Les enseignements progressifs ou graduels mettent l’accent sur une approche temporelle
de la réalisation spirituelle qui renforce un sentiment subtil de séparation, d’incomplétude
et de dualité dans la quête de l’Illumination :
Dans le monde du temps, les processus et les objectifs sont tout à fait appropriés, mais il y
a tellement d’investissement dans l’attachement et les attentes qui les entourent – devenir
ceci, faire partie de cela, dans des techniques pour changer, pour devenir meilleurs, dans
des méthodes de purification, etc. De nouvelles personnes importantes et de nouveaux
lieux importants, des maîtres de la conscience et de vérité se manifestent un peu partout
et proposent leurs formules particulières. Et en circulant de l’un à l’autre, on paraît ne pas
vouloir voir que la Liberté ne se situe pas dans un lieu ou l’autre, simplement parce que la
Liberté ne peut être exclue ou exclusive de par sa nature même. On paraît ne pas vouloir
voir qu’en se précipitant vers le nouveau sommet spirituel que l’on prévoit, le trésor que
l’on recherche ne doit pas être découvert là où nous nous rendons, mais bien dans la
nature toute simple des pas mêmes que nous faisons. Dans la précipitation pour trouver
une meilleure situation temporelle, on écrase la fleur de l’Etre qui apparaît à chaque
instant. Il semble que notre attachement à un but émane du besoin de nous prouver
quelque chose, mais la vie est simplement la vie et n’essaye pas de prouver quoi que ce
soit. Ce printemps-ci ne s’efforcera pas d’être meilleur que le dernier et un frêne ne
tentera pas non plus de devenir un chêne. Si on perd la fascination pour l’extraordinaire et
le spectaculaire, on pourra alors se permettre de reconnaître l’émerveillement simple qui
réside dans l’ordinaire.
Vue à partir d’une perspective plus vaste, la voie consiste en une multitude de pas qui
ramènent le chercheur à la réalité de l’instant présent : ‘’Renoncez à chercher à ce que
quelque chose advienne et tombez intimement amoureux du don de la Présence dans ‘’ce
qui est’’. Ici et précisément ici se trouve le cœur de tout ce à quoi vous avez jamais aspiré.
C’est simple, ordinaire et magnifique, car voyez-vous, vous êtes déjà chez vous !’’
Quand on entreprend le voyage mystique, on peut concevoir sa destination comme un
lieu qui est fort éloigné de l’endroit où l’on se situe, dans tous les sens – un lieu
profondément et essentiellement autre, mais au bout de la voie, il n’y a pas d’ascension
finale qui mène à un royaume transcendant et surnaturel. La quête ramène plutôt le
chercheur à l’ainséité de l’instant présent, à ‘’simplement ceci’’. Après avoir déposé le
fardeau de l’identification, l’attachement égoïste et le poids de la conscience du moi, on se
retrouve où on a commencé – au même endroit, mais paré de nouveauté et de splendeur
inimaginée. En effet, le terrain divisé d’où l’on est parti, ce ‘’monde inférieur’’ où on a
passé presque toute sa vie s’avère être la Terre Promise indiquée par toutes les traditions
de sagesse. Le monde n’a pas changé – il est toujours rempli de la souffrance
caractéristique et des dilemmes de l’existence - mais nous avons changé et nous le
considérons avec un regard neuf, le regard de la Vie elle-même. A la suite de
(4) Tony Parsons As It Is (Carlsbad, California: Inner Directions Publishing, 2004),
pp. 27-28.