MANAGEMENT & SYSTÈMES D ’ INFORMATION P IL O T A G E L e s D O N N E E S BANCAIRES, N O U V EL E N JE U DE FU IT E VERS LA QUALITÉ La pression ré g le m e n ta ire en fa v e u r d ’ une plus g ra nd e tra n s p a re n c e e t d ’ une fia b ilité m ieu x assurée des reportings b ancaires n ’a ja m a is été aussi fo rte . Dans le m êm e te m p s , la tra n s itio n n u m é riq u e e t les te c h n o lo g ie s du Big Data re n d e n t p o ssib les des p ro je ts nouveaux de v a lo ris a tio n des d o n n é e s ju s q u ’ ici th é sa u risées sans aucun p ro fit Jacques Richer D ire c te u r p a r les banq u e s. La co n verg e nce de ces te n d a nce s de fo n d va o b lig e r les banq u e s à g é re r leurs données co m m e des a c tifs d o n t la q u a lité c o n d itio n n e la valeur, au prix C a p g e m in i d ’ une p ro fo n d e tra n s fo rm a tio n de le u r gouve rn a nce . C o n s u ltin g de plus en plus détaillée et scrutent our une banque, la qualité de les moindres incohérences dans les ses données est essentielle. La chiffres publiés. satisfaction de ses clients en Le recours à des algorithmes sophis­ dépend, qui attendent légi­ tiqués de m odélisation des risques tim em ent un service à zéro défaut. détermine en outre complètement la Elle conditionne l’efficacité de ses consom m ation de ressources rares processus d o n t l’auto m atisatio n (fonds propres, actifs liquides) des (Straight Through Processing) est mise en banques et donc leur potentiel de défaut par des données manquantes rentabilité et de croissance. Or la ou erronées, multipliant les besoins de coûteux ajustements manuels et pertinence de ces algorithm es est conditionnée par l’existence et la autres traitements d ’exception. Elle qualité des données qu’ils utilisent est au cœ ur de la pertinence de son comme inputs. Le principe de pru­ pilotage qui doit pouvoir déceler au dence oblige d’ailleurs les banques à plus tôt les inflexions de tendances dégrader leur méthode d ’évaluation sans être leurré par des variations des risques, en cas de défaut sur les sans fondem ent. Enfin, sans elle, données, en recourantàdes méthodes l’image de la banque est en risque plus grossières qui induisent un sur­ auprès des analystes et des régula­ teurs qui exigent une communication coût en capital ou en actifs liquides. P Revue Banque N ° 7 7 5 SEPTEMBRE 2 0 1 4 Ce phénom ène confère de fait un prix à la qualité des données : il ne s’agit visiblement pas d’une simple commodité ! ENTR E E X IG E N C E S R ÉG LE M E N TA IR E S ET O P P O R T U N IT É S D U BIG DATA L’actualité vient encore renforcer cette importance. Côté superviseurs, le Comité de Bâle a pris la peine de formuler au début de l’année dernière les principes de bonne gestion des données qui nourrissentles reportings de pilotage des risques [i]. Le FSB a missionné sur cette base les super­ viseurs nationaux pour conduire, au [ i ] R is k P r in c ip le s f o r R e p o rtin g , E ffe c tiv e R is k D a t a A g g r e g a t io n a n d B C B S 2 3 9 , ja n v ie r 2 0 1 3 . 1di oo-fb161oobo101oi o* ; & * * # w * * 9 *9 i9 - 010100010000 X ^ <1*01 010101 01111 0^01 0 < n 1 \o iO lO lO ilU O i 'Ooo-joioioioiooo«, iq}oooiooqiû)oç>Qiowo 10101000100010100010000 101000100010100010000 10101000100010100010000 J 0 0 0 1 0 1 0 1 0 1 0 1 «,V 10100101010000101OÏ0 rWSOiiH '♦WWtWftWIMKHlWt, 10010101000010101010' V o lo lô è o io 6o i o io o d io o o o 00610001©100010000 I00100010100010000 0000001010101 ^lOiOOOOOOOl^ 66 1 0 1 00101o 1Ô00o i 0 i ô i ô 4ir tf f i 6i 1010010101000010101010101 >$*010000 iSik >iè^iè4oiüooô16iooi 'fin« a n * n <n 4 a -if)1,Q La première clé tiers la maîtrise de la qualité desdonnées est uneattribution claire des respon­ sabilités. 99 101001010100 V. ■ . 30010100010000 101010001 01000100 101010001 30010000 ,010000 -106010000 10101000010 1001010100.0010' 10100101011 printemps 2013, une évaluation de maturité auprès des banques d’im­ portance systémique dont ils ont la charge. À en juger par les projets lan­ cés par les intéressées à la suite de cette enquête, on peut penser que le message a été pris au sérieux. La BCE, de son côté, a inauguré la phase préparatoire de sa future res­ ponsabilité de superviseur unique des grandes banques de la zone euro en lançant une Asset Quality Review qui s’est attachée à qualifier dans le détail la qualité des données enregistrées par les banques pour décrire leurs engagements et leurs sûretés. Mais l’actualité, c’est aussi la vague de transformation numérique qui met sou­ dain en lumière le fantastique potentiel de valeur renfermé par les gisements de données dont les banques ne sont pas les dépositaires les moins dotés. La course aux usages innovants de type Big Data les conduit à élargir sans cesse le spectre des données manipulées, quitte à gommer les frontières naguère infranchissables entre données struc­ turées et données non structurées ou entre données internes et données externes, et à accroître aussi ainsi les enjeux de qualité associés. DES DÉRIVES NUISIBLES À LA QUALITÉ DES DONNÉES Or la qualité des données n ’est pas naturelle dans une grande organisa­ tion, moins encore dans une grande banque. De multiples phénomènes s’y combinent pour conduire à une qualité médiocre des données, sans que personne ne s’en sente légitime­ ment responsable. Les données de qualité sont celles qui sont bien définies, utilisées fré­ quemment et que leurs utilisateurs ont la capacité et le loisir de corriger sans délai. Malheureusement, c’est un cas assez minoritaire. Pour de nombreuses données, la chaîne est longue entre les producteurs et les utilisateurs. Les uns et les autres sont en outre souvent multiples pour une même donnée et ne travaillent pas directement ensemble, intégrés à des processus disjoints, de vente, de production, de marketing, de pilo­ tage ou encore de reporting... voire à des entités légales distinctes. Les données de reporting ne sont fré­ quemment contrôlées qu’une fois par trimestre, à l’occasion de l’ar­ rêté des comptes. Bien souvent, la contrainte des délais de publication SEPTEMBRE 2 0 1 4 N° 775 R e v u e Ba n q u e M A N A G E M E N T II faut mettre en œuvre un plan de contrôle permanent pour chaque donnée dont la qualité est jugée suffisamment sensible pour ne pas être abandonnéeà un simple traitement réactif en cas d’incident. Revue Ba n q u e & ne laisse guère le choix que de pro­ céder à des corrections à chaud, en aval des chaînes de production sans pouvoir diagnostiquer, ni a fortiori corriger à la source, les causes des anomalies relevées. Les données de référence constituent un enjeu emblématique de qualité. Elles décrivent des réalités internes (organisation, nomenclatures...) ou externes (tiers, titres...) préexistantes aux activités bancaires proprem ent dites et servent à référencer les tran­ sactions ou les indicateurs de pilo­ tage. Elles so n t om niprésentes et ont des utilisateurs particulièrement nombreux. Leur production est en revanche beaucoup plus problém a­ tique : il n ’est pas rare que personne ne s’en sente responsable ou qu’elles fassent l’objet de plusieurs gestions indépendantes difficiles à réconcilier. Le cas des tierces personnes morales est un classique du genre : chaque enseigne ou ligne m étier gère légi­ tim em ent ses clients corporate, mais la m esure des risques portés par le groupe face à chaque contrepartie requiert une consolidation a posteriori qui peut se révéler très complexe, même avec des outils de Master Data Management. Les enjeux du pilotage de la liquidité ont récem m ent révélé le mêm e type de situation pour la gestion des titres. Autre cas de dérive nuisible à la qua­ lité: le foisonnem ent des usages « parasites » des données qui ont le mérite d ’exister. La recherche de la facilité - qu’on ne saurait b lâm erpeut conduire à des m alentendus graves sur la signification d’une don­ née, à des interprétations erronées et donc à des reportings trom peurs ou à des mauvaises décisions. La confu­ sion entre les douteux comptables et les défauts bâlois en est un exemple. Pire, une forme de parasitage peut même venir corrom pre le contenu même de la donnée, la dévoyer pour lui faire porter, à moindre coût (du m oins à court terme), une inform a­ tion pour laquelle elle n ’était pas pré­ N " 7 7 5 SEPTEMBRE 2 0 1 4 SYSTÈMES D ’ IN FO R M A TIO N vue, au risque d’en polluer les autres usages. Lorsque BâleIII a im posé un reporting sur les différents appels de marge associés aux transactions passés avec une contrepartie ou par une chambre de com pensation, il a ainsi été tentant de collecter ces informations comme des pseudo­ transactions affublées de codes pro­ duits ad hoc qui sont venus brouiller la classification des produits. Etpuis, s’agissant de la matière pre­ mière de la production bancaire, on aurait pu s’attendre à trouver dans les banques le même niveau d ’assu­ rance et de contrôle qualité sur leurs produits informationnels que n ’en déploient les industriels fabricants de produits matériels. On en est sou­ vent assez loin : les préoccupations de qualité des données sont rare­ m ent très présentes dans les projets de transformation bancaires, tandis que la mise en œuvre de contrôles systématiques perm ettant d ’iden­ tifier les non-qualités avant qu’elles aient bloqué un processus ou cho­ qué un utilisateur, voire un client, est encore exceptionnelle. DES CONTRAINTES TECHNIQUES INÉVITABLES Les données bancaires sont enfin pour l’essentiel modélisées et enre­ gistrées dans des bases de données inform atiques chargées d ’en faci­ liter la m anipulation : cette implé­ mentation ne peut qu’accentuer les imprécisions et les redondances des besoins m étier exprimés. Le pas­ sage du concept bancaire au modèle applicatif peut même rajouter des causes spécifiques de non-qualité. Les contraintes techniques inévi­ tables (optimisation des traitements et des performances) tendent en effet à induire une multiplication des ins­ tances de la même donnée dans le SI sans que les moyens soient pris pour garantir, sinon une stricte éga­ lité de leurs valeurs à tout moment, du moins que les différents usages manipuleront bien des valeurs cohé­ rentes. Le risque est grand dans cette situation que les utilisateurs, voire même les informaticiens, ne sachent plus quelle instance de la donnée doit faire foi. LA NÉCESSITÉ D ’UNE GOUVERNANCE DES DONNÉES Seul un système de gouvernance for­ melle des données et un réseau actif de professionnels de la qualité des données sont de nature à apporter des solutions à ces types de difficultés. Gouvernance parce que la première clé vers la maîtrise de la qualité des données est une attribution claire des responsabilités. Chaque donnée doit avoir un propriétaire, responsable d’établir et de communiquer sa défi­ nition ainsi que de formuler les exi­ gences de qualité et les conditions d’utilisation associées (au nom des utilisateurs). Mais, compte tenu du nombre de données concernées (je n ’ai connaissance d’aucun recense­ m ent en la matière mais l’ordre de grandeur du nombre d’articles dans le dictionnaire de données virtuel d’une grande banque est sans doute à 5 chiffres), un niveau intermédiaire de pilotage par grand domaine de don­ nées semble incontournable. C’est à ce niveau que seront modélisés la structuration des données en objets et le réseau de relations entre les objets. C’est aussi à ce niveau que pourra être exercé un contrôle de cohérence et mis en œuvre un effort de simplification. C’est enfin sur cette base que pourra être mise sous contrôle l’implémenta­ tion dans les applications en veillant à la traçabilité depuis les concepts jusqu’aux enregistrements physiques et en explicitant pour chaque donnée sa « source d’or », l’instance applica­ tive unique qui fait foi, ainsi que les exigences d ’asservissement de ses éventuelles copies. GARANTIR LA QUALITÉ DES DONNÉES Il faut ensuite que la gestion cou­ rante des données (création, mise à U La q u a lité des données n ’e s t pas n a tu re lle d a n s un e g ra n d e o rg a n is a tio n , m o in s encore un e g ra n d e b a n q u e . dans 99 jour, suppression...) soit entourée, lorsque le besoin en est exprimé, de toutes les précautions de nature à en garantir la qualité. Or la plupart des données bancaires sontde fait gérées à travers des processus bancaires (gestion des contrats, gestion de la relation client, production d ’indica­ teurs de pilotage ou de reportings...) et confiés à des banquiers qui ne sont pas des spécialistes de l’assurance qualité. Il est donc im portant que les dispositifs de production de données (équipes, organisations, processus, systèmes) jugés critiques en termes de qualité soient dotés de spécialistes qui sauront mettre en œuvre les leviers efficaces : formation des utilisateurs sur les définitions et exigences, sur l’utilisation de sources externes, tuorkJ I oiüs de validation, enrichissement des contrôles interactifs de saisie... Ces spécialistes d’assurance qualité seront notamm ent des contributeurs obligés aux décisions de lancement de nouveaux produits ou plus géné­ ralement à toutes les revues de pro­ jets transformations ayant un impact sur les données à gérer ou sur leurs usages. Troisième élément requis pour maî­ triser la qualité des données : il faut se doter d ’instrum ents de mesure de la qualité des données qui per­ mettent d’objectiver le degré de satis­ faction des exigences et de déceler le plus tôt possible les non-qualités, avant qu’elles aient créé un incident dans un traitem ent ou fait réagir un utilisateur interne ou externe. Cela signifie qu’il faut définir et mettre en œuvre un plan de contrôle per­ m anent, autom atisé et/ou humain, pour chaque donnée dont la qualité est jugée suffisamment sensible pour ne pas être abandonnée à un simple traitem ent réactif en cas d’incident ou de réclamation. Cette objectivation est essentielle pour m ettre en œuvre un véritable pilotage de la qualité des données qui focalise les moyens sur la résolu­ tion des anomalies vraiment pénali­ santes sans tom ber dans le piège de la sur-qualité ni se laisser ballotter par les aléas du dialogue de sourds entre utilisateurs et producteurs des données. RB N o u v e a u té LIBRAIRIE PRATIQUE DES PRODUITS BANCAIRES BANQUE ET FISCALITÉ DU PARTICULIER: U N E N O U V E L L E D IM E N S IO N Pratique des produits bancaires Banque et fiscalité du particulier ; techniques, conseils et astuces TECHNIQUES, CONSEIL ET T R A N S V E R S E D A N S LE ASTUCES les commentés EVRou .es P IL O T A G E D E L A B A N Q U E Pris un à un, les éléments de réponse au défi de la qualité des données bancaires ne so n t donc pas bien sorciers, mais leur mise en œuvre sim ultanée requiert une transfor­ mation im portante dans les grandes banques. Les données sont en effet irréductiblem ent transverses à l’or­ ganisation : transverses aux struc­ tures juridiques et aux lignes métier bien sûr, mais transverses aussi aux filières de pilotage (finance, risques, conformité...), transverses enfin aux approches processus et, transverses aux SI, même les mieux urbanisés. Sans dispositif ni gouvernance ad hoc, cette transversalité soulève de véritables difficultés pour faire émer­ ger des définitions partagées, pour m utualiser des dispositifs de pro­ duction de données de référence ou pour définir des indicateurs de qualité globaux. Il ne s’agit de rien de moins que d ’introduire une nou­ velle dim ension transverse dans le pilotage de la banque. Cette trans­ formation ne peut être engagée avec quelques chances de succès sans être portée par un cham pion fortement soutenu par la direction générale. C’est le rôle de celui que les AngloSaxons identifient sous le nom de C h ie f D ata Officer et dont les banques françaises com m encent également à se doter. ■ Auteur: Aurélien Giraud Editeur: Eyrolles Collection: Finance Nombre de pages: S60 pages Ce guide présente de façon très pratique e t concrète les produits bancaires. S’appuyant sur plus de 200 exemples commentés, il constitue un o u til indispensable pour le conseiller bancaire, mais aussi pour le pa rticu lie r désireux de mieux com prendre les produits qui lui sont proposés. Pratique des produits bancaires aborde les sujets les plus im portants sur lesquels les particuliers souhaitent un accompagnement efficace e t pragmatique : • Les produits d’épargne bancaire: Quels sont les bons critères de choix des livrets? Com m ent fon ctionn e exactem ent la fiscalité sur ces livrets? • Les enveloppes fiscales (PEA, assurance-vie, PERP, con trat Madelin, etc.) : Pourquoi autant de produits ? Pour qui sont-ils réellem ent intéressants? • Les p rêts im m obiliers: Quelles sont les clés d’une négociation de p rêt im m o bilier? Quels sont ces montages qui fo n t gagner de l’argent à la banque e t au client? • Les régimes m atrim oniaux, do nations e t successions: Com m ent s’appliquent les barèmes de donations e t de successions, concrètem ent, à chaque situation? Comm ent an ticip er au plus juste l’im pact du choix du régime m atrim onial? • L’im p ô t sur le revenu : Comm ent fo n ctionn e le système de plafonnem ent du q u o tie n t fam ilia l ? Quelles sont les astuces à connaître dans la déduction des frais réels? Com m ent calcule-t-on exactem ent l’im p ô t sur le revenu, les plus- values im m obilières? Com m andes, in fo rm a tio ns, catalogue : revue-banque.fr y _______________ SEPTEMBRE 2 0 1 4 N ° 7 7 5 ) Revue Banque 73 Copyright of Revue Banque/Banque Magazine is the property of Revue Banque and its content may not be copied or emailed to multiple sites or posted to a listserv without the copyright holder's express written permission. 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