LA TRANSMUTATION ET LA PURIFICATION (COLLECTIF)

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LA TRANSMUTATION ET
LA PURIFICATION
(COLLECTIF)
‘’Jamais nous ne cesserons d’explorer et le terme de toute notre exploration sera notre
point de départ et de connaître l’endroit pour la première fois.’’
T.S. Eliot
LA NATURE DU VOYAGE SPIRITUEL
Il est très difficile de définir un critère universel pour mesurer les progrès spirituels de
chaque chercheur. La véritable croissance spirituelle est rarement spectaculaire. Elle est
beaucoup plus susceptible de se re(marquer) par de petits changements subtils, des pas
constants et progressifs. Selon le maître zen Charlotte Beck : ‘’Les intervalles durant
lesquels nous demeurons simplement avec la vie telle qu’elle est s’allongent un peu et les
interruptions relatives à notre égocentrisme diminuent. Ces interruptions ne durent plus si
longtemps et nous ne les prenons plus autant au sérieux. Elles ressemblent de plus en plus
à des nuages qui passent dans le ciel : nous les remarquons, mais elles nous contrôlent
moins.’’
Paradoxalement, rechercher des signes de transformation et de progrès peut s’avérer être
un obstacle à l’égard d’une croissance intérieure réelle. Gurdjieff demandait à ses élèves
de ‘’ne jamais courir après un résultat, de ne jamais ‘’philosopher’’ sur ce que nous faisons,
mais juste d’agir – avec foi.’’ Le mental est attiré par l’idée d’une voie préconçue avec des
étapes ou des stades spécifiques qui sont marqués par des expériences et des
compréhensions déterminantes, mais le maître spirituel Toni Packer remet en cause cette
prémisse insuffisamment examinée :
Les enseignements qui postulent des stades s’emparent de l’esprit pensant. Nous nous
demandons à quoi ressemblent ces stades et tenter de les imaginer est un exercice qui
vous donnera des maux de tête. Bien entendu, l’intérêt principal, c’est : ‘’A quel stade suis-
je ?’’ et ‘’Par combien d’autres stades devrais-je encore passer ?’’ Pourrions-nous laisser
tomber cette idée de stades et ne plus la reprendre, même si elle prévaut dans beaucoup
de traditions ? Pouvons-nous voir et sentir que cette conceptualisation est déjà une
camisole de force ? La pensée est si puissante penser à ce que je suis maintenant et à ce
que je serai ensuite, me juger sur ce que je pense être et m’estimer par rapport à ce que
je pourrais être…Le pouvoir de ces pensées ne peut être surestimé, car elles empêchent
une Présence et une Conscience qui défient toute définition.’’
1
Beaucoup de maîtres spirituels ont mis en garde leurs étudiants afin qu’ils ne tombent pas
dans le piège d’être fascinés par des buts et par la recherche compulsive de résultats.
Selon Chögyam Trungpa : ‘’Aussi longtemps que vous ferez du Soi un objectif ou une
cible à atteindre, vous n’en ferez pas directement l’expérience. Plus vous vous efforcerez
1
(1) Toni Packer The Wonder of Presence (Boston: Shambhala, 2002), p. 21.
de l’atteindre et plus il s’éloignera. Vous ne ferez l’expérience du Soi qu’à l’instant où tout
désir pour Lui aura disparu.’’ Le désir d’atteindre des états de conscience ou des états
d’être particuliers nous éloigne en fait de la réalité de ce que nous sommes :
Les moyens conçus pour nous transporter au-delà de nos limites conceptuelles ne
peuvent pas par eux-mêmes nous ramener à l’état de complétude dont nous provenons.
Quoique la transcendance puisse se produire avec de telles pratiques, celles-ci ne la
produisent pas, mais nous indiquent seulement la bonne direction. D’après les taoïstes,
faire effort pour purifier la vertu, calmer l’esprit ou obtenir des instants de lucidité est aussi
vain que de ‘’battre du tambour à la poursuite d’un fugitif’’. ‘’Tous les yogas, les prières, les
thérapies et les exercices spirituels ne sont finalement que des ajournements élaborés de
la reconnaissance qu’il n’y a rien à saisir, ni aucun moyen de le saisir’’, dit Alan Watts.
D’autres maîtres, innombrables, ont énoncé la même vérité. Plus nous nous efforçons et
plus nous nous tendons pour contrôler ce qui se passe dans notre pratique et plus nous
nous éloignons de ce qui est. Nous sommes si occupés à
faire
que nous oublions d’
être
.
Toujours tournés vers le futur, nous négligeons où nous sommes.
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L’attrait, la promesse et l’espoir du succès, comme fruits de nos efforts incessants et de
nos accomplissements ciblés dans notre (con)quête de la réalisation spirituelle sont
profondément enracinés dans la psyché de la majorité des chercheurs et très difficiles à
surmonter. Selon Tony Parsons, maître non-duel : ‘’La vie n’est pas une tâche. Il n’y a
absolument rien à atteindre, sinon la réalisation qu’il n’y a rien à atteindre. Aucune somme
d’efforts ne convaincra jamais l’Unité d’apparaître. Tout ce qui est requis, c’est un saut
dans la perception, une autre vision déjà intrinsèque, mais non reconnue.’’
Les doctrines, les procédures et les voies progressives qui visent l’Illumination ne font
qu’exacerber le problème auquel elles s’attaquent en renforçant l’idée que le moi peut
trouver quelque chose qu’il présume avoir perdu. C’est cet effort même, cet
investissement dans une identité personnelle qui recrée constamment l’illusion de la
séparation avec l’Unité. C’est le rêve de l’individualité. C’est comme quelqu’un qui
s’imagine être dans un puits et qui pour s’en extraire creuse de plus en plus
profondément en rejetant la terre derrière lui, en masquant la lumière qui est déjà là. Le
seul impact de cet effort extrême pour devenir ce que je suis déjà, c’est quen fin de
compte, je m’écroulerai par terre, épuisé, et que je lâcherai prise. Alors, dans ce lâcher-
prise, une autre possibilité peut advenir. Mais la tentation d’éluder la liberté par une
sanctification de la lutte est particulièrement attirante. Lutter au fil du temps n’invite pas la
Libération.
3
2
(2) John Greer Seeing, Knowing, Being (Memphis: True Compass Press, 2012), pp.
167-168.
3
(3) Tony Parsons The Open Secret (Shaftesbury, England: Open Secret Publishing,
2005),
pp. 4-5.
Les enseignements progressifs ou graduels mettent l’accent sur une approche temporelle
de la réalisation spirituelle qui renforce un sentiment subtil de séparation, dincomplétude
et de dualité dans la quête de l’Illumination :
Dans le monde du temps, les processus et les objectifs sont tout à fait appropriés, mais il y
a tellement d’investissement dans l’attachement et les attentes qui les entourent devenir
ceci, faire partie de cela, dans des techniques pour changer, pour devenir meilleurs, dans
des méthodes de purification, etc. De nouvelles personnes importantes et de nouveaux
lieux importants, des maîtres de la conscience et de vérité se manifestent un peu partout
et proposent leurs formules particulières. Et en circulant de l’un à l’autre, on paraît ne pas
vouloir voir que la Liberté ne se situe pas dans un lieu ou l’autre, simplement parce que la
Liberté ne peut être exclue ou exclusive de par sa nature même. On paraît ne pas vouloir
voir qu’en se précipitant vers le nouveau sommet spirituel que l’on prévoit, le trésor que
l’on recherche ne doit pas être découvert là où nous nous rendons, mais bien dans la
nature toute simple des pas mêmes que nous faisons. Dans la précipitation pour trouver
une meilleure situation temporelle, on écrase la fleur de l’Etre qui apparaît à chaque
instant. Il semble que notre attachement à un but émane du besoin de nous prouver
quelque chose, mais la vie est simplement la vie et n’essaye pas de prouver quoi que ce
soit. Ce printemps-ci ne s’efforcera pas d’être meilleur que le dernier et un frêne ne
tentera pas non plus de devenir un chêne. Si on perd la fascination pour l’extraordinaire et
le spectaculaire, on pourra alors se permettre de reconnaître l’émerveillement simple qui
réside dans l’ordinaire.
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Vue à partir d’une perspective plus vaste, la voie consiste en une multitude de pas qui
ramènent le chercheur à la réalité de l’instant présent : ‘’Renoncez à chercher à ce que
quelque chose advienne et tombez intimement amoureux du don de la Présence dans ‘’ce
qui est’’. Ici et précisément ici se trouve le cœur de tout ce à quoi vous avez jamais aspiré.
C’est simple, ordinaire et magnifique, car voyez-vous, vous êtes déjà chez vous !’’
Quand on entreprend le voyage mystique, on peut concevoir sa destination comme un
lieu qui est fort éloigné de lendroitl’on se situe, dans tous les sens un lieu
profondément et essentiellement autre, mais au bout de la voie, il n’y a pas d’ascension
finale qui mène à un royaume transcendant et surnaturel. La quête ramène plutôt le
chercheur à l’ainséité de l’instant présent, à ‘’simplement ceci’’. Après avoir déposé le
fardeau de l’identification, l’attachement égoïste et le poids de la conscience du moi, on se
retrouve où on a commencé au même endroit, mais paré de nouveauté et de splendeur
inimaginée. En effet, le terrain divisé d’où l’on est parti, ce ‘’monde inférieur’’ on a
passé presque toute sa vie s’avère être la Terre Promise indiquée par toutes les traditions
de sagesse. Le monde n’a pas changé – il est toujours rempli de la souffrance
caractéristique et des dilemmes de l’existence - mais nous avons changé et nous le
considérons avec un regard neuf, le regard de la Vie elle-même. A la suite de
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(4) Tony Parsons As It Is (Carlsbad, California: Inner Directions Publishing, 2004),
pp. 27-28.
l’Illumination, quand le conditionnement n’obscurcit plus notre vision, le monde est
transfiguré et les sages de toutes les lignées chantent joyeusement ses gloires, car au
cœur des troubles et des malheurs terrestres, ils distinguent des merveilles
surabondantes.
5
Au fil de l’histoire, les grandes traditions spirituelles du monde ont pointé vers le substrat
fondamental de l’existence et le grand mystère de l’Etre. En leur cœur, des enseignements
variés incarnent une Vérité universelle qui transcende les expressions culturelles liées au
temps de la spiritualité. ‘’Il n’y a pas de voie. La voie est conçue par le mental. C’est
comme voler dans le ciel. Le ciel est ouvert et libre, vous devez juste déployer vos ailes et
décoller. Quand vous ‘’volez dans le ciel’’, il n’y a pas de voie.’’ Le Prof. John Greer
souligne cette expérience essentielle : ‘’L’Illumination n’est pas quelque chose que vous
pouvez chercher. Une fois que toute la recherche cesse, lorsque vous vous arrêtez et
lorsque vous êtes immobile, quelque chose s’ouvre à l’intérieur de vous-même.
L’Illumination n’est pas quelque chose que nous avons perdu. C’est notre état naturel.’’
La philosophie éternelle voit en nous quelque chose qui nous rappelle à notre point de
départ et ce n’est pas tant un retour à quelque chose que nous aurions laissé derrière
nous que la reconnaissance de quelque chose qui a toujours été là. Puisqu’il est
impossible d’atteindre quelque chose qui n’a jamais été perdu, les chercheurs doivent
simplement se souvenir de ce qui est, d’être l’ainséité qu’ils sont - en d’autres termes,
expérimenter directement le fait le plus essentiel d’être vivant en cet instant même. Cette
ainséité si souvent mentionnée dans les traditions mystiques de la sagesse, est simplement
ce qui est toujours, mais dans nos vies occupées, notre esprit qui est rempli de pensées ne
la remarque pas souvent.
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LA TRANSFORMATION DE SCHÉMAS CONDITIONNÉS
Pour la majorité des gens, la structure de leur personnalité se base sur des schémas
mentaux et émotionnels conditionnés habituels qui produisent une forme d’esclavage à
des influences intérieures et externes. Le travail de la transformation intérieure consiste à
observer ces schémas et puis à diminuer leur impact grâce à l’application de l’attention et
de la vigilance. ‘’Un changement décisif ne devient possible que si nous disposons d’une
attention libre, d’un niveau d’attention qui n’est pas totalement absorbé par le
conditionnement. La capacité d’agir et de répondre (plutôt que de réagir) dépendra de la
capacité de maintenir un tel niveau d’attention.’’
5
(5) John Greer Seeing, Knowing, Being (Memphis: True Compass Press, 2012), pp.
229-230.
6
(6) John Greer Seeing, Knowing, Being (Memphis: True Compass Press, 2012), p.
10.
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