme initiale reste présente longtemps
de manière importante grâce à une thématique qui reconnaît que
le prix n’est pas le plus bas et que la qualité ou la différenciation
n’est pas la plus forte, mais que la combinaison des deux en fait
une offre très acceptable : c’est le rapport qualité/prix qui sert de
critère de décision au client.
Cette évolution très caractéristique des marchés matures entraîne
une bipolarisation croissante des marchés ; elle est symbolisée par
le schéma en page suivante.
73
5927_.book Page 74 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Sophistication des usages
Augmentation des prix
Popularisation des usages
Abaissement des prix
Gamme
initiale
Le segment de marché qui représentera à terme la majeure partie
des volumes du marché est celui qui capitalisera sur la popularisation des usages accompagnée d’un abaissement des prix ; un
autre segment significatif est celui qui capitalisera sur la sophistication des usages, accompagnée d’une augmentation des prix.
Enfin subsistera une partie du marché où les concurrents qui
n’auront pas fait de choix se retrouveront dans une situation difficile en essayant de promouvoir un produit banal.
Ce phénomène de bipolarisation a été mis en évidence de
nombreuses manières : ainsi, le Boston Consulting Group a
conduit des études sur le thème « Trading up-trading down ». Elles
montrent que, dans la plupart des secteurs, la part de marché des
produits haut de gamme et la part de marché de l’offre compétitive
sont en croissance au détriment parfois très fort du marché milieu
de gamme. Les graphiques ci-dessous montrent cette évolution
dans le domaine de l’automobile, de la télévision, de l’épicerie,
des hôtels, des compagnies aériennes, des machines à laver, de la
confection, de la nourriture pour animaux…
74
© Groupe Eyrolles
Évolution des marchés vers la bipolarisation
5927_.book Page 75 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Mener la segmentation stratégique
Automobile
part de marché en unités
100
+8
50
-12
+4
0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
E
Télévision
part de marché (dollars)
100
+33
50
-40
+7
0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
E
Hôtels
part de marché en nombre
100
+2
-15
50
+13
0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
E
Épicerie
part de marché (dollars)
100
+1
-24
50
+23
0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
E
Compétitif
Milieu
Haut
de gamme
xx
Variation de part de marché
Source : J.-M. Ducreux, R. Abate, N. Kachaner, Le Grand Livre de la stratégie, op. cit.
© Groupe Eyrolles
Exemple de bipolarisation des marchés (1)
75
5927_.book Page 76 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Compagnies aériennes
part de marché (passagers)
100
+6
-22
50
+16
0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
E
Machines à laver
part de marché (dollars)
100
+11
-16
50
+5
0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
E
Alimentation animaux domestiques
part de marché (dollars)
100
+24
50
-32
+8
0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
E
Confection féminine
part de marché (dollars)
100
+9
50
-18
+9
0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
E
Compétitif
Milieu
Haut de
gamme
xx
Changement de part de marché
Source : Idem.
Le même phénomène d’évolution des marchés « vers le haut » et
« vers le bas » a été mis en évidence par McKinsey dans le cadre
d’une étude mondiale portant sur 25 secteurs économiques. Sous
le titre « The Vanishing Middle », l’étude montre une croissance
supérieure de 8,7 % à celle du marché pour les offres high end,
une croissance de 4,2 % pour les offres no-frills/value et un déclin
de l’offre « milieu de gamme ». Certes, l’offre milieu de gamme
reste en volume la plus importante et à ce titre une concurrence
nombreuse peut s’y maintenir et répondre ainsi à un certain type
de demande ; mais les opportunités de croissance et d’innovation
sont dans les deux segments extrêmes du marché.
76
© Groupe Eyrolles
Exemple de bipolarisation des marchés (2)
5927_.book Page 77 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Mener la segmentation stratégique
Taux moyen de croissance annuelle de segments
par rapport au secteur 1999-2004
Haut de
gamme
Milieu
de gamme
8,7
– 5,7
Compétitif
4,2
croissance moyenne
des secteurs étudiés
Source : McKinsey.
La disparition du milieu
Cette tendance « vers le haut » est attribuée à la hausse des
revenus, au pourcentage croissant de femmes qui travaillent, ainsi
qu’à la recherche de valeurs esthétiques ou émotionnelles. La
tendance vers le bas est, elle, attribuée à l’incertitude du futur, à la
disponibilité d’informations comparatives immédiates, ainsi qu’à la
« professionnalisation » des achats.
© Groupe Eyrolles
L’évolution du marché européen de l’automobile reflète parfaitement cette bipolarisation : le haut de gamme a progressé de 1990 à 2006 de 800 000 véhicules
(2 millions de véhicules en 1990, 2,8 millions en 2006) ; le bas de gamme, représenté
par les catégories économique inférieure et moyenne inférieure a lui aussi progressé (la
catégorie économique inférieure est en effet passée de 4 millions de véhicules à
5,15 millions de véhicules en 2006) ; la catégorie moyenne inférieure a aussi progressé
passant sur la même période de 3,65 millions d’unités vendues à 4,8 millions d’unités
vendues. En revanche, la catégorie moyenne supérieure est en forte chute ; de
3 millions d’unités en 1990, elle est passée à 1,8 million d’unités en 2006.
Une étude menée par le Boston Consulting Group montre effectivement que cette bipolarisation est systématique, mais qu’elle se produit
à un rythme variable selon les secteurs. L’étude, menée sur une
douzaine de secteurs de grande consommation, montre que, dans
certains cas, la partie bas de gamme croît plus vite (par exemple pour
l’eau minérale ou les aliments en conserve). À l’inverse dans les
domaines de la viande, du meuble, de l’aménagement de la maison
ou des ordinateurs personnels, c’est la partie haut de gamme qui tend
à croître le plus vite.
Le phénomène n’est pas nouveau, comme le constate Hans Stråberg, CEO
d’Electrolux : « La bipolarisation n’est pas un phénomène récent. Dans le secteur de
l’équipement de la maison, les utilisateurs ont doublé le budget qu’ils consacrent à leur maison
77
5927_.book Page 78 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
« compétitif »
« haut de gamme »
%
60
40
Nombre de personnes
allant vers le haut
20
de gamme
0
- 20
Nombre de personnes
allant vers le compétitif
Viande
Ordinateurs personnels
Maison
Restaurant
Ameublement
Literie
Voitures
Cuisines
Nourriture animaux domestiques
Café
Gastronomie
Glace
Surgelés
Chocolat
Boisson au alcoolisées
Snack
Fast food
Conserves
- 60
Eaux en bouteille
- 40
Source : Silverstein Michael J. & Neil Fiske Trading up - The New American Luxury, Penguin Group.
Évolution de la bipolarisation par secteurs (États-Unis)
Une étude menée par McKinsey sur le marché des réfrigérateurs a
mis en évidence le taux de croissance par segments de prix :
1.
2.
3.
Source : McKinsey, Quarterly n° 4, 2006.
Journal du dimanche du 6 décembre 2009.
La Tribune du 18 avril 2009.
78
© Groupe Eyrolles
en quinze, vingt ans ; ils dépensent plus pour leur cuisine. Vous pourriez cuisiner sur un feu de
camp, mais malgré cela les gens dépensent 2 000 dollars pour une cuisinière à induction1. »
Mais il s’est accéléré avec la crise financière et économique comme le souligne Arthur
Sadoun, PDG de Publicis France : « La récession a accéléré des mutations structurantes.
Les consommateurs se sont radicalisés. Ils font le tri entre les marques qu’ils vont continuer à
consommer et celles qu’ils abandonnent. Des marques se renforcent et gagnent des parts de
marché ; d’autres sont vouées à disparaître car elles n’ont plus d’utilité fonctionnelle et
émotionnelle ; aujourd’hui, l’alimentaire est un secteur en pleine concentration où un certain
nombre de marques disparaissent. Celles qui vont subsister sont celles à forte valeur ajoutée.
Les marques qui feront la différence seront celles qui offrent de la qualité, de l’innovation et
qui jouent un rôle dans la vie des gens… Le consommateur est encore prêt à payer pour une
belle innovation ; c’est pour cette raison que l’iPhone écrase tous les autres smartphones.
Parallèlement, pour faire des économies, on achète des marques de distributeurs. Les
marques intermédiaires sont vouées à disparaître.2 » Ce phénomène de polarisation
touche la plupart des secteurs comme le remarque Pierre Perron, directeur général de
Sony-Ericsson France : « Pour les modèles d’entrée de gamme, le segment des prépayés
reste très dynamique tandis que le très haut de gamme augmente légèrement ; le milieu de
gamme souffre. On assiste à une vraie bipolarisation du marché3. »
5927_.book Page 79 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Mener la segmentation stratégique
Gamme
de prix
Croissance de volume,
2000-2003, en %
Croissance en valeur par rapport
à la moyenne du marché,
2000-2003, en %
Part de marché estimée
0
> 900
750-900
20,7
14,4
650-749
0,2
– 4,2
550-649
0,7
– 3,7
450-549
– 3,7
– 7,5
250-349
– 3,0
2,1
< 150
Marques traditionnelles
– 0,6
4,6
150-249
100
– 2,1
1,4
350-449
50
Nouvelles marques
– 1,4
5,3
24,3
Nouvelles
marques
5,0
Moyenne
du marché
Source : McKinsey.
Un exemple de polarisation croissante : le secteur du réfrigérateur en Europe
© Groupe Eyrolles
En volume, les taux de croissance les plus élevés sont constatés
pour les offres supérieures à 900 euros et les offres inférieures à
150 euros ; en valeur, seuls ces deux segments sont en croissance ; tous les segments intermédiaires décroissent.
Plus la bipolarisation est avancée, plus les écarts de prix entre
produits ou services dans un « même » secteur vont être importants ;
on observe en effet des prix qui continuent de baisser pour les
concurrents retenant un positionnement de compétitivité et à
l’inverse des prix qui peuvent monter fortement pour les concurrents
qui se positionnent sur la différenciation. Les écarts de prix constatés
sur les marchés matures ne sont pas de l’ordre du pourcentage, mais
sont fréquemment dans des ratios très élevés, tant pour les biens de
consommation courante que pour les biens d’achat moins fréquent.
Entre l’eau du robinet et le brumisateur acheté en pharmacie, l’écart de prix au
litre est de 1 à 4 000. Entre le Paris-Barcelone d’Air France et le Beauvais-Gerone
de Ryanair l’écart de prix peut être de 1 à 10. Entre une montre grande série sans
marque vendue 8 euros et la Tourbillon Enzo fabriquée par Girard-Perregaux
vendue 190 000 euros, l’écart de prix est considérable. Même constat entre un
stylo Bic et un stylo Dunhill. Même constat dans la confection féminine, comme le
montre l’image en page suivante.
79
5927_.book Page 80 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
30 £
5£
3,79 £
16 £
Robe-pull 845 £
Chemise 275 £
Bottines 465 £ 2 350 £
105 £
Robe-pull 35 £
Chemise 50 £
Bottines 65 £
10 £
886 £
32 £
445 £
Source : montage de l’auteur.
Le prix et la bipolarisation
Dans les marchés industriels, cette bipolarisation des marchés existe aussi, bien
qu’elle soit en général plus difficile à mettre en évidence, les prix étant moins
publics. C’est ainsi qu’Alcan, leader mondial de l’aluminium, positionne ses activités
de manière différente selon les caractéristiques du marché : « Dans les produits
manufacturés et l’emballage, nous apportons de la valeur ajoutée à nos clients grâce
au développement de nouveaux produits. Nous avons des clients qui sont prêts à payer
le prix pour des produits innovants de qualité, notamment les constructeurs automobile.
Dans la bauxite et le métal de base, nous sommes un producteur à bas coûts : c’est la
seule manière de survivre sur un marché de commodités1. » Sur le marché des grues
mobiles, les concurrents se positionnent de la même manière : Tadano, Kato,
Groves ou Coles adoptent un positionnement compétitif, Liebherr, AMHoist ou
Manitowoc un positionnement différent avec des écarts de prix significatifs. Une
tonne d’acier pour poutrelle simple coûte 150 dollars/tonne, mais une poutre de
22 mètres fabriquée dans une usine du Benelux et destinée à un gratte-ciel à New
York, au moins 10 fois plus.
1.
Richard Evans in La Tribune du 27 avril 2005.
80
© Groupe Eyrolles
Quand cet électricien d’origine modeste qu’était Henry-Frederick Royce appliqua sa
devise (« Recherchez la perfection dans tout ce que vous faites, prenez le meilleur de ce qui
existe et améliorez-le ; et si cela n’existe pas, créez-le ») à la fabrication de la Silver Ghost,
il mit sur le marché une voiture au prix de 1 400 livres, alors que les concurrentes
proposées par De Dion Bouton se vendait… 200 livres, un ratio de 1 à 7. Aujourd’hui,
l’écart de prix entre les voitures les moins chères (Logan à 8 000 euros) et les voitures
les plus chères (Bentley Azure Convertible Mulliner à 376 485 dollars ou la Rolls-Royce
Corniche Convertible à 363 990 dollars) est dans un ratio de 1 à 40.
5927_.book Page 81 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Mener la segmentation stratégique
Le positionnement et les modèles économiques associés
Si le positionnement stratégique retenu est celui de la compétitivité, l’objectif sera alors de concrétiser cet avantage sur le marché
en s’assurant une croissance en volume. Si le choix qui a été fait
est celui de la différenciation, la direction devra identifier les caractéristiques propres à son offre susceptibles de créer une différence
avec les offres concurrentes. Quel que soit le secteur d’activités,
dès lors que la croissance est ralentie, ces deux types de positionnement sont susceptibles de rencontrer le succès, à condition que
les bons paramètres aient été bien identifiés et mis en valeur.
Les entreprises bénéficiant de volumes importants, soit sur
l’ensemble du marché, soit sur des segments de marché résultant
d’une politique de prix compétitifs, ou, au contraire, les entreprises très spécialisées capables de gérer leur prix à la hausse
bénéficient d’une rentabilité élevée, alors que les entreprises intermédiaires, qui ne sont pas compétitives en prix mais qui sont trop
importantes pour se positionner sur des « niches » ont une rentabilité dégradée. Ainsi, ce phénomène s’observe de manière claire
dans le transport aérien.
D’une part, certaines compagnies aériennes traditionnelles qui ont choisi d’offrir à
leurs clients un niveau de service élevé dans toutes les classes, un nombre de
destinations très élevé soit en direct, soit via un système performant de
correspondances, en partenariat, des schémas d’incitation en fonction des
« miles » parcourus, le transport gratuit des bagages, la possibilité de modifier la
plupart des réservations… Malgré des résultats financiers soumis à certaines
fluctuations, Lufthansa, Air France ou British Airways restent profitables.
D’autre part, des compagnies qui offrent un service limité, exclusivement des
dessertes moyen-courrier point à point entre aéroports secondaires, souvent loin
des grandes agglomérations. Les avions et le service ont été « simplifiés » et
standardisés pour réduire l’investissement et les coûts de maintenance. Ryanair et
EasyJet connaissent des rentabilités élevées.
© Groupe Eyrolles
Mais les compagnies au positionnement incertain ont des mauvais résultats ;
beaucoup ont disparu ou sont amenées à disparaître.
Dans ces conditions de ralentissement de la croissance et de bipolarisation des marchés, les entreprises sont donc contraintes de
choisir des positionnements clairs, comme le recommande Jack
Welch, l’emblématique président de General Electric :
81
5927_.book Page 82 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
• « Mon conseil en matière de stratégie, c’est de rechercher la
débanalisation.
• Acharnez-vous à proposer des produits et services qui se distin-
© Groupe Eyrolles
guent des autres et les clients vous seront attachés comme par
de la colle.
• Certes, il y a des entreprises qui sont capables de l’emporter en
jouant sur les leviers de coûts et du service dans une ambiance
extrêmement compétitive (comme Dell et Wal-Mart), mais c’est
vraiment difficile ; on n’a pas le droit à l’erreur. »
82
5927_.book Page 83 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Chapitre 2
MODÉLISER
LE POSITIONNEMENT
STRATÉGIQUE
« Si vous ne savez où aller, n’importe
quel chemin peut vous y conduire »
© Groupe Eyrolles
Talmud
Ce chapitre décrit les modèles économiques qui sous-tendent le positionnement.
• Le positionnement de différenciation
– Le produit service comme source de différenciation
– La distribution comme source de différenciation
– La marque comme source de différenciation
– Le client comme source de différenciation
– La construction du modèle économique
• Le positionnement de compétitivité
– L’équation de la réussite
– Le rôle de la perception
83
5927_.book Page 84 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
La bipolarisation des marchés a des implications importantes pour
les entreprises, à la fois par les opportunités de croissance qu’elle
génère et par les différences de rentabilité qu’elle entraîne. En effet,
le comportement éclaté des prix en phase de ralentissement de
croissance, et les modèles économiques qui les sous-tendent se
traduisent par des écarts de rentabilité significatifs, mis en évidence
par Michael Porter et présentés ci-dessous de manière schématique :
Retour
sur investissement
Différenciation
Compétitivité/prix
Banalisation
Volume actuel ou potentiel
Le principe en est simple : les entreprises bénéficiant de volumes
importants grâce à une politique de prix compétitifs ou, au
contraire, les entreprises très spécialisées sur des petits volumes,
capables de gérer leur prix à la hausse, bénéficient d’une rentabilité élevée, alors que les entreprises intermédiaires, qui ne sont pas
compétitives en prix, mais qui sont trop importantes pour se positionner sur des « niches », ont une rentabilité dégradée.
Les entreprises qui ont investi pour gagner de la part de marché et
devenir le leader du marché et qui continuent de le faire pour
conserver des prix compétitifs ont une bonne rentabilité. À
l’inverse, les entreprises spécialisées sur des niches ont certes des
volumes limités, mais bénéficient de prix élevés, gage d’une
qualité de service ou d’image de marque qui lui apportent des
marges importantes. L’entreprise banale qui ne bénéficie ni de prix
compétitifs, car elle manque de volume, ni de prix élevés, se
retrouve dans la situation intermédiaire inconfortable avec une
rentabilité médiocre.
84
© Groupe Eyrolles
Profitabilité et positionnement
5927_.book Page 85 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Modéliser le positionnement stratégique
Ce constat peut être mené dans la plupart des secteurs économiques. Ainsi, dans le domaine de la confection féminine, les
marques de grand volume bénéficient de très fortes rentabilités
(Inditex, la maison mère de Zara, dégage une rentabilité des capitaux propres supérieure à 40 %). Les marques haut de gamme sont
elles aussi réputées profitables, alors qu’une marque intermédiaire
comme Morgan connaît ou a connu des moments difficiles. Dans
l’électronique grand public, même constat entre Samsung et son
positionnement compétitif (marge commerciale annoncée de
11,9 %), Sony qui s’est laissé piéger par la banalisation (marge
commerciale de 3,4 %) et Bang Olufsen ou Apple avec leur positionnement de différenciation (marge nettement supérieure à
10 %). Ainsi, entre 2000 et 2010, la capitalisation boursière de
Sony est passée de 128 milliards à 33 milliards de dollars alors que
sur la même période, celle d’Apple est passée de 8 milliards à
177 milliards de dollars.
H&M
Zara
Dior
Chanel
Bang &
Olufsen
Apple
Camaïeu
Morgan
Samsung
Sony
© Groupe Eyrolles
Exemple de courbe en U
Les exemples pourraient être multipliés, le constat serait toujours
le même : la profitabilité est structurellement plus élevée dans les
positionnements « compétitif » ou « différencié » que dans le positionnement banal. La détermination du positionnement est donc
une étape déterminante de la démarche marketing.
Certes, le U peut être plus ou moins accentué en fonction de
l’intensité de la bipolarisation, mais le phénomène reste le même.
Cette accentuation progressive du U est apparue très nettement
dans le domaine des compagnies aériennes aux États-Unis. Avant la
déréglementation initiée par le Président Reagan, de nombreuses
compagnies coexistaient avec des microspécificités ; la clé du
succès était l’excellence opérationnelle ; les rentabilités n’étaient pas
très différenciées. Puis la bipolarisation s’est accentuée ; de
nouveaux entrants sont arrivés, de nouveaux modèles économiques
85
5927_.book Page 86 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Différenciation
Différenciation
Différenciation
Compétitivité
Compétitivité
Compétitivité
Banal
Banal
Banal
Secteurs peu concurrentiels
secteurs réglementés
écarts de prix faibles
l’excellence opérationnelle
est critique
Secteurs concurrentiels
secteurs en cours
de déréglementation
la recherche du positionnement
est critique et difficile
pour les entreprises traditionnelles
Secteurs très concurrentiels
secteurs déréglementés
nouveaux entrants impact
de la technologie écarts de prix
élevés entre les positionnements
réelles difficultés
pour le positionnement banal
Exemple d’évolution de la courbe en U
sont apparus (low cost mais aussi flottes privées, avions-taxis, location partagée…) ; les compagnies traditionnelles, culturellement
plus rigides, ont eu du mal à s’adapter ; beaucoup ont disparu et le
secteur a connu de longues périodes de pertes.
L’une des conséquences de ces phénomènes économiques est que
le choix du positionnement stratégique est critique pour la profitabilité à long terme de l’entreprise. Le positionnement est un acte fort
qui dicte la cohérence des décisions. « Prendre position, pour une
entreprise comme pour une personne, c’est affirmer son point de vue,
préciser ce que l’on est et veut être mais aussi ce que l’on n’est pas et
ne veut pas être. Ce que l’on apporte de meilleur ou de différent1. »
Trois positionnements stratégiques sont possibles, dont deux,
exclusifs l’un de l’autre, sont plus porteurs d’avenir.
0%
50%
100%
1. Clair
2. Durable
4. Cohérent avec la culture
de l’entreprise
Qu’est-ce qu’un bon positionnement ?
1.
Maurice Lévy, Les 100 Mots de la communication, PUF, coll. « Que sais-je ».
86
© Groupe Eyrolles
3. Réalisable
• Marché
• Finance
• Compétences
• Opérations
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Modéliser le positionnement stratégique
Le positionnement stratégique doit comprendre plusieurs
éléments : d’une part, un marché cible (pour qui ?) ; d’autre part,
un bénéfice unique (pourquoi le client achète-t-il ?) Et enfin un
cadre de référence concurrentielle (que vend-on ? Face à quel
concurrent ?).
Positionnement
Différenciation
Caractéristiques
du marché
– Petit/moyen
– Croissant ou stable
– Clientèle dispersée
– Important
– Croissant ou stable
– Clientèle dispersée
– Limité
– Stable, décroissant
– Demande concentrée
Caractéristiques
stratégiques
Importance des
barrières à l’entrée :
– marque, image
– distribution, qualité
– prix
Concurrence frontale
Concentration
croissante
– Peu de moyens de
différenciation
– Rentabilité faible ou
aléatoire
Comportement
des prix
Hausse
Baisse
Stable ou erratique
Modèle
économique
Superposition de
coûts valorisables
Modèle économique
de rotation des actifs
Contrôle opérationnel
Stratégie
marketing
« Class marketing »
« Mass marketing »
Ventes
Bénéfices
clients
Produit/service très
adapté aux besoins
exprimés ou latents
Économie pour le
client
Rapport qualité/prix
Personnalisée
Électronique/
simplifiée
Variable
Nature
de la relation
Compétitivité
Banalisation
© Groupe Eyrolles
Les caractéristiques des trois positionnements
Le positionnement de différenciation suppose une clientèle
dispersée, sensible à un certain nombre de critères tels que la
distribution, la qualité et le service après-vente, la marque, l’image,
etc. Il suppose une gestion des prix plutôt orientée à la hausse. Le
modèle économique est celui de la superposition des coûts valorisables. En d’autres termes, il s’agit d’offrir aux clients des « plus »
qui sont importants pour lui et qui justifient à ses yeux le prix
élevé ; proposer des « plus » non valorisés par le client ne fait que
réduire la marge. Ce type de positionnement permet aux clients
d’avoir une offre très adaptée à leurs besoins exprimés ou latents.
À la différence des stratégies de compétitivité qui s’appuient sur
87
5927_.book Page 88 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
un avantage concurrentiel unique, le prix, les positionnements de
différenciation sont très variés, laissant place à de nombreux
concurrents qui vont chacun jouir d’un avantage unique. C’est une
des raisons pour lesquelles, dans les secteurs matures, on trouve
de très nombreuses références, chacune visant à satisfaire les
besoins spécifiques d’un client ou d’un groupe de clients : l’offre
devient complexe.
Le positionnement de compétitivité suppose, d’une part, un
marché important, mais aussi une clientèle relativement dispersée ;
la concurrence y est forte car frontale. En effet, chaque concurrent
a pour principal argument de vente son prix bas. Le modèle économique s’appuie sur plusieurs paramètres : d’une part, des éléments
économiques (coût très contrôlé et rotation des actifs élevée) et,
d’autre part, une perception par le client ou l’utilisateur que le prix
est effectivement bas.
Le positionnement de banalisation est d’une nature différente ;
d’une manière générale, il n’est pas choisi mais subi. En effet, dans
certaines conditions de marché (marché de taille réduite et/ou
demande concentrée), il y a à la fois peu d’opportunités de différenciation et pas nécessairement les volumes suffisants pour être
compétitifs sur les prix. La rentabilité s’en ressent évidemment.
Ces positionnements sont sous-tendus par des modèles économiques intégrant des composantes de différentes natures (marketing,
économique, financière…) ainsi que des compétences et des
cultures spécifiques. Dans un monde concurrentiel dynamique,
ces modèles économiques sont en évolution constante, soit de
manière continue, soit sous l’impact de nouveaux entrants créant
des discontinuités, voire des ruptures.
Pour réussir dans le long terme, les positionnements de différenciation doivent reposer sur une ou des différenciations significatives et perceptibles, valorisées par le client afin d’être rentables
pour l’entreprise et défendables à terme. Que l’on soit dans le
domaine de la grande consommation ou dans le domaine des
produits et services vendus aux entreprises, nombreuses sont les
88
© Groupe Eyrolles
Le positionnement de différenciation
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Modéliser le positionnement stratégique
sources de différenciation ; de manière schématique, on peut les
regrouper en quatre grandes catégories : produit/service, distribution, marque, client. La recherche en marketing qui permet de
calquer une offre précise sur une demande préidentifiée et de
mieux l’adapter à l’attente des clients est une source importante
d’opportunités de différenciation. Au marketing de masse a
succédé le marketing segmenté, voire, dans certains cas, le marketing individualisé (one to one). C’est ainsi que, dans de nombreux
secteurs, on trouve une prolifération de références : il suffit pour
s’en convaincre de regarder le rayon yaourts d’un hypermarché ou
d’entrer dans une boutique de téléphonie.
Autour des quatre grands thèmes que sont le produit/service, la
distribution, la marque et le client, les sources de différenciation
sont nombreuses.
Le produit/service comme source de différenciation
© Groupe Eyrolles
Le produit/service est une des plus puissantes sources de différenciation tant en B2C qu’en B2B ; en voici des exemples dans les
deux catégories.
Dans le domaine du jouet, domaine difficile où la plupart des producteurs
délocalisent leur production pour faire face à la pression sur les coûts et les prix, la
société allemande Playmobil continue de faire fabriquer l’ensemble de sa gamme
en Europe. Chaque année ses rayons sont pris d’assaut par les consommateurs au
moment de Noël. Depuis la création de ses personnages articulés en 1974 (avec
une tête qui tourne et des bras et jambes habiles et des accessoires qui s’adaptent
aux personnages, qu’il s’agisse de chevaliers, d’indiens ou d’ouvriers de la
construction), la société reçoit tous les ans des centaines de lettres d’enfants qui lui
font part de leurs idées. Ainsi, la ferme, un des thèmes les plus vendus, a été
remise au goût du jour avec des engins agricoles plus modernes ; de même la
locomotive du train est équipée d’un phare qui s’allume. Le secret de Playmobil,
c’est l’écoute attentive de sa clientèle, combinée à la qualité des produits due à la
maîtrise de l’ensemble du processus de production. En effet, les petits
personnages, dont près de 2 milliards d’exemplaires ont déjà été vendus, sont
fabriqués grâce à des technologies innovantes d’injection ; pour lancer une
centaine de produits nouveaux, il faut fabriquer environ 750 moules, soit un
investissement d’environ 20 millions d’euros. La qualité du produit, difficile à imiter,
crée une différenciation durable : le chiffre d’affaires continue de croître : il est
passé de 254 millions d’euros en 2001 à plus de 500 millions d’euros aujourd’hui.
Au début des années 1990, James Dyson, ingénieur au chômage, passe l’aspirateur à la
demande de sa femme et trouve malcommode le système de sac à changer. En 1993,
89
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
il lance en Grande-Bretagne le premier aspirateur sans sac, sous le nom de Dual
Cyclone. Aujourd’hui, sa part de marché est de 50 % en Grande-Bretagne. Aux ÉtatsUnis, la marque Dyson a vendu 890 000 unités en 2004 avec une gamme débutant à
399 dollars, alors que le prix moyen du marché est de 100 dollars. En France, où le prix
moyen des aspirateurs est de 92 euros, Dyson a vendu 600 000 unités depuis l’origine,
avec un prix moyen de 367 euros, et capturé 50 % du marché haut de gamme. La
supériorité technologique du produit caractérisé par l’absence de sac, son design
original et innovant ont été renforcés par une communication mettant en avant le
bénéfice permis par ce nouveau produit : « le premier aspirateur sans perte
d’aspiration » (« the first vacuum cleaner that does not lose suction »). Les résultats sont à
la hauteur de la pertinence de la stratégie de différenciation : en 2006, le chiffre
d’affaires s’est élevé à 800 millions d’euros et le résultat net à 170 millions.
Dans le domaine industriel, les sources de différenciation par le
produit et le service sont très nombreuses et la plupart du temps
particulièrement durables : le produit/service est une source puissante de différenciation.
Jusque dans les années 1990, Vallourec était un pot-pourri d’activités allant de la
construction à l’engineering en passant par la métallurgie et l’acier ; l’entreprise
connaissait une croissance anémique. À partir de cette période, elle s’est recentrée
sur ses métiers de base, se débarrassant d’opérations périphériques et se
spécialisant dans les tuyaux d’acier utilisés dans le forage pétrolier et dans les usines
électriques de production d’électricité : « Nous nous sommes réorientés nous-mêmes
vers le haut du marché1. » Aujourd’hui les ventes dépassent 7,5 milliards d’euros et
les résultats atteignent 1,4 milliard.
« Les trois grands recherchent des solutions pour réduire les coûts à travers les effets
d’échelle ; nous sommes une firme de taille moyenne et nous avons une approche
stratégique différente, déclare M. Spuhler président et actionnaire à 70 %. Nous
produisons des familles de produits qui peuvent être altérés pour s’adapter aux besoins
1.
Pierre Verluca PDG in Business Week du 14 mai 2007.
90
© Groupe Eyrolles
Dans le domaine de l’industrie ferroviaire, la bataille est rude entre les trois grands
groupes généralistes du secteur, Alstom, Bombardier et Siemens ainsi que GE,
spécialisé dans les locomotives destinées au fret. Les parts de marché des trois
concurrents frontaux sont très proches et comprises entre 15 et 20 %. Face à ces
grands concurrents qui se battent sur la standardisation, les effets d’échelle et la
réduction des coûts, se développe une entreprise suisse positionnée par une forte
différenciation sur le produit et le service. Stadler est une entreprise qui a réalisé
en 2005 un chiffre d’affaires de 603 millions de francs suisses, soit le double de
2002 ; les ventes 2006 se sont élevées à 704 millions de francs suisses ; elle
comptait 18 employés en 1989 et 1 750 en 2005 ; la croissance est soutenue. Elle
fabrique des wagons et se trouve sur le même marché que les trois grands :
Siemens, Bombardier, Alstom.
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Modéliser le positionnement stratégique
du client : écartement des voies, longueur des véhicules, hauteur des accès, double
étage, trains régionaux, trains de banlieue… L’industrie du véhicule ferroviaire est dans
une phase complexe et dynamique de restructuration ; des entreprises sont acquises,
fusionnées et repositionnées. Dans certains cas, elles disparaissent totalement du
marché. Dans un tel environnement, il est crucial pour une entreprise de taille moyenne
de s’assurer que son positionnement est en phase avec ses ressources financières et
humaines. Stadler Rail, en se focalisant sur les segments de marché régionaux et
périurbains et sur les services de transport ferroviaire léger, entend rester le numéro 1
sur le marché des véhicules ferroviaires. Stadler Rail se positionne comme le fournisseur
complémentaire des grands fabricants comme Alstom, Bombardier ou Siemens1. »
La distribution comme source de différenciation
Une autre source de différenciation possible est la distribution
choisie et maîtrisée. Posséder sa distribution propre est une
manière de contrôler la destination du produit et de diminuer le
potentiel de distribution des concurrents.
© Groupe Eyrolles
Ainsi, Louis Vuitton ouvre des magasins dans toutes les villes qui ont un potentiel.
Ce faisant, la marque s’assure de l’approvisionnement et de la destination des
produits et limite le potentiel laissé à ses concurrents ; la distribution, à cause du
coût d’investissement que représente l’ouverture de magasins constitue en effet
une barrière difficile à franchir pour des concurrents plus petits. De plus, contrôler
sa distribution permet de s’assurer du niveau des prix : « L’année dernière, alors que
je visitais l’un de mes magasins Vuitton, un certain nombre de clients sont venus me
trouver et m’ont remercié de n’avoir jamais mis les produits en solde ; c’était au
moment où les department stores aux États-Unis commençaient à s’inquiéter de la
tendance négative de la saison et avaient commencé à baisser leurs prix jusqu’à 60 %
avant Noël. Parce que Vuitton a pour politique de ne jamais solder ses produits et n’a
pas de distributeur intermédiaire ni de grossistes, nous n’avons jamais répondu à ces
baisses de prix. Si vous ne vendez pas votre produit en solde, les clients ont le
sentiment qu’ils achètent quelque chose qui garde sa valeur2. »
Sans nécessairement investir financièrement dans sa distribution,
une entreprise peut privilégier certains canaux de distribution
pour renforcer sa différenciation. Ainsi, les producteurs de
parfums privilégient les canaux spécialisés qui contribuent et
renforcent leur image de marque en apportant un vrai service aux
clients : gamme extrêmement étendue, essayages et tests, salons
de maquillage, emballage cadeau, etc. C’est en utilisant ces
1.
2.
Financial Times du 19 septembre 2006.
Interview de Bernard Arnault, président de LVMH, Financial Times du
15 février 2009.
91
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
argumentations que les parfumeurs ont obtenu le droit de ne pas
distribuer leurs produits dans les hypermarchés qui n’apportent
pas le même service et de pratiquer une distribution sélective.
La marque comme source de différenciation
Modèle A
Modèle B
7
8,9
15,4
7,1
9,2
13,7
201 km/h
30,7 secondes
201 km/h
31 secondes
Moteur
6 V cylindres
2664 cc
6 V cylindres
2494 cc
Options
Stéréo 6 hp
Vitres teintées
GPS
Roues alliage léger
Sièges électriques
Synthétiseur de voix
Siège cuir
Option
Option
Option
Option
Option
NA
Option
100
105
Consommation
Vitesse stabilisée 90 km/h
Vitesse stabilisée 120 km/h
Usage urbain
Performance
Vitesse
Accélération (0-1 000 m)
Prix
Comparaison de deux voitures
92
© Groupe Eyrolles
Voici les principaux éléments de comparaison de deux voitures
dont la consommation, les performances et les caractéristiques du
moteur sont similaires. L’une (A) est livrée avec toutes les options
au prix catalogue de 100. La voiture B, quant à elle, est livrée sans
options au prix catalogue de 105. Pour la rendre tout à fait comparable à la voiture A, il convient d’ajouter toutes les options, ce qui
la met à un prix catalogue d’environ 130.
Ainsi, toutes choses égales d’ailleurs, le prix de B est supérieur de
l’ordre de 30 % à la voiture A ; pourquoi les clients acceptent-ils
de payer 30 % de plus une voiture qui, sur le plan technique,
semble très comparable ? De plus, les ventes de la voiture B sont
nettement supérieures à celle de la voiture A.
5927_.book Page 93 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Modéliser le positionnement stratégique
La voiture A est une Renault, la voiture B une BMW. Quelle est la valeur de la
marque BMW ? 22 milliards, répond Interband.
La valeur d’une marque est difficile à estimer ; les systèmes comptables
traditionnels ne savent pas les prendre en compte, sauf lorsqu’elles sont acquises
dans le cadre d’une fusion. Les nouvelles normes comptables engagent les
entreprises à faire des estimations de la valeur de leur marque. Chaque année,
l’organisme Interbrand se livre à une estimation des grandes marques mondiales.
En 2010, la marque la plus valorisée était Coca-Cola (70 milliards de dollars)
devant IBM (64), Microsoft (61), Google (43), General Electric (42), McDonald’s
(33), Intel (32). Le palmarès recense aussi bien des marques industrielles, telles que
Cisco (23 milliards), Oracle (15 milliards) ou SAP (12 milliards), que des marques
grand public, comme Gillette (23 milliards) et BMW (22 milliards).
Pour beaucoup de firmes de biens de grande consommation ou
pour des entreprises industrielles, la marque est un actif stratégique
de première importance qui résulte d’un investissement considérable au fil du temps. Les marques reposent sur deux dimensions
différentes et complémentaires, les valeurs rationnelles ou fonctionnelles et les valeurs émotionnelles ou symboliques. Plus que le
nom, ou le logo, elles concrétisent le positionnement de la firme.
Le client comme source de différenciation
Identifier une nouvelle clientèle ou sa clientèle existante en fonction de ses caractéristiques sociologiques ou en fonction du mode
d’utilisation du produit est aussi une source de différenciation fructueuse. Dans une telle démarche, la différenciation provient tout
autant du bien vendu par l’entreprise que du lien qu’elle tisse avec
sa clientèle.
© Groupe Eyrolles
Ainsi, le magazine Biba s’applique avec succès à attirer « les femmes qui
travaillent ».
En se repositionnant par une focalisation sur une clientèle spécifique, Leroy Merlin
a réussi à obtenir des performances économiques supérieures à celles de ses
concurrents. Le marché du bricolage est en faible croissance (environ 5 % par an).
Au début des années 2000, Castorama en est le leader devant Leroy Merlin qui
s’interroge sur son positionnement. À cette époque, Leroy Merlin observe que
80 % des bricoleurs sont des femmes, qu’elles ont une approche « décoration/
home », alors que les hommes qui bricolent ont une approche « gros travaux
techniques » et considèrent le magasin de bricolage comme un magasin de jouets
pour adultes. Avant tout le monde, Leroy Merlin a compris que la femme est la
prescriptrice d’achat dans l’univers de la maison, mais qu’elle est aussi actrice
puisqu’elle dépense environ 1 200 euros en moyenne par an dans les magasins de
93
5927_.book Page 94 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
bricolage. Sur cette base, Leroy Merlin décide de modifier son positionnement et
d’évoluer d’un positionnement banal vers un positionnement différencié en faisant
du client ou plutôt de la cliente la source de différenciation. Leroy Merlin adopte
une nouvelle mission : « Et vos envies prennent vie ». Castorama maintient son
positionnement banal sur le thème : « Tout pour le bricolage ». Leroy Merlin
déploie son nouveau positionnement autour de quatre thèmes :
• modification de l’assortiment, avec une diminution de 40 % des références
techniques et une augmentation de 30 % des références décoration ambiance ; sur
les 60 000 références vendues en magasin, 40 000 sont prescrites par la centrale
d’achat, mais chaque directeur peut puiser dans un catalogue de 100 000 produits
pour adapter son offre à la demande locale ;
• réorganisation des achats et des magasins autour de deux espaces : les espaces
techniques (clous, perceuse) et les espaces décoration coordonnés par style ;
• nouvelle communication sur le thème « Du côté de chez » animée par une
femme, une revue intitulée Du côté de chez vous et les fiches de la consultante
décoration de Leroy Merlin. Outre la communication TV sur le même thème,
certains magasins développent des communications originales comme des lip dub
mettant en scène tous les rayons du magasin (plus de 800 000 connexions sur
YouTube) ;
• formation : la formation représente environ 5 % de la masse salariale, soit trois
fois plus que la moyenne. Dans le cadre de ce nouveau positionnement, les chefs
de rayon spécialistes techniques dans leur domaine sont devenus des consultants
décoration. Ils ont appris à se mettre dans la situation des clients pour en faire de
véritables experts et pour les orienter vers la meilleure solution.
La marque a ainsi réussi à projeter une image de modernité, de dynamisme,
d’avant-gardisme en rupture avec une concurrence « banale ». En se
repositionnant sur la différenciation, la firme a pu reconquérir une position de
leader ; sa rentabilité a fortement augmenté avec un chiffre d’affaires de
4,5 milliards d’euros et un résultat net de 250 millions d’euros, mais surtout un
chiffre d’affaires/m2 qui atteint 4 100 euros alors que celui de Castorama est
estimé à 2 700 euros/m2.
Une fois les sources de différenciation identifiées, il convient de
s’assurer qu’elles peuvent contribuer à la création d’un modèle
économique pérenne et rentable : le client doit en effet être prêt
à payer le prix de cette différence. Il est donc nécessaire de bien
connaître le client et de partir à sa découverte.
Une bonne approche consiste à offrir des solutions développées conjointement par
le client et le fournisseur. Comme le montre le schéma ci-contre, l’offre n’est pas
prédéterminée à l’avance, elle évolue en fonction des demandes manifestées par le
94
© Groupe Eyrolles
La construction du modèle économique
achats
assemblage
Fourniture de peinture
comme une commodité
vendue au volume
achats
assemblage
Vente de peinture
en fonction du nombre
de voiture peintes
Réduction des
déchets de 20 %
Diminution des
coûts; accès
privilégié
à de nouvelles
couleurs
achats
Développement
de produits
spécifiques
R&D
Élimination des goulets
d’étranglement
Amélioration de la qualité
Meilleure gestion des problèmes
environnementaux
Prise en charge de
l’atelier peinture
assemblage
SOLUTION APRÈS REPOSITIONNEMENT
R&D
SOLUTION AVANT REPOSITIONNEMENT
R&D
expédition
expédition
expédition
Augmentation de la
fidélité grâce à
une offre unique
et spécifique
Assistance pour le
choix des couleurs
marketing
marketing
marketing
Chaîne de valeur ajoutée simplifiée du constructeur
OFFRE
BASF
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CLIENT
BÉNÉFICES
© Groupe Eyrolles
Ventes supplémentaires
Satisfaction client
meilleur support
des carrossiers
Assistance pour le
choix des couleurs
par les carrossiers
service
service
service
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Modéliser le positionnement stratégique
Source : McKinsey.
Positionnement de différenciation – Création d’un modèle économique
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
client et en fonction de la manière dont le fournisseur peut y répondre. C’est ainsi
que BASF a mis en place avec un constructeur automobile une solution peinture qui
intervient à plusieurs étapes du processus complet de fabrication des véhicules, de la
conception au service après-vente en passant par l’assemblage des véhicules : BASF
se substitue au constructeur automobile pour tout ce qui concerne la recherchedéveloppement ayant trait à la peinture et au revêtement ; il opère lui-même la
cabine peinture ; ce faisant, il a permis une réduction sensible de la consommation de
peinture par véhicule et une réduction des déchets de l’ordre de 20 % ; BASF se
charge ainsi de traiter l’aspect environnemental de l’application peinture ; il est
intervenu conjointement avec le département marketing pour mettre au point des
nouveaux revêtements (couleur, aspect, finition…). Enfin, BASF offre aux
concessionnaires et aux carrossiers des services qui leur permettent de réparer les
accidents de tôle grâce à des couleurs et des procédés qui facilitent l’obtention
rapide de la teinte exacte recherchée. Ce faisant, BASF a changé son mode de
facturation : au lieu de vendre de la peinture au volume, le principe de facturation
retenu est le nombre de véhicules peints.
Construire et faire vivre un positionnement de ce type requiert une
vigilance permanente, la capacité à se débarrasser des activités qui
ne permettent pas la combinaison des différents facteurs et la puissance d’innovation pour enrichir et renforcer le positionnement et
faire évoluer le modèle.
Le positionnement de compétitivité
C’est en s’appuyant sur un positionnement de compétitivité que de
nombreuses entreprises sont apparues sur des marchés traditionnels, bouleversant à la fois les habitudes des consommateurs et des
clients et la structure concurrentielle : Zara, Ryanair, Dell, Boursorama, H&M, EasyJet sont des entreprises jeunes qui ont développé
des modèles économiques forts et ont révolutionné leur secteur.
Elles présentent toutes des caractéristiques communes, à savoir des
coûts maîtrisés, une rotation des actifs élevée et savent communiquer aux clients une perception de prix très bas.
Le positionnement de compétitivité suppose de maîtriser deux
facteurs clés : d’une part, la compétitivité économique de l’offre
(soit grâce à des coûts réduits, soit grâce à une utilisation d’actifs
réduite, soit une combinaison des deux) et, d’autre part, la percep-
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© Groupe Eyrolles
L’équation de la réussite
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Modéliser le positionnement stratégique
tion qu’en a le client ou l’utilisateur. Toutes les entreprises qui ont
réussi à tirer le meilleur parti de ce positionnement compétitif ont
toujours remarquablement maîtrisé la perception qu’avait le client
de leur offre.
réussite = compétitivité × perception
L’équation de la réussite
Ryanair est un exemple spectaculaire de réussite d’un nouvel entrant positionné en
compétitivité qui maîtrise à la fois les éléments clés de la compétitivité et la
perception qu’en a le client :
• les coûts sont réduits : Ryanair économise annuellement environ 3 millions
d’euros en ayant des sièges en imitation cuir, réduit l’espace entre les sièges
(76 cm contre 81 cm sur Air France), sans poches à l’arrière des sièges pour
faciliter le nettoyage, en utilisant des aéroports secondaires (Beauvais, près de
Paris, 70 % moins cher que CDG – Hann, 90 % moins cher que Francfort). Le ratio
personnel par passager est inférieur de 60 % à celui des compagnies régulières,
98 % des ventes se font par Internet ;
• en ayant seulement deux types d’avion, Ryanair optimise ses coûts de
maintenance et la capacité du personnel volant à s’adapter d’un avion à l’autre ; en
réduisant le temps au sol, Ryanair peut faire voler ses avions moyen-courrier de
douze à treize heures par jour, soit environ deux vols de plus par jour que les
avions moyen-courrier d’Air France. Le coût moyen par siège moyen-courrier
s’élève à moins de 50 euros chez Ryanair, 56 euros chez EasyJet et 114 euros chez
Air France ;
• les prix apparents sont très bas ; il arrive même que ceux-ci – hors taxes et frais
complémentaires – soient négatifs ; à ces prix apparents, il convient d’ajouter le
prix des services (bagages, achat en ligne, qui représentait 10 % du chiffre d’affaires
en 2000, mais 20 % en 2009). En fait, le prix réel d’un billet sur Ryanair pour un
Beauvais-Gérone comparé à Paris-Barcelone est inférieur d’environ 20 % à celui
d’une compagnie traditionnelle.
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Son concurrent EasyJet applique des principes très similaires : « Nous ne faisons que
des vols directs, sans correspondance, nos rotations sont rapides, entre 20 et
30 minutes et notre flotte est homogène, essentiellement des A319 et A320. Nous ne
touchons en rien au modèle économique qui nous permet d’être 50 % moins chers que
les compagnies traditionnelles1 ».
1.
F. Bacchetta, directeur d’EasyJet Europe du Sud, in Challenges, décembre 2010.
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Le rôle de la perception
La réussite de ce modèle économique repose sur la « pureté » du
positionnement : plus la perception du prix est claire, plus le client
est confiant dans sa démarche d’achat. Il est donc nécessaire de
trouver la bonne logique de « martèlement » du prix bas, en utilisant une communication forte et répétitive et les symboliques de
communication du prix bas.
Prenons l’exemple de Wal-Mart. Deux facteurs sont critiques dans le
positionnement de Wal-Mart : d’une part, les prix qui sont effectivement les plus
bas du marché et qui s’alignent très vite dans l’hypothèse où un concurrent voisin
ferait une offre plus basse et, d’autre part, des campagnes de communication
soutenue, qui se terminent toujours par ces quelques mots : « Tous les jours des
prix bas », (« everyday low prices »). Ce positionnement est renforcé par quatre
symboliques :
• la symbolique de l’économie d’échelle : pour rendre visibles les achats en masse,
et donc bon marché, qu’effectue Wal-Mart, les directeurs de magasin multiplient
lots de produits, produits en vrac, palettes, têtes de gondole ;
• la symbolique de l’économie systématique : l’ensemble du magasin donne
l’impression que celui-ci est géré a minima (toit sommaire en tôle ondulée, parking
simplifié, carrelage et éclairage simplistes…) ;
• la symbolique de la bonne affaire : podiums, têtes de gondole, annonces et
balisages très agressifs, grandes opérations promotionnelles, produits à peine sortis
de leur emballage, produits sans marque, etc. ;
• la symbolique de la désintermédiation : palettes en bois, transpalettes, tout est
fait pour laisser penser au consommateur qu’il est plus dans un entrepôt que dans
un magasin.
Curieusement, un an plus tard, la même histoire se reproduit. En effet, après avoir
engagé une nouvelle directrice de la section vêtement (15 % du CA), Claire
Watts, Wal-Mart tente de monter en gamme son offre de vêtements, de biens
d’équipement et d’électronique et se déclare lui-même un vendeur de produits de
1.
Wall Street Journal du 12 septembre 2006.
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Mais le moindre écart par rapport à cette ligne directrice est sévèrement
sanctionné par le client. Le modèle doit être pur. Ainsi, « au début de l’année 2006,
Wal-Mart a cessé de mettre l’accent sur son message de prix bas afin d’attirer les
consommateurs sur des produits plus à la mode, pensant que les consommateurs
s’étaient totalement appropriés le positionnement “everyday low prices”. Dès l’été, les
ventes commençaient à fléchir. Le groupe revient alors très vite à sa communication sur
les prix, affichant dans tous les magasins des signaux : “Nous vendons moins cher”
(“we sell for less”)1. »
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Modéliser le positionnement stratégique
bon rapport qualité-prix. Cette initiative se traduit notamment par le lancement de
Metro 7. Mais la demande pour les vêtements ne satisfait pas les attentes de
l’entreprise qui finit par renoncer ; Claire Watts remet sa démission et le groupe
reconnaît qu’il avait besoin de revenir à des produits plus basiques1.
Le consommateur est très facilement déstabilisé dès lors qu’il est sensible aux prix
et qu’il perd ses repères. Wal-Mart l’a encore expérimenté en 2010 aux États-Unis
et en Grande-Bretagne. Aux États-Unis, Wal-Mart s’est engagé dans une
campagne de réduction de prix agressive, déstabilisant le consommateur habitué à
avoir tous les jours des prix bas (« everyday low prices »). L’échec a été immédiat, et
Wal-Mart est revenu à son concept action alley où les produits sont entassés,
jouant ainsi sur la symbolique du volume. En Angleterre, « la chaîne Asda, qui
appartient à Wal-Mart, a perdu de la part de marché après avoir introduit des
promotions à court terme, à l’encontre de sa promesse historique de produits bas2 ».
Ces brefs dépositionnements ont été perçus négativement par les consommateurs.
Les perceptions négatives étant globalisantes, les clients de Wal-Mart se sont rendu
compte que quelque chose changeait et que, dans un des rayons du magasin, les
prix étaient moins compétitifs. Ils ont généralisé ce constat à l’ensemble du magasin.
Les magasins ont connu une baisse de fréquentation et une érosion du chiffre
d’affaires. Dans les trois cas, les directions du marketing avaient simplement oublié le
principe du fondateur de Wal-Mart, Sam Walton : « Vous n’avez qu’un boss : LE
CLIENT. Le client peut virer n’importe qui dans une entreprise, du président au simple
employé, simplement en allant dépenser son argent ailleurs. »
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Zara et H&M sont deux entreprises de confection relativement récentes en
concurrence frontale avec le même positionnement de compétitivité. Mais elles
s’appuient sur deux modèles économiques différents, le point commun étant
néanmoins que le client ou la cliente doit percevoir la compétitivité prix. Zara a
bâti son modèle sur la rotation des actifs plus que sur la réduction des coûts, alors
que H&M s’appuie sur la réduction des coûts, mais subit un niveau moyen de stock
plus important.
La durée traditionnelle entre le design d’un vêtement et le moment où il est mis
en magasin est de l’ordre de neuf à quatorze mois ; chez Zara, ce processus prend
environ trois semaines. Le rythme chez Zara n’est pas donné par les collections
annuelles et les défilés ; chez Zara, 200 designers sont en liaison constante avec les
magasins pour saisir l’air du temps et réagir rapidement à la demande. Un directeur
de magasin peut proposer des modifications à un article ou même proposer un
nouveau modèle qui sera évalué par les designers de la Corogne. Ainsi, Zara
produit environ 4 500 nouveaux styles et 20 000 nouveaux articles par an.
Lorsqu’un article est rapidement en rupture, le directeur du magasin peut passer
une commande de réassort électronique. Il y a deux livraisons par semaine ; le
1.
2.
Herald Tribune du 21 juin 2007, Lauren Coleman-Lochner, Bloomberg
News.
Wall Street Journal du 17 novembre 2010.
99
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
taux de rotation du stock est de 11, soit deux à trois fois celui de l’industrie. Du fait
de cette diversité, les coûts sont probablement supérieurs à ceux de certains
concurrents (environ 20 %), mais le poids des soldes et des invendus est plus faible
(environ 15 % contre 30-40 % pour la concurrence). Zara ne communique
pratiquement pas, mais utilise beaucoup les symboliques de la compétitivité. La
rentabilité des capitaux engagés est supérieure à 40 %.
« Chez H&M, nous sommes dans une constante ambivalence ; nous faisons de la
haute couture à bas prix, utilisons des top modèles pour vanter du low cost, vendons
de la lingerie comme des manteaux ; la société est très centralisée tout en pratiquant
la décentralisation, hyper créative avec une structure très balisée. Notre force, c’est la
combinaison des paradoxes », déclare Nils Vinge, directeur des relations
investisseurs. « Notre modèle réclame une énorme planification ; nous travaillons sur
trois collections en même temps : celle du moment, celle de l’année suivante et celle de
l’année d’après. À H&M, le réassort n’existe pratiquement plus ; l’enseigne ne craint
pas les ruptures. Elle propose constamment de nouvelles collections ; livrées chaque
jour mais prévues jusqu’à un an à l’avance. Cela crée une forme d’excitation qui génère
des ventes, puisque la cliente sait que le lendemain le produit aura peut-être disparu »,
affirme Margareta van den Bosch, directrice du style.
Les positionnements décrits dans ce chapitre sont en général les
plus purs ; on observe en effet que ceux-ci (Dior et Zara,
Lufthansa et Ryanair, etc.) sont les plus rentables. Bien sûr, entre
ces deux extrêmes il y a place pour de nombreuses entreprises qui
vont bénéficier de positionnements qui, sans être aussi purs, clairs
et limpides que ceux évoqués ci-dessus, vont leur permettre de
dégager des profits certes moins importants mais néanmoins satisfaisants. Par ailleurs, il peut exister des déplacements de la carte
concurrentielle et des positionnements : certains concurrents
peuvent entamer des déplacements par exemple d’un positionnement banal vers un positionnement de différenciation, très rarement d’un déplacement d’un positionnement banal vers un
positionnement de compétitivité. Enfin il arrive que des entreprises bénéficiant d’un positionnement clair le perdent, dégradant
ainsi leur profitabilité de manière durable. De nombreuses entreprises ont des positionnements qui sans être aussi clairs et purs
bénéficient de profitabilités honorables.
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H&M communique de multiples manières : publicité TV avec la robe à 9,99 euros,
une newsletter et la publicité autour de la collection annuelle d’un couturier.
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Chapitre 3
CRISTALLISER
LE POSITIONNEMENT
« Dans vos phrases, n’utilisez qu’un sujet, un verbe, un complément
direct ; quand vous aurez besoin d’un adjectif, venez me trouver. »
Georges Clemenceau
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Dans ce très court chapitre, sont envisagées les diverses manières de
décrire le positionnement de l’entreprise en termes simples et impactants. Cet exercice de cristallisation du positionnement est difficile.
Pour mieux vous en rendre compte, je vous invite à aller consulter sur
Internet les sites des entreprises de votre choix et de rechercher la
manière dont elles parlent d’elles-mêmes et de leur positionnement.
Dans un monde de plus en plus décentralisé, où la déconstruction
modifie profondément les liens entre les entreprises et au sein des
entreprises, dans un monde où les incertitudes sont croissantes et
où la non-concordance des temps entre la stratégie, le marketing,
la finance, les clients, etc. est la règle, les entreprises ont plus que
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jamais besoin d’exprimer clairement la direction qu’elles prennent,
le positionnement qui est le leur et le modèle économique qui le
sous-tend. C’est la cristallisation du positionnement par quelques
mots qui va donner la direction à tous les mouvements de l’entreprise et fédérer les énergies.
Cristalliser un positionnement de compétitivité, c’est exactement ce qu’a fait Henry Ford au moment du lancement de la
Ford T : « Je vais construire une voiture pour la plus grande
multitude. Elle sera si bon marché que toute personne gagnant
un bon salaire sera capable d’en posséder une et de bénéficier
avec sa famille du plaisir de rouler dans les grands espaces.
Quand j’aurai réussi, tout le monde sera capable de s’offrir une
voiture et tout le monde en aura une. Les chevaux auront
disparu de nos routes, l’automobile sera un fait acquis. Et nous
donnerons à un grand nombre de personnes un emploi avec de
bons salaires. »
Cette cristallisation peut prendre diverses formes appelées, selon
les entreprises, identité, vision, valeurs, mission, slogan, « base
line »… bien que ces mots recouvrent des réalités très différentes,
comme le montrent les définitions ci-dessous :
• identité : ce qui fait qu’une chose est exactement de même
nature qu’une autre ;
• vision : action de voir, de se représenter en esprit ; vision de
l’avenir. « Aucun savant ne confond la vision d’une vérité avec
la démonstration d’une vérité » (Ribot) ; la vision s’inscrit dans
un horizon de temps long ou très long ;
• valeurs : hiérarchie établie entre les principes moraux ; énoncent une appréciation ; les valeurs ont un caractère intemporel ;
• mission : charge donnée à quelqu’un d’accomplir une tâche
définie ; fonction temporaire qui s’inscrit dans un horizon de
temps à court ou à moyen terme et qui est tournée vers l’action ;
• slogan : formule concise et frappante qui exprime une idée
qu’un émetteur veut diffuser ou autour de laquelle il veut
rassembler ;
• base line : phrase qui ponctue une annonce publicitaire. Le
terme vient originellement de la phrase de signature se trouvant
traditionnellement sous le texte d’une publicité de presse.
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
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Cristalliser le positionnement
Apple a révolutionné l’informatique personnelle dans les années 1970 avec la
sortie de l’Apple II et a réinventé l’ordinateur personnel dans les années 1980 avec
le lancement du Mac. Aujourd’hui, Apple reste le leader du marché en matière
d’innovation avec ses ordinateurs de bureau et ordinateurs portables, son système
d’exploitation Mac OS X, iLife et ses applications professionnelles sans équivalent.
Apple mène aussi la révolution musicale numérique avec les lecteurs numériques
iPod et le service en ligne iTunes Store, l’iPad… Ce positionnement est cristallisé
d’une manière extrêmement simple : « Think Different ».
La cristallisation du positionnement peut parfois prendre des
formes moins impactantes ; elle n’en reste pas moins critique pour
engager l’entreprise dans la direction qu’elle s’est choisie.
Ainsi, le groupe LVMH, composé de nombreuses marques et de nombreuses
maisons, cristallise ce positionnement de la manière suivante :
• ambassadeur de l’art de vivre occidental en ce qu’il a de plus raffiné, LVMH veut
symboliser l’élégance et la créativité, et apporter du rêve dans la vie par ses
produits et par la culture qu’ils représentent, alliant tradition et modernité ;
• dans ce cadre, cinq impératifs constituent des valeurs fondamentales partagées
par tous les acteurs du groupe LVMH. Ces valeurs et l’ensemble des aspects
qu’elles recouvrent ont fait l’objet d’une large réflexion à travers les sociétés du
Groupe :
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– être créatifs et innovants,
– rechercher l’excellence dans les produits,
– préserver passionnément l’image de nos marques,
– avoir l’esprit d’entreprise,
– être animés de la volonté d’être les meilleurs.
Quelle que soit la forme qu’elle revêt, quel que soit le public
auquel elle s’adresse (clients ou collaborateurs de l’entreprise…),
cette cristallisation marque une étape importante du marketing
stratégique. Elle est critique pour s’assurer que la mise en œuvre
du positionnement retenu est conforme à l’objectif, que sa perception par les clients est claire, facile, durable de telle sorte qu’ils
peuvent se l’approprier et que les énergies internes sont bien focalisées dans la même direction.
La recherche de la cristallisation du positionnement va s’effectuer
de manière très différente selon qu’il s’agit d’un positionnement de
compétitivité ou d’un positionnement de différenciation.
Dans le cas du positionnement de compétitivité, il n’y a qu’un
objectif : celui de s’assurer d’une maîtrise des coûts, d’une maîtrise
des actifs et de leur perception par le client ou l’utilisateur.
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
La cristallisation retenue est donc uniquement centrée sur cet
objectif de compétitivité. Cela ne signifie pas qu’il est plus facile
de la traduire par des mots, mais cela signifie que le message est
totalement focalisé.
Dans le cas d’un positionnement de différenciation, il existe de
nombreuses manières de concrétiser ce positionnement puisque
les sources de différenciation (produits/services, distribution,
marque, clients) sont multiples ; il en résulte que la formalisation
peut prendre des formes très différentes, faire appel à des univers
très variés, comprendre des mots ou des associations de mots
originaux ou curieux et intégrer des éléments émotionnels, subjectifs, esthétiques…
Le schéma ci-dessous présente des exemples de formalisation en
fonction du positionnement retenu ; si celui-ci est axé sur la
compétitivité, tous les mots utilisés y font référence de manière
très simple et très directe. En revanche, dans les positionnements
de différenciation, on retrouve des éléments de nature différente,
le point commun semblant être l’émotion.
The first vacuum cleaner that does not lose suction
Vous ne viendrez plus chez nous par hasard
Faire du ciel le plus bel endroit sur terre
Et vos envies prennent vie
Everyday low prices
Elf les prix bas
* Ce serait moche de payer plus
More value for less
Changer pour la banque la moins chère
Différenciation
Compétitivité
Banalisation
La démarche 3C (collecter, catalyser, cristalliser) permet d’avancer
dans la cristallisation du positionnement de différenciation :
• la première étape consiste à collecter tous les éléments qui
contribuent à définir l’entreprise – notamment historiques –,
ainsi que tous les éléments et les mots qui sont apparus comme
saillants dans les études préalables, telles que l’analyse des
mégatendances et les études et recherches concernant le client.
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Cristallisation du positionnement (exemples)
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Cristalliser le positionnement
Cette collecte doit comprendre des éléments rationnels factuels,
mais aussi des éléments émotionnels. Analyser la manière dont
les concurrents ou des acteurs dans d’autres secteurs formalisent
leur positionnement est aussi très contributif ;
• la seconde étape consiste à organiser les réponses et les
éléments obtenus en un ensemble cohérent permettant de
générer un nombre réduit de thèmes susceptibles de déboucher
sur la cristallisation du positionnement ;
• la troisième étape consiste à rechercher la formulation la plus
pertinente afin de définir et de valoriser le positionnement
retenu. Elle doit donner un élan, de l’émotion, des défis. Cette
étape est évidemment très difficile et navigue entre deux
écueils : soit la formulation est contenue en une phrase très
impactante et le risque est que nul ne s’y reconnaisse (« Notre
rêve est un monde sans pauvreté »), soit elle est éparpillée dans
de nombreuses phrases et perd alors son impact.
Que l’entreprise soit dans le domaine industriel ou grand public,
elle doit cristalliser son positionnement ; pour l’entreprise industrielle, c’est l’opportunité de fédérer ses collaborateurs autour
d’une ligne directrice partagée ; pour l’entreprise grand public,
c’est l’opportunité de fédérer ses collaborateurs et de se doter
d’une ligne directrice pour sa communication grand public.
Ainsi, General Electric se livre systématiquement à ce travail de formalisation du
positionnement pour chacune de ces divisions à l’intention des collaborateurs de
l’entreprise. Certes, il n’est pas facile de mettre de l’émotion dans les produits
industriels que commercialise GE, mais il y a néanmoins un élan dans chacune des
« missions ». En voici quelques exemples :
« Électroménager
General Electric est un des plus importants fabricants d’appareils électroménagers
dans le monde. Depuis 1907, nous avons continuellement proposé de nouveaux
produits pour améliorer la vie des gens et économiser l’électricité. Nous continuons cet
héritage aujourd’hui avec des innovations comme le four Advantium, le système
Harmony pour les vêtements et plus.
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Éclairage
Notre entreprise est née avec l’invention de la première lampe à incandescence dans le
monde. Un siècle plus tard, GE apporte toujours de la lumière au monde. Nous
continuons d’innover en proposant des technologies d’éclairage tel que les diodes
fluorescentes qui fonctionnent avec plus d’efficacité, des coûts moindres et avec un
impact réduit sur l’environnement.
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Rail
GE a mis sur les rails plus de 15 000 locomotives, y compris notre série révolutionnaire
EvolutionSérie, qui réduit les émissions de 40 %. Nous proposons aussi de la
maintenance, de la réparation et des améliorations, des systèmes de signalisation et de
communication et du suivi par Internet des infrastructures ferroviaires.
Sécurité
GE propose continuellement de nouvelles technologies pour aider les propriétaires à
gérer leur maison, rendre les écoles plus sûres, améliorer la sécurité aérienne, etc. De
plus nous pouvons intégrer de nouvelles technologies de la sécurité avec les systèmes
existants.
Eau
Depuis plus d’un siècle, GE traite l’eau et les déchets des entreprises industrielles. Parmi
nos innovations figurent les technologies de purification qui permettent de recycler
jusqu’à 90 % des déchets. Les efforts comme ceux-ci assurent que cette ressource
vitale est renouvelée pour les générations futures.
Santé
GE fait évoluer le traitement de la santé dans plus d’une centaine de pays avec sa
vision d’un modèle basé sur la prévention, se focalisant sur les diagnostics précoces, les
interventions et la prévention. Et, comme le monde évolue vers l’hôpital digital, nous
montrons la voie avec des technologies pour gérer le patient, proposer des systèmes
d’imagerie médicale et d’information1. »
La manière dont L’Oréal a défini son positionnement est riche en émotions :
« Nous avons la conviction que la cosmétique rencontre un rêve universel ; la quête de
la beauté et du bien-être. En effet, elle touche chacun dans son intimité et son désir
d’expression personnelle. Elle donne confiance en soi et permet de s’ouvrir aux autres.
Elle démontre ainsi chaque jour son utilité. C’est pourquoi nous avons choisi de mettre
notre recherche et notre expertise au service des hommes et des femmes du monde
entier pour contribuer de notre métier » à répondre à ce besoin essentiel de bienêtre dans toute sa diversité.
Le 2 septembre 2004, Carlos Ghosn entre dans l’Ohsanbashi Hall à Yokohama
pour présenter six nouveaux modèles d’un seul coup, du jamais-vu chez un
constructeur japonais. Cette présentation s’accompagna d’un discours inattendu
dont le premier mot frappa les esprits : « shift ». Puis il expliqua ce que cette
notion de shift impliquait : « En changeant notre manière de penser, nous changeons
1.
Rapport annuel, site General Electric.
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De même, Danone a choisi d’exprimer son positionnement par la phrase
suivante : « Partout dans le monde, faire grandir, mieux vivre et s’épanouir les hommes
en leur apportant chaque jour une alimentation meilleure, des goûts plus variés, des
plaisirs plus sains », ce qui est très différent du positionnement banal de l’un de ses
concurrents : « Satisfaire chaque jour les besoins de tous partout dans le monde. »
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Cristalliser le positionnement
le regard que nous portons sur les choses, la façon dont nous agissons, la façon dont
nous réagissons à ce qui se passe autour de nous. Cette évolution dans les valeurs qui
sont les nôtres touche tout ce qui fait de Nissan ce qu’elle est. Elle implique que nous
fassions évoluer les produits, les services, la technologie, les comportements, les
performances. Shift, c’est à la fois notre identité et notre manière de fonctionner. »
Ainsi, « shift » symbolise l’idée d’une entreprise qui cherche à voir les choses
différemment, sous un autre angle, suivant une perspective nouvelle1.
Dans la cristallisation de la différenciation n’oublions pas les superlatifs. À cet égard,
la proposition de BMW est révélatrice : « Notre ethos trouve son expression dans la
poursuite sans compromis du superlatif. Le résultat ? Des marques avec un profil
unique des automobiles et des motos qui fascinent les gens tout autour du monde et
qui chaque jour gagnent des légions de nouveaux admirateurs2. »
La manière de cristalliser les différents positionnements est
résumée de manière schématique dans le tableau ci-dessous :
Émotion
Esthétique
Valeur
…
Prix
Prix
Prix
…
Différenciation
Compétitivité
Banalisation
Cristallisation du positionnement
Peut-être la manière la plus élégante de faire passer le message de
l’émotion, de l’esthétique ou des valeurs est-elle la poésie. C’est en
tout cas ce qu’a pensé Michael Aidan, lorsque, directeur marketing
Europe de Tropicana, il a écrit ce poème publié dans ESCP magazine :
« Dans un marché typique dit de “commodités”
Une marque Premium en croissance se trouvait
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Elle croissait en volume, plus encore en valeur
Atteignant des niveaux qui parfois faisaient peur
1.
2.
Cf. Jean-Marie Dru, La Publicité autrement, Gallimard, 2007.
Source : site BMW.
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Les bonnes explications ne manquaient pas, la preuve
Mais aucune franchement n’était vraiment très neuve :
Une qualité produit supérieure et constante
Un prix très élevé qui n’aide pas la demande
Une communication si simple qu’elle impacte les ventes
Et des innovations qui font qu’on redemande
Pourtant, comme partout, les erreurs furent nombreuses
Mais aucune vraiment ne fut calamiteuse
Une analyse profonde montra ce que l’on savait
Et par là, confirma ce que faire il fallait
La suite me demanderez-vous, vers où nous mène-t-elle ?
Encore un peu plus haut, toujours plus près du ciel,
Aller vers le plaisir, quitter le fonctionnel,
Tenter de faire rêver du jus à la bouteille
Au classique carton, gourmandise ajoutons
À la publicité, une goutte d’émotion ;
Le thème du tennis, en guise de promotion,
Avec des porte-parole à belle réputation,
Et tout ce qu’il faut de plus, digne d’un grand chelem
Pour faire que tout le monde, même Justine Hénin aime
Enfin et pour finir ce ne serait pas complet,
Si de nouveaux parfums jamais bus n’arrivaient
Et de nouvelles gammes, misant sur la santé
Avec une nouvelle forme, pour mieux la distinguer.
Il n’y a aujourd’hui que deux positionnements
1.
Publié avec l’aimable autorisation de Michael Aidan.
108
© Groupe Eyrolles
Celui du moins coûteux, ou l’autre, du mieux-disant1. »
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Chapitre 4
PÉRENNISER
LE POSITIONNEMENT
« Celui qui ne prévoit pas les choses lointaines
s’expose à des malheurs prochains. »
© Groupe Eyrolles
Confucius
Ce chapitre vise à inscrire dans le temps le positionnement ; il envisage les risques et les difficultés, et propose par de nombreux exemples les voies qui permettent d’assurer la pérennité de l’entreprise.
• Le risque de dépositionnement
• La difficulté du multipositionnement
• La régénération permanente du positionnement
– La reconquête du positionnement perdu
– L’évolution du modèle de base
– La revitalisation du modèle économique
– La débanalisation
• La tentation de l’ambivalence identrificatrice
109
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
1.
Louis Pastina, directeur des opérations du New York Stock Exchange à propos du fait que les ordres sont maintenant exécutés en 5 millisecondes,
contre 105 avant la mise en place d’un nouveau système, remplaçant le système antérieur qui avait 33 ans. La part de marché du NYSE est maintenant
de 29 %, soit la moitié de ce qu’elle était en mars 2008 avec l’arrivée d’une
concurrence nouvelle et intense. (Source : Wall Street Journal du 3 juillet
2009.)
110
© Groupe Eyrolles
« On est locataire de son succès », disait Marcel Bleustein-Blanchet.
Quand la concurrence s’intensifie, il devient de plus en plus difficile à une activité ou à une entreprise de se maintenir année après
année parmi les meilleures. Les cycles de vie des produits, des
technologies, des modèles économiques et des outils de management sont de plus en plus courts. Être leader sur son marché n’est
plus suffisant pour s’assurer un succès durable. Les nouveaux
entrants potentiels sont présents dans tous les domaines, armés de
modèles économiques nouveaux, prêts à exploiter la moindre
faiblesse des entreprises ou des activités matures. Les entreprises
qui parviennent à se renouveler ne se concentrent pas sur des
produits, des marchés et des clients précis ; elles savent qu’elles
devront de toute façon évoluer avec le marché et avec la concurrence. Elles s’attachent donc à faire vivre leur positionnement et à
le dynamiser en permanence. Malheureusement, toutes n’y
parviennent pas : il est parfois plus difficile de durer que d’arriver.
La menace de déstabilisation est en effet permanente, même pour
les firmes qui paraissent les plus établies. La Bourse de New York,
le New York Stock Exchange, établie de longue date, subit
aujourd’hui l’assaut de nouveaux entrants et perd de la part de
marché à grande vitesse : « Pour les concurrents qui sont arrivés
sur le marché récemment, les barrières concurrentielles sont
faibles ; ils peuvent ainsi arriver avec les technologies les plus
récentes et sans les contraintes propres à un grand marché 1. »
Assurer la pérennité du positionnement est une tâche ardue qui
réclame une vigilance de tous les instants car les risques sont
nombreux :
• 1. le risque de dépositionnement ;
• 2. la difficulté du multipositionnement ;
• 3. la régénération permanente du positionnement ;
• 4. la tentation de l’ambivalence identificatrice.
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Pérenniser le positionnement
Le risque de dépositionnement
L’erreur majeure que peut faire un directeur du marketing est de
faire perdre le positionnement à la marque ou à l’entreprise dont
il a la charge. Un positionnement clair est en effet un actif de très
grande valeur. Mais il peut arriver qu’une entreprise perde son
positionnement, il est alors très difficile de le retrouver.
Retour
sur investissement
Différenciation
Compétitivité prix
Banalisation
Volume actuel ou potentiel
© Groupe Eyrolles
Les risques de dépositionnement
Sony est une grande entreprise japonaise qui a longtemps eu un positionnement
de différenciation basée sur des produits fortement innovants ; dans les années
1950, Sony sort le premier transistor commercial ; dans les années 1960, le
téléviseur Trinitron ; dans les années 1970, le Walkman, devenu emblématique de
ce positionnement ; dans les années 1980, le disque compact et, dans les années
1990, la PlayStation. Puis, au début des années 2000, la belle machine à innover se
détraque avec le chien robot Aibo, lancé puis oublié, et de nombreux produits
défaillants : écran en panne, walkman qui fond, lecteur DVD déformant, caméra
vidéo incapable d’enregistrer, batteries qui prennent feu… « Cette liste croissante
de produits défaillants rend très difficile de croire à la renaissance de Sony1. » Ainsi,
Sony a perdu son positionnement différent basé sur l’innovation pour devenir une
entreprise banale dont l’objectif était d’avoir des clients qui écoutent des disques
Sony sur une chaîne Sony, regardent des films Sony sur du matériel Sony, jouent à
la PlayStation Sony et ouvrent un compte à la banque Sony. Elle a donc multiplié
les lancements de produits, souvent en imitant des produits existants (me-too
product), comme le montre le tableau en page suivante.
1.
Financial Times du 25 novembre 2006.
111
5927_.book Page 112 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
6 Md
USD
Mini-disc
1991
CD DAT
1982
Produits
Walkman
1979
Miniéléments
Radiostransistors
1955
Catégories
Audio
Magnéto phones
1952
Moniteurs
informatiques
Moniteurs
professionnels
Couleur
1968
N&B 1960
Télé visions
Stéréos :
maison et
voiture
9 Md
USD
TVHD
Trans mission
Navigation
automobile
1/2” home
et laser
1992
8mm
numérique
et bande
1985
Vidéo
Beta
Projecteurs
9 Md
USD
8 Md
USD
Drives, PC
LCDs 1992
Lasers
Composants
ICs 1990
8 Md
USD
Personal
intelligent
communicators
Cellulaires
numériques
Automation
industrielle
Télécom.
Contenu
Columbia
Music et
EPIC 1988
Films et
contenu
1989
19 Md
USD
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Malheureusement, aujourd’hui, l’entreprise n’est leader dans aucun segment de
marché (sauf les caméras vidéo numériques) : elle est distancée par Samsung dans
les téléviseurs, par Apple dans les baladeurs, par Nintendo et Microsoft dans les
jeux. Elle est devenue un conglomérat éclectique avec des activités n’ayant que
peu de rapport entre elles : elle est devenue banale. Voici le commentaire d’un
magazine sur l’oreillette Bluetooth de Sony Ericsson : « Cette oreillette sans
112
© Groupe Eyrolles
La prolifération des références chez Sony
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Pérenniser le positionnement
prétention et d’entrée de gamme a l’avantage de la simplicité. Il suffit de poser le doigt
sur l’oreillette pour ouvrir ou couper la communication. Le son est correct sans plus,
mais il est suffisant pour une communication ou pour écouter la radio le micro est
correct et vous permet de vous faire entendre sans avoir à crier1. » Vous avez dit
banal ?
© Groupe Eyrolles
Comme le souligne l’analyste Tatsuya Mizuno (de l’agence de notation Fitch
Rating) : « Dans le passé, Sony avait créé Sony Premium en inventant des produits qui
le distinguaient des autres fabricants ; ça sera un vrai challenge de regagner cette
position d’innovateur. » Perdre son positionnement est extraordinairement
coûteux : la capitalisation boursière de Sony est passée de 128 milliards de dollars
en l’an 2000 à 33 milliards en 2010 alors que, sur la même période, la capitalisation
boursière d’Apple est passée de 8 à 177 milliards de dollars.
Au début des années 2000, Conforama est le numéro 1 français du meuble et le
numéro 2 de l’électroménager ; son résultat en 2000 est égal à 9,6 % du chiffre
d’affaires. L’aventure a commencé en 1967 avec l’ouverture d’un premier magasin
à Lyon. En l’an 2000, la firme a environ 200 magasins en France et est présente en
Espagne et au Portugal. Son positionnement de compétitivité est symbolisé par
son slogan publicitaire : « Le pays où la vie est moins chère ». Puis, en 2001, la
firme embauche un nouveau directeur général et engage une évolution de son
positionnement ; son nouveau slogan : « Le bien-être ça n’attend pas » est très
révélateur : il n’est plus fait mention de la compétitivité. La firme développe une
nouvelle identité visuelle, un nouveau concept de magasins et une nouvelle offre
pour apporter une réponse plus pertinente (!) aux consommateurs et rajeunir son
image ; elle se fixe pour objectif de faciliter l’accès au bien-être chez soi. Ce début
de dépositionnement entraîne une confusion chez les clients traditionnels ; les
résultats s’en ressentent puisque le résultat net de 2004 s’établit à 7,3 % et celui de
2005 à 5,6 % du chiffre d’affaires. En 2005, alarmé par la baisse des résultats, le
conseil d’administration nomme un nouveau patron avec une mission précise :
« Maintenant on doit refaire du Confo. » Le nouveau patron comprend qu’il doit
revenir à un positionnement plus clair sur la compétitivité et le traduit par un
nouveau slogan publicitaire : « Bien chez-soi, bien moins cher » où l’on reparle de
la compétitivité prix. Comme le souligne le communiqué de presse publié à
l’époque, Conforama change sa signature publicitaire, fait évoluer sa stratégie de
communication et réaffirme sa vocation de discounter. Le distributeur revient alors
vers des meubles plus traditionnels et moins de meubles design et de meubles
contemporains, améliore la logistique et fait baisser les prix avec des campagnes
publicitaires sur le thème « des prix de ouf ». Malheureusement, ce
repositionnement tardif ne se matérialise pas par la rentabilité : le résultat de 2009
s’établit à 2,4 % du chiffre d’affaires et Conforama perd sa place de numéro 1. Le
dépositionnement a été perçu par les consommateurs. Cette perception semble
durable.
1.
Challenges, n° 230, 28 octobre 2010.
113
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Les hypermarchés Carrefour France connaissent une problématique similaire ; en
effet, à son origine au milieu des années 1960, Carrefour a adopté un
positionnement de compétitivité très affirmé soutenu par des campagnes de
publicité centrées sur les prix, notamment avec la publication régulière d’un indice
des prix. Mais progressivement ce positionnement s’est étiolé :
• la symbolique d’effet d’échelle mentionnée précédemment à propos de WalMart (cf. page 98) n’est plus toujours présente, notamment lorsqu’il arrive qu’un
magasin mette en vente un jacuzzi à 3 000 euros (centre commercial « Le
Collégien » à Torcy) ;
• la symbolique de désintermédiation est elle aussi atténuée : des magasins très
beaux, avec du parquet au sol dans les rayons textiles, des salles de bains et des
cuisines présentées en situation, des rayons cosmétiques avec des lumières
tamisées ;
• pour le client du magasin, comprendre le prix final auquel il achète un produit
compte tenu des promotions, des cartes de fidélité, des 3 pour 2 et des 2+1, etc.
relève du calcul mental rapide.
« Bien que réputé pour l’étendue de son offre et la qualité de ses marques, Carrefour
traîne toujours une image d’enseigne chère. Son attractivité prix baisse tandis que celle
de Leclerc augmente1. » ; 23 % des clients trouvent que l’enseigne propose des prix
d’attaque attractifs, contre 44 % chez Leclerc. Comme le souligne le président Lars
Olofsson : « Nous n’avons pas un problème de prix, nous avons un problème d’image
prix2 » ; mais la communication sur le thème « Le positif est de retour » ne parle
toujours pas de prix. Les résultats (part de marché, bénéfices) se ressentent de
cette dégradation du positionnement.
Le risque de dépositionnement stratégique est important. Une fois
la perception du client entachée de suspicion, l’entreprise se
trouve en effet prise dans un engrenage qu’il est difficile d’arrêter.
Mener à bien un positionnement de compétitivité et conserver le
cap requièrent une obstination et une constance quotidienne, bref
une culture très spécifique.
Chaque positionnement s’appuie sur un modèle économique qui
lui est propre et qui nécessite une culture d’entreprise et des
compétences bien spécifiques : la vendeuse de Zara a pour
mission de veiller au désordre apparent du magasin et de remettre
1.
2.
Source : TNS World panel in La Tribune, septembre 2008.
Le Figaro du 13 octobre 2009.
114
© Groupe Eyrolles
La difficulté du multipositionnement
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Pérenniser le positionnement
les vêtements en rayon au moment opportun ; la vendeuse d’une
boutique Dior a pour mission d’écouter et de comprendre les
attentes de sa cliente en lui apportant des réponses individualisées. Deux cultures bien différentes.
Se pose alors la question pour certaines entreprises de mener
simultanément un positionnement de différenciation et un positionnement de compétitivité. Même si elles ne sont pas très
nombreuses, certaines entreprises font cohabiter les deux types de
positionnement, mais en conservant des chaînes de valeur bien
spécifiques et séparées et en maintenant des modèles économiques clairs (Swatch, Happy/Monceau Fleurs…) ; d’autres, au
contraire, perdent un peu leur latin en mélangeant les genres
(Accor, par exemple).
Le groupe Swatch comprend 18 marques, 156 ateliers, emploie 21 000 salariés et
produit 17 millions de montres par an (soit 1,5 % du marché en volume et 25 %
en valeur). Le chiffre d’affaires s’élevait en 2006 à 3,12 milliards d’euros et le
résultat net à 467 millions d’euros :
• 50 % de ce chiffre d’affaires est réalisé par des montres de luxe : Omega,
Breguet, Longines, Jaquet Droz, Blancpain… ; cette activité, construite autour
d’une stratégie de différenciation, représenterait plus des deux tiers des bénéfices
du groupe ;
• 17 % du chiffre d’affaires est constitué par des marques d’entrée de gamme
telles que Swatch, Flik Flak, Endura au positionnement stratégique clair basé sur la
compétitivité ; cette activité représenterait moins de 20 % des résultats du
groupe ;
• 10 % du chiffre d’affaires est constitué par des marques « milieu de gamme »
(Calvin Klein, Tissot, Hamilton, Certina, Mido…) ;
• enfin, 23 % du chiffre d’affaires est généré par la joaillerie et la fabrication de
mouvements.
© Groupe Eyrolles
Dans les faits, la direction générale laisse les activités dont les positionnements sont
très différents se gérer de manière relativement autonome tant sur le plan
industriel que sur le plan commercial.
Sur le plan industriel, la Swatch est fabriquée à la chaîne, une première en Suisse
dans le domaine de l’horlogerie. Outre la fabrication en chaîne, afin de réduire les
coûts, la Swatch (contraction de Swiss et de Watch) requiert une centaine de
composants de moins qu’une montre traditionnelle (soit 51 pièces) et bénéficie
d’un procédé de fabrication spécifique : dans les alvéoles du boîtier plastique, deux
modules préassemblés sont rivetés par ultrasons ; le verre est soudé directement
sur le boîtier. Montre bon marché, elle fait l’objet d’un renouvellement permanent
qui en fait un objet courant de grande consommation de masse. Elle est vendue
115
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
dans des boutiques Swatch ou dans des « corners » propres à Swatch ainsi que
dans des points de vente indépendants à des prix allant de 10 à 120 euros pour un
prix moyen de 48 euros ; depuis son lancement en 1983, elle a été produite à plus
de 350 millions d’exemplaires.
Les entreprises du groupe qui suivent un positionnement de différenciation ont
des modèles économiques avec des fonctionnements industriels et commerciaux
totalement différents. Sur le plan industriel, pas de production en série. Les
ingénieurs du groupe mettent au point des mouvements extrêmement
sophistiqués, complexes, ainsi que des mouvements présentant des
caractéristiques exceptionnelles, telles que, par exemple, la Delirium Tremens
(dont le nom est bien révélateur d’une stratégie de différenciation) ou la 1 735 de
Blancpain (vendue 600 000 euros) et constituée de 750 pièces assemblées par un
maître horloger pendant un an), ou la montre la plus fine du monde (moins de
2 mm). Ces mouvements sont produits à la main par des maîtres artisans très
qualifiés. Quant à l’approche commerciale et marketing, elle est spécifique à
chaque marque et bien entendue très différente de l’approche Swatch.
Dans les deux cas évoqués ci-dessus, Swatch, et Monceau Fleurs/
Happy des positionnements différents n’ont en commun que leurs
actionnaires. Mais, de toute évidence, les « commonalités » entre
les activités sont réduites. Au contraire, tout est fait pour que les
modes de fonctionnement restent bien séparés : modèles économiques spécifiques, production séparée, marketing spécifique,
forces commerciales propres, formation spécifique, marques
spécialisées… Comme le déclare le CEO d’Electrolux, Hans Stråberg : « Nous avons décidé que nous pouvions gagner de l’argent
116
© Groupe Eyrolles
Happy est une chaîne de distribution de fleurs qui appartient aux mêmes
actionnaires que Monceau Fleurs ; le positionnement de chaque enseigne est
radicalement différent. Monceau Fleurs se positionne en différenciation avec un
modèle économique qui repose sur des magasins de grande taille en général situés
à un coin de rue, un personnel important (en moyenne 12 personnes), de
nombreuses références (300 en moyenne) et une capacité à donner des conseils
personnalisés aux clients. Monceau Fleurs cristallise son positionnement par le
slogan : « On vous en donne plus ». Happy se positionne sur la compétitivité avec
des prix agressifs (environ 1,90 euro par fleur contre 4 euros chez un détaillant de
quartier), n’a pas de chambre froide, la décoration est réduite, la caisse
enregistreuse est intégrée à la table d’emballage pour limiter les déplacements du
personnel ; l’approvisionnement se fait en grande quantité au Kenya ou en
Thaïlande de même que les bolducs et les feuilles d’emballage achetés en
Pologne ; quatre salariés par magasin et une formation spéciale pour emballer les
bouquets en quatre gestes précis. Happy propose en moyenne 50 références de
fleurs et réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 2 000 euros par jour contre 800 à
1 000 pour un magasin classique.
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Pérenniser le positionnement
aux deux pôles du marché, à condition de séparer les business
models. Par exemple, une des conditions est de séparer les forces
commerciales. D’un côté, vous vendez des réfrigérateurs de base ;
vos commerciaux cherchent à réaliser du volume à un certain
niveau de prix. D’un autre côté, vous travaillez avec des consommateurs et des détaillants qui vous achètent des “solutions cuisine”
pour des besoins spécifiques. La même force de vente ne peut pas
jouer les deux rôles. Et même si la même personne le pouvait, vous
devez vous focaliser pour mieux servir le détaillant1. »
Dans le secteur de l’hôtellerie, la chaîne Marriott fait partie des rares entreprises
qui réussissent à maîtriser le succès aux deux pôles du marché, alors que son point
d’ancrage initial est l’hôtellerie bon marché. À l’origine, en 1927, J. Willard et Alice
Marriott ouvrent un restaurant-bar A&W à Washington ; l’entreprise se développe
et prospère en ouvrant des restaurants-bars ; en 1957, les deux partenaires
ouvrent un hôtel « milieu de gamme », The Twin Bridge Motor Hotel à Arlington
(Virginie) ; aujourd’hui, les hôtels milieu de gamme sous les marques Marriott et
Renaissance représentent encore 47 % de l’activité du groupe ; ce chiffre
descendra à 35 % à l’horizon 2008-2010 car le groupe, conscient du phénomène
de bipolarisation, investit beaucoup dans le haut de gamme avec la marque RitzCarlton acquise en 1995 et dans la partie compétitive du marché avec la marque
Courtyard by Marriott. Aujourd’hui, Marriott dispose de 60 hôtels Ritz-Carlton
dans dix-neuf pays offrant 19 000 chambres en concurrence directe avec Four
Seasons (62 hôtels dans 26 pays et 16 000 chambres). Par ailleurs, la part de l’offre
économique dans le portefeuille de Marriott a augmenté de 11 % sur la dernière
décennie avec un million de chambres supplémentaires sous les marques
Courtyard, SpringHill et Fairfield. Le groupe n’ajoute de la capacité que dans le
haut de gamme et dans le bas de gamme, reconnaissant que la rentabilité du milieu
de gamme est inférieure au coût du capital.
© Groupe Eyrolles
La régénération permanente du positionnement
Aucun modèle économique n’est pérenne. La déconstruction est à
l’œuvre. Sous l’effet de nombreux facteurs, elle s’accélère. Qu’elles
le veuillent ou non, les entreprises doivent en permanence reconsidérer le modèle économique qui sous-tend leur positionnement
sous peine de disparaître. Une telle démarche est cependant rarement spontanée. C’est le plus souvent en période de difficultés
que les entreprises révisent leur modèle économique et le font
1.
Source : McKinsey. Quarterly n° 4, 2006.
117
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
évoluer. Les modèles économiques sont comme la bicyclette, il
faut avancer pour garder l’équilibre. Voici quelques manières de
« garder l’équilibre » :
• la reconquête du positionnement perdu (Lacoste) ;
• l’évolution du modèle de base (Mercedès poids lourds, Monoprix) ;
• la revitalisation du modèle économique (Cisco, Xerox) ;
• la débanalisation (Primagaz).
L’entreprise Lacoste a été créée en 1933 par le tennisman René
Lacoste associé au bonnetier André Gillier. Créatrice du polo orné
d’un crocodile vert, elle a connu un développement spectaculaire
dans le monde entier jusqu’aux années 1990. Puis le modèle
économique basé sur une production réalisée essentiellement en
France ou par des licenciés (comme Izod aux États-Unis) et une
distribution à des revendeurs indépendants s’est essoufflé. Le positionnement, clair au départ, s’est progressivement érodé. Les
années 1990 ont vu un fort ralentissement de la croissance des
ventes ; aux États-Unis, les résultats sont devenus négatifs
(5 millions de dollars de pertes en 1999) pour un chiffre d’affaires
de 25 millions de dollars. La non-maîtrise de la distribution a
entraîné une dégradation de l’image de marque : les polos Lacoste
se trouvaient en effet en vente chez Wal-Mart bradés à 35 dollars.
La marque s’est laissé dépositionner progressivement et s’est banalisée.
La marque entreprend alors la reconquête de son positionnement
antérieur, celui de la différenciation et reconstruit un modèle
économique cohérent avec le positionnement recherché. Le
producteur comprend alors que le contrôle de l’image de marque
passe par le contrôle des magasins. Il reprend en main sa distribution, rachète distributeurs et licenciés. En gérant activement son
portefeuille d’activités et en le recentrant sur Lacoste après la
cession des marques Orly, Gil, Polichinelle, Scandale, etc., il
génère suffisamment de liquidités pour ouvrir ses propres boutiques en Floride et à New York, où il investit plus de 70 millions
d’euros pour s’installer sur la 5e avenue. Il compte aujourd’hui près
118
© Groupe Eyrolles
La reconquête du positionnement perdu
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Pérenniser le positionnement
d’une centaine de boutiques aux États-Unis organisées selon un
concept de magasins basés sur « la rondeur » et le blanc, permettant une lecture simplifiée de l’offre et sa mise en valeur. La transformation d’un magasin traditionnel en un nouveau magasin
utilisant ce concept dégage dans la plupart des cas une augmentation de pratiquement 50 % des ventes au mètre carré : à chaque
rénovation les vendeurs sont formés au code du haut de gamme.
Le réseau compte aujourd’hui plus de 1 000 boutiques. Parallèlement, l’entreprise remet à plat son outil industriel, diminue les
capacités de production en France et développe des usines à
l’étranger. C’est aujourd’hui l’usine du Pérou qui alimente les ÉtatsUnis, chaque vêtement recevant une étiquette « Designed in
France, made in Peru ». Le traditionnel polo Lacoste est
aujourd’hui vendu 69 dollars, soit dans les boutiques Lacoste, soit
dans des magasins chic tels que Bloomingdale’s, Barney’s ou
Neiman Marcus. La remise en question forcée du modèle traditionnel et le repositionnement vers la différenciation, appuyé sur
un nouveau modèle basé sur le contrôle de la distribution,
s’avèrent un succès : le chiffre d’affaires mondial a été multiplié
par 3 en dix ans pour atteindre en 2007 le montant de 1,6 milliard
d’euros. La marque s’est débanalisée.
© Groupe Eyrolles
L’évolution du modèle de base
Mercedes est le plus gros producteur mondial de véhicules industriels, avec une très bonne gamme intermédiaire et une concurrence frontale avec les spécialistes tels que Volvo ou Scania dans
la gamme haute. Lorsque le modèle traditionnel commence à
s’éroder avec la diminution de la contribution des pièces détachées à cause du poids croissant des entreprises de location et de
leasing) et que Mercedes voit son réseau de concessionnaires et
d’agents s’affaiblir en partie parce que les véhicules sont plus
fiables et en partie parce que le constructeur traite en direct les
gros clients, l’entreprise réfléchit à faire évoluer son modèle
économique. Elle constate alors que, sur la durée de vie d’un véhicule, la moitié lui échappe.
Elle propose alors à certains de ses clients une modification de
leurs relations non plus en vendant des véhicules, mais en vendant
119
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
1.
Bernardo Sanchez Incera, directeur général, in Challenges, n° 77 du
26 avril 2007.
120
© Groupe Eyrolles
l’utilisation du véhicule, ce qui permet à Mercedes de contrôler
l’ensemble du processus qui est alors encadré par un contrat
(contract hire) dont la profitabilité s’avère meilleure que la vente
traditionnelle de véhicules industriels, notamment par une
meilleure réalisation du prix net.
Dans le domaine des biens de grande consommation, Monoprix
fait évoluer son modèle économique vers toujours plus de
services : baby-sitter, femme de ménage, garde-malade, jardinier,
gardien pour surveiller la maison pendant les vacances… « Toute
l’histoire de Monoprix est celle d’une adaptation permanente à son
environnement. Au départ, quand les centres-villes étaient populaires, nous faisions du prix bas. Puis le profil des citadins a évolué.
Notre positionnement aussi, en privilégiant la qualité et l’innovation1 ». La cible de Monoprix, ce sont des clients qui veulent du
service et du choix et sont prêts à payer plus cher pour l’obtenir :
produits hypoallergéniques, produits issus du commerce équitable
et respectueux de l’environnement… Le distributeur veut incarner
le raffinement plutôt que l’abondance :
• nouveau design des marques propres : logo couleur prune,
symbole de gourmandise ; emballage très épuré, sur fond blanc ;
• nom des produits à rallonge si possible en VO (raviolis aux
épinards = ravioli alla ricotta spinaci e grana padano) comme
au restaurant ;
• sandwichs : jambon-crudités (moins de 3 euros) = chiffonnade
de jambon rôti-crudités sauce yaourt sur pain aux flocons de blé
malté (4 euros) ;
• remplacement de la musique d’ascenseur par Radio Monop’ qui
diffuse des chroniques dans l’air du temps (signées Maryse) ;
• rayon textile : aération de l’espace pour augmenter le plaisir
d’achat : allée centrale élargie de 1 m à 1,4 m pour encourager
la balade, hauteur des rayons réduite de 1,65 m à 1,4 m pour
que le client puisse balayer l’ensemble du rayon, spots éclairant
les vêtements, mannequins ; croissance du rayon : 8 %.
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Pérenniser le positionnement
Pour compléter son offre de services, Monoprix crée des petites
surfaces alimentaires, les Monop’, ouverts jusqu’à minuit et offrant
des gammes de produits frais qui peuvent être dégustés immédiatement ou à la maison. Ce positionnement différent assure à
Monoprix un bénéfice d’exploitation exprimé en pourcentage du
chiffre d’affaires à plus de 8 %, soit le double des meilleurs opérateurs dans la distribution alimentaire traditionnelle.
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La revitalisation du modèle économique
Créé par une équipe de chercheurs de l’université de Stanford en
1984 pour commercialiser une technologie de routeurs, Cisco
connaît un développement rapide pendant ses premières
années. Cependant, à partir de 1994, la croissance ralentit. En
effet, les réseaux informatiques deviennent de plus en plus
complexes, en évolution permanente et les clients commencent
à privilégier les fournisseurs qui leur offrent des solutions
couvrant toutes les technologies nécessaires. Ils exigent plus de
fonctionnalités que celles que leur apportent les seuls routeurs
Cisco. Ils demandent des solutions de réseaux qui incorporent de
multiples technologies et de multiples outils. L’entreprise Cisco
réalise alors qu’elle doit évoluer et devenir un fournisseur de
solutions. Pour y parvenir, elle a deux options : soit investir
beaucoup en recherche et développement pour développer les
nouvelles technologies nécessaires, soit acquérir les produits et
les technologies nécessaires par des acquisitions ciblées. Elle
choisit la seconde option. La première acquisition sera Crescendo Communication, achetée en 1993 pour 90 millions de
dollars. Suivront de nombreuses autres acquisitions. Cette stratégie du service permet aujourd’hui à Cisco de proposer à ses
clients les solutions de réseau les plus complètes du marché. Le
recours à des acquisitions a été systématisé ; une direction se
consacre totalement aux acquisitions et à leur intégration. Ce
transfert du produit vers les services permet à Cisco d’être une
solution one stop shopping pour ses clients qui n’ont plus à
s’adresser à de multiples fournisseurs pour monter leurs réseaux,
diminuant ainsi les coûts d’intégration et améliorant la qualité du
service rendu.
121
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Entre se transformer ou mourir, Xerox a choisi de se transformer.
D’une entreprise classique qui vend des machines à faible marge
et des consommables à forte marge, Xerox veut devenir une entreprise de services. Après avoir constaté que l’impression sur papier
n’est qu’une petite partie de la chaîne du document, la firme
propose de gérer toute cette chaîne à la place du client. Ainsi,
Xerox veut devenir un interlocuteur spécialisé dans la gestion des
documents, capable de distinguer l’information utile. C’est la
raison de l’achat d’Affiliated Computer Services (ACS) principal
acteur de l’externalisation du traitement des documents. Xerox est
dès lors capable de proposer la prise en charge de toute la chaîne
du document : la correspondance, la numérotation, l’indexation
de tous les documents, la mise sous enveloppe, etc. Comme le
déclare la présidente Ursula Burns : « Vous croyez que c’est
l’impression qui coûte cher ? Erreur. Si une page imprimée vaut
sept dollars, le coût de l’impression n’est que de un dollar. Le reste,
c’est la chaîne de production du document, c’est là que nous
pouvons faire baisser les coûts1. » Mais Xerox va plus loin en considérant un modèle économique dans lequel la firme va s’occuper
non seulement du document imprimé, mais aussi du traitement de
l’information, en donnant comme exemple le contrôle des véhicules par radar automatique ; Xerox propose une technologie qui
analyse la photo prise par le radar, cherche à qui doit appartenir
la plaque et vérifie ensuite qu’il y a bien correspondance entre le
véhicule identifié et le numéro d’immatriculation.
Au début des années 2000, Primagaz est un fournisseur de GPL doté
d’un positionnement banal parlant à ses clients de citernes et de prix
du gaz à la tonne. Malgré un marché en croissance (les logements
neufs ou la rénovation des systèmes de chauffage offrent chaque
année 700 000 opportunités de vendre une solution de chauffage
GPL), Primagaz constate une baisse importante du nombre de
nouveaux clients créés chaque année, un taux de résiliation en
hausse résultant en une création nette de nouveaux clients négative.
1.
Challenges n° 231 du 4 novembre 2010.
122
© Groupe Eyrolles
La débanalisation
5927_.book Page 123 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Pérenniser le positionnement
Cette baisse trouve son explication par la prise de parts de marché
de l’électricité en tant qu’énergie de chauffage alors même que
celle-ci est plus chère (12,93 centimes d’euros du kilowattheure
contre 7,37 du kilowattheure pour le GPL). De plus, Primagaz
répond de moins en moins aux nouvelles attentes émergentes des
consommateurs (prix des énergies, émissions de CO2, problématique du réchauffement climatique). L’entreprise constatant que son
offre banalisée était substituée par des offres différentes s’engage
dans une réflexion sur un nouveau positionnement. Celle-ci s’organise autour du conseil en énergie : au lieu de vendre du gaz en
citernes, elle va proposer des « solutions énergie ». Ces solutions
énergie vont s’organiser autour de 8 thèmes (extrait de la plaquette
commerciale 2010) :
• diagnostic et efficacité énergétique,
• préconisations,
• énergies renouvelables,
• mise en œuvre par des partenaires,
• financement,
• l’énergie chez vous,
• modes de consommation,
• maintenance sécurité1.
© Groupe Eyrolles
L’ensemble des 80 commerciaux ainsi que leurs managers vont
être formés pendant douze mois au conseil en énergie qui, outre
la connaissance technique, va comprendre des formations sur
l’analyse des besoins du client. Pour aider à la prise de conscience,
l’entreprise fait fabriquer une citerne rose bonbon, véritable buzz
qui va devenir le symbole du changement chez l’ensemble des
collaborateurs et contribuer à transformer l’entreprise.
Quelques années après ce repositionnement, l’entreprise retrouve
une croissance et une création nette positive de son nombre de
clients, après quatre ans d’érosion, et consolide son repositionnement vers la différenciation en captant de nouveaux services
(photovoltaïque, récupération d’eau de pluie…).
1.
Extrait de la plaquette commerciale 2010.
123
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
La tentation de l’ambivalence identificatrice
L’entreprise qui s’est créé un positionnement très fort peut parfois
être tentée de s’aventurer aux frontières de ce positionnement. Les
résultats à court terme sont souvent bons : en effet, l’entreprise
positionnée en différenciation et jouissant d’un privilège de prix
peut attirer de nouveaux clients en lançant un programme promotionnel de baisse des prix ; mais, à moyen terme, un tel changement est mal perçu par les clients traditionnels qui ont le sentiment
que la marque n’a pas respecté ses engagements vis-à-vis d’eux.
L’entreprise met ainsi en jeu son positionnement.
Néanmoins, on observe dans certains domaines, soit, sur des
périodes limitées dans le temps, une ambivalence éphémère (par
exemple, quand H&M fait appel à de grands couturiers – Stella
McCartney, Lanvin… pour créer des collections éphémères), soit
le maintien d’une ambivalence systématique qui devient dès lors
identificatrice.
En 1970, Ralph Lauren gagna le City Award pour la création exclusive d’une ligne
d’habillement pour homme ; puis, il créa une ligne pour les femmes taillée dans un
style masculin. Cette ligne vit pour la première fois l’emblème de la marque : le
cavalier joueur de polo. En 1972, il créa ses fameux polos manche courte sortis
dans plus de 24 coloris. Les polos devinrent bientôt un classique. Ralph Lauren
gagna la reconnaissance du public en fournissant la garde-robe du film Gatsby le
Magnifique. Au cours des années 1980, il se lance dans la production d’accessoires
pour la maison, afin de diversifier la gamme de produits de sa compagnie. C’est
plus tard dans les années 1990, qu’il lance la ligne Polo Sport avec laquelle il
connaît un grand succès. Le 11 juin 1997, Polo Ralph Lauren entra en Bourse, au
New York Stock Exchange, avec pour symbole RL.
L’ambivalence identificatrice se matérialise dans les produits, la distribution, les
marques et les prix :
• la distribution : du magasin « flagship » de 1 500 m2 aménagé par les équipes
internes spécialisées au petit magasin d’usine de l’île Maurice ou au corner du
magasin d’État de Saïgon, l’étendue est grande ;
• depuis Polo en 1967, Ralph Lauren a créé beaucoup d’autres marques : Purple
Label, Ralph Lauren Collection, Polo Ralph Lauren, Polo Black Label, RRL (Double
RL), RLX, Polo Golf, Polo Jeans Co, Rugby, Chaps ;
124
© Groupe Eyrolles
• les produits : du costume trois pièces rayé au T-shirt siglé, de la robe du soir au
jean préusagé, la gamme de produits proposés est extrêmement vaste et
relativement inhabituelle dans ce secteur ;
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Pérenniser le positionnement
© Groupe Eyrolles
• l’écart de prix entre les marques est parfois substantiel ; ainsi, dans le cas des
polos l’écart peut atteindre un ratio de 1 à 20 ; avec la prolifération des imitations
et des copies (en partie due à des accords de licence mal négociés), le polo Ralph
Lauren bénéficie d’une grande diffusion et devient populaire ; et pourtant, dans ses
magasins très bien agencés, Ralph Lauren vante aussi bien les marques très chères
que les marques bon marché. Cette ambivalence semble pérenne et contribue à
donner à cette marque sa spécificité.
125
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Focus
UN EXEMPLE
DE REPOSITIONNEMENT :
VALENTINE
© Groupe Eyrolles
Ce moment de vie professionnelle est réel ; les chiffres sont
fidèles mais ont été convertis en indices.
C’est à cause de l’insistance d’un chasseur de tête et le pouvoir
de conviction d’un Australien survolté que je me suis retrouvé
dans ce bureau attenant à l’usine comme PDG de la Cie des
Vernis Valentine (CVV). Le groupe britannique ICI avait acheté
cette entreprise trois ans plus tôt et désespérait de voir un jour
apparaître les premiers bénéfices. Ayant été recruté directement
par la maison-mère, je n’y connaissais personne. Mais c’est avec
la plus grande courtoisie que le directeur général adjoint, JS, m’a
présenté l’entreprise et m’a fait visiter les différents sites et les
différentes activités : peinture de décoration grand public, peinture carrosserie, peinture industrielle. La maison-mère m’avait
auparavant expliqué ne pas comprendre comment cette entreprise, leader sur son marché avec une marque bien connue,
engrangeait des pertes. Ma mission était claire : rétablir au plus
127
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
vite la situation, notamment dans la division des peintures de
décoration grand public qui semblait souffrir le plus. Le point de
vue du directeur général adjoint était que la compagnie était
proche de l’excellence opérationnelle, mais était pénalisée par la
lourdeur d’un reporting qu’elle devait effectuer auprès du siège.
Il a étayé ce point de vue lors de la visite de la principale usine,
située à Grand-Quevilly près de Rouen. L’usine était en effet
certifiée ISO 2002 et utilisait le logiciel SAP pour la gestion de
production ; la qualité de service était bonne et tous les objectifs
de sécurité, d’hygiène et d’environnement étaient parfaitement
respectés. Il m’a indiqué que la marque Valentine détenait 16 %
du marché grand public devant Avi (15 %), et Ripolin (8 %) ;
qu’elle bénéficiait d’une excellente distribution avec un taux de
distribution numérique (DN) et de distribution valeur (DV) en
grandes surfaces de bricolage (GSB) excellent, très bon en
grandes surfaces alimentaires et moyen chez les magasins indépendants. Elle n’est pas présente sur le marché professionnel.
Il m’a indiqué à plusieurs reprises que les actionnaires étaient
très impatients, très pointilleux sur le reporting et exigeaient sans
arrêt de meilleures performances.
Le marché de la peinture est très segmenté en fonction de l’utilisation finale et des applicateurs. On y trouve en effet trois grands
segments :
• la décoration, elle-même sous-segmentée en marché grand
public et marché professionnel ;
• l’automobile, elle-même sous-segmentée en première monte et
carrosserie ;
• l’industrie qui recouvre de très nombreuses applications (industrielle, navale…) ainsi que de nombreuses technologies avec
notamment les peintures en poudre.
Le marché de la peinture de décoration est stable voire en déclin,
attaqué par de nombreux phénomènes de substitution directe
(papier peint, tissu, plafonds tendus…) et indirecte liés à la
128
© Groupe Eyrolles
Puis j’ai rencontré les directeurs de division ; en ce qui concerne
la division décoration, Yves et la directrice du marketing Élisabeth m’ont présenté le marché.
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Un exemple de repositionnement : Valentine
conception des immeubles et maisons. Au sein de ce marché, le
segment professionnel est trois fois plus important que le
segment grand public.
Les produits ont techniquement peu évolué depuis longtemps,
sauf quelques-uns sous la pression de l’environnement (la peinture au plomb a été interdite). Sur le marché grand public coexistent des marques connues depuis longtemps mais vieillottes et
banalisées, de nombreuses petites marques locales peu connues
(représentant 28 % du volume et 21 % du marché en valeur) ainsi
que des marques de distributeurs (27 % en volume et 19 % en
valeur).
Les marques grand public communiquent peu, mettant en
général en avant des caractéristiques fonctionnelles (application
facile, pas d’odeur…). Il est vrai que les consommateurs sont peu
impliqués : 70 % ignorent la marque achetée et 55 % d’entre eux
ne se souviennent d’aucune publicité. Les prix sont peu différenciés entre les marques, mais sont globalement plus élevés que les
marques distributeurs.
© Groupe Eyrolles
Le marché professionnel est dominé par un leader fort : La
Seigneurie, qui dispose d’environ 40 % du marché, contrôle sa
propre distribution et bénéficie d’une belle rentabilité. Avi et
Ripolin font partie du même groupe. Quelques opérateurs tels
que Sikkens et Corona sont présents sur les deux marchés (grand
public et professionnel), mais ont des parts de marché relativement faibles. Tollens est une marque un peu à part qui présente
toujours des produits très innovants et bénéficient souvent de la
recommandation des architectes.
En consultant les rares études disponibles sur le marché, ma
conviction a été vite faite et bien banale. Le marché était totalement mature et la bipolarisation était à l’œuvre avec, d’un côté,
des marques distributeurs et des marques locales jouant sur la
compétitivité prix, de l’autre quelques marques comme Tollens
essayant de se démarquer par l’innovation, et les principales
marques telles que Valentine, Corona, Avi, Ripolin se débattant
dans la banalisation. Comme le dit Jack Welch, il faut rechercher
la débanalisation. Aller vers la compétitivité n’était guère
129
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
L’équipe a donc travaillé sur le concept de décoration. en élaborant plusieurs lignes directrices convergeant vers le même
objectif, celui d’un repositionnement vers la différenciation :
• recherche de nouveaux produits : il est toujours difficile pour le
consommateur de faire le choix de sa peinture et de la couleur
de telle sorte que 60 % des volumes vendus sont du blanc ; pour
faciliter le choix du consommateur a été lancée la gamme des
blancs nuancés ; puis la gamme première touche (un petit pot
avec un pinceau incorporé qui permet de faire un essai en
réel) ;
• amélioration du service auprès des grandes surfaces de bricolage afin qu’elles aient toujours en linéaire les références recherchées par les clients ; d’où la mise en place d’un système de
livraison performant et d’un indicateur de mesure OTIF (« On
time In full ») suivi et partagé par tous les sites ;
• hausse du prix moyen de vente, d’une part, par l’augmentation
du prix des produits individuels, mais aussi par l’effet de la
gamme ;
• communication foncièrement différente auprès des consommateurs et surtout des consommatrices par des campagnes esthétiques. Cette ambition s’est traduite par la création d’un emblème
fort et pertinent : la panthère noire, symbole de grâce, de
130
© Groupe Eyrolles
possible, compte tenu d’une base de coût relativement élevée ;
il fallait donc aller vers la différenciation. Parmi les sources de
différenciation possibles, la plus forte nous est apparue comme
étant le client. En effet, la plupart des études suggéraient que,
dans un foyer, c’était en fait la femme qui prenait la décision et
qui choisissait la peinture sur la base d’un projet de décoration,
même si c’est son mari qui l’appliquait. Dans un marché très
traditionnel où l’acte de peindre était vécu comme un acte technique voire laborieux, la marque a proposé un concept neuf qui
a préempté une tendance forte : « la décoration ». La peinture est
un des éléments qui participent à la personnalisation et à la décoration de la maison ; le concept permettait de passer de la peinture fonctionnelle (la marque AVI faisait campagne sur le thème :
plus vite, sèche en quelques minutes, pas d’odeur) à la peinture
esthétique qui embellit le cadre de vie.
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Un exemple de repositionnement : Valentine
souplesse et d’esthétique ancrée dans l’imaginaire populaire. La
panthère capte les valeurs féminines montantes.
Je suis allé soumettre cette stratégie de repositionnement vers la
différenciation à la maison-mère qui m’a donné un accord du
bout des lèvres à condition que les résultats viennent vite.
Malheureusement, tel n’a pas été le cas puisque l’année n+1 a été
la pire en termes de résultats. De plus, le concept publicitaire,
très éloigné des normes de la profession a été accueilli avec
réserve. J’ai dû faire plusieurs voyages au siège pour « acheter du
temps ».
Plusieurs éléments favorables ont commencé à se manifester lors
de l’année n+2 :
• d’une part, le privilège de prix par rapport à la concurrence
directe est resté significatif et stable ; il devait beaucoup
progresser dans les années ultérieures ;
160
140
Indice de prix
120
100
VALENTINE
80
AVI
60
RIPOLIN
40
20
0
1988 1989 1990 1991 1992 1993
Indice de prix vs 100 marques
de distributeurs
© Groupe Eyrolles
Source : AC Nielsen.
Évolution des indices de prix (sur six ans)
• d’autre part, grâce à une campagne de communication vraiment
impactante, la notoriété de la marque a évolué favorablement.
131
5927_.book Page 132 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
1988
1990
Valentine
19 %
26 %
2e marque
25 %
21 %
3e
19 %
13 %
marque
Source : FCB.
Évolution de la notoriété des marques (années 3 et 6)
Mais c’est seulement en année 3 que les parts de marché ont
commencé à évoluer de manière significative.
% (DIY market, top coasts)
25
20
VALENTINE
15
AVI
RIPOLIN
10
5
0
1986 1987 1988 1989 1990 1991
Parts de marché
Source : AC Nielsen.
Évolution des parts de marché (sur six ans)
Cette stratégie de « débanalisation », matérialisée par la superposition de coûts valorisables effectivement valorisés par la clientèle, a permis à la marque de connaître une forte progression de
son chiffre d’affaires et un accroissement très sensible de sa part
de marché, passée de 15 à 20 % en cinq ans. La combinaison
hausse des volumes/hausse des prix s’est traduite par une forte
augmentation du résultat. Des nouveaux produits ont été lancés
132
© Groupe Eyrolles
Quant aux résultats financiers, ils ont progressé lentement pour
véritablement décoller cinq ans après le démarrage de ce repositionnement.
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Un exemple de repositionnement : Valentine
Résultat d’exploitation (indice)
60
50
40
Année
30 d’acquisition
par ICI
20
Année du
recrutement
10
0
– 10
– 20
– 30
1
2
3
4
5
6
7
8
années
Évolution du résultat d’exploitation
pour valoriser l’activité « décoration » de l’utilisateur. La communication a mis en avant les produits innovants (crème de peinture, blancs nuancés, première touche, crème de laque…). Une
campagne de publicité forte, originale et très différente des
campagnes habituelles du secteur (« la panthère ») visant à fortement développer sa notoriété a été lancée. Celle-ci a augmenté
rapidement, passant de 19 à 26 % en deux ans, les autres
marques citées étant en baisse.
© Groupe Eyrolles
La marque a ainsi réussi à projeter une image de modernité, de
dynamisme, d’avant-gardisme en rupture avec son image
vieillotte « les belles peintures » qui illustrait les murs le long des
routes nationales et départementales. Dans un univers de la peinture banalisé et peu valorisant, la communication capitalisant sur
une panthère noire apportait raffinement, reconnaissance, attribution, connivence émotionnelle en capitalisant sur les valeurs
féminines montantes et en rendant justice à la femme en tant que
planificatrice, créatrice, animatrice de l’ambiance et du décor du
foyer.
Je crois qu’il y a deux leçons à tirer de cette expérience :
• quand on n’y voit pas très clair, que les données ne sont pas très
nombreuses, que les ressources humaines sont mobilisées sur
l’opérationnel et le court terme, il faut se rallier à un concept fort
qui permettra de mobiliser les équipes et de redresser la situa-
133
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
© Groupe Eyrolles
tion. À cet égard, le concept de positionnement s’est avéré très
utile. Il a permis de fédérer les énergies dans la même direction
tout en libérant la créativité ;
• le temps est la dimension la plus difficile à gérer. J’ai eu la
chance de pouvoir « acheter du temps » et n’ai jamais hésité à
aller au siège partager les succès et les difficultés ; mais à cette
époque, on pouvait raisonner en années ; je ne pense pas que
ce soit le cas aujourd’hui.
134
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Troisième partie
Concevoir pour convaincre
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Chapitre 1
AJUSTER LES RESSOURCES
MARKETING
« Ne me dites pas que ce problème est difficile ; s’il n’était pas difficile,
ce ne serait pas un problème. »
Maréchal Foch
© Groupe Eyrolles
Ce chapitre ouvre la section consacrée au marketing opérationnel. Il
vise à identifier les ressources marketing, que l’on appelle classiquement : « le marketing mix ».
• Les ressources marketing
• La segmentation marketing
• L’ajustement de l’offre
Une fois son positionnement déterminé, la firme va matérialiser
son offre. Pour ce faire, elle va utiliser les connaissances et les
informations sur les clients, le marché et la concurrence qu’elle a
recensées et organisées. À partir de cette connaissance et de cette
compréhension, elle va construire son offre en s’efforçant de
137
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
satisfaire au mieux les attentes des clients. Pour y parvenir, elle va
utiliser les quatre composantes de l’offre marketing (communément appelée le « marketing mix »), les quatre P, : le produit, la
promotion, le prix et enfin la place, c’est-à-dire la distribution dans
un double objectif de séduction des clients et de consolidation du
positionnement.
Produit/
service(s)
Promotion
publicité
POSITIONNEMENT
Prix
Place
contact
Le positionnement au centre des ressources marketing
Le « marketing mix » regroupe l’ensemble des éléments sur
lesquels le marketing a un contrôle étroit. Ce sont ces ressources
qui doivent être définies de manière cohérente et pertinente.
Le produit/service : dans la démarche marketing, on considère
que le produit n’est pas qu’une entité physique, mais un ensemble
de relations techniques, commerciales, financières et personnelles
entre un acheteur et un vendeur. Un produit n’est pas qu’un
produit, c’est la perception de l’acheteur et/ou de l’utilisateur qui
définit le produit. C’est pourquoi on considère que les trois
composantes d’un produit sont :
• le produit lui-même ;
• le packaging et l’environnement des produits ;
• les services qui lui sont associés.
Un produit va se définir par de nombreuses composantes : qualité,
caractéristique et performance, style et marques, conditionnement,
gamme, garantie, service après-vente, autres services, etc.
138
© Groupe Eyrolles
Les ressources marketing
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© Groupe Eyrolles
Ajuster les ressources marketing
Le prix doit bien sûr être en cohérence avec le positionnement ;
un prix élevé pour une offre différenciée, un prix compétitif
pour une offre « low cost ». Cependant, on observe dans beaucoup cas que ce principe de cohérence n’est pas respecté et en
tout cas pas perçu par le client. En effet, il est fréquent qu’un
prix catalogue positionné vers le haut de gamme pour être en
cohérence avec un positionnement différencié soit fortement
altéré par un cumul de ristournes, remises et autres rabais sans
compter les ristournes de fin d’années (RFA), de telle sorte que
le « prix net net » effectivement facturé et payé par le client se
révèle être très loin du prix tarif initialement prévu. La responsabilité d’attribution des ristournes est en effet souvent émiettée.
Il en est de même des conditions de paiement qui, si elles sont
trop laxistes, induisent en fait une ristourne supplémentaire. À
l’inverse, il arrive que la complexité de la tarification ne
permette pas à un client de réaliser le prix qu’il paye effectivement : une offre compétitive peut ainsi n’être pas perçue comme
telle par le client simplement parce qu’une partie des ristournes
lui seront données de manière différée et n’apparaîtront pas sur
la facture.
La place/distribution est le lieu réel ou virtuel où se rencontrent
l’acheteur et le vendeur. Cette composante de l’offre marketing
comprend deux grands aspects : la gestion du contact et la distribution physique. La distribution consiste à amener au bon endroit,
au bon moment et en quantité adéquate des produits appropriés.
L’objectif est donc de choisir les circuits de distribution et la logistique en fonction de leur cohérence avec la stratégie marketing en
s’assurant de leur productivité, de leur contrôle et de leur
souplesse. Aujourd’hui, cet aspect de l’offre marketing est en très
forte évolution ; en effet, le développement très rapide d’Internet
incite certaines firmes à mettre en place des stratégies de distribution multicanal : le client va choisir le canal de distribution qui lui
convient à l’instant T.
La promotion et la communication : on entend par ces termes tous
les moyens utilisés pour faire connaître et mettre en avant le
produit. Dans ce domaine, la révolution Internet joue un rôle tout
à fait moteur. Aujourd’hui, en effet, plus besoin de campagne
139
5927_.book Page 140 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
promotionnelle ou de campagne publicitaire coûteuses pour faire
connaître une offre ; un site Internet bien conçu et des liens client
clairement établis sont des moyens de faire connaître une offre. De
plus, les sites Internet interactifs permettent de tenir compte des
réactions et des avis des client sur telle ou telle offre.
L’utilisation de ces ressources dépend du marché auquel la firme
s’adresse : degré de maturité du marché, types de clients (individus ou entreprises) et bien entendu du positionnement retenu
par l’entreprise.
• 1. Le rôle de ces quatre moyens d’action n’est pas le même selon
que la firme s’adresse aux consommateurs ou à une entreprise.
D’une manière très générale, le rôle du produit et des services
est très important en marketing industriel, alors que dans le
marketing de grande consommation les quatre éléments jouent
un rôle plus équilibré. Par ailleurs, lorsque l’entreprise s’adresse
aux consommateurs finals, elle peut le faire soit directement si
elle est intégrée en distribution soit par le biais de revendeurs
qui vont eux-mêmes appliquer leur propre marketing mix,
déformant ainsi éventuellement la perception de l’offre telle
qu’elle a été conçue par le producteur.
• 2. Le rôle n’est pas le même selon la nature des produits et particulièrement dans le domaine des services ; à la différence du
produit, le service n’a pas de matérialité, il ne peut pas être
gardé en stock et surtout l’utilisateur du service contribue à sa
fabrication et à sa réalisation. Il est donc partie prenante dans le
succès de l’opération : quand il réserve sur Internet un billet de
train et l’imprime chez lui, l’utilisateur se substitue au fournisseur. Dans ces conditions, il est difficile pour le fournisseur de
contrôler la qualité du service rendu car elle dépend en partie
de la compétence de l’utilisateur à remplir les fonctions qui lui
sont demandées.
• 3. Le poids relatif et l’utilisation de ces quatre ressources ne
sont évidemment pas les mêmes selon que le positionnement
est de compétitivité ou de différenciation. Il importe à ce
stade de veiller particulièrement, d’une part, à l’alignement de
ces ressources avec le positionnement et, d’autre part, à la
cohérence de ses ressources entre elles. Poursuivre une stra-
140
© Groupe Eyrolles
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
5927_.book Page 141 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Ajuster les ressources marketing
tégie de différenciation tout en affirmant avoir les prix les plus
bas est susceptible de générer chez l’utilisateur une dissonance. Les éléments du marketing mix sont appréciés globalement par le client ; il est donc nécessaire qu’ils soient
cohérents entre eux.
• 4. Pour être convaincant, le marketeur doit utiliser de manière
pertinente des ressources marketing mises à sa disposition ; la
pertinence et la condition de l’efficacité.
L’exemple ci-dessous concerne la vente de logiciels ; les études
menées sur les attentes des clients montrent que le critère le plus
important est la rapidité de sortie des mises à jour (rapidité de
livraison), en deuxième lieu le prix, puis la qualité du produit et
enfin le support technique.
Concurrent 1 :
part de marché 30 %
Concurrent 2 :
part de marché 70 %
Rapidité de livraison
Prix
Qualité produit
Conseil technique
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Pertinence des fonctionnalités
Deux firmes sont présentes sur le marché, la firme A est meilleure
que son concurrent sur les critères support technique et qualité du
produit ; en revanche, elle est moins performante sur la rapidité
de mise à disposition des mises à jour et sur le prix. Or, le critère
numéro 1 pour les clients est la rapidité de mise à jour sur laquelle
la firme B est nettement plus performante. Parce que la firme B
concentre ses efforts sur ce qui est important pour l’utilisateur et
qu’elle est y meilleure, elle dispose d’une part de marché nettement supérieure. Elle a mis au point une offre pertinente, c’est-àdire qui « parle » à l’utilisateur et donc qu’il valorise.
141
5927_.book Page 142 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Pour optimiser son offre et la rendre pertinente et convaincante,
l’entreprise va se livrer à la segmentation fine du marché. En effet,
à l’extrême limite, une offre qui aura été conçue en fonction des
attentes d’un seul utilisateur sera effectivement très convaincante.
D’une manière plus réaliste, la segmentation est l’action de
regrouper certains types d’utilisateurs en segments homogènes
permettant de développer des produits ou des services adaptés et
de les promouvoir par des ressources marketing pertinentes et
appropriées. Des clients appartenant à un même segment présenteront des profils de consommation et d’utilisation très voisins.
Ainsi, la segmentation consiste à fractionner un marché global en
zones homogènes par rapport à des critères de sélection. La
segmentation permet d’affiner l’offre marketing, la rendant ainsi
plus pertinente. Un segment est ainsi un espace économique
fermé, temporairement stable et indépendant. Il isole un niveau de
cohérence au sein du marché global et facilite la mise en œuvre
d’une offre adaptée. À terme, un segment peut évoluer, se
déformer, se modifier, soit parce que les habitudes des utilisateurs
ou des clients évoluent ou parce que la porosité avec les segments
adjacents est devenue trop importante.
Les segmentations tant dans le domaine de la grande consommation que dans le domaine industriel tendent aujourd’hui à être de
plus en plus fines. Cette évolution est facilitée par la flexibilité
des systèmes de production et l’approche de plus en plus individualisée des clients. Cette tendance à la microsegmentation ou à
l’hypersegmentation favorise la pertinence de l’offre mise au
point par le fournisseur, mais elle est en contrepartie susceptible
de renchérir les coûts. Il faut donc trouver un bon arbitrage entre
ces deux facteurs et définir le bon niveau de segmentation du
marché.
L’objectif de la segmentation est d’organiser l’action : pour qu’elle
soit efficace, elle doit offrir des moyens de mesure (il faut en effet
s’assurer de l’adéquation de la segmentation retenue avec les
possibilités de production de la firme) ; elle doit être « actionnable », c’est-à-dire que les segments identifiés doivent pouvoir
142
© Groupe Eyrolles
La segmentation marketing
5927_.book Page 143 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Ajuster les ressources marketing
Marketing one to one
ciblage par individu
Marketing one to one
très adapté dans les services
Marketing segmenté
ciblage par segment
Marketing segmenté
très pratiqué consommateur
et industriel
Marketing de masse
pas ou peu de ciblage
Marketing de masse
ou indifférencié
en perte d’influence
Niveau de segmentation
être atteints ; enfin, il faut que l’entreprise dispose des ressources
pour construire et formaliser une offre susceptible de convaincre
le segment identifié.
Dans les marchés de grande consommation, les principaux critères
de segmentation rencontrés sont la géographie, les critères sociodémographiques (âge, taille du foyer, catégories socioprofessionnelles, niveau d’éducation, génération…), les critères psychographiques (concentré, décalé, rigoriste…), les critères comportementaux (avantages recherchés, niveau d’utilisation, relation
produit et fidélité à la marque), etc. À titre illustratif, le schéma cidessous présente un exemple classique de segmentation dans le
domaine des montres :
Originalité, à la mode
Segment 2 (20 %)
SWATCH
Segment 1 (15 %)
BENETTON
20-35 ans
35-40 ans
prof. intell.sup
Segment 3 (25 %)
CASIO
employés/ouvriers KIPLÉ TAIWAN
© Groupe Eyrolles
Luxe, prestige
Prix élevé
Pour tous les jours
Prix abordable
ROLEX
CARTIER
55-65 ans
chef d’entreprise
Segment 5 (15 %)
SEIKO
45-55 ans
OMEGA prof. interm.
Segment 4 (25 %)
Classique, intemporel
Segmentation B2C – Montres
143
5927_.book Page 144 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Dans les marchés industriels, les principaux critères de segmentation utilisés sont la
taille de l’entreprise et le niveau de service attendu, le rythme et le volume
d’utilisation, la localisation géographique… Ainsi, IBM a utilisé les critères de
segmentation suivant : secteur, taille de l’entreprise, parts de marché détenues par
IBM, potentiel d’achat et localisation. Sur cette base, IBM a défini quatre segments
qui sont abordés de manière différente :
• les 10 plus gros clients disposent d’un site Internet spécialisé contenant toutes les
informations dont ils ont besoin ; une équipe de vente est dédiée ; chacun des
comptes dispose en ligne de tous les outils d’interaction et de commandes avec
IBM ;
• les comptes clés (key account) qui bénéficient d’une relation personnalisée ;
• les entreprises de taille moyenne avec qui IBM n’a pas de relation directe, mais
qui sont traitées par des partenaires IBM qui leur vendent les logiciels et les
applications ;
• enfin, les entreprises plus petites ont accès à des produits et services IBM par le
biais d’un réseau de distribution.
Dans le domaine de l’acier, on rencontre le plus souvent trois segments :
• les clients orientés sur le prix ; pour eux la meilleure offre est la moins chère ;
• les clients orientés solution pour qui la valeur résulte des bénéfices et des
conseils qu’il peuvent obtenir de leurs fournisseurs ;
• les clients stratégiques (strategic-value customers) qui sont prêts à investir avec
leurs fournisseurs et qui attendent de celui-ci qu’il s’implique dans leur propre
activité en proposant des solutions spécifiques.
La segmentation va faciliter la compréhension fine des besoins du
client ou du segment de clientèle. Il importe alors d’ajuster l’offre
conçue par l’entreprise de manière à ce qu’elle « colle » aux
besoins du client. Il est nécessaire d’être performant sur les critères
qui sont importants pour le client ; il est inutile et en tout cas
coûteux et non valorisé d’être performant sur des critères qui sont
secondaires pour le segment de client retenu. Ajuster l’offre
implique de fixer ses priorités. Le schéma ci-dessous présente une
situation réelle dans laquelle les critères retenus sont les suivants :
• 1. rapidité du service,
• 2. prix,
• 3. informations et formations,
• 4. fiabilité de l’équipement,
144
© Groupe Eyrolles
L’ajustement de l’offre
5927_.book Page 145 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Ajuster les ressources marketing
•
•
•
•
•
•
5. respect des engagements,
6. fiabilité du logiciel,
7. extensions possibles,
8. références,
9. utilisation du langage local,
10. connaissances des problèmes du client.
Dans la matrice des priorités, ces critères ont été pondérés en
fonction de leur importance dans le processus de décision du
client et en fonction de la perception que les clients ont de la
performance du fournisseur sur chacun de ces critères :
4
1
7
1. Rapidité du service
2. Prix
3. Informations et formations
4. Fiabilité de l’équipement
5. Respect des engagements
6. Fiabilité du logiciel
7. Extensions possibles
8. Références
9. Utilisation du langage local
10. Connaissances
des problèmes du client
5
Élevée
8
6
Importance
du critère
pour le client
3
10
Faible
9
2
Médiocre
Bonne
Perception par le client
de la performance
© Groupe Eyrolles
Matrice des priorités
L’analyse de cette matrice permet de dégager quatre types de
situation :
• les situations correspondant aux critères 2, 10 et 3 qui sont peu
importants dans le processus de décision du client et pour
lesquelles sa perception de la performance de l’offre est faible :
il est inutile d’essayer d’améliorer la position de l’entreprise sur
ces critères puisqu’ils sont mineurs pour le client ;
• la situation du critère 9, peu important pour le client, mais dans
laquelle la performance de l’entreprise est perçue bonne ; il est
inutile de surinvestir sur ce critère mal valorisé par le client ;
145
5927_.book Page 146 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
• les critères 1, 4, 5, 7 et 8 sont importants pour le client et ils ont
© Groupe Eyrolles
une perception positive de l’offre de son fournisseur. Il importe
de maintenir le niveau de performance adéquat ;
• la principale priorité concerne le critère numéro 6, qui est
important pour le client et dans laquelle il perçoit que la performance de l’entreprise est faible : c’est la priorité numéro 1.
Ainsi, au lieu de disperser ses efforts sur les 10 critères identifiés,
le marketing peut engager un maximum de ressources sur le
critère numéro 6 en libérant des ressources sur les critères 2, 10, 3
et 9.
146
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Chapitre 2
DYNAMISER
LES PRODUITS SERVICES
« Celui qui trouve sans chercher est celui
qui a longtemps cherché sans trouver. »
© Groupe Eyrolles
Gaston Bachelard
Ce long chapitre couvre le sujet essentiel du produit ou service proposé aux clients.
• Les composantes d’un produit
– Le produit
– Le packaging
– Les services
• Le portefeuille de produits
• L’innovation produit
– L’amélioration de l’offre
– L’élargissement du marché
– Le renouvellement de l’avantage concurrentiel
– L’innovation réactive
– L’évaluation de l’innovation
– Le processus d’innovation
147
5927_.book Page 148 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Un produit n’est pas qu’une entité physique, c’est aussi un ensemble
de relations techniques, commerciales financières et personnelles
entre un acheteur et un vendeur. Un produit n’est pas un produit,
c’est la perception de l’acheteur et ou de l’utilisateur qui définit le
produit. Un même produit peut avoir une dominante tangible ou
intangible selon la manière dont il est proposé aux clients :
Sucre
Télévision
Raquette de tennis
Jean Levi’s
Voiture
Boisson fraîche
Traiteur
Boissons alcoolisées
Restauration rapide
Entretien pelouse
Vidange auto
Dentiste
Ménage
Jean Diesel
Services bancaires
Cotisation tennis
Voyages aériens
Parcs loisirs
Assurances
Investissement pub
Assurance décès
Dominante
tangible
Dominante
intangible
Ainsi, un jean Diesel vendu 230 euros dans un magasin spécialisé
où il est bien présenté, où l’acheteur peut essayer en écoutant de
la musique et en étant conseillé par un vendeur, est riche
d’éléments intangibles que n’offre pas le jean sans marque acheté
en promotion à 6 euros dans l’allée centrale d’une grande surface,
sans essayage et sans conseil.
Les composantes d’un produit sont donc nombreuses ; le produit
peut être défini par sa qualité, ses caractéristiques et ses performances, son style et sa marque, son conditionnement, la gamme
dans laquelle il s’inscrit, la garantie qu’il offre, le service aprèsvente qui l’accompagne ainsi que d’autres services.
148
© Groupe Eyrolles
Produit ou service
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Dynamiser les produits services
Les composants d’un produit
Un produit n’est pas qu’un produit, ce sont aussi les services qui
lui sont associés et la manière dont il est présenté.
Le produit
Les caractéristiques du produit doivent être cohérentes avec le
positionnement retenu et alignées sur les besoins et les attentes du
segment visé.
Maclntosh
Lisa
Grandes
Entreprises
PME
Universités
Mixte bureauMaison
Éducation
Domestique
En 1982, Steve Jobs initie le développement d’une nouvelle famille de produits chez
Apple : les ordinateurs Lisa et MacIntosh. Lisa était prévue pour être le cœur de
cette nouvelle famille de produits représentant une nouvelle technologie justifiant un
prix élevé. La ligne MacIntosh devait être le produit représentant un volume
important avec un prix inférieur. Le segment de clientèle visé par Lisa était les
grandes entreprises alors que les segments de clientèle visée par le MacIntosh étaient
les PME, l’enseignement et les professions libérales. Le tableau ci-dessous présente
les différents segments de marché pour les ordinateurs personnels en 1982 :
Performance
Prix
Fonctions
Fiabilité
Fonctionnalité
Connectivité
Support
Logiciel
Très important
Significatif
Important
Peu significatif
Source : Telelogic
© Groupe Eyrolles
Les segments de marché pour les ordinateurs personnels en 1982
Il montre l’importance de certaines propriétés dans les différents segments à
l’époque. Par exemple, le logiciel et le support technique étaient des critères
importants pour les grandes entreprises, alors que le prix était important pour les
PME et l’utilisation domestique. Dans les colonnes de droite figurent les
caractéristiques de Lisa et de MacIntosh. La focalisation de Lisa sur la facilité
149
5927_.book Page 150 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
d’usage par exemple n’était pas un critère important pour les grandes entreprises.
Ce qui était important pour les grandes entreprises était la connectivité et le
support, qui n’étaient pas du tout pris en compte dans l’offre de Lisa. Des
conclusions similaires peuvent être faites pour le MacIntosh, même si ce produit
colle mieux aux besoins de ces segments de marché. L’inadéquation entre les
caractéristiques de l’offre et les attentes fines des clients ont condamné ces deux
produits à l’échec.
Réussir la mise au point d’un produit suppose en effet une très
bonne connaissance des besoins fins du client et la capacité à y
répondre en mettant en place les fonctionnalités qui conviennent.
Pour identifier les besoins, les entreprises ont recours à des études
de marché et des remontées clients ; elles complètent l’analyse par
l’indication de la perception qu’a le client de leurs performances,
comme le montre le tableau ci-dessous :
Critères
Importance et évaluation
Commentaires
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Qualité
La régularité est critique
Innovation
Attente de nouveautés
Logistique
Le respect des délais est très important
Flexibilité
Capacité de réaction
Service
Tous les services sont attendus
Technologie
Possibilité de développement partagé
Relationnel
Trouver le bon dosage
Gamme
Étendue de la gamme
Importance du critère pour le client
Perception du client de la performance de A
Perception du client de la performance de B
Pour chaque critère de performance sont indiqués l’importance du
critère pour le client, sa perception de l’offre des concurrents A et
B. Par exemple, sur le critère qualité, très important pour le client,
le concurrent A est plus performant que B. Mais sur le critère innovation, très important pour le client, aucun des deux n’est au
niveau de performance attendu. Une telle analyse permet de
150
© Groupe Eyrolles
Adéquation service/besoins
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Dynamiser les produits services
déterminer les critères sur lesquels il est nécessaire de progresser
pour ajuster l’offre.
C’est la compréhension fine des besoins des clients qui permet en
effet d’ajuster une offre produit adéquate, comme le souligne
Pierre Bourrier, vice-président d’Arcelor : « Les problèmes posés aux
architectes ne concernent pas directement la production d’acier.
Leurs préoccupations sont relatives aux exigences d’espace, de
qualité, de lumière, de confort, des états de surface. Nous devons les
traduire en “solutions acier” avec nos produits ou en les mariant
avec d’autres matériaux. Par exemple, pour le confort thermique,
nous associons acier, plaque de plâtre et laine de verre. Nous
présentons une offre de produits de plus en plus innovants et à très
forte valeur ajoutée tels les aciers Arceo avec des revêtements métalliques déposés sous vide. On est capable de déposer sur de la tôle
d’acier une fine couche d’inox ou de titane. Arcelor propose la
solution “global floor” qui permet des portées libres de murs,
poteaux ou colonnes jusqu’à 18 mètres avec intégration dans le
plancher des services et solutions techniques1. »
© Groupe Eyrolles
En adoptant un positionnement de différenciation et en se focalisant sur un
segment de clients technologiques, Aubert et Duval est devenu un partenaire
incontournable des gros clients de l’aéronautique, de l’énergie ou de la défense. En
se spécialisant sur les pièces critiques des industries de haute technologie,
notamment dans le domaine aéronautique (aile du A380 ou du B777, éléments de
train d’atterrissage du 350 XWB, éléments du moteur M 88 du Rafale, barre en
acier de turbines à gaz d’Alstom ou de General Electric), dans un monde où la
concurrence est très forte à la fois entre les producteurs et entre le type de
solutions, Aubert et Duval a fait un choix de positionnement simple : délaisser les
marchés de gros volumes et se concentrer sur le très haut de gamme. « Nous nous
comparons un peu à BMW, dit son président Georges Duval. Sur certains alliages
complexes, nos prix peuvent atteindre plus de 100 euros le kilo soit de 10 à 100 fois
plus cher que les aciers de base. Ce qui compte, ce n’est pas la taille, c’est d’être leader
sur des marchés très ciblés. » Pour y parvenir, Aubert et Duval dispose de deux
atouts :
• des équipements exceptionnels : à Issoire, la firme dispose de la presse de
matriçage la plus puissante du monde, elle peut exercer une pression de 65 000
tonnes pilotée au millimètre. À Pamiers, elle possède une autre presse géante de
40 000 tonnes. Deux usines sont en cours de construction destinées notamment à
la transformation du titane ;
1.
Les Échos du 13 avril 2006.
151
5927_.book Page 152 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
• un savoir-faire unique en Europe qui lui permet d’utiliser au mieux ses
équipements et de développer en partenariat avec les clients des nouveaux
produits. Comme le souligne le directeur des achats matières et pièces d’Airbus :
« Aubert et Duval nous apporte beaucoup d’expertise sur les nouveaux matériaux. »
Un « écran radar » est une représentation qui permet de comparer
les perceptions qu’ont les consommateurs de produits concurrents
sur un certain nombre de critères, comme le montre le schéma cidessous :
Fonctionnalité
5
Service
4
Usage
3
2
1
Performance
0
Qualité
Prix
A
B
C
D
Documentation
Design
Écran radar des préférences des consommateurs
Dans cet exemple, le produit A est mieux perçu que ses concurrents sur quatre critères ; le produit D a une typologie de différenciation caractéristique, en privilégiant performance et design, mais
en étant perçu comme le plus cher. Avant de lancer un nouveau
produit, certaines entreprises utilisent des analyses de perception
de ce type et appliquent le principe du 60/40 : le produit ne sera
mis sur le marché que si, lors des tests, il a 60 % de perceptions
favorables par rapport à sa concurrence.
Le packaging est une composante du produit particulièrement importante dans le monde de la grande consommation, où 55 % des acheteurs y attachent beaucoup d’attention. Pour certains produits, les
coûts de packaging sont importants : 30 % pour la bière, 60 % pour
les chocolats. Par ailleurs, sur certains marchés très concurrentiels où
152
© Groupe Eyrolles
Le packaging
5927_.book Page 153 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Dynamiser les produits services
les sources de différenciation sont réduites tels que les parfums ou
les ordinateurs portables, le design est une composante importante
de l’offre. Le packaging est l’ensemble des éléments matériels qui,
sans faire partie du produit lui-même, sont vendus avec lui pour faciliter son transport, son stockage, la présentation linéaire et l’utilisation
par le client. Schématiquement, le packaging a quatre rôles :
• un rôle pratique pour assurer la protection du produit, le transport, le stockage tout en respectant les réglementations ;
• la commodité : avec une ergonomie étudiée il facilite l’utilisation par le client ;
• un rôle promotionnel pour faciliter la présentation en linéaire et
l’identification du produit dans le lieu de vente ;
• un rôle de communication en tant que représentant d’une marque.
De plus, il doit prendre en compte une tendance de fond et
respecter des critères environnementaux et écologiques.
Dans le domaine de la grande consommation, un des plus grands
designers du siècle dernier, Raymond Loewy (1893-1986), s’est
illustré par des designs devenus emblématiques :
1940
1954
1967
Raymond Loewy
1893-1986
Designs conçus par Raymond Loewy
© Groupe Eyrolles
Les services
La part des services associés aux produits croît très vite. L’étude
réalisée par McKinsey présentée ci-dessous montre que :
• le taux de croissance des produits seuls dans le domaine des
biens durables est négatif de 3 % par an ;
• les services destinés aux professionnels indépendants croissent
de 5 % par an ;
• les services financiers augmentent de 3 % par an ;
• les services associés à des produits (embedded services) croissent de 7 % par an.
153
5927_.book Page 154 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Part des Services liés à des produits en %
100 %
1 887 $
milliard
2 328 $
milliards
2 260 $
milliards
Services liés
à des produits
~ 500 $
milliard
Croissance moyenne annuelle
2000-2004 en %
Biens durables
–3
Services liés
à des produits
Biens durables
7
Services
professionnels
Services
financiers
1995
2000
5
3
2004
Source : Annual Report Bloomberg, Bureau of Economic Analysis, US Department of Commerce – McKinsey Analysis. Traduction de l’auteur.
Croissance des services associés aux produits
Par exemple, la société Fenwick fabrique et commercialise des
chariots élévateurs ; en moyenne les ventes annuelles s’élèvent à
15 000 chariots élévateurs. Mais le parc en service est supérieur à
150 000 appareils. Les services connexes représentent 50 % de son
chiffre d’affaires : location et gestion du parc, télésurveillance du
matériel de manutention, formation des caristes, etc.
Il en est de même dans les biens de grande consommation où les
distributeurs de produits électroménagers ou de produits électroniques proposent des services après-vente, des services en ligne,
etc. Ainsi, Darty propose en accompagnement de l’achat d’un PC
le « pack Sérénité » qui accompagne le client tout au long de la vie
du produit : résolution des problèmes, traitement des virus et des
pannes, sauvegarde de données…
Un produit est rarement seul, mais s’inscrit dans une gamme. La
gestion active de la gamme est une partie importante des fonctions
du marketing ; elle va s’organiser autour de trois types d’action :
• modifier l’offre produit (mix produit) : changer les caractéristiques de produits, modifier le niveau de qualité, modifier les
fonctionnalités, modifier le style… afin d’améliorer l’adéquation
avec les attentes du client ;
• retirer des produits est la fonction qu’aucun directeur du marketing ne veut mener. Néanmoins, ne pas le faire conduit certaines
154
© Groupe Eyrolles
Le portefeuille de produits
5927_.book Page 155 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Dynamiser les produits services
entreprises à avoir des catalogues totalement pléthoriques où la
loi des 80/20 s’applique probablement de manière systématique
(20 % des produits représentent 80 % des ventes). Pourtant,
retirer un produit du marché peut être fait de différentes
manières, soit brutalement en le déréférençant, mais plus
fréquemment en augmentant son prix progressivement ;
• lancer de nouveaux produits est en revanche une tâche favorite
qui repose sur la capacité d’innovation de l’entreprise.
Le schéma ci-dessous représente le portefeuille de produits d’une entreprise
américaine spécialisée dans les pièces automobiles, Delphi. Ce portefeuille a été
rendu public lorsque l’entreprise, en grande difficulté financière, a dû se soumettre
au Chapitre 11 (le régime américain des faillites).
Division électrique
Division, propulsion et dynamique
Division AHG
Profitabilité
Moyenne
Faible
Faible
Faible
Moyenne
Moyenne
Forte
Forte
Profitabilité
Forte
Profitabilité
Faible
Moyenne
Forte
Croissance du marché
Faible
Moyenne
Forte
Croissance du marché
Faible
Moyenne
Forte
Croissance du marché
= 1 Mrd de $ Delphi
Revenu estimé
Source : Chapter 11 First day slide, Delphi website, Nov 2002 UBS report, traduction de
l’auteur.
Le portefeuille de produits Delphi
© Groupe Eyrolles
Dans chacune de ces grilles ont été positionnés les produits en fonction de deux
critères : la profitabilité et la croissance du marché. En conservant des produits à
faible profitabilité et en faible croissance, tels que de nombreux produits dans la
division propulsion et tous les produits dans la division AHG, la firme a pénalisé les
gammes de produits présents dans les secteurs en forte croissance et où la
rentabilité était bonne. Delphi n’a pas priorisé ses ressources. Gérer activement le
portefeuille de produits est un impératif.
155
5927_.book Page 156 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
L’innovation est le principal moteur de la croissance. Qu’il s’agisse
de mise sur le marché de nouveaux produits, d’amélioration de la
production grâce à des méthodes innovantes plus efficaces, de
modifications de processus, toutes ces innovations permettent aux
entreprises et aux entrepreneurs de bénéficier d’un avantage comparatif et donc d’améliorer leur position concurrentielle. Par construction, ces avantages sont temporaires puisque le processus se répète
avec l’émergence de nouvelles innovations chez des entreprises
existantes ou avec l’apparition de nouveaux acteurs. Ainsi se crée
une dynamique vertueuse de croissance positive, comme le souligne
Nicholas Donofrio, vice-président d’IBM en charge de l’innovation
et de la technologie : « Nous avons inventé les disques durs il y a une
soixantaine d’années, les PC il y a une vingtaine d’années, comme
les écrans couleurs à cristaux liquides avec Toshiba. Or nous ne
sommes aujourd’hui dans aucun de ces métiers parce que nous estimons ne pas être en mesure de les amener là où ils doivent aller, par
exemple vers le marché de la grande consommation. »
D’un point de vue microéconomique, l’innovation est un facteur
majeur de croissance. C’est même en fait le facteur essentiel mis
en avant par les directions générales d’entreprises pour assurer la
pérennité des activités de la firme. L’innovation permet de mettre
sur le marché des produits moins chers, ou des produits correspondant mieux aux attentes des consommateurs et des clients, elle
permet d’améliorer les processus de production des entreprises,
de créer des dynamiques vertueuses…
Mais l’innovation est difficile et la route est longue. On estime
d’une manière globale que près de 80 % des lancements de
nouveaux produits ne délivrent pas les résultats attendus ; même
les entreprises les plus aguerries en marketing peuvent connaître
des échecs retentissants. Qui ne se souvient du lancement par
Coca-Cola du New Coke, lancé en mai 1985 après avoir subi plus
de 100 000 tests et reçu le support d’une campagne de publicité
impressionnante ? Le Coca-Cola classique fut commercialisé à
nouveau trois mois après le lancement du New Coke. Il poursuit
sa carrière. Le New Coke a disparu.
156
© Groupe Eyrolles
L’innovation produit
5927_.book Page 157 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Dynamiser les produits services
Une des raisons qui expliquent ce taux d’échec important, notamment dans le domaine de la grande consommation, est la multiplication des références qui débordent le consommateur ; qu’on en
juge :
• plus de 2 millions de livres référencés chez Amazon ;
• 1,4 milliard de références chez eBay ;
• plus de 750 nuances de peinture rouge chez Lowe’s ;
• 35 000 références en moyenne dans un supermarché
(3 000 dans les années 1950).
© Groupe Eyrolles
Il en résulte que 53 % des femmes ne trouvent pas le produit
qu’elles recherchent en confection, que 50 % des consommateurs
ne savent pas comment utiliser les fonctionnalités de leurs appareils électroniques, et que les consommateurs n’utilisent en
moyenne que trois cycles de lavage alors que les possibilités se
chiffrent par dizaines. Comme le dit un consommateur : « Avoir à
prendre seize décisions différentes avant de commander une
simple tasse de café ne me frappe pas comme étant un progrès
significatif ; pour moi, c’est plutôt un poids. » Une autre consommatrice : « On vient juste de m’offrir un nouveau grille-pain. Son
panneau de contrôle me semble marginalement moins compliqué
que celui de Jumbo Jet ; il comprend treize boutons et quatre
leviers ».
Qu’une innovation échoue n’est pas une anomalie ; une approche
différente pour l’innovation suivante peut être salutaire car,
comme l’écrit Albert Einstein, « la folie, c’est se comporter de la
même manière et s’attendre à un résultat différent ».
Malgré les risques d’échecs, beaucoup d’entreprises mettent en
place des stratégies d’innovation. C’est pourquoi certaines entreprises mettent l’accent sur l’innovation en engageant de manière
significative des efforts de recherche et développement.
Pour soutenir la croissance à deux chiffres de son chiffre d’affaires, L’Oréal
consacre chaque année 3 % de son chiffre d’affaires à la recherche. La démarche
consiste à conquérir ou à créer des espaces adjacents au métier de base initial : le
soin du cheveu par les professionnels. Autour de ce savoir-faire, L’Oréal s’est
engouffré dans de nombreux espaces adjacents : cosmétique féminine, eaux de
toilette et parfums, cosmétique masculine… Près de 3 000 scientifiques travaillent
dans 14 laboratoires en France, aux États-Unis ou en Chine. S’y ajoutent 13
centres d’évaluation des produits. Chaque année, L’Oréal dépose plus de 500
157
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
brevets par an. Parmi ses dernières découvertes figure la molécule antiâge ProXylane mise au point en 2006 : elle a permis à L’Oréal d’attaquer un marché
nouveau, celui des seniors, marché en forte croissance avec le vieillissement de la
population. Pour répondre mieux aux besoins des clients, L’Oréal dispose à
Chicago d’un laboratoire qui travaille sur les peaux et les cheveux d’origine
africaine et à Shanghai d’un centre similaire pour l’Asie.
L’entreprise américaine 3M, parfois surnommée « la Machine à innover », consacre
elle aussi un budget important à la recherche. La part des produits créés depuis
2000 dans les ventes 2006 représente 40 % d’un chiffre d’affaires de 18 milliards
de dollars. Le résultat net représente presque 15 % de ce chiffre et la valorisation
boursière (environ 65 milliards de dollars en 2004) est révélatrice de la création de
valeur générée par la croissance liée à l’innovation. L’entreprise qui a inventé le
Scotch, le Scotchgard, le Scotch-Brite, le Post-it consacre en effet plus d’un milliard
de dollars à la recherche par an. Les chercheurs sont regroupés sur le campus de
Saint Paul dans le Minnesota et jouissent d’une grande liberté de recherche, liberté
organisée autour de trois thèmes directeurs :
• toute idée est bonne à investiguer ; si une idée sort trop d’un champ de
recherche prédéfini, le chercheur peut être détaché et bénéficier d’un budget pour
poursuivre durant une période convenue ses travaux dans la direction qui lui
semble la bonne. Une recherche qui ne débouche pas n’est pas condamnable.
L’erreur non plus. Rappelons en effet que l’invention du Post-it résulte d’une
erreur de manipulation au cours d’une expérience ;
• afin de mobiliser les chercheurs et de les inciter à travailler en équipe, 3M utilise
le programme Six Sigma qui, grâce à un usage intensif des statistiques, permet à
l’entreprise de partager un langage commun et de mesurer les performances,
notamment en termes de temps. C’est ainsi que l’agrément pour la crème
dermatologique Aldara a été obtenu auprès de la Food and Drug Administration
avec treize semaines d’avance ; la documentation concernant la recherche sur le
produit étant centralisée sur un seul disque d’ordinateur remplaçant quatre tonnes
de documentation papier ;
« Si une idée nouvelle ne semble pas d’abord absurde, elle n’a pas
grand avenir », estimait Einstein. C’est peut-être en vertu de ce
principe que Google a lancé son programme de recherche de
traduction automatique statistique (statistical machine translation), ouvrant ainsi un nouvel espace adjacent ; en comparant des
textes déjà traduits, le logiciel identifie statistiquement des structures qui se répètent et qui serviront de base à des traductions
158
© Groupe Eyrolles
• pour mieux comprendre les attentes de ses clients, voire anticiper leurs besoins,
3M détache des salariés 3M à temps complet chez certains d’entre eux ; ils ont
pour mission de poser une seule question : « Quels sont vos plus gros problèmes
à résoudre ? » Cette logique permet de s’assurer que l’innovation trouvera son
marché et qu’aucun espace adjacent n’est exclu a priori.
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© Groupe Eyrolles
Dynamiser les produits services
futures. Les premiers résultats (par exemple arabe-anglais) ont été
spectaculaires. En contextualisant les traductions, le système évite
certaines erreurs ; par exemple, l’erreur du traducteur russe qui a
traduit « chancellor » par « Führer » à propos de Gerhard Schroeder
déclenchant un incident diplomatique – alors que, statistiquement,
l’association « Führer » et « Schroeder » n’a pratiquement aucune
chance d’exister. Il est à noter que le responsable du programme
chez Google est allemand. La principale difficulté d’application est
le besoin d’avoir de nombreux textes originaux et leur traduction,
ce qui pénalise certaines langues, notamment africaines.
Pour stimuler l’innovation et éviter qu’elle ne se referme sur ellemême, Nike a mis en place un laboratoire de recherche-développement en charge de poursuivre l’innovation à long terme appelé
« Explore ». « J’ai créé Explore parce que je craignais que l’innovation chez Nike ne devienne trop insulaire », déclare le directeur
général Mark Parker. C’est grâce à ce programme que Nike a pu
travailler en coopération avec Steve Jobs et Apple pour lancer le
programme Nike Plus. Les chaussures développées dans le cadre
de ce programme envoient des messages concernant, par
exemple, la distance et le temps de course du porteur à son iPod
qui peut ensuite les envoyer à son ordinateur ; ce produit a connu
un grand succès et a contribué à créer une communauté en ligne
de coureurs échangeant et partageant des informations. Suite au
succès de cette approche, Nike s’est réorganisé pour être plus à
l’écoute du client. Aujourd’hui plus de matrice produit-marques
mais une organisation en six catégories de clients (customer focus)
telles que course, basket, fitness…
Une des voies qui facilitent l’innovation est effectivement « l’innovation ouverte » : l’idée est que les entreprises, en regardant audelà de leur propre organisation, peuvent avoir un meilleur accès
à des idées, des savoirs, des technologies auxquels elles n’auraient
pas eu accès en se contentant d’utiliser leurs propres ressources.
Ainsi, dans plusieurs secteurs, se développent des réseaux d’innovation qui proposent leurs propres créations, ou répondent à des
demandes d’entreprise. Par exemple, des entreprises telles que
Lite-On-Technology ou Compal Electronics, toutes deux basées à
Taïwan, sont susceptibles de fournir des concepts et des designs
159
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de produits dans le domaine de l’électroménager, des produits
électroniques et des produits de technologie. En fait, ces entreprises ont accès à des réseaux de création.
C’est de cette manière que l’iPod a été conçu : en mobilisant un
large réseau d’apporteurs de technologie, PortalPlayer a pu
répondre à la demande de Steve Jobs de délivrer des sons de
haute qualité en utilisant des technologies bon marché.
Aujourd’hui, l’innovation se développe au sein d’écosystèmes qui
vont au-delà des limites traditionnelles de l’entreprise. Dans une perspective que l’on pourrait appeler Schumpeter 2.0, Procter&Gamble a
développé un programme baptisé InnoCentive dont l’objet est de
permettre à 90 000 scientifiques du monde entier de collaborer sans
nécessairement être salariés de P&G ; l’objectif pour P&G est
d’obtenir 50 % de ses innovations dans le cadre de ce système. P&G
se propose d’exploiter ses brevets pendant un an puis d’en vendre
l’utilisation à ses concurrents afin de valoriser ses brevets et de…
développer le marché. Ainsi, Procter travaille avec Ali Baba (entreprises chinoises proposant des services Web), des entreprises spécialisées dans l’alimentaire comme General Mills et ConAgra, et des
institutions de recherche communes, le Council for Scientific
Research en Inde et le laboratoire de recherche de Los Alamos aux
États-Unis.
La stratégie d’IBM en matière de recherche et de dépôt de brevets
entre bien dans ce cadre ; IBM est le numéro 1 mondial par le
nombre de brevets déposés, environ 3 300 à 3 500 par an pour un
portefeuille total de 50 000 brevets. Pour faire vivre ce portefeuille,
IBM choisit des brevets qui sont partagés et ouverts à tous :
« Aujourd’hui notre stratégie holistique est basée sur la liberté
d’action et sur le croisement de licence avec un grand nombre de
partenaires. C’est dans cet esprit que nous avons pris l’initiative de
créer le “Patent Common2” (mise en commun de brevets) dans
lequel nous avons apporté de nombreux brevets », déclare Nicholas
Donofrio1, vice-président d’IBM en charge de l’innovation et de la
technologie. L’utilisation d’Aureka, base de données mondiale
publique, permet de transformer l’analyse d’un brevet en une
1.
La Tribune du 21 décembre 2007.
160
© Groupe Eyrolles
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
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Dynamiser les produits services
source d’information enrichissant considérablement l’intelligence
concurrentielle et de gérer activement son processus d’innovation.
Autre source d’innovation produit, la « serendipité » ; en fait, le
mot anglais serendipity n’a pas de traduction immédiate en français : il signifie trouver quelque chose que l’on ne cherchait pas.
Alors qu’il revenait de promenade, l’ingénieur suisse Georges de
Mestral eut toutes les peines du monde à ôter les fleurs de chardon
accrochées à son pantalon et à la fourrure de son chien. Ainsi
inventa-t-il en 1948 le ruban autoagrippant ou Velcro.
Alors qu’il faisait un château de sable sur la plage pour sa fille,
l’ingénieur français Henri Vidal constata que le château résistait
aux assauts de la marée montante s’il incluait un matelas d’épines
de pin entrelacées ; ainsi inventa-t-il la Terre armée (aujourd’hui
membre du groupe Vinci), une technologie extrêmement efficace
dans les environnements sismiques.
L’amélioration de l’offre
© Groupe Eyrolles
La première source d’amélioration consiste à tirer le meilleur parti
des produits et services existants. C’est la voie naturelle utilisée par
les entreprises pour développer ou conforter leur activité, notamment lorsque les cycles de vie des produits sont courts. Il faut alors
disposer de fortes ressources marketing pour anticiper les évolutions et les besoins du marché et de fortes ressources en recherchedéveloppement pour développer les « nouveaux produits ».
C’est en adoptant ce principe de capitalisation sur l’avantage concurrentiel existant
depuis longtemps que l’horlogerie suisse maintient une part de marché en valeur
élevée : avec près de 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2006, l’horlogerie
suisse représente 80 % du marché mondial en valeur pour seulement 4 % en
volume. Qu’on en juge : en 1916, Tag Heuer sort le premier chronographe au
centième de seconde pour les Jeux olympiques d’Anvers ; en 1966, le premier
microtimer au millième de seconde ; en 1969, le premier chronographe
automatique ; en 2002, le premier bracelet-montre au millième de seconde à
quartz ; en 2004, le premier mouvement d’horlogerie entraînée par courroies ; en
2005 le premier chronographe mécanique de poignée au centième de secondes.
La montre Monaco V4 présentée en 2004 à Bâle est une montre carrée où, à la
place du tourbillon classique, des courroies entraînent les engrenages. Elles
entraînent une masse linéaire et non plus rotative ; elles sont d’une taille
extrêmement fine (0,0007 mm d’épaisseur). Certes, cette « concept montre » n’a
pas encore obtenu la certification « chronomètre suisse », mais cela ne saurait
161
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
tarder, Tag Heuer ayant toujours été le champion de la précision. L’innovation est
au cœur de la stratégie de Tag Heuer ; elle prend forme dans un laboratoire où
ingénieurs et analystes de marché innovent ensemble.
Réussir l’évolution des produits requiert la connaissance intime
des besoins des clients. Ainsi, c’est en menant une enquête auprès
de 1 500 professionnels du bâtiment que Lafarge a appris que
84 % de ses clients seraient enthousiastes à l’idée d’utiliser un
ciment sans poussière, mais aussi plus résistant et plus maniable :
• sans poussière : « Il s’agit d’agglomérer les toutes petites particules qui forment le ciment sur une infinité de micropoints de
colle », déclare Denis Maître, directeur R&D. Grâce à une texture
type pâte à modeler, les particules ne s’envolent plus ; « cela
aurait été impossible il y a dix ans car à l’époque on ne savait
pas observer ce qui se passait à si petite échelle ». Produit mis au
point dans un centre technique de Lafarge au Japon et ensuite
développé en France ;
• plus maniable : le nouveau ciment nécessite 20 % d’eau en
moins ; il est plus fluide et plus résistant ; ainsi un maçon peut
poser une chape seul alors qu’il faut être deux avec un ciment
traditionnel.
Le produit ainsi développé a été lancé sous le nom Sensium en
février 2007, après cinq années de recherche et 30 millions
d’investissement, marketing compris. Le budget R&D de Lafarge
est supérieur à 100 millions d’euros ; le département comprend
plus de 500 personnes ; parmi les autres produits créés par Lafarge
en écoutant ses clients figurent la gamme Agilia (bétons autoplaçants et autonivelants ne nécessitant plus de vibration lors du
coulage dans les coffrages).
La seconde source naturelle d’innovation est le développement
des marchés. Deux options sont possibles : soit développer de
nouveaux usages pour un même produit, soit commercialiser le
même produit dans de nouveaux segments de marché. La
première option est fréquente dans le domaine industriel : les
producteurs de plastique ou d’aluminium rivalisent d’imagination
pour proposer à leurs clients de nouvelles utilisations au détriment
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© Groupe Eyrolles
L’élargissement du marché
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Dynamiser les produits services
d’autres matériaux. De même, L’Oréal a transformé le marché des
laques, à bout de souffle, en créant « Studio Line », un marché
aujourd’hui dix fois plus important, et continue de maximiser son
cœur de métier par exemple en rachetant, en 2008, Columbia
Beauty Supply, un distributeur américain de produits professionnels de coiffage réalisant 60 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Commercialiser un « même produit » dans de nouveaux segments
de marché peut requérir des adaptations parfois importantes.
Ainsi, les producteurs de détergents servent, outre la clientèle
grand public, la clientèle dite de collectivités : hôtels, hôpitaux,
bureaux. Les formats des savons (petits savons individuels) sont
très différents des produits grand public, de même que les packagings sont simplifiés, mais de très grand format pour les détergents.
Ces deux approches (produit/marchés) peuvent se combiner,
comme le présente le tableau ci-dessous :
Innovation technologique
Amélioration
technologique
Nature des changements de marché
Pas d’innovation
Pas de
changement
Innovation
technologique
Reformulation
Remplacement
Renforcement
du marché
Remerchandising
Amélioration
du produit
Extension
de gamme
Nouveau
marché
Nouvel
usage
Extension
de marché
Diversification
Exemple de sources de développement
© Groupe Eyrolles
• la reformulation consiste à opérer des modifications mineures
au produit afin de réduire les coûts, en améliorer la qualité ou
ouvrir de nouveaux usages : ainsi, Bayer a étendu le marché de
l’aspirine en créant une aspirine à faible dose utilisée pour
prévenir les attaques cardiaques ;
• le remplacement résulte d’une innovation importante qui
entraîne des modifications majeures sur le produit, qu’il s’agisse
de son coût ou de ses qualités ;
163
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
• le remerchandising consiste à rendre le produit plus attractif
auprès de la clientèle qui est actuellement servie ;
• l’amélioration produit consiste à rendre le produit plus utile aux
consommateurs actuels en améliorant la technologie existante ;
• l’extension de gamme consiste à élargir la ligne de produits
offerte aux consommateurs actuels par l’adoption d’une technologie nouvelle. Ainsi, Yoplait aux États-Unis a rattrapé la marque
Danone en créant un nouveau packaging pour yaourt : un neuf
pouces coloré : le Go-Gurt. Ce nouveau packaging a changé la
manière dont les parents achètent le yaourt et il l’a rendu plus
facile et amusant pour les enfants ;
• le nouvel usage résulte de l’extension des ventes du produit
actuel à des clients nouveaux ;
• l’extension de marché revient à étendre les ventes auprès de
consommateurs nouveaux en offrant un produit légèrement
modifié ;
• enfin, la diversification consiste à toucher de nouveaux consommateurs en offrant des produits améliorés par une nouvelle
technologie.
Le renouvellement de l’avantage concurrentiel
Une entreprise qui pérennise son avantage concurrentiel de manière systématique
est Gillette. Fondée en 1920, l’American Safety Razor Company s’est focalisée
avec succès sur les rasoirs et les lames de rasoir pendant les trente-cinq premières
années de son existence ; la croissance est principalement venue de l’expansion
géographique en Amérique du Nord et en Europe. Au milieu des années 1980, la
part de marché de Gillette est stable ; la marque entre en concurrence avec de
nombreuses autres marques présentes dans les rasoirs traditionnels ainsi que dans
les rasoirs à jeter. L’entreprise s’est dispersée dans de nombreux espaces adjacents
qui l’écartent de son métier de base : lancement de la crème à raser Gillette en
1936, lancement du produit féminin Tony en 1948, acquisition des stylos Paper
Mate en 1955, acquisition du déodorant en aérosol Right Guard en 1960,
lancement des rasoirs Lady Gillette en 1963, lancement d’un déodorant féminin
Soft&Dry en 1969, acquisition en 1984 d’Oral B… Aiguillonnées par des
actionnaires très actifs, l’entreprise démarre alors un processus discipliné et agressif
164
© Groupe Eyrolles
L’objectif est d’identifier la nature et la source de l’avantage
concurrentiel et de le pérenniser ; ainsi, certaines entreprises nourrissent leur croissance en focalisant toutes leurs actions sur le
renforcement de leur avantage concurrentiel.
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Dynamiser les produits services
de développement de nouveaux produits avec pour objectif d’augmenter le niveau
de dépenses par consommateurs et d’améliorer l’offre et le mix produit, le tout
supporté par une communication agressive et un positionnement fondé sur des
produits de grande qualité protégés par de nombreux brevets. Le développement
du rasoir Sensor démarre en 1980 ; le lancement intervient dix ans plus tard en
1990 pour un coût total de développement de 275 millions de dollars ; le
lancement du Sensor Excel intervient en 1993 après quatre années de recherchedéveloppement ; le produit est protégé par 29 brevets concernant le manche du
rasoir (système Flexgrip), le design de la cartouche, le montage individuel des deux
lames sur ressort… Le lancement de Mach III intervient en 1998 après six ans de
recherche et un coût de développement estimé à 750 millions de dollars. En
lançant de manière systématique des produits nouveaux très étudiés, Gillette
parvient à créer un privilège de prix très significatif lui garantissant des marges
élevées ; ainsi, en l’an 2000, la marge opérationnelle de Gillette s’élevait à 39 %,
alors que la marge opérationnelle des rasoirs Bic s’élevait 13 %. Sur les vingt
dernières années, la croissance moyenne de Gillette a été comprise entre 8 et
10 % et la croissance du résultat d’exploitation supérieure à 10 % par an. Le
lancement du modèle Fusion (mécanique) et du Fusion Power (à piles) a
grandement contribué à la croissance du chiffre d’affaires du groupe. Le système
Fusion a dépassé les 500 millions de dollars dès la première année tout en étant
commercialisé environ 30 % plus cher que le modèle précédent (le Mach 3).
Gillette revendique aujourd’hui une part de marché mondial supérieure à 70 %.
© Groupe Eyrolles
L’innovation réactive
En France, comme dans d’autres pays, le café n’est pas une tradition ; la consommation dans les bars baisse de 5 % par an.
« L’expresso est une habitude qui se perd chez les jeunes. Et quand
ils prennent un café, c’est avant tout parce que c’est la boisson la
moins chère à la carte. L’expresso est de plus en plus associé au
stress et se ringardise », affirme Giuseppe Lavazza, directeur du
marketing de la société du même nom. Starbucks, adepte du café
de salon, transforme le marché grâce à des recettes plus sucrées et
plus « fun ». Lavazza met alors en place une stratégie d’innovation
articulée autour d’un certain nombre de nouveaux produits :
• tandem : une nouvelle sensation ; dans une tasse compartimentée, d’un côté le traditionnel petit noir Lavazza, de l’autre
l’Espoumas, une innovante mousse ultralégère au chocolat et à
la noisette ;
• le café qui se mange ;
• le café dessert ;
• le café qui se croque ;
165
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
• les capsules Best Lavazza Ultimate Expresso (plus de 2 milliards
d’unités vendues).
Aujourd’hui Lavazza sert 36 millions d’expressos par jour et
s’appuie sur 30 centres de formation dans le monde ; 20 000
serveurs y apprennent la recette de l’expresso idéal : de l’eau
fraîche, une tasse conique en porcelaine chauffée pour emprisonner les arômes, vingt-cinq à trente secondes de percolation.
Depuis la mise en place de cette politique d’innovation, le taux de
croissance est supérieur à 20 % par an.
L’évaluation de l’innovation
Toutes les innovations ne sont pas bonnes à lancer. C’est pourquoi
il est utile de les passer au travers d’un filtre et de répondre à des
questions telles que :
• est-ce que l’innovation est attractive pour le marché ?
• concerne-t-elle un segment de taille importante et profitable ?
• est-ce qu’une position de leader peut être tenue ?
• est-ce que des concurrents importants risquent d’être attirés par
la sous-catégorie ?
• est-ce que des concurrents sont susceptibles de franchir les
barrières d’entrée et de créer une concurrence frontale ?
• combien de temps les barrières ont-elles duré ?
• est-ce que cette nouvelle offre va être regardée par les clients
comme essentiel ?
• est-ce qu’elle va permettre un accès plus rapide aux produits ?
• est-ce qu’elle sert un marché insuffisamment développé ?
• est-ce qu’elle permet de passer d’une offre de composants à une
offre de systèmes ?
• sert-elle un besoin de marché latent ou explicite ?
La majorité des innovations ne sont pas le résultat d’inventeurs
géniaux isolés ou de coups marketing. Elles sont le résultat de
recherche systématique de progrès ou d’extension à partir du
cœur de métier en explorant de nouveaux segments de clientèle
ou de nouvelles technologies.
166
© Groupe Eyrolles
Le processus d’innovation
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Dynamiser les produits services
Nouveauté pour le marché
Innovation de rupture
Recherche de besoins que
les clients eux-mêmes
ignorent
Forte
Adjacente
Légère
Adjacence marché
Percées en dehors des marchés traditionnels
de l’entreprise en s’appuyant sur ses actifs
et ses compétences
Innovation
incrémentale
Petites améliorations
de l’offre
existante
Légère
Adjacence Produit Technologie
Nouvelles technologies
et compétences sur
les marchés de l’entreprise
Adjacente
Forte
Nouveauté pour l’entreprise
Source : Bain & Company.
© Groupe Eyrolles
Nature des innovations
Selon le type d’innovation recherchée, l’entreprise doit mettre en
place une approche adaptée :
• ainsi l’innovation de rupture requiert prise de risque et tolérance
à l’erreur. Dans les marchés où l’innovation de rupture est la
norme (technologie, biotechnologies…), il est fréquent de constater que les grandes entreprises rechignent à prendre des
risques et préfèrent acheter à des multiples élevés de jeunes
pousses ;
• pour développer des innovations incrémentales, la firme doit
s’organiser pour générer des informations et les laisser exploiter
par les équipes proches du terrain et des clients ;
• les innovations adjacentes produits/technologies requièrent des
processus à la fois créatifs et destructeurs puisque les innovations sont susceptibles de détruire les produits existants ;
• enfin l’innovation par les marchés adjacents requiert un grand
partage des informations et la mise en place des compétences
et des ressources adaptées.
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Chapitre 3
GÉRER ACTIVEMENT LES PRIX
« Au royaume des prix, les myopes ne sont pas rois. »
© Groupe Eyrolles
BCG dans sa Perspective n° 212
Ce chapitre consacré au prix est en décalage par rapport aux propos
tenus habituellement dans les ouvrages de marketing. En effet, il
s’appuie sur beaucoup d’exemples réels publiés par McKinsey ou
BCG ; force est de constater que, dans ce domaine, la réalité est bien
loin de la théorie.
• L’approche stratégique des prix
– Comportement des prix pendant les phases de croissance
– Comportement des prix pendant les phases de maturité
- Le positionnement de compétitivité et la politique de prix
- Le positionnement de différenciation et la politique de prix
• L’approche opérationnelle des prix
– La complexité des ristournes
– Les brouillards de prix
– Les prix moyens (average pricing)
– Les guerres de prix
• Les prix n’ont plus de valeur
169
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La détermination des prix est une des composantes décisives de la
stratégie marketing. Outre son impact sur les résultats de l’entreprise, le prix est en effet la composante la plus immédiate et la
plus directement communicante du marketing mix.
Pourtant, la politique de prix est souvent négligée ; le prix est
souvent subi et n’est pas le résultat d’une politique volontariste
appliquée avec ténacité et rigueur. Complexité de la tarification,
multiplicité des ristournes, nombre trop élevé d’intervenants,
guerre de prix viennent altérer la réalité du prix sur le terrain. Les
conséquences de cette négligence sont coûteuses à la fois en
rentabilité et en perte de positionnement.
À l’inverse, une gestion active des prix est une puissante source
d’amélioration de la rentabilité. Une étude menée par McKinsey
sur un échantillon de 2 463 compagnies montre qu’une augmentation du prix de 1 % entraîne une amélioration du résultat
d’exploitation de 11 % alors qu’une amélioration des coûts variables de 1 % entraîne une amélioration du résultat d’exploitation de
8 %, qu’une augmentation de volume de 1 % entraîne une amélioration du résultat d’exploitation de 3 % et qu’enfin une diminution
des coûts fixes de 1 % entraîne une amélioration du résultat
d’exploitation de 2,3 %. Une étude publiée par le Boston Consulting Group1 concluait en effet que, pour la plupart des entreprises,
une augmentation d’un prix net de seulement 1 à 2 % était suffisante pour augmenter les profits de 25 à 50 %. Au royaume des
prix, les myopes ne sont pas rois.
Deux des raisons de cette cécité et de cette négligence tiennent à
la complexité et à la multiplicité des éléments nécessaires à la
détermination d’une politique de prix.
D’une part, la compréhension des prix sur une longue période est
souvent rendue difficile par les phénomènes inflationnistes. En
monnaie courante, en effet, la plupart des prix augmentent ; en
revanche, en monnaie constante certains prix augmentent,
d’autres prix diminuent : il faut donc se livrer à des analyses fines
pour identifier le comportement des prix dans le long terme.
1.
BCG study of 1 413 companies in all industries in France, Germany, Japan,
the UK and the US in 1993-1997 from Breaking Compromises, Wiley.
170
© Groupe Eyrolles
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
5927_.book Page 171 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Gérer activement les prix
© Groupe Eyrolles
L’inflation crée des perceptions qui distordent la réalité. Dans le
cas de produits très évolutifs, tels que l’automobile ou les produits
informatiques, l’évolution des prix sur une longue période est
malaisée à comprendre car le produit change : les performances
augmentent, le nombre de fonctions s’accroît… de telle sorte
qu’une hausse apparente du prix reflète une « amélioration » du
produit.
D’autre part, l’établissement d’un prix dans une entreprise fait
appel à de nombreuses fonctions, à de nombreux arbitrages et
à des règles comptables qui sont fixées dans une optique fiscale
et non pas dans une optique commerciale. Le nombre d’intervenants pour fixer un prix théorique puis pour l’appliquer de
manière réelle sur le terrain est en effet très élevé : de la direction générale à la force de vente, sans oublier bien sûr les directions marketing et les directions financières. Comme le
remarque une étude américaine, « le volume d’information à
mobiliser pour mettre au point un calculateur de prix est impressionnant ; rien que pour démarrer, il faut des millions de
données 1 ». À son arrivée chez IBM, le nouveau président a
constaté que le comité des prix rassemblait près de 100
personnes ; il l’a supprimé et a décidé que le prix d’introduction
d’une nouvelle gamme ou d’un nouveau service relevait uniquement de son fait.
Et pourtant, les politiques de prix sont critiques d’un double point
de vue stratégique et opérationnel. Il est fréquent que la matérialisation opérationnelle d’un prix trahisse les intentions initiales
pour de multiples raisons (complexité du processus, nombre
d’intervenants susceptibles d’accorder une ristourne, application
de procédures standard à des produits particuliers…) générant des
réponses inadaptées au marché et en déphasage avec le positionnement retenu. Une politique de prix se décide, elle ne se subit
pas comme le dit le titre d’un article d’Harvard Business Review :
« Price by design not by default ».
1.
Business Week du 31 mars 2003.
171
5927_.book Page 172 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
L’entreprise doit affirmer son positionnement à travers le prix en
respectant deux règles :
• installer une politique de prix cohérente avec le positionnement
(approche stratégique) ;
• exécuter et vérifier la mise en œuvre sur le terrain (approche
opérationnelle).
L’approche stratégique des prix consiste, à partir des éléments de
marché, à refléter le positionnement de l’entreprise. Elle ne
consiste pas à calculer des coûts et à y ajouter une marge.
Elle s’inscrit dans une perspective à long terme où les marchés
évoluent selon leur cycle de vie et passent par des phases de
nature différente.
Durant les phases de lancement du marché et de croissance, le
comportement des prix reflète le principe de la courbe d’expérience ; les prix tendent à baisser sur le long terme avec des variations autour de la tendance.
Durant les phases de maturité et de déclin, les concurrents
déploient des stratégies de segmentations stratégique et marketing ; certains cherchent à se différencier par les attributs produit,
la distribution, l’image… ; d’autres maintiennent des politiques de
prix agressives : le comportement des prix devient plus complexe,
plus hétérogène ; certains prix continuent de baisser, d’autres sont
incertains et enfin d’autres montent.
Le graphique ci-dessous présente de manière schématique ces
évolutions sur une longue période. Pendant les périodes de croissance du secteur, les prix tendent à baisser en monnaie constante.
Avec la maturité du marché, les concurrents prennent des positionnements spécifiques. Schématiquement, les prix adoptent trois
types de comportement : un comportement de prix compétitifs où
les gains de productivité continuent d’être partagés avec les
consommateurs, un comportement banal ou subi avec des prix
stables/fluctuants en monnaie constante et enfin un comportement différencié qui permet aux prix de monter.
172
© Groupe Eyrolles
L’approche stratégique des prix
5927_.book Page 173 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Gérer activement les prix
Prix
Phases
3 et 4
En
Maturité et déclin :
segmentation ou coût
vir
on
ne
me
Phases
1 et 2
nt
co
Environnement
différencié
mp
éti
tif
Environnement
banalisé
Lancement et croissance :
courbe d'expérience
Phases
3 et 4
Expérience ou maturité
Maturité et déclin :
segmentation ou coût
Évolution des prix et maturité du marché
Comportement des prix pendant les phases de croissance
Pendant les périodes de lancement et de croissance, les prix vont
suivre l’évolution des coûts à la baisse avec quelques variantes :
les positions concurrentielles relatives ont peu de chance de subir
des modifications si les prix s’alignent sur les coûts.
Autour de cette tendance de fond, différentes variantes peuvent
être identifiées. La première variante est celle d’un prix agressif
d’introduction, éventuellement à perte, pour gagner rapidement
des parts de marché, en anticipant l’évolution du coût unitaire en
fonction de la loi d’expérience. Dans ce cas, le concurrent innovateur décide de positionner le prix du nouveau produit à un niveau
inférieur à son coût afin d’accélérer la pénétration du produit sur
le marché :
Prix d’écrémage
Prix de pénétration
Prix/coût
unitaire
Prix/coût
unitaire
© Groupe Eyrolles
Pr
ix
Co
ût
Stratégie
d’abandon
Expérience (volume cumulé)
Expérience (volume cumulé)
Politique de prix en période de croissance
173
5927_.book Page 174 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Une fois le produit établi sur le marché, les prix vont tendre à
descendre selon la courbe d’expérience. Mais, là encore, il peut y
avoir des variantes. Une des plus fréquentes est celle où les prix
baissent moins vite que les coûts, créant ainsi une ombrelle de prix
qui attire de nombreux concurrents. Souvent, cette période
« ombrelle » est suivie d’une période de guerre des prix, les
concurrents se battant pour gagner de la part de marché ; puis, les
survivants entament une période plus calme, où les prix vont
retrouver une tendance normale.
Comportement des prix pendant les phases de maturité
Ce sont bien entendu les phases les plus courantes. Avec elles arrivent les stratégies de segmentation liées à la bipolarisation des
marchés et aux positionnements stratégiques. Il est impératif de
traduire dans le prix le positionnement stratégique qui a été
retenu :
• compétitivité : poursuite de la baisse des prix selon la courbe
d’expérience ; gestion de la réalité et de la perception du prix ;
• différenciation : tendance des prix à la hausse en monnaie
courante et/ou constante ; optimisation par le biais du privilège
de prix (Price Premium) ;
• banalisation : rapport qualité-prix, suivi des fluctuations de prix
à court terme.
Le positionnement de compétitivité et la politique de prix
Rappelons la formule de la compétitivité :
Ainsi, la perception du prix est plus importante que le prix réel.
Dans le schéma ci-dessous, sont présentés plusieurs produits positionnés selon deux axes : prix réel du produit et prix perçu par les
consommateurs.
Dans une perspective à long terme, l’idéal est que le prix perçu et
le prix réel coïncident, ce qui est le cas des produits E et F situés
sur la bissectrice. Dans une optique à plus court terme, la perception des produits A, D, B est acceptable : ils sont perçus comme
174
© Groupe Eyrolles
Réussite = compétitivité × perception
5927_.book Page 175 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Gérer activement les prix
Prix réel
Cohérence entre prix
réel et prix perçu
A
Cher
B
D
G
F
E
Bon
marché
H
I
Bon marché
Cher
Prix perçu
Prix réel et prix perçu
compétitifs relativement aux autres alors même que le prix réel ne
l’est pas. En revanche, les produits G, I, H sont sortis du positionnement.
La perception d’un prix compétitif n’est jamais acquise de manière
stable (voir l’exemple de Wal-Mart cité précédemment, cf. page 98).
La compétitivité du prix doit donc être martelée de manière permanente. Dès que le martèlement cesse, le déficit de perception
s’installe, comme le décrit de manière schématique le tableau cidessous.
Prise de conscience
de l’offre
1er stade
2e stade
3e stade
Piqûre de rappel
© Groupe Eyrolles
Seuil minimum nécessaire
à la prise de conscience
Déficit
Évolution dans le temps
Perception : la politique du martèlement
175
5927_.book Page 176 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Pour maintenir cette perception, les entreprises peuvent avoir
recours à deux moyens, indépendants ou combinés :
• elles peuvent mener des campagnes de communication intense
mettant en avant la compétitivité du prix, par exemple Dell :
Source : Dell, montage de l’auteur.
Dell : Le martèlement
compétitivité :
– la symbolique de l’économie d’échelle ;
– la symbolique de l’économie systématique ;
– la symbolique de la bonne affaire ;
– la symbolique de la désintermédiation.
Certains distributeurs comme Lidl sont passés maîtres dans la
gestion combinée de la symbolique et de la communication, aboutissant ainsi au martèlement de la compétitivité.
De nouveaux mécanismes de fixation du prix apparaissent afin
de garantir au client le prix le plus bas ; ainsi dans le domaine
de l’assurance automobile, Norwich Union propose le système
« pay as you drive » ; tout souscripteur est doté d’un boîtier GPS
176
© Groupe Eyrolles
• ou elles peuvent jouer sur les éléments symboliques de la
5927_.book Page 177 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Gérer activement les prix
qui transmet un relevé de ses déplacements, kilomètres
parcourus, horaires, réseau routier choisi. Ce relevé sert à établir
la prime à payer : 1 km parcouru ajoute 9 centimes d’euro si c’est
de jour ou hors week-end ; circuler de nuit ajoute presque 1 euro
par km. Conséquences : prime en baisse (typiquement de
2 000 euros à 1 000 euros/an), plus grande prudence des
conducteurs.
Le positionnement de différenciation et la politique de prix
Parmi les sources de différenciation identifiées lors de la
recherche du positionnement, certaines ont un potentiel de valorisation réel. D’autres non. Il est important de garder en tête que
les coûts ajoutés pour créer ces différenciations doivent être
valorisés par le client : l’entreprise ne doit pas ajouter des coûts
pour son autovalorisation (autrement dit « pour se faire plaisir »),
mais pour celle du client. Si la différenciation requiert de rajouter
un coût X, il est important de s’assurer qu’aux yeux du client ce
coût vaut X+ %. Ainsi, dans le secteur des téléphones mobiles,
les producteurs mènent des analyses qui sont résumées dans le
schéma ci-dessous, où l’on voit, d’un côté, le coût représenté par
l’ajout de telle ou telle fonction et, d’un autre côté, la valorisation
estimée.
Coût et valeur des différenciateurs
© Groupe Eyrolles
Coûts
Valeurs
Antenne intégrée
Taille écran
Capacité de communication
mobile
Connexion Bluetooth
Ouverture doc Word via email
Streaming vidéo
Voix par email
Ajustement d’image
Accès Wifi
Capacité stockage
Poids inférieur à XX oz
Qualité Mpixels
Mémorisation 6 radio
Source : Telelogic.
Comparaison du coût des fonctionnalités
et leur valorisation par les clients
177
5927_.book Page 178 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
La mise en œuvre du positionnement de différenciation passe par
la superposition des coûts valorisables. Chaque fonctionnalité
supplémentaire, chaque coût rajouté doit faire l’objet d’une
analyse rigoureuse selon le schéma proposé ci-dessous :
Oui
Ce service/
est-il
valorisable ?
Non
Supprimer
Oui
Ce service
est-il
différenciant ?
Oui
Déterminer le meilleur
mécanisme de réalisation :
– tarif
– supplément
Le client
est-il prêt
à le payer ?
Non
Non
Minimiser
son coût
Valoriser dans
la négociation
Proposer des services valorisables
Dans le domaine industriel, les entreprises ont depuis longtemps fait évoluer les
mécanismes de prix en substituant à la vente d’un bien la vente de l’usage : c’est
l’économie de la fonctionnalité. L’entreprise propose à son client un certain
nombre de services qui modifient en profondeur la relation client/fournisseur, mais
aussi la manière dont le client gère son propre système de production. C’est le cas
déjà évoqué de BASF, qui a rénové son modèle économique en fournissant non
pas de la peinture facturée à la tonne, mais un ensemble de prestations facturées
au nombre de voitures peintes. C’est aussi le cas de Michelin qui s’est transformé
1.
Wall Street Journal du 17 novembre 2010.
178
© Groupe Eyrolles
Quand le positionnement de différenciation est affirmé, le prix
doit être établi en cohérence et ne pas être modifié dans une perspective court-termiste. Pendant la période de récession des années
2008-2010, qui a vu beaucoup de marques de luxe baisser leurs
prix, Burberry s’y est refusé : « Nous avons dit que pour nos imperméables iconiques, fabriqués en Grande-Bretagne, nous ne
discounterons pas les prix », a déclaré en présentant des résultats
en hausse de 46 % la chief executive Angela Ahrendts1.
5927_.book Page 179 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Gérer activement les prix
en prestataire de services pour les transporteurs routiers : Michelin propose le
suivi de l’état des pneumatiques, poste essentiel pour la consommation de
carburant. Michelin assure donc la maintenance ; la firme a calculé que le fait de
pouvoir recreuser et rechaper un pneu plusieurs fois multiplie la durée de vie de
chacun par 2,5 et entraîne une réduction des déchets de 35 %. Ce système est
utilisé par 50 % des flottes européennes. Le prix n’est plus basé sur la vente d’un
produit, mais sur son usage. Comme dans les cas de BASF et de Mercedes-Benz,
cette solution entraîne un meilleur contrôle des prix pour le fournisseur et une
meilleure productivité pour le client. Ce type de mécanisme de prix est très utilisé
par les entreprises qui ont associé des services à leurs produits de base. C’est
probablement General Electric qui a initié ce processus dans le domaine des
réacteurs d’avion en cessant de facturer le prix de vente des réacteurs, mais en
facturant l’heure d’utilisation, ce qui a été rendu possible par la mise en place d’un
système de suivi des réacteurs et de sites de maintenance et de réparations. De la
même manière, Xerox a mis en place un système de location exclusive de ses
appareils avec un processus de récupération, de remise à niveau et de réutilisation
des différents composants. Les éléments recyclés forment à eux seuls 90 % du
poids de la machine louée.
© Groupe Eyrolles
L’approche opérationnelle des prix
Les aspects tactiques des politiques de prix ne sont pas à négliger
car leurs conséquences à court terme sont fortes, notamment sur
la rentabilité immédiate. C’est pourquoi les entreprises à coûts
fixes élevés utilisent des modèles de revenue management
(modèles d’optimisation tarifaire) qui permettent une modulation
tarifaire sélective en fonction de modèles statistiques prenant en
compte des prévisions de demande. Ces modèles sont apparus
aux États-Unis avec la dérégulation du transport aérien et se sont
généralisés à de nombreux secteurs : location de voitures, loisirs,
espace publicitaire, location de matériel, parking, péage d’autoroutes, hôtellerie, transport de colis… Ils sont particulièrement
adaptés au domaine des services où l’offre est périssable (une
chambre non louée ou un siège d’avion vide représentent un
manque à gagner irrattrapable) et la demande est variable.
L’inconvénient ou l’avantage est que le client final, voire le
vendeur lui-même, ont peine à voir clair dans la jungle des tarifs.
La complexité des tarifs dans le domaine de la téléphonie mobile
(Orange/SFR/Bouygues) ou dans la location automobile (Hertz/
179
5927_.book Page 180 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Avis/Europcar/Budget) dépasse largement la capacité moyenne
de compréhension de l’utilisateur moyen.
Le groupe Accor pratique une politique de prix qui reflète sa
stratégie multimarques. Cette politique de prix est mise en
œuvre à un double niveau, stratégique et tactique : d’une part,
la politique de prix est adaptée à chacune des enseignes (Ibis,
Mercure, Sofitel) et au sein de chacune des enseignes à chaque
segment de clients (individuel, groupe, abonnés). C’est ainsi
que, dans la chaîne Sofitel, chaque établissement affiche une
cinquantaine de tarifs différents. Les prix sont ajustés en fonction de la disponibilité dans les établissements, de l’historique
des réservations, de la saisonnalité et de la gestion des promotions. Cette politique permet d’optimiser le taux de remplissage,
tout en respectant le positionnement relatif des enseignes. La
politique de prix est considérée comme une composante clé de
la stratégie du groupe, et sa mise en œuvre fait l’objet de tactiques adaptées.
Mais d’une manière générale, la complexité de la mise en œuvre
sur le terrain du niveau de prix décidé entraîne de nombreuses
distorsions par rapport aux intentions de départ. Les risques de
dérapage sont très nombreux. Parmi ces risques, citons :
• la complexité des ristournes,
• les brouillards de prix,
• les prix moyens,
• les guerres de prix.
Dans la plupart des entreprises, le nombre d’intervenants susceptibles d’accorder une ristourne, une remise, un rabais, une réduction, etc. à un client est supérieur à cinq :
• le commercial va proposer les ristournes auxquelles il est autorisé ;
• son directeur commercial va proposer la ristourne à laquelle il
est autorisé ;
• le responsable logistique va proposer une ristourne pour
compenser un retard de livraison ;
• le directeur financier va proposer une ristourne déguisée sous
la forme de délais de paiement allongés ;
180
© Groupe Eyrolles
La complexité des ristournes
5927_.book Page 181 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Gérer activement les prix
• le directeur général va proposer une ristourne suite à son
déjeuner avec le client ;
• etc.
Dans la plupart des entreprises, la responsabilité des ristournes est
en effet émiettée, de telle sorte que le « prix net net net » peut être
fort éloigné du prix catalogue. L’existence de ristournes de fin
d’année (RFA), qui sont calculées quelques mois après la fin de
l’exercice fiscal, ajoute encore à la complexité de déterminer le
vrai prix.
L’exemple ci-dessous présente une situation réelle pour un fabricant de fournitures de bureau.
Prix (€/unité)
Exceptions consenties sur les prix
à la négociation des contrats, lors
de promotion de produits en
fonction du volume
Rabais accordé par le service client
Rabais accordé par la production
Le commercial
a donné un tarif
erroné
Rabais sur le port
Conditions de paiement
Seuil minimum de
commandes
Prix
Tarif
Prix
facturé
Prix net
net
Source : BCG.
© Groupe Eyrolles
Émiettement de la responsabilité des ristournes
Il résulte de cet émiettement des ristournes et de cette dispersion
des responsabilités des écarts considérables entre le prix catalogue
et le prix effectivement obtenu (pocket price) ; ainsi, dans le cas de
batteries automobiles présenté ci-dessous, l’écart entre le prix catalogue, soit 28,40 dollars, et le prix effectivement reçu, soit
18,18 dollars, s’élève à 10,22 dollars, soit 36 %.
181
5927_.book Page 182 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Prix de base
28,40
Ristourne distributeur
4,26
Remise volume
0,71
Remise exceptionnelle
2,27
Prix facturé
21,16
Remise paiement content
0,25
Remise sur facture
0,22
Participation publicitaire
0,85
Remise marchandise
0,60
Rabais volume global
0,74
Rabais transport
0,32
Prix effectivement payé
18,18
Cumul des remises :
10, 22 $
soit 36 %
Source : McKinsey, Quaterly, n° 3.
Écart entre le prix catalogue et le prix réel payé
Une des conséquences de cet émiettement des responsabilités est
le brouillard de prix. Les clients ne payent pas le prix qui correspond à la politique voulue par l’entreprise. Les exemples cidessous sont emblématiques de cette situation. Dans le premier
cas, la banque commerciale a déterminé une politique de prix qui
s’applique à chaque type de clients : l’axe horizontal, « prix tarif »,
correspond à cette politique. L’axe vertical correspond au prix
effectivement payé par les clients pour l’obtention de leur crédit.
La taille des cercles correspond au montant des crédits consentis.
L’analyse du graphique met en évidence le fait que les petits clients
présentant un risque plus élevé devraient acquitter un tarif correspondant, mais paient de manière effective un tarif inférieur : ils bénéficient d’un prix bas alors qu’ils présentent un risque plus élevé.
La situation décrite dans le second tableau est encore plus apocalyptique ; ce fabricant de produits industriels n’applique pas sa politique
de ristourne en fonction du volume. Il en résulte que certains gros
clients n’obtiennent pas les ristournes prévues, que certains petits
clients obtiennent des ristournes trop importantes et enfin que des
clients moyens obtiennent des ristournes trop importantes.
182
© Groupe Eyrolles
Les brouillards de prix
5927_.book Page 183 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Gérer activement les prix
Prix effectif
200
Petits clients présentant
un risque plus élevé
mais bénéficiant
d’un prix trop bas
160
Montant
du crédit
consenti
100
100
160
220
Prix tarifs
Source : BCG.
Non-application des tarifs (1)
Ristournes (indice)
Petits clients
obtenant des ristournes
trop importantes
Clients moyens obtenant
des ristournes
trop importantes
50
40
Gros clients
n’obtenant pas
les ristournes
prévues
30
20
© Groupe Eyrolles
10
1
1
10
100
1 000
10 000 volume des ventes
Source : BCG.
Non-application des tarifs (2)
183
5927_.book Page 184 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Le jour où les « gros clients » constateront qu’ils ont surpayé de
manière systématique, ils manifesteront leur mécontentement, soit en
réclamant des ristournes encore plus importantes et effectives, soit en
changeant de fournisseur. De telles situations se révèlent souvent à
l’occasion du rapprochement d’entreprises où les conditions de prix
et de paiement obtenues par les clients sont juxtaposées.
Enfin, dans l’exemple ci-dessous on constate que 65 % des contrats
sont conclus en dessous du prix cible et même que 8 % des contrats
sont conclus en dessous de leur prix de revient. Quant à la politique
de ristourne pour les petits comptes, elle est totalement erratique.
Prix effectif en % du prix catalogue
65 % des contrats sont
signés en dessous
de la limite minimum
120
100
80
8 % des contrats sont signés
en dessous de leur coût réel
60
Prix minimum cible
40
Coût moyen des contrats
Coût direct
20
Les ristournes varient très
fortement pour les petits clients
0
0
10
20
30
CA total annuel, en milliers de $
Source : McKinsey.
Non-application des tarifs (3)
Les prix moyens (average pricing)
Bien qu’il existe de multiples différences et possibilités de segmentation entre clients (volume par article, coût du service, besoin ou
non d’une gamme large, besoin de modification du produit de
184
© Groupe Eyrolles
De tels écarts rendent évidemment non lisible le positionnement
choisi par l’entreprise : pour certains clients, il s’agit d’une entreprise
dont le positionnement est la compétitivité ; pour d’autres il s’agit
d’une entreprise dans le positionnement est la différenciation : le
client est alors en droit de s’interroger sur la validité du prix qu’il paye.
5927_.book Page 185 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Gérer activement les prix
base…), de nombreuses pressions internes conduisent souvent les
entreprises à mettre en place un système de coûts moyens ou
d’allocations « standard ».
Elles se facilitent ainsi la vie sur l’évolution de la gamme de
produits, l’allocation des frais généraux et la détermination des
coûts indirects. Elles font plaisir aux commerciaux qui ont la
« gamme complète » de leurs rêves, et elles s’épargnent le coût des
saisies de données fines sur la façon dont évoluent réellement les
coûts en fonction de divers paramètres (longueur de série,
complexité des factures et des supports informatiques, diversification/fonctionnement des approvisionnements, etc.).
Ces systèmes d’allocation conduisent à des coûts moyens, qui
conduisent à leur tour à un système de prix moyens.
Donc certains groupes de clients paient pour d’autres groupes de
clients. Des « prix ombrelle » apparaissent. Certains concurrents en
profitent et gagnent de la part de marché, malgré leur désavantage
de coût au niveau du produit de base.
Prenons le cas (réel) de la société A, qui fournit un équipement médical destiné à
des hôpitaux. Elle perd de la part de marché au profit de la société B, pourtant plus
petite. La société A reste bien dominante dans les nombreux petits hôpitaux de
moins de 50 lits, mais la société B se focalise sur les grands hôpitaux (au moins 300
lits). Certes, la société A, plus grande, garde un avantage de coût de production,
mais sur les grands hôpitaux, la société A calcule son prix de revient avec des
coûts de vente et d’administration (sales, General & Administration, ou SG&A)
moyens. En face, B constate que les coûts de « SG&A » sont très inférieurs par
unité vendue sur les grands hôpitaux et peut ainsi plus que compenser son
désavantage de coût de production en ayant des prix de vente plus bas que A et
conquérir le marché.
Le phénomène est très général et inhérent au système comptable
de la plupart des entreprises qui allouent les coûts indirects en
fonction du volume.
© Groupe Eyrolles
Les guerres de prix
Les guerres de prix sont une déviation parfois volontaire des politiques
de prix. Pourtant, que ce soit à court terme ou à long terme, les guerres
de prix – le recours au mot « guerre » n’est pas neutre – ont presque
toujours des conséquences négatives. Les guerres de prix ne démarrent
pas toujours de manière visible : les prix sont un domaine complexe et
185
5927_.book Page 186 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
souvent peu lisible. C’est ainsi qu’il semble qu’une des guerres de prix
qui a affecté le domaine du pneu aux États-Unis ait démarré à cause de
systèmes de facturation mal interprétés. Si un fabricant de pneus sur la
base d’un prix tarif de 35 dollars fait bénéficier son client d’une réduction liée au volume de 2 dollars et d’un budget marketing de 1 dollar,
le prix net réel est de 32 dollars. Le concurrent qui interprète le prix de
32 dollars comme un prix tarif auquel il applique ses propres ristournes
démarre sans le savoir une guerre des prix.
Dès lors qu’une entreprise commence à baisser ses prix, elle doit
s’attendre à ce que les réductions qu’elle consent soient immédiatement copiées par ses concurrents. À moins que l’entreprise ne
bénéficie d’un avantage de coût de l’ordre de 30 à 40 %, elle sera
perdante ainsi que ses confrères. L’impact d’une baisse de prix sur
la rentabilité est en effet extrêmement fort. Une étude menée par
le cabinet McKinsey sur une moyenne des S&P 1000, c’est-à-dire
les plus grandes entreprises nord-américaines cotées, montre que
si les prix baissent de 1 % et que les coûts et les volumes restent
constants, les résultats d’exploitation baissent de 7 à 8 %. Pour
compenser une baisse de prix de 5 %, sur le même échantillon, il
faut générer un volume supplémentaire de 20 % pour que l’opération soit neutre. D’une manière pratique, il est peu probable qu’un
tel volume soit généré de manière stable à long terme.
Les baisses de prix par ailleurs créent chez les consommateurs des
attentes qui sont coûteuses à soutenir à long terme. Par exemple
l’aller-retour à 199 dollars entre New York et San Francisco proposées par les compagnies aériennes durant la guerre des prix de
l’été 1992 a créé dans l’esprit des consommateurs une référence
inévitable qui subsiste encore des années après.
Une des raisons qui amènent une entreprise à déclencher une
guerre des prix est de faire disparaître les concurrents les plus
faibles. S’il arrive en effet que certains disparaissent, souvent les
capacités qu’ils avaient créées restent. Le secteur aérien en est un
bon exemple : la disparition de Pan Am et d’Eastern Airlines a facilité l’apparition de nouveaux concurrents tels que Kiwi Air et Reno
Air ; en France, la disparition d’Air Lib n’a pas entraîné une diminution des capacités ; celles-ci ont simplement été reprises par
d’autres opérateurs fonctionnant sur une meilleure base de coûts.
186
© Groupe Eyrolles
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
5927_.book Page 187 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Gérer activement les prix
La guerre des prix qui a fait rage sur le marché américain de l’automobile en 20022003 a eu des conséquences négatives pour les producteurs américains. La guerre des
prix a été initiée par General Motors, pour mettre fin à sa perte de part de marché face
aux producteurs japonais. General Motors aussitôt suivi par Ford et Chrysler a initié
des incentives et des rabais de plusieurs milliers de dollars par véhicule. Durant cette
période, les trois grands constructeurs américains ont introduit un nouvel incentive tous
les mois tout en continuant de perdre de la part de marché ; le niveau devenu courant
des incentives est estimé à 3 764 dollars par véhicule en 2002-2003 (soit 14 % du prix
de vente), contre une moyenne historique de 1 500 dollars ; les constructeurs japonais
ont certes eu recours ponctuellement à des incentives, mais ils les ont arrêtés et
continuent de gagner de la part de marché. Le nombre d’acheteurs de voitures
importées qui achetaient auparavant des marques américaines est passé de 500 000
en 1998 à plus de 2 millions en 20021. Les conséquences financières sur les
constructeurs nord-américains sont lourdes : en 2002, Chrysler a gagné 126 dollars par
véhicule vendu, GM 701 dollars, Nissan 2 069 dollars, Toyota 1 214 dollars et Honda
880 dollars2. En 2003, les résultats ne s’améliorent guère : Chrysler perd un milliard de
dollars sur le deuxième trimestre 2003 et renonce à tenir les objectifs annoncés ; GM,
qui prévoyait un résultat de 6 dollars par action au début de 2003, a annoncé quelques
mois après que le résultat serait au mieux de 4,50 dollars par action. Les estimations
pour Ford sont du même ordre de grandeur avec une baisse de 85 cents à 71 cents.
Cette guerre des prix a eu peu de conséquences commerciales, au sens où elle n’a pas
permis de modifier les tendances fortes du marché ; en revanche, les conséquences
financières pour les constructeurs américains ont été lourdes.
© Groupe Eyrolles
Les prix n’ont plus de valeur
D’une façon générale, ce qui compte est d’avoir une politique de prix
voulue (en fonction du positionnement, du marché, de la croissance,
de la concurrence, de la segmentation et de la structure/niveau de
coût…). Quand on « tâte le marché » en début du cycle de vie du
produit ou du service, il convient également d’avoir constamment en
tête le vieil adage empirique (et pas toujours stratégique) qui dit qu’il
est toujours plus facile de baisser les prix que de les monter.
Les errements opérationnels évoqués ci-dessus et d’une manière
plus générale la gestion « gélatineuse » des prix ont considérablement érodé la valeur des prix, notamment dans le domaine de la
grande consommation, où l’on peut constater des écarts considérables pour un même produit :
1.
2.
Source : CNW Marketing Research.
Wall Street Journal Europe du 19 juin 2003.
187
5927_.book Page 188 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Prix d’une paire de tennis blanches
Stan Smith
Sur un site
de ventes privées
45.90 €
Prix le plus bas du vol EasyJet CDGLutton le mercredi 3/2/2010 à 8 h 55
Prix d’un téléviseur Sony LCD
40W5500 (prix comparé sur
75 boutiques en ligne par le
site twenga.fr)
En réservant un mois
à l’avance
85.00 €
En réservant la veille
30.99 €
228.99 €
Prix le plus bas
Prix le plus haut
750.00 €
Prix pour une Peugeot 807 Diesel
Prix de référence
Prix le plus bas
(mandataire Internet)
25 000,00 €
1 441,00 €
Prix le plus haut
(catalogue hors remise)
38 100,00 €
Source : Enjeux-Les Échos, février 2010.
Aujourd’hui, le consommateur peut acheter le produit de plusieurs
manières et à des prix différents. Dans l’habillement, selon
l’Institut français de la mode1, 66 % des Français estiment que les
prix ne veulent plus rien dire. En fait, dans le cas des produits
« périssables » tels que les chambres d’hôtel, les places d’avion, les
voyages, etc. qui ont mis en place des systèmes de yield management, les prix varient substantiellement selon le moment où le
produit est acheté. Mais à la fin du siècle dernier, les compagnies
aériennes publiaient encore leur grille tarifaire un an à l’avance.
Ce phénomène d’instabilité s’est généralisé aux produits ou services
à durée de vie courte (informatique, confection, etc.). Le consommateur a compris que la valeur d’un bien ou d’un service varie selon le
moment où il l’achète. Une partie de la clientèle devient ainsi « accro »
à la recherche de la meilleure affaire. Inversement, quand le consommateur achète un bien ou un service parce qu’il en a besoin et non
parce que c’est la bonne affaire, il risque d’entrer en « dissonance
cognitive ».
1.
Enquête réalisée en octobre 2009.
188
© Groupe Eyrolles
La valeur des prix remise en question (prix en euros)
5927_.book Page 189 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Gérer activement les prix
En fait, la majorité de la clientèle a une attente claire en matière
de prix ; dans le cas de l’acheteur industriel, cette attente est
formalisée. Le consommateur, dont on sait qu’il retient seulement
un nombre limité de prix, a en tête une notion relative des prix
des produits et des marques les uns par rapport aux autres. Une
variation par rapport à cette attente, même si elle est économiquement favorable au client, est souvent déstabilisante, comme l’a
montré l’exemple de Wal-Mart. De même, les exemples Vuitton ou
Burberry ont bien montré que, dès lors que le positionnement est
établi, la flexibilité des prix est faible.
Comme le résume le tableau ci-dessous, la flexibilité sur une
longue période dans le domaine des prix est faible. Ils sont en
effet un vecteur de communication clair et facilement perçu ; dès
lors qu’il y a écart entre le positionnement et le prix, le risque de
dissonance chez le client devient réel.
Niveau de prix relatif
Élevé
Positionnement
Différencié
Banal
Compétitif
Moyen
Bas
Super Premium
Maximisation
du privilège de prix
Privilège
de prix normal
Sous-valorisation
Risque
de dépositionnement
Survalorisation
Risque de mévente
Rapport
qualité/prix
Bonne affaire client
Risque de sousrentabilité
Non-respect
du positionnement
Incohérence
Risque de
dépositionnement
Cohérence avec
le positionnement
À privilégier
À éviter
À proscrire
© Groupe Eyrolles
Flexibilité des politiques de prix
1. Dans le cas d’un positionnement de différenciation, certaines
marques bénéficient d’un privilège de prix (Price Premium) ;
d’autres, rares, bénéficient d’un super privilège de prix (super
Price Premium). Sacrifier ce privilège de prix à court terme pour
189
5927_.book Page 190 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
susciter une augmentation de la demande est extrêmement néfaste
à long terme. Comme l’a montré l’exemple de Louis Vuitton cité
précédemment (cf. page 91), une marque qui ne cède pas aux
pressions du court terme en baissant ses prix renforce sa position
dans l’esprit des clients qui estiment qu’ils n’ont pas été trahis.
2. Dans le cas du positionnement banal, l’argumentaire prix est
plus complexe. En effet, la motivation d’achat est souvent le
rapport qualité-prix ; s’écarter du rapport qualité-prix attendu par
un prix plus élevé dégrade la position ; à l’inverse, offrir un prix
plus compétitif a probablement un impact direct sur la rentabilité.
© Groupe Eyrolles
3. Dans le cas du positionnement de compétitivité, la flexibilité par
rapport au prix de référence du marché est extrêmement faible ;
le client qui choisit un fournisseur sur la base de sa compétitivité
prix est déstabilisé s’il perçoit que le prix augmente : c’est
l’exemple de la modification des symboliques chez Wal-Mart.
190
5927_.book Page 191 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Chapitre 4
VALORISER LA DISTRIBUTION
« L’ouvrier qui veut bien faire son travail doit commencer
par aiguiser ses instruments. »
© Groupe Eyrolles
Confucius
La distribution est un domaine qui a considérablement évolué au cours des
dernières années, sous l’impulsion des nouvelles technologies de l’information et de la communication ; celles-ci ont généré beaucoup d’opportunités,
notamment dans le secteur des services et le marketing B2B.
• Le contact matériel
– La logistique
– Les techniques marchandes de produit
– Les techniques marchandes dans les services
• Le contact humain
– Le contact numérique
• Le contact multicanal
191
5927_.book Page 192 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
La place, c’est au sens étymologique du terme un lieu de
rencontre, d’échange, de contact : une agora. En marketing, c’est
une ressource privilégiée puisque c’est celle qui permet la
rencontre entre le vendeur et l’acheteur. Cette composante de
l’offre marketing comprend deux grands aspects : la gestion du
contact acheteur-vendeur et la distribution physique.
Ce contact peut s’effectuer de différentes manières : dans un lieu
prévu à cet effet, magasins, agences, etc. ; on parlera alors de
contact matériel. Il peut s’effectuer aussi entre personnes, par
exemple dans le cadre d’une négociation entre un acheteur et un
vendeur ; on parlera alors de contact humain. Il peut aussi s’effectuer de manière numérique via un écran. Enfin, il peut s’effectuer
en utilisant une combinaison de ces différents modes de contact.
Matériel
Humain
CONTACT
Électronique
Plusieurs forces économiques sont à l’œuvre pour modifier, d’une
part, le rôle de chacun de ces modes de contact et, d’autre part, le
poids relatif de l’acheteur et du vendeur. On assiste en effet à une
prolifération des besoins du client, à une individualisation de la
demande et du niveau de service, à une diversité accrue des
canaux de distribution et, bien sûr, au poids croissant d’Internet
dans le commerce. Mais on assiste aussi à un renforcement de la
distribution, avec des acteurs disposant d’un pouvoir de négociation élevé grâce, d’une part, à la taille et, d’autre part, à une
meilleure connaissance via les systèmes d’information des besoins
du client. Le rôle d’intermédiaire est mis à mal par le poids crois-
192
© Groupe Eyrolles
Modes de contact acheteur-vendeur
5927_.book Page 193 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Valoriser la distribution
sant d’Internet qui permet à l’acheteur de passer en revue
plusieurs offres, de rechercher le meilleur prix. Ce phénomène se
retrouve aussi bien dans les transactions B2C que dans les transactions B2B qui peuvent se faire par enchères. La nature des magasins change : ils deviennent maintenant espace de vie et
d’événements.
Aujourd’hui, la définition d’une politique de contact doit s’inscrire
dans un cadre évolutif, rester cohérent avec le positionnement et
respecter un certain nombre de principes :
• efficacité : amener au bon endroit, au bon moment et en quantité adéquate les produits appropriés ;
• pertinence : sélectionner les canaux de manière à ce qu’ils traitent les besoins exprimés et latents des clients ;
• couverture : permettre aux clients de trouver et d’apprécier la
valeur de l’offre ;
• performance : s’assurer que les coûts de la distribution sont en
ligne avec le positionnement ;
• adaptabilité : la politique de distribution retenue doit permettre
d’intégrer les nouveaux produits et les nouveaux services et
peut évoluer et prendre en compte les formes émergentes de
distribution.
Le contact matériel
© Groupe Eyrolles
Dans la plupart des cas, les producteurs n’assurent pas la totalité
des étapes de commercialisation et de mise à disposition des
produits. Ils ont recours à des intermédiaires pour couvrir
l’ensemble du processus, comme le montre, dans le cas des biens
de grande consommation, le schéma ci-dessous :
193
5927_.book Page 194 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Consommateurs
Concessions automobiles,
téléphonie mobile
Consommateurs
Nombreux revendeurs
Garages, épiceries
de quartier, textile/
confection
Consommateurs
Sites Internet, porte à porte,
catalogues
Consommateurs
Fabricant
Nombreux revendeurs
Le fabricant
vend au
consommateur
final
Exemples
Biens de grande
consommation
Centrales d’achat
Vente directe
au
consommateur
Grossistes
Le fabricant
vend à
des centrales
ou à des
grands clients
Centrales de distribution
Comptes clés
Catalogue/Web/Vente directe
Le fabricant
vend à
de multiples
revendeurs
contrôlés
Fabricant
Marchés
fragmentés
points
de vente
contrôlés
Fabricant
Le fabricant
vend à
de multiples
revendeurs
indépendants
Fabricant
Marchés
fragmentés
revendeurs
indépendants
Grossistes
Du fabricant
au consommateur
Description
Le recours à des intermédiaires jouant des rôles différents et
complémentaires existe aussi en marketing industriel, où coexistent de multiples cas de figure, comme le montre le schéma cidessous :
194
© Groupe Eyrolles
Exemples de systèmes de distribution B2C
5927_.book Page 195 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Valoriser la distribution
Producteur
Producteur
Producteur
Producteur
Agents
Agents
Distributeurs
industriels
Distributeurs
industriels
ACHETEURS INDUSTRIELS
Exemples de circuits B2B
Ces processus ont connu une évolution considérable au cours des
dernières décennies. Le commerce est en effet passé d’une activité
locale à une activité mondiale : on retrouve aujourd’hui dans de
très nombreux pays les grandes enseignes de distribution alimentaire ainsi que de biens durables. De plus, récemment, les grandes
enseignes spécialisées ont fait évoluer leur offre vers d’autres
secteurs, comme le montre le tableau ci-dessous :
Énergie
•
•
•
•
•
Ikéa
Métro
Karstadt
proMarkt
7/11 Japan
Automobiles
• Casino
• Sainsbury
Assurance
•
•
•
•
Carrefour
Karstadt
Tesco
Auchan
Banques
•
•
•
•
Voyages
•
•
•
•
•
•
Décathlon
El Corte Inglés
Falabelle
Karstadt
Wal-Mart
Carrefour
Nordstrom
Marks & Spencer
Tesco
Auchan
Télécom
•
•
•
•
•
Carrefour
ASDA
Garbarino
Staples
Tesco
© Groupe Eyrolles
Extension des distributeurs vers d’autres lignes de produits/services
Pour le producteur qui commercialise un bien grand public, la question première est
le choix de l’enseigne en cohérence avec son positionnement. Ainsi, le « même
bien » sera présenté dans des enseignes différentes en fonction du positionnement.
L’exemple des jeans qui est présenté ci-dessous montre bien la problématique :
• d’un côté, un jean Diesel vendu dans l’enseigne du même nom ; les produits sont
présentés de manière valorisante ; musique et conseillers à la vente sont présents ;
l’essayage est encouragé dans des cabines ; le prix de vente est supérieur à 200 euros ;
195
5927_.book Page 196 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
• de l’autre côté, un jean sans marque vendu en vrac sur un linéaire, sans essayage
facile et sans aide à la vente ; le prix de vente est inférieur à 50 euros (6 euros en
promotion en GMS).
Jeans chez Diesel
Available styles
Available fabrics
Jeans sans marque
Cohérence du positionnement et de la distribution
Pour être efficace, la distribution doit maîtriser deux aspects du
processus : la logistique et les techniques marchandes. La logistique permet de piloter les flux physiques et financiers et s’appuie
aujourd’hui sur des systèmes informatiques performants et intégrés. Les techniques marchandes permettent d’optimiser l’espace
des magasins et le temps du client.
Ces deux aspects s’appliquent différemment selon qu’il s’agit de
produits purs ou de services purs.
La logistique
La logistique est l’activité qui a pour objet de gérer, d’une part, les
flux physiques d’une organisation, mettant ainsi à disposition des
ressources correspondant aux besoins, aux conditions économiques et pour une qualité de service déterminée, dans des conditions de sécurité et de sûreté satisfaisantes et, d’autre part, les flux
d’informations associés qui sont immatériels.
Fournisseurs
Distributeurs
Points de vente
Flux d’informations
Échange de flux entre fournisseurs et distributeurs
196
Clients
© Groupe Eyrolles
Flux de produits
5927_.book Page 197 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Valoriser la distribution
La gestion de la chaîne logistique (supply chain management) a
intégré très tôt les NTIC afin de maîtriser les flux en temps réel.
C’est sous la pression des industriels que la gestion de la chaîne
logistique est devenue stratégique quand la gestion en juste-àtemps est devenue une exigence. Le juste-à-temps (just-in-time) est
une méthode d’organisation et de gestion de la production, initiée
par les producteurs industriels, qui consiste à minimiser les stocks
et les en-cours de fabrication. Appelée aussi « flux tendu » ou
encore « zéro-délai », la méthode est issue du « toyotisme » ; elle
consiste à minimiser le temps de passage des composants et des
produits à travers les différentes étapes de leur élaboration, de la
matière première à la livraison des produits finis. Cette exigence a
amené les fournisseurs amont à intégrer dans leur processus les
besoins de leurs clients. La relation fournisseur/client ou fournisseur/distributeur n’est plus univoque. Ainsi, la relation fournisseur
distributeur s’est profondément modifiée : d’une part, en partant
des besoins des clients et en déterminant l’approvisionnement en
fonction de cette analyse ; d’autre part, en privilégiant le conseil et
la coopération afin de faire face à l’individualisation des clients et
à la multiplication des références entraînant une grande complexité
des informations à traiter. Dans certaines multinationales commercialisant des biens de grande consommation, cette fonction est
considérée comme essentielle et le responsable de la logistique est
membre du comité exécutif.
© Groupe Eyrolles
Les techniques marchandes de produits
La bataille est gagnée ou perdue au niveau du magasin ; il faut être
le meilleur à attirer l’attention du client et à finaliser la vente dans
le rayon. Pour y parvenir, les grands distributeurs ont recours à des
méthodes élaborées d’organisation des magasins que l’on appelle
le merchandising.
Le tableau ci-dessous présente la mise en œuvre de techniques de
merchandising dans une chaîne spécialisée.
Une des plus performantes techniques marchandes est la gestion
par catégorie ; au lieu de partir de l’organisation des fournisseurs
et de la transposer dans l’organisation des magasins, la gestion par
197
5927_.book Page 198 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Thème
Périodicité de
l’implantation
Produits
concernés
Implantation
Objectif
Best of
Toutes
les semaines
sauf pendant
les opérations
nationales
Trois produits
par rayon
TG
Présenter
les meilleures
ventes
Coin
des affaires
Toute l’année
Tous les vieux
produits
À placer
en sélecteur
au fond de
chaque rayon
Liquider
les vieilles
références
1er prix
Toute l’année
Produits
d’entrée de
gamme (liste
fournie par le
service
produits)
Sélecteur
ou table dans
chaque cible
Indiquer le prix
de référence
Produit du mois
ou Prix défi
Tous les mois
sauf pendant
les opérations
nationales
2 ou 3 produits
dans chaque
rayon
TG
Améliorer
la rotation
des produits
pendant leur
durée de vie
Exemples d’implantation dans une chaîne spécialisée
Le distributeur anglais Tesco y réussit à merveille. Sa priorité absolue est, dans tous
les domaines, le consommateur. La devise est : « Capitalisons sur notre avantage
concurrentiel : un haut degré de service à un prix juste. » Les services sont donc
mesurés, suivis et améliorés en fonction des données de transaction qui
permettent une connaissance fine du client. Tesco capitalise sur deux sources
d’avantage concurrentiel : d’une part, un avantage de coût dû à la taille, mais aussi à
une capacité à sans cesse rendre plus efficaces les opérations ; d’autre part, un
avantage de valeur pour le consommateur, combinant des prix bas liés à des coûts
maîtrisés, mais aussi un service supérieur généré par une offre de formats
multiples, un vaste choix dans chaque format, une qualité de service élevée (pas de
rupture de stock, pas de queue aux caisses). Cette adéquation entre les besoins du
consommateur et l’offre (la bonne gamme au bon endroit au bon prix au bon
moment) est le résultat d’une focalisation systématique sur le client.
198
© Groupe Eyrolles
catégorie consiste à définir des ensembles d’articles correspondant
à des univers du point de vue du client. Cette approche, aussi
connue sous le nom de category management, vise à s’affranchir
des contraintes du fabricant ou du distributeur afin de mieux coller
au comportement du consommateur.
5927_.book Page 199 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Valoriser la distribution
Ainsi, Tesco s’assure :
• que les files d’attente aux caisses sont limitées (jamais plus de trois personnes en
attente quelle que soit l’heure) ;
• que la taille et les « formats » de magasins (Express, Metro, Superstore,
Compact, Extra) répondent à des attentes des consommateurs en phase avec une
segmentation fine permise par des bases de données transactionnelles pertinentes
qui prennent en compte notamment le type de produit acheté, le niveau de
dépenses, la sensibilité aux promotions, l’heure de visite aux magasins, etc., de telle
sorte que, sur un mailing de 10 millions, le nombre de personnes recevant la
même offre est seulement de l’ordre de 20 à 30 ;
• que les marques propres sont segmentées (Good, Better, Best), gérées de
manière dynamique et en phase avec les attentes spécifiques des consommateurs
en termes de prix, de qualité et de nombre. Cette segmentation fine est permise
par des bases de données transactionnelles ;
• enfin que les nouveaux canaux d’accès sont bien utilisés (Tesco.com).
L’utilisation des bases de données permet aussi aux distributeurs
d’intégrer la psychologie des consommateurs dans l’organisation des
magasins. Ils peuvent ainsi segmenter leur clientèle par groupes typologiques et déterminer un panier qui répond aux attentes des clients.
Par exemple, les consommateurs qui achètent du Nutella sont moins
regardants sur les prix et recherchent plus de produits de grandes
marques, tout en étant friands de promotions de grandes marques. À
l’inverse, les clients sensibles aux prix concentreront leurs achats sur
des produits à prix bas et des marques distributeurs.
Une technique marchande nouvelle, mais qui se développe fortement est celle des magasins éphémères. Une enseigne de magasins éphémères s’est même créée sous le nom de Chronostock.
Ces points de vente peuvent être multimarques ou monomarques.
Ils sont ouverts pendant des périodes courtes (un à six mois)
parfois dans des lieux désaffectés ou en attente de rénovation et
sont destinés à attirer l’attention d’une clientèle.
© Groupe Eyrolles
Les techniques marchandes dans les services
Les services ont connu une évolution considérable au cours des
dernières décennies ; d’une part, ils sont devenus la partie prédominante du PNB ; d’autre part, le mode de distribution des services qui
tardait à évoluer est aujourd’hui en pleine révolution. Qu’il s’agisse
des bureaux de poste, des agences bancaires ou d’assurance,
199
5927_.book Page 200 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
on observe aujourd’hui l’apparition de points de contact dans
lesquels le mot « guichet » est banni. En analysant les flux au sein
des points de vente de services, les entreprises ont distingué les
besoins transactionnels pouvant être effectués de manière automatisée par le client lui-même des besoins de conseil qui requièrent
une interaction avec un conseiller commercial. Le résultat de ces
analyses est l’organisation des lieux en différents espaces selon les
besoins. Le schéma ci-dessous présente une architecture de lieu
résultant de cette approche :
1
1. À l’extérieur de l’agence
Encourager l’entrée dans l’agence
Améliorer la visibilité de l’offre
Visite service/opérations
Entrée de l’agence
2
3. File d’attente, transaction
Assurer la qualité de service
Utiliser le temps d’attente
pour faire connaître les produits
Encourager les clients à faire
des parrainages
Moment de vérité
du service
3
Zone de vente
et de conseil
Service et ventes
Sortie de l’agence
Zone d’aide et
d’orientation
4
Zone de transaction
5. Départ de la banque
Créer une impression favorable
à la fin de visite
Communiquer des informations
sur les produits additionnels de
la banque
2. À l’entrée de l’agence
Identifier les clients en fonction
de leurs besoins et les orienter :
transactions (interactions,
self-service), résolution
de problèmes
Rendez-vous conseil/vente
4. Attente de l’entretien
Minimiser le temps d’attente
Communiquer des informations
sur les autres produits
de la banque
5
Source : McKinsey, Quaterly.
Exemple d’organisation d’agence bancaire
Le contact humain
La plupart des firmes sont dotées de forces commerciales. Leur
rôle est d’interagir soit directement avec l’acheteur (par exemple,
les conseillers commerciaux dans une banque ou l’acheteur indus-
200
© Groupe Eyrolles
Le Crédit Foncier est allé plus loin en créant un Megastore baptisé
« Foncier Home » de 1 500 m sur quatre étages. Les clients sont
accueillis par 30 collaborateurs qui proposent l’ensemble des solutions et des conseils, facilitant la réalisation et la compréhension
de leur projet immobilier.
5927_.book Page 201 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Valoriser la distribution
triel dans une grande entreprise), soit indirectement quand un
représentant commercial négocie avec un intermédiaire (par
exemple, avec une centrale d’achat ou avec un grossiste). La firme
doit veiller au bon dimensionnement de sa force de vente : charge
de travail, besoin de visiter différents types de clients et de prospects, découpage des secteurs selon des critères géographiques,
de clients, de gamme de produits. Elle doit définir les qualités à
rechercher pour ses commerciaux et s’assurer de leur bonne
formation et, bien entendu, mettre en place les indicateurs de
performances cohérents avec sa politique.
Pour optimiser les performances de leur force commerciale, les
entreprises ont recours à différents types d’organisation comme le
montre le schéma ci-dessous :
Types d’organisation
Critères de décision
Géographique
– Produit standard, mais importance
des caractéristiques/culture/normes locales
Produit
– Produits complexes
– Gammes de produits variées et spécifiques
Client
– Méthodes d’achat différentes
– Clients très importants
Exemples d’organisation des forces de vente
© Groupe Eyrolles
La gestion des forces de vente a été riche en évolutions et révolutions au cours des dernières décennies. En effet, les coûts associés
sont extrêmement importants et toutes les études montrent qu’il y
a des zones d’inefficacité importantes dans la mesure où le temps
effectif consacré à l’échange avec l’acheteur est mineur comparé
aux autres tâches qui sont demandées aux commerciaux. Dans le
graphique ci-dessous qui concerne la commercialisation de biens
industriels, un tiers du temps de la force commerciale est consacré
à des tâches non commerciales :
201
5927_.book Page 202 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Suivi des clients
12 %
Tâches
administratives
17 %
Appels et ventes
téléphoniques
21 %
Vente en face à face
30 %
Attente/voyages
20 %
Le rôle des forces commerciales est aussi en très forte évolution.
Traditionnellement, le commercial était un travailleur solitaire à
qui l’on demandait de bien maîtriser les techniques de vente en
face à face et de bien connaître les caractéristiques du produit et
ses applications. Sa place dans l’ensemble de l’organisation était
limitée. Aujourd’hui, face à l’individualisation croissante des
produits et services et aux besoins mutuels d’information, on
attend du vendeur qu’il soit plus un orchestrateur capable
d’apporter des solutions aux besoins explicites ou implicites du
client tout en maintenant un contact à long terme. Le passage de
la vente traditionnelle à la vente relationnelle et ses conséquences
est présenté dans le tableau ci-contre.
Cette évolution n’est naturellement pas terminée et on peut anticiper que la pleine mesure des systèmes d’information fera évoluer
le rôle des commerciaux à celui d’experts. C’est d’ores et déjà le
cas dans le monde industriel. En effet, le fort développement des
outils de gestion de la relation client (GRC ou CRM pour Customer
202
© Groupe Eyrolles
Répartition du temps des commerciaux
5927_.book Page 203 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Valoriser la distribution
Vente traditionnelle
Vente relationnelle
Travailleur solitaire
Orchestrateur stratégique consultant
Allié à long terme
Rôle clé dans l’activité de l’acheteur
Implication
des participants
Minimum de l’acheteur
Maximum du vendeur
Élevé de la part des deux
participants
Information
Du vendeur à l’acheteur
Bidirectionnelle
Caractéristiques produit et
applications
Capacité d’apporter une solution
aux besoins implicites ou explicites
Techniques de vente
face à face
Idem mais surtout écoute active
Résolution de problème
Construction et animation d’équipe
Très faible
Faire un coup et passer
au suivant
Contact maintenu pour s’assurer
de la performance à long terme
Rôle
Objet
des interactions
Compétences
requises
Place du vendeur
dans la phase
post-achat et
installation
© Groupe Eyrolles
Caractéristiques de la vente traditionnelle et de la vente relationnelle
Relationship Management) permet d’optimiser la relation avec le
client dans trois directions :
• le client dispose de plus de contact avec la firme, notamment
par l’intermédiaire de son site, d’un accès privilégié à certaines
informations ainsi que d’un accès codé à son compte ;
• la firme dispose de plus d’informations sur le client, notamment
en collectant et en analysant toutes les données fournies par les
commerciaux et par les transactions, ainsi que les données
récoltées à travers différents outils tels que les call centers, les
newsletters, les cartes de fidélité/paiement ;
• la convergence de ces deux aspects laisse une plus grande place
à la personnalisation. L’ensemble complet d’informations collectées sur la clientèle et les prospects peut être ensuite exploité
de manière à leur proposer des offres en correspondance avec
leurs attentes. Il en résulte une relation continue entre le client
et la firme qui permet de prendre en compte l’évolution des
besoins des deux protagonistes.
Ainsi, la gestion de la relation client permet de repérer les clients
les plus intéressants en se fondant sur des méthodes de scores et
de les retenir par une individualisation des relations et des
programmes de fidélisation.
203
5927_.book Page 204 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Dans le monde industriel, la relation client et l’organisation commerciale reflètent la segmentation. Ainsi, comme le montre l’exemple cidessous dans le domaine de la métallurgie, le client clé va bénéficier
d’un traitement particulier, avec un directeur de compte clé, une
équipe dédiée et un ensemble de services personnalisés.
Vente
Service
Support technique
Marketing
Planification de la
demande
Comptes clés
Clients régionaux
Clients locaux
– Manager compte
clé et équipe dédiée
– Relation régionale
– Coordination au
sein du segment
Relation locale
– Immédiat
– Individualisé
– Sur mesure
– Progressif
– Offre catalogue
avec options
Pas d’engagement
de service
Sur mesure
– Offre standard
– Support limité
– Offre standard
– Pas de support
Centré sur le client
Au niveau du
segment
Au niveau du
segment
– Réservation de
capacité
– Planning détaillé
– Réservation de
capacité
– Planning
statistique
Pas de réservation
de capacité
Segmentation et relation clients
C’est évidemment la grande révolution de ces dernières années aussi
bien en B2C qu’en B2B. Aujourd’hui, vêtements, produits culturels,
informatique, multimédia, voyages, transports, hôtellerie, mobilier,
électroménager, jouets, fleurs, bijoux, cadeaux, produits chimiques
standard, matériel de bureau, petite métallurgie, etc. sont vendus par
Internet. Les motivations mises en avant par les acheteurs sont principalement le gain de temps, la facilité d’achat et la disponibilité
24 heures sur 24. Les principaux freins à l’achat en ligne sont la
nécessité de voir le produit, la crainte de payer en ligne, les délais et
les frais de livraison ainsi que la peur de ne pas recevoir le produit.
La plupart des sites offrent deux types de fonctionnalité : l’information et la transaction.
Dans le monde industriel, le développement des plateformes B2B
a été spectaculaire, comme le montre le graphique ci-dessous :
204
© Groupe Eyrolles
Le contact numérique
5927_.book Page 205 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Valoriser la distribution
Milliards de $
7,5
Taux moyen de croissance
annuelle : 52 %
6,0
6,4
4,9
4,5
3,6
3,0
2,3
1,4
1,5
0,8
0,0
0
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Champ d’action
Source : US Department of Commerce, IDC.
© Groupe Eyrolles
La croissance des plateformes B2B
Sont apparues de nombreuses places de marché virtuel, intégrant
les deux fonctionnalités : informations et transactions ; ces places
de marché ont modifié en profondeur le travail des commerciaux
et des services d’achat des entreprises car, notamment pour les
produits « standardisés » ou normés, le passage par une place de
marché est devenu courant.
Dans le monde B2C, la croissance des plateformes a été aussi
spectaculaire, quoique inférieure à celle du B2B, comme le montre
le schéma ci-après.
Certaines firmes ont su capitaliser sur cette croissance en modifiant
leur approche traditionnelle de la distribution.
Tel est le cas de La Redoute qui, tout en maintenant son catalogue
papier traditionnel, est devenue le leader des sites d’e-commerce
en France avec plus de 11 millions de visiteurs par mois, devant
des plates-formes d’échange tel qu’eBay ou PriceMinister. Mais
cette approche multicanal a obligé l’entreprise à une remise en
cause importante ; alors que le catalogue imprimé – symbole de
l’entreprise – propose deux collections par an, le site s’est adapté
au rythme du Web et propose une dizaine de collections par an.
Comme le souligne sa directrice générale : « Nous nous sommes
adaptés au rythme du Web, comme à celle des marques textiles
205
5927_.book Page 206 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Milliards de $
900
Taux moyen de croissance
annuelle : 38 %
800
759
700
580
600
500
430
400
307
300
216
200
150
100
0
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Champ d’action
La croissance des plateformes B2C
populaires qui renouvellent régulièrement leur offre1 », en faisant
référence à Zara ou H&M. Ainsi, l’entreprise réalise 74 % de son
chiffre d’affaires en ligne contre 7 % en 2000.
Réussir la commercialisation par un site Internet suppose de
maîtriser plusieurs étapes :
• information sur le produit : présentation de la gamme ;
• informations sur les disponibilités, réservation des produits,
commande ;
• transactions : facturation et paiement en ligne ;
• livraison : téléchargement et suivi ;
• service après-vente : action fidélisation, service après-vente, réclamation.
Faute d’avoir maîtrisé ces différents aspects, de nombreux sites
commerciaux ont disparu.
La plupart des firmes utilisent tout ou partie des points de contact
possible (matériel, humain, numérique) et mettent en place des
1.
Les Échos, novembre 2010.
206
© Groupe Eyrolles
Le contact multicanal
5927_.book Page 207 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Valoriser la distribution
approches « multicanal ». En effet, la complémentarité entre les
différents réseaux est réelle :
• partage des coûts : communication, achat, logistique, gestion
des stocks ;
• complémentarité sociologique et géographique de clientèle ;
• complémentarité de produits : complexité des produits, nécessité de toucher et de voir ;
• complémentarité de situation d’achat : premier achat et réachat.
Ainsi, c’est le client qui choisit le mode de distribution le plus
approprié à son besoin, comme le montre le schéma ci-dessous :
Web & Email
Centred’appels
Information
clients
CLIENTS
Face à face
Back Office
Magasins ou agences
© Groupe Eyrolles
Distribution multicanal
Mais pour le producteur, tout n’est pas si simple ; en effet
s’instaure alors une concurrence entre la distribution physique et
la distribution en ligne ainsi qu’une concurrence entre le fabricant
et le distributeur.
Les coûts des deux systèmes n’étant pas équivalents, on peut
observer des écarts significatifs de prix pour le même produit entre
les modes de distribution : un consommateur va acheter un produit
à la Fnac, dans un magasin qui est en concurrence avec d’autres
magasins ; il le paye un prix X. Mais Fnac.com, qui est en concurrence avec Amazon ou un site spécialisé proposant un prix différent, doit-il s’aligner sur le magasin Fnac ou sur le site concurrent ?
207
5927_.book Page 208 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
© Groupe Eyrolles
De même, la cohabitation de deux systèmes de distribution crée
une concurrence entre eux : le client de la banque a ouvert un
compte près de son lieu d’habitation ; il décide d’acheter une résidence secondaire dans une autre région et entre dans une agence
de la même banque proche de sa nouvelle future résidence pour
y négocier un prêt ; est-ce le conseiller commercial de l’agence
proche de sa résidence principale qui doit suivre l’affaire et, le cas
échéant, toucher une prime ou est-ce le conseiller commercial de
l’agence proche de sa résidence secondaire ?
208
5927_.book Page 209 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Chapitre 5
INTÉGRER
LA COMMUNICATION
« Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours. »
© Groupe Eyrolles
Napoléon
Ce long chapitre passe en revue tous les aspects de la communication, un
domaine qui a aussi beaucoup évolué avec le développement des NTIC.
• Le positionnement
• Le sens
• La marque
• La cible
• Les moyens de communication
– La publicité
– La promotion des ventes
– Le packaging
– Les relations publiques
– Le marketing direct et la communication en ligne
– L’échange humain
– L’échange numérique
• La communication intégrée
209
5927_.book Page 210 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Une personne dans un pays développé reçoit par jour 800 mots,
2 000 images et 20 000 stimuli visuels d’ordre commercial ou publicitaire. Sur l’ensemble de ces publicités, elle ne se souvient spontanément que d’une seule, et, si on lui en suggère, elle se souvient au
mieux de 10 stimuli. Ne faites pas lire cette information à votre
contrôleur de gestion car il vous dira immédiatement de diminuer
votre budget de communication ; vous pourrez lui répondre par le
mot bien connu d’un publicitaire : « Je sais bien que la moitié de mon
budget ne sert à rien, mais je ne sais pas laquelle. »
Le quatrième P des quatre P du marketing mix est l’initiale de
« promotion », un mot bien insuffisant pour décrire ce qu’est la
communication. La communication d’une entreprise, c’est l’ensemble
des informations des messages et des signaux de toute nature qu’elle
émet en direction de ses publics cibles : clients, consommateurs, prescripteurs, actionnaires, salariés, pouvoirs publics, non-clients, prospects, etc. Pour y parvenir, l’entreprise utilise de très nombreux
vecteurs de communication (publicité, relations publiques, promotions, site Internet, marketing direct, etc.) afin de faire connaître sa
marque, son produit, son service. Dans la perspective marketing où
s’inscrit le P de « promotion », n’est pas prise en compte la communication institutionnelle et financière qu’une entreprise peut mener
auprès de ses actionnaires ou du grand public.
La problématique est donc posée : beaucoup d’objectifs, beaucoup d’outils, beaucoup de cibles, et des horizons de temps variables… et peu de moyens de mesure. Tout communique !
Chacun des outils est plus ou moins efficace selon les objectifs, la
cible, le produit ou le service, le contenu du message. Il est donc
nécessaire de prendre du recul et d’avoir une vue d’ensemble de
la communication de l’entreprise avec un double objectif :
• s’assurer de la cohérence de la communication avec le positionnement de l’entreprise ainsi que de la cohérence entre les différents outils de communication utilisés ;
• s’assurer de la pertinence de cette communication, à savoir de
son adéquation avec les attentes de sa cible.
Pour s’assurer du double objectif cohérence/pertinence, il convient
d’analyser toutes les composantes de la communication du positionnement de l’entreprise jusqu’aux indicateurs et mesures.
210
© Groupe Eyrolles
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
5927_.book Page 211 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Intégrer la communication
Cible
Sujet
Communication
Médias
Objectifs
Horizon de temps
Horizon de temps
Horizon de temps
Horizon de temps
La problématique de la communication
© Groupe Eyrolles
Le positionnement
Rappelons les mots de Jack Welch, emblématique président de
General Electric pendant de nombreuses années : « Mon conseil en
matière de positionnement stratégique, c’est de rechercher la débanalisation ; acharnez-vous à proposer des produits et services qui
se distinguent des autres et les clients seront attachés comme par de
la colle ; certes il y a des entreprises qui sont capables de l’emporter
en jouant sur les leviers de coûts et de services dans une ambiance
extrêmement compétitive comme Dell ou Wal-Mart, mais c’est vraiment difficile, on n’a pas le droit à l’erreur. »
Il y a donc deux types de positionnement choisi – le positionnement de compétitivité et le positionnement de différenciation – et
un type de positionnement subi – celui de la banalisation.
L’objectif de la communication est de créer et de renforcer la perception qu’a le client du positionnement retenu. Si le positionnement
retenu est celui de la différenciation, la communication aura pour
objectif de mettre en avant, de manière rationnelle ou émotionnelle,
ce qui crée la différence. Si le positionnement est celui de la compétitivité, l’objectif est simple et limité : faire en sorte que le client
perçoive que le prix est le plus compétitif. Dès que cette perception
est altérée pour une raison ou pour une autre, le client est déstabilisé
211
5927_.book Page 212 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
et modifie son comportement d’achat. Rappelons les mésaventures
répétées de Wal-Mart suite à une modification de sa communication :
les clients se sont rendu compte que quelque chose changeait et ont
cru que les prix étaient moins compétitifs. Ils ont généralisé ce constat
à l’ensemble du magasin qui a connu une baisse de fréquentation et
une érosion du chiffre d’affaires. La cohérence et la constance sont
donc critiques : la marge de manœuvre est étroite.
Le sens
En théorie, tout est simple : un émetteur envoie un message à un
récepteur qui le reçoit. Dans la réalité, beaucoup d’interférences
interviennent autour de ce message : la manière dont il est
exprimé ou codifié, le véhicule utilisé pour le transmettre, la
manière dont le récepteur le décode et l’interprète. Or, le « décodage » n’est pas le même pour tout le monde.
La « théorie des deux cerveaux », lancée dans les années 1970 par trois
neurologues de l’université de Harvard, Geschwind, Levitsky et Galaburda, a largement popularisé l’idée que chaque hémisphère cérébral
joue un rôle particulier : on parle de « latéralisation » du cerveau.
Émetteur
Codage
Message
médias
Décodage
Récepteur
Bruit
Réponse
Feedback
L’hémisphère gauche est considéré comme le spécialiste du langage
et de la pensée rationnelle. De son côté, l’hémisphère droit est vu
comme le siège de la représentation de l’espace et des émotions.
212
© Groupe Eyrolles
Émission, réception et bruit
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Intégrer la communication
Malgré des bases expérimentales modérément étayées, cette
théorie a séduit beaucoup de monde car elle est simple et cristallise une représentation bipolaire du monde. On ne s’étonnera pas
qu’elle soit devenue le creuset de toutes sortes de spéculations
plus ou moins mystiques. Nombreux sont les communicants qui
ont exploité le filon symbolique des deux cerveaux, présentés
comme le yin et le yang. À gauche, le langage, la raison, l’esprit
d’entreprise et tout ce qui représente les valeurs de l’Occident. À
droite, la perception de l’espace, l’affectivité, la contemplation et
les valeurs de l’Orient et de l’Asie.
Cerveau gauche
Pensée
Expression
Mémoire
Cerveau droit
Analytique
Linéaire
Logique
Rationnel
Parcellaire
Successif
Séquentiel
Convergent
Déductif
Abstrait
Objectif
Sensible aux différences
Vertical
Synthétique
Spatial
Analogique
Intuitif
Global
Simultané
Multiple
Divergent
Inductif
Concret
Subjectif
Sensible aux ressemblances
Latéral
Verbal
Explicite
Actif
Parler
Compter, écrire
Non-verbal
Tacite
Réceptif
Faire des gestes
Dessiner, chanter
Griffonner
Mots
Nombres
Parties
Éléments
Noms
Images
Modèles
Tout
Ensemble
Visages
© Groupe Eyrolles
Cerveau gauche – cerveau droit
Le sens et la nature de la communication doivent donc prendre en
compte le comportement du décideur d’achat en fonction du
produit ou du service considéré. Or, aucun être humain n’est
100 % hémisphère droit ou 100 % hémisphère gauche ; chacun va
213
5927_.book Page 214 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
© Groupe Eyrolles
pondérer d’une manière qui lui est propre le caractère rationnel et
l’implication émotionnelle.
En croisant ces deux facteurs, on va obtenir quatre types de
communication correspondant à des situations spécifiques :
• communication explicative : lorsque la rationalité de la décision
est forte et l’implication émotionnelle élevée, la communication
devra expliquer, éventuellement avec du texte ou avec des
témoignages. Ce type de communication va être particulièrement adapté aux services financiers, à des équipements ménagers lourds, à des médicaments, à l’automobile, etc. ;
• communication évocationnelle : forte implication personnelle
mais faible rationalité de la décision vont militer pour une
communication douce, subtile, indirecte, au second degré. Ce
type de communication sera plus particulièrement pertinent
dans le domaine de la mode, des parfums, des cosmétiques, du
champagne, de certains types de voyages, etc. ;
• communication complice : faible rationalité de la décision et
faible implication personnelle suggèrent une communication
visuelle en forme de clin d’œil : une communication complice
correspond à des produits tels que certaines boissons, des
surgelés, des cigarettes, des biscuits, de la bière, etc..
• communication démonstrative : forte rationalité de la décision
mais faible implication émotionnelle, elle propose une communication mettant en avant de l’information, des témoignages, des
faits et des chiffres. Elle est pertinente pour des détergents, des
shampooings, des insecticides, etc.
Certes, cette approche « quatre cases » présentée ci-dessus a le
mérite de réduire le risque d’une communication totalement
inadaptée à son produit et à sa cible. Mais il est bien sûr présomptueux et limitatif de réduire la communication à quatre cases :
certaines marques ont une capacité à créer des communications
« décalées » par rapport à leur univers théorique, comme le montre
dans l’étude ci-dessous le positionnement de marques telles que
214
5927_.book Page 215 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Intégrer la communication
Elevée
Limitée
Implication
et émotion personnelles
Rationalité de la décision
Forte
Faible
COMMUNICATION EXPLICATIVE
Texte
Explication
Témoignage
COMMUNICATION ÉVOCATIONNELLE
Douce
Subtile
Indirecte
Second degré
COMMUNICATION DÉMONSTRATIVE
Faits
Chiffres
Information
COMMUNICATION COMPLICE
Visuelle
Clin d’œil
Comportement du décideur d’achat et nature de la communication
BMW, Lexus ou Audi qui scorent à la fois sur les axes « raison » et
« émotion » contrairement aux autres marques. Avec une
campagne centrée sur « la joie », BMW cherche à accentuer encore
plus la composante émotionnelle de sa communication :
Raison
100
90
80
Lexus
Mercedes-Benz
70
Toyota
60
Volkswagen Volvo
Honda
Skoda
Subaru
Smart
Saab
Mitsubishi
Opel
Mini
Jeep
Renault Ford
Citroën
Mazda
Hyundaï
Jaguar
Peugeot Lancia LandRover
Kia
Suzuki
Chrysler Seat
Fiat
50
40
30
20
10
Audi
BMW Porsche
Alpha-Romeo
0
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
Émotion
Source : Auto Motor Sport 2007.
© Groupe Eyrolles
Images des marques vues par les propriétaires d’automobile en Allemagne
215
5927_.book Page 216 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
La marque
1.
Interbrand est un cabinet qui calcule la valeur des marques à partir du
moment où l’entreprise propriétaire publie ses données économiques et
financières. La marque doit être présente sur au moins trois continents et
réaliser au minimum 30 % de son chiffre d’affaires à l’export et être connue
du grand public. Dans la valorisation, sont pris en compte des critères tels
que la performance financière, l’influence de la marque sur la décision
d’achat, sa force sur son marché et une évaluation de ses revenus futurs.
216
© Groupe Eyrolles
La marque a une première fonction d’identification et de facilitation de la reconnaissance ; cette fonction est atteinte grâce à une
signalétique identificatrice. La deuxième fonction de la marque est
celle de l’assurance. En apportant une réassurance sur le produit
et sur soi-même, elle vise à supprimer le risque perçu. Elle est
donc un actif, construit sur deux dimensions fondamentales :
• une dimension rationnelle et/ou fonctionnelle ;
• une dimension émotionnelle et/ou symbolique.
La notion de marque est souvent associée à des biens de grande
consommation, mais les marques industrielles sont extrêmement
présentes dans les hit-parades des marques les plus valorisées.
Dans le palmarès 2010, des grandes marques mondiales publiées
par Interbrand1, figurent sept marques grand public (Coca-Cola,
Google, McDonald’s, Disney, Gillette, Vuitton, Marlboro), cinq
marques industrielles (IBM, Microsoft, General Electric, Intel,
Cisco), et des marques mixtes (Nokia, Hewlett Packard, Toyota
Mercedes-Benz, BMW, Apple, Samsung, Honda). La valorisation
des marques varie de 71 milliards de dollars pour Coca-Cola à
presque 20 milliards pour la vingtième marque : Honda. Dans le
cas de Coca-Cola, cette valorisation représente plus des deux tiers
de la capitalisation boursière.
La valorisation des marques industrielles est logique car supprimer
le risque lors d’un achat industriel est un objectif majeur. En influençant directement les utilisateurs d’ordinateurs, Intel a fait pression
sur ses propres clients afin qu’ils utilisent les produits, selon la
formule : « Vous pouvez faire du client de votre client un allié. »
Les marques sont nées du besoin d’identifier l’origine d’une fabrication ; elles sont donc très anciennes. La marque Nestlé est née
en 1867 quand Henri Nestlé a créé la farine lactée. La marque
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Intégrer la communication
Pernod date de 1850. Elle simplifie le processus de choix du client
qui mémorise à partir du nom des informations et des perceptions.
L’indicateur de cette mémorisation est la notoriété qui se mesure
à trois niveaux, comme le montre le graphique ci-dessous :
TOP OF MIND
Marque immédiatement
présente à l’esprit
NOTORIÉTÉ SPONTANÉE
Marque présente à l’esprit
NOTORIÉTÉ ASSISTÉE
Marque reconnue
Marque inconnue
Pyramide de la notoriété de la marque
© Groupe Eyrolles
• la notoriété « top of mind », ou notoriété spontanée de premier
rang, est celle qui obtient le plus de citations spontanées et en
premier lieu auprès d’un échantillon représentatif ;
• la notoriété spontanée mesure le score de citations obtenues
pour les marques citées spontanément au moins une fois ;
• la notoriété assistée mesure le nom de citations obtenues pour
les marques présentées sur une liste à cet échantillon.
Par exemple, la notoriété de Coca-Cola auprès des adultes en
France est de 43 % en « top of mind », de 90 % en notoriété spontanée et de 100 % en notoriété assistée ; pour Schweppes, elles
sont respectivement de 6, 53 et 97.
La valeur d’une marque ne se détermine pas qu’à sa notoriété. Elle
a une personnalité et donne un sens à la relation existant entre le
client et la marque. Elle est une assurance pour le client à qui elle
garantit un certain nombre de critères : il s’agit d’un contrat moral,
le client sait à quoi s’attendre. Elle est représentative du positionnement de l’entreprise. La marque est chargée de mission.
Avec leur arrogance du début des années 2000, les « mégamarques » mondiales s’adressaient à un citoyen global, elles apprennent aujourd’hui à partager leur pouvoir, ayant admis qu’elles
n’avaient plus le monopole de la prise de parole. Grâce à Internet,
la communication interactive est passée par là. Les entreprises
constatent que leur marque est en « copropriété » avec leurs
217
5927_.book Page 218 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
clients : « Nous sommes dans un monde où rien n’est jamais
acquis ; nous devons réinventer nos marques en permanence. Les
consommateurs sont bombardés par 3 000 messages promotionnels par jour ! Pour faire la différence, il faut remporter le premier
moment de vérité dans les rayons des magasins. Et le deuxième lors
de l’utilisation du produit », déclare Alan G. Lafley CEO
Procter&Gamble. En fait, selon Russ Klein, directeur marketing de
Burger King, l’important n’est pas ce que dit la marque, mais ce
que les gens disent de la marque.
La communication s’adresse à plusieurs cibles :
• l’acheteur(euse) : c’est la personne qui effectue l’achat
physique. Dans le domaine des biens de grande consommation,
c’est la maman qui achète des couches pour son bébé ; dans le
domaine des biens industriels, c’est l’acheteur mandaté par son
comité des achats qui met en œuvre la décision ;
• le décideur ou la décideuse : c’est la personne qui décide de l’achat ;
• l’influenceur(se)/prescripteur(trice) : la personne qui influence
le choix final du décideur. Dans le domaine des biens de grande
consommation, c’est le pédiatre qui recommande à la maman tel
ou tel type d’aliments pour bébés ; dans le domaine industriel,
les influences sont nombreuses, qu’il s’agisse de membres du
réseau interne de l’entreprise ou du réseau externe d’influence ;
• l’utilisateur(trice) : la personne qui utilise effectivement le
produit ou le service. Dans le domaine des biens de grande
consommation, ça peut être le bébé qui mange sa bouillie ; dans
le domaine industriel, ça peut être le chef d’atelier qui utilise le
pigment bleu.
Pour chacune de ces cibles, l’analyse doit être affinée et les
comportements bien identifiés pour mettre en place la communication la plus pertinente en utilisant les médias adaptés.
La définition précise des cibles a beaucoup évolué ces dernières
années, parallèlement au développement d’Internet, les méthodes
d’analyse et de ciblage permettant de recueillir les données sur le
comportement des internautes et de définir très finement les cibles.
218
© Groupe Eyrolles
La cible
5927_.book Page 219 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Intégrer la communication
Les moyens de communication
Ceux-ci peuvent être classés en deux grandes catégories ;
• d’une part, les moyens qui créent un contact unidirectionnel tel
que la publicité, la promotion des ventes, les relations publiques
ou le marketing direct ;
• d’autre part, les moyens qui créent un contact interactif tel que
le contact humain ou le contact numérique.
Contact unidirectionnel
Codage
Émetteur
Message
médias
Décodage
Récepteur
Décodage
Récepteur
Contact interactif
Codage
Émetteur
Message
médias
Nature des contacts
La publicité
Elle a pour objectif de faire connaître (notoriété) un produit, un
service ou une entreprise, de susciter un certain comportement et/
ou de soutenir l’image de la marque, du produit ou de l’entreprise.
Elle utilise des médias tels que la télévision, le cinéma, la radio, la
presse, l’affichage et Internet. Elle s’adresse à des cibles larges
dans une optique de moyen à long terme.
La première étape de la démarche publicitaire consiste à définir la
« copie stratégie » dont les principaux éléments sont rappelés dans
le tableau ci-dessous :
Qui ?
Quelle est la cible à convaincre ?
Notoriété, faire aimer, modifier ou améliorer l’image,
faire agir, lever un frein…
Pourquoi ?
© Groupe Eyrolles
Contre qui ?
Concurrent, leader, code du secteur…
Quelle promesse ?
Avantage ou bénéfice pour le client.
Quelle justification ?
Quel ton ?
Démonstration, caution…
Atmosphère, sérieux, humour, scientifique…
Éléments de la copie-stratégie
219
5927_.book Page 220 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Ces éléments seront rassemblés dans le brief agence, à partir
duquel l’agence de communication concevra la campagne autour
de deux axes : l’élaboration des messages (création publicitaire,
production des annonces…) et le choix des canaux de communication. L’agence va sélectionner au sein des médias disponibles
(presse nationale, presse quotidienne régionale, presse magazine,
TV, radio, affichage, cinéma…) les médias les plus appropriés :
c’est la stratégie média. Ensuite, l’agence produira le plan média et
procédera directement ou indirectement à l’achat d’espace.
Lors d’une deuxième étape, on va définir le niveau d’action publicitaire, les objectifs publicitaires et les méthodes de mesure :
Niveau de l’action
publicitaire
Objectifs publicitaires
Indice et méthodes de mesure
Connaissance
(cognitif)
– Faire connaître une marque.
– Faire connaître les bénéfices
procurés par un produit ou une
marque.
– Score d’impact brut prouvé
– Mémorisation.
– Notoriété spontanée, assistée.
– Reconnaissance de
caractéristiques.
Affectif
– Faire apprécier les bénéfices
procurés par un produit ou une
marque.
– Rendre sympathique une
marque.
– Susciter une préférence
globale pour la marque.
– Évolution ponctuelle d’image de
marque, échelle d’attitude, tests
projectifs.
– Étude baromètre d’image,
évolution dans le temps des
scores d’image de marque.
Comportement
(conatif)
– Inciter la cible à acheter la
marque ou le produit.
– Faire vendre le produit ou la
marque.
– Modifier un comportement.
– Suivi du taux d’essai et de
rachat.
– Suivi de la part de marché.
– Panels, marché test.
– Comptage de coupons-réponse.
La fragmentation continue des médias de masse a complexifié
l’utilisation de la publicité ; de 1950 à 1980, le nombre de chaînes
de télévision disponibles aux États-Unis était inférieur à 10 et le
nombre de chaînes réellement vues était du même ordre.
Aujourd’hui, le nombre de chaînes de télévision disponibles par
foyer a explosé : plus de 100 ; en revanche, le nombre de chaînes
réellement vues n’a que faiblement progressé et s’établit autour de
220
© Groupe Eyrolles
Objectifs et méthodes de contrôle de la publicité
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Intégrer la communication
10. Un spécialiste de la grande consommation comme
Procter&Gamble pouvait toucher 80 % de sa cible avec trois spots
en 1995. Pour atteindre le même objectif aujourd’hui, il lui faut 170
spots.
La promotion des ventes
L’objectif est de favoriser un acte d’achat immédiat en utilisant de
très nombreux moyens : prime, concours, échantillonnage, animation, vente par lots, offre de remboursement, etc. L’opération
s’adresse à une ou plusieurs cibles bien identifiées et ce dans un
objectif à court terme. L’analyse des différents moyens utilisés
montre cependant que, d’une manière générale, c’est la baisse
immédiate du prix qui est la plus utilisée :
Offre catalogue
(2,2 %)
Coupons
(2,2 %)
Autres
(5,6 %)
Bonus points
(2,8 %)
Produits combinés
(2,4 %)
Réduction
promotionnelle
du magasin
(37,2 %)
Produits en plus
(9,2 %)
4
3
5
1
2
Réduction
quantitative
(23,7 %)
1. Réduction prix 3 %
2. Réduction volume
3. Bonus produit
4. Cadeaux
5. Autres
Réduction
promotionnelle
du producteur
(12,4 %)
Articles gratuits (2,3 %)
Source : AC Nielsen Homescan (12 weeks to Dec 1999).
© Groupe Eyrolles
Mécanismes promotionnels – Distribution alimentaire en Grande-Bretagne
Le packaging
C’est l’ensemble des éléments matériels qui, sans faire partie du
produit, lui-même contribuent à faciliter son transport, son identification et son utilisation par le consommateur : il a à la fois un
221
5927_.book Page 222 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
rôle pratique (protection, transport, stockage, information réglementaire, économie, ergonomie, commodité d’utilisation…), un
rôle promotionnel (présentation linéaire, identification du produit)
et un rôle de communication par la mise en avant de la marque.
Certains packagings sont irrémédiablement associés à une marque
ou à un produit.
Exemples de packaging
Les relations publiques
Le marketing direct et la communication en ligne
Mailing, couponing, télémarketing, e-mailing sont autant de
moyens qui permettent au marketing direct de provoquer une
222
© Groupe Eyrolles
Leur objectif est d’établir une relation directe avec un public ciblé
et plus particulièrement avec les leaders d’opinion afin de
promouvoir une entreprise ou une marque, grâce à des conférences de presse, des salons, des interviews, des manifestations…
dans une optique à moyen ou long terme. L’organisation de
certains événements, de sponsoring ou de mécénat est une
manière d’établir une relation avec un ou des publics, par exemple
en associant l’entreprise à un style de vie.
Pour mieux faire parler d’elles, les grandes marques se lancent
dans de véritables happenings en descendant dans la rue (street
marketing) ; ainsi, pour le lancement de son nouvel Ajax antibactérien, Colgate a envoyé huit bataillons d’agents de nettoyage
briquer les principales gares de Paris et de province.
5927_.book Page 223 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Intégrer la communication
réaction rapide et mesurable auprès d’une cible. Compte tenu des
nombreuses sollicitations dont les clients sont l’objet, les taux de
réponse ont considérablement baissé ; par exemple, aux ÉtatsUnis, le taux de réponse à des mailings envoyés auprès de
propriétaires de cartes de crédit est passé de 3 % en 1990 à 0,3 %
quinze ans plus tard. En revanche, la communication et la vente
en ligne peuvent utiliser des outils de ciblage comportementaux
extrêmement précis (Takoda, Wunderloop…) en analysant les
données du comportement des internautes permettant ainsi de
diffuser au bon moment le bon message publicitaire avec des
contenus pertinents et des offres produits adaptées, sous forme de
bannières, de bandeaux publicitaires ou de pop-up, de création de
communautés, de parrainage de sites…
L’échange humain
Le commercial qui visite un client industriel ou le vendeur dans un
magasin est évidemment un vecteur de communication très important : il représente l’entreprise. Dans le domaine industriel, c’est
même la communication en face à face qui est jugée la plus efficace :
© Groupe Eyrolles
Moyen de communication
Efficacité en index
Visites, face à face
100
Catalogues, manuels
46
Mailing
39
Publicité
38
Salons, expositions
35
Échantillonnage, démonstration
34
Relations publiques
31
Invitations clients
26
Objets promotionnels, cadeaux
24
Source : The Role of Industrial Trade Show ; Industrial Marketing
Management.
Efficacité des différents moyens de communication
dans le monde industriel
223
5927_.book Page 224 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Dans le domaine des biens de grande consommation, ce contact
face à face est associé au lieu dans lequel il prend place ; ainsi les
boulangeries Paul sont très attentives à créer un ancrage endotique
des points de vente et à souligner l’action de l’homme et non de
la machine (flûte à l’ancienne aux formes irrégulières). Wal-Mart
considère que ses magasins sont son premier canal de communication.
Bien sûr, la nature du contact est très différente selon le positionnement : un positionnement de compétitivité limitera le contact
humain alors qu’un positionnement de différenciation tendra à
valoriser et à plus utiliser le contact humain.
Ce type de « contacts » s’est évidemment considérablement développé sur la dernière décennie. Il peut prendre différentes formes :
• les services de consultation donnent accès à une information
générale ou personnalisée : il peut s’agir de sites médias (DailyMotion) ayant pour objectif d’attirer des visiteurs afin de
présenter des publicités, des sites de génération de pistes de
vente pour inciter les visiteurs à contacter une entreprise ;
• les sites transactionnels, qui donne la possibilité d’interagir, de
passer commande et de payer ; ce sont les sites de commerce
électronique ou de services à la clientèle ;
• les sites de marketing interactif qui permettent un suivi personnalisé de la relation client et proposent des services ou des
opportunités commerciales ;
• les sites de mise en relation où les utilisateurs sont mis en
contact les uns avec les autres : messagerie, forum, chat, jeux
en réseau, enchères, communautés, réseaux sociaux.
Grâce aux nouvelles technologies et au Web en particulier, la
communication interactive permet aux entreprises d’établir une
relation particulière avec leurs clients ou prospects. Pour se distinguer et fidéliser le client, l’entreprise doit faire en sorte qu’il n’ait
pas l’impression qu’on lui vend un produit, mais qu’il l’adopte.
Aux États-Unis, la chaîne Build a Bear laisse les enfants composer
leur peluche. Avec l’iPod, l’utilisateur crée sa propre discothèque.
Sous le nom « Danone proximité », le site propose de fidéliser les
224
© Groupe Eyrolles
L’échange numérique
5927_.book Page 225 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Intégrer la communication
consommateurs en renforçant la proximité entre les marques et les
clients. H&M a intégré des éléments d’interactivité dans sa plateforme en ligne en encourageant les client(e)s à créer leur avatar à
leur taille et apparence afin de pouvoir essayer différents vêtements et les combiner entre eux.
© Groupe Eyrolles
Shiro Nakamura, chief designer de Nissan, a décidé d’ouvrir la conception de son
nouveau modèle aux avis et à l’expertise de groupes de passionnés. Il a fait le tour
des groupes d’adeptes nord-américains des anciens Coupé Z (les Z-clubs) et s’est
retrouvé maintes fois, durant deux ans, à présenter ses ébauches dans des dîners
organisés avec les membres de Z-clubs pour recueillir des avis, des idées, des
sentiments.
Les conditions de réussite dans l’écosystème de la communication
interactive peuvent être résumées de la manière suivante :
• se rapprocher des clients : activer les groupes de consommateurs, les écouter, les observer ; identifier les moments de vérité.
Est-ce qu’un patient qui se demande comment soigner
l’érythème fessier de son bébé commence par une recherche sur
Google ou par un forum de discussion ou bien va-t-il tout droit
sur www.babycenter.com ou Pampers.com ?
• maîtriser le contexte des messages : le choix des mots clés, les
conditions de distribution (calendrier, contexte, pertinence) ; à
terme, les achats d’espaces se feront en temps réel comme la
Bourse ;
• utiliser les données clients : maîtriser les outils d’évaluation,
collecter et tirer les enseignements des informations clients,
modéliser le mix de communication et mesurer la rentabilité des
investissements ;
• favoriser les discussions : développer des actions bidirectionnelles et engager le dialogue avec les clients. Nike (avec Apple
et l’agence numérique R/GA) a mis au point un système de
capteurs dans la chaussure du coureur qui transmet à son iPod
des données sur son rythme cardiaque et les calories brûlées.
Les résultats sont postés sur Internet et intégrés à une communauté de coureurs. 800 000 coureurs ont participé le 31 août
2008 à la Nike+Human Race dans vingt-cinq grandes villes du
monde.
Aujourd’hui, le marketing dispose d’une multitude de médias
disponibles, comme le montre le tableau en page suivante.
225
5927_.book Page 226 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
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Relations
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Té
Médias
traditionnels
Source : Advanced Media Planning (John R. Rossiter/Peter J. Danaher). Adaptation par l’auteur.
La communication efficace est celle qui respectera les deux principes énoncés précédemment :
• la pertinence : parmi tous ces médias quels sont ceux qui sont
le plus adapté à nos cibles et à notre communication ?
• la cohérence : la richesse de ces médias et le rôle croissant du
client, notamment dans les médias interactifs, ne doivent pas
empêcher la cohérence de l’ensemble, même si elle la rend plus
difficile. D’où la nécessité de mettre en place une communication intégrée qui respecte ces deux principes.
Face à cet environnement devenu très complexe et très divers,
rares sont les entreprises qui gèrent en interne l’intégralité de leur
communication (contenus et médias). La plupart ont recours à des
226
© Groupe Eyrolles
Une multitude de médias disponibles
5927_.book Page 227 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Intégrer la communication
agences globales ou spécialisées. Le choix de l’agence devient
alors critique et doit obéir à un certain nombre de critères dont la
grille de lecture ci-dessous fournit un exemple :
1. Compétences et convergence personnelle
2. Qualité du planning stratégique et connaissance du secteur
3. Excellence dans l’organisation et l’éxecution
Critères
décisifs
4. Portefeuille de clients et de campagnes
5. Qualité de la création
6. Succès des campagnes
Source : Wulf-Peter Kemper: Brandholder Value (2003).
Critères de sélection d’une agence de communication
© Groupe Eyrolles
La communication intégrée
Il était une fois l’âge d’or du marketing de masse : des innovations
puissantes avec des marques fortes, des hypermarchés en forte
croissance, peu de médias mais présentant des programmes intergénérationnels s’adressant à une structure familiale simple et standard, bref des consommateurs prévisibles en masse. Mais
aujourd’hui, c+komavan : les audiences sont fragmentées, la diversité est accrue, les médias prolifèrent. Internet, qui permet des
discussions numériques multipartites, multisupports et simultanées,
a complètement chamboulé la relation traditionnelle client-entreprise. Aujourd’hui, un simple individu a le pouvoir d’influencer les
perceptions d’une masse de gens : c’est un bouleversement spectaculaire. Il ne s’agit plus seulement de savoir dans quel média les
annonceurs sont prêts à investir ; une entreprise a besoin d’avoir
une stratégie globale commune à l’ensemble de ses opérations.
Concilier audience et concentration est difficile ; sélectionner les
médias tient de la devinette : personne ne dispose des données
complètes. Bâtir des plans marketing intégrés et cohérents est
227
5927_.book Page 228 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
nécessaire, difficile et coûteux : peu d’agences peuvent coordonner tous les médias, la créativité nécessaire varie selon les
médias, les nouveaux canaux sont souvent peu traités, mesurer
l’impact est difficile.
En fonction de leurs objectifs de communication, les firmes vont
respecter les principes de pertinence et de cohérence en concentrant leurs actions sur un nombre limité de médias, afin d’assurer
la convergence vers le même objectif, comme le montre l’illustration ci-dessous :
Publicité
traditionnelle
Parrainage sportif
Message diffusé à la
télévision, à la radio
et au cinéma
Parrainage d’athlètes
et de sports
de moteur
Parrainage
d’événements
sportifs
dans le monde
Distribution
d’échantillons
Image et notoriété
Crédibilité
du produit
Actualisation
de la marque
Recrutement
de consommateurs
Événements
Échantillonnage
Quelques principes pour réussir sa communication intégrée :
• focaliser et simplifier les messages : plus le message émis est
complexe, moins il a de chances d’être compris et retenu par
son destinataire. Les consommateurs et, d’une manière plus
générale, les clients sont bombardés de milliers d’informations
dont beaucoup ne les intéressent pas. Ils n’en retiennent donc
qu’une toute petite partie en mettant en place un filtre de sélectivité. Certes, la communication interactive ne rend pas facile le
contrôle de cette focalisation ; raison de plus pour en être
l’organisateur ;
• marteler les messages : qu’on utilise le principe de la répétition
ou celui de la redondance (qui consiste à dire la même chose
sous une forme différente), le martèlement est une condition
sine qua non pour trouver sa place dans cet univers concurrentiel et saturé – « reputation is repetition » ;
• communiquer dans la durée : la continuité est essentielle et
permet de s’attribuer et de préempter un territoire de communication qui devient, inconsciemment ou non, associé et attribué
228
© Groupe Eyrolles
Exemples d’actions de communication pour une boisson énergétique
5927_.book Page 229 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Intégrer la communication
© Groupe Eyrolles
à son émetteur. Le positionnement ne doit jamais être remis en
question. Répéter la même promesse, conserver le même style
sont des conditions nécessaires que l’on retrouve dans les
grands exemples de communication réussie ;
• être intraitable sur la cohérence globale : comme on l’a vu au
début de ce chapitre, tout communique. La communication d’une
entreprise est multiforme : elle concerne différentes gammes de
produits, s’adresse à différentes cibles, utilise différents médias.
Pour éviter l’inefficacité, et pire encore les contradictions génératrices de dissonances chez les clients, il est impératif d’avoir un
plan d’ensemble des actions de communication.
229
5927_.book Page 230 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
5927_.book Page 231 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Focus
UN EXEMPLE
DE MARKETING MIX :
CHIVAS REGAL
Ce moment de vie professionnelle est réel ; les chiffres sont
fidèles mais ont été convertis en indices.
© Groupe Eyrolles
J’ai été consultant pendant plusieurs années, puis un jour, mon
client m’a proposé de rejoindre la maison GH Mumm et Cie
comme directeur du marketing et du développement. Je me suis
retrouvé à la tête d’une petite équipe très mobilisée sur les
marques de champagne et peu sur la commercialisation de deux
marques de whisky dont Mumm avait la responsabilité (Chivas
Regal et White Horse) ; or ces deux marques avaient une contribution totalement négligeable aux résultats.
J’ai donc entrepris de comprendre pourquoi et j’ai demandé au
chef de produit une analyse de la situation.
Le chef de produit m’a fait une rapide présentation du processus
d’élaboration du whisky ainsi qu’une présentation assez
complète du marché :
231
5927_.book Page 232 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
ORGE
MAÏS
SEIGLE
AVOINE
EAU
GERMINATION
ORGE MALTÉE
BROYAGE
SÉCHAGE
EAU
Distillation
multiple
en alambic
traditionnel
LEVURE
FERMENTATION
90°vol d’alcool + eau
70° vol d’alcool
Distillation
en continu
en alambic
à colonne
Vieillissement : minimum 3 ans
Processus général d’élaboration distillerie
•
•
•
•
concurrent sur le marché français est Johnny Walker Black Label,
mais Glenfiddich (malt) est dans la même catégorie de prix ;
White Horse est un « blend » standard bien positionné en prix
mais largement dominé par les leaders : J&B, Ballantines,
Johnny Walker, Clan Campbell et comparable à Black and
White, Haig, etc. ;
le marché est traditionnellement segmenté selon les provenances. La provenance écossaise couvre l’essentiel du marché
(88 % du marché). Les provenances américaines représentent
4 %, la France 7 %. Les importations en provenance d’Irlande et
du Canada sont marginales ;
au sein des scotchs, on distingue diverses catégories : pure ou
single malts, blend bas de gamme, standard et luxe. Des indications d’âge variées permettent de mieux cerner la qualité : 5 ans,
8 ans, 10 ans, 12 ans, 18 ans, etc. ;
selon le niveau de gamme, la structure du marché et la croissance diffèrent ; la croissance globale est modérée, de l’ordre de
3 à 5 % par an ;
232
© Groupe Eyrolles
• Chivas est un 12 ans d’âge mondialement réputé. Son principal
5927_.book Page 233 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Un exemple de marketing mix : Chivas Regal
Gamme 1er prix
Gamme moyenne
Haut de gamme
Types de
consommation
Moyenne
Fidèle
Moyenne
Non fidèle (prix ou
nouveauté)
Petite ou moyenne
Fidèle
Habitudes de
consommation
Régulière
En petit comité
Irrégulière
En toute
circonstance
Occasionnelle
Essentiellement un
whisky à déguster
et/ou à montrer
Circuits de
distribution
HM
SM
Surtout HM et SM
Mais aussi tous
circuits
Tous circuits
Types d’achat
Renouvellement
régulier
Réachat régulier ou
d’impulsion (promo
ou nouveauté)
Renouvellement
occasionnel, peu
sensible au prix
Structure du marché
Indice d’évolution du marché
130
Haut de gamme
120
Gamme premier prix
110
Gamme moyenne
100
1
2
3
4
5
Années
Croissance par segments
© Groupe Eyrolles
• les consommateurs attribuent au whisky un aspect convivial très
marqué ; ils ont une faible connaissance des spécificités de
chacun des produits et en particulier des produits de haut de
gamme ; leurs critères d’achat sont, dans l’ordre, la marque, le prix
et l’âge en fonction de la destination du produit acheté : cadeau,
réception ou consommation personnelle ; ils reconnaissent que le
whisky a une image sociale très marquée ; ils souhaitent
233
5927_.book Page 234 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
un meilleur repérage dans les rayons des grandes surfaces et
ont besoin d’informations sur les caractéristiques des différents
whiskies.
20
16
14
15
10
10
14
11
5
0
1980 1981 1982 1983 1984
Années
Résultat net en unités monétaires
CA en unités monétaires
Pour ma part, je m’interrogeais : comment une marque aussi
prestigieuse que Chivas Regal, leader sur son marché, peut-elle
perdre de l’argent ? Au cours des cinq années antérieures, le
chiffre d’affaires avait faiblement progressé, mais la rentabilité
avait été très faible.
5
4
3
2
1
0
1,2
(– 0,1) 0,2
0,5
0,4
–1
1980 1981 1982 1983 1984
Années
Chivas Regal –
Évolution du chiffre d’affaires
Chivas Regal –
Évolution du résultat net
160
8
140
7
120
100
80
60
40
20
0
6
5
4
3
2
1
0
1980 1981 1982 1983 1984
Années
1980 1981 1982 1983 1984
Années
White Horse –
Évolution des ventes
White Horse –
Évolution du résultat net
234
© Groupe Eyrolles
Résultat net en unités
Milliers de caisses
De même, les performances de White Horse étaient peu glorieuses
avec une baisse des volumes et une faible rentabilité.
5927_.book Page 235 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Un exemple de marketing mix : Chivas Regal
Je me suis fixé comme priorité le redressement de la marque Chivas
Regal et j’ai donc poursuivi mes investigations auprès du directeur
commercial et des représentants sur le terrain ; j’ai par ailleurs
commandé à un cabinet d’études une analyse sur l’évolution du
prix de détail des principales marques sur les cinq années passées.
Enfin, j’ai beaucoup sollicité l’agence de publicité, très fière de sa
campagne primée, pour mieux comprendre les attentes des clients
et les positionnements concurrentiels dans le haut de gamme.
Le directeur commercial m’a expliqué que la part de la grande
distribution avait crû régulièrement pour représenter environ 80 %
du chiffre d’affaires, le CHR (café, hôtel restaurant) représentant le
reste. Au cours de la période, ce sont les grandes surfaces qui ont
assuré la croissance de la marque. Ses explications m’ont amené à
comprendre que les grandes surfaces utilisaient Chivas Regal
comme produit d’appel avec une politique de prix très agressive,
parfois même en vente à perte (bien qu’interdite).
Privilège de prix en %
Privilège de prix en %
Les deux graphiques ci-dessous, élaborés par le cabinet d’études
que j’avais sollicité, montrent la dégradation du prix de vente aux
consommateurs de Chivas, comparé à ses concurrents Johnny
Walker Black et Glennfiddich.
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20
15
10
15
8
6
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0
0
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1980 1981 1982 1983 1984
Années
16
16
15
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8
6
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0
4
1980 1981 1982 1983 1984
Années
Évolution du privilège de prix –
Chivas comparé
à Johnny Walker Black
© Groupe Eyrolles
20
Évolution du privilège de prix –
Chivas comparé à Glenfiddich
Au début de la période considérée, les consommateurs acceptaient
de payer Chivas 16 % plus cher que Glenfiddich et 15 % plus cher
que Johnny Walker Black. À la fin de la période, cependant, cet écart
est réduit à 4 % dans le premier cas et à zéro dans le second cas. En
cinq ans, le privilège de prix (« price premium ») avait été anéanti.
235
5927_.book Page 236 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
En fait, le positionnement de différenciation basé sur la marque
était en train de s’éroder sous l’effet d’un marketing mix inadapté.
Afin de redresser cette situation, une stratégie de restauration de
l’image de marque et du privilège de prix est engagée ; elle passe
par un rééquilibrage des canaux de distribution ; elle est accompagnée d’une stratégie de communication visant à réduire la notoriété du produit, principale raison pour laquelle la distribution
utilise la marque comme produit d’appel, et à justifier auprès des
consommateurs un prix plus élevé que la concurrence. Le budget
publicitaire est fortement diminué au grand dam de l’agence et des
budgets de relations publiques ciblées créés. Des efforts importants sont faits en direction du CHR : qualité du service et des
livraisons, budgets promotionnels, organisation d’opérations de
relations publiques dans les lieux de consommation, mise en
place d’un programme de merchandising spécifique aux CHR…
En revanche, les opérations commerciales avec la grande distribution sont fortement diminuées et soumises à l’autorisation du
directeur commercial ; l’utilisation de la marque comme produit
d’appel associé à une vente à perte est combattue juridiquement.
Prix
Produit
Restauration du privilège de prix.
Lutte contre la vente à perte (loss leader) en GMS.
Aide au CHR.
Packaging et étuis pour certains points de vente/situation.
Place
Rééquilibrage CHR/GMS en aidant les ventes CHR, nuits et bars
par des opérations ponctuelles et ciblées par canaux.
Reprise en main des rayons GMS.
Publicité/promotion
Transfert d’une partie du budget de publicité vers des opérations
de RP ciblées vers les prescripteurs et les VIP.
Un premier résultat est atteint : avec la diminution de la communication publicitaire, la marque voit sa notoriété « top of mind »
diminuer, mais sa notoriété consolidée augmenter, comme le
montre le tableau ci-dessous. Du fait de la baisse de la notoriété
« top of mind », la grande distribution a moins intérêt à utiliser
Chivas comme produit d’appel.
Progressivement, avec le soutien des programmes adaptés aux
CHR, la marque regagne du terrain dans ce circuit : Chivas est à
236
© Groupe Eyrolles
Modification du marketing mix
5927_.book Page 237 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Un exemple de marketing mix : Chivas Regal
Année
Top of mind
Total
1984
(modification du
marketing mix)
24
89
1985
19
87
1986
15
92
1986
14
92
1987
14
93
Évolution de la notoriété de Chivas Regal
20
15
10
16 16
15
14
8
6
3
5
0
0
0
Changement de
marketing mix
16 16
15
10
5
18
16 16
12
8
6
4
5
0
Années
Années
© Groupe Eyrolles
20
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
20
Privilège de prix en %
Changement de
marketing mix
25
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
Privilège de prix en %
nouveau présent dans les grandes caves, chez les spécialistes du
whisky, dans les restaurants et les établissements de nuit. Les
prix sont systématiquement augmentés, mais les circuits CHR
bénéficient de ristournes importantes pour rémunérer les
services d’image et de préconisation de telle sorte que l’écart de
prix visible par le consommateur entre GMS et cavistes a beaucoup diminué. Le niveau de prix grand public comparé à celui
de ses concurrents se redresse très sensiblement ; comme le
montrent les deux graphiques ci-dessous, le privilège de prix
revient progressivement :
Évolution du privilège de prix –
Chivas comparé
à Johnny Walker Black
Évolution du privilège de prix –
Chivas comparé à Glenfiddich
Le changement de stratégie s’est accompagné, dans un premier
temps, d’un ralentissement des volumes puis, dans un second
temps, la croissance revient. Le rééquilibrage des canaux de
237
5927_.book Page 238 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
19 19 18 20
20
16
14 14
15
10
10
11
5
0
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
CA en unités monétaires
24
5,3
6
5
4
2,9
3
3,1
2,1
2 1,2
1
0
0,2 0,5 0,4
0,8
(– 0,1)
–1
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
Changement
de marketing mix
25
Résultat net en unités monétaires
distribution a permis une restauration de l’image de marque et
un développement quantitatif et qualitatif de la marque. Les
résultats financiers quant à eux ont bénéficié d’une très forte
amélioration, comme le montre le graphique ci-dessous :
Années
Années
Chivas Regal –
Évolution du chiffre d’affaires
Chivas Regal –
Évolution du résultat net
J’ai donc abandonné la campagne publicitaire et axé les maigres
budgets disponibles sur des opérations promotionnelles, en demandant aux commerciaux de faire des « coups » en distribution :
foires, opérations spéciales, tout en augmentant les prix de manière
très légèrement supérieure au marché. Cette stratégie « push » n’a
suscité un enthousiasme considérable ni auprès du propriétaire de
la marque ni auprès des commerciaux car très orientée à court
terme, en contraste avec la démarche marketing engagée pour
Chivas. Cependant, les résultats ont été bien meilleurs que prévu
avec une hausse des volumes et de la rentabilité :
238
© Groupe Eyrolles
Dans un second temps, j’ai conduit une mini-étude sur White
Horse pour arriver aux conclusions suivantes : White Horse est un
scotch standard, dominé par les grands leaders : Ballantines,
J.Walker, J&B. Il a bénéficié d’une stratégie “pull” certes bien mise
en œuvre – une distribution valeur (DV) satisfaisante (supérieure
à 50 %) ; un prix compétitif ; une campagne publicitaire primée
mais dotée d’un budget limité –, mais totalement inadaptée au
positionnement concurrentiel du produit : banal et dominé.
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1988
1987
1986
1985
1983
1984
1982
1981
1980
0
Années
2
1
0
1988
20
1987
40
3
1986
60
4
1985
80
5
1983
100
Changement de
marketing mix
6
1984
Milliers de caisses
120
7
1982
Changement de
marketing mix
140
1981
160
1980
Résultat net en unités monétaires
Un exemple de marketing mix : Chivas Regal
Années
White Horse –
Évolution des ventes
White Horse –
Évolution du résultat net
© Groupe Eyrolles
Je vous propose de souligner trois points dans cette histoire :
• pour faire un diagnostic, il est nécessaire de regarder plusieurs
années en arrière ; en ne regardant que l’année précédente, on
ne voit pas l’érosion lente des indicateurs ;
• les commerciaux et l’agence de publicité étaient satisfaits des
résultats antérieurs, avec des volumes en hausse et une
campagne primée ; mais le bon indicateur, à savoir pour Chivas
l’évolution du privilège de prix, n’était suivi par personne ;
• Une fois de plus, il a fallu du temps pour restaurer la situation ;
négocier les bons horizons de temps avec les directeurs de
chaque marque a été important et laborieux.
239
5927_.book Page 240 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
5927_.book Page 241 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Quatrième partie
Déployer pour réussir
5927_.book Page 242 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
5927_.book Page 243 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Chapitre 1
RÉUNIR LES CONDITIONS
DE RÉUSSITE
« S’il travaille pour toi, tu travailles pour lui. »
Proverbe japonais
© Groupe Eyrolles
Construire une démarche marketing est inutile si elle ne se concrétise
pas par des actions réussies sur le terrain. L’objet de ce chapitre est
de définir les conditions à réunir pour s’assurer d’un déploiement
réussi.
• L’appropriation par les parties prenantes
• Un suivi rigoureux et systématique
– Critères de détermination des indicateurs
– Les indicateurs non intégrés
– Les indicateurs intégrés
La dernière étape de la démarche marketing consiste à mettre en
œuvre et à transformer en actions toutes les décisions prises dans
les trois étapes précédentes : connaître, positionner, concevoir.
243
5927_.book Page 244 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Pour préparer le passage à l’action, il faut donc traduire le positionnement et sa concrétisation par le « marketing mix » en plan
d’actions à court terme. L’objectif du plan marketing annuel est
l’identification et la quantification des actions à mettre en œuvre
dans l’année pour contribuer à son bon déroulement. Élaboré sur
une base annuelle, le plan s’inscrit cependant dans une perspective de temps de trois à cinq ans. Il doit permettre d’évaluer la
performance de l’entreprise par rapport à ses objectifs.
Il n’est pas inhabituel qu’un plan marketing bien conçu ne
débouche pas sur un franc succès commercial. La raison en est
simple : un plan marketing n’est pas un document destiné à
terminer dans un tiroir ; un plan marketing est destiné à animer la
vie de l’entreprise. Il est donc nécessaire que toutes les parties
prenantes de l’entreprise aient été associées à la réflexion marketing et soient concernées par sa mise en œuvre. L’équation du
succès marketing peut en effet être résumée de la manière
suivante :
Efficacité marketing = Qualité du plan marketing × Appropriation par les acteurs de l’entreprise
Ainsi, si le plan marketing est de très bonne qualité et mérite la
note 8/10, mais que l’appropriation de ce plan par les différentes
parties prenantes jouant un rôle dans sa réalisation ne mérite que
2/10, alors la « note » finale ne sera que 16/100 : il ne s’agit pas
d’une réussite, mais bien d’un échec.
Or le marketing concerne toutes les fonctions d’entreprise, de la
fabrication à la commercialisation en passant par le contrôle de
gestion et la logistique. Toutes les parties prenantes doivent être en
mesure de s’approprier le plan marketing au moins pour ce qui les
concerne directement : les choix et leur réalisation ne sont plus le
seul fait du directeur du marketing mais celui d’équipes ; toute
l’entreprise est concernée. La formalisation des plans et le management de la performance sont les courroies nécessaires entre les
décisions et leur réalisation. Plus la démarche de construction du
plan sera interactive, plus son appropriation sera forte : il faut donc
entamer un « dialogue », comme le montre le schéma ci-dessous :
244
© Groupe Eyrolles
Efficacité du plan marketing
5927_.book Page 245 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Réunir les conditions de réussite
Marketing
central
Unités
Fixer
le positionnement
Proposer le mix
Consolide
et
questionne
Développe
le plan
préliminaire
Finalise et fixe
les priorités,
alloue les ressources
Développe
le plan
détaillé
Établit et déploie
le plan marketing
Démarche de construction du plan marketing
La réalisation du plan marketing est soumise à au moins deux
conditions :
• cette appropriation du plan marketing par les multiples parties
prenantes est une condition nécessaire de succès ; elle n’est pas
suffisante ;
• elle doit être complétée et animée par un suivi rigoureux et
systématique tout au long de son déroulement. Ainsi, la
deuxième condition du succès est la mise en place d’indicateurs
qui vont accompagner la vie de l’entreprise pendant toute la
durée du plan.
© Groupe Eyrolles
L’appropriation par les parties prenantes
L’élaboration du plan annuel est initialisée par la direction du
marketing qui définit le processus et pose les questions clés
permettant aux opérationnels de fournir des éléments pour développer le plan préliminaire. Les échanges entre le marketing et les
unités opérationnelles (commerciales, industrielles, financières,
R&D…) vont se poursuivre pour développer le plan annuel ; le
dialogue ainsi instauré a un double mérite : d’une part, contribuer
à élaborer un plan marketing robuste et, d’autre part, initier le
processus d’appropriation par les multiples parties prenantes.
Cette étape est certes consommatrice de temps, mais « si seul on
va plus vite, c’est à plusieurs qu’on va plus loin ».
L’objectif du déploiement est d’assurer le passage réussi à une situation
cible afin que le résultat que l’on veut atteindre le soit effectivement :
245
5927_.book Page 246 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Situation
cible
t
gemen
chan
sus de
Proces
Situation
actuelle
✓
✓
✓
✓
✓
Résultats
Modes de fonctionnement
Processus
Comportements
…
✓
✓
✓
✓
✓
✓
Objectifs
Méthode
Planification
Suivi
Comportements
…
✓
✓
✓
✓
✓
Résultats
Modes de fonctionnement
Processus
Comportements
…
À partir de la situation actuelle, caractérisée par ses processus, ses
comportements, ses résultats, ses actions… il faut atteindre une
situation cible qui sera, elle aussi, caractérisée par ses processus,
ses comportements, ses résultats et ses actions. Pour y parvenir, il
faut mettre en place un processus d’appropriation par les parties
prenantes de tous les éléments du plan qui permettra de tendre
vers la situation cible.
Pourquoi faut-il accompagner le changement ? La réponse est
simple : tout changement suscite des résistances ; si ces résistances ne sont pas vaincues, contournées ou accompagnées, le
changement souhaité n’aboutira pas ; on estime que c’est le cas de
20 % des projets de changement. Dans les autres cas, certains des
changements souhaités se réalisent mais avec des délais et des
coûts beaucoup plus élevés que ce qui était anticipé. De plus, le
vécu résultant de ces expériences dans lesquelles le changement
est perçu davantage comme un ensemble de contraintes que
comme un faisceau d’opportunités contribue à créer une culture
hostile au changement.
Chaque changement est spécifique ; il est en effet lié à des objectifs de performances qui sont propres à chaque firme. La capacité
à changer dépend de l’implication des acteurs, du degré de
consensus du management, de la compréhension du besoin de
changer, des ressources disponibles. L’amplitude du changement
est fonction du nombre d’acteurs, de l’impact sur les compétences,
du nombre d’individus impactés, du degré et de la profondeur du
changement requis :
246
© Groupe Eyrolles
De la situation à la situation cible
5927_.book Page 247 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Réunir les conditions de réussite
Changement
modéré
Changement
mineur
Changement significatif
Changement majeur
Pas de
changement
Amplitude du changement
Capacité à changer
• Nombre d’acteurs
• Implication des acteurs
• Impact sur les compétences clés
• Degré de consensus du management
• Délai de réalisation
• Compréhension du besoin de changer
• Nombre d’individus impactés
• Historique du changement
• Degré de changement du comportement requis
• Ouverture de la culture
• Degré de transversalité et d’implication nécessaire • Ressources disponibles
© Groupe Eyrolles
Le baromètre du changement
Pour déjouer les risques liés au manque d’appropriation, il est
important de comprendre quels sont les freins et les leviers des
entreprises face aux besoins de changement. La résistance au
changement est naturelle ; elle est d’autant plus forte que le changement est important. De manière schématique, les résistances
peuvent avoir plusieurs sources :
• d’une part, l’organisation elle-même se met dans une position
de très forte résistance ; l’absence de vision, l’utilisation de
systèmes de mesures contradictoires, une structure très hiérarchique sont autant de raisons qui vont empêcher les parties
prenantes de s’adapter ;
• d’autre part, les résistances individuelles peuvent être plus ou
moins fortes ; or le changement a une traduction individuelle ;
le changement, c’est aussi et avant tout une multitude de changements individuels : dans tout changement un individu a à
gagner et à perdre. D’une manière générale, on constate qu’il y
a plus de pertes que de gains pour les niveaux de l’organisation
à faible responsabilité. Il est donc indispensable d’anticiper les
résistances à tous les niveaux de l’organisation. Le changement
de comportement est fonction de la perception d’un besoin de
changer qui se joue sur des aspects émotionnels et non sur des
aspects rationnels. Le processus de changement entraîne des
« deuils » individuels et collectifs au sens où certains acquis
doivent être abandonnés ;
247
5927_.book Page 248 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
• enfin, la culture même de l’entreprise est un facteur très fort
de résistance aux changements : le poids accordé à la hiérarchie, le souvenir des échecs précédents, l’existence de
vaches sacrées, etc. figurent parmi les causes majeures de
résistance.
CULTURELLES
• Vaches sacrées
• Échecs précédents
• Manque d’esprit
d’initiative
•
•
•
•
INDIVIDUELLES
Perte de pouvoir
Peur
Statu quo = confort
Inaptitude
ORGANISATIONELLES
• Pas de vision
• Système de mesure de
la performance contradictoire
• Structure fonctionnelle
et très hiérarchique
Les difficultés liées aux changements sont intemporelles. C’est
Machiavel qui écrivait : « Il n’y a rien de plus difficile, de plus incertain, de plus périlleux à diriger que d’initier un nouvel ordre des
choses. Pour celui qui initie, c’est avoir contre lui l’ensemble des
personnes qui veulent continuer à bénéficier de l’ancien système,
et ne pas avoir encore le soutien de ceux qui y veulent gagner
quelque chose. » Tout changement entraîne une résistance et des
résistances ; il menace les modes de comportements actuels, les
attitudes traditionnelles, les relations établies. Il est donc impératif
de comprendre les barrières spécifiques aux changements afin de
mettre en place des stratégies de changement susceptibles de
composer avec les résistances et de les dépasser. La « pyramide du
refus » permet de visualiser les différentes raisons du refus et de la
résistance.
248
© Groupe Eyrolles
Les obstacles au changement
5927_.book Page 249 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Réunir les conditions de réussite
Je ne
veux pas
Je ne suis pas
capable de
Je ne sais pas
La pyramide du refus
• La première d’entre elles est le manque d’information : l’indi-
© Groupe Eyrolles
vidu ne sait pas, il connaît peu ou mal le contexte, la nature du
changement ; les objectifs poursuivis ne lui ont pas été
présentés ou il les a mal compris, il ignore tout des moyens mis
en œuvre… : ce manque d’information (« je ne sais pas »)
entraîne un manque de motivation et un découragement.
• Si l’individu a une bonne connaissance du projet considéré, il
peut mesurer l’impact sur lui, ce qui enclenche la crainte de ne
pas être à la hauteur ; il est alors dans un mode « je ne sais pas
faire » « je ne serai pas capable ».
• Enfin, et c’est la situation la plus difficile, l’individu ne veut pas
parce qu’il n’y voit pas son intérêt ou n’y croit pas. S’il n’y voit
pas son intérêt, le blocage est de nature rationnelle. S’il n’y croit
pas, le blocage est de nature émotionnelle.
Ces attitudes génèrent trois types de déficit d’appropriation
susceptibles d’entraver le changement : un déficit de motivation
(« on n’a pas envie »), un déficit de savoir-faire (« on ne peut pas »)
et un déficit d’adhésion (« on n’y croit pas »). Il faut donc mettre
en place des actions qui permettent de combler ces déficits :
communiquer, former, accompagner.
249
5927_.book Page 250 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Objectif
Actions
Causes/Symptômes
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
« Ne savent pas »
« Ne peuvent pas »
« Ne veulent pas »
Déficit
d’information
Déficit
de savoir-faire
Déficit
d’adhésion
Communiquer
Former
documenter, entraîner,
développer
Accompagner
organiser,
encadrer
APPROPRIATION
1°) « Ne savent pas » : cette attitude traduit un déficit d’informations. Les collaborateurs n’ont pas été informés des options prises
dans le cadre du plan marketing (nouveaux produits, changement
de systèmes de tarification, changement de systèmes de facturation, recherche de nouveaux clients, etc.) ; ils réclament donc une
meilleure communication autour du plan ; même s’ils ont été intégrés aux réflexions qui ont donné naissance au plan (ce qui doit
en principe être le cas des agents commerciaux puisque c’est une
des sources privilégiées d’information sur le marché), ils veulent
être impliqués dans la réalisation du plan et donc avoir accès aux
informations qui les concernent.
Au plan de marketing doit être associé un plan de communication.
2°) « Ne peuvent pas » : cette attitude traduit un déficit de formation. Les collaborateurs ont bien été informés de la politique
marketing, mais celle-ci les amène à solliciter des compétences qui
n’ont pas : par exemple, demander aux agents de vendre des
produits nouveaux qu’ils ne connaissent pas avec une structure
tarifaire nouvelle. Ils doivent donc être formés afin d’acquérir les
compétences nécessaires à la réalisation des objectifs. Les agents
commerciaux en contact direct avec la clientèle sont évidemment
concernés au premier chef par ces actions de formation. Défen-
250
© Groupe Eyrolles
Les actions facilitatrices
5927_.book Page 251 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Réunir les conditions de réussite
seurs au premier chef de l’offre développée par son mandant, ils
doivent évidemment être parfaitement formés.
Au plan marketing doit être associé un plan de formation.
Dans les cas de repositionnements réussis évoqués précédemment
comme Leroy Merlin ou Primagaz, la formation a été mentionnée
comme étant un élément clef de la réussite : 5 % de la masse salariale pour l’un, 80 commerciaux et leurs managers formés pendant
douze mois.
3°) « Ne veulent pas » : cette attitude traduit un déficit d’adhésion
au projet d’entreprise ; il convient alors de mettre en place un
accompagnement individuel permettant de comprendre les
raisons du refus du collaborateur d’adhérer au projet d’entreprise
et, dans la mesure où c’est possible, de le faire évoluer en fournissant toutes les explications nécessaires.
© Groupe Eyrolles
Un suivi rigoureux et systématique
Trop souvent, les entreprises se contentent de suivre les « reportings » habituels émis par la direction financière et les services
comptables alors même que ces indicateurs ne reflètent probablement pas les objectifs marketing retenus. En effet, les suivis habituels sont de nature financière et donnent des indications quant
aux chiffres d’affaires, à la marge, au délai de règlement des
clients… ; en d’autres termes, ils se concentrent sur ce qui se passe
à l’intérieur de l’entreprise.
Or un suivi marketing doit refléter les objectifs fixés et donc
prendre en compte des éléments internes adaptés ainsi que des
éléments externes à l’entreprise.
Si le positionnement est centré sur la compétitivité, un des critères
clés que l’entreprise doit suivre est son niveau de prix par rapport
à la concurrence ; or cette indication ne peut pas être générée par
les systèmes comptables internes. Il faut effectivement recourir à
des suivis externes tels que panel ou étude spécifique pour que ce
critère soit intégré de manière systématique dans le suivi mensuel
ou trimestriel.
Les indicateurs sont essentiels : sans indicateurs, ni action ni correction. Prétendre suivre une stratégie marketing claire sans mettre en
251
5927_.book Page 252 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
place les outils de suivi spécifiques à cette stratégie est une garantie
d’échec. La mesure crée l’action (« what gets measured gets done »).
Le suivi de critères spécifiques permet soit de valider la stratégie en
l’état si les signaux remontés sont favorables, soit d’apporter les
corrections nécessaires si certains critères se révèlent moins bien
réalisés. Or, en marketing, ils sont difficiles à établir : il n’y a pas
de normes standardisées, les relations causales coût-impact sont
difficiles à établir ; les actifs marketing sont souvent immatériels.
Et pourtant, les coûts marketing (études et recherches, force de
vente, communication…) peuvent être très élevés : plus de 50 %
pour les produits d’hygiène, de beauté et pour les spiritueux, plus
de 40 % pour le matériel informatique et les produits pharmaceutiques. Dans de nombreux cas, la valeur des marques s’évalue en
milliards ou en dizaines de milliards de dollars. Les systèmes
comptables rendent très mal compte de ses actifs : dans le bilan
de Pernod-Ricard, la marque Ricard, qui résulte des investissements en communication depuis des dizaines d’années, n’est pas
valorisée, alors que la marque Absolut Vodka, qui résulte d’une
acquisition, a une valeur qui se chiffre en milliards d’euros.
Une des raisons qui rendent les indicateurs traditionnels peu
performants en marketing est qu’ils proviennent en général du
contrôle de gestion qui s’appuie sur des données internes alors
même que la plupart des indicateurs marketing doivent prendre
en compte des informations externes. Or ces informations, à
supposer qu’elles soient disponibles, doivent être achetées à des
prestataires extérieurs. Un budget doit donc être prévu à cet effet.
En effet, les bénéfices comptables sont trompeurs. On ne peut les
interpréter sans prendre en compte l’évolution correspondante de
la part de marché, de la position concurrentielle du bon déroulement du plan marketing, etc.
Un indicateur est une information ou un ensemble d’informations
contribuant à l’appréciation par le décideur d’une situation. Un
indicateur de performance (KPI : key performance indicator) est
une mesure ou un ensemble de mesures braquées sur un aspect
critique de la performance de l’entreprise.
252
© Groupe Eyrolles
Critères de détermination des indicateurs
5927_.book Page 253 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Réunir les conditions de réussite
© Groupe Eyrolles
• Un indicateur de performance est nécessairement associé à un
objectif précis ; il doit être pertinent et résulter directement des
objectifs du plan. Une des règles importantes est de se focaliser sur
un nombre réduit d’indicateurs qui capteront plus facilement
l’attention des parties prenantes qu’une pléthore de mesures.
• Un indicateur entraîne une décision. Il doit permettre aux
responsables concernés de prendre des décisions et d’entreprendre les actions susceptibles de corriger des écarts si ceux-ci
devaient apparaître.
• Un indicateur doit être parlant ; il doit être partagé par les parties
prenantes concernées ; il ne doit pas laisser indifférent et doit
avoir un impact psychologique.
• Un bon indicateur doit être simple ; sa définition doit être claire.
La tâche est évidemment difficile et les critères initialement retenus
peuvent s’avérer inappropriés ; certains changements ou aménagements sont donc nécessaires dans la vie de l’entreprise. Ils
doivent être mis en œuvre en toute connaissance de cause et
altérer au minimum la comparabilité dans le temps.
• Un indicateur « appartient » à celui qui l’utilise ; il doit donc avoir
foi dans sa définition et sa pertinence et donc être partie prenante
à sa détermination.
Les indicateurs retenus peuvent être assemblés en un ensemble
structuré sous la forme d’un tableau de bord. Un tableau de bord
permet de réduire l’incertitude puisqu’il rassemble toutes les informations relatives à la situation présente et permet donc d’envisager
les conséquences de la décision prise. L’information est changeante
par nature, mais le tableau de bord permet d’avoir un instantané
cohérent de la situation. Les informations présentées ne sont pas
en décalage temporel l’une par rapport à l’autre. Le temps est arrêté
pour un moment, le temps d’apprécier globalement le contexte. Il
constitue un référentiel commun à toutes les parties prenantes.
Les indicateurs non intégrés
Il ne peut y avoir de bons indicateurs marketing s’il n’y a pas une
bonne compréhension du positionnement et du marketing mix. La
première étape est donc une bonne lecture du plan marketing.
253
5927_.book Page 254 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Si le positionnement est la compétitivité, les indicateurs doivent
mesurer que le produit est le plus simple possible et qu’il le reste
tout au long de sa vie tout en satisfaisant ses fonctions essentielles : puisqu’une montre Swatch comprend environ 200 pièces
de moins qu’une montre traditionnelle, un indicateur doit s’assurer
que le produit, reste bien le même au cours du temps et qu’une
complexification latente ne prend pas place faisant ainsi dériver
les coûts (par exemple évolution du coût de production ou
nombre de pièces entrant en fabrication). Le prix payé et perçu
par le consommateur doit être compétitif ; cette perception ne doit
pas être occultée par de nombreuses interventions qui en diminueraient la lisibilité…
Le positionnement de différenciation implique que les offres mises
au point sont plus complexes et plus riches. L’essence même de
ce type de positionnement est la superposition des coûts valorisables. Le marketing doit donc s’assurer que les complexités ajoutées, les services proposés, les fonctionnalités supplémentaires
correspondent bien à une attente du consommateur ou du client
qui les valorise.
Prenons le cas de cette grande entreprise de peinture grand public
dont « la mission est de gagner et de conserver les clients dans le
monde grâce à nos marques de revêtements de qualité supérieure ».
Elle déploie une stratégie de différenciation articulée autour d’une
gamme de produits novatrice et très complète et une campagne de
communication mettant en avant cette richesse d’offre. Afin de
s’assurer du bon déroulement de cette stratégie, l’entreprise met
en place quatre indicateurs :
• le suivi du privilège de prix (price premium), reflet de l’acceptation par le consommateur d’un prix supérieur à celui des
concurrents pour des revêtements de qualité supérieure ; cet
indicateur est fourni par un panel externe tous les deux mois ;
• la qualité de service pour s’assurer que les clients trouvent
toujours le produit recherché au sein d’une gamme très
étendue ; pour la contrôler est mis en place l’indicateur OTIF
(on-time, in-full) : les commandes préparées sont contrôlées au
départ de l’usine, pour s’assurer qu’elles sont complètes, et à
l’arrivée, pour s’assurer qu’elles sont livrées à temps. Cet indica-
254
© Groupe Eyrolles
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
5927_.book Page 255 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Réunir les conditions de réussite
teur est affiché quotidiennement dans les trois usines, dans le
centre logistique et dans les bureaux ;
• la rentabilité de la stratégie est mesurée par la rentabilité des
capitaux engagés (RCE). Cet indicateur est publié tous les
trimestres par le contrôle de gestion et prend en compte le poids
des stocks dans le besoin de capitaux ;
• la sécurité et le respect de l’environnement font l’objet de deux
indicateurs (SHE), l’un portant sur le nombre de jours d’arrêt de
travail résultant d’accidents et l’autre portant sur la nature et le
montant des émissions de certains produits chimiques.
Ces indicateurs sont présentés et expliqués chaque année par le
président de l’entreprise à tous les employés dans les différents
sites, les directeurs prenant le relais pour commenter les résultats
publiés périodiquement. Ces indicateurs sont intégrés à l’intéressement de tous les salariés : le montant de l’intéressement est
augmenté de 25 % à chaque fois que l’un des indicateurs est égal
ou supérieur à l’objectif ; si tous les indicateurs sont satisfaisants, il
y a donc la possibilité de doubler l’intéressement des salariés,
entraînant une grande motivation de chacun pour faire en sorte
que les indicateurs stratégiques soient conformes aux objectifs.
La publication à intervalles réguliers des réalisations par rapport
aux objectifs permet de mettre en place les actions correctrices. Un
tableau tout simple comme celui-ci peut suffire :
Facteurs clés de succès
classés par priorité
-3
-2
-1
Externe
Interne
© Groupe Eyrolles
En retard
FCS 1
FCS 2
FCS 3
FCS 4
FCS 5
FCS 1
FCS 2
FCS 3
FCS 4
FCS 5
Suivi du trimestre
255
0
1
2
3
En avance
Construction d’un indicateur intégré
© Groupe Eyrolles
Contribution
-
coûts des
ventes
ventes
+
+
coûts des services
coûts de
maintenance
coût d'acquisition
nombre moyen de
maintenance par véhicule
nombre de réclamations
par client
capacité d'utilisation
coût moyen des
réclamations
qualification des
employés
coût par contact et vendeur
fréquence de la
maintenance
ventes de services
fréquence de
recommandation
taux de revente
potentiel de
ventes
transverses
nombre de contacts
délai de livraison
ventes clients
existants
Contrôlabilité
Contrôlabilité
Contrôlabilité
Contrôlabilité
256
Contrôlabilité
Contrôlabilité
ventes nouveaux
clients
5927_.book Page 256 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Les indicateurs intégrés
Dans les indicateurs en arbre, le lien causal entre différents paramètres est formellement établi et quantifié ; la construction et la
mise en évidence de ces différents liens permettent d’avoir un
indicateur très global, par exemple, dans le schéma ci-dessous :
5927_.book Page 257 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Réunir les conditions de réussite
© Groupe Eyrolles
L’objectif de ce type d’indicateurs est de focaliser l’attention sur un
résultat bien identifié ; c’est aussi le danger. En concentrant toute
son attention sur un indicateur, l’entreprise court le risque de
méconnaître les évolutions se manifestant dans son environnement. La fixation sur la cible (target fixation) est un phénomène
connu dans le monde de l’aviation militaire avant que le laser
n’existe : dans un bombardement en piqué, le pilote est tellement
concentré sur la cible qu’il en oublie l’altitude et que l’avion se
dirige vers le sol ; il est évidemment important de répondre oui à
la question : « Est-on dans la cible ? » mais il ne faut jamais oublier
de relier celle-ci à une réalité plus large.
257
5927_.book Page 258 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
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Chapitre 2
ASSURER L’ADAPTATION
INTERNATIONALE
« Notre réussite actuelle tient essentiellement à ce que, depuis vingt ans,
nous avons investi hors d’Europe plus de 80 % de notre argent. Nous
avons su prendre l’avion plus tôt que tout le monde. »
© Groupe Eyrolles
Xavier Fontanet, PDG d’Essilor
Ce long chapitre prend en compte les différents aspects nécessaires à
un déploiement international. Il est riche de très nombreux exemples,
car c’est un domaine où la diversité est considérable.
• L’identification des opportunités
– Attractivité
– Risques
• L’analyse approfondie du ou des pays retenus
• L’adaptation de l’offre
– Le positionnement
– La conception de l’offre
- Produits et services
- Prix
- Distribution
- Communication
• Le mode d’implantation
259
5927_.book Page 260 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
À l’heure du « village global », et des moyens de communication et
d’échange qui écrasent les distances, au moment où les modes de
vie se standardisent, au moment où des phénomènes de marché
tels que la bipolarisation se manifestent dans la plupart des pays,
au moment où la concurrence devient globale, il est impossible
pour une entreprise de se retrancher derrière des barrières nationales et espérer ainsi assurer sa pérennité. L’internationalisation
est devenue une nécessité. Certes, cette nécessité est plus ou
moins ardente : certains marchés sont mondiaux (puces électroniques, certains spiritueux…), d’autres sont plus locaux ou régionaux, notamment dans le domaine alimentaire. Une des clés de la
réussite dans le domaine de l’internationalisation est d’être capable
de mettre le curseur au bon endroit entre ce qui est global et ce
qui est local.
1.
Source : McKinsey Quarterly 2010.
260
© Groupe Eyrolles
L’objectif de l’internationalisation est d’étendre la couverture géographique des
activités existantes afin de générer de la croissance. Sous le titre « Capturing the
World’s Emerging Middle Class », McKinsey estime la classe moyenne émergente à
2 milliards de personnes ayant un niveau de dépenses de 6,9 trillions de dollars1.
Ainsi, les pays émergents vont constituer pour L’Oréal « une opportunité historique
de croissance forte et durable » selon la direction générale. En 2006, le Brésil, la
Russie, le Mexique et la Chine ont contribué à hauteur de 60 % à la progression du
marché mondial des cosmétiques. L’enrichissement de ces économies devrait
favoriser l’émergence de 70 millions de consommateurs chaque année disposant
de revenus suffisants pour acheter des produits de beauté. En Inde, où le chiffre
d’affaires a crû de 40 % en 2006, L’Oréal déploie progressivement ses marques en
les adaptant au marché local. Ainsi, le shampooing Fructis est vendu en sachet
pour 5 roupies. Pour Jean-Paul Agon, directeur général de L’Oréal, « la
mondialisation est une chance historique. Plus de 70 millions de personnes par an
accèdent à des revenus qui leur permettent acheter nos produits ». Si
l’internationalisation présente de nombreux avantages qui sont rappelés dans
l’analyse ci-dessous, elle n’est pas sans risque, l’éloignement géographique et
culturel du pays d’origine entraînant un nécessaire besoin d’adaptation alors même
que d’une manière générale les informations disponibles sont plus parcellaires.
5927_.book Page 261 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Assurer l’adaptation internationale
Avantages
Inconvénients
• Découverte de nouveaux débouchés ;
marchés en croissance : opportunités
commerciales.
• Diversification des risques.
• Prolongation du cycle de vie du produit
sur différents marchés.
• Diminution des coûts
d’approvisionnement ; diminution des
coûts de production ; économie de coûts
(échelle, apprentissage…).
• Créativité, enrichissement culturel.
• Augmentation des risques : politiques,
économiques, financiers.
• Éloignement géographique et culturel
du pays d’origine.
• Obligation d’adaptation des produits et
de leurs stratégies aux différents marchés.
• Augmentation des coûts de marketing.
• Perte de monopole technique ;
concurrence nouvelle.
• Difficulté de gestion et complexité
organisationnelle.
Source : J.P. Helfer, M. Kalika, J. Orsoni, Management, Vuibert.
Avantages/inconvénients de l’internationalisation
C’est pourquoi les entreprises adoptent des organisations variées
en fonction des caractéristiques des marchés, notamment de leur
taille. Pour réussir leur développement international, les entreprises suivent une démarche qui consiste à :
• identifier les pays qui présentent les meilleures opportunités ;
• affiner la connaissance du ou des pays retenus ;
• déterminer les adaptations nécessaires à leur offre ;
• sélectionner le mode d’implantation le plus pertinent.
L’identification des opportunités
© Groupe Eyrolles
La première étape consiste à identifier les pays qui présentent les
meilleures opportunités. L’analyse consiste en une revue d’ordre
macroéconomique qui peut être conduite avec la méthode PESTEL
déjà mentionnée (cf. pages 37 et 60). La mise en évidence des similitudes et des différences permet de s’orienter vers des zones où les
paramètres socio-économiques présentent plus de similitudes.
Afin d’avoir une vue synthétique des différents pays, les entreprises positionnent ceux-ci en fonction de deux axes, attractivité
et risque, les cercles étant proportionnels à la taille du marché.
261
5927_.book Page 262 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Attractivité
De nombreux facteurs peuvent influer sur l’attractivité d’un pays
en fonction de la nature du produit/service et du positionnement.
Parmi ces facteurs, citons :
• la taille du marché, sa saisonnalité et ses fluctuations ;
• la croissance ;
• les conditions concurrentielles : intensité de la concurrence,
barrière d’entrée ;
• l’existence de conditions prohibitives : tarifs douaniers,
barrières non tarifaires, restrictions à l’importation des produits
étrangers ;
• la réglementation : contrôle des prix, besoin de contenu local,
exportations ;
• la stabilité économique et politique.
Certains de ces facteurs peuvent être combinés de manière synthétique, par exemple dans une matrice taille/croissance telle que
celle présentée ci-dessous :
Croissance de la consommation par habitant
(croissance moyenne annuelle en %)
10
Inde
Chine
Pologne
Espagne
5
Allemagne
Russie
Australie
Italie
Mexique
US
UK
0
0
Brésil
2
4
France
6
8
10
Japon
12
14
Consommation par habitant
en 2004 (en litres/an)
Argentine
Exemple d’analyse d’attractivité pour le produit XYZ
262
© Groupe Eyrolles
–5
5927_.book Page 263 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Assurer l’adaptation internationale
Risques
Plus que les différences sociales, économiques politiques juridiques, ce sont l’incertitude et l’instabilité qui sont les plus grands
facteurs de risque pour l’entreprise. Dans un système stable même
très différent, l’entreprise peut organiser son développement de
manière volontariste, construite et systématique. À l’inverse, dans
les systèmes imprévisibles ou instables, l’entreprise internationale
est en mode réactif et en général moins à même de réagir et de
s’adapter que les entreprises locales habituées à vivre dans ce type
d’environnement ; il convient donc de faire une analyse des différentes composantes de la méthode Pestel en évaluant sur chacun
des critères le niveau de la stabilité.
Les différents pays peuvent ensuite être classés sur chacun de ces
axes afin de créer la matrice attractivité/croissance :
Élevée
Attractivité
des pays
Moyenne
Limitée
Faible
Moyen
Élevé
Niveau de risques
Matrice attractivité/risques
© Groupe Eyrolles
L’analyse approfondie du ou des pays retenus
La seconde étape consiste à affiner la connaissance du ou des pays
retenus. D’une manière générale, et plus particulièrement dans les
premiers temps, l’information sur le marché est moins riche que
dans le pays d’origine. Il faut bien sûr rassembler toutes les
263
5927_.book Page 264 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
informations disponibles, compléter les analyses par des études
spécifiques, mais surtout comprendre le terrain.
En effet, beaucoup d’éléments qui permettent de comprendre le
marché sont implicites ; or comme on l’a vu précédemment, c’est
la connaissance intime du client et de ses besoins (« customer
insight ») qui permet de réussir. Dans la grille de lecture cidessous, on constate que cohabitent dans les modèles culturels
des éléments de comportements explicites et implicites :
Langage
pli
rel
ltu
cu
Savoir-faire
Institutions
Modes d’organisation collectifs
Normes
« Do’s and don’t s »
Im
pli
cit
es
Mo
dè
les
Ex
s
cit
es
Comportements
explicites
Valeurs
Comportement dans la vie, buts de la vie…
États mentaux et processus cognitifs
Perception, apprentissage…
Mythes et représentations sociales
(nature,temps…)
Pour certains pays, les études qui permettent de comprendre les
clients sont nombreuses. Tel est le cas de la Chine, où une étude
menée par McKinsey1 consacrée aux riches consommateurs
chinois a mis en évidence l’existence de sept segments :
• les luxuriants (22 % du marché des riches Chinois, revenus
moyens du foyer : 85 000 dollars) : principalement localisés
dans les grandes villes ; proportion plus élevée de femmes ;
1.
Étude McKinsey des riches consommateurs chinois en 2008.
264
© Groupe Eyrolles
Modèles culturels explicites et implicites
5927_.book Page 265 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Assurer l’adaptation internationale
•
•
•
•
•
© Groupe Eyrolles
•
sont sensibles à la santé, à l’environnement et à la qualité de la
vie familiale ; sont très attirés par les produits de luxe, mais la
qualité est plus importante que la marque ;
Les bling-bling (22 % ; 78 000 dollars) : essentiellement localisés
dans les grandes villes ; peu soucieux de la santé de l’environnement ; sont plutôt à la recherche du meilleur prix ; dépensent
beaucoup dans les produits de luxe ;
les urbains (14 % ; 73 000 dollars) : principalement localisés
dans les grandes villes ; forte proportion d’hommes soucieux de
la santé, de l’environnement et de la qualité de la vie de famille ;
sophistiqués mais discrets ; plus soucieux de la qualité du
produit que de la marque ;
les exigeants (13 % ; 84 000 dollars) : plus riches et plus
travailleurs que la moyenne ; détestent les emprunts ; aiment les
produits qui leur permettent de se distinguer de la foule, mais
sont peu enclins à payer cher ; difficiles à séduire ;
les enthousiastes (11 %, 69 000 dollars) : très présents dans les
villes de taille moyenne ; enthousiastes à propos des produits
de luxe ; ils veulent en acheter plus qu’ils ne peuvent s’en offrir
et veulent sortir de la masse ; sont prêts à acheter des copies ;
favorisent les marques chinoises ;
les terre-à-terre (10 % ; 70 000 dollars) : essentiellement présents
dans les villes de taille moyenne, ils valorisent plus la vie familiale
que la vie sociale ; sont peu préoccupés par les produits haut de
gamme et les marques étrangères ;
les ascendants (8 % ; 71 000 dollars) : présents dans les villes de
tailles moyenne et petite ; conscients de leur statut ; recherchent
la vie sociale ; apprécient les produits de luxe, mais n’en font
pas une nécessité et vont rechercher un prix compétitif.
Mais, même si les études sont nombreuses, les visites terrain
restent extrêmement instructives comme le rapporte le Wall Street
Journal du 2 juillet 2009 à propos de la visite en Chine de la présidente de PepsiCo, qui voulait savoir comment les gens vivaient,
comment ils mangeaient et quelles étaient les opportunités de
croissance : « “J’ai voulu voir comment les gens vivent, comment ils
mangent, quelles sont les opportunités de croissance.” (La PDG de
Pepsico, Indra Nooyi est allée dans des petites rues, où le linge
265
5927_.book Page 266 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
séchait dehors et les bicyclettes étaient garées. Entrant dans un petit
appartement où vivent quatre générations d’une famille chinoise,
les directeurs qui l’accompagnaient et elle-même ont posé des questions sur le développement rapide de la Chine, leurs habitudes de
consommation et leurs réactions face aux marques occidentales.
Cette visite faisait partie d’un programme d’immersion de dix jours
en Chine pour Mme Nooyi)1. »
Il faut connaître et comprendre, mais il faut aussi ressentir.
L’ensemble des informations identifiées sur les différents marchés
ainsi que sur le marché d’origine peut être regroupé dans des
tableaux SWOT permettant d’avoir une vue d’ensemble.
L’adaptation de l’offre
La troisième étape consiste à déterminer les adaptations nécessaires à l’offre. La démarche marketing reste la même que dans le
pays d’origine, à savoir connaître, positionner, concevoir,
déployer, mais, sur chacune des étapes, il faut tenir compte des
caractéristiques locales.
Le positionnement dépend de la maturité des marchés ; la bipolarisation est un phénomène général, même s’il existe des variations
entre les pays. Cette bipolarisation se manifeste à des rythmes
différents selon les endroits du monde. Dans certains secteurs tels
que le marché de l’automobile ou celui de la confection, la bipolarisation est plus accentuée en Chine qu’elle ne l’est en Europe.
Même au sein des pays occidentaux dont le niveau de maturité
économique est relativement homogène, il existe des différences
significatives selon les secteurs économiques.
Une étude menée par McKinsey montre que l’intensité de la bipolarisation varie significativement selon les secteurs et les pays. Elle
permet de distinguer trois types d’évolution :
1.
Traduction de l’auteur.
266
© Groupe Eyrolles
Le positionnement
5927_.book Page 267 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Assurer l’adaptation internationale
• des couples secteurs/pays évoluant vers le « haut de gamme »
(migration to high end) ;
• des secteurs/pays évoluant vers la compétitivité prix (migration
to no frills-value) ;
• des secteurs/pays où les deux segments croissent au détriment
du milieu de gamme (balanced polarization).
50
40
30
20
10
Lecteurs MP3
Monde
Rasoirs
Amérique du nord Machines à café
Allemagne
8
Dentifrice
Monde
6
4
2
0
–2
Vins
Amérique du Nord
Mouchoirs papier MDD
Allemagne
Caméras digitales
Monde
MIGRATION VERS LA
DIFFERENCIATION
Réfrigérateurs
Europe
Voitures «compactes»
Europe
Gros électro-ménager
Amérique du Nord
Confection
BIPOLARISATION
Allemagne
Banques de détail
EQUILIBREE
Allemagne
Réfrigérateurs intégrés
Europe
Lessives textile
Réfrigérateurs
Amérique du Nord
Amérique Nord
Bières
Compagnies aériennes
Europe
Téléphone mobiles
Amérique du Nord
Monde
Épicerie
Amérique du Nord
Bières
Serveurs
Transport marchandises Allemagne
Alimentaire de détail
Monde
Monde
Allemagne
Couches
Amérique du Nord
MIGRATION
–4
VERS LA COMPETITIVITE
–6
Notebook
Monde
–8
20
14
17
10
11
5
0
–
–
5
– 10
10
– 0
8
– 0
6
– 0
4
– 0
20
–
10
Croissance des segments « haut de gamme »
Taux moyen de croissance annuelle par rapport
à la moyenne du secteur (1999-2004)
Croissance des segments « compétitif »
Source : McKinsey.
© Groupe Eyrolles
La bipolarisation selon les pays secteurs
Par exemple, la demande pour les réfrigérateurs haut de gamme
est apparue aux États-Unis avec une décennie d’avance sur
l’Europe. Ce phénomène est attribué à la croissance rapide des
catégories socio-professionnelles élevées (CSP++) aux États-Unis
et au fait que des marques haut de gamme ont été établies très tôt.
Mais, aujourd’hui, les taux de croissance des modèles haut de
gamme en Europe sont supérieurs à ceux de l’Amérique du Nord.
Cependant, quel que soit le niveau de bipolarisation, la plupart
des firmes, dans un souci de cohérence, cherchent à maintenir le
même positionnement dans les pays où elles sont présentes,
267
5927_.book Page 268 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
La conception de l’offre
La conception de l’offre va évidemment requérir des ajustements plus ou moins importants selon la nature des pays et la
nature de l’offre. Dans les marchés industriels et dans certains
268
© Groupe Eyrolles
même si celui-ci requiert des adaptations relatives à la concurrence. BMW ou Vuitton, clairement positionnés en différenciation,
déploient des stratégies internationales qui respectent scrupuleusement leur positionnement d’origine.
Mais respecter le positionnement ne signifie pas déployer de
manière rigide la même offre marketing dans tous les pays ; il
convient en effet de s’adapter. Ainsi, pendant longtemps, L’Oréal a
construit son leadership mondial sur des marques mondiales et des
produits peu spécifiques. Mais, depuis quelques années, la firme
s’adapte à des particularismes, notamment ethniques : les produits
de soins et de traitement du cheveu destinés aux Afro-Américains
et aux Africains ne peuvent pas être les mêmes que ceux destinés
à l’Inde, à la Chine ou à l’Europe. L’Oréal s’est donc engagé dans
de nouvelles activités, soit de manière organique en adaptant sa
R&D, soit par des acquisitions ciblées (Softsheen spécialiste des
produits destinés aux Afro-Américains, par exemple).
Respecter le positionnement au niveau international est un nécessaire impératif de cohérence. En revanche, le positionnement peut
être mis en œuvre et décliné d’une manière qui répond aux caractéristiques des marchés locaux.
Certaines entreprises comme Coca-Cola ou McDonald’s tendent à
minimiser les adaptations locales et à promouvoir une approche
globale ; notons néanmoins que, depuis quelques années et face
à la saturation du marché nord-américain, McDonald’s est ouvert
à des particularismes locaux en offrant des menus à base de
produits locaux. Même si les Golden Arches restent bien
présentes, les restaurants et les menus se « localisent ».
Cette impérative nécessité de respecter un positionnement global
tout en ménageant des adaptations à l’offre locale a donné naissance à un néologisme : l’approche « glocale ». (« think global, act
local »). La mise en œuvre de ce principe directeur est bien
entendue spécifique à chaque entreprise.
5927_.book Page 269 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Assurer l’adaptation internationale
Bangkok
Mexico
Argentine
Angleterre
Japon
Allemagne
McDonald’s : la même symbolique
Pays
Articles spécifiques aux pays
Allemagne
Bière
Italie
Pasta bar
Angleterre
Vegetable Deluxe, salade de pâtes au poulet, McRib pork Sandwich
Malaisie
Salades
France
Fried chicken
Argentine
Tarte à la banane (banana pie)
Thaïlande
Samuraï pork Burger, fried chicken, tarte à l’ananas (pineapple pie)
Japon
Teriyaki McBurger, chicken tatsuta, milkshake à la banane
Singapour
Kiasu Burger, McPepper Burger, Samuraï Burger
Mexique
Mexican McMuffin
Canada
Chicken fajitas, pizza
Australie
McFeast Burger
© Groupe Eyrolles
McDonald’s : adaptation de l’offre au palais local
types de services, la standardisation est croissante en raison de
la standardisation des normes et de la délocalisation des unités
de production. Dans les marchés grand public, les cas de figure
sont très différents entre certains produits électroniques ou
certains spiritueux, identiques dans la plupart des pays, et
des produits agroalimentaires, beaucoup plus spécifiques et
269
5927_.book Page 270 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
caractéristiques des habitudes locales. Cependant, même
lorsque les produits sont identiques il faut tenir compte du
contexte implicite ou explicite du pays. Ainsi, McDonald’s n’a
pas pu utiliser le clown Ronald au Japon parce que son visage
tout blanc évoque la mort. En Espagne, Coca-Cola n’a pas pu
commercialiser sa bouteille de 2 litres, les Frigidaire étant trop
petits. Sephora a dû se retirer du Japon, le concept de supermarchés haut de gamme ne correspondant pas à l’attente des
Japonaises demandeuses de services.
La grille de lecture ci-dessous permet de synthétiser le niveau des
ajustements nécessaires : plus l’entreprise va privilégier l’adaptation locale, plus elle risque de s’éloigner de la cohérence globale
de sa stratégie. L’arbitrage adaptation locale/cohérence globale est
souvent délicat.
Cohérence globale
Adaptation locale
Connaissance marchés
Positionnement
Produit
Prix
Distribution
Communication
Indicateurs et suivi de performance
Selon les entreprises, cette marge de manœuvre à l’adaptation
locale est plus ou moins déléguée. L’exemple ci-dessous est celui
d’une multinationale commercialisant des biens durables pour le
grand public ; les responsabilités sont réparties entre le siège, les
directions régionales (zone regroupant plusieurs pays) et les pays :
le « non » signifie que la marge de manœuvre est inexistante :
aucune adaptation n’est acceptable :
270
© Groupe Eyrolles
Affiner les ajustements
5927_.book Page 271 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Assurer l’adaptation internationale
Responsabilité
Locale
Régionale
Centrale
Positionnement
Non
Non
Oui
Modifications produit
Non
Oui
Oui
Modification du packaging
Non
Oui
Non
Communication/marques principales
Non
Non
Oui
Création de sous-marques
Oui
Oui
Non
Innovation produit
Non
Oui
Oui
Politique de prix
Non
Oui
Non
Relations publiques
Oui
Oui
Oui
Études marketing
Oui
Oui
Oui
Typologie des marges de manœuvre (exemple)
© Groupe Eyrolles
Les produits et services
Certains produits ne peuvent subir aucune adaptation ; c’est le cas
des produits naturels comme l’eau d’Évian ; même certains produits
fabriqués comme le champagne, le whisky ou le Coca-Cola ne
subissent que des adaptations très marginales (dosage de liqueur
pour le champagne par exemple). En revanche, les packagings sont
souvent adaptés : ainsi, aux États-Unis, les bouteilles de vin ou de
spiritueux doivent recevoir une contre-étiquette qui signale les
restrictions d’utilisation des produits. De plus, les couleurs n’ont pas
les mêmes significations dans tous les pays : ainsi, le blanc est synonyme de pureté en France ; mais c’est, au Japon, la couleur du deuil.
Dans les produits industriels, les adaptations sont plus dictées par
l’usage et les normes que par la nationalité de l’acheteur.
Mais d’une manière générale, même dans des marchés relativement globaux tels que l’automobile, les adaptations sont nécessaires. Le concept d’un modèle mondial développé par Ford, dans
les années 1980, avec la Ford Fiesta est loin d’avoir été un succès
dans tous les pays. Aujourd’hui, sur le très vaste marché chinois,
les producteurs occidentaux s’adaptent. Les Chinois susceptibles
d’acheter une BMW ont souvent un chauffeur : l’arrière des BMW
est entièrement repensé et aménagé comme un salon. Les Chinois
raffolent du chrome, BMW en garnit l’habitacle.
271
5927_.book Page 272 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
En Chine, une loi récente stipule que les véhicules de plus de 5,9 m
ne peuvent rouler de nuit en ville ; or, la Rolls Phantom mesure
6,05 m ; la décision de BMW, propriétaire de la marque, a été
immédiate : la voiture a été raccourcie de quelques centimètres.
Bien que Nescafé soit une marque mondiale, les produits vendus
sous cette marque diffèrent sensiblement :
• en Russie, plus gros marché mondial de café soluble, Nescafé
propose des doses avec sucre et lait en poudre intégré et ventes
de sticks à l’unité ;
• au Pakistan, le café est torréfié plutôt léger avec un goût
prononcé de céréales ;
• au Mexique, premier marché mondial de Nescafé, le café est
plus fort et plus amer ;
• en Malaisie, la tendance nutrition/bien-être amène Nescafé à
introduire des ingrédients bénéfiques à la santé comme le
calcium, le gingembre et le miel ;
• au Vietnam, le café est vendu tout préparé en boîtes d’aluminium distribuées aux côtés des canettes de coca ;
• au Japon, où les consommateurs sont très connaisseurs, Nestlé
choisit des grains de qualité supérieure et élabore un café
moyennement torréfié, riche en arômes.
Dans la région rurale et reculée d’Arequipa, au Pérou, l’Arequipena est la bière de choix depuis des générations. SABMiller, qui
la possède, s’est dit qu’il pourrait imposer aussi une bière concurrente colombienne qu’il possède aussi : la Pilsen. Pour la fête
annuelle du taureau, l’entreprise avait donc mis en vente cette
seule marque, relativement inconnue dans la région. La révolte a
été terrible : les habitants ont vidé les fûts et détruit les stands.
« Cela nous a servi de leçon ; notre nouveau credo est d’être le plus
local des brasseurs internationaux. »
Heineken a bien compris l’impossibilité de la mondialisation de la
bière puisque, dans son portefeuille, les marques et les produits
locaux jouent un rôle croissant comme l’illustre la figure ci-contre.
En Chine, L’Oréal adapte ses produits à la clientèle locale. Même
s’ils portent le même nom qu’en France, 85 % des cosmétiques de
L’Oréal vendus en Asie ont des formules spécifiques. Ainsi, L’Oréal
a créé à Shanghai un centre de recherche spécifique sur l’étude de
272
© Groupe Eyrolles
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
5927_.book Page 273 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Assurer l’adaptation internationale
Volume bière (M hl)
90
79,1
80
70
Croissance
annuelle
60
53,5
64 % 50,7
Marques locales
+ 6,2 %
9%
Amstel, Murphy’s,
Buckler (non domestique)
+ 5,1 %
Heineken (non domestique)
+ 4,4 %
Amstel, Murphy’s, Buckler
(domestique)
Heineken (domestique)
– 1,5 %
50
40
59 % 31,3
30
20
10
0
9%
7,0
4,7
21 % 11,0
4 % 2,2
8 % 4,3
1990
20 % 15,6
3%
5%
2,0
3,8
– 1,2 %
1998
Source : World Brewer Factfile ; Plato Logic Ltd. (1999).
Heineken : rôle croissant des bières locales
© Groupe Eyrolles
la peau et du cheveu chinois. Il faut par exemple tenir compte de
rayons UVA trois fois plus forts qu’en France et du souhait des
Chinoises de préserver la clarté de leur peau. Les produits sont
fabriqués localement à Suzhou. L’homme chinois étant coquet,
L’Oréal a lancé en Chine des gammes de cosmétiques sous la
marque L’Oréal Men Expert et Garnier Men, qui n’existent pas en
Europe, avec comme égérie l’acteur star de Hong Kong Daniel Wu.
De même, Danone adapte ses produits au goût du pays. Par exemple,
au Brésil, le Petit Gervais devient Danoninho et contient plus de vitamines A et D qui sont les préférées au Brésil. Mais au Japon, c’est
surtout la vitamine A qui est préférée alors qu’en Pologne, c’est la vitamine D. Aux États-Unis, le flacon d’Actimel est vendu sous la marque
DanActive, dans un flacon jaune qui suggère la vitalité.
Le prix
Le prix doit bien sûr refléter le positionnement relativement à la
concurrence, ce qui peut entraîner des variations significatives
d’un pays à l’autre comme le souligne le panel de prix européens
en page suivante.
273
5927_.book Page 274 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Allemagne
Belgique
Espagne
1 litre et demi
de Coca-Cola
1,07
1,39
0,81
1,21
1,34
1,16
250 g de café arabica
2,75
2,21
1,60
2,28
3,50
2,47
1 paquet
de Marlboro Light
2,86
3,20
2,40
3,60
3,00
3,01
1 boîte de crème
Nivea (150 ml)
3,78
3,02
3,46
2,43
2,58
3,05
50 couches Pampers
pour bébé (5-10 kg)
11,75
12,02
19,20
10,66
16,00
13,93
1 Levi’s Engineer
79,95
77,95
73,62
74,55
76,00
76,41
130,00
140,00
104,58
129,99
3,05
3,55
3,00
3,95
3,00
3,31
17,99
17,23
19,80
19,67
19,00
18,74
1 534,00
1 208,00
1 797,00
1 194,90
299,00
321,99
300,45
303,37
309,36
306,83
12 620,00
11 580,00
10 302,00
11 740,00
10 550,00
11 358,40
1 paire de Nike Air
1 menu enfant
chez MacDonald
1 cd du best-of
de Madonna
1 iMac
1 Playstation
1 Peugeot 206 XR,
1,4 l, 5 portes
France
Italie
–
–
Moyenne
126,14
1 433,47
Moins cher
Plus cher
Source : Commission européenne.
Même s’ils sont conformes aux exigences de cohérence avec le
positionnement, les prix ne peuvent pas être les mêmes partout :
les taxes locales, les circuits de distribution et les coûts associés,
les fluctuations de change sont autant de facteurs créateurs de
disparités. À titre d’exemple, H&M étiquette ses produits pour
toute l’Europe en deux monnaies, l’euro et la livre sterling. Les
variations de change entre la livre sterling et l’euro modifient la
perception du prix du voyageur international.
Si les différences de prix d’un pays à l’autre deviennent trop significatives (par exemple pour des raisons fiscales), elles génèrent
des marchés parallèles. Tel est, par exemple, le cas des cigarettes
274
© Groupe Eyrolles
Panel de prix européens (en €)
5927_.book Page 275 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Assurer l’adaptation internationale
et de certains médicaments en Europe. Le paracétamol coûte
quatorze fois plus cher en France qu’aux Pays-Bas, où les prix de
l’alimentaire sont 28 % plus élevés qu’en Belgique, alors que les
deux pays ont des tailles et des PIB similaires1.
La distribution
Les variations des systèmes de distribution d’un pays à l’autre sont
extrêmement importantes, même entre pays de niveau de vie similaire ; ainsi, au Japon, la distribution de produits ou de services industriels est contrôlée par des réseaux informels qu’il est très difficile de
pénétrer sans le recours à un partenaire ou à un licencié japonais.
Si, dans les pays occidentaux, les produits de grande consommation sont en général distribués par des grandes surfaces, tel n’est
pas le cas dans de nombreux pays d’Asie, où la distribution est
assurée très largement par le petit commerce indépendant ou par
des milliers de vendeurs individuels offrant leurs produits en plein
air ou dans de petites échoppes.
© Groupe Eyrolles
Exemples de distribution
Par exemple, au Mexique, Danone s’adapte à une commercialisation très fragmentée. Ayant constaté que les Mexicains grignotaient
beaucoup dans leur voiture, Danone a mis en place des brigades
de cruzeiros, des vendeurs ambulants présents aux carrefours. Ils
sont aujourd’hui plusieurs milliers. Afin de ne pas délaisser le
commerce de proximité, majoritaire au Mexique, Danone fait
repeindre en bleu toutes les petites épiceries et les dotent
d’armoires frigorifiques aux couleurs des marques du groupe
1.
Source : rapports de la Commission européenne sur la consommation.
275
5927_.book Page 276 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
(environ 100 000 par an) ; les produits sont livrés par des camions
aux couleurs de Danone.
Même parmi des pays au niveau de vie similaire, les différences
peuvent être significatives, soit pour des raisons explicites, comme la
réglementation, soit pour des raisons implicites ou culturelles. Ainsi,
aux États-Unis les réglementations concernant la distribution de vins
et spiritueux varient d’un État à l’autre ; certains états sont dits
« fermés » ; c’est l’État qui contrôle la distribution et gère des magasins
spécialisés ; d’autres, dits « ouverts », laissent la distribution libre.
Enfin, dans de nombreux pays, y compris occidentaux, il existe
des marchés parallèles qui organisent la distribution de produits
d’une manière non contrôlée et qui échappent de ce fait au
producteur. C’est particulièrement vrai dans le domaine des spiritueux, où certaines plaques tournantes (au Paraguay, par
exemple) organisent la distribution de produits d’une manière non
conforme à la plupart des réglementations.
Les principes diffèrent fondamentalement selon que l’on parle de
marque globale ou de marque régionale ou locale.
À cet égard, le monde industriel est relativement plus simple
puisqu’il existe de nombreuses marques globales dont beaucoup
sont inconnues du grand public, mais qui bénéficient d’une notoriété importante auprès des spécialistes et des acheteurs (Accenture, Oracle, SAP…) alors que d’autres sont même connues du
grand public (Intel, General Electric, IBM…).
Dans le domaine de la grande consommation, on trouve en
revanche, à côté de quelques grandes marques globales, beaucoup de cas de figure différents, avec des marques locales ou
même des marques « départementales ».
Bien sûr, toutes les marques n’ont pas la même valeur et les firmes
de grande consommation qui disposent d’un portefeuille de
marques important, résultant souvent d’acquisitions, les hiérarchisent, comme le montre le schéma ci-contre.
Dans ce système, les marques stratégiques sont gérées globalement, mais les produits sont adaptés en fonction des consommateurs locaux selon le principe : « global brand, local product » ; le
rôle du centre est de définir les lignes directrices et les caractéristi-
276
© Groupe Eyrolles
La communication
5927_.book Page 277 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Assurer l’adaptation internationale
Nombre
de marques
Typologie des marques
10
Marques stratégiques mondiales
45
Marques de produits stratégiques KitKat, Coffeemaker, Structures et
Crunch
caractéristiques
définis par le siège
Marques stratégiques régionales Perugina, Findus,
25
Exemples
Approche
Nestlé, Nescafé,
Maggi, Friskies,
Buitoni, Carnation
Stouffers
100
Marques régionales
Eskimo, Taster’s
choice, Go-Cat
700
Marques locales
Brigadeiro do
Brazil
Responsabilité du
management local
Source : littérature et articles de presse ; analyse de l’auteur.
Nestlé : typologie des marques du groupe
© Groupe Eyrolles
ques de la marque (« Nestlé House of Brand Building »), le rôle des
pays est de connaître les consommateurs locaux (consumer
insight). La responsabilité de l’activité et de la direction générale est
d’établir un cadre pour chacune des marques mondiales : un document de politique de marque, un certain nombre de standards de
packaging et d’étiquetage, un positionnement de la marque et une
plateforme de communication ainsi qu’un manuel de packaging.
Les marques régionales sont de la responsabilité de l’activité et du
management régional : elles sont internationales mais ne sont pas
mondiales. Quant aux 700 marques locales, elles sont importantes
pour certains pays ; elles sont gérées par les marchés locaux et
supervisés par les activités afin de s’assurer que leur positionnement et leur étiquetage sont suffisants pour les protéger1.
Pernod-Ricard a mis en place un système similaire composé de 14 marques
stratégiques de spiritueux et champagne, de 18 marques locales leaders sur leur
marché et de nombreuses marques locales. Alors que son concurrent dirige ou gère
ses marques mondiales telles que Johnny Walker ou Smirnoff de son siège de
Londres, Pernod-Ricard gère ses marques mondiales à partir du lieu de production ;
par exemple Cognac pour Martel, ou l’Écosse pour Chivas. Les marques locales ou
multilocales fortes sont coordonnées afin de surveiller le phénomène de marché
1.
Source : interview de P. Brabeck-Letmathe, CEO de Nestlé, par McKinsey
Quarterly.
277
5927_.book Page 278 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
parallèle. Enfin, les marques purement locales sont conservées afin de renforcer les
réseaux de vente et de distribution locale. Face à la difficulté de lancer des nouveaux
produits ou de nouvelles marques dans un monde saturé de vins et spiritueux,
Pernod-Ricard réalise des acquisitions qui lui permettent de combiner la puissance
mondiale des grandes marques et l’enracinement local de marques régionales
capitalisant sur le savoir-faire de la société. Ainsi, quand le groupe fait l’acquisition des
marques de Seagram (Chivas, Glen Grant, 100 Pipers, Seagram Gin, Martel…) et des
marques d’Allied Domecq (Mumm, Perrier-Jouët…), il accroît ses perspectives de
croissance mondiale en renforçant son offre dans des domaines où l’introduction de
nouveaux produits ou marques est particulièrement difficile. De plus, en renforçant
son portefeuille de marques régionales, il devient l’un des principaux producteurs de
whisky en Inde avec Royal Stag, et en Amérique latine avec Blender’s Pride, Natu
Nobilis, Dunbar. Il renforce sa présence au Brésil avec la vodka Orloff et au Portugal
avec le brandy Macieira, le marc Aldeia Velha et le Licor Beirao. Pernod-Ricard, en
menant à bien deux acquisitions successives (Seagram puis Allied Domecq) et fidèle
à son principe de conserver les réseaux commerciaux locaux et les marques locales
et d’y intégrer les marques mondiales soutenues par des campagnes de
communication importantes, a connu une très forte croissance et peut capitaliser
aujourd’hui sur une présence mondiale avec un portefeuille de marques très
complet : des marques mondiales fortes : Chivas, Mumm, Martel, Havana Club,
Absolut… ; des marques locales fortes : Ricard, Seagram Gin et des réseaux de
distribution localement puissants. Le principe directeur est le respect des décisions
de « terrain ». « Les décisions sont prises sur place et non dans une tour d’ivoire1 »,
déclare son directeur général, Richard Burrows.
Dans le monde B2B, les marques sont plus souvent gérées de
manière centrale. Ainsi, la marque Accenture est gérée par
l’équipe globale marketing et communication (Global Marketing &
Communication team) qui décide de la stratégie de la marque, de
son positionnement, de l’identité visuelle, de la publicité et des
parrainages mondiaux. Un système de revues et d’approbation des
moyens de communication développés par les pays a été mis en
place pour s’assurer de la cohérence globale et garantir une
réponse en 48 heures à toute demande. Le financement de ces
opérations est effectué au niveau central.
La stratégie de développement international peut prendre
plusieurs configurations possibles selon l’intensité des avantages
1.
Wall Street Journal du 7 septembre 2005. Traduction de l’auteur.
278
© Groupe Eyrolles
Le mode d’implantation
5927_.book Page 279 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Assurer l’adaptation internationale
concurrentiels qui peuvent être générés sur des bases locales et
sur des bases mondiales. En effet, dans les activités où les coûts
centraux sensibles aux effets d’échelle sont importants (recherchedéveloppement, production à forte intensité capitalistique…), une
position internationale forte est nécessaire pour assurer un avantage concurrentiel. À l’inverse, dans les activités où ce sont les
coûts locaux sensibles aux effets d’échelle qui sont prépondérants
(réseau commercial, image locale, logistique…), la réussite
concurrentielle dépend de la part de marché locale et non pas de
la position mondiale. La stratégie pertinente est alors une stratégie
en « collier de perles » qui se matérialise non par des exportations,
mais par des investissements directs dans chaque pays.
Le schéma ci-dessous présente les différents cas de figure :
Avantage concurrentiel
sur des bases mondiales
Faible
Fort
Avantage
concurrentiel
sur des bases
locales
Faible
Fort
Stratégie de
« colliers de perles »
Stratégie
d’intégration
internationale
Stratégie
de transformation
Stratégie
d’exportation
Source : BCG.
© Groupe Eyrolles
Typologie des stratégies internationales
Les stratégies d’exportation menées avec succès par les producteurs japonais ou coréens d’automobiles ou de matériel électronique grand public sont caractéristiques des secteurs où une
position internationale forte permet d’assurer un avantage concurrentiel durable, compte tenu de l’importance des coûts de
recherche et de production et de la faiblesse relative des coûts
logistiques.
En revanche, dans certains secteurs, la position mondiale forte doit
être combinée avec la puissance locale : IBM suit une stratégie
d’intégration internationale fondée à la fois sur une position
mondiale forte (recherche et développement) et sur les réseaux
279
5927_.book Page 280 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
commerciaux et de services après-vente locaux puissants. La
reprise d’un grand cabinet de conseil (PWC) bien implanté géographiquement lui a permis de conforter cette approche.
L’extension géographique peut être menée de diverses manières
(exportations, création d’une filiale commerciale, accords
commerciaux…). Ainsi, la plupart des producteurs japonais de
produits électroniques grand public ont commencé à s’implanter
en Europe en passant des accords commerciaux avec des importateurs locaux, puis, une fois le marché devenu suffisamment
important, ils ont procédé à des acquisitions de distributeurs.
Lorsque les caractéristiques marketing, réglementaires ou technologiques des nouveaux marchés sont proches du marché
d’origine, la même approche peut être mise en œuvre. Cependant,
au sein d’un même pays, il peut exister des différences significatives ; c’est le cas en Allemagne et bien sûr aux Etats-Unis, où, d’un
État à l’autre, la réglementation peut varier très fortement (par
exemple dans le cas de la banque de détail ou de la distribution
des vins et spiritueux).
Si l’objectif est de développer la couverture géographique internationale, plusieurs voies sont possibles : l’exportation, la création
de filiales commerciales ou de distribution, la cession de licence
ou les alliances commerciales. Elles permettent de faire face aux
différents cas de figure tout en mesurant le degré d’engagement et
de risque. Le schéma ci-dessous présente l’analyse faite par un
éditeur de logiciels :
Investissement croissant
Filiale
(totale ou JV)
Commerce
électronique
• Seul ou avec associé et
présence locale
• Plan et budget
• Reporting ad hoc
• Transfert de personnes
• Accord contractualisé sur un plan et un budget
marketing : prix, nombre de points de vente, promo,
RP, trade marketing
• Reporting marketing
• Révision du plan parallèle
aux déclarations de royalties
• Stock propriété du distributeur
• Conditions commerciales fixées : prix public
• Sans présence locale
Distribution
avec contrat d'achat-vente
Distribution
avec contrat d'achat
en consignation
Distribution
hors contrat
• Stock propriété de l'exportateur ; prix public imposé
• Marketing/commercialisation à la discrétion du distributeur
• Marketing/commercialisation
à la discrétion du distributeur
Contrôle croissant
Modes d’internationalisation
280
© Groupe Eyrolles
Licencié
Commerce
électronique
5927_.book Page 281 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
© Groupe Eyrolles
Assurer l’adaptation internationale
En fonction de la taille du marché global et du potentiel de part
de marché accessible pour le produit ou le service considéré, le
choix se fera entre la simple exportation ou la filiale de distribution. Entre ces deux cas extrêmes, toutes sortes de situations intermédiaires existent, telles que la distribution avec un contrat
d’achat en consignation dans lequel l’importateur s’engage peu, la
distribution avec un contrat d’achat-vente dans lequel l’importateur devient propriétaire des produits et donc s’engage plus, etc.
Par exemple, dans le domaine des vins et spiritueux, la plupart des
maisons de Champagne ont recours à des agents locaux qui constituent un catalogue de produits et de marques cohérent du point
de vue de l’image et de la clientèle visitée. C’est l’agent qui assure
la commercialisation du produit (visites, commandes livraison,
facturation…), le propriétaire de la marque pouvant assurer le
marketing local (publicité ou opérations de relations publiques…).
À l’inverse, les maisons qui ont une part de marché importante
peuvent assurer elles-mêmes l’ensemble du processus par le biais
de filiales ; ainsi, aux États-Unis, Moët & Chandon, leader du
marché du champagne, est distribué par une filiale (Scheffelin).
Dans le domaine des produits électroniques, caractérisé par des technologies, des clientèles et des canaux de distribution similaires dans
beaucoup de pays, les producteurs ont initialement utilisé des agents
locaux pour assurer la distribution puis, quand le marché est devenu
suffisamment important, ils ont soit racheté ces agents pour créer des
filiales commerciales propres, soit créé ex nihilo leurs filiales.
CFAO est un acteur de référence dans la distribution automobile
et pharmaceutique, dans la distribution de biens de consommation
et l’intégration de solutions informatiques et de télécommunications en Afrique et dans les collectivités d’outre-mer. Recourir à un
distributeur de ce type est une manière de développer son activité
dans cette zone sans néanmoins avoir besoin d’une connaissance
approfondie des pays concernés.
En revanche, lorsque les caractéristiques des nouveaux pays diffèrent très sensiblement des caractéristiques des pays d’origine, la
prudence s’impose, car les besoins d’adaptation vont renchérir
considérablement le coût des produits, voire s’avérer impossible.
Ainsi, dans le domaine des produits alimentaires, où les goûts et
281
5927_.book Page 282 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
1.
© Groupe Eyrolles
les habitudes de consommation peuvent être très différents, ou
dans le domaine de la banque de détail, où les réglementations et
les habitudes diffèrent considérablement d’un pays à l’autre, on
quitte la voie de l’extension géographique pour entrer dans la
diversification géographique.
Les modalités de l’extension géographique doivent donc être
étudiées avec rigueur et prendre en compte des éléments tels que
la taille du marché, la part de marché accessible, les caractéristiques marketing des nouvelles zones géographiques…
Enfin, un développement international réussi passe par le juste
équilibre entre les bénéfices tirés d’effets d’échelle globaux qui
peuvent entraîner une certaine standardisation et le respect des
particularismes locaux. La recherche de cet équilibre s’est pour
beaucoup d’entreprises traduite par l’approche « glocale ». Ainsi, la
société anglo-néerlandaise Unilever a mis en œuvre une stratégie
intitulée « le chemin de la croissance » (path to growth) focalisée
sur un nombre de marques réduit (environ 400) destinées à être
présentes dans la plupart des pays, tout en respectant l’équilibre
proposé ci-dessus. Cela permet à Unilever de se positionner
comme une « truly multi-local company1 » et de décliner ce
thème : « global challenges, local actions » « global policies, local
initiatives », « global reporting, local performance », « local tastes,
world-class know-how ».
Rapport annuel 2002.
282
5927_.book Page 283 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Chapitre 3
FORMALISER LE PLAN
MARKETING
« J’ai plus peur de nos propres erreurs que des plans de nos ennemis. »
© Groupe Eyrolles
Périclès
Formaliser le plan marketing est un exercice laborieux mais indispensable qui permet de regrouper toutes les informations et toutes les
analyses mentionnées lors des différentes étapes de la démarche
marketing. Mais le plan marketing n’est pas que ce recensement de
différentes rubriques. C’est avant tout un outil de pilotage et de communication.
• Les rubriques du plan marketing
– Synthèse managériale
– Analyse de l’environnement économique
– Impact des mégatendances
– Analyse SWOT
– Ressources de l’entreprise
– Stratégies et objectifs marketing
– Opérations marketing
283
5927_.book Page 284 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Le plan marketing est la matérialisation de l’activité marketing
future. Il donne une visibilité à la stratégie et aux actions marketing de l’activité. Il énonce la stratégie retenue pour un produit, un
service, une gamme ou toute entreprise, ainsi que sa traduction
opérationnelle en termes d’action, de budget et d’objectifs. Il
permet de formaliser la démarche et de connaître ce qui va être
réalisé, dans le détail, pour l’année en cours et dans les grandes
lignes pour les prochaines années. Un plan marketing est généralement réalisé sur trois ans et réactualisé tous les ans. C’est un outil
de management et de contrôle qui permet de faire partager à tous
une vision commune et de vérifier la cohérence des différentes
actions menées.
Le plan marketing n’est pas antinomique avec des marchés extrêmement changeants : plus le marché est instable, plus il faut
s’organiser pour affronter les aléas et les risques. Le plan marketing concerne toute entreprise ; il permet de mobiliser les hommes
et les femmes de l’entreprise et de canaliser les énergies.
« Les plans ne comptent pas, c’est la planification qui importe »,
disait le général Eisenhower. Le processus de planification est
effectivement nécessaire, il doit impliquer toutes les parties
prenantes de l’entreprise afin de permettre à tous de s’approprier
la démarche marketing.
La construction du plan est un processus qui s’étend sur toute
l’année, suivant un certain nombre d’étapes dont le tableau cidessous donne une indication :
284
© Groupe Eyrolles
– Projections financières et budget
– Contrôle, évaluation et plan de secours
• Les éléments clés de la construction du plan
– Éléments critiques
– Validation de la pertinence et de la cohérence
– Resserrement du pilotage
• La vie du plan marketing
5927_.book Page 285 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Formaliser le plan marketing
mb
re
No
ve
Ma
i-ju
i
re
tob
oc
ebr
Préparation des actions
du plan marketing
opérationnel
Analyse SWOT
Identification
des ressources,
Objectifs à MT/LT
n
m
pte
Se
Finalisation des actions
et budget
l
Présentation, feedback
et ajustements
Études,marketing audit,
Bilan de l’année n-1
Analyses d’écart
ri
av
rs-
-dé
Ma
Consolidation et
plan de déploiement
Réunion de lancement
kick-off meeting
Janvier-Février
ce
mb
re
Kick-off du déploiement
Juillet-Août
Stage One meeting
Point d’étapes,
Planning à venir
Finalisation des éléments
stratégiques du plan marketing
Construction du plan : exemple de calendrier
« Aucun plan, si élaboré soit-il, ne résiste au premier contact avec
l’ennemi », affirmait le maréchal Foch. Le déploiement d’un plan
marketing n’est jamais fluide ; dès le contact avec le marché, des
informations remontent. Elles doivent être triées et, le cas échéant,
déclencher des actions correctrices.
Les rubriques du plan marketing
Toutes les entreprises ne font pas de plan marketing ; parmi celles
qui en font, on trouve une grande diversité dans la formalisation
des plans. Le fait est qu’entre l’entreprise multinationale de biens
de grande consommation et la PME spécialisée sur une niche
industrielle, l’utilité du plan marketing n’est pas la même. Malgré
ces différences, on s’attend à retrouver, a minima, les rubriques
présentées dans le tableau ci-dessous :
1. Synthèse managériale
2. Analyse de l’environnement économique
3. Impact des mégatendances
4. Synthèse FFOM (SWOT)
© Groupe Eyrolles
5. Ressources de l’entreprise
6. Stratégies et objectifs marketing
7. Opérations marketing
8. Projections financières et budgets
9. Contrôle et évaluation
Rubriques du plan marketing
285
5927_.book Page 286 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Une entreprise de grande taille, engagée sur différents marchés et
sur différents pays, construira un plan marketing plus élaboré qui
peut se présenter, comme le montre le schéma ci-dessous, avec,
d’une part, une partie commune et partagée par l’ensemble des
divisions et, d’autre part, des sections spécifiques aux divisions ou
aux gammes de produits :
1. Synthèse managériale.
2. Analyse de l’environnement économique : juridique, réglementaire, politique, facteurs
sociaux et culturels, facteurs économiques, concurrentiels et technologiques, description des
marchés/clients et des stratégies marketing, description des mesures de performance.
3. Impact des mégatendances :
– sélection des mégatendances impactantes ;
– freins et accélérateurs ;
– impacts positifs/négatifs.
4. Synthèse FFOM (SWOT) :
– analyse interne : forces et faiblesses ;
– analyse externe : menaces et opportunités.
Division A
Division B
6. Stratégies et objectifs marketing :
– vision, mission, positionnement ;
– principales composantes 5P ;
– chiffrages des objectifs et horizon de temps.
6. Stratégies et objectifs marketing :
– vision, mission, positionnement ;
– principales composantes 5P ;
– chiffrages des objectifs et horizon de temps.
7. Opérations marketing :
– marketing mix détaillé ;
– actions, responsabilités, partenaires
et calendrier.
7. Opérations marketing :
– marketing mix détaillé ;
– actions, responsabilités, partenaires
et calendrier.
8. Projections financières et budgets :
– rappel des objectifs chiffrés ;
– détermination des coûts ;
– rentabilité du plan marketing.
8. Projections financières et budgets :
– rappel des objectifs chiffrés ;
– détermination des coûts ;
– rentabilité du plan marketing.
9. Contrôle et évaluation :
– benchmark et indicateurs pertinents ;
– suivi des réalisations par périodes ;
– back-up.
9. Contrôle et évaluation :
– benchmark et indicateurs pertinents ;
– suivi des réalisations par périodes ;
– back-up.
Rubriques détaillées du plan marketing
286
© Groupe Eyrolles
5. Ressources de l’entreprise :
– ressources financières ;
– ressources humaines.
5927_.book Page 287 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Formaliser le plan marketing
Synthèse managériale
La synthèse managériale est destinée à être lue par les directions
générales et par l’ensemble des parties prenantes ; elle doit
présenter les axes majeurs de la stratégie, les plans d’action, les
principaux indicateurs et le degré de risque. Elle doit présenter
l’essentiel et recommander des choix clairs ; elle doit valider la
cohérence et être réaliste. Les spécialistes du marketing inventent
chaque année de nouveaux sigles, de nouveaux mots, de
nouvelles abréviations. Ils doivent être bannis de la synthèse
managériale car celle-ci doit être lisible par des non-spécialistes du
marketing.
Rédiger la synthèse managériale en une page est un exercice très
difficile : « Je vous écris une longue lettre car je n’ai pas le temps
d’en écrire une courte », notait Voltaire.
En quelques lignes, elle doit donner les éléments de contexte (activité, marché…), indiquer les principales composantes de la stratégie (positionnement et évolution), souligner les points forts et les
principales actions et indiquer les perspectives de performance.
Analyse de l’environnement économique
Cette section comprend les principales informations et analyses
mentionnées dans la première partie « Connaître pour comprendre ».
Elles peuvent être résumées de la manière suivante :
• 1. l’analyse du macroenvironnement,
• 2. les environnements de l’entreprise,
• 3. les cinq forces concurrentielles,
• 4. le cycle de vie,
• 5. la concurrence directe et indirecte,
• 6. risques et attractivités/pays.
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Impact des mégatendances
Cette section est destinée à proposer une vue à long terme du
marché ; elle va reprendre les principales conclusions des analyses
menées sur les mégatendances ou des points de convergence
obtenus lors des panels d’experts.
287
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Analyse SWOT
Cette rubrique permet de présenter en une seule page la confrontation de l’entreprise à son monde extérieur et de souligner risques
et opportunités. Elle est un point de passage essentiel, notamment
pour s’assurer que la stratégie et les actions que la firme veut
mener sont compatibles avec ses forces et ses faiblesses.
Ressources de l’entreprise
Les ressources nécessaires au déploiement du plan sont de natures
humaine et financière. La disponibilité effective de ces ressources
est une condition sine qua non de la réalisation du plan. Si les
compétences nécessaires ne sont pas disponibles dans l’entreprise, si les ressources financières ne sont pas allouées, définir une
stratégie, des actions et construire un plan est inutile. Si l’entreprise décide de mener à bien une communication interactive
supposant une bonne connaissance des nouvelles technologies et
que cette compétence n’est pas disponible, elle doit soit procéder
à un recrutement en interne, soit avoir recours à une agence
spécialisée ou alors… renoncer à son plan. Il est donc indispensable d’avoir un état des lieux et d’indiquer le cas échéant les
écarts existants entre les besoins et les ressources disponibles.
Stratégies et objectifs marketing
Opérations marketing
Cette rubrique décrit de manière détaillée les opérations qui vont
être menées en précisant les objectifs, les moyens, le calendrier,
288
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Il s’agit ici de rappeler le positionnement stratégique retenu (différenciation, compétitivité, banalisation) et de construire le marketing mix autour de ce positionnement (produit/service ; prix ;
pub/promo ; place/contact). C’est le cœur du plan marketing. Les
deux grands principes de la démarche marketing, pertinence et
cohérence, doivent ici être appliqués avec rigueur, constance et
ténacité. Chaque élément du marketing mix doit être passé en
revue, développé, étayé à l’aune de ces deux principes.
5927_.book Page 289 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Formaliser le plan marketing
les indicateurs et mesures et enfin les ressources humaines qui
vont être mobilisées. Cette rubrique peut être établie pour une
gamme de produits, une marque ou un produit. Le schéma cidessous présente un exemple d’opérations marketing et le lien
avec les objectifs du plan :
Plan d’actions
(moyens)
Axes de la stratégie
marketing
(objectifs intermédiaires)
Objectifs du plan (objectifs globaux)
Ventes, CA, PM, marges
Axe 1
Repositionnement
(bénéfice)
Action…
Axe 2
Notoriété
(+ 3 %)
Action 1
Publicité consos
(message, médias)
Axe 3
1er achat
(+ 5 %)
Action 2
Promotion
(échantillon)
Axe 4
Visibilité en linéaire
(Indice de mesure + 3 %)
Action 3
Promotion
(coupon/1er achat)
Action…
Exemple d’opérations marketing par produit
Projections financières et budget
Outre le rappel des objectifs marketing chiffrés mentionnés dans
les rubriques précédentes, cette rubrique détermine les coûts associés aux différentes actions afin d’évaluer la rentabilité du plan
marketing.
En outre, celle-ci doit regrouper les principaux indicateurs afin de
suivre le déroulement du plan.
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Contrôle, évaluation et plan de secours
Cette rubrique sert à assurer le suivi de la réalisation du plan. Elle
doit mentionner les références (« benchmark »), définir les indicateurs pertinents, et les résultats atteints en fonction du calendrier
des objectifs. Elle doit indiquer en fonction des écarts possibles les
zones à partir desquelles on va envisager des actions correctrices.
Si un risque majeur est identifié, elle doit comprendre les grandes
lignes d’un plan de secours.
289
5927_.book Page 290 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Les éléments clés de la construction du plan
Éléments critiques
Le plan doit permettre une gestion active du couple produit/client.
Les systèmes comptables surévaluent la profitabilité des produits
et des segments haut de gamme puisque les coûts fixes et les frais
généraux (R&D, services techniques, services fonctionnels…) sont
en général alloués au volume et non en fonction de la complexité.
Les produits de forts volumes subventionnent donc les petits
produits ; de même les produits simples tendent à subventionner
les produits complexes. De plus, la profitabilité par produit ou par
segment est souvent calculée sur la base du prix catalogue et ne
prend pas en compte le vrai prix (pocketprice waterfall). Un exercice de réallocation des coûts sur une base économique, menée
avec le contrôle de gestion, permettra de gérer activement le
couple produit/client sur une base économique et non sur une
base comptable
Les prix doivent être gérés de manière active. Une gestion fine des
prix permet de réallouer le mix de produits de manière plus profitable en maintenant les prix pour les produits simples, qui sont
probablement plus profitables que ne le laisse croire le système
comptable, et en augmentant les prix des produits à faible marge,
en retravaillant les éléments les moins visibles du prix tels que les
termes de paiement. Ce travail doit s’effectuer en respectant impérativement le positionnement stratégique.
Il y a des incohérences dans tous les plans marketing. Elles
peuvent être majeures et avoir de fortes implications sur le
déploiement du plan ou mineures et n’avoir qu’une incidence
marginale. Il importe de les recenser de manière systématique car
elles entachent la crédibilité du plan. Utilisez la matrice impact/
urgence pour focaliser les actions sur les sujets importants et éviter
la dispersion.
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Validation de la pertinence et de la cohérence
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Formaliser le plan marketing
Majeur
Impact
Significatif
Mineur
Limitée
Forte
Immédiate
Urgence
Matrice impact-urgence
Resserrement du pilotage
Clarifiez et traduisez la stratégie en indicateurs, éventuellement
rassemblés dans un tableau de bord. Sélectionnez les indicateurs
qui sont le meilleur reflet de la stratégie marketing et assurez-vous
de leur communication. Distinguez les indicateurs stratégiques des
indicateurs opérationnels. Si possible, identifiez les indicateurs
prédictifs ou indicateurs source (leading indicator) ; par exemple le
gain de nouveaux clients ou l’évolution du taux de fidélité. Recherchez les chaînes de causalité et identifiez les leviers de réaction.
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La vie du plan marketing
Un plan marketing n’est pas qu’une suite fastidieuse de rubriques ;
si tel était le cas, il serait immédiatement destiné à être classé dans
le fichier corbeille. Un plan marketing est un outil de pilotage et
de communication, générateur d’élan et d’énergie.
Le plan marketing permet un pilotage au jour le jour des activités
qu’il couvre. En effet, la confrontation des actions du plan avec le
terrain n’est pas un long fleuve tranquille ; chaque jour, il se passe
quelque chose. La comparaison systématique des remontées du
terrain avec les objectifs et les indicateurs du plan est donc impérative. Cette comparaison permet non seulement de déclencher les
291
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
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actions correctives lorsque les indicateurs signalent un déphasage
négatif par rapport aux objectifs, mais aussi d’identifier les succès
rapides (quick win).
Le plan marketing est de plus un outil de communication, et
pendant son élaboration et pendant son déroulement. Il peut être
utilisé de manière modulaire en sélectionnant les parties les plus
pertinentes selon le public cible, et il doit aussi être utilisé pour
communiquer les difficultés et les succès. Le mot « merci » est un
des moins utilisés dans les entreprises : communiquer régulièrement sur la manière dont le plan se déroule sur le terrain permet
à la fois de donner un nécessaire retour d’information aux différentes parties prenantes qui ont contribué à son élaboration, mais
aussi de mieux préparer le plan de l’année suivante.
Le plan marketing est un générateur d’élan.
292
5927_.book Page 293 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
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Revues
McKinsey&Co
Quarterly Review
The Boston Consulting Group
Perspectives
294
5927_.book Page 295 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
INDEX DES MOTS CLÉS
Delphi, 155
demande dérivée, 27
dématérialisation, 19
démonétisation, 21
dépositionnement, 111
désintermédiation, 20
différenciation, 81, 87, 88, 94, 95,
104, 130, 153, 174, 177, 178,
211, 236
distribution, 10, 17, 91, 128, 191,
196, 275
B
B2B, 25, 89, 193, 195, 204
B2C, 25, 26, 89, 143, 193, 204, 206
banalisation, 88, 174
base line, 102
bipolarisation, 81, 84, 85, 266
bipolarisation des marchés, 71
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C
canaux de distribution, 238
category management, 198
client, 13, 93
communication, 211, 276
compétitivité, 88, 96, 103, 129, 174,
211
comportement, 9, 60
contact multicanal, 206
cristallisation du positionnement,
101
cycle de vie, 37, 110
E
environnement de l’entreprise, 35
environnement économique, 287
F
forces de vente, 201
G
D
gimmicks, 7
guerres de prix, 185
débanalisation, 122
295
5927_.book Page 296 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
key account, 144
key account managers, 33
panels, 23
panels d’experts, 55
PESTEL, 37, 60, 261
plan marketing, 244
politique de prix, 9, 173, 180, 189
positionnement, 10, 61, 69, 70, 81,
83, 84, 85, 93, 101, 137, 138,
196, 210, 211, 236, 244, 266
processus d’achat, 28
processus de décision, 31
produits de substitution, 60
publicité, 219
L
R
logistique, 196
repositionnement, 123, 127
réseau de distribution, 71
revenue management, 179
I
identification des besoins, 29
identité, 102
imagination, 20
implantation, 278
innovation, 7, 9, 21, 38, 103, 105,
150, 156, 166
K
M
make or buy, 26
market access, 28
marketing mix, 138, 170, 210, 231,
236, 244
marque, 92, 216
mégatendances, 48, 62, 104, 287
méthode Delphi, 56
méthodologies qualitatives, 23
méthodologies quantitatives, 23
mission, 102
modèle économique, 10
mondialisation, 17
multipositionnement, 114
S
segmentation, 70, 142, 199
segmentation stratégique, 69
senior banker, 34
slogan, 102
strategic-value customers, 144
SWOT, 59, 60, 63, 64, 65, 266, 288
T
« top of mind », 236
tout collaboratif, 22
tout électronique, 20
tout expérience, 20
tout gratuit, 21
tout service, 19
O
offres high end, 76
offres no-frills/value, 76
valeurs, 102
vision, 102
packaging, 152, 164, 221
296
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V
P
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INDEX DES FIGURES
La fin de l’arbitrage richesse/champ d’action ....................
20
Exemple de sites C2C..........................................................
22
Une typologie des études de marché.................................
23
Profil relatif des types de clients ........................................
25
La notion de demande dérivée – Le cas de l’aluminium ..
27
Processus de décision .........................................................
29
Rôle des parties prenantes par étapes ...............................
30
Un réseau interne à l’entreprise .........................................
30
Rôle des parties prenantes par étapes –
Mise en place d’un système de refroidissement
dans une usine ....................................................................
32
Les composantes de l’environnement de l’entreprise .......
36
Le cycle de vie du marché..................................................
38
Les différentes caractéristiques de chacune des phases....
40
Les cinq forces.....................................................................
40
Les différents niveaux de concurrence ..............................
42
297
5927_.book Page 298 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Prévisions et prospective ....................................................
46
Savoir anticiper : deux approches......................................
47
Urbanisation : arbre des opportunités................................
50
Exemples de mégatendances dans le secteur
des biens de consommation ...............................................
52
Synthèse SWOT ...................................................................
63
Exemple d’analyse SWOT...................................................
64
Relation entre les facteurs de l’analyse SWOT ..................
64
Les deux niveaux de segmentation ....................................
70
Cycle de vie classique d’un produit ...................................
73
Évolution des marchés vers la bipolarisation ....................
74
Exemple de bipolarisation des marchés (1) ......................
75
Exemple de bipolarisation des marchés (2) ......................
76
La disparition du milieu ......................................................
77
Évolution de la bipolarisation par secteurs (États-Unis) ...
78
Un exemple de polarisation croissante :
le secteur du réfrigérateur en Europe ................................
79
Le prix et la bipolarisation ..................................................
80
Profitabilité et positionnement............................................
84
Exemple de courbe en U ....................................................
85
Exemple d’évolution de la courbe en U ............................
86
Qu’est-ce qu’un bon positionnement ? ..............................
86
Les caractéristiques des trois positionnements ..................
87
Comparaison de deux voitures...........................................
92
Positionnement de différenciation –
Création d’un modèle économique....................................
95
L’équation de la réussite .....................................................
97
Cristallisation du positionnement (exemples) ...................
104
298
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
5927_.book Page 299 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
© Groupe Eyrolles
Index des figures
Cristallisation du positionnement .......................................
107
Les risques de dépositionnement .......................................
111
La prolifération des références chez Sony .........................
112
Évolution des indices de prix (sur six ans)........................
131
Évolution de la notoriété des marques (années 3 et 6) ....
132
Évolution des parts de marché (sur six ans)......................
132
Évolution du résultat d’exploitation....................................
133
Le positionnement au centre des ressources marketing ...
138
Pertinence des fonctionnalités ............................................
141
Niveau de segmentation......................................................
143
Segmentation B2C – Montres ..............................................
143
Matrice des priorités ............................................................
145
Produit ou service................................................................
148
Les segments de marché
pour les ordinateurs personnels en 1982 ...........................
149
Adéquation service/besoins ................................................
150
Écran radar des préférences des consommateurs..............
152
Designs conçus par Raymond Loewy ................................
153
Croissance des services associés aux produits...................
154
Le portefeuille de produits Delphi .....................................
155
Exemple de sources de développement ............................
163
Nature des innovations........................................................
167
Évolution des prix et maturité du marché .........................
173
Politique de prix en période de croissance .......................
173
Formule de la compétitivité ................................................
174
Prix réel et prix perçu .........................................................
175
Perception : la politique du martèlement...........................
175
299
5927_.book Page 300 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Dell : Le martèlement..........................................................
176
Comparaison du coût des fonctionnalités
et leur valorisation par les clients.......................................
177
Proposer des services valorisables .....................................
178
Émiettement de la responsabilité des ristournes ...............
181
Écart entre le prix catalogue et le prix réel payé ..............
182
Non-application des tarifs (1) .............................................
183
Non-application des tarifs (2) .............................................
183
Non-application des tarifs (3) .............................................
184
La valeur des prix remise en question (prix en euros) .....
188
Flexibilité des politiques de prix ........................................
189
Modes de contact acheteur-vendeur ..................................
192
Exemples de systèmes de distribution B2C .......................
194
Exemples de circuits B2B ...................................................
195
Extension des distributeurs vers d’autres lignes
de produits/services ............................................................
195
Cohérence du positionnement et de la distribution..........
196
Échange de flux entre fournisseurs et distributeurs ..........
196
Exemples d’implantation dans une chaîne spécialisée .....
198
Exemple d’organisation d’agence bancaire........................
200
Exemples d’organisation des forces de vente....................
201
Répartition du temps des commerciaux.............................
202
Caractéristiques de la vente traditionnelle
et de la vente relationnelle .................................................
203
Segmentation et relation clients..........................................
204
La croissance des plateformes B2B ....................................
205
La croissance des plateformes B2C ....................................
206
Distribution multicanal........................................................
207
300
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
5927_.book Page 301 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
© Groupe Eyrolles
Index des figures
La problématique de la communication.............................
211
Émission, réception et bruit ................................................
212
Cerveau gauche – cerveau droit .........................................
213
Comportement du décideur d’achat et nature
de la communication ...........................................................
215
Images des marques vues par les propriétaires
d’automobile en Allemagne ................................................
215
Pyramide de la notoriété de la marque..............................
217
Nature des contacts .............................................................
219
Éléments de la copie-stratégie ............................................
219
Objectifs et méthodes de contrôle de la publicité.............
220
Mécanismes promotionnels –
Distribution alimentaire en Grande-Bretagne ....................
221
Exemples de packaging ......................................................
222
Efficacité des différents moyens de communication
dans le monde industriel.....................................................
223
Une multitude de médias disponibles ................................
226
Critères de sélection d’une agence de communication .....
227
Exemples d’actions de communication
pour une boisson énergétique............................................
228
Processus général d’élaboration distillerie .........................
232
Structure du marché ............................................................
233
Croissance par segments .....................................................
233
Chivas Regal – Évolution du chiffre d’affaires ...................
234
Chivas Regal – Évolution du résultat net ...........................
234
White Horse – Évolution des ventes ..................................
234
White Horse – Évolution du résultat net ............................
234
Évolution du privilège de prix – Chivas comparé
à Johnny Walker Black........................................................
235
301
5927_.book Page 302 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Évolution du privilège de prix –
Chivas comparé à Glenfiddich ...........................................
235
Modification du marketing mix ..........................................
236
Évolution de la notoriété de Chivas Regal.........................
237
Évolution du privilège de prix –
Chivas comparé à Johnny Walker Black............................
237
Évolution du privilège de prix –
Chivas comparé à Glenfiddich ...........................................
237
Chivas Regal – Évolution du chiffre d’affaires ...................
238
Chivas Regal – Évolution du résultat net ...........................
238
White Horse – Évolution des ventes ..................................
239
White Horse – Évolution du résultat net............................
239
Efficacité du plan marketing ...............................................
244
Démarche de construction du plan marketing ..................
245
De la situation à la situation cible ......................................
246
Le baromètre du changement.............................................
247
Les obstacles au changement .............................................
248
La pyramide du refus ..........................................................
249
Les actions facilitatrices .......................................................
250
Suivi du trimestre.................................................................
255
Construction d’un indicateur intégré..................................
256
Avantages/inconvénients de l’internationalisation ............
261
Exemple d’analyse d’attractivité pour le produit XYZ ......
262
Matrice attractivité/risques ..................................................
263
Modèles culturels explicites et implicites...........................
264
La bipolarisation selon les pays secteurs ...........................
267
McDonald’s : la même symbolique ....................................
269
McDonald’s : adaptation de l’offre au palais local ............
269
302
© Groupe Eyrolles
LE GRAND LIVRE DU MARKETING
5927_.book Page 303 Mercredi, 2. novembre 2011 12:25 12
Index des figures
270
Typologie des marges de manœuvre (exemple)...............
271
Heineken : rôle croissant des bières locales ......................
273
Panel de prix européens (en €) ..........................................
274
Exemples de distribution.....................................................
275
Nestlé : typologie des marques du groupe ........................
277
Typologie des stratégies internationales ............................
279
Modes d’internationalisation ...............................................
280
Construction du plan : exemple de calendrier ..................
285
Rubriques du plan marketing .............................................
285
Rubriques détaillées du plan marketing.............................
286
Exemple d’opérations marketing par produit ....................
289
Matrice impact-urgence .......................................................
291
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Affiner les ajustements.........................................................
303
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GLOSSAIRE
DES TERMES ANGLAIS
average pricing : prix moyen
balanced polarization : bipolarisation équilibrée
beyond the numbers : au-delà des chiffres
category management : gestion de la catégorie
co-head : codirecteur
consumer insight : connaissance du client
embedded services : services liés
gimmicks : gadgets
just-in-time : juste à temps
key account manager : responsable compte clé
make or buy : faire ou acheter
© Groupe Eyrolles
market access : accès au marché
offre high end : offer haut de gamme
offre no-frills/value : offers compétitives
on-time, in-full : à temps et complète
strategic-value customer : client stratégique
305
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TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE ................................................................................
5
INTRODUCTION. C+KOMAVAN .................................................
7
© Groupe Eyrolles
Première partie
Connaître pour comprendre ..............................................
11
CHAPITRE 1. CONNAÎTRE LE CLIENT D’AUJOURD’HUI ........................
13
17
18
19
23
25
Le consommateur ................................................................
Le consommateur d’aujourd’hui .....................................
Les tendances à court terme ...........................................
Les études et recherches en marketing ..........................
L’entreprise ..........................................................................
Les achats sont le résultat d’une demande dérivée
avec des objectifs spécifiques .........................................
De multiples individus sont impliqués
parfois de manière très complexe ..................................
Des processus, des règles et des standards d’achat
sont en général définis ....................................................
CHAPITRE 2. ANALYSER L’ENVIRONNEMENT DE L’ENTREPRISE ..............
L’analyse de l’environnement .............................................
307
27
28
33
35
37
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Le cycle de vie du marché..................................................
L’analyse de la concurrence................................................
37
40
CHAPITRE 3. ANTICIPER LE MONDE DE DEMAIN ................................
Les mégatendances..............................................................
Exemples de mégatendances centrées sur la vie sociale
et économique .................................................................
Exemples de grande consommation ..............................
Les panels d’experts ............................................................
La méthode Delphi ..........................................................
45
48
CHAPITRE 4. CONFRONTER L’ENTREPRISE À SON ENVIRONNEMENT......
Les forces .............................................................................
Les faiblesses .......................................................................
Les opportunités ..................................................................
Les menaces.........................................................................
La synthèse SWOT...............................................................
59
61
61
62
62
63
50
51
55
56
Positionner pour durer .......................................................
67
CHAPITRE 1. MENER LA SEGMENTATION STRATÉGIQUE ......................
69
71
81
La bipolarisation des marchés ............................................
Le positionnement et les modèles économiques associés
CHAPITRE 2. MODÉLISER LE POSITIONNEMENT STRATÉGIQUE ..............
Le positionnement de différenciation.................................
Le produit/service comme source de différenciation ....
La distribution comme source de différenciation ..........
La marque comme source de différenciation.................
Le client comme source de différenciation ....................
La construction du modèle économique........................
Le positionnement de compétitivité ...................................
L’équation de la réussite..................................................
Le rôle de la perception ..................................................
83
88
89
91
92
93
94
96
96
98
CHAPITRE 3. CRISTALLISER LE POSITIONNEMENT ...............................
101
CHAPITRE 4. PÉRENNISER LE POSITIONNEMENT ................................
Le risque de dépositionnement ..........................................
109
111
308
© Groupe Eyrolles
Deuxième partie
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TABLE DES MATIÈRES
La difficulté du multipositionnement..................................
La régénération permanente du positionnement...............
La reconquête du positionnement perdu .......................
L’évolution du modèle de base.......................................
La revitalisation du modèle économique .......................
La débanalisation .............................................................
La tentation de l’ambivalence identificatrice ......................
Focus – Un exemple de repositionnement : Valentine .....
114
117
118
119
121
122
124
127
Troisième partie
Concevoir pour convaincre ................................................
135
CHAPITRE 1. AJUSTER LES RESSOURCES MARKETING ...........................
137
138
142
144
Les ressources marketing ....................................................
La segmentation marketing .................................................
L’ajustement de l’offre .........................................................
© Groupe Eyrolles
CHAPITRE 2. DYNAMISER LES PRODUITS SERVICES ..............................
Les composants d’un produit..............................................
Le produit .........................................................................
Le packaging ....................................................................
Les services.......................................................................
Le portefeuille de produits..................................................
L’innovation produit ............................................................
L’amélioration de l’offre...................................................
L’élargissement du marché ..............................................
Le renouvellement de l’avantage concurrentiel .............
L’innovation réactive........................................................
L’évaluation de l’innovation ............................................
Le processus d’innovation ...............................................
147
149
149
152
153
154
156
161
162
164
165
166
166
CHAPITRE 3. GÉRER ACTIVEMENT LES PRIX.......................................
L’approche stratégique des prix..........................................
Comportement des prix pendant les phases de croissance
Comportement des prix pendant les phases de maturité
L’approche opérationnelle des prix....................................
La complexité des ristournes...........................................
Les brouillards de prix.....................................................
Les prix moyens (average pricing) .................................
169
172
173
174
179
180
182
184
309
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LE GRAND LIVRE DU MARKETING
Les guerres de prix ..........................................................
Les prix n’ont plus de valeur ..............................................
185
187
CHAPITRE 4. VALORISER LA DISTRIBUTION ......................................
191
193
196
197
199
200
204
206
Le contact matériel ..............................................................
La logistique.....................................................................
Les techniques marchandes de produits ........................
Les techniques marchandes dans les services................
Le contact humain ...............................................................
Le contact numérique......................................................
Le contact multicanal ..........................................................
CHAPITRE 5. INTÉGRER LA COMMUNICATION ..................................
Le positionnement...............................................................
Le sens .................................................................................
La marque ............................................................................
La cible.................................................................................
Les moyens de communication ..........................................
La publicité.......................................................................
La promotion des ventes.................................................
Le packaging....................................................................
Les relations publiques....................................................
Le marketing direct et la communication en ligne ........
L’échange humain............................................................
L’échange numérique ......................................................
La communication intégrée.................................................
Focus – Un exemple de marketing mix : Chivas Regal ....
209
211
212
216
218
219
219
221
221
222
222
223
224
227
231
Déployer pour réussir ........................................................
241
CHAPITRE 1. RÉUNIR LES CONDITIONS DE RÉUSSITE ..........................
243
245
251
252
253
256
L’appropriation par les parties prenantes.......................
Un suivi rigoureux et systématique....................................
Critères de détermination des indicateurs......................
Les indicateurs non intégrés ...........................................
Les indicateurs intégrés ...................................................
310
© Groupe Eyrolles
Quatrième partie
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TABLE DES MATIÈRES
259
261
262
263
263
266
266
268
278
CHAPITRE 3. FORMALISER LE PLAN MARKETING.................................
Les rubriques du plan marketing........................................
Synthèse managériale ......................................................
Analyse de l’environnement économique ......................
Impact des mégatendances .............................................
Analyse SWOT .................................................................
Ressources de l’entreprise ...............................................
Stratégies et objectifs marketing......................................
Opérations marketing ......................................................
Projections financières et budget ....................................
Contrôle, évaluation et plan de secours .........................
Les éléments clés de la construction du plan ....................
Éléments critiques ............................................................
Validation de la pertinence et de la cohérence .............
Resserrement du pilotage ................................................
La vie du plan marketing ....................................................
283
285
287
287
287
288
288
288
288
289
289
290
290
290
291
291
BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................
293
INDEX DES MOTS CLÉS ................................................................
295
INDEX DES FIGURES ....................................................................
297
GLOSSAIRE DES TERMES ANGLAIS...................................................
305
© Groupe Eyrolles
CHAPITRE 2. ASSURER L’ADAPTATION INTERNATIONALE ....................
L’identification des opportunités.........................................
Attractivité.........................................................................
Risques..............................................................................
L’analyse approfondie du ou des pays retenus .................
L’adaptation de l’offre..........................................................
Le positionnement ...........................................................
La conception de l’offre...................................................
Le mode d’implantation.......................................................
311
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