Telechargé par pierrealberthayen

ÉVEIL À LA PURE CONSCIENCE, UN VOYAGE DU MOI AU SOI - SANDRA HEBER-PERCY

ÉVEIL À LA PURE
CONSCIENCE
UN VOYAGE DU MOI AU SOI
SANDRA HEBER-PERCY
DÉDICACE
A chaque fois que l’écriture jaillit, ces doigts bougent, alors qu’il n’y a ‘’personne’’
pour écrire et par conséquent, personne ne devrait réclamer des droits d’auteur.
On a tous commencé en se tapant la tête contre un mur, en tentant la transcendance
sans saisir que la porte principale était grande ouverte, que tout effort était vain et
qu’il n’y avait rien à atteindre. Cette leela, Dieu semble l’apprécier par-dessus tout.
Si je puis dès lors considérer une chose comme étant la mienne, ma gratitude est
infinie. Merci, Seigneur ! Et ce jaillissement de gratitude est ici cette humble
offrande sous la forme d’un livre.
2
AVANT-PROPOS
Les rencontres prédestinées avec des êtres éveillés contemporains qui ont réalisé
qu’ils ne sont rien de moins que le Brahman absolu ne peuvent qu’apporter la joie de
la paix et faire disparaître graduellement les voiles de Maya. Quand des êtres
éveillés semblent surgir dans votre vie, comme des éclairs de lumière, ces
rencontres sont réglées d’avance et représentent le summum bonum. Elles sont les
reflets de notre propre Soi qui nous indique par-là le moyen d’utiliser de nouveaux
concepts, comme on utilise une épine pour extirper une autre épine, dans l’optique
de supprimer les anciens concepts et conditionnements bien ancrés qui nous ont
plongés dans la confusion totale. Tous ces reflets de l’Energie cosmique ont leur rôle
spécifique à jouer pour reconditionner notre attitude de vie au sein de la valse
cosmique bien rythmée – la Danse cosmique de Shiva – la leela du Paramatma, la
Source prête à se révéler à elle-même en tant que jiva ou âme individuelle sans
pouvoir être différente. Dès que naît la compréhension que l’âme individuelle n’existe
en réalité pas du tout séparément et n’est pas du tout ‘’individuelle’’, la valse
cosmique devient l’expression de reconnaissance et de paix que les sages éclairés
nomment ‘’suka shanti’’, la joie de la paix qui ne peut être vécue sous forme d’ego.
L’ego qui vit l’expérience s’est désormais fondu dans le feu de l’acceptation de ne
pas être celui qui agit.
Les éveillés savent instantanément ce dont l’ego de la personne qui leur fait face a
besoin. Je crois qu’ils scannent son esprit en fouillant dans les coins et les recoins
les plus profonds jusque dans les cellules vibrantes pour identifier immédiatement la
nécessité du moment ou voir le drame dont la Conscience est l’auteure. Certains
d’entre nous sont prêts et s’ouvrent instantanément par la faveur de la grâce, alors
que d’autres s’accrochent un peu plus longtemps à leurs vieux schémas, à l’image
d’un rocher qui pour être brisé aura besoin d’une cinquantaine de coups ou d’un
seul, conformément à la programmation et à l’intervention de la grâce à laquelle on
finit toujours par s’éveiller en calmant le mental.
On peut comparer les éveillés à l’immobilité d’un lac, à un miroir immaculé où la
Conscience joue le rôle d’une personne éclairée, du Maître ou même de Dieu Luimême, qui évacue les doutes d’une autre parcelle de la Conscience, qui elle joue le
rôle d’une personne confuse à qui la Conscience, en tant que Tout indivis, souhaite
donner une compréhension plus profonde.
Ce livre n’est pas destiné à expliquer à quel degré d’illumination tous les maîtres, les
saints et les sages éclairés du monde que j’ai rencontrés sont parvenus. Vous
pouvez bénéficier d’un petit rayon du divin ou d’un soleil, mais sans pouvoir expliquer
la leela divine qui joue à cache-cache. Le Jeu se poursuit au sein de la matrice
cosmique et la Conscience s’active Elle-même pour expérimenter l’existence. Le
Principe absolu, le Noumène, ne peut pas savoir ‘’qu’Il est’’ et par conséquent, Il se
3
manifeste comme une superposition sur Lui-même. La Vérité ultime et le message
que tous les Etres réalisés donnent sont encore plus compliqués à résumer en
quelques pages, car les mots ne sont que de simples concepts et des instruments
inefficaces pour décrire la Réalité.
Tout ce que je désire, c’est partager humblement les perles rares de sagesse que
ces grandes âmes m’ont données par l’entremise des enseignements que j’étais
destinée à recevoir progressivement. Raconter les leçons, les épreuves, les
compréhensions et la guidance directe ou subtile qui m’ont sortie de l’illusion et de la
délusion où je m’enlisais. Comment je les ai perçues en m’efforçant de purifier mon
mental et mon cœur, comment j’ai trébuché, comment j’ai ricané durant toutes ces
années, alors que tous mes efforts ne produisaient aucun résultat, et comment un
simple regard pouvait conférer à l’enfant bornée que j’étais un aperçu du pur
bonheur, une minuscule gouttelette d’inspiration et la paix profonde que chaque pas
guidé par l’Intelligence, la Sagesse et l’Amour lui-même m’apporterait.
Quel est le résultat de ce long feuilleton divin ? Je pourrais résumer la réponse en
quelques mots : ‘’Je ne sais rien et il n’y a rien à savoir, ni rien à obtenir ; tout est la
leela divine.’’
L’intention de ce petit livre est de montrer les images d’un film que la Source a dirigé,
interprété et mis en scène dans le fleuve de la vie. Comment Sandra a été guidée
pour changer la trajectoire brute de sa vie vers la tâche immense de remonter le
courant afin de retrouver à temps le chemin de chez soi en essayant d’abord
désespérément de comprendre avec le mental, puis par l’entremise d’une vision
intérieure et d’une intuition du cœur que nous sommes déjà tous ce fabuleux Principe
de Vérité, que nous sommes déjà un avec cet Océan d’Amour, et comment il s’est
ensuite avéré que j’ai renoncé à toute tentative de chercher plus loin et davantage
encore.
C’est aussi de partager comment l’Energie divine m’a affectueusement reconnectée
à l’un des plus doux reflets du Paramatma, à l’Âme suprême, Sri Sathya Sai Baba, à
des saints illuminés, à l’aimable et néanmoins strict et discipliné et mondialement
célèbre Maître de kriya yoga, Paramahamsa Prajnanananda. Il y eut encore
l’apparition neutre et brève d’un avadhuta illuminé et un précieux sage éclairé qui mit
un terme au jeu de la recherche, Ramesh S. Balsekar. Tous eurent un rôle à jouer
dans la compréhension et la révélation en m’offrant des outils, leurs exemples, de
l’amour pur et inconditionnel ainsi que leur immense sagacité, de sorte que les
profonds enseignements non-duels purent finalement percoler en moi afin que
j’avance plus rapidement vers la réalisation de ma propre nature bienheureuse.
C’est aussi de partager comment j’ai expérimenté qu’ils sont tous Un avec l’Energie
divine suprême, des canaux supérieurs de la pure Conscience que rien ne distingue,
4
une Unité interconnectée, puisque la Conscience est tout ce qui est. Tous ont joué le
rôle nécessaire qui leur avait été imparti et qu’ils devaient jouer, tous ont expliqué la
même Vérité en utilisant des termes différents. Ce qui faisait paraître différents leurs
enseignements n’était que mon niveau de compréhension.
Le périple de notre vie est un pèlerinage qui va toujours d’un lieu saint à un autre et
la voie que nous suivons tous entre ces lieux est elle aussi sacrée. Peu importe à
quoi ressemble notre vie pour l’instant, nous baignons toujours dans le liquide
amniotique rassurant de la matrice divine et s’il existe réellement un but, c’est de
sortir de l’illusion d’être séparé du reste.
P.S.
Pardonnez-moi, mais pendant que j’écrivais cette introduction, je viens juste de me
rappeler après beaucoup, beaucoup d’années ce que ma grand-mère me disait : ‘’Ne
demande pas ce qu’est l’Illumination à des moines ou à des saints, car une question
ne conduira qu’à une autre question, puisqu’après tout, même Dieu ne sait pas
expliquer Dieu. Le saint n’est pas plus proche de l’Illumination que le pécheur. La
seule différence entre eux, c’est que le saint le sait, alors que le pécheur prétend
encore l’ignorer.
Mais à présent, il est trop tard ! Je n’étais pas destinée à comprendre ses conseils et
donc, vous pouvez toujours vous gondoler avec moi…
5
SOMMAIRE
1ÈRE PARTIE
CHAPITRE 1 : LE 8/8/88, PREMIER RENDEZ-VOUS
CHAPITRE 2 : LES ANNÉES PASSENT
CHAPITRE 3 : ‘’TELLEMENT HEUREUX DE VOUS REVOIR !’’
CHAPITRE 4 : LE POUVOIR D’UN REGARD
CHAPITRE 5 : LES HIMALAYAS
CHAPITRE 6 : LE JYOTIRLINGA ET PATAL
CHAPITRE 7 : CE MARIAGE DOIT MARCHER !
CHAPITRE 8 : PEUT-ON JAMAIS L’ABANDONNER ?
CHAPITRE 9 : LA NUIT OBSCURE DE L’ÂME
9
14
20
22
25
27
32
36
43
2ÈME PARTIE
CHAPITRE 10 : LA FAVEUR
CHAPITRE 11 : LE JOUR DE L’INITIATION
CHAPITRE 12 : UN PROGRAMME INTENSIF DE KRIYA YOGA
CHAPITRE 13 : LE VOYAGE À MIAMI
CHAPITRE 14 : DU KRIYA YOGA À PUTTAPARTHI
49
53
58
61
66
3ÈME PARTIE
CHAPITRE 15 : CECI N’ÉTAIT PAS LA FIN…
CHAPITRE 16 : L’ODYSSÉE CONTINUE
CHAPITRE 17 : L’AVADHUTA
CHAPITRE 18 : L’HISTOIRE DE DAYANANDAJI
CHAPITRE 19 : FONDRE TOUTE LA CONFUSION DANS LE FEU DE LA
CONNAISSANCE
CHAPITRE 20 : LE MONDE INTÉRIEUR SE REFLÈTE DANS LE MONDE
EXTÉRIEUR
73
82
88
96
100
105
4ÈME PARTIE : LE PORT ULTIME, L’ADVAITA
CHAPITRE 21 : L’ARRIVÉE D’UNE RENCONTRE
CHAPITRE 22 : LA PLUS HAUTE COMPRÉHENSION
CHAPITRE 23 : LA SAGESSE QUI TRANSPERCE LE CŒUR
CHAPITRE 24 : L’ULTIME COUP À LA NOIX DE COCO
6
107
114
125
146
5ÈME PARTIE : DE QUOI PARLE-T-ON ?
CHAPITRE 25 : LES SAGES
CHAPITRE 26 : NIVEAUX DE CONSCIENCE
CHAPITRE 27 : QUELQUES INDICATIONS SUR L’ADVAITA
CHAPITRE 28 : LES CLÉS
CHAPITRE 29 : LA CONFUSION
CHAPITRE 30 : QUI A CRÉÉ L’EGO ?
CHAPITRE 31 : DES EFFORTS OU PAS D’EFFORTS ?
152
157
163
167
173
178
183
APPENDICE : PROFILS ET FLASHES SUR LES MAÎTRES DE L’ADVAITA QUI
SONT MENTIONNÉS DANS CE LIVRE
CHAPITRE 32 : SRI NISARGADATTA MAHARAJ, UN PROFIL
CHAPITRE 33 : SRI RAMANA MAHARSHI, UN PROFIL
CHAPITRE 34 : WEI WU WEI – TERENCE GRAY, UN PROFIL
188
206
222
BIBLIOGRAPHIE
À PROPOS DE L’AUTEURE
231
232
7
ÈRE
1
PARTIE
8
CHAPITRE 1 : LE 8/8/88, PREMIER RENDEZ-VOUS
Après de longues recherches ici et là, dans les temples et dans les églises, sur la
Terre et dans les cieux, vous en retournez enfin à votre propre âme et vous bouclez
la boucle, là où vous avez commencé, et vous découvrez que Celui que vous aviez
cherché partout dans le monde, pour qui vous aviez pleuré dans les églises et dans
les temples, que vous considériez comme le mystère de tous les mystères enveloppé
dans les nuées est plus proche que votre ombre, qu’Il est votre propre Soi, la réalité
de votre vie, de votre corps et de votre âme.
Sri Sathya Sai Baba
La première fois que j’ai atterri à Bombay en 1988, la chaleur humide m’enveloppa et
m’étouffa presque. Celle-ci semblait m’avertir que je ferais mieux de sauter dans le
prochain vol de retour vers mon propre pays, l’Italie, ou sinon je serais prise au
piège. J’hésitai pendant quelques minutes, puis je sentis comme une main qui me
poussait dans le dos et le pas mal assuré, je me vis me diriger vers un taxi et
observer stupéfaite cinq porteurs qui se chamaillaient pour charger une seule valise
à l’arrière de la voiture, avant de rejoindre ensuite l’aéroport des vols intérieurs pour
attraper le vol vers Bangalore.
Pourquoi avais-je décidé de venir toute seule en Inde ? Savais-je réellement ce
qu’elle avait en réserve pour moi ? Ce que j’ignorais sans aucun doute, c’était que
l’Inde était le lieu où j’allais finalement vivre durant de nombreuses années pour
chambouler ma vie et mes vieux schémas pour enfin viser la maîtrise de mon esprit
en diminuant graduellement mon attachement aux pensées et même aux concepts
spirituels et trouver cette paix et cette joie profondes que je recherchais et auxquelles
j’aspirais depuis ma naissance.
Bombay s’éveillait aux petites heures du matin suffocant et les fortes odeurs d’épices
mêlées au smog de la pollution liée au trafic s’insinuaient dans mes narines. Les
regards écarquillés d’enfants souriants croisèrent le mien et leur joie innocente était
comme une réception de bienvenue à la maison pour une part inconnue de mon être.
Qui ou qu’est-ce qui se réjouissait en moi ?
J’étais en route pour Puttaparthi afin de vérifier si ce que j’avais lu dans les livres au
sujet de Bhagavan Sri Sathya Sai Baba pouvait vraiment être réel et si c’était le cas,
veiller à ne pas manquer une opportunité rare et unique.
Pendant que j’attendais ma correspondance pour Bangalore, un couple d’Indiens
âgés s’approcha de moi. Ils me demandèrent si j’allais voir Sai Baba et si c’était bien
le cas, de me joindre à eux et de voyager ensemble, car ils pensaient qu’une dame
ne devrait pas voyager toute seule. Comme les Indiens traditionnels sont gentils et
9
bienveillants ! J’acceptai leur aide toute empreinte de considération comme une
protection envoyée par la main invisible du Seigneur et je me sentis plus en sécurité
en leur compagnie. J’avais projeté de dormir et de me reposer à Bangalore avant de
poursuivre jusqu’à Puttaparthi, mais ils insistèrent et me dirent que ce serait mieux
de prendre un taxi et d’aller directement à l’ashram et donc, je les accompagnai. Tout
au long du trajet, le paysage était vraiment splendide et les couleurs de la terre
empruntaient toutes les tonalités de rouges, de bruns et de gris. De grands arbres
ombrageaient la route sur des kilomètres, mais quand nous arrivâmes en Andhra, la
scène se transforma spectaculairement en un désert jaune et rouge avec de douces
collines ou des rocs abrupts qui montaient vers le ciel comme des mains en prière.
C’était sidérant. Je rompis le silence et je demandai à mes nouveaux amis s’ils
avaient déjà rencontré Sai Baba et c’est avec beaucoup d’enthousiasme que le mari
me raconta son histoire :
‘’Nous habitons Londres où je travaille comme journaliste et il y a dix ans, j’ai été
dépêché à l’ashram de Prasanthi Nilayam pour écrire un article sur Sri Sathya Sai
Baba. A ce moment-là, je ne croyais pas en Sai. Le deuxième jour de mon séjour à
l’ashram, j’ai été appelé pour une entrevue et Swami m’a dit : ‘’Vous souvenez-vous
que pendant la guerre, vous étiez à Londres pour terminer vos études et que chaque
soir, vous deviez interrompre votre travail, puisque tout le monde devait se rendre
dans les abris anti-aériens ? Vous souvenez-vous du soir où vous aviez eu
l’impression de perdre votre temps et où vous aviez décidé de ne pas quitter votre
maison et de continuer à étudier jusqu’à ce qu’un officier frappe à votre porte et vous
ordonne de quitter les lieux et de rejoindre les autres dans l’un des abris antiaériens ? Ce soir-là, votre maison a été bombardée..’’
Et Sai Baba ajouta alors : ‘’Cet officier, c’était Moi !’’
‘’Dès ce moment, j’ai su que Sai était la divinité omnisciente et omniprésente, l’Avatar
de cet âge. Depuis lors, notre vie a changé pour le mieux et tout ce que nous avons
et tout ce que nous sommes, nous Le lui devons.’’
Avais-je besoin d’entendre ceci ? Certainement, car c’est si difficile pour des êtres
humains de reconnaître la divinité dans ce qui ressemble simplement à un être
humain qui circule parmi nous tous ! Cela paraît si incroyable et plus encore pour
l’esprit occidental, étant donné que le concept de l’Avatar est si éloigné de notre
culture. Et comment pouvais-je être certaine ? Dans un livre, j’avais lu que Sri Sathya
Sai Baba avait simplement dit : ‘’Venez, observez et expérimentez par vous-même.’’
Et donc, c’était ce que j’étais sur le point de faire, semblait-il, mais la manière dont
cette reconnaissance allait ensuite entièrement modifier la trajectoire de ma vie, je ne
le soupçonnais même pas.
10
Le service du logement de l’ashram m’attribua non sans réticences un espace d’une
cinquantaine de centimètres dans un hangar et ce fut l’occasion d’observer mes
réactions et mes facultés d’adaptation. Cet après-midi-là, je me rendis à mon tout
premier darshan de Sri Sathya Sai et m’assis dans les rangs des heures durant sur
le sable doux, dans l’espace splendide situé juste devant le mandir rose, bleu ciel et
crème, et dans cette immobilité, sous le soleil ardent, on n’entendait que les
jacasseries stridentes de centaines de corneilles perchées dans les arbres des
alentours. Nous attendions sans plus finir et il semblait sacrilège de ne fût-ce que
bouger son corps.
Le mental diminua sa présence bruyante jusqu’à ce que l’esprit se remplisse de paix,
comme lorsque vous rentrez enfin chez vous après une longue période passée à
voyager et errer sans but à travers le monde. Et puis alors, même les jacasseries
stridentes des corneilles cessèrent soudainement, les feuilles des arbres se
réjouirent en remuant doucement sous la brise, comme pour accueillir Celui qu’elles
aimaient toutes, et je ressentis dans toutes les cellules de mon cerveau et de mon
corps un silence qui me souleva.
Quand je rouvris les yeux, je vis que tout le monde se levait. Encore en décalage, je
demandai si le darshan avait été remis, mais on me répondit qu’il était terminé, que
Swami était déjà sorti, qu’Il avait fait tout le tour de la zone du darshan et qu’il était
rentré dans la salle d’entrevue avec un groupe et je ne L’avais même pas aperçu !
Où étais-je donc alors qu’Il donnait Son darshan ? Son rayonnement était-il trop fort
pour que mes yeux puissent Le voir ? Mon esprit était-il plongé dans de telles
ténèbres que je ne pouvais même pas entrevoir Sa forme ? Ultérieurement, je
bénéficiai d’une lecture de la part d’un shastri de Bangalore qui déchiffre le Shuka
Nadi sur des feuilles de palmier et celui-ci déclara que ma rencontre physique et
karmique avec Sri Sathya Sai Baba était prévue pour le 8/8/88 et non pas le 7,
précisément comme je l’avais planifié initialement avant de rencontrer le couple
d’Indiens qui m’avaient persuadée de ne pas m’arrêter pour passer la nuit à
Bangalore.
Ceci n’était que le premier d’une longue série de jeux de cache-cache que je devrais
jouer, d’abord avec la forme et puis plus tard, avec le sans forme, mais il me fallut du
temps pour apprendre que ce n’était qu’un jeu et que tout le fun consistait à jouer
avec amour et sans attente aucune, avec l’enthousiasme et la simplicité d’un enfant,
sans conceptualiser, sans échafauder des préjugés, sans projeter, sans critiquer, en
s’adaptant toujours et en acceptant tout ce qui survenait comme ce qu’il y avait de
meilleur pour ce personnage et sa dissolution dans la pure Conscience de la réalité
atmique.
A cette époque, à cinq heures du matin, les fidèles avait l’habitude de tourner trois ou
neuf fois autour du mandir où Sai Baba vivait et dormait. C’était juste avant le
11
Suprabhatam, le chant que les fidèles chantent pour ‘’réveiller’’ le Seigneur de
Puttaparthi et le Omkar, la psalmodie du Om, 21 fois. Je me contentai d’observer et
de faire exactement comme faisaient les autres, même si je ne comprenais pas du
tout ce que cela signifiait.
Un matin, en tournant autour du temple, je vis toute ma vie qui défilait comme un film.
Pas après pas, des épisodes que j’avais oubliés depuis longtemps réapparurent
clairement sous la forme d’images colorées dans mon esprit de sorte que je pus
reconnaître toutes les opportunités que la vie m’avait offertes et toutes celles que
j’avais ratées, semblait-il. Des larmes coulèrent irrépressiblement et avec ces larmes
silencieuses, j’évacuai tous ces souvenirs, comme si ceux-ci avaient rempli leur
tâche et étaient maintenant devenus inutiles.
Durant les darshans, après le premier impact époustouflant, je vivais l’enfer, car
j’avais l’impression que Sai Baba m’était totalement étranger, qu’Il était tout à fait
indifférent à ma présence sur ce sable brûlant sous ce soleil torride et
l’engourdissement de mes sentiments contrastait sèchement avec l’exultation
générale des foules qui appréciaient Sa gentillesse, Son amour et Sa prévenance et
je sentais bien que je faisais tache et ceci me blessait énormément. Il ne me vint pas
alors à l’esprit que c’était moi qui gardais mes distances avec Lui en étant toujours si
absorbée dans le monde matériel, en suivant toutes les suggestions de mon mental
dingue, ses désirs, ses attachements, ses préférences et ses attentes qui généraient
tant de résistance, tant de bruit et un éloignement infini par rapport à mon Soi
intérieur.
Le tout dernier jour, je reçus l’opportunité de m’asseoir à l’intérieur du temple,
pendant que les étudiants chantaient les bhajans, les chants dévotionnels pour Sai
qui était assis devant nous. J’étais assise au premier rang juste devant Lui. La
dévotion et le rythme des bhajans firent fondre tout mon être. Je concentrais toute
mon attention sur Ses pieds tendus en essayent de les imprimer dans ma mémoire
pour qu’une fois de retour à la maison, je puisse m’agripper à eux dans mon humble
prière quand brusquement, je sentis Son regard affectueux et perçant. Je levai la tête
et nos regards se croisèrent pour la première fois. Ses yeux étaient un océan
d’amour. Ils me remplirent à ras bord de Sa compassion. J’étais ravie et engloutie
par leur douceur. Il me sourit, comme s’Il m’avait toujours connue et intérieurement,
je priai : ‘’Si Tu es Celui que Tu dis être, s’il Te plaît, fais fondre mon cœur et
accorde-moi une foi solide.’’ A ce moment-là, quelque chose se passa qu’il est
difficile d’exprimer par des mots : un incroyable déluge de douceur, d’amour et de
compréhension envahit tout mon être. Du miel chaud jaillit délicatement de mon
chakra du cœur qui était brûlant, qui semblait s’être dilaté et qui vibrait fortement. Il
n’y avait plus que cet amour insondable et extraordinaire le plus profond.
12
Les bhajans avaient maintenant un rythme rapide, comme si la dévotion était sur le
point d’exploser avec un big bang, mais alors Sai se leva et disparut prestement pour
recevoir l’arati sous la véranda. Je ressentais toujours ce miel sucré et brûlant qui
jaillissait de mon cœur, comme la lave d’un volcan. Je me tournai vers la photo de
Shirdi Sai Baba qui parut me faire un clin d’œil amusé. Le temple vibrait de dévotion,
d’amour et de paix. Comme je suis quelqu’un de très pragmatique et pratique, je
tentai de récuser cette expérience en me disant que c’était un phénomène étrange
lié à la ménopause, mais celui-ci perdura et même après être sortie du temple, il se
prolongea encore pendant des heures. La seule chose que je pus faire, c’est presser
un coussin contre mon cœur pour ne pas perdre une seule goutte de cette Félicité et
m’asseoir immobile, les yeux clos. Puis je réalisai soudainement que je n’avais plus
de doutes et que, depuis que j’étais sortie du temple, la connaissance était là : pas
dans ma tête, mais dans mon cœur. Je sentis qu’Il était et qu’Il avait toujours été
mon Soi intime projeté à l’extérieur dans une forme concrète. J’avais ressenti Son
amour dans mon propre cœur qui me rappelait à la Source, à ma Réalité. Au bout de
quelques heures, j’acceptai simplement Sa Réalité d’être l’extraordinaire incarnation
du divin, puisqu’Il s’était reflété dans l’intimité de mon propre Soi et puisqu’Il vibrait
dans mon cœur. La leela d’un seul regard !
Le lendemain matin, mon corps et mon âme s’inclinèrent devant la fenêtre de Sa
chambre, puis le corps retourna en Europe, mais il m’apparut que l’âme était restée
là-bas, sur le sable du mandir sous la fenêtre de Sa chambre. Durant deux longues
années, il me fut impossible de revenir en Inde.
Quelques mois après mon retour de l’Inde, mon mari mourut et les responsabilités à
l’égard de mes quatre enfants et de mon travail m’entravaient. Tout était compliqué,
mais cette période-là s’acheva bientôt. Je fis tout ce qu’il fallait faire avec un
détachement patient et je ne me sentais vivante et vibrante que quand je pouvais
rentrer à l’intérieur de moi-même et me souvenir encore et encore de ce même
sentiment que j’avais expérimenté à l’intérieur du temple. C’était ma méditation. Je
ne connaissais aucune autre technique. Quand des larmes tentaient de jaillir, quand
Sa forme adorable me manquait, je lisais un des enseignements de Sai que j’avais
épinglé au-dessus de mon lit pour rappel :
‘’ON OBTIENT LA LIBERTÉ EN CONQUÉRANT SES DÉSIRS ET NON EN
FUYANT SES RESPONSABILITÉS.’’
13
CHAPITRE 2 : LES ANNÉES PASSENT
‘’Chaque jour, réfléchissez à vos expériences. Toutes les différences que vous
trouvez dans le monde ne sont que des reflets de votre mental. Que vous aimiez,
que vous détestiez ou que vous ridiculisiez quelqu’un, tous ne sont que vos reflets.’’
Sri Sathya Sai Baba
Dans l’entourage de Sai Baba, on me rappelait souvent : ‘’Tout ce que vous voyez
chez les autres ne fait que refléter votre propre problème.’’
Oh, combien j’ai dû en voir et combien j’ai dû changer ! A présent que 14 années ont
passé, remplies de leçons, d’écueils et de luttes, de joies et de larmes et de grands
moments à Ses Pieds où Il passerait en revue tous les problèmes sur lesquels
travailler et où Il me donnerait tout Son Amour pour les petits efforts accomplis, je
puis dire maintenant que je sais ce qu’Il voulait dire, lorsqu’il a dit qu’Il était le
meilleur dhobi (laveur de linge) et qu’Il nous claquait sur les pierres pour nous rendre
propres.
Mais comment en suis-je arrivée à sauter dans cet avion et à atterrir à Bombay ?
Remontons en 1987.
C’était un dimanche, comme n’importe quel autre dimanche de l’année et c’était mon
41ème anniversaire. Je pensais être heureuse et comblée, mais en contemplant par la
fenêtre le ciel vide ce jour-là, j’eus l’impression de contempler une vie vide de sens,
et une peur et une panique qui m’étaient jusqu’alors inconnues me transpercèrent le
cœur. J’avais des palpitations et je recherchais ma respiration. Alors que j’étais au
sommet de ma carrière, que j’avais une famille avec ses hauts et ses bas et des
enfants pourtant charmants, une magnifique maison et tout ce dont on pourrait
jamais rêver, comment pouvais-je alors contempler là une vie qui était vide de sens ?
Je fus prise de crampes à l’estomac et je dus vomir tout mon repas.
Un étrange et intense sentiment d’insatisfaction s’était insinué en moi bien malgré
moi et je devais lui faire face. Mais par où commencer et qu’est-ce qui me
manquait ? Quelle était la raison fondamentale de cet horrible sentiment de
frustration qui venait de prendre possession de tout mon être ? La réponse arriva
directement d’une connaissance profonde comparable à une voix émanant du cœur.
‘’Qu’as-tu accompli jusqu’à présent ? Les gains et les pertes, les réussites et les
échecs de la vie ont-ils la moindre valeur ? Tu n’as pas encore découvert son sens
véritable. Tu n’as aucun but spirituel, aucune foi réelle !’’ Quelle révélation
terriblement choquante de découvrir que tout ce pour quoi j’avais lutté n’avait en
réalité aucune valeur et de le réaliser ainsi en regardant simplement par la fenêtre !
14
Je m’entendis m’écrier : ‘’Oh, comme je voudrais avoir la foi ! Où es-Tu ?’’ Et puis, je
m’endormis, harassée, avant d’être réveillée par quelqu’un qui sonnait à la porte
d’entrée. Je jetai un coup d’œil à ma montre et je constatai qu’il était déjà sept
heures du matin. Et devant ma porte se trouvait mon meilleur ami, mon cousin, qui
venait tout juste de rentrer d’un voyage en Inde. Il était hâlé et très mince et il dit
simplement : ‘’Je sais que tu es prête ! Lis ces livres et utilise cette cendre pour
guérir ton cœur...’’ Je le regardai, comme une gourde. C’était un psychiatre. Il
m’aimait bien et il me connaissait bien, mais comment avait-il pu avoir une intuition
aussi opportune et aussi providentielle ? Puis, il repartit en me laissant entre les
mains deux livres et un paquet de cendre grise et soyeuse qui avait un léger parfum
de jasmin appelée ‘’vibhuti’’, lus-je dans les livres. L’un des deux livres était intitulé
‘’Sai Baba, l’homme des miracles’’ et l’autre ‘’Sathya Sai Baba - Le saint homme et le
psychiatre’’. C’est ainsi que le plus illustre des dhobis prit les rênes de ma vie
entière, puisque j’avais enfin fait appel à Lui et que Son devoir était de répondre illico
presto.
En lisant les livres, je ne cessai de me répéter à moi-même : ‘’Quel genre de piège
est-ce là ? Comment est-ce possible ? Est-ce bien vrai ?’’ Six mois passèrent, puis
arriva le jour où je sentis que je ne pourrais plus ignorer plus longtemps le
magnétisme de cette mince figure orange, aussi Lui écrivis-je une lettre en Lui
demandant la permission de me rendre dans Son ashram en Inde. Quelques jours
plus tard, la vibhuti fit exploser le paquet et la cendre se répandit sur toute ma table
de nuit et sur mon lit ! Avais-je besoin d’une autre réponse ? Je me rendis alors dans
une agence de voyages et j’achetai mon tout premier billet d’avion pour l’Inde.
J’avais hâte de faire l’expérience de ce qu’Il était vraiment, mais en même temps,
une étrange mélancolie avait envahi mon cœur et il semblait y avoir une part de moi
qui résistait à cette idée. Ma personnalité avait tellement investi dans la création et
dans l’entretien de ses fausses sécurités qu’elle paraissait vouloir relever la tête et se
rebeller contre ce voyage. En embarquant dans l’avion pour l’Inde, une part de moi
avait conscience qu’il s’agissait là d’un aller sans retour possible et elle exultait, mais
une autre part de moi éprouvait le danger menaçant de perdre toutes ses certitudes
connues jusqu’alors pour sauter dans le vide. C’est ainsi que je suis arrivée de
manière parfaitement improvisée et divisée en deux. La manière dont Sai est
progressivement devenu la partie la plus importante de ma vie est un très long
processus d’expériences qu’Il a guidées affectueusement de l’intérieur et depuis
l’extérieur. Il serait trop long de les évoquer toutes et je tenterai seulement
d’esquisser le cours de l’action principale.
Pendant mon premier séjour en Inde, je me suis souvent demandée si je n’étais pas
folle, mais cette folie me procurait une telle joie, un tel bonheur et une telle paix que
je l’appréciais beaucoup. Il n’empêche que si vous ne prêtez pas attention à vos
pensées, certaines choses se produisent et croyant que j’étais un peu folle, j’ai
commencé à rencontrer toutes sortes de fous et de folles. Parmi eux, je me souviens
15
de l’une d’elles qui m’a réellement fait rire. Ainsi, un jour, une dame a frappé à la
porte de ma chambre et m’a demandé quelque remède, car elle croyait être
allergique à l’eau de Puttaparthi et elle était couverte de boutons ! Je lui ai donné
quelque chose qui pourrait l’aider et au lieu de s’en aller, elle s’est assise et m’a dit
qu’elle était la secrétaire de Gandhi et que la police était à ses trousses et qu’elle
devait prévenir Baldo à Rome, sinon il l’attendrait à l’aéroport sans avoir ses repas.
Je n’ai pas fait de commentaires, je l’ai juste écoutée en supposant que Baldo était
son mari, mais après une longue histoire incohérente, elle a ajouté qu’un jour, Baldo
avait réclamé de nouveaux habits, vu qu’il commençait à faire froid et donc, elle
s’était rendue chez Prenatal, un magasin de prêt-à-porter pour bébés et j’ai alors
supposé que Baldo était son fils, mais ensuite, elle m’a dit qu’elle avait réussi à
trouver des pantalons, des pulls et un beau manteau pour lui…mais pas quatre
chaussures identiques de la même couleur et de la même taille. ‘’Pourquoi quatre ?’’,
ai-je demandé. Elle m’a regardée, interloquée, et sur un ton laconique, elle m’a dit
que Baldo était son chien et que si je voulais bien l’excuser, elle devait prendre
congé de moi et lui téléphoner, puis rentrer à Rome. Je me suis demandée comment
l’Energie de la Vie allait guider la dame sans encombre jusque chez elle, mais au fil
des ans, je l’ai revue à plusieurs reprises et donc, elle se déplace peut-être sous
pilote automatique et sur ordre du Seigneur, car son esprit ne lui aurait certainement
pas permis de voyager toute seule depuis l’Italie jusqu’à Bombay, de Bombay jusqu’à
Bangalore et de Bangalore jusqu’à Prasanthi Nilayam !
Pendant mon troisième voyage en Inde, en 1991, Sai Baba était à Whitefield.
Pendant les darshans, les fidèles étaient assis sous les branches d’un arbre
immense et Sai sortait de Sa résidence en forme de lotus et puis Sai s’approchait de
nous très nonchalamment, comme au ralenti. Cet arbre a maintenant été abattu,
mais c’était un nid d’amour, tellement chaud et intime pour nous tous, lorsque nous
chantions les bhajans assis à Ses Pieds de Lotus. Cette année-là, j’ai été appelée
pour ma toute première entrevue et la façon dont j’ai été appelée fut également
assez remarquable. Ainsi, cette année-là, au cours de mon séjour à l’ashram, je
m’interrogeais sur la signification du lâcher-prise. Je ne comprenais pas clairement
ce à quoi je devais renoncer. Était-ce au sentiment d’être le corps et celle qui agit ?
Dans ce cas-là, comment me désidentifier et comment être certaine que le Seigneur
s’occuperait réellement de moi ? Baba vint à mon secours avec un exemple très
agréable. Ce matin-là, je fus la toute première dans les files préalables au darshan et
je devais tirer le numéro de la file. Quand la sevadal me présenta le petit sac où il me
fallait prélever un numéro, j’entendis une nouvelle voix étrange qui émanait du fond
de mon cœur et qui dit : ‘’Permets que ce soit Ma main et pas la tienne !’’ Et c’est
ainsi que je permis consciemment au Seigneur de tirer le numéro et quand je vis qu’il
s’agissait du n°25 – c’est-à-dire le dernier – je me suis dit qu’il aurait bien mieux valu
que je le tire moi-même sans laisser Sai Baba gaspiller toutes mes chances !
Néanmoins, au bout d’une minute, la sevadal me dit de me lever, puisque j’étais la
première ligne ! Je lui fis remarquer que j’avais tiré le n°25, mais elle me surprit en
16
me disant que ce matin-là, le n°1 avait été égaré et que la ligne 25 irait la première
dans la zone du darshan ! Je me sentis ô combien honteuse d’avoir douté ! Je n’ai
plus jamais oublié cette leçon sur l’abandon de mon ego.
Je filai vers une place dans le premier coin – en pole position – et quand Swami
arriva, il me dit : ‘’Italie ! Go !’’ Je parvins à la petite pièce, qui pour moi était
Vaikuntha – la demeure céleste – dans un état d’émerveillement, de stupeur et
d’exaltation. Lorsque nous fûmes tous installés autour de Lui, Sai se leva de Son
fauteuil, vint directement vers moi, puis me donna une petite claque sur la joue en
m’ordonnant de ne pas être triste. Puis, Il piétina mon petit orteil en disant : ‘’Fais-Moi
un peu de place, Je veux allumer la Lumière !’’ Et Il pressa mon petit orteil, comme
s’il s’agissait de l’interrupteur d’une lampe et il y eut alors une lumière blanche
bleuâtre, la plus extraordinaire, qui fulgura d’abord dans mon front et puis dans tout
mon corps. Dans le silence dans lequel Il m’avait plongée, personne d’autre
n’existait, à part Lui. Je regardai Sai, sur la même longueur d’ondes et en
communion, prête même pour une nouvelle claque, car l’amour que je ressentais
était irrésistible. Je reçus l’autorisation de faire mon premier padnamaskar tout en
étant parfaitement consciente du caractère sacré de l’aubaine. Tout à la fin, Sai se
tourna vers moi en me montrant du doigt, et en le brandissant comme si j’avais fait
quelque chose de très mal, Il dit gravement : ‘’Je désire vous revoir demain !’’
Pendant toute l’entrevue, je fus incapable de prononcer un seul mot, mon esprit était
vide et si incroyablement calme, je planais et dorénavant, je décrirai un tel état
comme me trouver au septième ciel, un lieu très spécial où plus rien n’existe hormis
le vide. C’est ce genre d’événements et de plus grandioses encore que la plus
grande partie parmi des milliers de personnes ont eu et ont encore la grâce de
connaître, quand elles se retrouvent en Sa Présence. Mais ce que nous devions
apprendre de Son message est une histoire tout à fait différente. C’était une tâche
d’élévation sans fin. Au cours de cette première rencontre au sommet, Swami avait
donné un bref discours spirituel sur l’esprit que je devais conserver comme un trésor
et que je devrais méditer à maintes reprises dans les années à venir :
‘’Le mental est un ramassis de pensées. Regardez ce morceau de tissu qui est
constitué de fils. Si vous les enlevez un par un, aucun tissu ne reste. C’est la même
chose avec le mental. Pas de pensée, pas de mental. La nature du mental, c’est
l’agitation, à l’image d’un rat dont la nature est de toujours grignoter quelque chose et
d’un serpent dont la nature est de happer quelque chose. La nature du mental, c’est
d’être occupé. Même calme, à l’image des plumes d’un paon, il y a un scintillement,
un mouvement apparent du mental… C’est la nature du mental de ressasser les
choses. La méthode appropriée et adéquate pour traiter le mental est de le faire
réfléchir au Seigneur, à de bonnes pensées, à de bonnes actions et la répétition du
Nom du Seigneur. Ainsi, la tendance habituelle du mental à s’occuper sera satisfaite
et il ne fera plus de bêtises. Le mental est le fauteur de troubles. Il accumule les
doutes, érige des obstacles et tisse lui-même un filet dans lequel il s’empêtre. Il n’est
17
jamais satisfait. Il court après mille choses et il en élude toute une série. Prenez donc
la peine de le modeler en un serviteur obéissant. Il est possible de l’éduquer, si vous
savez comment vous y prendre. A l’aide d’une pratique et d’un entraînement
constants, on peut l’orienter vers Om et lui apprendre à se fondre dedans.’’
Ces dernières paroles de ma première entrevue ont été le leitmotiv incessant de ma
quête.
Le lendemain, Il ne m’a pas rappelée, mais les années à venir me verraient souvent
entrer et sortir de cette pièce spéciale jusqu’à ce qu’un jour, Il me dise de rester,
étant donné qu’Il voulait que je travaille dans…quelque chose comme un hôpital. Je
Lui demandai s’Il entendait par là immédiatement et Il ouvrit simplement les bras en
disant : ‘’Quand vous voulez ! Venez !’’
Dans un hôpital ? Je n’étais pas médecin, j’étais styliste de mode ! Je repris l’avion
vers l’Italie et dans mon esprit, je ne prévoyais de revenir que dans quelques
années, mais de retour à mon travail, je fus horrifiée de découvrir que la société pour
laquelle je travaillais préparait une faillite frauduleuse et réclamait mon aide pour
gruger tous les fournisseurs. Effarée, sans même réfléchir aux conséquences de me
retrouver sans travail, je démissionnai le lendemain même.
Cette nuit-là, je me couchai en priant Sai de m’éclairer sur ce que je devais faire et
où trouver un autre travail. Swami m’apparut en rêve et me dit simplement :
‘’Maintenant, viens !’’, et nous dansâmes tous les deux une danse céleste.
J’étais totalement déroutée, car avec ma vision limitée de la conduite dharmique, je
pensais devoir trouver un autre travail et rester avec ma famille quelques années de
plus. Au lieu de cela, je me vis refaire mes valises et subir la peine de tenter
d’expliquer aux enfants ce que je vivais. Certains comprirent, d’autres non. Mon
cœur saignait du choc qu’eux subissaient, mais je ne prêtai attention qu’à Son
conseil. Je m’efforçai d’arranger les choses du mieux possible pour la famille et
clôturai tout ce qui était à mon nom en renonçant à tout en faveur de mes enfants qui
étaient alors assez grands pour s’occuper d’eux-mêmes, à l’exception d’un seul, et
seulement deux mois après cette entrevue, j’étais de retour en Inde, début novembre
1993. A mon arrivée, je tombai sur la pensée du jour :
‘’Sans un authentique désir de libération, écouter, étudier et méditer ne sont que de
simples artifices. La maîtrise d’un art ne conduit pas nécessairement au but le plus
élevé. Un désir faible de Libération est vain et inutile. Un désir éphémère qui surgit
après avoir entendu parler de la splendeur de la Réalité n’est pas un vrai désir. Ce
n’est qu’un engouement passager, une curiosité momentanée. Ce genre de curiosité
momentanée ne suffira pas pour inspirer quelqu’un à faire un effort sincère pour
atteindre la Libération. Un désir intense motivera un aspirant à pratiquer de tout son
18
cœur. Une telle motivation et un courage sans borne à persévérer, c’est cela
s’absorber dans la sadhana. Un tel désir naît quand on réalise que tout le reste est
trivial comparé à la Libération.’’
Quelle était la pratique que je devais entreprendre et serais-je seule face à cette
tâche immense ? Qui pourrait alors me guider ? Une prière jaillit de l’intérieur :
‘’Seigneur, donne-moi un guide, un guide spirituel pour atteindre le but. Je ne sais
même pas par où commencer !’’
La valse débuta.
19
CHAPITRE 3 : ‘’TELLEMENT HEUREUX DE VOUS REVOIR !’’
‘’Souviens-toi que rien n’arrive sans Ma volonté.’’
Le premier jour où je m’assis pour le darshan, j’eus une surprise que je n’aurais
jamais pu prévoir ni désirer dans mes rêves les plus fous. Je me sentais
particulièrement reconnaissante d’être de retour ‘’à la maison’’ dans le Mandir de Sai,
de pouvoir rester là et profiter de la félicité d’être dans Sa Présence exaltante. Ceci
semblait être l’aboutissement d’une vie réellement bénie. Tous les soucis familiaux
avaient magiquement disparu de mon esprit. Soudain, je vis Swami arriver, Son
sourire pareil à des milliers de rayons de soleil et Ses cheveux, une couronne
soyeuse d’Om vibrants. Il me salua en disant : ‘’Quand êtes-vous donc revenue ? Je
suis tellement heureux de vous revoir !’’ Mon cœur battait la chamade et tanguait
sous des vagues énormes de joie et d’amour. Les mots ne purent sortir et ce furent
des larmes atmiques qui exprimèrent finalement ce que j’éprouvais. L’explosion
d’amour vécue en cet instant dépassait tout ce que j’avais connu et me comblait au
plus haut point. Comment le Seigneur pouvait-Il être heureux de me voir, moi ? Il
s’éloigna, mais ensuite, Il se retourna nonchalamment, jeta un œil sur le côté dans
ma direction et prononça encore une fois ce mot en deux lettres si charmant et si
chéri dans l’univers Sai : ‘’Go !’’
Comment j’atteignis la véranda du Mandir, je l’ignore car mes jambes étaient en
coton. Sai nous fit tous entrer à l’intérieur de la salle d’entrevue. Il alluma Lui-même
le ventilateur et puis, Il nous regarda pendant longtemps. Et que vit-Il ? Comme je
souhaitai pouvoir voir avec Ses propres yeux ! Il inclina Sa tête vers l’arrière et puis
avec une main, Il fit le geste familier d’augmenter nos énergies. Nous nous assîmes
tous, en grand silence, subjugués. Nous pouvions presque entendre les cœurs des
autres qui battaient. Il paraissait absorbé ou quelque part ailleurs.
Sur un mur, il y avait un coucou très kitsch qui, chaque fois que je suis dans cette
pièce, capte mon regard et me fait légèrement sourire, tout comme le sac en
plastique orange qu’Il utilise pour distribuer de la vibhuti à la fin de chaque entrevue.
Le petit oiseau sortit de l’horloge pour chanter son appel à l’éveil et nous ramener sur
terre. Swami matérialisa plusieurs objets qu’Il offrit à quelques-uns d’entre nous. Je
dus traduire pour quelques Italiens en focalisant mon regard dans Ses yeux jusqu’à
ce que mes yeux débordent et brûlent littéralement de lumière. Puis, Il me
désarçonna tout à fait en me demandant : ‘’Que voulez-vous, Sir ?’’ Je me retournai
pour voir s’il n’y avait pas un gentleman assis derrière moi, mais ce n’était pas le
cas…Je n’étais pas prête ; je n’avais préparé aucune demande, étant donné que je
n’espérais aucune entrevue, mais sachant bien qu’il ne fallait pas gaspiller aucune
opportunité qu’Il offrait, puisqu’elles pourraient fort bien ne plus jamais se
représenter, je chuchotai timidement : ‘’Votre amour, Votre grâce, Swami !’’ Il feignit
ne pas m’avoir bien entendue en mimant qu’Il ne pouvait pas bien m’entendre et me
20
fit répéter trois fois ma requête et à chaque fois, je dus élever la voix et montrer ma
détermination. Et pour finir, Son commentaire fut : ‘’Oh ! C’est cela que vous
voulez ?’’
Pendant un long moment, le temps suspendit son vol pour moi…Sai se retourna,
regagna Son fauteuil, s’assit et me fixa avec intensité. J’avais l’impression d’être
toute nue et je craignis avoir trop demandé. Je me demandai si je méritais ce que
j’avais osé demander. Je fermai les yeux en me sentant si petite, comme une goutte
d’eau qui attendait de se fondre à nouveau dans la sécurité de l’océan. Puis, Il ouvrit
les bras et je L’entendis dire : ‘’Je vous aime !’’, avec une douceur inimaginable. Mon
cœur fondit. Je fermai les yeux et je sentis que mon esprit et toute mon attention
étaient comme tirés un peu au-dessus de ma tête dans un espace doré où seul Dieu
existait et où nous étions un. Ce genre de sentiments, on ne peut pas l’expliquer en
mots : les mots proviennent des pensées et les pensées, du mental qui ne peut pas
saisir l’immensité de l’Amour inconditionnel. La garantie de l’amour de Dieu était un
baume pour l’âme. Ce furent réellement des retrouvailles sensationnelles ! Je sortis
de cette entrevue avec une très forte fièvre, alors qu’au moment où j’étais entrée, je
me sentais tout à fait bien. Jamais de ma vie, je n’ai connu pareille fièvre ni pareille
diarrhée qui m’ont mise K.O. et lessivée pendant plus d’une semaine. Je mourais de
chaud, je frissonnais et je tournais de l’œil, dramatiquement malade. Durant mon
délire, j’eus également des rêves lucides absolument incroyables où figuraient pêlemêle pyramides, prêtres, brahmanes, archevêques, lamas tibétains, grottes, pujas,
yagnas, d’innombrables swamis et bien entendu Sai dans tous ceux-ci. Au terme de
la purge ou purification, comme disent les dévots, j’avais perdu cinq kilos et je n’avais
plus de force. Et ce n’était pas tout ce que j’ai dû subir.
Ce n’était qu’un commencement…
21
CHAPITRE 4 : LE POUVOIR D’UN REGARD
‘’N’essayez pas de comprendre ;
Renoncez à l’impératif de comprendre.
Les leelas sont Mon divertissement. Soyez juste un Témoin.’’
Peu de temps après cette ‘’purification’’, j’étais assise, comme d’habitude, en
attendant que Sai arrive. C’était l’après-midi et le soleil se trouvait du côté droit du
Mandir duquel Swami sortirait. La musique débuta et Il avançait lentement en
masquant le soleil avec Son corps. Je vis alors deux spirales de lumière sortir de Ses
yeux et pénétrer dans les miens et ceci provoqua une ‘’explosion’’ à l’intérieur de
mon crâne et un flot de lumière fusa à l’extérieur par le sommet de la tête. Je dus
rentrer chez moi, les yeux clos, avec des vertiges, avant d’être confrontée durant
trois longs mois à un état de déséquilibre très particulier. C’était alarmant, puisque je
n’avais aucune indication par rapport à ce que je traversais. J’avais un japamala
dans une main et avec l’autre, j’imaginais me raccrocher aux cheveux de Swami et je
subis ce que je ne pouvais éviter. Intuitivement, je sus que tous les blocages
énergétiques du corps étaient en train de se dénouer et chaque fois que je me
détendais, une délicate et douce folie me faisait osciller et tanguer dans la félicité
durant des heures d’affilée. Chaque fois que la Sandra pratique et qui avait les deux
pieds sur terre réussissait à refaire surface, c’était une tragédie. Je demeurai là,
enfermée dans une chambre pendant trois longs mois, en ne comprenant pas où
j’allais. Était-ce cela, le ‘’travail’’ dans un hôpital dont Swami avait parlé ? C’était
comme voyager sans carte dans un pays étranger, sans connaître la langue pour se
renseigner et sans savoir même où la route me conduirait finalement. Tout cela était
complètement déconcertant. Je me sentais aussi liquide que de l’eau, aussi brûlante
que du feu ou aussi légère que l’air. Je vis que tout n’était qu’une illusion de formes
et de rôles, mais sans parvenir à saisir ce qui restait. Était-ce cela qu’on appelait
ananda ?
Tous les modèles et tous les concepts que j’avais connus jusqu’alors devinrent des
références inappropriées. Après un mois d’isolement, un jour, je me sentis bien
ancrée et donc, je me rendis au darshan. Je me retrouvai en première ligne et quand
Sai arriva, Il me lança un de Ses regards profonds tout en me redemandant : ‘’D’où
venez-vous ?’’ En fixant Ses yeux immensément profonds, j’eus l’impression qu’Il
ôtait délicatement une couche de peau, tout comme on procède avec un lapin avant
de le cuire. Je subis le traitement tout en espérant qu’Il me ramènerait à la normale.
Puis, j’entendis à nouveau ‘’Go !’’. Une fois dans la salle d’entrevues, Il me demanda
ce que je voulais et je dus répéter par trois fois ‘’la Conscience constante intégrée !’’
et Il dit : ‘’J’aiderai. Comment allez-vous, Sir ?’’ et parce qu’à Ses Pieds, on ne peut
que se sentir heureux, je répondis naïvement ‘’Très bien, merci !’’, mais Il secoua la
tête en disant ‘’Non, vous n’allez pas bien !’’ et Il me donna une tape au milieu des
22
sourcils où je sentis une explosion de lumière. J’avais foi dans le fait qu’Il savait
exactement ce dont j’avais besoin et combien je pouvais supporter, mais cela me mit
réellement sur le carreau durant deux nouveaux mois. Même ces deux mois
touchèrent rapidement à leur fin et je m’aperçus alors combien le monde était plus
doux, puisque j’étais si sereine et aimante, mais je m’aperçus aussi que j’avais un
ennemi qui essayait toujours insidieusement de m’arracher et me couper de ce
splendide lieu d’unité et de la perception de l’éternel présent. J’entendais la voix de
l’ego-mental qui tentait d’attirer mon attention sur des problèmes financiers, sur des
craintes, sur des soucis et sur de fausses responsabilités. Mon ancienne identité était
là et tentait de retrouver sa place et j’avais encore de l’attachement à l’égard de
certains aspects de ce faux moi. Durant de nombreuses années, je dus passer d’une
identité à l’autre, comme un acteur change de costume en coulisse pour endosser un
second rôle.
Au cours de deux autres entrevues, j’eus l’occasion de constater comment le Maitre
opérait. Pendant ces deux entrevues, je traduisais en italien et Sai donna un bref
exposé spirituel. Pendant le premier, à un certain moment, Sai Baba répéta un
enseignement que je connaissais intellectuellement par cœur, mais Il voulut
sûrement l’imprimer profondément et de manière indélébile : ‘’Quand vous coupez
des légumes dans la cuisine, êtes-vous le couteau ? Non, vous êtes le chef !
Pareillement, le corps est l’instrument, vous n’êtes pas le corps. De même que vous
n’êtes pas le corps, vous n’êtes pas l’instrument. Vous êtes le maître, vous êtes
l’Atma.’’ Sa prononciation du mot ‘’Atma’’ différait tellement de ce que j’avais imaginé
que je dus Lui dire trois fois que je ne comprenais pas ce que nous étions. Trois fois,
je dus demander : ‘’Hmm ? Que sommes-nous ? Je ne comprends pas, Swami !’’ Et
Il répéta : ‘’Vous êtes l’ATMA !’’ En me regardant intensément et malicieusement
jusqu’à ce que pour finir, Il feignit même d’être fâché et de me taper sur les doigts,
comme un professeur fait avec un très mauvais élève. C’était tellement amusant que
nous éclatâmes tous de rire, et même Swami riait. Quelques mois plus tard, au cours
de la seconde entrevue, Il répéta exactement le même enseignement en observant
attentivement pendant que je traduisais prestement et Il gloussa en me faisant un
clin d’œil. Je dois dire que ces quelques secondes d’intimité fulgurante Lui ouvrirent
mon cœur comme à mon meilleur et à mon plus doux Ami.
Dans un autre cas, Il montra, à la lettre, ce qu’Il entendait par ‘’Respectez votre
mère ! Comment pouvez-vous aimer Dieu, si vous n’aimez pas et si vous ne
respectez pas votre mère ?’’ Mes filles étaient venues à Puttaparthi et étaient
manifestement ‘’tombées amoureuses’’ de Sai, mais elles objectaient toujours vis à
vis de leur mère, comme le font beaucoup de jeunes Occidentales. Je priai Sai pour
qu’Il mette un terme à tout cela en intervenant directement dans leurs cœurs. Les
filles désiraient ardemment avoir une entrevue, mais Sai se montra vraiment ‘’dur’’
avec elles. En effet, un matin, après deux mois de séjour, toutes les deux furent
‘’étrangement’’ contraintes de manquer le darshan et de rester chez elles, en raison
23
de crises de diarrhée spectaculaires ! Et c’est précisément ce matin-là qu’Il m’appela
de nouveau…et seule ! Les filles furent si choquées qu’elles prirent conscience de
leur conduite et apprirent très vite sur quoi Swami mettait l’accent avec cette leçon.
Elles modifièrent bientôt leurs modes de comportement en un respect affectueux. Un
an plus tard, l’une d’elles fut appelée avec moi pour une entrevue et lorsqu’elle Lui
demanda si elle aussi pouvait rester à Puttaparthi, Swami se tourna vers moi pour
me demander si j’étais d’accord ! C’était Sa dernière petite touche affectueuse pour
bien transmettre la leçon...
A la fin du mois de mars, il fait de plus en plus chaud dans le sud de l’Inde et donc,
en 1995, avec une amie, je décidai de monter dans les Himalayas. J’avais besoin
d’un peu de repos et d’une pause par rapport aux enseignements et à la chaleur.
24
CHAPITRE 5 : LES HIMALAYAS
‘’Aujourd’hui, l’homme ressemble au cavalier qui veut monter deux chevaux à la fois.
Il aspire au divin, mais désire également les plaisirs matériels. Il oublie que le
Créateur contient toute la création. En oubliant cette vérité, il poursuit le monde des
phénomènes en le considérant comme différent du divin. Il est stupide comme celui
qui possède du lait et qui réclame du ghee en ne comprenant pas que le ghee est
latent dans le lait...’’
Nous prîmes un vol pour Delhi et puis le train jusqu’à Haridwar et puis nous
parcourûmes une bonne vingtaine de km en taxi jusqu’à Rishikesh. Nous nous
installâmes à l’ashram de Sai Baba situé tout près du pont Lakshman Jhula et le
même soir, nous allâmes nous asseoir sur des rochers qui surplombaient Mother
Ganga et nous observâmes les sadhus et quelques pèlerins qui lui chantaient des
chants dévotionnels, qui se baignaient dans ses eaux sacrées et puis qui
s’asseyaient en silence pour rester totalement immobiles durant des heures. Le
silence des heures du soir fut interrompu par le son sacré d’une conque, au loin, qui
se répercuta en caressant le flot rapide du Gange avant d’être absorbé par les
cellules de ma banque mémorielle comme le son le plus sacré jamais entendu au
cours de cette vie. Le lendemain, nous nous rendîmes dans un lieu saint appelé
Neelakunta situé à un peu moins de 15 km à l’est de Rishikesh. Il fallut se frayer un
chemin à travers d’épaisses forêts d’un vert sombre, avec le riche feuillage des
bilwas et des rhododendrons. Des hordes d’éléphants sillonnent encore ces bois et
les cris des paons sauvages et des singes y résonnent. Là, nous aperçûmes un petit
ashram à l’écart. Fascinées, nous nous renseignâmes pour voir si on pouvait y
séjourner pendant une longue période, mais cette réponse inhabituelle que nous
reçûmes – ‘’Avec un mental indiscipliné, vous ne pourriez que peu profiter d’un séjour
dans cet ashram ou à Rishikesh ou au Kailash…’’ – nous fit honnêtement nous
regarder avec quelque préoccupation et un peu de peine, mais nous nous rendîmes
compte de la sagesse et de l’amour avec lesquels celle-ci nous avait été donnée et
la vérité qu’elle soulignait et nous fûmes donc très reconnaissantes de la leçon
remarquablement importante ainsi communiquée. Il semblait qu’au-delà du champ
d’énergie de Sai, loin de l’atmosphère supérieurement chargée de Sa Présence, le
mental s’en retournait à ses vieux schémas, comme si les habitudes ancrées dans
l’inconscient étaient encore trop puissantes. J’étais toujours attachée et
profondément identifiée à ces schémas, à ces vasanas profondément enracinées et
tant que je considérerais le monde comme réel, elles resurgiraient pour hanter mes
efforts de pacification de l’esprit. Je voulais apprendre comment me détacher d’elles,
mais je ne connaissais aucune technique.
Quelques jours après notre arrivée à Rishikesh, nous rencontrâmes un groupe de
fidèles Sai dans un restaurant proche du Lakshman Jhula et tous partaient visiter les
grottes de Shiva de Patal Bhuvaneshwar, à quatre heures d’Almora. Ils nous
25
racontèrent comment un fidèle Sai avait découvert ces grottes, guidé par des rêves
spécifiques de Sai Baba et comment ces grottes sont décrites dans le Skanda
Purana comme étant la demeure de Shiva. Je ne crus pas un mot de cette histoire,
mais mon amie accepta de les rencontrer là-bas dans cinq jours.
Entretemps, nous décidâmes de suivre le courant du Gange sacré et de
l’Alakananda entre de hautes lignes de montagnes. L’Inde a pu profiter d’un âge d’or,
quand les rishis qui avaient conquis leurs sens et qui vivaient de racines et de fruits
passaient leur temps dans la solitude des forêts, plongés dans la méditation, et tout
au long d’incalculables siècles, de nombreux saints suivirent leur exemple et
pratiquèrent tapas dans ces vallées. C’est en raison de leurs efforts inlassables que
l’Inde est devenue renommée dans le monde entier comme le pays de la sagesse
spirituelle. Je me demandais si de tels maîtres existaient encore de nos jours et le
désir de les rencontrer, d’apprendre d’eux, de me trouver dans leur sainte présence
et de satsang se fit poignant et récurrent dans mon cœur. Je me demandais
comment de tels désirs survenaient, alors que mon amie qui avait vécu les mêmes
expériences de voyage niait avoir aucune autre pensée que celles de bons
spaghettis, d’une miche de pain ou d’une vraie pizza italienne ! Je gloussai et de ma
valise, j’extirpai un petit réchaud électrique, des spaghettis italiens et une petite boite
avec du basilic et de l’huile d’olive. Ce soir-là, nous nous régalâmes vraiment avec
ces quelques consolations planquées dans nos valises, puisqu’après tout, nous
n’étions pas des sadhus.
A cette époque où je lisais les discours de Sai Baba des années septante, je tombai
sur ce passage et je souris de la connaissance que Sai avait de la nature humaine et
de son fin sens de l’humour qui me faisait L’aimer davantage encore :
‘’Hier, en revenant d’Ooty, nous nous sommes arrêtés au Bandipur Wildlife
Sanctuary. Juchés sur un éléphant apprivoisé, nous nous sommes aventurés dans la
forêt pour essayer d’apercevoir des éléphants sauvages. Imaginez ! Perchés sur un
éléphant, nous étions à la recherche d’éléphants ! Lorsque nous entrevîmes une
trompe dans un buisson, nous exultâmes. Juchés sur un éléphant apprivoisé
domestiqué, nous recherchions avidement un éléphant dans son cadre naturel, qui
n’était pas affecté par des habitudes et par des aptitudes artificielles. L’homme aussi
ignore partout le Dieu qui se trouve en lui dans son état naturel et s’essaye à
rechercher des ombres qui l’attirent..’’
Sai Baba
26
CHAPITRE 6 : LE JYOTIRLINGA ET PATAL
Un scientifique posa la question ‘’Pourquoi prier des pierres ?’’, et un sage répondit :
‘’Dieu est partout, alors pourquoi ne pas L’honorer dans la pierre ?’’
Alors, le scientifique dit : ‘’Mais une pierre n’a pas de qualité...’’
Et la réponse du sage fut : ‘’Alors, pourquoi honorez-vous un drapeau sans qualité,
comme symbole de votre pays ?’’
En route vers Patal Bhuvaneshwar, nous fîmes halte à Rameshwar, un des lieux les
plus saints des Himalayas, au confluent des rivières Ramganga et Sarayu. Il est dit
que c’est ici que Rama a installé un lingam pour accomplir une puja en l’honneur de
Shiva et que c’est d’ici que Rama partit pour Vaikuntha avec Son corps physique.
Nous nous baignâmes à moitié habillées dans les eaux glaciales et en nageant, je
remarquai sous l’eau qu’il y avait des centaines de crânes parmi les pierres qui
roulaient doucement avec les puissants courants. Quelque peu troublée, je sortis de
l’eau et le pujari du temple m’expliqua que des sadhus viennent encore ici
abandonner le corps dans lequel ils résident, puisqu’ils pensent atteindre la
Libération s’ils se dépouillent de leur corps dans un tel lieu saint. Quand nous lui
dîmes que nous nous rendions à Patal, il fit simplement remarquer : ‘’Visiter les
grottes de Patal octroie des faveurs égales à la visite de tous les lieux saints de
pèlerinage de l’Inde. Après une telle visite, vous n’avez plus besoin de visiter aucun
autre lieu saint.’’
Nous nous rendîmes au temple de Jageshwar qui compte 108 lingams et l’un des 12
rares jyotirlingams qui existent en Inde. On nous informa que celui de Jageshwar
était la matrice originelle des 11 autres qui furent placés dans les plus importants
lieux saints de pèlerinage. Des arbres ceinturaient l’ancien temple situé dans une
étroite vallée au pied d’une montagne, totalement isolée du reste du monde. Il était
tellement retiré, tellement beau et tellement impressionnant que nous pouvions
difficilement parler et mentalement, je comparai ce silence aux temples toujours
bondés que j’avais visités dans le sud de l’Inde. On nous autorisa à pénétrer à
l’intérieur du petit temple du jyotirlingam et à nous incliner pour le toucher avec notre
front qui avait été préalablement enduit de kumkum et de curcuma. Un pujari rendait
un culte au jyotirlingam avec tous les ingrédients rituels, tandis que les vibrations
propagées par le chant sacré des mantras védiques remplissaient le temple et nos
êtres. Le sacré était palpable et émouvant. Après notre départ, le tintement
caractéristique de la cloche du temple se fit entendre pendant des heures d’affilée
dans mes oreilles et la douce mélodie de l’arati, tel qu’on le chante dans cette partie
de l’Uttar Pradesh, et spécialement à Garhwal, résonne encore à l’intérieur de mon
cœur.
27
Après plusieurs heures de jeep sur des routes très escarpées où nous croisions le
danger à chaque tournant, nous arrivâmes à Patal. Le petit village était niché au
milieu des montagnes, avec une vue merveilleuse sur la vallée. Nous étions tout près
de la frontière avec le Népal et le Nanda Devi, un des plus hauts pics de l’Inde, nous
faisait face au loin et à moitié caché par les nuages, on pouvait distinguer le Mont
Kailash, la montagne sacrée, recouverte de glaces et de neiges éternelles.
Quelques maisons étaient blotties au milieu d’énormes sapins vert sombre et les
villageois revenaient tout juste de leurs champs avec leurs vaches en répétant ‘’Sita
Ram, Sita Ram, Sita Ram…’’, et c’était empreint d’un profond mysticisme, tellement
exceptionnel que je pensais être retournée dans un autre yuga. Lorsqu’ils nous
aperçurent, ils vinrent joyeusement nous aider avec nos bagages et nous
proposèrent une ‘’chambre’’ au-dessus de l’étable des buffles – l’unique pièce
disponible – étant donné que l’ashram minuscule était déjà saturé avec les autres
amis que nous avions rencontrés à Rishikesh.
Pour monter dans la ‘’chambre’’, nous devions grimper sur une échelle en bambou.
La pièce ne disposait d’aucune commodité et sentait la bouse de vache. J’ouvris les
volets de ce qui ressemblait à une porte, en espérant trouver une toilette, mais je
faillis tomber par ce qui n’était qu’une fenêtre. La toilette se trouvait à l’extérieur,
dans les champs. J’eus la vision brève d’un Sai ricanant et gloussant et me
demandai comment nous allions nous débrouiller et ce que nous pensions bien
obtenir d’une telle expérience au fin fond des Himalayas. Le petit ashram s’appelait
‘’Garuda Nilayam’’ (le nid de l’aigle) et rien que ce nom peut vous donner une idée de
l’endroit où nous étions arrivées ! Quelques enfants intimidés se cachaient derrière
les portes et nous examinaient et une fois qu’ils eurent trouvé le courage de nous
adresser la parole, ils demandèrent des photos de Baba. J’étais étonnée que Son
nom et Sa renommée s’étaient propagés jusqu’à ce village isolé et je leur remis bien
volontiers celles que j’avais prises avec moi, de sorte que le soir même, ils purent
chanter des bhajans et accomplir une petite puja en l’honneur de Sai dans une
anfractuosité du mur de la cuisine.
A cinq heures, le lendemain matin, la cloche du temple du village se mit à sonner et
les mantras résonnèrent dans toute la vallée. Le fait de s’éveiller dans une telle
atmosphère ralentissait, sacralisait chaque mouvement. On nous indiqua le robinet
commun un peu à l’écart du village pour que nous puissions nous laver. Tout à coup,
tous les enfants rentrèrent chez eux en courant. Nous jetâmes un coup d’œil un peu
plus bas et nous aperçûmes un tigre qui se faufila dans les buissons. Je demeurai
plantée là avec ma brosse à dents suspendue en l’air, complètement paralysée.
Après un chai brûlant, nous demandâmes au pujari de nous conduire jusqu’aux
grottes, puisque nous étions prêtes pour cette nouvelle aventure. Pour descendre, il
fallait glisser le long d’une trentaine de mètres en s’accrochant aux rochers, comme
si l’on retournait dans la matrice de notre mère la terre – un sentiment très particulier
28
et une opération très compliquée pour des personnes inexercées comme moi. Vers
la moitié de la descente, je souhaitai ne jamais l’avoir entamée, mais la sortie était
bloquée par les autres qui me suivaient. Simultanément, je riais de moi-même, car
sur le chemin de l’entrée de la grotte, à peine quelques minutes avant, on m’avait
raconté l’histoire d’un jeune Polonais qui ne connaissait pas encore Sai. Un jour de
désespoir, il avait décidé d’avaler une cinquantaine de pilules pour mettre un terme à
sa vie, mais tandis qu’il s’assoupissait, il eut la vision de Sai qui lui dit : ‘’Non, non et
non ! Tu ne mourras pas maintenant ! Je suis ici, dans ton estomac, et c’est Moi qui
digère ces pilules1. Viens jusqu’à Moi !’’ Et donc, s’Il pouvait se trouver dans
l’estomac d’un fidèle potentiel, j’étais sûre qu’Il se trouvait aussi dans ce long boyau
souterrain raide et étroit et qu’Il tenait mes pieds pour que ceux-ci ne glissent pas.
La famille du pujari des lieux était la gardienne des grottes depuis plus de 800 ans et
elle accomplissait quotidiennement des pujas en l’honneur du Shiva Lingam au fond
de la grotte. Il nous informa que dans le Manaskhand du Skanda Purana, Veda
Vyasa décrit en détail tous les êtres célestes qui vivent à Patal Bhuvaneshwar et
que, puisque Patal est mentionnée dans ces Ecritures saintes, elle devait déjà exister
pendant le Sathya Yuga. Il nous dit que dans cette Ecriture sainte, il est écrit que les
grottes furent découvertes par Rituparna, le roi d’Ayodhya, et quand il pénétra à
l’intérieur, il se retrouva parmi les nagas et leur roi, Adishesha, qui lui procura la
vision divine pour voir les êtres célestes qui viennent ici adorer Shiva. La description
qui nous est donnée par le texte sacré précise que ces grottes se situaient sur sept
niveaux, mais que l’homme ne pouvait visiter que le premier. A un niveau vivaient
tous les rishis ; à un autre niveau, il y avait le royaume du roi Bali ; et à un autre
niveau, il y avait la grotte de Savitri où même les devas n’étaient pas autorisés à
entrer, puisqu’au centre de cette grotte se trouvait la Maha Yoni avec un Maha Linga
au centre. L’Ecriture ajoute encore que Sheshanag dit au roi Rituparna que tout ce
qui existait dans l’univers était créé, préservé, puis dissous dans cette Maha Yoni et
que c’est de là que provient l’univers et où il se dissoudra. Ici, dans ces grottes,
Shiva vivait avec Bhuvaneshwari, Parvati. Il semble que Sheshanag prophétisa aussi
au roi Rituparna qu’il serait le seul être humain autorisé à visiter ces grottes. Pendant
des milliers d’années, elles resteraient fermées et inconnues jusqu’au jour où la main
divine guiderait un soldat pour qu’il les redécouvre et l’homme qui les avait rendues à
1
Cela fait inévitablement penser à la prière d’offrande de la nourriture, Brahmarpanam, qui dit ceci : Om Om
Om Brahmârpanam Brahmâ Havir Brahmâgnau Brahmanâ Hutam Brahmaiva Tena Gantavyam Brahmâ Karma
Samâdhinâ Aham Vaishvanaro Bhûtvâ Prâninâm Deham Âshritaha Prânâpâna Samâyuktah Pachâmy Annam
Chaturvidham Om Shanti Shanti Shanti. La création tout entière est une manifestation de Brahman, qui est la
Conscience cosmique même. L’action d’accomplir une offrande est Brahman, la nourriture offerte elle-même est
Brahman, le feu est Brahman et celui qui fait l’offrande est Brahman. Celui qui voit Brahman dans toutes les
actions atteindra Brahman. Moi, l’Esprit suprême, demeurant dans le corps de tout être vivant sous la forme du
feu, suis associé à son prana et à son apana. Je suis le feu de la vie en tout être. Je suis uni à l’inspiration et à
l’expiration. Je digère les quatre types de nourriture (solide, fluide, semi-fluide et liquide). Om paix, paix, paix,
Brahman est ce qui est infini et éternel. Il représente les trois aspects : la création, la préservation et la
destruction. Sans attribut, sans limite et parfaitement pur, il est le Soi de chacun d’entre nous, NDT.
29
la lumière, il y a seulement trois ans, était bien un soldat et c’était un dévot de Baba !
Le pujari expliqua tous les détails des grottes, telles que Rituparna les a vues, et
nous devions reconnaître tous les êtres célestes dans les formes extravagantes des
stalactites et des stalagmites. Plus que cette reconnaissance, c’était la lumière dorée
et l’atmosphère qui nous émerveillaient tous. Mais il faisait si froid et si humide ! Nos
pieds glissaient dans la boue et nous dûmes nous accrocher l’un à l’autre pour
atteindre le fond de la grotte où se trouvait le Shiva Lingam. Nous nous assîmes
tous, silencieusement, et après quelques minutes de méditation silencieuse près du
Shiva Lingam, quelques-uns d’entre nous partagèrent joyeusement leurs visions. Je
n’en n’eus aucune, mais j’appréciai la puja au fond de la grotte. Le Shiva Lingam
avait trois têtes qui représentaient Brahma, Vishnu et Shiva. Des gouttes d’eau
tombaient continuellement du dessus sur les trois pierres, comme pour accomplir un
abhishekham naturel et éternel sur la Trinité. Nous chantâmes tous des bhajans
avant de remonter silencieusement et de retrouver la chaleur du soleil. Cette nuit-là,
mon scepticisme fut réduit à néant par un rêve dans lequel Sai me confirma que
Patal Bhuvaneshwar était réellement très sacrée et me rappela même plusieurs
rêves antérieurs où Il avait déjà préalablement parlé des grottes qu’Il m’amènerait à
visiter.
La majorité d’entre nous restèrent à Patal pendant quelques jours pour méditer dans
les grottes ou savourer les rythmes de ce village retiré et la paix d’une atmosphère
mystérieusement envoûtante. Dans notre groupe, il y avait un médecin qui travaillait
à l’hôpital général de Sai Baba, le Dr Budwar, un gentleman charmant et un grand
dévot de Baba. Après avoir tous commenté nos expériences ou évoqué un
scepticisme persistant, il conclut : ‘’Avant de réserver pour notre voyage, nous avons
demandé la permission de Swami qui a accepté. Si Baba nous a fait venir ici, c’est
qu’il doit y avoir une raison. Nous avons déjà tellement de chance de pouvoir vivre à
Ses Pieds. Ceci doit être un don supplémentaire dont nous avons besoin.’’ Sa femme
avait largement dépassé la septantaine et elle aussi était descendue dans le
passage abrupt qui conduisait aux grottes avec l’aide de deux solides gaillards et elle
m’a dit : ‘’Je me sens particulièrement bénie et je n’ai aucun besoin de comprendre.’’
J’ai apprécié leur confiance et leur détachement.
J’ai pris la liberté d’écrire un petit livret sur Patal, pendant que j’étais là, pour donner
des informations aux Italiens qui se rendraient en Inde, mais on m’a dit que notre
visite fut l’une des dernières, puisqu’après quelques mois, les grottes furent de
nouveau fermées au grand public. Une fois que le livre fut prêt, j’attendis que Swami
me donne un signal clair pour le publier ou non. Un soir, après la fin des bhajans, en
retournant au Poornachandra, Swami me surprit en me subtilisant littéralement le
livre des mains avant de retourner à Sa résidence en le tenant fermement dans Sa
main...
30
Quelques jours plus tard, alors que je me réjouissais de me retrouver de nouveau
dans le nid douillet sacré du Mandir, Baba matérialisa de la vibhuti pour moi.
Pensant qu’Il la matérialisait lorsque quelqu’un était malade, afin de comprendre s’il
existait d’autres raisons, je me mis en quête du sens de la matérialisation de vibhuti
et lus les explications de Baba avec une certaine appréhension…
31
CHAPITRE 7 : CE MARIAGE DOIT MARCHER !
‘’C’est le plan de Dieu qui est mis en œuvre par l’entremise de l’homme, mais
l’homme s’enorgueillit d’être celui qui l’élabore.’’
Pendant ce temps-là, je pensais avoir rencontré ce qui paraissait être le bon
compagnon pour une vie destinée à avancer sur la voie spirituelle et Swami nous
avait même appelés tous les deux, seuls, pour une entrevue personnelle et Il avait
béni le mariage. Sur le moment même, cela sembla être une grande bénédiction,
mais qui occasionna manifestement une nouvelle leçon. Dans les mois qui suivirent,
je me rappelai souvent comment Il nous avait embrassés dans la seconde pièce où Il
accordait les entrevues privées en disant qu’Il était si heureux de nous voir, et qu’Il
me fit observer que ‘’ce mariage devait marcher’’. Malheureusement, j’ai pris les
paroles de Swami à la lettre et tenté de jouer le rôle de l’épouse du mieux possible,
alors même que tous mes espoirs s’étaient déjà écroulés, et je n’avais jamais songé,
même une seule seconde, qu’elles auraient pu avoir une toute autre signification.
Lorsqu’après quelques mois, je me suis rendu compte à quel point l’esprit de mon
mari était vraiment très fragile et déséquilibré, il était trop tard. Il pensait qu’il était un
Maître réalisé ! Sa présomption ne cessait de grandir de jour en jour et lorsque je
finissais par ne plus du tout l’écouter, il se réfugiait la plupart du temps dans sa tour
d’ivoire où il pouvait régner comme un second Maître suprême. Bientôt, nous
partageâmes un champ de bataille et plus une maison. J’étais tellement atterrée par
mon manque de discernement concernant le choix d’un mari que je n’avais pas le
courage de considérer le chaos que j’avais attiré dans ma vie et simultanément, les
paroles de Swami – ‘’ce mariage doit marcher !’’ – n’arrêtaient pas de résonner dans
mes oreilles et je ne pouvais même pas rêver pouvoir me débarrasser de ce dingue.
‘’Comment sauras-tu que Je suis proche de toi ?
Lorsque, par une nuit suffocante,
Il fait si chaud et immobile,
La première brise fraîche te frôle les joues,
C’est Moi qui te caresse.
Pense à Moi.
Lorsque les tiraillements de la faim ont disparu
Et que la solitude est transpercée par le bonheur,
Pense à Moi.
Lorsque tu as ta bouche sèche
Et que tu peux à peine parler,
Avec une première gorgée d’eau fraîche,
32
Je te désaltère,
Pense à Moi.
Lorsque le nuage de la mort se disperse
D’abord avec l’ouverture des yeux souriants d’un bébé,
Pense à Moi.
Lorsque J’asperge ton visage de pluie,
Lave la terre et les feuilles brunes séchées,
La première senteur d’une pluie limpide,
Je te purifie,
Pense à Moi.
Lorsque la douleur disparaît,
Et lorsque la peur disparaît,
Pense à Moi.
Lorsque le regard résolu est horrifié
Par les cruautés de la vie,
Avec les premières lueurs du soleil couchant silencieux,
Je te réconforte,
Pense à Moi.
Ensuite, demandes-tu,
Comment sauras-tu quand tu es proche de Moi ?
Lorsque le soleil brûlant
T’aura grillé, toi et la terre,
Lorsque tu auras du sable et de la poussière plein les yeux
Sans l’ombre d’une ombre aux alentours
Et que tu M’aimes.
Lorsque la solitude s’accompagne de faim,
Qu’aucune ne peut être contentée
Et que tu M’aimes.
Lorsque tes lèvres sont fendillées,
Lorsque ta langue a un goût âcre,
Lorsque ta gorge se serre,
Lorsqu’il n’y a pas d’eau aux alentours,
Pas même un mirage à l’horizon,
Et que tu M’aimes.
33
Lorsque tu serres un enfant mourant
Avec des yeux suppliants
Et que tu M’aimes.
Lorsque Je t’enlève
Tes biens les plus chers,
Lorsque tu commences à perdre la vue,
Lorsque l’obscurité t’enveloppe,
Et que tu M’aimes.
Car, tout ce que tu vois, entends, sens, goûtes ou touche M’appartient.
Alors, comment pourrais-tu M’offrir tout ce que J’ai déjà, sinon ton amour ?
Et cela, Je te l’ai donné avant le commencement des temps, comme ton unique bien.
Lorsque tu Me le retourneras, Je saurai alors que tu es vraiment Mien et dissoudrai
en Moi malheur et bonheur.
Cela étant Moi, tu trouveras place pour toujours dans la Félicité, car Je t’aime et Je
pense à toi constamment.
De ton très affectueux Père.’’
J’ai prié et j’ai écrit des lettres à Swami en Lui demandant Son consentement pour
que nous nous séparions, mais Il m’ignorait complètement, aussi cette situation a-telle perduré pendant un certain temps jusqu’à ce que je trouve le courage de dire
que c’était terminé et sans aucune permission, je le renvoyai dans sa famille qui finit
seulement alors par m’avouer qu’il avait déjà été dans plusieurs hôpitaux
psychiatriques avant que nous ne nous rencontrions.
Deux jours après l’avoir réexpédié en Italie par avion, Swami m’appela pour une
entrevue. Je tremblais et je paniquais. Dès qu’il fut entré dans la salle d'entrevue, Il
me demanda : ‘’Où est votre mari ?’’ Je croyais qu’Il allait me crier dessus et donc, je
répondis d’une voix très basse que je l’avais remballé et à ma totale stupéfaction,
Swami dit : ‘’Très bien ! Et maintenant, que voulez-vous ?’’ C’est alors que j’ai réalisé
que, lorsque je suis venu vivre à Puttaparthi, il subsistait encore dans le tréfonds de
mon esprit la pensée inexprimée que ce serait tellement plus facile d’avancer sur la
voie spirituelle avec un compagnon spirituel ! Tout à coup, je compris la raison pour
laquelle je dus passer par tout ce chaos. Le grand sadguru avait dû consumer ce
désir caché en m’appariant avec le partenaire le plus difficile de la planète ! Je
m’inclinai à Ses Pieds et fit padanamaskar avec une humble reconnaissance. Swami
répéta Sa question : ‘’Que voulez-vous à présent, Sir ? Et tandis que je répondais,
tout à fait sûre de moi ‘’uniquement Vous !’’, nos regards se croisèrent et pétillaient.
Une seconde plus tard, nous gloussions, tous les deux. Nous savions tous les deux
que la bataille avec les attentes et les désirs humains aussi ordinaires était terminée.
34
Il avait à nouveau gagné. Il en était tellement heureux qu’Il matérialisa un magnifique
japamala en or et me dit : ‘’Voici pour vous, un japa en or, très heureux !’, qu’Il plaça
Lui-même autour de mon cou en s’assurant que l’attache était bien fixée. Je m’étais
agenouillée devant Lui et donc, Il m’avait fait courber la tête et mon front touchait Ses
genoux. Par bonheur, il lui fallut beaucoup de temps pour fixer la minuscule attache
et je demeurai immobile et béate avec les bras de Baba qui m’étreignaient pendant
que Ses doigts fixaient l’attache. Après qu’Il ait attaché le japamala autour de mon
cou, mon esprit s’était vidé, mais par la suite, je me demandai si en fait, Il n’avait pas
attaché un collier afin de me ‘’tenir en laisse’’, mais sur le moment, plus rien n’avait
d’importance puisque j’étais de nouveau au septième ciel.
Comprendre que Sai Baba doit nettoyer les recoins les plus cachés et défaire les
nœuds de notre mental, en vidant tout le bordel que nous y avons accumulé au
cours de cette vie et de beaucoup d’autres pour le brûler nous fait accepter tout ce
qu’Il nous fait consciemment subir, même si cela provoque la plus grande souffrance,
puisqu’il doit nous affranchir de tous nos désirs.
Peut-être que lorsque nous arriverons au terme de cette précieuse vie avec Lui parmi
nous comme conducteur de notre char, nous réaliserons pleinement et estimerons
Ses accomplissements. Ma théorie personnelle, c’est que chacun et chacune des
chercheurs et des chercheuses qu’Il a appelés à Ses Pieds, dans cet hôpital, est un
prototype et qu’en travaillant sur chacun et chacune de nous, Il transforme le monde.
J’ai honte de dire que pendant que je subissais tout cela, je contemplais parfois Sa
photo avec un rictus et que pendant un an, je ne voulus même plus Le voir du tout.
C’est seulement maintenant, après tant d’années que je puis sincèrement dire :
‘’Merci, Swami, le mariage a marché !’’
35
CHAPITRE 8 : PEUT-ON JAMAIS L’ABANDONNER ?
‘’Trouvez la véritable chambre de votre Etre et appréciez le monde comme un roi et
non comme un mendiant. En vous, le désespoir qui a fait de vous un mendiant
disparaîtra et vous trouverez un abri indestructible dans votre propre Soi.’’
Au terme de ce petit drame, je ressentis le besoin d’un peu de repos par rapport à la
pression et je décidai de m’offrir des vacances. Ainsi, je me rendis à Varkala dans le
Kerala pour un break. Où que vous vous tourniez, c’était d’un vert si luxuriant
comparé au désert aride de l’Andhra Pradesh et c’était tellement merveilleux de se
reposer les yeux en les remplissant de la rosée de la nature tropicale la plus
exubérante. Au moment où j’arrivai sur la falaise, le soleil se couchait et les aigles
jouaient en se pourchassant juste au-dessus de ma tête et les feuilles de palmier
oscillaient joyeusement sous la brise marine, comme pour m’accueillir. Je contemplai
l’immense Océan Indien et je ressentis une telle expansion, une telle liberté, une telle
paix ! Des dauphins jouaient en plongeant et en émergeant des vagues,
accompagnant les pêcheurs qui sortaient en mer pour une pêche de nuit dans des
grands troncs d’arbres tout simples évidés et qui pouvaient contenir au maximum
deux personnes. Je me retournai et jetai un coup d’œil à l’entour et il y avait là une
petite cabane de pêcheur qui paraissait abandonnée. Au bout d’un jour ou deux, je
réussis à la louer. Je séjournai là pendant quelques semaines et je me sentis toute
régénérée par le silence et par la nature au summum de sa beauté. Puisqu’un lieu
aussi enchanteur ne se situait qu’à une heure de vol de Bangalore, après avoir
réfléchi pendant plusieurs jours à ce changement de vie, je me sentie poussée à
venir vivre au Kerala, étant donné que cela m’offrirait la possibilité de jouir de la
solitude et en même temps d’aller voir Sai Baba chaque fois que je le souhaitais.
Finalement, je retournai à Puttaparthi pour faire mes cartons et expédier mes affaires
par camion au Kerala. Mes amis n’arrêtaient pas de me dire que je devais demander
l’autorisation de Sai pour partir, mais comme ceci me semblait illogique par rapport à
Son enseignement d’être autonome, nous finîmes par avoir des discussions
interminables sur le sujet. Pourquoi demander l’autorisation si du cœur, le Soi m’avait
incitée à prendre une telle décision ? Pourquoi toujours demander à la forme
concrète de ce même Soi intérieur quelle décision prendre ou une bénédiction pour
celles déjà prises ? Qui étais-je après tout ? L’enseignement de se tourner vers
l’intérieur avant de prendre une décision ne suffisait-il pas ? Personne ne semblait
d’accord avec moi.
Le jour avant de déménager pour le Kerala, même si je me croyais presque
transparente, Sai trouva le moyen de me rappeler pour une nouvelle entrevue. Face
à Lui, je me sentis très indépendante et L’informai simplement que je partais pour le
Kerala. Il y eut d’abord un silence…puis je vis ce que l’on pourrait décrire comme un
regard shivaesque courroucé sur le point de détruire la planète entière et Il dit sur un
36
ton extrêmement virulent : ‘’Mauvaise fille ! Pourquoi te rendre au Kerala, alors que
Je suis ici ? Mauvaise fille, mauvaise fille !’’ J’osai Lui répondre : ‘’Swami, je ne
comprends pas. Vous n’êtes pas seulement ici, Vous êtes partout !’’ Mais Ses yeux
devinrent pareils à des feux et Son regard me réduisit en cendres, avec ce qui
ressemblait à un ‘’Ferme-la’’ passablement furieux. J’eus l’impression qu’à l’intérieur
de moi, du cristal se brisait dans ma poitrine. J’étais dans un tremblement de terre
intérieur et je me sentais anéantie, mais je demeurai calme, tranquille et posée dans
un coin de la pièce en espérant que ce cauchemar se terminerait bientôt. Quand, à la
fin de l’entrevue, Il remit à chacun les précieux paquets de vibhuti, je levai la main,
mais à ma grande consternation, je Le vis prestement faire un écart vis-à-vis de moi
en disant : ‘’Non ! Pas à toi, mauvaise fille !’’ Je quittai la pièce, effondrée.
Je continuai de revoir la scène dans une détresse totale, mais une partie de moi
savait qu’Il feignait seulement d’être furieux et que c’était un test. Je m’étais attardée
sur la question de savoir si nous devions toujours demander à la Forme et ici, j’étais
confrontée à la question de savoir s’il me fallait suivre ce que mon cœur m’avait
incité à faire ou abandonner mon projet du Kerala et rester à Puttaparthi, comme les
paroles de la Forme que j’aimais tellement et en laquelle j’avais tellement confiance
semblaient le suggérer. Ce fut très dur de prendre une décision, mais finalement, je
suivis ce que mon cœur me poussait à faire et je décidai de partir. Il est intéressant
de noter que toutes les personnes présentes lors de la réprimande dans la salle
d’entrevue avaient compris que Swami avait dit ‘’mendiante’ (‘’beggar’’) et non
‘’mauvaise fille’’ (‘’bad girl’’), ce qui avait réellement du sens, si on reliait cela à la
question d’interroger la Forme. Ce fut là une étape cruciale de mon processus de
croissance. L’enfant devait devenir adulte. Le processus du sevrage de l’attachement
à la Forme à laquelle j’étais si dévouée avait commencé. Depuis l’extérieur, Il me
donnait des coups à l’intérieur et de l’intérieur, Il me tiraillait sans cesse
vigoureusement. Mais comme cela faisait mal !
Une fois arrivée à Varkala, après que les déménageurs aient déchargé une immense
photo de Sai, je pris celle-ci en disant : ‘’Tu m’as tellement blessée que pour l’instant,
je ne Te veux plus chez moi !’’ Et je laissai la photo dehors sous les pluies
torrentielles de la mousson. Le seul fidèle de Sai que j’avais rencontré au Kerala au
cours des semaines précédentes habitait à 200 km de là, à Allepey, et devinez qui
était devant le seuil de ma porte, le lendemain matin ? Oui, ce fidèle se trouvait là,
sous la pluie et il tenait un énorme paquet sous le bras. Lorsqu’il me dit qu’il avait un
cadeau pour moi, je sus immédiatement ce que c’était, mais je le déballai pour
vérifier et il y avait là la plus belle photo de Sai dans une robe blanche et qui me
bénissait avec Ses deux mains levées ! Feignant la stupéfaction, je lui demandai
pourquoi il était venu d’aussi loin pour m’apporter une photo de Swami et il dit :
‘’Vous devriez mieux le savoir que moi. La nuit dernière, Swami m’est apparu en rêve
et Il a dit : ‘’Rends-toi chez cette Italienne, à Varkala, et apporte-lui une photo neuve
de Moi.’’ J’ai vu le fidèle jeter un coup d’œil à la vieille photo de Sai trempée et
37
dégoulinante qui se décomposait dans un coin du jardin et qui m’a ensuite regardée
silencieusement. Je me suis alors sentie tellement mal que je serais bien rentrée
sous terre pour pouvoir me cacher !
Je ne saisis pas tout de suite le message et j’éprouvais toujours une grande peine à
l’intérieur de moi-même. Au plus profond de moi, je savais que j’avais suivi le bon
chemin pour me développer, mais comme c’était douloureux ! Et donc, je pensai que
Sai était pareil à un amant qui initialement souriait, se montrait doux, attentionné et
compréhensif jusqu’à ce que vous vous abandonniez à Ses Pieds, en toute
confiance, mais qui ensuite vous trahissait froidement avec le temps et avec de
grandes leçons pour vérifier si vous aviez compris les enseignements et puis,
lorsqu’Il vous voyait dans la détresse, arrivait avec des cadeaux pour faire la paix,
mais j’étais encore trop bouleversée pour pouvoir faire la paix avec Lui.
Cette année-là, j’ai visité de nombreux ashrams et j’ai eu l’opportunité de rencontrer
de nombreux Maîtres. Je suis allée voir Amma qui m’a étreinte et qui m’a câlinée et
qui m’a même demandé de s’asseoir à Ses Pieds pendant la suite du darshan, mais
je savais qu’elle n’était pas mon Maître, aussi j’en suis restée à une simple visite, une
étreinte et tout mon respect à l’égard de Sa merveilleuse mission de compassion
qu’elle accomplissait de manière si désintéressée dans le monde. J’éprouvai le
même sentiment de respect à l’égard d’Aurobindo et de la Mère en m’asseyant tout
près de leur samadhi, mais je savais qu’ils n’étaient pas destinés à être mes Maîtres,
même si m’asseoir dans le Matrimandir pour une courte méditation m’avait apaisée
et si j’admirais comment la communauté d’Auroville s’était organisée. J’eus aussi
l’occasion de rencontrer Ramesh Balsekar, mais je sus qu’il n’était pas destiné à être
mon Maître. Je rencontrai encore d’autres swamis, mais aucun ne possédait
l’étincelle spirituelle qui aurait pu m’attirer. Avec aucun d’eux, je n’ai ressenti la paix
ou la joie intérieure. Je rencontrai Dzogchen Rinpoché dans un monastère près de
Mysore, mais sans ressentir aucune inclination pour y prolonger mon séjour, même
si l’atmosphère était particulièrement élevante et l’enseignement intéressant.
L’ashram où je me suis sentie réellement à mon aise, c’est celui de Ramana
Maharshi situé à Tiruvannamalai, au pied d’Arunachala, la montagne sacrée de
Shiva. Ses enseignements allèrent droit au cœur de mon être. Je m’asseyais
pendant des heures près du grand puits ouvert ou je grimpais à mi-hauteur jusqu’à la
grotte de Virupaksha pour y réfléchir à leur sens. Il y en a que je n’ai pas pu saisir ni
retenir complètement, mais ceux que j’avais besoin d’intégrer alors se détachèrent
en lettres d’or :
‘’Vous êtes la Conscience. Puisque vous êtes la Conscience, il n’y a pas besoin de
L’atteindre ni de la cultiver. Tout ce que vous avez à faire, c’est renoncer à être
conscient des autres choses qui ne sont pas le Soi. Si l’on renonce à être conscient
de celles-ci, alors seule demeure la pure Conscience et c’est le Soi.’’
38
C’était si apaisant de pouvoir s’asseoir des heures durant là où il avait coutume
d’enseigner, absorbée dans le silence. Dans tout l’ashram, on pouvait encore sentir
la Présence de l’un des plus glorieux jnanis qui s’étaient jamais manifestés dans le
monde. C’est là que j’ai profondément compris que rien, rien n’avait réellement de
l’importance et que nous étions déjà ce que nous cherchions. Si vous renonciez à
l’idée du ‘’je’’ et du ‘’mien’’, tout ce qui demeurait, c’était la Réalité.
J’appréciai ce satsang auquel je participai un après-midi et le retranscrivis pour
pouvoir m’en imprégner : ‘’Toutes les responsabilités sont supportées par le pouvoir
omnipotent d’un Dieu suprême, aussi pourquoi devrions-nous toujours prévoir de
faire ceci ou cela ? Sachant que le train transporte tout le chargement, pourquoi
devrions-nous souffrir en portant nos petits fardeaux sur nos têtes plutôt que de les
laisser reposer durant tout le voyage et être heureux et libres ? Il y a deux possibilités
pour s’abandonner. L’une, c’est rechercher la Source du ‘’je’’ et se fondre dans cette
Source et l’autre, c’est ressentir que ‘’je suis par moi-même impuissant, que Dieu
seul est tout-puissant et sinon en m’abandonnant totalement à Lui, il n’y a pas
d’autre moyen pour trouver la sécurité’’ et donc développer graduellement la
conviction que Dieu seul existe et que l’ego ne compte pas. Les deux méthodes
mènent au But suprême. Qu’est-ce que la bhakti (la dévotion) ? Penser à Dieu. Cela
signifie qu’une seule pensée prévaut à l’exclusion de toutes les autres. La bhakti
(dévotion) est la mère de jnana (la sagesse).’’
Ce satsang ramena immédiatement à ma mémoire un entretien que j’avais eu, en
1992, et au cours duquel j’avais demandé à Swami : ‘’Qu’en est-il de mon fils et de
ses jeux d’argent ?’’ Sai avait regardé en l’air, comme s’Il voyait la scène avec les
chevaux de course, puis Il avait déclaré : ‘’Vous faites votre devoir et votre devoir,
c’est de ne penser qu’à Dieu, de penser que vous êtes Dieu, et vous deviendrez
Dieu. Laissez-Moi tout le reste.’’ J’avais renoncé à tous mes tracas, mais ce n’est
qu’après ce satsang que j’ai réellement compris qu’Il m’avait bénie avec un
enseignement spirituel direct et personnel et qui était le plus adéquat pour mon état
d’esprit. Peut-être étais-je si embrouillée et confuse, au moment où Il m’a conseillée
en ces termes ou que cet enseignement avait paru trop simple pour le mental
conceptualisateur que je ne l’avais pas mis en pratique. En fait, plus les
enseignements sont simples et plus ils sont difficiles à suivre et à s’y tenir et donc,
c’est la pratique que j’ai reprise à partir de ce jour-là grâce à ce gentil rappel au pied
d’Arunachala.
J’ai compris que conceptualiser n’aidait pas à absorber ou à expérimenter les vérités
spirituelles, qu’il y aurait un jour où la dévotion ouvrirait les portes de la
Connaissance suprême située dans le cœur, puisque seul le cœur pourrait m’amener
à percevoir l’Amour que j’étais vraiment. Ma sadhana consistait à me détacher de
toute pensée autre que Dieu. Qui plus est, je remis tous mes efforts aux mains de la
Puissance suprême. J’avais appris qu’il y aurait un moment où l’effort et la grâce se
39
combineraient et où tout se révélerait dans le cœur. Tout ce que je pouvais faire,
c’était rester ouverte et garder mes récepteurs ouverts et tournés vers cette
Puissance d’amour pour être prête à recevoir sa grâce.
Je reste toujours reconnaissante à l’égard de ce vieil ashramite qui, lorsqu’il me vit,
entassa ‘’automatiquement’’ une pile de livres sur le comptoir de la librairie et vint
m’assister et comme il observait le silence, il ouvrit simplement un livre et du doigt, il
indiqua cet enseignement de Ramana Maharshi :
‘’Pourquoi lire autant de livres sur le Vedanta ? Vous pouvez continuer à en lire une
pile, ils ne pourront jamais vous dire que de réaliser le Soi en vous-même. Vous ne
pouvez pas trouver le Soi dans les livres. Vous devez le découvrir par vous-même,
en vous-même.’’
Dans la pile d’une douzaine de livres que j’avais déjà choisis et que j’avais l’intention
d’acheter, il en sélectionna un seul et me fit clairement comprendre qu’il était bien
suffisant de n’acheter que celui-là ! C’était ‘’Qui suis-je ?’’ Qu’un ashramite qui était
chargé de vendre des livres dans un ashram recommande d’en laisser onze pour
n’en acheter qu’un était quelque part assez émouvant et sensationnel.
Je laissai Tiruvannamalai pour retourner au silence de la falaise qui surplombait la
vaste étendue de l’Océan Indien, où je pouvais profiter de l’instant présent. L’amour
et le présent étaient tout ce qu’il y avait. Après quelques mois passés à Varkala, le
puits de la cabane s’effondra et me laissa sans eau, des voleurs forcèrent l’entrée et
prirent quasiment tout, des voisins bloquèrent toutes les routes qui menaient chez
moi et les obstacles semblaient se multiplier tous les jours, aussi, songeant que
c’était la manière dont l’Avatar me rappelait à Puttaparthi, je remballai mes affaires
et avec deux chiots que j’avais sauvés d’une mort certaine, je rentrai à Prasanthi
Nilayam, la Demeure de Paix.
Après cette année d’absence, la qualité de l’expérience du darshan était totalement
différente. J’étais paisiblement détachée et absorbée dans l’amour. Un jour, on me
redemanda de faire partie d’un groupe et de traduire. Finalement, nous fûmes
appelés pour une entrevue – un an précisément après cette dernière entrevue
dramatique, quand Sai m’avait crié dessus. Je montai à nouveau les trois marches
qui conduisaient à la véranda du Mandir et mon cœur battait rapidement, lorsque je
vis Sai qui s’approchait de nous. Il paraissait tellement détaché et vibrant,
simultanément. A ce moment-là, je souhaitai qu’il y eut un autre Dieu, que je pourrais
prier pour obtenir Sa miséricorde et L’adoucir, en ce qui concerne cette enfant qui Lui
appartenait. Pouvait-il y en avoir un autre ? Il pointa un doigt vers moi et dit :
‘’Traduisez !’’ Puis, Il se lança dans un discours spirituel en disant : ‘’Pourquoi venir
ici, alors que Je suis partout ? J’imprègne tout l’univers, d’un millions d’yeux.’’ Je Le
regardai, complètement sidérée, puis je ne pus m’empêcher de glousser et Il gloussa
40
d’un air entendu en signe de reconnaissance avant de poursuivre. J’ai continué à
traduire, mais je ne me souviens plus de rien de ce qu’Il a dit ce matin-là. J’étais si
heureuse. Tout à la fin de l’entrevue, j’entrepris même audacieusement d’éclaircir
tous mes doutes et après m’être agenouillée à Ses Pieds, je Lui demandai ce qui me
perturbait depuis exactement un an : ‘’Swami, suis-je toujours une mauvaise fille ?’’
Ou avais-je été la dinde d’une mauvaise farce ? ‘’Vous ? Mauvaise ? Pourquoi ?’’,
répondit-Il. Et je lui dis : ‘’C’est Vous qui m’avez dit que j’étais mauvaise !’’ Et Sai agit,
comme estomaqué et dit : ‘’Moi ? Pourquoi ? Et quand ?’’ Je ne pouvais pas le
croire…Toute une année de larmes…Je précisai alors : ‘’L’année dernière, Swami’’,
et je L’entendis dire : ‘’Oh, l’année dernière ! Non, pas du tout, vous êtes réellement
une bonne fille !’’ Je me suis sentie réellement soulagée qu’Il ait clarifié ce que j’avais
compris comme étant juste et non comme un nouveau trip de l’ego.
Comme chacune de Ses paroles a du sens, cette année-là me vit traduire six livres
de Sai Baba, en profitant de chaque instant. Traduire Ses livres me gardait scotchée
à la pensée de Dieu, uniquement.
Puttaparthi changeait. La foule devenait plus dense et très bruyante, si on devait
vivre à l’extérieur de l’ashram et donc, à cause des deux chiens qui étaient
maintenant mes fidèles compagnons, je me mis en quête d’un bout de terrain. Un
jour, des amies me conduisirent jusqu’à une cocoteraie située derrière l’hôpital super
spécialisé, ce qui me donna l’impression d’être au Kerala, tout en étant
physiquement près de l’ashram de Sai Baba. Le lendemain matin, en allant examiner
le terrain d’un peu plus près, je montai dans la voiture et alors que j’étais sur le point
de passer devant la ‘’Gopuram gate’’ de l’ashram, je vis Swami qui sortait avec Sa
voiture, juste devant moi et je Le suivis depuis Prasanthi Nilayam jusqu’au grand
hôpital. Quelle émotion de suivre la voiture du Seigneur ! Puis, je Le vis faire demitour et rentrer, comme s’Il avait uniquement prévu de m’accompagner jusqu’ici. Je
songeai qu’il devait s’agir là d’une coïncidence, mais le lendemain, la même chose
se reproduisit : la voiture de Sai me précéda, alors que j’allais signer un précontrat.
Tout fut réglé endéans neuf jours et cinq mois plus tard, la maison était prête. La
cocoteraie était un cadeau magnifique. Elle était bien à l’écart et la paix et le silence
y régnaient, mais elle cachait aussi un formidable enseignement…
J’avais toujours eu deux grandes peurs : la peur des serpents et la peur des
scorpions. La première année, je dénombrai 55 cobras et 25 autres serpents dans le
jardin et 3 dans la maison ! Non seulement je devais faire très attention où je mettais
les pieds, mais ils sautaient aussi en bas des cocotiers et je devais me méfier et être
vigilante sur tous les fronts ! L’homme peut s’habituer à tout et dès que je cessai de
craindre les serpents, ils disparurent, comme par enchantement…mais d’énormes
scorpions noirs, gros comme des homards commencèrent à apparaître, venus de
nulle part. Un soir, alors que j’étais en train de prendre ma douche, je vis l’un de ces
scorpions gros comme un homard surgir à la vitesse de l’éclair, la queue dressée et
41
prêt à attaquer tout intrus(e). Je ne pouvais pas faire grand-chose. Nue, je ne
pouvais pas appeler au secours. Aussi, je me mis à lui parler de l’Amour qui nous
reliait tous les deux et chose étonnante, je vis la petite bête pencher la tête, comme
si elle entendait quelque chose qu’elle appréciait et son dard se rabaissa, puis elle fit
quelque chose qui ressemblait à une révérence comique, avant de la tirer, sa
révérence...Désormais, je ne nourris plus aucune peur et le jardin est sûr.
Il me fallut suivre chaque étape de la construction de la maison, ce qui provoqua
beaucoup de stress et je souffris finalement d’une malaria et d’une typhoïde non
diagnostiquées, trois mois durant. J’étais tellement faible qu’honnêtement, je n’avais
plus conscience de mon corps. Etais-je malade ou était-ce l’état parfait que j’aurais
dû atteindre ? Ma tête était totalement vide et si le vertige faisait en sorte qu’il m’était
impossible de bien tenir sur mes jambes, je m’allongeais et après avoir fermé les
yeux, j’étais aspirée dans un vortex qui ressemblait à un puissant ventilateur
extracteur et je me retrouvais soudain dans le giron de Swami, glissant dans une
dimension complètement différente. Quand je me réveillais le matin, je Le voyais
physiquement ici dans ma maison pour me donner Son darshan ou quelques brefs
conseils puissants et donc, quand les gens disent que la malaria et la typhoïde ont
dû être une terrible expérience, j’affirme toujours que c’était la meilleure période de
ma vie.
42
CHAPITRE 9 : LA NUIT OBSCURE DE L’ÂME
‘’Vous aimer tous est Mon devoir. C’est votre droit de demander et c’est la
responsabilité de Bhagavan de répondre. Quand le droit et la responsabilité
concourent, la Félicité en résulte.’’
Deux années passèrent et malgré toute la grâce, l’atmosphère sacrée et les
enseignements éclairants que j’avais absorbés, je n’étais toujours pas satisfaite de la
profondeur de mon niveau d’introversion intérieure. Le temps passait et mon tunnel
obscur semblait interminable. Pour Sai, nous sommes tous des livres ouverts et
lorsqu’Il nous ignore totalement, il y a quelque chose que nous n’avons pas encore
saisi ou réalisé et Il nous contraint ainsi à analyser, mais même si nous connaissons
peut-être certains de Ses moyens pour nous aider à grandir, le quotidien devient une
expérience très lassante, quand vous vous rendez compte que vous êtes bloquée
dans le processus de croissance. Il ne me déplaisait pas d’être physiquement
ignorée, mais j’ignorais totalement comment passer à la vitesse supérieure. Je
savais qu’il s’agissait plus d’une vision intérieure (inner view), qu’une entrevue
(interview), que mon mental était toujours un catalogue de pensées et de concepts
spirituels qui créaient continuellement un genre d’enfer qui me suivait où que j’aille,
puisqu’il me suivait partout. Par simple habitude mentale, l’esprit créait une
formidable barrière qui m’empêchait de percevoir ma Nature essentielle et l’ego
survivait, renforcé par son insécurité innée. Après mon enthousiasme initial, il
apparut que je m’étais relâchée jusqu’à stagner, et je m’étais même habituée au
rythme de me rendre au darshan sans plus en capter le sacré. Cela ressemblait plus
à une terrible torpeur. J’attendais que Sa grâce s’écoule à nouveau, je soupirais
après celle-ci, car je savais qu’Il ne me lâcherait jamais.
Les hommes ont tendance à blâmer les autres pour leurs difficultés ; ils blâment la
nature et puis finalement, ils blâment Dieu. Nous ne voulons pas assumer la
responsabilité d’avoir nous-mêmes créé la souffrance en ne faisant pas usage de
l’éternelle sagesse. Même ici à Puttaparthi, j’avais utilisé tellement de temps et
tellement d’énergie, juste pour mon bien-être physique et même si j’avais remodelé
une centaine de fois ma vie entière, j’étais là, tout simplement bloquée. J’avais appris
que la réponse ne se trouvait pas dans les objets du monde, qu’ils n’étaient que des
moyens que l’on pouvait utiliser pour parvenir au but final de la vie et j’avais donc
travaillé sur le détachement, mais je n’avais pas encore trouvé comment me
détacher des pensées. Même si la conscience constante intégrée était mon objectif,
la discipline, la pratique et la démarche qui y conduisaient étaient toujours
incertaines et obscures. Après autant d’années, je me sentais maintenant inadaptée
et intruse dans le monde occidental qui était orienté vers le matérialisme, comme
dans le monde spirituel, étant donné que je n’avais pas encore plongé suffisamment
profondément dans le silence intérieur où tout me serait révélé. Je comprenais
43
parfaitement que je ne pourrais pas y parvenir tout de seule avec mes efforts
inaboutis.
Cette peine et cette nostalgie avaient entraîné une grande compréhension, mais les
solutions paraissaient hors de ma portée, aussi je dérivais entre ces deux mondes
diamétralement opposés, sans qualifications spécifiques. Il n’y avait qu’une voie qui
pourrait me conduire jusqu’au sommet, mais je n’avais pas de carte.
Vers la fin du mois de décembre 1999, j’étais tellement découragée que j’envisageai
de retourner au pays et à un rôle de grand-mère, en mettant par là un terme à mes
recherches. Tous mes enfants étaient à présent mariés et ils avaient des bébés à
élever. J’en arrivai douloureusement à penser que le stade où j’étais arrivé était le
maximum que je pouvais atteindre dans cette vie, et voilà. Mais avec Sai, il faut
vraiment tenir ses pensées à l’œil ! Précisément alors, la police m’informa que ma
demande de renouvellement de visa avait été refusée à Delhi et on me donnait deux
semaines pour quitter le pays. Ce coup de pied au derrière inattendu me fit
clairement voir que j’aurais été réellement désespérée de retourner dans mon ancien
monde. Je me précipitai pour me rendre au darshan dans un tel état de confusion
que Swami passa dans une complète indifférence en regardant de Son regard
circulaire quelques centimètres au-dessus de ma tête en m’ignorant totalement. Trois
jours avant que je ne doive partir, Il passa devant moi pendant le darshan, comme
s’Il glissait sur des roller-skates et sans me laisser le temps dire un mot, Il me dit :
‘’Quand partez-vous ?’’, et Il s’éloigna. J’étais consternée. J’essayai de me
convaincre qu’Il ne faisait que refléter mes pensées, mais la crainte subtile qu’il aurait
pu s’agir d’un ordre me poussa à aller consulter le lecteur de feuilles de palmiers de
la Fondation Shuka Nadi à Bangalore pour savoir si l’obstacle du visa m’avait été
envoyé pour me convaincre que je devais rentrer en Italie pour du bon. C’était là une
mesure tellement radicale et je m’excusai pour aller vérifier les feuilles de palmier du
saint Shuka.2 La réponse qui me fut donnée est que je continuerais de vivre en Inde,
que j’y terminerais ma vie et que si je devais retourner en Italie, ce serait juste pour
quelques semaines et des devoirs familiaux. En ce qui concerne mon visa, il me fut
répondu que de par mes nombreuses vies antérieures comme bouddhiste, je ne
pourrais obtenir de visa à long terme que dans un pays bouddhiste. Je discutai alors
des moments pénibles que je vivais du point de vue spirituel et on me certifia : ‘’C’est
la période de votre vie où vous allez apprendre le kriya yoga, ce qui vous conduira
au but que vous avez toujours cherché, en temps voulu.’’ Je dis que je ne
connaissais aucun maître de kriya yoga et que je n’avais jamais entendu personne à
Puttaparthi qui pourrait m’informer sur l’endroit où aller pour obtenir l’initiation au
kriya yoga, ici en Inde. Il me fut répondu ‘’qu’on viendrait me chercher’’ ! Je souris, ne
croyant pas que cela serait possible, mais je pris congé, heureuse de l’indication où
me rendre pour le visa.
2
Les nadis sont des textes très anciens rédigés par des rishis et qui comprennent des prédictions très précises
concernant les personnes qui viendraient les consulter, même plusieurs millénaires plus tard…
44
A l’agence de voyage, je vérifiai quel était le pays bouddhiste le plus proche et je
choisis Singapour au hasard. De retour avec un visa de cinq ans, je rachetai
‘’Autobiographie d’un yogi’’ de Yogananda que j‘avais déjà lu et que j’avais beaucoup
apprécié au retour de mon deuxième voyage chez Sai, et ceci dans l’optique de voir
ce qu’il en était réellement du kriya yoga. Je ne trouvai qu’un chapitre qui me fournit
quelques éléments très intéressants, mais sans aucune indication sur la technique
réelle secrète. Je notai dans mon esprit une fois encore que c’était Babaji qui en
avait renouvelé l’enseignement à Lahiri Mahasaya, en 1861, qui l’avait transmis à
Paramahansa Yogananda via son guru, Swami Sri Yukteshwar et dans ces pages, je
me rendis compte que le kriya yoga était loin d’être une simple gymnastique, mais
vraiment l’union du corps et de l’âme, réaliser la Vérité, au-delà de l’union du moi
individuel et du Soi suprême. Je fus rassurée de comprendre que le kriya yoga, basé
sur la science de la respiration, était un puissant système de méditation qui
améliorait la pratique religieuse et spirituelle, quelle que fût la foi, et qu’en plus, il
n’était pas réservé aux moines, mais accessible à tout un chacun. Je comprenais
que la spiritualité signifiait travailler avec la réalité intérieure et que pour vérifier cette
vérité intérieure, il fallait travailler dans le laboratoire du royaume intérieur. L’esprit
était le labo et maintenant, il me fallait les outils ou en d’autres termes la pratique de
méditation précise pour remporter la victoire sur le mental. La question qui était
toujours en suspens, c’était où je pourrais obtenir l’information correcte et s’il existait
un maître en qui je pourrais avoir une totale confiance. Je laissai tout cela entre les
mains de Sai et je mis de côté mes pensées concernant le kriya yoga.
Un mois après cette lecture, au début du mois de février 2000, Judy, une amie
américaine de ma voisine, Pat, vint lui rendre visite et comme je souffrais d’un genre
de torticolis très douloureux, Pat lui demanda de passer afin de voir si elle pouvait
m’aider. Alors qu’elle me prodiguait du reiki dans ma chambre à coucher, elle
remarqua le livre de Yogananda sur ma table de chevet et je l’entendis dire : ‘’Dans
trois jours, je pars à Puri où pour seulement quelques semaines, Paramahamsa
Prajnanananda sera là et il pourrait t’initier au kriya. Veux-tu m’accompagner ?’’
Ces paroles flottèrent dans l’air pendant quelque temps et il me fallut plusieurs
minutes pour prendre conscience de ce qu’elle venait juste de dire. Je n’arrivais pas
à le croire !
Elle expliqua brièvement que Paramahansa Hariharananda était un rare Maître
illuminé qui appartenait à la même lignée de gurus que Yoganandaji et qu’elle
respectait et considérait hautement tous les autres moines de l’ordre qui étaient ses
disciples. Après que ma stupéfaction ait quelque peu diminué, j’acquiesçai et je la
remerciai. Pendant qu’elle était au téléphone et qu’elle demandait à Paramahamsa
Prajnanananda si elle pouvait m’emmener avec elle en Orissa et s’il consentait à
m’initier, je me branchai silencieusement intérieurement dans l’attente du verdict et
quand j’entendis que la réponse était positive, je remerciai Sai de tout mon cœur.
45
Trois jours plus tard, nous volions toutes les deux en direction de Bhubaneshwar,
puisque l’un des ashrams se trouvait à Jagatpur, près de Cuttack et l’autre à
Balighai, près de Puri. Dans l’avion, Judy me tendit une photocopie d’un article où je
lus :
L’initiation au kriya yoga authentique d’origine est à recevoir du guru réalisé et du
Maître suprême et vivant du kriya, Paramahamsa Hariharananda ou de l’un de ses
yogacharyas autorisés. Le Kriya Yoga Institute ne donne ni cours par
correspondance ni leçons.
LA TRADITION DU KRIYA YOGA
ET LA CÉRÉMONIE DE PURIFICATION ET DE BÉNÉDICTION
L’ancienne tradition pour apprendre la science royale de la méditation du kriya yoga
débute par la purification, ce qui entraîne la participation à une cérémonie sacrée via
laquelle la colonne vertébrale et le corps sont purifiés. Chaque chercheur est initié
individuellement par le contact direct d’un Maître de la lignée. Le Maître insuffle
directement dans l’initié les triples qualités du son, de la vibration et de la lumière.
Via ce processus, le chercheur apprendra à percevoir la lumière intérieure de l’âme,
à entendre le son divin et à ressentir la sensation du mouvement divin dans tout le
corps. Des mantras sacrés sont psalmodiés durant toute la cérémonie, avec des
explications appropriées en anglais.
Au début de la cérémonie sont enseignées des techniques de base pour calmer
l’esprit. Elles préparent le chercheur à l’infusion d’énergie divine. L’initiation au
courant sacré de la Conscience divine s’obtient en surmontant le bavardage intérieur
du mental. Avec la tranquillisation des processus de la pensée, il est possible de se
fondre dans le divin, sous forme de son, vibration et lumière.
Cette cérémonie d’instruction comprend les phases suivantes :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
Purification du corps, de la colonne vertébrale et des sens
Infusion des triples qualités divines
Bénédictions
Offrandes du souffle au feu
Confirmation
Offrandes à Dieu et aux Maîtres
Aspersion de l’eau bénite de paix
La première phase de la cérémonie purifie le corps du chercheur. Une purification
supplémentaire s’ensuivra avec les offrandes du souffle pendant la cérémonie du
feu. Cette cérémonie du feu est extérieurement symbolique, mais fait que la
46
purification se produise à des niveaux plus subtils et plus profonds. La profondeur de
la purification du chercheur dépend du désir et de la réceptivité du chercheur. A la fin
de la cérémonie sont données des instructions sur le premier niveau des techniques
du kriya yoga de sorte que les aspirants puissent continuer le processus de
purification et méditer seuls. L’instructeur divulgue plusieurs techniques du kriya
yoga. La cérémonie complète, qui inclut l’infusion des triples qualités divines, est
célébrée par un maître autorisé ou par un moine de la lignée. Le chercheur fait trois
offrandes symboliques à l’instructeur, comme offrandes à Dieu et aux Maîtres. Ces
trois offrandes sont cinq fruits représentant les fruits des activités de la vie, cinq
fleurs représentant les cinq sens et une donation financière représentant les corps
causal, astral et grossier, respectivement.
Il sera aussi demandé au chercheur de ne pas divulguer la technique à autrui pour
maintenir et garantir la pureté des enseignements.
Je pliai l’article et regardai au-dessus des nuages qui masquaient totalement la vue
et nous séparaient de la terre. Ils semblaient si doux et si denses, simultanément.
Certains ressemblaient à des moutons, d’autres aux dieux et aux déesses du
Bhagavatam. De légères bourrasques les déroulaient et les refaçonnaient dans des
formes complètement différentes jusqu’à ce que les nuages me paraissent refléter le
jeu mystifiant de Maya et les transformations continues que je subissais sous
l’attention bienveillante de Baba.
47
ÈME
2
PARTIE
48
CHAPITRE 10 : LA FAVEUR
‘’Le guru est une lumière qui nous montre le chemin, mais Dieu est la destination. On
éprouve de la reconnaissance à l’égard du guru, mais c’est Dieu que l’on vénère.’’
Tout s’était passé si vite que mon esprit n’avait pas eu le temps de créer la moindre
attente. J’étais incroyablement calme et silencieuse et je prenais tout ce qui m’arrivait
comme une faveur parfaitement naturelle, conséquente et affectueuse de la part de
Sai. J’étais passée par une longue période obscure et c’était un nouveau départ. Je
savais qu’il ne pouvait y avoir que de la lumière après toute cette obscurité. Au bout
d’une heure de route depuis l’aéroport, je me retrouvai devant l’ashram avec dans les
mains des fleurs et des fruits. Un Swami sortit pour nous accueillir et Judy murmura :
‘’Paramahamsa Prajnanananda !’’. Il n’était pas grand, il avait des cheveux longs et
une longue barbe noire et il était simplement vêtu d’une robe couleur pêche-orange.
Ce qui me frappa tout d’abord, ce sont ses immenses yeux sombres qui brillaient,
l’intensité vibrante de son regard et son sourire particulièrement charmant et doux.
Puis, je l’entendis dire : ‘’Je savais que vous veniez, mais maintenant que je vous
vois, je vous reconnais à présent !’’Dans un élan d’amour intense et inattendu et de
respect sincère, je m’inclinai spontanément et humblement. Depuis 12 ans que j’étais
en Inde, je ne m’étais encore jamais inclinée devant personne, sinon Sai.
Il régnait une atmosphère joyeuse dans l’ashram. Les gens semblaient très
spontanés et puisque je ne connaissais aucune des règles, je me raccrochai à Judy.
Les gens entraient et sortaient d’une pièce immense où Paramahamsaji était assis
sur une simple natte parmi des valises et des boites remplies de livres. Je m’assis
par terre pour avoir une vue générale et je pus admirer sa capacité prompte à
s’occuper de nombreux disciples tout en examinant quelque nouveau livre qui devait
être publié et des photographies qui devaient être réimprimées. Il répondait au
téléphone et il écoutait avec humour et une bienveillance affectueuse les problèmes
des fidèles. Il était toujours gai et en dépit de la routine chargée, il rayonnait
tellement de paix. Je restai là tranquillement assise à l’observer, ouverte pour
recevoir son don d’amour, de paix et de quiétude. La seule chose qu’il me demanda,
ce fut : ‘’Pourquoi voulez-vous apprendre le kriya yoga ?’’ Je lui répondis brièvement,
lui décrivant mon insatisfaction de ne pas avoir pu atteindre la Conscience constante
intégrale après autant d’années. Ceci sembla suffisant et il me dit que d’ici deux
jours, nous irions à Balighai et qu’il m’initierait le 12 février. Nous discutâmes
agréablement de Sai Baba et avec un très gentil sourire, il partagea avec moi
comment deux photographies de Sai Baba l’avaient attiré, quand il avait huit ans et
comment il s’était précipité chez lui pour avoir de l’argent pour les acheter toutes les
deux et il les fit immédiatement encadrer. Il ajouta encore que, brahmachari, il s’était
rendu deux fois à Puttaparthi.
49
Le même soir à 19 heures, il y eut une méditation guidée. Dans le hall de méditation,
je contemplai toutes les images des Maîtres du kriya yoga : Babaji, Lahiri Mahasaya,
Swami Sri Yukteswar, Sri Sanyal Mahasaya, Paramahansa Yogananda, Swami
Sathyananda et au milieu d’eux, une immense photo de Paramahamsa
Hariharananda qui avait maintenant 93 ans, me dit-on, et qui consacrait toujours des
heures à enseigner la technique dans son ashram de Miami.
Que ressent-on, quand on est inopinément confrontée aux formes de tant de
nouveaux Maîtres illuminés ? La seule chose que je fis, c’est fermer les yeux en
sachant que tous étaient Un sans accorder d’importance aux différentes formes et je
remerciai donc l’Energie suprême pour toutes les faveurs que je recevais
constamment. J’étudiai attentivement la photo d’Hariharanandaji et bizarrement, je le
perçus comme un sage chinois. Une lampe reflétait sa lumière précisément au centre
de la photographie et on aurait dit que de son cœur rayonnait un halo diffus de
lumière rose, des rayons d’amour.
Ce soir-là, Prajnananandaji allait guider la méditation et on me permit d’essayer de
suivre, même si je n’étais pas encore initiée. Au début, je dus regarder ce que les
autres faisaient, puis je m’aperçus lentement que je pouvais suivre, même les yeux
fermés. Quand on nous dit de méditer silencieusement en nous concentrant sur le
sommet de la tête, quand les paroles ‘’Aimez votre souffle, le souffle est Dieu’’ furent
prononcés, je fus étonnée par la profondeur à laquelle je parvins et à un moment
donné, je pus distinctement voir Sai au sommet de ma tête. Il se tenait là, pareil à
une sentinelle à côté d’un puits immense, scrutant le fond en inspirant et en expirant.
Le souffle montait et descendait tout au long du puits profond et me donnait une
expérience de paix infinie. Quelle bonté de la part du Seigneur de me donner
l’assurance immédiate de Sa Présence omnisciente ! Au terme de cette expérience,
je souriais béatifiquement. J’ouvris les yeux et regardai Prajnananandaji qui était
assis sur l’estrade et il me retourna mon regard et un sourire incroyablement
lumineux éclaira son beau visage, comme s’il savait ce qui s’était passé. Mes mots
me trahiraient si j’essayais de décrire l’intensité du sentiment, lorsque vous réalisez
comme cela qu’il existe un profond sentiment subtil d’amour pur et inconditionnel et
de compréhension entre le Maître et le chercheur qu’il a accepté d’initier.
Après avoir récité la prière qui était la même que celle que nous récitions à
Puttaparthi – il y avait juste quelques versets en plus – nous dinâmes tous sur des
assiettes constituées de feuilles, assis par terre, et pour la première fois depuis
douze ans que je me trouvais ici en Inde, je mangeai avec les doigts et ce fut la
cata ! De jeunes garçons servaient prestement la nourriture qui était
exceptionnellement savoureuse, d’autant plus qu’il n’y avait pas de piments et très
peu d’épices. Tout le monde était joyeux et l’ambiance était réellement détendue,
mais chaque fois que Prajnananandaji faisait une brève apparition, vous preniez
alors conscience d’une modification subtile de l’énergie et de simplement joyeux,
50
nous devenions tous radieux. Une fois que nous eûmes terminé, Prajnananandaji
s’assit aussi avec tous les autres moines et prit son repas. Cette nuit-là, après de
nombreuses années, Baba m’apparut en rêve et prit la peine de me demander si
j’appréciais le Maître éclairé auprès duquel Il m’avait conduite et Il ajouta encore qu’à
partir de maintenant, j’en rencontrerais d’autres.
Le matin suivant, j’achetai un livre de Prajnananandaji, car j’étais impatiente d’en
savoir plus sur le Maître qui allait m’initier et je lus attentivement ce qui était écrit sur
sa vie :
‘’Paramahamsa Prajnanananda, qui est le disciple et le successeur spirituel choisi
par Paramahamsa Hariharananda, un rare Maître réalisé vivant, a repris la mission
de diffuser les anciens enseignements sacrés du kriya yoga auprès des aspirants
spirituels et de guider de nombreux disciples sur la voie de la réalisation. Longtemps
avant qu’il n’ait fait de lui un moine, Paramahamsa Hariharananda avait déclaré :
‘’Tout ce qui est commencé par moi devra être parachevé par lui.’’ Paramahamsa
Prajnanananda est né en 1960 dans le village de Pattamundai en Orissa. Il s’est mis
très tôt en quête d’un Maître spirituel et il a toujours été un chercheur de vérité
sincère. En 1983, alors qu'il était toujours étudiant, il rencontra son Maître,
Paramahamsa Hariharananda, qui l’initia à la voie du kriya yoga. Cette rencontre
bouscula sa vie entière. Il alla bientôt vivre auprès de son Maître au Karar Ashram de
Puri et faisait la navette entre Puri et Rourkela et Cuttack où il enseigna comme
professeur d’économie durant onze ans. Brahmachari Triloki Dash, comme on
l’appelait alors, fut initié par son Maître au sannyas et devint Swami Prajnanananda
Giri, le 25 avril 1995. Le lendemain, Paramahamsa Hariharananda l’envoya
immédiatement en Europe, puis aux Etats-Unis pour y enseigner le kriya yoga par
l’entremise de conférences publiques, de séminaires, de retraites et de classes de
méditation. Le 10 août 1998, le jour de son 39ème anniversaire, le titre de
Paramahamsa, qui est le titre le plus élevé réservé aux moines et aux saints qui ont
atteint le sommet de la réalisation, lui fut conféré.
Il sacrifie avec abnégation la vie silencieuse et retirée d’un moine pour diffuser avec
amour la voie du kriya yoga en voyageant sans relâche tout autour du monde. Le
pouvoir de ses enseignements se situe dans leur simplicité et leur intérêt direct pour
nos vies quotidiennes. Ses explications claires et concises concernant toutes les
anciennes Ecritures saintes et la profondeur de ses interprétations métaphoriques
sont uniques. En utilisant le kriya yoga comme point de référence et moyen
d’interprétation, Prajnananandaji révèle les vérités cachées qui sont contenues dans
les passages les plus complexes des textes sacrés de l’Orient et de l’Occident. Ses
grandes connaissances et ses capacités oratoires et intellectuelles sont parfaitement
utilisées pour interpréter les pensées philosophiques profondes à la lumière de la
science et de la psychologie moderne.
51
Paramahamsa Prajnanananda n’enseigne essentiellement qu’une leçon : la leçon de
l’amour. Il exhorte et guide les aspirants sur la voie spirituelle pour qu’ils réalisent
que tous sont divins et que l’on peut parvenir à cet état bienheureux supraconscient
par l’entremise d’une conscience de la respiration permanente. C’est un océan de
sagesse, et parfaitement ancré à l’intérieur de lui-même, il peut se focaliser
simultanément sur une dizaine de tâches à la fois avec une précision et une maîtrise
parfaites et pourtant, on perçoit toujours autour de lui une énergie aimante et paisible
et néanmoins puissante et joyeuse, la marque d’un Maître qui a acquis la maîtrise de
soi. La vie de Paramahamsa Prajnanananda est son message. Une fois que nous
nous sommes offerts au Seigneur, le monde se prosterne naturellement à nos pieds ;
une fois que nous avons conquis notre mental, nous avons conquis le monde et une
fois que nous avons intérieurement réussi, des accomplissements matériels peuvent
aussi s’obtenir. Une fois que nous avons rendu au Seigneur nos désirs personnels,
nous sommes libérés des lubies et des ambitions et la Volonté divine elle-même
devient notre propre désir. Une fois que nous avons découvert la félicité et l’harmonie
à l’intérieur de nous-mêmes, le monde entier est imprégné de beauté et de joie.
Il montre lui-même l’exemple à tout un chacun sur la manière de réaliser la
connexion entre nous-mêmes et le divin, de lâcher prise et de déployer notre infini
potentiel jusqu’à son maximum pour devenir ou être tout ce que nous souhaitons,
sans perdre de vue le but le plus élevé de la vie, encourageant par-là ses disciples à
suivre sa vie exemplaire et ses enseignements avec enthousiasme et avec foi.
Paramahamsa Prajnanananda a fondé en 1993 la Prajnana Mission, suivant en cela
le conseil et la divine guidance de Paramahamsa Hariharananda. La Prajnana
Mission possède des ashrams à Cuttack et Balighai, près de Puri en Orissa. Par
l’intermédiaire de la mission, la discipline du kriya yoga est enseignée à des
chercheurs sincères, indépendamment de leur caste, de leurs convictions, de leur
genre et de leur religion. La Prajnana Mission se consacre aussi à servir l’humanité
via de nombreuses activités charitables et éducatives.
L’ashram de Balighai vient juste d’être agrandi pour des retraites et des séminaires
intensifs. En 1995, Paramahamsa Hariharananda a eu un rêve via lequel Sri
Yukteswar l’invita à transférer cette propriété à Paramahamsa Prajnanananda en
prédisant que ce magnifique ashram deviendrait un lieu de renom international où
beaucoup de gens viendraient séjourner pour méditer.’’
52
CHAPITRE 11 : LE JOUR DE L’INITIATION
‘’En demeurant centré dans l’âme, on peut descendre dans les centres inférieurs de
la terre et de l’eau, et s’envoler dans la fontanelle pour y puiser à la source réelle de
la joie et du plaisir. Puiser à cette source n’est possible qu’après avoir stoppé le jeu
du mental.’’
Nous voyageâmes en voiture jusqu’à Puri et après 10 km sur l’étroite, mais belle
Marine Drive qui conduit au temple de Konarak, nous arrivâmes à Balighai où le
gurukulam de Hariharananda était en construction. Nous jouîmes de la chaleur du
soleil hivernal en nous asseyant tranquillement près d’un étang enchanteur rempli de
lotus roses pâles. Deux canards tentèrent bien de nous chasser et les daims qui
gambadaient librement évitèrent ces intruses qui les dérangeaient. C’était si beau et
si paisible. On nous montra où le nouvel ashram serait construit et le petit hôpital où
les médecins soigneraient gratuitement les pauvres villageois. Les moines
dormiraient dans une petite hutte et le restant dans le hall de méditation ou dans les
pièces en dessous. Judy demanda si j’étais l’unique personne qui serait initiée le
lendemain, mais Prajnananandaji dit que si l’on apprenait qu’il était là, quelqu’un
arrivait toujours en dernière minute pour être initié !
Un jour avant de m’envoler pour Bhubaneshwar, mon ex-mari était venu me rendre
visite, se plaignant de ne pas pouvoir rester tout le temps dans un état béatifique. En
espérant pouvoir l’aider réellement, je lui avais dit où j’allais et il m’avait demandé s’il
pouvait nous accompagner. Puisqu’il n’avait pas trouvé de siège vacant à bord de
notre vol, il était arrivé aujourd’hui même et je le laissai à ses propres expériences
sans l’aider beaucoup, car je voulais rester dans le silence autant que possible et je
ne voulais pas non plus avoir de nouvelles responsabilités à son égard.
Cet après-midi, nous aperçûmes un étranger qui pénétra à l’intérieur de l’ashram, les
jambes et les bras tout égratignés et sanguinolents. Encore essoufflé, il demanda à
pouvoir être initié et expliqua qu’il retournait à Puri à bicyclette, qu’il était tombé juste
en face de la grille de l’ashram et qu’il avait lu les mots ‘’Kriya Yoga Ashram’’. Il
expliqua avoir cette aspiration depuis de nombreuses années, mais qu’il ne s’était
jamais attendu à ‘’tomber’’ sur cette opportunité en de telles circonstances ! Tout le
monde rit, car c’était réellement une histoire spéciale.
Cette nuit-là, je ne pouvais pas dormir et je pris trois ou quatre douches pour purifier
mon corps avant l’initiation. J’étais tellement heureuse et j’attendais impatiemment la
cérémonie qui doit être considérée comme un nouveau baptême permettant un
nouveau départ sur la voie spirituelle. A six heures, mon ex-mari s’approcha de moi
et me dit qu’il avait décidé qu’il n’avait pas besoin de l’initiation au kriya yoga,
puisqu’il croyait avoir déjà atteint l’Illumination à l’âge de 21 ans ! J’ignore s’il n’y
avait pas quelques éclairs dans mes yeux qui le foudroyèrent et lui dis : ‘’Encore ces
53
vieilles salades ! Alors, pourquoi ne peux-tu pas rester tout le temps dans
l’Ananda ?’’ Tout ce que je sais, c’est qu’il est parti illico presto.
Je pénétrai à l’intérieur d’une hutte au toit de chaume où la cérémonie devait avoir
lieu en oubliant le monde et remarquai qu’il y avait trois autres personnes qui
attendaient pour être initiées, confirmant ce que Prajnanananda avait dit. Nous nous
assîmes toutes devant lui. Il jeta un coup d’œil à la ronde et demanda ‘’Où est votre
mari ?’’, et quand en deux mots, je lui répondis qu’il avait choisi de ne pas recevoir
l’initiation, il acquiesça : ‘’Très bien !’’ Ces deux simples mots me rappelèrent Sai.
Comme ils m’étaient familiers ! Pour la première fois, je considérai Prajnananandaji
avec une révérence respectueuse.
Je ne puis en dire beaucoup sur cette initiation, car je ne me rappelle absolument
rien de toute la cérémonie. Il me fallut attendre une année pour avoir l’opportunité
d’assister à une autre cérémonie d’initiation. Après avoir vu à quel point celle-ci était
touchante, je me rendis auprès de Prajnananandaji et je lui dis : ‘’Je suis jalouse, car
je n’ai pas eu droit à tout cela l’année passée !’’ Il répondit que si, mais qu’il ne m’en
restait pour le moment aucun souvenir. Quelque chose de très semblable à mon tout
premier darshan a dû se produire. Ce n’est peut-être pas très important de ne pas se
rappeler la cérémonie elle-même, mais ce que je n’oublierai jamais, c’est le calme
irrésistible et intense qui s’ensuivit.
Le même soir, Paramahamsaji nous enseigna la technique. Le voir nous montrer
comment pratiquer était fascinant. Il m’apparaissait, tel un bloc de paix dense et
solide. Son corps et ses postures témoignaient de l’harmonie la plus profonde et du
calme parfait de la connexion. Il n’y avait aucune pose ; il était si pur, si humble et
néanmoins, si fort et si puissant. La pratique semblait ne faire qu’une avec lui. De sa
voix transpiraient la dévotion et la douceur de son amour pour l’Un en lui et
simultanément, il était toujours présent et conscient de nous tous. Sa présence dans
la pièce doit m’avoir quelque peu engourdi l’esprit, car au lieu d’apprendre la
pratique, je le fixais simplement, les yeux écarquillés, comme une abrutie. Je dus me
ressaisir à plus d’une reprise pour focaliser mon attention sur ce qu’il enseignait.
Pour finir, je dus même lui faire répéter toutes les instructions en prenant des notes,
car je craignais de ne plus pouvoir me les rappeler, une fois chez moi, mais une fois
chez moi, je me rendis compte que je n’avais nullement besoin des notes, car le
souvenir de sa voix qui nous instruisait refaisait surface aussitôt que je fermais les
yeux…
Judy et moi, nous prîmes un taxi pour aller visiter le Karar Ashram où Swami Sri
Yukteshwar, le guru de Yoganandaji et d’Hariharanandaji avait vécu pendant de
nombreuses années. Le chauffeur de taxi ne connaissait pas la route de l’ashram et
je fus stupéfaite de lui montrer où précisément s’arrêter pile devant, puisque je ne
m’y étais encore jamais rendue auparavant. Il n’y avait aucun panneau visible, mais
54
je dis : ‘’C’est ici !’’ J’ignore s’il s’agissait de ‘’mémoires’’ ou d’une intuition, mais
c’était bluffant. Nous fîmes le tour de la propriété, ébahies par sa paix et par sa
beauté enchanteresse. Dans le hall de méditation, je vis les images d’innombrables
personnages spirituels, saints et gurus. Mon attention fut attirée par un collage ou un
montage de tous ces saints indiens et j’aperçus Sai Baba tout au sommet ! C’est si
bon de Le retrouver partout ! J’imaginai alors que tous ces saints et tous ces maîtres
évolués étaient tous ses doigts qui œuvraient dans le monde d’une manière
désintéressée pour qu’un maximum de gens puissent être éveillés grâce à
l’inspiration de leurs enseignements.
Judy et moi sortîmes et allâmes nous asseoir dans le mausolée tranquille de Swami
Sri Yukteshwarji. Je m’inclinai et m’assis dans le calme pendant longtemps.
Honnêtement, je dois dire que si on m’avait demandé où j’aurais préféré vivre de
futures années de solitude, si j’avais le choix, le Karar Ashram aurait très
certainement été ma toute première alternative. On peut y jouir de l’atmosphère la
plus propice, la plus sacrée et la plus paisible et d’une extraordinaire énergie
d’élévation.
En quittant les lieux, je jetai un coup d’œil en arrière sur cette simple construction
chaulée et bleuâtre aux murs étreints par des bougainvillées multicolores et je trouvai
pénible de devoir quitter ce silence profond et cette paix diffuse. Nous nous rendîmes
alors au temple de Jagannath, mais malheureusement, nous ne fûmes pas
autorisées à y entrer, puisque dans la plupart des temples sacrés hindous, les
étrangers ne sont pas les bienvenus. Je passai outre un léger sentiment de rejet et
souris en sachant qu’il y avait un temple à l’intérieur de moi dont personne ne
pourrait jamais me refuser l’accès. Je ruminai cette croyance hindoue généralisée
que tous les dieux sont Un en me demandant pourquoi de telles règles pouvaient
encore être défendues, puisque la spiritualité dépassait de telles limites. J’étais sûre
qu’il ne s’agissait là que d’une règle fabriquée par l’homme et que Jagannath, le
Seigneur de l’univers, n’avait rien à voir avec cela.
Au bout de cinq jours, satisfaite des premiers résultats de ma pratique, je pris le vol
du retour, mais juste avant de partir, je me retrouvai avec un trop plein de larmes
atmiques qui débordaient de mon cœur. Je ne m’étais encore jamais sentie aussi
joyeuse, mon cœur débordait de l’amour et de la gratitude la plus profonde. Je savais
que j’avais découvert le chaînon manquant.
J’examinai attentivement ce sentiment profond d’admiration respectueuse et
affectueuse que je ressentais spontanément à l’égard de Prajnananandaji. Je
reconnus que le pouvoir de l’Atma était certainement l’aimant le plus puissant. Le
même pouvoir suprême et divin, le même amour que j’avais ressenti en présence de
Sai rayonnaient aussi de ce yogi hautement réalisé qui était si pur. Il n’y a pas deux
pouvoirs : l’énergie d’amour divin est une seule énergie. Je pouvais clairement
55
reconnaître en lui l’exemple parfait d’un fidèle authentique du Seigneur qui avait
réussi à se maîtriser avec beaucoup d’amour et de discipline. Il avait déjà parcouru la
même voie sur laquelle je luttais encore et il avait réussi, aussi je savais qu’il pouvait
me guider plus loin. Jusqu’à aujourd’hui, j’ai toujours refusé de mémoriser tous les
noms complexes de tous les niveaux de samadhi et j’ignore où il se situe là-dedans,
mais mon cœur est en mesure de sentir cette grande paix stimulante, cet amour pur,
cette joie intérieure délicieuse dont je peux profiter gracieusement en m’asseyant
simplement tout près de lui et pour moi, c’est plus que suffisant pour l’aimer et pour
lui faire pleinement confiance.
Quelques semaines après mon retour à Puttaparthi, c’était mon anniversaire et je
reçus le merveilleux cadeau d’une première ligne. Je pus sentir que mon amour pour
Sai s’était encore approfondi en termes de douceur sous forme de grandes vagues
d’amour et ce nectar particulier s’écoulait de moi en attendant qu’Il apparaisse.
Quand Il arriva lentement en face de moi, je L’entendis dire doucement : ‘’Chaala
Santhosham’’ (Très heureux !) et Sai Baba releva légèrement Sa robe, m’autorisant
par-là à faire ce qui serait finalement mon ultime, mais grisant padnamaskar, après
m’avoir ignorée superbement pendant deux ans. S’il restait une part en moi qui avait
besoin de la confirmation que j’étais sur la bonne voie où Sai Baba avait prévu et
voulu que je sois, ce padnamaskar fut le sceau de l’ultime bénédiction. Car quelques
mois plus tard, Swami annonça à brûle-pourpoint qu’Il ne les autoriserait plus
dorénavant et Il ajouta même : ‘’A partir de ce jour, plus de padnamaskars, vous êtes
vous-mêmes Dieu ! Ne l’avez-vous point encore réalisé ?’’ De nombreux dévots en
furent marris, mais quel enseignement percutant et direct, ce fut-là !
Je réorganisai mon horaire quotidien pour faire de la place à la technique. J’aimais
pratiquer. Je savais qu’avec le temps, elle finirait par me donner via une paix aimante
la conscience constante de Dieu à laquelle j’aspirais tellement. J’avais entièrement
confiance en la technique, le kriya étant tout ce que ces Maîtres réalisés avaient
jamais pratiqué. Je me contrôlais et je pratiquais ponctuellement.
Bientôt, je me retrouvai même en train de créer un environnement complètement
neuf. Je sortis toutes les plantes et réaménageai tout le jardin. Je dessinai et
construisis une nouvelle maison, beaucoup plus petite que la précédente, dans
l’optique une fois encore de limiter mes besoins au minimum. Construisais-je et
reconstruisais-je à l’instar de Milarepa, instruit par son guru ? Il semblait y avoir un
besoin d’exprimer et de manifester ma transformation intérieure à l’entour et j’étais
surprise par cette énergie créatrice et joyeuse apparemment inépuisable dont je
disposais. Au bout de six mois, mon corps commença néanmoins à être perclus de
maux : des problèmes aux hanches, une hernie discale, une sciatique et de terribles
maux de dos ne m’autorisèrent plus à pratiquer. J’écrivis alors à Prajnananandaji et
je reçus rapidement une lettre par l’entremise de laquelle il me conseillait de
constamment observer ma respiration et que cela suffirait. Cela paraissait simple,
56
mais il était si facile d’être distraite et d’oublier pendant des heures d’affilée, mais au
fur et à mesure que le temps passait, je remarquai qu’en fin de compte, je me sentais
perdue, si je n’étais pas consciente de ma respiration ! Je me sentais de plus en plus
paisible et calme, et ce calme profond se muait souvent en pure béatitude, et cette
félicité générait une dilatation euphorique qui se manifestait par un amour pur,
inconditionnel, incommensurable que ceux qui m’entouraient pouvaient réellement
sentir.
Le 10 août 2000, ma toute nouvelle petite maison était prête. Tandis que je
réorganisais ma bibliothèque, j’ouvris ‘’Yoga : Pathway to the Divine’’, un des
nombreux livres de Prajnananandaji, et je le feuilletai silencieusement jusqu’à ce que
mon regard se pose sur une de ses photographies et de manière tout à fait
inattendue, je me retrouvai en train de sangloter. J’étais plutôt décontenancée, mais
comprenant que le ‘’bébé’’ en moi avait encore besoin d’un contact, je pris le cornet
et je téléphonai à l’ashram de Vienne, et à l’autre bout du fil, j’entendis sa voix qui
répondit personnellement au téléphone ! Il fut réellement surpris et gentil, et moi
heureuse. Je savais qu’il voyageait beaucoup, mais à l’époque, j’ignorais encore qu’il
était rare de pouvoir le trouver, à moins d’être informée de son agenda, ce qui n’était
manifestement pas le cas. Je ne me souviens plus de la conversation qui fut brève,
mais ce dont je me souviens, c’est de ma stupéfaction, quand précisément le
lendemain, en rangeant, je tombai sur une brochure de l’ashram de Cuttack où
étaient mentionnés tous les jours saints de l’année et je remarquai que le 10 août
était l’anniversaire de Prajnananandaji ! Tout cela était-il réellement une
coïncidence ? Qu’en était-il de ce ‘’bébé’’ en moi qui se mit à pleurer juste en
regardant sa photo précisément le jour de son anniversaire ? Je rougis en essayant
d’imaginer ce qu’il a dû penser de cette mère bizarre qui téléphonait depuis l’Inde en
ce jour spécial, sans même lui souhaiter un bon anniversaire !
Je m’assis calmement en essayant de contacter cette Energie suprême qui imprègne
tout et une fois pour toutes, je m’abandonnai à Dieu et au Guru auquel l’Energie de
la vie omnisciente m’avait ramenée. Avec le cœur le plus tendre et le plus affectueux,
je m’inclinai avec gratitude devant la seule et unique Source suprême, Sri Sathya Sai
qui, afin de s’aimer Lui-même, s’était dissocié pour devenir toute cette multiplicité et
qui en tant que grand Metteur en scène de la pièce a continué à me guider, vie après
vie, jusqu’au Maître qui est encore une fois revenu sur cette planète Terre pour
m’aider à terminer le Jeu.
57
CHAPITRE 12 : UN PROGRAMME INTENSIF DE
KRIYA YOGA
‘’L’esprit humain ne se contente pas de gains momentanés, ni de plaisirs passagers.
Il veut plonger profondément et s’envoler pour découvrir les trésors de l’Âme.’’
Janvier 2001 me vit de nouveau prête à partir pour Balighai où je voulais participer
au second programme intensif de kriya yoga. Avant de m’envoler pour
Bhubaneshwar, je fis halte à Whitefield, comme Swami était là-bas. En cours de
route, cette pensée me traversa l’esprit : ce serait sympa de pouvoir permettre à
d’autres fidèles Sai de savoir où recevoir l’initiation au kriya yoga et cette pensée eut
des répercussions immédiates. Lorsqu’elle me vit entrer dans le hall, la sevadal qui
supervisait me prit la main et me dit : ‘’Ce matin, vous vous assoirez en première
ligne, dans le premier bloc.’’ Eh bien, c’était vraiment la première fois que cela
m’arrivait depuis toutes ces années ! En m’asseyant, je savais qu’il s’agissait-là d’une
opportunité rare pour transmettre le message à Swami et peut-être aussi de la
chance pour qu’Il me réponde. J’avais le sentiment de devoir d’abord demander à
Sai, puisque Puttaparthi est Sa demeure, Son ‘’territoire’’ privé et donc, je dénichai
un bout de papier et un crayon et j’écrivis : ‘’Est-ce bien Votre volonté que je puisse
devenir un lien entre le kriya yoga et Vos fidèles à Puttaparthi ?’’ Aussitôt que Baba
sortit, Il se rendit à l’autre extrémité du hall et je ne cessai de triturer mon bout de
papier qui avait maintenant acquis une drôle de forme, mais quand finalement, ll
arriva devant nous, Il prit la note, Il l’ouvrit, et avec un grand sourire, Il me bénit et Il
ajouta avec enthousiasme : ‘’Très heureux ! Très heureux !’’
Aussitôt arrivée à l’ashram de Cuttack, je mis Prajnananandaji au courant de ma
première ligne spéciale au darshan, de ma note, de la réponse de Sai et de Ses
bénédictions. Il était particulièrement occupé, car il donnait quotidiennement des
exposés sur la Bhagavad Gita à Bhubaneshwar et à Cuttack, en plus du programme
de Balighai auquel assistaient presque tous les moines kriya, et de nombreux
Swamis venus de toute l’Inde étaient également ses invités.
Le programme fut très intense avec tous ces moines qui honoraient l’occasion de
leur sainte présence. Depuis l’estrade, l’énergie nous balaya avec une puissance
telle que nous fûmes tous submergés. Certains s’endormirent, alors qu’ils n’étaient
même pas fatigués, tandis que d’autres étaient aidés à méditer plus profondément.
Je me sentis simplement ‘’connectée’’ pendant toute la semaine. Prajnananandaji
donnait des exposés très intéressants et je demeurai captivée et clouée sur place,
même si je souffrais d’une forte fièvre. Durant cette semaine, j’eus peu l’occasion de
parler avec Prajnananandaji, mais cela ne semblait pas nécessaire. Un coup d’œil ou
un mot prononcé d’une certaine manière me suffisait pour ressentir sa bienveillance
affectueuse et le fait qu’il ‘’savait’’. Si j’avais des questions, étonnamment, il y
58
répondait pendant l’un de ses cours, aussi étais-je satisfaite et reconnaissante.
Pendant ce programme, Prajnananandaji fut aussi très malade, mais quand il était
sur l’estrade, étrangement il semblait aussi rayonnant que jamais, alors que peu de
temps après, il souffrait de crises d’asthme à cause de la poussière des véhicules qui
se parquaient juste devant l’ashram. On pouvait dire d’après le ton de sa voix qu’il
n’était pas bien, mais il avait toujours le même entrain et son programme chargé ne
fut pas modifié. Je pris note de ses leçons et je me souviens encore de celles sur la
sadhana :
‘’La nature du mental, c’est d’être extraverti ; il n’aime pas s’intérioriser. Le mental ne
peut demeurer dans un espace vide, il recherche continuellement des objets. La
tendance habituelle du mental, c’est de papillonner d’un objet à l’autre. En ce qui
concerne la sadhana, vous devez inverser le processus. Si vous vous identifiez au
mental, le mental devient le maître et vous, vous devenez l’esclave. Renversez le
processus. Comment inverse-t-on le processus ? Concentrez-vous sur une seule
chose et pénétrez à l’intérieur du monde intérieur. Par l’entremise de la grâce du
guru et de nos propres efforts, l’esprit réussit à se concentrer. Si l’esprit se stabilise
et suit nos directives, concentré, il atteindra des dimensions spirituelles plus
profondes. Tous ceux d’entre vous qui sont rassemblés ici ont l’opportunité et la
bénédiction de pouvoir être clairement guidés sur la manière de pleinement
réorienter son esprit vers Dieu. La sadhana n’est pas un engagement à temps partiel,
mais c’est un effort constant et permanent. Votre mental est un gros sac à malices.
Votre mental est rusé. La sadhana ne peut pas être pratiquée que dans l’intériorité ;
elle doit aussi être pratiquée, quand nous avons affaire au monde, avec nos
relations, au travail et par rapport à tous nos autres devoirs. Les gens pensent que la
sadhana signifie seulement la méditation, la prière et la lecture des Ecritures et
qu’elle n’a aucun rapport avec la vie matérielle ! Ils divisent la vie en deux
compartiments : le spirituel et le matériel. Dans le premier, ils pratiquent la discipline
et dans l’autre, ils errent à leur guise. C’est ainsi que l’esprit reste prisonnier de ses
vieilles ornières, il ne progresse pas. La vie quotidienne d’un sadhaka doit favoriser
une sadhana globale. Toutes les activités devraient être effectuées dans l’esprit du
karma yoga.’’
Parfois, il nous accordait un peu de répit en nous racontant des histoires avec un tel
sens de l’humour que le hall était rempli de rires et la tension due à l’intensité de
l’enseignement diminuait. Parmi toutes ses histoires, c’est celle du chat et du renard
que j’appréciai le plus. Prajnananandaji dit que c’était une histoire que Sri
Yukteshwarji racontait à ses disciples :
‘’Il y avait deux amis, un chat et un renard qui vivaient dans une forêt. Un beau jour,
ils discutaient des différents moyens par lesquels ils pourraient échapper au danger
pour sauver leur vie. Le chat dit : ‘’Moi, je ne connais qu’un seul moyen : grimper aux
arbres. Et toi, combien de moyens connais-tu pour pouvoir te sauver ?’’
59
Le renard dit : ‘’Oh, je connais plein de techniques !’’ Et il sortit un livre qui les
décrivait toutes sur de nombreuses pages. Alors qu’ils étaient tous les deux en train
de discuter, un gros chien s’approcha d’eux et se mit en tête de les poursuivre. Le
chat monta prestement dans un arbre et y trouva la sécurité, tandis que le renard
‘’futé’’ farfouillait dans son livre pour savoir quelle technique il fallait suivre…
Prajnananandaji fit observer qu’il valait mieux connaître peu de chose, mais le mettre
en pratique, plutôt que de savoir beaucoup de choses sans pratiquer ce que vous
savez, et qu’une pratique régulière était la clé du succès. Ceci me fit aussi songer
aux paroles de Sai Baba : ‘’Vous ne devriez pas creuser partout et peu
profondément, mais à un seul endroit profondément.’’
Chaque journée nous permettait d’apprendre énormément, puisque la manière de
Prajnananandaji de transmettre les enseignements était si claire, directe et agréable
qu’elle tapait immédiatement dans le mille. Il sentait quand nous étions fatigués et
nous octroyait alors un peu de répit en nous faisant chanter en suivant sa voix
douce. Puis, il y avait aussi des séances de questions-réponses via lesquelles il
chassait rapidement et directement tous nos doutes.
A la fin de la semaine, quelques étrangers et tous les moines se rendirent à la Maha
Kumbha Mela, mais j’étais tellement malade que je dus rentrer chez moi. Avant de
partir, je demandai si je pouvais créer un centre de kriya yoga à Puttaparthi et
Prajnananandaji marqua son accord. Je le saluai et tous les deux, nous partîmes
heureux pour nos destinations différentes, chacun avec une forte fièvre.
60
CHAPITRE 13 : LE VOYAGE À MIAMI
‘’La vie est comme une chandelle fabriquée pour rayonner l’amour et la
connaissance, le symbole du sacrifice continu pour autrui ;
brûlez-la avec bienveillance.’’
En mars, un merveilleux projet de voyage devint réalité. Il y avait une retraite à
Assise qui ne se situe qu’à deux heures de route de Sienne, où j’avais l’intention de
rendre visite à mes enfants et à mes petits-enfants pendant quelques semaines et si
mes réservations étaient confirmées, j’irais aussi à Miami voir Paramahamsa
Hariharananda.
A Assise, le groupe des kriyavans était composé majoritairement d’Allemands et
d’Autrichiens et il était frappant de voir à quel point ils étaient disciplinés, si l’on
compare aux disciples indiens qui sont souvent gentiment indisciplinés avec leur
surcroît d’enthousiasme et leur affection spontanée, mais je remarquai alors combien
Prajnananandaji était lui aussi différent. A l’évidence, je comparais son allure
insouciante et joyeuse, si chère à mon cœur et que j’avais pu connaître et apprécier
en Inde à la façon dont il se présentait maintenant en Occident. Il était toujours très
doux et chaleureux, mais ce n’était plus le Prajnananandaji que j’avais connu en
Inde. Le plus perturbant pour moi, c’est le fait que nous portions tous les deux des
souliers ! Très peu de gens effectuaient la prosternation, aussi lui demandai-je si on
ne la faisait pas en Occident, mais il me fit signe que je pouvais. Et donc, je fis
discrètement quelques prosternations – comme si je me trouvais dans un couvent de
religieuses franciscaines – mais je doutai qu’ils aient pu comprendre. Faire la
prosternation devant un Swami en souliers était quelque chose de plutôt singulier,
puisqu’en vous prosternant, vous posez votre front sur ses pieds en signe d’humilité
et de dévotion, mais permettez aussi à l’énergie du Maître de s’écouler à l’intérieur
de vous via la tête, puisque ceci est comme le contact des fils négatif et positif qui
produit l’énergie spirituelle. Immédiatement, je comparai ses souliers à la subtile
‘’armure’’ qui l’entourait et je me demandai si après tout, il était si heureux d’être loin
de la terre la plus sainte du monde – sa sainte Bharat – des Himalayas, du Gange et
de Puri qu’il aimait le plus, comme je l’avais entendu dire. Ne faisait-il que perpétuer
ce que son Gurudev lui avait demandé, avec beaucoup d’amour, de sacrifice de soi,
un grand sens du devoir désintéressé et un détachement patient ?
Les méditations guidées furent tellement profondes qu’entre-temps, il était difficile
d’avoir l’envie de faire du tourisme, mais l’ermitage de Saint-François et la
Portioncule valaient bien la peine d’être revus. Prajnananandaji me demanda si
j’avais déjà été à Assise auparavant et quand je lui dis que j’y avais passé ma lune
de miel, il y a 33 ans, il eut un de ses rires chaleureux. La retraite me combla avec un
maximum de sérénité et je me sentis à nouveau parfaitement connectée et en
pratiquant à Sienne, je découvris que je pouvais conserver pendant de plus longues
61
périodes encore cette intimité spéciale avec mon Amour intérieur, quoique la
profondeur que l’on peut atteindre en présence du Maître est certainement difficile à
atteindre, une fois que l’on est à nouveau seule chez soi.
Après cinq jours, nous repartîmes tous et je me retournai pour jeter un dernier regard
à cette charmante petite ville nichée sur une colline et j’observai que les derniers
rayons du soleil qui se couchait lentement peignaient les murs d’Assise d’une teinte
rose. Les rayons du soleil embrassaient ce lieu qui avait engendré un saint aussi
superbe qui avait enseigné au monde occidental par l’exemple l’importance de la
simplicité et de l’humilité, les deux qualités que j’admirais le plus chez tous les
swamis du kriya yoga.
Fin avril, j’arrivai à Homestead, près de Miami. Lorsque la grille de l’ashram s’ouvrit,
j’aperçus un splendide jardin avec des centaines de roses et toutes sortes d’arbres
fruitiers, dont des manguiers et des bananiers. Même alors, mon mental se
conduisait correctement, puisqu’il n’entretenait aucune attente et qu’il n’avait rien
projeté et quand je fus introduite dans la chambre de Paramahamsa Hariharananda,
un nid de roses rempli d’amour, je ne m’attendais certainement pas à ressentir un
choc fusionnel dans mon cœur, ni à l’écoulement instantané et spontané de ces
fameuses larmes atmiques qui, je le savais maintenant, étaient mon thermomètre
personnel, quand ce corps entrait en contact avec une pure énergie divine. Je pus
immédiatement percevoir cette exquise et douce luminosité qui n’est autre chose que
l’Amour pur, la Lumière pure et l’Essence divine pure et immaculée. Je m’inclinai et
Gurudev me bénit en me demandant gentiment pourquoi je vivais en Inde. Il était si
doux et si tendre, plus que tout ce que j’avais jamais pu expérimenter – c’était
comme croquer un massepain qui vous comblerait longuement de sa douceur, mais
son regard paraissait scanner votre âme et vous étiez consciente qu’il savait tout de
vous en un quart de seconde. Puis, il me surprit en disant : ‘’Faites-moi voir ce collier
que vous portez. C’est le plus beau collier que j’ai jamais vu. Qui vous l’a offert ?’’
‘’Sathya Sai !’’, répondis-je. Puis, il me demanda ce que je ‘’cachais’’ à l’intérieur en
indiquant un pendentif qui n’était pas visible, puisqu’il était entièrement logé à
l’intérieur de ma blouse et de mon sari et de nouveau, je répondis : ‘’Sathya Sai !’’ Il
sourit gentiment en les tenant tous les deux dans sa main, puis me tira par ma
‘’chaîne’’, le collier japamala jusqu’à ce que nos visages soient très près l’un de
l’autre et il me dit en me fixant droit dans les yeux : ‘’Je vous aime bien !’’ Je le fixais
lui aussi droit dans les yeux qui n’étaient qu’à quelques centimètres des miens et
pendant une fraction de seconde, je vis Sai et puis seulement un Amour infini et
irrésistible.
Son corps reposait maintenant sur son lit et il était si immobile et je n’étais pas
certaine qu’il était réellement conscient de ma présence, mais alors, il déplaça
lentement sa main devant mon visage en m’indiquant où je ressentirais les
vibrations, la lumière et le son dans le futur, puis sur chacun de mes chakras et il me
62
dit de ne faire aucun mudra pendant un an et demi et que toutes ma douleur au dos
et aux hanches passerait et qu’in fine, je pourrais de nouveau pratiquer les mudras.
Je sortis, tellement radieuse, profondément émue et exaltée que j’avais besoin d’être
seule et dans le silence avec mon Sai intérieur, mais le doux regard qui ne cillait pas
de Gurudev demeurait devant mes yeux. Ce soir-là, en me lavant les dents, je fus
abasourdie de voir dans le reflet du miroir que la photographie de mon pendentif
s’était transformée, de Sai en Gurudev ! Je montrai alors mon pendentif à Judy qui
se trouvait avec moi dans la maison d’hôte de l’ashram. Nous étions toutes les deux
très excitées et nous ne cessions de le retourner, de vérifier et de revérifier. C’était
bien une photographie d’Hariharanandaji, quand il était jeune. Le lendemain, Sai était
de nouveau là dans le pendentif !
Swami Hariharananda est considéré comme le plus grand saint ou maître vivant de
la technique scientifique du kriya yoga et il occupe un rang élevé parmi les yogis
indiens de ce siècle et il est cependant réellement humble et témoigne constamment
d’une profonde compassion à l’égard de toute l’humanité. Nombre de ses disciples
témoignent de son infinie pureté, de sa sublime divinité et de son pouvoir spirituel.
Son œuvre désintéressée se poursuit, alors même qu’il est âgé de 94 ans et qu’il est
allongé dans un lit. Son esprit est parfaitement alerte et il contrôle toutes les activités
de l’ashram en gardant aussi le contact avec tous les disciples qui lui sont dévoués.
J’avais apporté des fleurs à Gurudev lors de mon arrivée, mais un matin, je repérai
une caisse de fraises bien rouges et cela me procurait une immense joie de pouvoir
les lui offrir. Une fois que je fus entrée dans sa chambre avec les fraises, il m’étonna
vraiment en disant : ‘’Je vous préfère aux fraises, rapprochez-vous de moi, vous ne
savez pas combien je vous apprécie.’’ Je rougis, confuse, et il répéta : ‘’Je vous aime
bien, vous êtes tellement belle !’’ Il posa une main apaisante sur mon cœur avec
beaucoup de tendresse et je sentis instantanément toutes les tensions disparaître.
Je suppose qu’il a dû guérir certaines blessures émotionnelles que j‘avais voulu me
cacher à moi-même et qu’en même temps, il m’enseigna à ne voir comme lui, que
cette merveilleuse Essence rayonnante que nous sommes réellement. Il ne se voyait
que Lui-même en moi.
Je vis alors combien il était abusif de s’identifier avec ce que le mental et les autres
pensent que nous sommes, puisqu’il ne s’agit pas là de notre Réalité authentique.
Dans sa Présence affectueuse, j’expérimentai la connexion à ma Nature véritable et
je sortis de cette petite pièce rose pâle transformée et pleinement consciente de la
Beauté réelle en moi et de sa tendre guérison.
La routine quotidienne de l’Institut était très intense. Tout le monde faisait sa part de
boulot et tout le monde appréciait vraiment travailler dans la cuisine ou dans le jardin.
Je n’ai jamais vu de choux-fleurs aussi énormes que ceux que j’ai vus là-bas et les
branches des manguiers ployaient toutes sous le poids de fruits énormes qui avaient
63
reçu l’attention personnelle de Gurudev. Un jour, on découvrit un oisillon tout menu
tombé du nid. Quelqu’un le ramassa et le laissa dans la chambre de Gurudev pour la
nuit. Le lendemain matin, son poids avait doublé, il était maintenant complètement
recouvert de plumes et il fut donc sauvé. Était-ce ce qui nous advenait à tous dans
sa chambre ?
Nous prenions nos repas avec les moines et partagions le prasad de Gurudev à
chaque repas. Tous les swamis avaient l’air si vivant et heureux d’être près de leur
bien-aimé Gurudev. Parfois, Prajnananandaji portait des souliers et parfois pas et
j’entends par là qu’il n’était pas toujours aussi libre et spontané qu’en Inde. A certains
moments, on pouvait encore percevoir son ‘’armure’’. Juste l’observer était la plus
grande leçon. Aucun mot n’était nécessaire. Je me rappelle un petit exemple : nous
étions en train de faire la vaisselle juste en face de la chambre de Prajnananandaji et
ayant oublié que nous pouvions le déranger, certaines d’entre nous parlaient à voix
haute. Il sortit tranquillement et avec le sourire et sur un ton très doux dit : ‘’Le doux
gazouillis de vos voix est plutôt bruyant !’’ Pour nous toutes, ce fut comme un
soufflet, mais cela fut dit d’une manière tellement délicate que vous ne pouviez pas
croire que cela aurait pu avoir le même impact qu’un coup de fouet et je crois que
nous nous sentîmes toutes très troublées, car je vis les coupables reprendre toutes
les assiettes déjà séchées et les relaver, les yeux baissés. L’enseignement
silencieux de n’éprouver et de ne manifester aucune colère, si on doit réprimander fut
parfaitement transmis par l’exemple et le résultat fut exceptionnel.
Un matin, il s’avéra que j’entendis une disciple demander à Prajnananandaji s’il
aimait voyager et s’il était plus heureux en Inde ou en Occident et il répondit :
‘’Demande à Sandra ma ! Elle m’a vu ici, en Europe et en Inde.’’ Je réalisai que je ne
pouvais réellement rien lui cacher, pas même mon ressenti et j’exprimai
honnêtement mon sentiment : ‘’En Inde’’, et il dit que c’était correct.
En partageant avec lui que j’étais soucieuse de ne pas pouvoir atteindre le but de la
vie, du fait qu’à cause de ma hanche, je ne pouvais pas pratiquer les mudras, il me fit
réellement rire aux éclats en me demandant simplement : ‘’Pourquoi ? Est-ce que tu
respires avec ta hanche ?’’ Avec son sens de l’humour, il m’aida à voir les choses
moins dramatiquement qu’elles ne m’étaient apparues. Un peu plus tard, j’adoptai
mes postures à mes maux et à mes douleurs et je finis même par m’asseoir sur une
chaise ou m’allonger ou même rester debout. Désormais, sans plus me tracasser, je
fais de mon mieux, avec amour, en laissant le résultat au Seigneur et à l’équipe des
gurus. Ce n’est plus du tout un souci.
Chaque soir, Swami Prajnananandaji donnait une causerie sur le Srimad
Bhagavatam qui est l’Ecriture que je préfère. Le seul regret, c’est que cela ne durait
qu’une heure, alors que j’aurais voulu m’asseoir et écouter pendant des heures
d’affilée. Les méditations guidées me laissaient spontanément centrée toute la
64
journée. Quelques heures avant mon départ, je réclamai à Prajnananandaji trois
minutes de son temps, mais il répondit que trois minutes étaient de trop, car elles
correspondaient à 180 secondes et donc, pour ne pas lui faire perdre son temps,
quand je fus autorisée à entrer dans la pièce où il travaillait sur un livre, j’essayai
d’être très brève et lui posai la question qui me tenait à cœur : ‘’Quelle est la
différence entre Sai et Gurudev ?’’ Il sembla distant pendant quelques secondes,
mais constatant mon besoin honnête de vérifier avec lui si ce que je ressentais était
bien correct, il répondit doucement : ‘’Pour moi, il n’y en a pas. S’il existe une
différence, c’est que Sai Baba est un Instructeur universel, alors que Gurudev est un
Instructeur individuel.’’ Je laissai ses paroles percoler en moi, puis je demandai :
‘’Est-ce parce que celui qui connaît Brahman est Brahman Lui-même ?’’. ‘’Oui’’,
répondit-il. Je le remerciai et quittai la pièce, puisqu’une minute s’était déjà écoulée.
Judy allait m’emmener à l’aéroport, mais comme elle n’était pas prête, j’étais encore
dans la maison d’hôtes de l’ashram et j’échangeais quelques paroles avec un des
fidèles de Gurudev et quand je lui dis que je me rendais directement à l’ashram de
Sai Baba, il me regarda, surpris, et demanda : ‘’Vous pouvez ne pas me répondre,
mais comment pouvez-vous vous impliquer avec deux gurus ?’’ Je souris, mais ne
voulant rien dire, je l’étonnai davantage encore : ‘’Ils ne sont pas seulement deux,
mais trois, mais en réalité, un seul !’’ Je pus clairement distinguer sa stupéfaction par
rapport à mes mathématiques et il ne pouvait pas comprendre si je plaisantais, aussi
quittai-je promptement les lieux, remplie d’amour, en paix avec mes intuitions et de
savoir que je pouvais faire confiance au thermomètre de mes larmes atmiques.
Aussitôt après être arrivée à Bangalore, je me rendis pour un seul darshan à
Whitefield. J’avais avec moi une lettre par l’entremise de laquelle je remerciais Sai
pour la grande faveur d’avoir pu rencontrer Hariharanandaji et Prajnananandaji. Avec
le début de la musique, lorsque j’aperçus la svelte silhouette orange bien-aimée,
mon cœur s’illumina et comme Sai est Amour, Il répond directement à l’amour et à la
joie. Il s’approcha directement de moi, prit gentiment la lettre dans Sa main durant
quelques secondes et s’exclama : ‘’Très heureux de vous voir ! Quand êtes-vous
donc revenue, maaaa ?’’ Je restai silencieuse, puisqu’Il connaissait la réponse. Mon
esprit était vide. Heureux de l’impact que Sa voix avait pu avoir sur mon esprit, Il
poursuivit Son chemin. C’est alors que je réalisai que pour la première fois, Swami
m’avait appelée ‘’ma’’, comme les moines du kriya yoga appellent les dames en
ajoutant ce ‘’ma’’ à nos prénoms. Sai confirmait à nouveau Son omniscience et
voulait que je sois bien certaine qu’Il était Lui aussi très heureux. C’était tellement
merveilleux de rebondir ici et là, de l’Amour à l’Amour dans l’Amour…
65
CHAPITRE 14 : DU KRIYA YOGA À PUTTAPARTHI
‘’Qu’est-ce que la vraie liberté ? Par la pratique de la méditation, on élève l’énergie
extravertie sortante et on se concentre dans la caverne de la méditation. Puis, on va
jusqu’au sommet de la caverne du crâne, dans la fontanelle. Toutes les cellules du
cerveau sont énergisées. Le prana, l’énergie vitale revivifie et redynamise le cerveau
et ses activités. C’est ainsi que le cerveau humain devient calme, serein, paisible,
rempli d’amour et de pureté. C’est la liberté.’’
Quand j’avais interrogé Prajnananandaji sur la possibilité d’un centre à Puttaparthi,
dans mon esprit, il s’agissait plus d’un centre d’information qu’un centre actif, mais
cela généra finalement et extraordinairement une activité intense.
Malgré son programme chargé, Swami Brahmanandaji avait gentiment accepté de
venir pendant une semaine en septembre. Puttaparthi compte un certain nombre de
résidents, mais la majorité sont des visiteurs qui vont et viennent et donc, il était
impossible d’essayer de planifier quelque chose. Jusqu’à la fin, j’ignorais s’il y aurait
quelqu’un qui participerait. Je résolus de me détendre en attendant de voir ce que le
Seigneur allait organiser. Je m’entretins même au téléphone avec Swamiji et lui dis
que je n’étais pas du tout sûre qu’il y aurait quelqu’un et cela était aussi dû à cette
terreur et à cette panique après la catastrophe du 11 septembre à New York qui
avaient provoqué beaucoup d’annulations de vol et Puttaparthi était quasiment vide.
Il me répondit gentiment de ne pas me tracasser, parce que s’il n’y avait personne
pour en profiter, il serait très heureux d’utiliser ces journées dans la solitude.
Deux semaines avant l’arrivée de Swami Brahmananda, je parlais avec deux amis de
la possibilité d’être initié au kriya yoga et il y eut bientôt beaucoup de gens qui vinrent
s’informer. Le jour où Swamiji arriva à la gare de Dharmavaram, trois d’entre nous
allèrent l’accueillir et conformément à l’horaire qu’il m’avait donné, nous étions à
l’heure, mais il nous attendait déjà, puisque son train était arrivé une demi-heure à
l’avance. Sur le chemin du retour, il me fallut éviter prudemment des cochons, des
vaches, des chiens, des chars à bœufs, des tracteurs et des enfants sur la route et
Swamiji parut assez préoccupé par ma conduite et ne cessa de me donner des
directives sur la bonne manière de conduire tout en s’accrochant fermement à son
siège !
J’avais préparé un siège et tous les ingrédients pour honorer son arrivée dans ma
maison conformément à la tradition indienne, mais je lui suggérai en plus de me dire
ce que je devais faire, l’Amour étant tout ce que je connaissais. C’était tellement
adorable d’avoir Swami Brahmananda à la maison avec nous, une présence si
adorable et si paisible. Le lendemain matin, il se rendit au darshan et à son retour, je
l’informai qu’il y aurait 20 personnes qui viendraient, mais à 10 heures, ce fut plus
d’une soixantaine de fidèles qui arrivèrent, pleins d’enthousiasme ! Une file
66
interminable d’Occidentaux tout de blanc vêtus ne cessait d’arriver et ma véranda ne
pouvait les accueillir tous et leur enthousiasme et leur intérêt sincère étaient vraiment
touchants. Quand Swamiji fit son exposé sur le kriya yoga, il commença par dire : ‘’Je
me demande si je suis en Inde, car il y a tellement d’Occidentaux ici !’’ Je jetai un
coup d’œil à la ronde et c’était réellement incroyable : il y avait des gens qui venaient
du Mexique, d’Argentine, de Pologne, de Russie, d’Espagne, de France, d’Italie, et
même une personne qui venait d’Egypte ! Nous dûmes les scinder en deux groupes
pour deux jours de cérémonies d’initiation. Entretemps, j’appris aussi que ces 60
personnes avaient pratiquement toutes assisté au darshan avec des lettres
demandant la permission de Sai. L’une d’entre elles Lui tendit même le programme
que Swami bénit. Cinq d’entre elles reçurent un ‘’non’’ comme réponse, mais tout le
reste sut ou sentit que Swami leur avait accordé son consentement. Prajnanananda
m’avait donné exactement 55 brochures pour aider à diffuser l’information sur le kriya
yoga et toutes furent distribuées.
Un cas qui honnêtement me fit pouffer d’émerveillement fut quand un matin, une
amie s’approcha de moi pendant Omkar et me demanda : ‘’Dis-moi, c’est quoi le
kriya yoga ?’’ Je tentai bien de remettre l’explication à plus tard, mais elle me dit que
c’était urgent, car cette nuit-là, elle avait rêvé de Sai Baba et dans ce rêve, Sai Baba
lui avait dit qu’elle ne pourrait pas progresser, à moins qu’elle ne pratique le kriya
yoga. Dans son rêve, Baba s’était alors transformé en moine avec de longs cheveux
noirs et une barbe noire !
Les fidèles de Sai Baba rêvent généralement beaucoup de Lui et ces nuits-là, tous
les Maîtres étaient à l’œuvre…Le lendemain, j’entendis les histoires les plus
incroyables de leurs rêves. Il y eut même un Américain qui avait déjà été initié par un
acharya de la Self Realization Fellowship, mais qui dans l’enthousiasme du moment,
avait demandé à Brahmanandaji de l’initier à nouveau. Swamiji tenta de l’en
dissuader en lui disant que c’était inutile, mais l’Américain insista tant et si bien que
notre adorable Brahmanandaji finit par céder et lui dit qu’il le ferait, mais le
lendemain, alors que je cherchais après lui, quelqu’un me dit qu’il n’était pas là parce
que Yoganandaji était apparu dans son rêve, la nuit même, et lui avait dit : ‘’Crétin !
Qu’est-ce que cette histoire d’être à nouveau initié ?’’
Je ne fis pratiquement rien et Sai et les maîtres du kriya yoga accomplirent tout.
Le jour même de l’arrivée de Swamiji, j’avais reçu de très mauvaises nouvelles
depuis l’Italie qui me firent beaucoup souffrir. La paix, la sagesse tranquille et l’amour
chaleureux de Swamiji m’aidèrent beaucoup à préserver mon équilibre et à attendre
calmement des nouvelles qui arrivaient par e-mail et des coups de téléphone qui, les
six premiers jours, me causèrent beaucoup d’inquiétude et de chagrin, mais je
parvins à gérer le tout avec équanimité. Toutefois, étant donné que la nuit je parle
toujours à Sai avant de m’endormir, ces nuits-là, je dois L’avoir tellement enquiquiné
67
avec mes tracas qu’Il a fini par m’apparaître en rêve et qu’Il m’a dit : ‘’Pourquoi
n’arrêtes-tu pas de te plaindre ? Je t’ai donné un coussin pour absorber le choc !’’
Nous en rîmes tous, quand je racontai à Swamiji que Sai l’avait comparé à un
coussin. Mais comme c’était vrai ! Il est si doux, si chaleureux et comme le timing du
Seigneur est parfait ! Après le départ de Swamiji, le problème s’évanouit.
Toutes les mères se relayèrent avec enthousiasme pour cuisiner quelque chose de
spécial pour Brahmanandaji, même des gnocchis et des pennes italiennes ! Pat avait
quasiment toute la responsabilité, car elle savait mieux que quiconque préparer la
nourriture indienne, tandis que j’étais l’experte en matière de simples légumes
bouillis, de graines germées, de salades et de salades de fruits. Un soir, il vit que
l’une d’entre nous était en train de préparer des chapatis, aussi entra-t-il tout
naturellement dans la cuisine pour nous apprendre comment confectionner des
boulettes parfaites et ensuite, il cuisina lui-même les chapatis. L’ambiance était
extrêmement détendue, toujours joyeuse et complètement spontanée. Nous nous
réjouîmes tous de la bénédiction de pouvoir manger en sa compagnie, comme si
nous étions une seule et grande famille et il nous mettait à l’aise avec ses histoires et
son attention douce et affectueuse. J’appréciai les histoires de Prajnananandaji et de
Brahmanandaji qui, alors qu’ils étaient encore des brahmacharis, tentèrent d’avoir le
darshan de Sai Baba un jour d’anniversaire où la foule était dense et comment ils
durent se lever à deux heures du matin pour pouvoir entrer dans le Mandir, sans
compter leurs problèmes pour trouver de la nourriture sans ail, ni oignions, ni piments
et le jeûne forcé qui s’ensuivit. Je pouvais les imaginer assis sous l’arbre de la
méditation avec leurs dos parfaitement alignés et semblables à des arcs prêts à
décocher leurs flèches en direction du Seigneur.
Lorsque des fidèles exprimèrent leur souhait d’en savoir plus sur les origines du kriya
yoga, Swami Brahmanandaji expliqua ceci avec bienveillance : ‘’Voyez-vous, en
réalité, les origines remontent à l’aube de la conscience. L’histoire ancienne du kriya
yoga est fascinante. Ses origines déroutantes sont un mélange de mythologie,
d’histoire et de science. Même la Bhagavad Gita affirme que Dieu révéla d’abord ce
yoga à Vivasvat, le dieu du soleil, qui transmit cette connaissance à son fils, Manu,
qui la transmit à son tour à son fils, Ikshvaku, fondateur de la première dynastie des
rois de l’Inde. Ainsi, cette technique se transmettait oralement de père en fils, ce qui
métaphoriquement veut dire de guru à disciple. Dans la mythologie indienne, même
Rama et Krishna pratiquèrent et enseignèrent cette technique. Dans la Bhagavad
Gita, on peut trouver l’explication sur la manière dont cette technique se transmit via
une longue lignée de rishis, même si au fil des siècles, elle disparut et réapparut
plusieurs fois. Krishna l’enseigna en personne à Arjuna, réintroduisant ainsi l’ancien
yoga connu maintenant en tant que kriya yoga. Les saints et les sages de l’Inde
pratiquent et diffusent depuis longtemps la science du yoga. A l’époque moderne,
l’intemporel Mahavatar, Babaji Maharaj restaura ces enseignements en 1861 et
nomma la technique ‘’kriya yoga’’. En 1861, dans une grotte de montagne située
68
près de Ranikhet, dans les Himalayas, Babaji transmit toutes les instructions sacrées
à Lahiri Mahasaya qui reçut ensuite la mission de propager cette science sacrée. Un
de ses disciples s’appelait Swami Sri Yukteswarji qui eut aussi un ashram à Puri, le
Karar Ashram, où il initia Yogananda et Hariharananda, notre propre gurudev, et qui
tous deux reçurent comme instruction de Babaji Lui-même et de leur Maître de le
diffuser en Occident.
Un soir, après le cours de méditation, certains d’entre nous étaient curieux d’en
savoir plus sur la rencontre déroutante qui eut lieu entre Babaji et Lahiri Baba, aussi
Swamiji nous demanda de nous asseoir autour de lui et il nous raconta cette
fascinante histoire : ‘’Pour concrétiser son rêve de sauver l’humanité des griffes de
l’ignorance, en 1828, Babaji renvoya dans le monde un de ses disciples avancés.
Cet enfant fut nommé Shyama Charan (connu plus tard sous le nom de Lahiri
Mahasaya). Un matin, Babaji apparut dans sa forme grandiose et lumineuse à la
porte d’un temple et dit : ‘’Mère, je suis un sannyasin, vous n’avez rien à craindre.
Votre enfant n’est pas un enfant ordinaire. Je lui ai ordonné de montrer une voie très
simple d’autoréalisation aux chefs de famille, comme aux sannyasins. Il indiquera la
voie et il en guidera beaucoup sur le chemin de l’autoréalisation. Je serai comme une
ombre suivant sa forme, le protégeant et le guidant. Par l’intermédiaire de cet enfant,
mon rêve et ma résolution se concrétiseront et deviendront la réalité’’, et après avoir
prononcé ces paroles prophétiques, Babaji disparut.
Babaji avait prévu qu’en 1861, Lahiri Baba serait transféré et irait travailler à
Ranikhet, dans les Himalayas. Un jour, alors que Lahiri Baba suivait un sentier de
montagne peu fréquenté, Babaji se matérialisa devant lui et s’adressa à lui par son
nom et dit : ‘’Shyama Charan ! Pourquoi as-tu peur ? Je savais que tu viendrais par
ici. Je t’attends depuis des années et des années. Ce soir, quand tu auras fini de
travailler au bureau, viens me retrouver ici en ce même lieu.’’ Lahiri Baba était
décontenancé et incertain, mais comme le regard enchanteur et divin de Babaji avait
déjà transpercé son cœur, dès qu’il eut terminé son travail, il se précipita vers le
mystérieux rendez-vous. Lahiri Baba accélérait le pas sur les crêtes escarpées et
dangereuses de la montagne, lorsqu’il entendit de nouveau la voix de Babaji qui lui
dit à brûle-pourpoint : ‘’Approche, Shyama Charan !’’ Aussitôt que Lahiri Baba fut de
nouveau face à Babaji, son esprit et son cœur s’engourdirent. Le sadguru et le
disciple étaient enfin réunis après de très nombreuses années. Après quelques
secondes d’intense félicité silencieuse, Babaji conduisit Lahiri Baba dans une grotte
et lui demanda s’il reconnaissait l’endroit ou la peau de tigre et le bol d’eau qui se
trouvaient dans la grotte. Comme Lahiri Baba restait silencieux, Babaji lui toucha la
tête en disant : ‘’Pendant ta vie passée, tu as pratiqué la méditation dans cette grotte.
Après ta mort, j’ai conservé la peau de tigre et le bol d’eau. Je t’attends depuis 34
ans...’’ Au contact du Maitre, un courant électromagnétique divin circula dans le
corps de Lahiri Baba et le monde disparut de son esprit. Lentement, sa vie passée
d’ascète refit surface et il put reconnaître la relation éternelle et sacrée qui l’avait
69
toujours uni à Babaji Maharaj. Babaji dit alors à Lahiri Baba qu’avant qu’il ne puisse
l’initier au kriya yoga, il devrait se baigner dans la rivière toute proche pour purifier
son corps et son esprit. Babaji matérialisa également de l’huile et lui demanda de la
boire. Nageant dans la rivière, Lahiri Baba baignait dans l’extase divine grâce à la
bénédiction de la réunion avec Babaji. Cette nuit-là, vers minuit, un des disciples de
Babaji vint le chercher pour le conduire dans un magnifique palais brillant de mille
feux. Le disciple lui expliqua que dans une vie passée, il avait souhaité jouir du luxe
d’un palais doré et le mahayogi Babaji avait maintenant matérialisé ce palais afin de
consumer ce dernier désir. C’est l’une des leelas yoguiques les plus renommées de
Babaji. Lahiri Baba circula dans le luxueux palais complétement sidéré en admirant
les corridors incrustés de joyaux et les salles somptueusement décorées. Pour finir, il
arriva dans la salle principale où Babaji était assis sur un trône constellé de diamants
dans sa posture du lotus coutumière. Après que Lahiri Baba se soit incliné à ses
pieds, Babaji dit : ‘’Tous tes désirs terrestres sont à présent éteints. Je vais t’initier à
la science secrète du kriya yoga.’’ Grâce au contact de Babaji, Lahiri Baba s’ancra
dans la Conscience ultime.
Le palais disparut dans l’Essence qui l’avait créé, prouvant encore une fois le pouvoir
spirituel infini de Babaji. Lahiri Baba entra dans la strate la plus profonde de la
réalisation divine, dans l’état du nirvikalpa samadhi. Pendant sept jours, il demeura
constamment dans la Conscience divine. La réunion entre l’âme individuelle et l’Âme
suprême était scellée.’’
Swamiji demanda si nous désirions entendre d’autres histoires concernant Babaji et
bien sûr, nous y consentîmes tous.
‘’On m’a raconté qu’un fidèle américain avait déjà passé cinq ans à chercher Babaji
partout dans les Himalayas, parce qu’il voulait être son disciple, mais lorsqu’il arriva
enfin en présence de Babaji, Babaji le testa. L’étranger dut l’implorer à maintes
reprises pour qu’il l’accepte comme disciple, mais Babaji demeura silencieux et
l’ignora. Désespéré, l’Américain menaça de mourir pour Babaji si celui-ci refusait
d’être son guru. Babaji resta de marbre. Au supplice, l’Américain sauta de la falaise
et se fracassa sur les rochers en contrebas. Après quelque temps, Babaji demanda à
ses disciples de ramener son cadavre et après que celui-ci fut déposé à ses pieds,
Babaji le toucha et la vie retourna chez ce fidèle qui avait prouvé sa persévérance et
son vœu sérieux. L’Américain put jouir de l’expérience suprême d’être un disciple de
Babaji dans son ashram qui est protégé par un champ d’énergie contre les intrus,
quelque part au-delà de Badrinath. Babaji apparut aussi à Sri Yukteswar, à
Paramahansa Yogananda, à Hariharananda Baba et certainement à beaucoup
d’autres de ses disciples.’’
Etant donné qu’il y a dans le jardin des centaines de chipmunks qui courent en haut
et en bas de tous les cocotiers, Brahmanandaji demanda si nous savions que seuls
70
les chipmunks indiens possédaient trois bandes sur le dos et pourquoi. Puis, il nous
dit que même les chipmunks avaient aidé Rama, avec les singes, à ériger un pont
jusqu’au Sri Lanka où il devait se rendre pour sauver Sita. A la fin, reconnaissant,
Rama leur caressa le dos avec trois de Ses doigts et c’est depuis ce temps-là que
les chipmunks indiens possèdent ces trois rayures dorsales, ce qui n’est pas le cas
des autres chipmunks. Même maintenant, quand j’observe les chipmunks qui
bondissent prestement d’un arbre à l’autre ou qui se poursuivent l’un l’autre avec de
grands cris d’excitation, je souris de cette belle histoire en réalisant que tout dans ce
pays est imprégné de leelas divines.
Après neuf journées qui virent tant de fidèles de Sai Baba pratiquer le kriya yoga
après le darshan et les bhajans, Swamiji prit ses affaires et c’est avec gratitude et
amour que sept d’entre nous l’accompagnèrent jusqu’à la gare, puisqu’il se remettait
en route pour de nouveaux programmes d’initiation dans le nord. Nous le vîmes se
tenir debout près de la porte du wagon et nous faire gentiment signe jusqu’à ce que
le train disparaisse. Nous savions tous que le Seigneur de Puttaparthi nous avait
offert une grande bénédiction en permettant que ce programme d’initiation au kriya
yoga se tienne ici, à Ses pieds de lotus. Sur le chemin du retour depuis la gare,
toutes les mères chantaient des bhajans pour adoucir un peu le sentiment de vide
que le départ de Swami Brahmananda avait laissé dans nos cœurs.
Une fois de retour à la maison, je fis le tour du jardin en silence. Après tout le remueménage aimable de ces neuf derniers jours, je me replongeai dans ma tranquillité
paisible et j’oubliai toutes les petites tâches et les devoirs relatifs à l’organisation.
J’appréciai à nouveau ma solitude, baignant dans la douceur et l’amour de toutes les
bénédictions reçues pendant ces années. L’amour était tout ce qu’il y avait. Le
souvenir d’un enseignement de Prajnananandaji s’insinua lentement et mon cœur se
dilata dans un doux émerveillement :
‘’Les maîtres sont pareils à des bouteilles de vin : buvez le vin et puis jetez la
bouteille au loin !’’
71
ÈME
3
PARTIE
72
CHAPITRE 15 : CECI N’ÉTAIT PAS LA FIN…
‘’Jouez votre part dans cette comédie, mais ne vous identifiez pas à votre rôle !’’
Un matin, après avoir résidé exactement pendant neuf ans de manière permanente à
Puttaparthi, j’empruntais la route en face des écoles pour aller offrir quelques
bananes à Sai Gita, l’éléphante de Baba, quand un coup de tonnerre me cloua sur
place. Il n’y avait personne d’autre sur la route, quand je vis la voiture de Sai Baba
s’arrêter juste à côté de moi. La vitre de la portière arrière s’abaissa lentement et Sai
me dit simplement avec un éclat sérieux dans Ses yeux immenses remplis d’amour :
‘’Prépare-toi ! Ton temps à l’hôpital de Puttaparthi est terminé ! Les montagnes
t’apprendront le reste.’’ Puis la voiture démarra lentement, me laissant ahurie et dans
un brouillard de perplexité. Mes bananes me furent rapidement subtilisées par un
singe avisé qui avait remarqué ma distraction, alors que je restais bouche bée à
contempler le vide. Je m’appuyai contre le mur d’enceinte. La partie frontale de mon
cerveau était remplie de lumière et aucune pensée ne pouvait s’insinuer. Après avoir
retrouvé mes esprits, j’entendis la voix de Sai qui me dit : ‘’Veux-tu connaître un
secret ? Même le karma n’existe pas ! Tout n’est qu’un seul modèle interconnecté et
complexe que J’ai conçu. J’ai toujours été Celui qui te soufflait tes pensées et tes
désirs. Je suis Celui qui a écrit le script de cette comédie et aussi Celui qui la joue.
Tu n’as jamais été une auteure/actrice. Renonce à ce sentiment d’être une
auteure/actrice individuelle qui obscurcit ta parfaite aperception de la Vérité
omniprésente. Maintenant, Je vais te guider vers ce nouveau stade, tu ne devrais
pas même t’efforcer de voir où tu vas. C’est Moi qui dirige et qui tient les rênes de ton
char. Laisse tomber tout sentiment de peur, de péché et de culpabilité, puisque tu
n’as jamais été l’auteure/actrice.’’
Je n’arrivais pas à le croire. Les montagnes m’apprendront le reste ? Mais où ?
Les heures passèrent et je me voyais déjà en train d’errer toute seule comme un
ermite, d’un temple jusqu’aux pic himalayens, en guenilles, les cheveux en bataille et
me baignant dans les eaux glacées du Gange. Je pris une douche et je m’assis sous
ma véranda en observant de minuscules oiseaux qui aspiraient le nectar de fleur en
fleur, après avoir repéré quelles étaient les meilleures. Il est vrai que nous avons de
nombreux instructeurs, si nous observons attentivement la nature. Le petit oiseau
m’avait indiqué la bonne réponse que je cherchais, mais j’ignorais où aller. Devrais-je
encore rencontrer d’autres Maîtres ? Je jetai un regard circulaire au magnifique jardin
que j’avais réussi à faire pousser avec beaucoup d’amour, malgré les conditions
défavorables, aux deux chiens et à tout ce que j’avais construit pendant ces années.
La maison était les racines que j’avais de nouveau implantées pour m’accrocher au
champ d’énergie de Sai et on me demandait à présent de quitter la sécurité de mon
nid pour des régions inconnues. Ce qu’il y a de bizarre, c’est que pendant quelques
73
mois, un pont de corde qui reliait deux montagnes ne cessa d’apparaître devant l’œil
de mon esprit et que je voyais Prajnananandaji qui méditait sur la rive opposée du
Gange. Je rejetai cette vision et je ne lui accordai aucune importance.
Je m’efforçais de considérer les paroles de Sai comme ayant juste une portée
métaphorique. J’avais entendu Sai expliquer que les sommets himalayens étaient les
régions supérieures et plus fraîches de l’aperception et de la connaissance, qui sont
représentées par les zones situées au-dessus du chakra coronal. Je ne cessai de me
dire que je comprendrais plus tard et que je ferais mieux d’arrêter de me tracasser làdessus, puisqu’il était possible de parvenir à ces niveaux supérieurs même en
demeurant à Puttaparthi, puisque Sai était là.
Plutôt confuse, je me rendis aussi à Shirdi pour voir si, par hasard, le ‘’Vieil Homme’’
ne pourrait pas me donner subtilement le discernement et la clarté, mais Il devait être
complice du Sai de Puttaparthi et ne faire qu’un avec Lui dans ce mystérieux projet.
La vieille mosquée était remplie à craquer de visiteurs et de fidèles, mais il y régnait
un intense silence qui n’était interrompu que par quelques ‘’Jai ! Jai ! Jai ! Sairam !’’
enthousiastes. Une fois arrivée devant le samadhi de Shirdi Sai, je regardai,
subjuguée, la statue de marbre et pendant juste une fraction de seconde, je pus
sentir Son regard perçant et je me sentis réellement embarrassée, puisqu’Il semblait
me dire : ‘’Qu’est-ce que c’est que cette histoire de quitter Puttaparthi pour venir Me
voir dans la vieille Forme ?’’ Et donc, au bout de seulement deux jours, je refis mes
bagages et je pris le vol du retour, puis je restai calme et tranquille pendant des mois
en cessant totalement d’essayer de comprendre ce que l’avenir me réservait.
Les mois passèrent et j’avais presque oublié ce singulier ‘’car darshan’’ et les
instructions intrigantes d’après lesquelles mon temps à Puttaparthi était terminé.
J’avais tout remis en perspective et m’étais confirmée à moi-même et moi-même
rassurée sur le fait qu’il ne pouvait pas y avoir un autre endroit sur la Terre avec un
champ d’énergie aussi stimulant. Etre tout près de Sai était pour moi la plus grande
bénédiction et j’avais donc laissé tomber les instructions qui signifiaient devoir quitter
la Forme que j’aimais le plus et toutes les ‘’sécurités’’ que j’avais recréées, après
avoir quitté les racines de ma famille et de mon propre pays. Le renoncement total ne
s’était pas encore produit. Ceci semblait faire partie du processus d’apprentissage,
mais je pouvais le voir.
Neuf mois plus tard, en avril, je décidai soudainement d’éviter la vague de chaleur
insupportable habituelle qui rôtissait le sud et j’achetai un ticket pour Delhi et me
rendis à Rishikesh, puis dans les régions plus fraîches des Himalayas, sans même
penser aux paroles de Sai. Cela s’est simplement produit.
Tôt dans la matinée, je quittai Rishikesh en jeep. Le chauffeur me certifia que nous
arriverions en trois heures et entreprit de rouler plein gaz. Les Indiens ne sont pas de
74
mauvais conducteurs. En fait, j’étais très impressionnée par leurs réflexes, à la toute
dernière seconde, par rapport à tout risque de collision frontale, puisqu’ils roulent
comme s’ils possédaient la route et s’imposent en plein milieu de la route en ignorant
la ligne blanche. Puisque dans la réalité, les chauffeurs de taxi indiens sont de très
bons conducteurs, mais incroyablement téméraires, je me demande comment l’Inde
n’a pas encore produit de pilote de rallye de classe mondiale ! Dépasser dans des
virages sans aucune visibilité semble être leur sport favori et dépasser quelqu’un qui
dépasse déjà quelqu’un d’autre est sensationnellement normal. La règle de la
conduite à gauche est plus une règle pour s’assurer que lorsque vous êtes en
situation de collision frontale, les deux conducteurs se rabattent vers la gauche afin
de s’éviter. Mon chauffeur ne faisait pas exception. Comme ils sont dotés de
beaucoup de bon sens, tous les singes se hâtaient de regagner la sécurité de la
hauteur des cimes des arbres, dès qu’ils entendaient la voiture arriver, puis ils
regardaient pour voir si on ne leur avait pas lancé un peu de nourriture par la fenêtre.
Dans ce cas-là, seules les femelles descendaient vite avec leurs bébés qui
s’agrippaient solidement à la taille de leurs mères, sous leurs ventres. Les mâles
attendaient généralement en lieu sûr et puis, une fois que la voiture avait disparu et
qu’ils se sentaient en sécurité, ils pourchassaient les femelles courageuses et
affamées pour leur voler la nourriture qu’elles avaient gagnée. La route sur laquelle
nous foncions était pratiquement aussi encombrée qu’une autoroute occidentale,
mais les embouteillages étaient généralement dus à des centaines de buffles qui
montaient lentement et tranquillement vers des pâturages plus verts. Le chauffeur
utilisait constamment son klaxon en slalomant entre les buffles qui ignoraient
nonchalamment ce tintamarre et ne bougeaient pas d’un pouce.
En atteignant Uttarkashi, ce n’était pas comme si je contemplais quelque chose que
j’aurais normalement considéré comme une ville. Il s’agissait en fait d’un marché
sans aucune loi et bondé. Les rues étaient remplies de mules qui portaient des
briques et du ciment, tandis que les bus et les jeeps klaxonnaient frénétiquement et
manœuvraient pour se frayer un chemin entre des hordes de Népalais qui
transportaient toutes sortes de marchandises sur leurs dos. Des tas d’ordures situés
juste à côté de chaque échoppe où l’on vendait des légumes attiraient des vaches
qui n’auraient abandonné leurs places pour rien au monde et qui observaient
placidement le ‘’flux’’ du trafic. Uttarkashi est non seulement la dernière base pour les
sadhus avant Gangotri, mais aussi le dernier village où tous les touristes et les
alpinistes peuvent acheter des provisions avant d’atteindre le célèbre centre de
pèlerinage.
Cette fois, je fis halte à l’Ashram Sivananda, à Ganeshpur, où Swami Premanandaji
m’accueillit avec beaucoup d’amour et des petits enseignements très inspirants qui
m’allèrent droit au cœur, car ils étaient transmis avec une solide dose d’humour. Le
Sivananda Kutir de Ganeshpur est un nid d’amour chaleureux et Swamiji glousse en
observant tout ce qui se passe, comme étant la très amusante pièce de théâtre de
75
Dieu et il éclate souvent d’un rire tonitruant. Manifestement, son attitude à l’égard du
monde était si contagieuse que tous les résidents profitaient d’une retraite très
détendue et paisible. Il disait qu’il n’y avait aucune règle dans son ashram et que tout
ce qu’il voulait, c’est que nous profitions de Dieu sur les rives de Ganga Ma. La
maison d’hôte de l’ashram fut l’ermitage de Swami Chidanandaji et l’atmosphère était
inspirante et très propice à un passage spontané à la contemplation et à la
concentration naturelle sur la Réalité, toute la journée.
Un matin, je pris un taxi pour aller explorer les points de vue sur le Gange en
direction de Harsil, mais quelques kilomètres après Ganeshpur, il arriva que je
regarde par la fenêtre et après un virage, je remarquai un pont de corde qui
ressemblait précisément à celui que j’avais vu pendant des mois devant l’œil de mon
esprit pendant que j’étais encore à Puttaparthi. Je demandai au chauffeur d’arrêter
immédiatement la voiture et je descendis. L’air était frais, des oiseaux gazouillaient
sur un grand sapin tout proche et Ganga Ma coulait rapidement sous le pont de
corde. Sur la rive opposée, je remarquai des champs en terrasse qui surplombaient
directement le Gange avec une vue splendide sur les montagnes. Des
rhododendrons piquetaient de couleurs vives la forêt de pin et des milliers de fleurs
jaunes fusionnaient avec le violet rosé des bordures d’ericas. Le village le plus
proche était situé plus haut et des cabanes en bois aux toitures en ardoise formaient
un cadre parfait pour un pays de rêve. C’était tellement beau ! Sur la rive opposée du
Gange, il n’y avait ni trafic, ni bruit, ni pollution. Cette pensée me vint
immédiatement : ‘’Nous y sommes ! Demande pour voir s’il n’y a pas un terrain à
vendre.''
Comme par enchantement, un vieil homme apparut et je lui demandai s’il n’y avait
pas de terrain à vendre. Il répondit par l’affirmative. Ensuite, je me demandai quel
sens il y aurait à me réjouir toute seule de toute cette beauté et donc, le lendemain
même, j’envoyai un courriel à Prajnananandaji pour lui demander s’il aimerait avoir
un endroit près d’Uttarkashi comme ermitage. Je ne reçus pas tout de suite une
réponse positive, mais quelques jours plus tard, il accepta et il me prodigua toutes
les recommandations nécessaires concernant ce à quoi je devrais prêter attention :
les glissements de terrain, le danger de chutes de pierres et s’enquérir pour voir si
les courants n’érodaient pas le terrain. Le swami qui dirigeait le Sivananda Kutir vint
donner son aval et il prit aimablement contact avec les propriétaires en vérifiant que
tous les papiers étaient en ordre et que les vendeurs étaient les propriétaires réels,
car il peut toujours y avoir un risque en Inde. Endéans quelques semaines, tout était
réglé et le plan du bâtiment principal fut préparé.
Qui l’avait rêvé ? Je reçus rapidement une lettre de l’un des moines du kriya yoga qui
me disait que par l’entremise de ce ‘’moi’’ insignifiant, Dieu avait réalisé un des désirs
que lui et Prajnananandaji chérissaient le plus, ce qui me réjouit ! Le Plan divin s’était
concrétisé pour les moines, mais quel sens cela avait-il pour moi ? Prajnananandaji
76
me conseilla de rester dans les Himalayas et de méditer et donc, j’ajoutai son avis
aux instructions du car darshan, puis je signai un pré-accord de vente pour la maison
de Puttaparthi avant de déménager vers les hautes terres, remplie d’amour et
d’enthousiasme.
Pendant quelques mois, je vécus dans l’une des premières cabanes en bois que
nous avions construites pour superviser la construction du bâtiment principal, mais
comme j’avais découvert que d’énormes rats me sautaient dessus pendant la nuit –
et aussi pour vivre là-bas durant de plus longues périodes – je réalisai que je pourrais
avoir besoin de plus de confort à l’occidentale, comme une salle de bain en annexe
et donc, je décidai d’entreprendre carrément la construction d’un nouveau cottage.
Ce fut un peu à l’image de Milarepa…
En août, je me rendis à Uttarkashi pour superviser la construction du cottage et je fus
confrontée à toute une série de difficultés himalayennes, étant donné que tous les
matériaux devaient être acheminés par des mules depuis l’autre côté du Gange et
souvent depuis Rishikesh ou Dehradun, et les qualifications des ouvriers étaient
plutôt approximatives et je devais donc être toujours vigilante. Il me fallut tout
coordonner sans connaître un mot d’hindi en mimant comment ils devaient exécuter
les plans de l’architecte, puisque aucun des ouvriers ne savait les lire ni comment
placer une baignoire ou un robinet qu’ils n’avaient encore jamais vus auparavant !
Après avoir vérifié les coûts, je dus même me bagarrer avec les propriétaires de
mules locaux qui avaient doublé le prix du transport et être continuellement sur le
qui-vive...Une fois, je tentai de remplacer les mules locales par un groupe provenant
d’un autre village à un tarif beaucoup plus raisonnable, mais je fus alors le témoin
d’une bataille amusante sur le fameux pont de cordes au-dessus du Gange, toutes
les femmes des propriétaires de mules locaux s’étant précipitées depuis le village,
munies de toute une panoplie d’armes pour stopper les mules ennemies en les
effrayant afin qu’elles s’éparpillent dans la forêt environnante où elles se seraient
perdues en courant le risque d’être tuées par des animaux féroces, si nous n’allions
pas les récupérer avant que la nuit tombe et donc, nous dûmes aider à passer la
montagne au peigne fin pendant des heures pour les ramener au nouveau
propriétaire de mules intrusif. Apparemment, les propriétaires de mules
appartenaient à des familles brahmanes, comme la majorité des habitants de là-bas,
mais peut-être que tous les bons enseignements s’étaient égarés en raison d’une
grande pauvreté et d’un manque d’instructions appropriées sur le dharma.
Néanmoins, ils arboraient fièrement leur cordon orthodoxe et leur queue de cheval,
car le système des castes conserve une grande importance, avec toutes ses
incompréhensions et ses défauts. Ce qui me choqua clairement le plus, c’est que les
femmes étaient utilisées et exploitées comme de la main d’œuvre et j’éprouvais
toujours beaucoup de peine quand je les voyais surchargées d’aliments pour le bétail
77
pour lequel elles devaient gravir et descendre la montagne, courbées et ployant sous
leur poids.
Des vaches efflanquées et des chèvres rachitiques passaient régulièrement près de
l’ashram et je remarquai une fois qu’un gros chien de berger qui ressemblait fort à un
chow-chow croisé avec un labrador portait un collier métallique de 20 cm de large
avec des clous de 8 cm qui dépassaient de la base métallique et je me demandai
pourquoi il devait vaquer dans une armure aussi inconfortable. Les villageois locaux
expliquèrent qu’il y avait des tigres et des léopards qui rôdaient à la recherche de
nourriture et que ceux-ci descendaient jusqu’au village depuis l’épaisse forêt à la
recherche de chèvres, de chiens et de vaches. A l’époque, je dormais encore dans la
cabane avec la toilette à l’extérieur et tous les soirs, je répétais précautionneusement
mon mantra avant d’explorer avec ma lampe-torche si le chemin de la toilette était
sûr et puis je courais aussi vite que possible ! Lors d’une fin de soirée, en pleine
lumière et à quelques mètres seulement de notre ermitage, nous aperçûmes trois
félins énormes à la robe tachetée de jaune et de brun qui bondirent sur une vache.
Leurs pyjamas n’étaient certes pas rayés comme ceux des tigres, mais la pauvre
vache fut quand même dévorée en quelques heures à quelques mètres de notre
ashram... J’avais déjà été confrontée à des cobras, mais les tigres et les léopards me
parurent tout de même être un test un peu exagéré pour mesurer ma foi pour éviter
la peur ! Mais bon, c’était l’endroit où je devais être conformément au plan divin et je
dus donc l’accepter et le supporter.
Une fois que le nouveau cottage fut prêt, je pus jouir d’une longue période d’une
quiétude, d’un calme et d’un silence profonds. Je passai des heures à simplement
contempler le Gange, faire trempette dans ses eaux froides et écouter le grondement
de ses eaux qui se précipitaient tumultueusement. Ces rythmes me permettaient de
glisser naturellement dans des périodes de concentration et mon corps se mit à
vibrer tellement que je ne pus plus longtemps ignorer être de la simple énergie
concentrée et non ce réceptacle fabriqué à partir des cinq éléments qui constituent le
corps. Ce fut une période incroyablement belle et exaltante. Je travaillais quelques
heures dans le jardin et j’avais fréquemment des entretiens de quelques minutes
stimulants avec des moines avant de me retirer à l’intérieur dans une grande
sérénité. Mais lorsque je me mis à réellement penser que j’étais maintenant bien
installée, à tous points de vue, en croyant que le pire du chemin était passé, le
mental se révolta, il ne put plus supporter ce silence total. Initialement, pour le cajoler
et le contenter, comprenant qu’il avait besoin d’une certaine nourriture et qu’il ne
pouvait pas jeûner pendant trop longtemps, je me rendais pendant deux ou trois
jours à Rishikesh où il y avait des gens à voir et des bhajans et des cloches qui
tintaient dans une ambiance de fête moins austère, et puis je retournais à ma retraite
dans le silence du Hariharananda Tapovanam.
78
A l’ermitage, le téléphone ne marchait pas toujours, mais nous avions été informés
que Gurudev, Paramahamsa Hariharananda (Baba) n’allait pas bien et tous les
swamis étaient partis pour Miami. Prajnananandaji avait interrompu son programme,
à Londres, et il avait aussi rejoint son bien-aimé Gurudev. Deux semaines passèrent
et ce n’est que le 5 décembre que nous apprîmes qu’Hariharananda Baba avait
rendu son ultime soupir après avoir passé une semaine à l’hôpital, entouré de ses
moines et des mères de l’ashram.
Hariharananda Baba était l’un des plus grands Maîtres réalisés vivants du kriya yoga,
une légende pour les chercheurs spirituels. Il avait atteint le nirvikalpa samadhi, l’état
où il n’y a plus ni pulsation ni respiration, l’état de cessation de toutes les activités du
corps, du mental, de la pensée, de l’intellect et de l’ego, où il s’était fondu en Dieu et
absorbé en Dieu. Il avait voyagé partout dans le monde en laissant derrière lui un
sillage d’amour. C’était un grand chasseur d’ignorance, un Maître bien-aimé, un Père
compatissant pour tout un chacun. Tout comme le soleil éclatant ne peut pas
disparaître, sa lumière et son amour continueront sûrement d’éclairer tous ses fidèles
disciples et demeureront à jamais parmi nous dans nos cœurs. Quand bien même si
spirituellement, il était toujours avec nous, son amour, son sourire réconfortant et son
jeu divin manquèrent à tous lors de son mahasamadhi.
Je me souviens encore de l’une de ses paroles favorites : ‘’Nous mangeons la peau
de la banane, mais nous jetons la banane.’’ Cette parole de Gurudev me rappellera
toujours que je ne devrais jamais oublier que la meilleure chose dans la vie, c’est de
réaliser Dieu et de ne pas perdre mon temps à me préoccuper d’autres intérêts ou
d’autres activités.
J’arrivai à Puri juste à temps pour être présente, quand la sainte dépouille de
Gurudev arriva à l’aéroport de Bhubaneshwar avant d’être transportée au
Hariharananda Gurukulam, à Balighai. Le cercueil fut ouvert dans une petite hutte au
toit de chaume et le corps de Gurudev fut délicatement déposé sur un lit de pétales
de roses pour permettre à tous ses fidèles indiens d’avoir un dernier darshan. Treize
jours après son mahasamadhi, il n’y avait pas la moindre trace de décomposition.
Une fragrance d’amour divin emplissait la petite pièce où des milliers de personnes
vinrent s’incliner avec des larmes qui s’écoulaient librement le long de leurs joues. Je
n’avais jamais vu autant de saints ni de sadhus partager si sincèrement la peine
d’une perte aussi immense. Il fallait maintenir l’ordre et le silence dans la file qui
conduisait à la petite hutte, ce qui n’était pas possible en raison de la puissance des
sentiments. Quand je trouvai enfin le temps d’entrer pour m’incliner aux pieds de
Gurudev, je jetai un regard à Prajnananandaji qui avait l’air bouleversé, désespéré et
sur le point de s’écrouler à cause de son profond chagrin et de nombreuses nuits
sans sommeil. Je réalisai alors qu’il serait désormais Gurudev et que tout le poids
des responsabilités était retombé sur ses épaules.
79
Le 15 décembre, la dépouille sacrée de Gurudev fut transportée par tous les moines
qui s’étaient totalement rasé la tête jusqu’à l’endroit du samadhi qui avait été préparé
au milieu de la forêt. Il y avait une foule incroyable et l’atmosphère était partagée
entre la stupeur due à la perte et l’amour le plus profond. Tout le monde lui rendit un
dernier hommage devant le samadhi.
Quelques jours plus tard, je m’étais assise aux pieds de Prajnananandaji et nous
eûmes un bref entretien. Je ressentais une force différente, un pouvoir différent qui
émanait de lui. Je ne pus reconnaître la douceur coutumière et un sentiment
inhabituel de révérence imprégnait la hutte. Il était assis sur une chaise et me
regardait et je savais que j’avais perdu l’intimité que j’avais l’habitude de ressentir. Je
voulus dire quelque chose, mais je ne pus trouver les mots. Son regard n’était plus le
même.
En janvier 2003, Prajnananandaji arriva pour superviser le progrès de
l’aménagement initial de l’ashram. Malheureusement, je fus mal aiguillée par de
mauvaises informations et je descendis avec le moine responsable au Sivananda
Kutir pour l’accueillir à mi-chemin et nous n’aperçûmes pas sa voiture qui passa en
sens inverse. Quand il arriva à l’ashram avec un groupe, aucun repas n’était prêt et
l’endroit était quasiment désert. Au bout de quelques heures d’attente, je pris le
chemin du retour et je vins gaiement le saluer. Je fus choquée de voir un iceberg qui
me réprimanda avec une telle force que je crus être retombée en enfance et quand
j’entendis les mots, ‘’Pourquoi n’étais-tu pas ici ? Tu es stupide ! Retourne dans ta
hutte et restes-y ! Je t’appellerai si et quand je veux te parler !’’, quelque chose se
brisa en moi avec une douleur sourde et mon esprit voulut se rebeller, mais j’obéis
manifestement, tétanisée, avant de me retirer silencieusement dans ma hutte où je
me mis à pleurer. Personne ne vint m’appeler pour le dîner qui me passa sous le
nez. Je n’osai pas sortir sans y avoir été invitée. La nuit tomba et totalement confuse
et refroidie intérieurement et extérieurement, je tentai de trouver la paix avec
quelques heures de sommeil, mais cela ne fut pas possible. Un brahmachari m’avait
dit que les saints et les gurus nous supprimaient du karma par la réprimande, mais je
n’en croyais pas un mot et je me sentais blessée.
Mon mental n’arrêtait pas de penser que je venais juste de signer un contrat de
vente pour la maison de Puttaparthi et que je ne pouvais plus revenir en arrière. Que
faire ? Quel était ce piège que Sai m’avait tendu ? J’entendis frapper à la porte et
une voix qui dit ‘’Sairam !’’. Je jetai un coup d’œil à ma montre et vis qu’il était 3
heures. J’ouvris la porte et j’aperçus Prajnananandaji. Il portait un bonnet de laine
rouge enfoncé jusqu’aux yeux et ses joues étaient tout aussi rouges, car il faisait
– 5°. Avec un sourire enjôleur, il me dit : ‘’Je souffre de ne jamais dormir, j’étais allé
me promener et j’ai aperçu la lueur d’une bougie. Je sais que tu te sens blessée et
que tu as pleuré toute la nuit. Permets-moi entrer. Je voulais seulement réprimander
le moine, mais c’est toi qui es arrivée la première.’’ Toute ma douleur explosa et j’ai
80
bien peur de lui avoir dit ce que je pensais ne jamais pouvoir lui dire : ‘’Je ne t’aime
plus du tout ! Tu m’as fait pleurer et je pense que tout ici ressemble à un camp
militaire ! Tu as changé après le mahasamadhi de Gurudev. Je veux prendre mes
distances par rapport à toi !’’ Voyant ma situation pénible et mon état d’épuisement, il
se mit à glousser et il ouvrit la porte en ignorant ma fureur et il s’assit en riant. Je lui
montrai toutes les photos de Sai, des sept Maîtres du kriya yoga, d’Hariharananda et
la sienne (10 en tout) et je lui dis : ‘’Regarde où j’en suis arrivée ! Tant de gurus !
Trop de gurus ! A présent, je suis confuse !’’ Il écouta patiemment, me caressa la tête
et puis, à brûle-pourpoint, il ordonna : ‘’Fais taire ton mental !’’ Ce fut tout ce qu’il dit.
81
CHAPITRE 16 : L’ODYSSÉE CONTINUE
‘’Parmi les nombreuses personnes sérieuses et ô combien sérieuses que nous
pouvons voir lire, assister à des conférences, étudier et pratiquer des disciplines en
consacrant ainsi leurs énergies à l’accession à la Libération, par définition
inaccessible, combien ne s’efforcent-elle pas, via le concept de l’ego, qui est luimême le seul obstacle entre ce qu’elles pensent être et ce qu’elles veulent devenir,
mais qu’elles ont toujours été et qu’elles seront toujours !’’
Bientôt, le tumulte et le soulèvement de mon mental se réfléchirent, se répercutèrent
et se manifestèrent dans tous les aspects de ma vie, à la fois et simultanément dans
les questions matérielles et pratiques et dans une nouvelle crise spirituelle
interminable. Des jeux étranges concernant la vente de la maison et d’autres
problèmes surgirent qui étaient entièrement en dehors de mon contrôle et qui
m’apparurent pires qu’un tsunami. Initialement, je tombai dans le piège et je me
laissai manifestement engloutir dans l’un de ces revirements particuliers qui
surviennent à l’occasion de votre apprentissage, quand vous n’êtes pas encore
totalement ancré dans l’expérience de l’enseignement. J’avais perdu toute emprise
sur le mental qui comme un lièvre sauvage bondissait de-ci de-là et ma confusion
empira encore. Mes pensées étaient incontrôlables et généraient le chaos,
contrastant avec le silence total de l’atmosphère de l’ermitage, mais je ne pouvais
rien y faire et je dus endurer cette nouvelle et violente agression du mental dans une
acceptation tout à fait perplexe, puisque rien ne pouvait m’aider. Mes séances de
méditation se transformèrent en un cauchemar de pensées et aussitôt qu’une
pensée surgissait, le mental la catégorisait derechef comme négative ou positive.
L’ego réagissait en m’empoisonnant la vie, déclarant en fonction de son nouvel
acquis d’une attitude ‘’sainte’’ : ‘’Je veux des pensées positives ou aucune pensée !’’
C’était là le principal piège, l’investissement de l’ego dans un ensemble de concepts
profondément enracinés. Je m’efforçai âprement de me contenter de simplement
observer l’apparition des pensées en sachant qu’elles n’auraient aucune possibilité
de perdurer si je n’offrais pas au mental l’opportunité de les catégoriser en bonnes
ou mauvaises et donc, en restant dans un état paisible, impartial et neutre. Croyant
que l’enseignement ultime était le silence aconceptuel, a contrario, mon mental
ressemblait à un flot tumultueux de pensées qui généraient un vacarme infernal.
L’esprit pensant entraînait partout des réactions et ainsi, toutes sortes de différends
ressortirent en rapport avec mes relations ou avec l’environnement et il n’y avait de
paix nulle part. Je me lançai dans un programme intensif pour m’occuper l’esprit, ne
parvenant pas à garder la concentration. Je tentai de jardiner ou d’écrire et de
traduire toute la journée en sachant bien que si je concentrais mon esprit en
travaillant, ce qui est le grand ennemi du mental pensant, je pourrais annihiler ses
vagabondages. Si je suis prise par un travail, l’esprit pensant n’a aucune latitude
pour introduire d’autres pensées et pour moi, cet état d’esprit est aussi bon que la
82
concentration ou que la répétition d’un mantra. Je savais que c’était l’esprit pensant
qui produisait l’implication et que la seule solution, c’était d’utiliser l’esprit fonctionnel
comme un instrument pour couper le bruit des pensées, simplement en concentrant
l’esprit fonctionnel dans l’exécution de ses tâches. En gardant mon esprit totalement
concentré, j’éviterais toute conceptualisation, mon pire ennemi et ma plus mauvaise
habitude. J’avais toujours été encline à comparer et à juger les événements à partir
de mon point de vue et de mon conditionnement limité, aussi devais-je faire face à
cela une fois pour toutes. Néanmoins, plus je m’efforçai de garder mon esprit
concentré et tout s’opposait à mes efforts et de drôles de choses survenaient, de
sorte que je sois contrainte de ne pas pouvoir y arriver. Ainsi, il pleuvait tout le temps
et je ne pouvais pas jardiner et à cause de problèmes électriques, je dus changer
trois fois d’ordinateurs qui furent tous bousillés et donc, je ne pus travailler sur aucun
livre et je demeurai là, à regarder dans le vide avec mon mental qui pavoisait :
‘’Hourra ! J’ai remporté la bataille !’’ Aucune technique ne m’aidait. Le mental avait
toute latitude. J’entrepris d’étudier les Ecritures et plus j’étudiais et je savais que le
mental était inerte, mais paraissait vivant parce qu’il était imprégné de Conscience
atmique, et plus des pensées colériques surgissaient. Un désastre !
Je savais que si les désirs disparaissaient, le mental serait anéanti et que si on est le
témoin des désirs et de chaque pensée à la surface de l’esprit sans les inviter, ni les
éviter, l’esprit qui conceptualise se calme tranquillement dans le silence. Des
semaines durant, je fus témoin d’une succession interminable de réactions, de
préférences et de toutes sortes de désirs qui germaient dans l’esprit. En restant
témoin sans m’impliquer avec chaque nouveau désir qui germait dans l’esprit,
l’écoulement des pensées et des désirs qui s’y rapportent aurait dû se tarir, mais le
résultat fut exactement l’inverse. Le principal obscurcissement était : ‘’Pourquoi Sai
m’a-t-il dit être Celui qui souffle chaque pensée et chaque désir ? Alors, Il n’aidait pas
vraiment ! Où se situait ma responsabilité ? Y avait-t-il quelque chose que je puisse
faire pour accélérer mon progrès ou pas ?’’ Dans cet état manifeste de confusion,
mon corps entreprit lui aussi sa révolution et je fus bloquée par une arthrite et une
spondylite très douloureuses. J’avais d’énormes difficultés à pratiquer les mudras qui
font partie de la technique et je me sentais coupable. Le péché et la culpabilité sont
de formidables ennemis, mais c’était le conditionnement dont j’avais hérité via mon
éducation catholique et beaucoup d’enseignements nouveaux reçus en Inde, aussi
j’entrepris d’analyser plus en profondeur les paroles de Sai. Qui est l’auteur/acteur ?
Quelle est mon action, si tout cela est Dieu ? Dieu me vit-II ? Suis-je un ordinateur,
avec des entrées et des sorties ? La réponse paraissait être que puisque tout est
Dieu, Il était simplement le Rêveur de ce rêve et que je n’étais qu’un simple rêve.
C’était difficile à accepter, mais c’est ce qui transparut et je dus opérer un virage à
180° an niveau de toute mon attitude.
J’avais griffonné dans mon carnet de notes ce que les sages disent à propos des
divers états d’esprit :
83
-
-
L’esprit semblable au coton égrené, prêt à recevoir l’étincelle de la sagesse,
jnana, et à renoncer sur le champ même brûle des siècles de faiblesses et de
préjugés.
L’esprit qui, comme du bois sec, y parvient après quelque temps.
L’esprit qui, comme une bûche toute verte, résiste à l’assaut du feu de la
sagesse, de toute sa force.
Il me fallut admettre et reconnaître que mon esprit était comme une bûche toute verte
et humide…mais le dieu soleil sècherait la bûche précisément et conformément au
timing de Dieu et à Sa volonté et pas une minute avant ou après ! Je ne pouvais pas
forcer les événements.
Deux années passèrent dans l’agitation, où je me déplaçai dans toute l’Inde depuis
les Himalayas jusqu’en Orissa et puis dans le sud à Bangalore ou à Puttaparthi, mais
je me sentais toujours déracinée et pas à ma place. Je retournais fréquemment à
Uttarkashi pour des périodes de silence et de contemplation. Parfois, c’était facile et
parfois plus ardu, mais je persistai dans ma sadhana hésitante et j’entrepris
d’accorder de plus en plus d’espace à l’auto-investigation plutôt que de lire ou de
regarder par la fenêtre. Pendant une période à l’Hariharananda Tapovanam Ashram,
un matin, je me rendis à l’e-mail shop, où je croisai un étrange Chinois à la chevelure
blanche qui flottait et à la barbe qui atteignait sa poitrine, et qui me dit qu’il revenait
tout juste de Gangotri où il avait eu la joie de suivre les enseignements
particulièrement éclairants transmis par un avadhuta qui passait les mois d’été en
altitude dans un petit ashram. Il souligna aussi que ce petit ashram était devenu un
Shangri-La personnel, puisque ces enseignements récapitulaient le Tao et le
Védanta.
Je me sentis poussée à m’y rendre et ne rencontrai aucun obstacle pour organiser
l’excursion.
La route qui monte entre Uttarkashi et Gangotri est un pur bonheur visuel avec des
tournants et des virages serrés. Parfois, la route surplombe largement les vallées
pour redescendre ensuite au niveau de la rivière Bhagirathi. A Harsil, la rivière ouvre
et découpe soudainement une large voie avec des plages de sable blanc de chaque
côté. La vallée est entourée par des cimes enneigées majestueuses et dans le ciel
d’un bleu azur profond, quelques nuages rose pâle jouent à cache-cache avec elles.
Quel plaisir de respirer dans un silence total !
A Harsil, les Himalayas rocailleux se transforment pratiquement en une Suisse
miniature, avec tous les pommiers et les cerisiers en fleurs, de jolis chalets en bois
aux géraniums rouges en pleine floraison et des pins et des sapins immenses qui
bruissent en murmurant le son Om, se faisant l’écho de Ganga et réverbérant
l’expérience spirituelle de la grande chaîne himalayenne dans toute sa gloire avec
84
ses rivières magnifiques, ses ruisseaux glougloutant, ses sources chaudes, ses
cascades, ses forêts enchanteresses, ses cimes qui semblent toucher le ciel, ses
vertes prairies et ses glaciers traîtres – le grand œuvre de Dieu dans toute sa
splendeur. Une légende perdure dans les villages de montagne selon laquelle, les
nuits de pleine lune, le spectre tourmenté de Raja Wilson parcourt régulièrement les
chemins rocailleux sur son cheval arabe demi-sang gris et que Ganga se lamente,
par sympathie, en entendant les claquements des sabots qui s’éloignent près du
bungalow en ruines qui fut autrefois sa résidence heureuse. Raja Wilson, comme on
l’appelait, s’installa avec une jeune fille locale garwalie dans une splendide demeure
et le mystère enveloppe encore l’histoire et les origines de ce Britannique qui se
réfugia dans le Garhwal Himalaya, à Harsil, après avoir quitté l’armée britannique, en
disgrâce. En plus d’avoir introduit les pommiers et les cerisiers dans cette partie de
l’Himalaya, il érigea un pont suspendu au-dessus du Jadh Ganga dans les gorges de
Bhairon Ghati toutes proches. Lorsque celui-ci fut terminé, les gens du coin
craignaient de s’aventurer dessus, aussi Raja Wilson grimpa-t-il sur son cheval arabe
pour galoper sur toute la longueur du pont à plusieurs reprises afin de montrer qu’il
était sûr.
Après le passage de la rivière Jadh Ganga, la route serpente jusqu’à Gangotri à plus
de 3000 mètres d’altitude. Quand la couleur des rochers du Gange perd ses tons
rouilles habituels pour devenir blanche, l’eau courante est transparente ou vert pâle.
Environ 19 km plus loin, à Gaumukh, se trouve la source de la rivière Bhagirathi qui
devient finalement le Gange et plus haut dans la montagne, il y a le fameux chemin
escarpé qui va jusqu’à Tapovan et qui continue jusqu’à Badrinath. Les portes du
temple consacré à Ganga ferment chaque année le jour de Diwali et rouvrent en mai.
Pendant ce temps-là, l’idole de la déesse demeure dans le village de Mukbha, près
d’Harsil. Du mois de mai jusqu’au mois d’octobre, Gangotri est un monde à part
entière. Il y avait encore peu de visiteurs à Gangotri, car il faisait froid. C’était le
début du mois de mai et la saison des pèlerinages venait juste de commencer, mais
quelques chercheurs, en compagnie des renonçants, moines et sadhus habituels
paraissaient avoir eu là un rendez-vous important. Les couleurs vives des renonçants
font que le petit hameau ressemble à un champ rempli de coquelicots. Les touristes
indiens y flânent pendant quelques heures, puis disparaissent le même jour ou bien
ils se rendent à pied jusqu’à Gaumukh pour y vénérer la source sacrée du Gange.
La nuit précédant mon arrivée, une avalanche avait respectueusement et
dévotionnellement stoppé quelques mètres devant le temple de Gangotri qui est l’un
des quatre centres de pèlerinage himalayens les plus réputés et les plus sacrés
après Kedarnath, Badrinath et Yamunotri. En revenant du temple principal, je fis
halte pour boire une tasse de thé chaud et je me réjouis que le mugissement du
Gange qui s’écoulait sous l’échoppe de chai en bois obligeât les deux seuls visiteurs
à élever la voix, car je pus clairement entendre une conversation intéressante entre
un brahmachari et un vieux moine. Le vieux moine expliquait dans un anglais tout à
85
fait remarquable et avec un léger accent français : ‘’Le terme ‘’Conscience’’ donne
l’impression qu’il y a deux états distincts. Il n’y a pas deux, mais bien un seul état,
puisqu’il n’y a pas deux types de conscience différents. Tout est énergie et il n’existe
rien d’autre hormis la même énergie. Tout arrive, simplement. ‘’Tu’’ ne peux ni
penser, ni parler, ni faire quoi que ce soit ! C’est la Conscience qui fait cela et
néanmoins, simultanément, c’est la Conscience qui te confond en te faisant croire
que ‘’tu’’ peux penser ou agir.’’
Ils étaient assis à un coin de table et lorsque nos regards se croisèrent, nous
échangeâmes un sourire et nos mains se joignirent doucement devant nos cœurs en
signe de reconnaissance respectueuse de la divinité de l’autre. Le brahmachari était
un jeune garçon d’une vingtaine d’années qui était vêtu de coton jaune pâle. Il était
assis bien droit et il écoutait avec une attention totale, rivé par les explications. Dans
son regard brillait la perplexité et finalement, il lâcha et commenta : ‘’Je suis certain
de posséder du discernement et je pratiquerai jusqu’à ce que j’obtienne la réalisation
du Soi. Mon maître m’a demandé de rester ici pendant six mois pour y pratiquer des
austérités et Dieu me récompensera de mes efforts en m’accordant l’Illumination.’’ Le
vieux moine réajusta son châle de laine ocre autour de ses épaules et s’esclaffa en
disant : ‘’Obtenir quoi ? Il n’y a absolument rien à obtenir et il n’y a rien que ‘’tu’’
puisses faire. Même la Réalité est un concept. Montre-moi la Réalité, si tu peux ! Tu
es confondu, mon cher garçon. Il n’y a réellement personne qui se soucie que ‘’ton’
Illumination se produise ou non, même ton ego n’existe pas ! Tu peux réfléchir à
cette Vérité ultime durant toute ta vie. En réalité, il n’y a rien que ‘’tu’’ puisses faire et
rien que ‘’tu’’ puisses obtenir ou atteindre, puisque tu L’es déjà ! Tout est Dieu et il n’y
a rien d’autre que Dieu. Alors, pourquoi te tracasser avec ‘’tes’’ efforts ? Même
l’Illumination est un concept et par-dessus-tout, il s’agit d’une occurrence qui survient
par la Volonté de Dieu.’’ Il rit de plus belle et il ajouta : ‘’Même Dieu est un concept.
Tu as projeté comme Dieu quelque chose qui n’existe pas. Ramana Maharshi disait –
‘’Rien n’est arrivé. Il n’y a pas eu de création.’’ – Alors, tout ce qu’il nous reste, c’est
le silence. Pas de mental, puisque même la substance du mental est Dieu et toute
pensée est soufflée par Dieu. Tous les événements arrivent et toutes les actions
prennent place, mais il n’y a pas d’auteur/acteur individuel, rien qu’un destin qui est
le résultat de la Loi cosmique qui n’est rien d’autre que Dieu ou la Source. Il est
vraiment parfaitement inutile de continuer à conceptualiser. La seule chose que tu
peux faire, c’est procéder à une enquête personnelle concernant qui est l’auteur et tu
parviendras certainement à la compréhension que toute action a été un épisode dû à
quelque chose que tu avais vu, entendu ou senti. L’autoanalyse est la voie. Dans la
tranquillité et le silence, toutes les réponses te seront données de l’intérieur. C’est
tout ce qu’il faut savoir et tout le reste est un concept. Qu’en est-il si de simples
ampoules pensaient générer de la lumière sans réaliser que sans le courant
électrique, elles ne pourraient rien faire du tout ? Sous le soleil, tu peux distinguer ton
ombre. Elle est réelle dans la mesure où tu peux la voir, mais c’est une illusion,
puisqu’elle ne possède aucune existence indépendante. Le corps est une illusion
86
primaire et l’ombre, une illusion secondaire. Tout ceci est l’illusion globale de la
grande Leela et la Leela – le Jeu de Dieu – est le piège le plus ingénieux et le plus
astucieux que nous devons démanteler, puisque la Leela est également une
illusion.’’
Le vieux moine se leva et laissa le brahmachari ruminer ses paroles, dans un état
second, puis celui-ci ferma les yeux et demeura absorbé dans son néant. J’étais
restée silencieusement assise et la clarté du moine avait touché mon cœur. Il n’était
que 18 heures et l’échoppe allait fermer puisqu’il n’y avait pas de clients et je
percevais tout l’embarras du tenancier par rapport à la mesure à prendre, puisque le
brahmachari semblait se trouver dans son monde à part. A ce moment-là, le moine
réapparut brusquement et frappa dans ses mains en faisant un grand bruit, le
brahmachari ouvrit les yeux, éberlué, et le moine lui dit : ‘’Tu vois que tu t’es éveillé !
En ce moment même, tu es dans le présent ! Je vais te donner un koan zen : si
quelqu’un plaçait un oison dans une bouteille et le nourrissait jusqu’à ce qu’il atteigne
la taille adulte, comment l’homme pourrait-il faire sortir l’oie sans la tuer, ni casser la
bouteille ? Un koan est insoluble, tu peux simplement le dissoudre. Similairement, tu
dois dissoudre ton mental qui est truffé de concepts ! Le maître doit trouver le truc
pour t’éveiller, anéantir l’ego, le pourchasser, lui flanquer une correction, le moucher,
le remettre à sa place, lui dire de décamper et d’aller se jeter dans le Gange ! C’est
très fun, sans aucun doute, mais où est l’ego ? Ne dois-tu pas d’abord le
trouver ? Ne dit-on pas qu’il faut d’abord avoir attrapé l’ours avant de vouloir vendre
sa peau ? Le grand hic ici, c’est qu’il n’existe pas !’’
Le jeune brahmachari était estomaqué et stupéfait. Il avait l’air si perdu que j’avais
presque envie de le serrer dans mes bras pour le cajoler et le réconforter comme un
bébé. On aurait dit que sa personnalité s’était totalement effondrée. Son désarroi
avait été parfaitement ordonné et je sentis qu’il se réjouirait rapidement du
tremblement de terre qu’avait provoqué le vieux moine suivant un timing divin et
parfait.
87
CHAPITRE 17 : L’AVADHUTA
Les Maîtres du Tao donnaient comme instruction à leurs disciples de tuer le
Bouddha, s’ils devaient le rencontrer.
Seule la Réalité existe – et c’est Cela que nous sommes. Tout le reste n’est qu’un
rêve, un rêve de l’Esprit unique qui est notre esprit, sans le ‘’nôtre’’.
Le seul et unique vrai service que nous pouvons bien rendre à ce que nous
percevons et interprétons dans l’existence phénoménale comme étant ‘’les autres’’,
c’est de nous éveiller nous-mêmes à la Conscience universelle.
Je logeais dans le petit ashram que le Chinois avait appelé son Shangri-la et je fus
assez étonnée de constater que le vieux moine séjournait au même endroit. Le
lendemain, nous nous trouvions dans le jardin juste avant le repas de midi et il me
reconnut comme l’auditrice silencieuse de son long exposé adressé au brahmachari.
Il m’informa en quelques mots que l’avadhuta donnait généralement ses exposés
chaque jour à 17 heures. L’ashram était petit, mais bien entretenu. Le rose gai et
plaisant des murs venait juste de remplacer la chaux blanche d’origine, ternie. Nous
étions assis dans une pièce étroite rectangulaire qui faisait fonction de salle à
manger, de living et de salle de prière. Le swami responsable était gentil et aimable
et même s’il gardait le silence, nous parvînmes quand même à nous comprendre
avec des regards et des sourires ou quelques mots griffonnés sur un petit tableau
noir. C’était une bulle de sérénité. On pouvait ressentir une telle paix auprès de lui,
une profonde douceur dans le cœur que l’on peut difficilement décrire en trois mots :
simplicité, contentement et complétude. Il incarnait une vie d’humilité et de
modération et à l’âge de 78 ans, il exemplifiait un modèle de vie pure, simple et
honnête avec une patience infinie, un renoncement et un contentement total.
Ramanandaji, le jeune brahmachari vêtu de jaune que j’avais pu observer dans
l’échoppe de thé séjournait lui aussi dans le petit ashram et il me dit qu’il avait eu
beaucoup de difficultés à trouver son guru actuel, car dans tous les maîtres qu’il avait
rencontrés, il avait détecté des incohérences dans leur conduite, leur honnêteté ou
leur intégrité. Cependant, tous les sages qu’il avait rencontrés avaient certainement
servi d’étapes à son progrès spirituel et il pensait maintenant être arrivé en mains
sûres avec Sri Sri Ravi Shankar. A présent, après son long entretien avec le vieux
swami du Kerala, il pensait avoir découvert des concepts parfaitement adaptés et il
songeait tristement à abandonner son mentor et guide actuel. Il sentait que sa
conversation avec le vieux moine ne pouvait pas être une coïncidence. Ramanandaji
croyait sincèrement qu’il s’agissait de circonstances provoquées par Dieu pour
augmenter son discernement et pour approfondir sa compréhension. Le lendemain
matin, je vis de la tristesse dans le regard du garçon, alors qu’il s’entretenait à
nouveau avec le vieux moine du Kerala et qu’il faisait allusion à la conséquence
88
inévitable de devoir prendre ses distances par rapport à son précédent maître. Le
vieux moine le rassura : ‘’Il n’y a pas de lien éternel, ni de loyauté à l’égard d’un
maître, tous étant simplement conceptuellement distincts.’’ Ramanandaji lui demanda
pourquoi il en souffrait et quelle était la part de lui qui souffrait. La réponse fusa sous
la forme d’une confidence suivie d’un rire tonitruant. ‘’Tu me demandes qui souffre ?
Eh bien, mon garçon, le tristement célèbre et notoire ego !’’ Ramanandaji sourit et se
détendit. Son visage était clairement soulagé et il exsudait de ses pores une énergie
de bien-être.
Atmanandaji, une personnalité paternelle insaisissable qui semblait avoir de très
bonnes bases était un autre pensionnaire de l’ashram. C’était un commentateur des
enseignements de l’advaita vedanta de Shankaracharya qui consacrait tout son
temps aux vérités scripturaires et à la possibilité de leur application pratique. Ses
connaissances débordantes en matière d’advaita vedanta étaient comme des
ondées rafraîchissantes qui apaisaient toute investigation de l’esprit. Une fois, il me
dit ainsi qu’à Ramanandaji : ‘’La sagesse est une transparence, une vision dégagée.
La sagesse n’est pas obscurcie par des pensées. Les pensées sont comme de la
poussière sur le miroir de votre esprit. La poussière a tendance à continuellement
s’accumuler, même sur le miroir d’une salle de bain, jour et nuit, aussi faut-il le
nettoyer très souvent. De même, il faut encore être plus vigilant en ce qui concerne la
capacité interne de réflexion. Il faut mourir au passé et renaître et donc,
continuellement purifier l’esprit. La fonction d’un Maître, c’est de défaire ce que la
société vous a fait et d’aider à provoquer toutes les tendances ou samskaras bien
ancrés. Concepts et théories doivent s’effacer. On doit devenir quelqu’un d’ordinaire,
sans prétention, sans concepts. C’est ainsi que la sagesse s’épanouit et que l’on
peut vivre dans le moment présent.’’
Ramanandaji lui dit qu’il avait peur de perdre le contrôle pendant la méditation, aussi
eut-il l’amabilité de clarifier : ‘’Le samadhi n’est pas un état dysfonctionnel dans
lequel on perd ses facultés. Bien au contraire, c’est s’établir dans la Conscience
supérieure, ce qui met la personne en phase avec la réalité à l’entour. L’équilibre
mental est une nécessité fondamentale pour atteindre le samadhi. Comme un
pendule au repos, le mental cessera d’osciller entre les extrêmes. Il ne s’agit ni d’une
perte de conscience temporaire, ni d’une augmentation provisoire de la conscience.
Le samadhi ne dénote certainement pas un état de conscience modifié généré par
l’hystérie. On peut reconnaître l’état de samadhi par l’effet qu’il a sur la personne et
l’attitude qu’elle a vis-à-vis d’elle-même et à l’égard des autres. Le samadhi combine
l’équanimité (sama) et l’intelligence (dhi). Par intelligence, on entend la
reconnaissance et la compréhension essentielle de l’égalité de chaque être. Non
seulement tous les sentiments de peur disparaissent, mais même des notions, telles
que la chaleur et le froid, la tristesse et la joie et le bon et le mauvais deviennent
vides de sens. Le samadhi est un terme fréquemment mal compris et librement
détourné. Toutes sortes de flambées émotionnelles, de crises d’hystérie ou de crises
89
de nerf sont souvent louées, exaltées comme tel. La signification réelle du samadhi,
c’est un intellect imperturbable et équilibré.’’
Soudain, le son de plusieurs conques brisa le silence en saluant le moment de la
rencontre avec le saint qui était honoré comme un avadhuta. Un personnage
paisible, imposant, aux incroyables yeux bleus, à la peau pâle et aux cheveux blancs
pénétra dans la petite salle de conférence en rayonnant sa joie et sa paix. Une
vingtaine de personnes étaient présentes. Tout le toutim habituel autour d’une
personnalité éclairée et renommée ne diminua pas l’impact submergeant d’une
puissante bombe d’amour et la joie de la paix. Après avoir fait la file pendant
quelques minutes, je fus en mesure de m’incliner devant lui et au moment de me
relever et de retourner à ma place, son regard devint perçant durant une fraction de
seconde et je l’entendis dire : ‘’Oh, vous êtes ici ! Je vous verrai et je m’entretiendrai
avec vous demain.’’ Je me retournai pour voir à qui il parlait et je vis que tout le
monde riait. Manifestement, pas de présentation normale avec échange de
patronymes ni de ‘’comment allez-vous ?’’ ! Juste une communion silencieuse de
regard à regard. Puis, dans un mouvement fluide, une autre personne s’inclina et
j’allai m’asseoir en essayant de m’appuyer contre un mur pour éviter la douleur.
Le saint jeta un regard circulaire et silencieux autour de la pièce pendant un petit
moment et puis il dit : ‘’Ce soir, il n’y aura que quelques brefs commentaires à noter
et à ruminer, puisque je viens de recevoir la bonne nouvelle qu’un bon ami à moi
arrivait de Trivandrum et si vous voulez bien m’excuser, j’aimerais passer quelques
heures en sa compagnie. Mais jusqu’à demain, ruminer ces quelques concepts
pourra vous aider à me soumettre d’autres questions intéressantes demain.’’ Il se
leva et il écrivit sur le tableau quelques phrases avant de sortir en silence tout en
s’assurant que nous prenions tous et toutes note des enseignements qu’il avait écrits
sur le tableau :



Ne sommes-nous pas comme ces guêpes qui passent toute la journée à
tenter infructueusement de traverser une baie vitrée, alors qu’une autre partie
de la baie vitrée est grande ouverte ?
Combien de disciplines, d’exercices, de pratiques recommandées comme
utiles, voire même nécessaires pour parvenir au satori ne sont-ils pas des
conséquences de cet état, erronément suggérées comme des moyens, en
réalité ?
Il semble y avoir deux types de chercheurs : ceux qui tentent de faire de leur
ego autre chose que ce qu’il est, c’est-à-dire quelque chose de saint,
d’heureux, de désintéressé (comme s’il pouvait y avoir un ego désintéressé !)
et ceux qui comprennent que toutes ces tentatives ne sont que des
gesticulations et du théâtre ou du cinéma et qu’il n’y a qu’une seule chose à
faire, c’est-à-dire, se désidentifier de leur ego en réalisant son irréalité et en
prenant conscience de leur identité éternelle avec l’Être pur.
90


Nous ne sommes pas nous-mêmes une partie illusoire de la Réalité ; nous
sommes plutôt la Réalité Elle-même illusoirement conçue.
Nous ne possédons pas d’ego ; nous sommes possédés par l’idée d’un ego.
L’enseignement semblait avoir capté nos questions sans que les questions n’aient
été posées. Les réponses devaient être ruminées et digérées. J’avais l’impression
qu’il reflétait notre confusion et qu’il nous fournissait des indications pour un meilleur
satsang, le lendemain. Je sortis dans le soir un peu frisquet en oubliant même de
mettre mes chaussures. Mon esprit était ébloui et silencieux. Je flânai dans les
alentours pendant un moment, songeant aux années passées à Puttaparthi et à la
profondeur croissante de chaque nouvelle rencontre, avec Sai qui me faisait
parcourir l’Inde, toute seule, construire et défaire, jusqu’à la crise, avant de me
pousser jusqu’à Gangotri avec cette rencontre étrange et inattendue. Je dus
admettre que je n’avais jamais rien choisi ni décidé et que tout était arrivé au bon
moment. Oui, c’est vrai – je m’étais retrouvée dans certaines circonstances, j’avais
appris certaines données et des actions s’étaient produites ; des joies et des peines
allaient, venaient naturellement dans ma vie quotidienne et je n’avais jamais aucun
contrôle sur rien. J’avais appris à complètement lâcher prise et à laisser la
responsabilité à Dieu sans résister mentalement, mais dans quelle mesure avais-je
totalement et incontestablement accepté ? Chaque fois que l’ego, que des plans ou
que le sentiment d’être l’auteure relevaient la tête, parce qu’ils n’avaient pas été
complètement déracinés, alors c’était le désastre total. Je pensai avoir commis des
erreurs, mais réalisai qu’aucune erreur n’aurait pu se produire et que tout devait être
comme cela arrivait dans ce rôle que ‘’je’’ ne récitais même pas. Je devais
certainement encore réviser et réfléchir par rapport à de nombreux aspects de ma
recherche, mais les événements et les enseignements gagnaient en profondeur, ce
qui m’apporta un grand calme. Tout me signalait la nécessité d’augmenter mon
attention à l’égard de subtilités qui ne cessaient de signaler et de souligner
l’importance de m’engager dans une investigation toujours plus profonde pour
accéder à des domaines toujours plus vastes de vérité et de réalité.
L’idée, c’était de vivre dans l’instant présent en acceptant tout comme étant le jeu de
Dieu, en faisant face à tout ce qui était encore en réserve en termes de nœuds
karmiques ou de mauvaises pensées, avec détachement, sans m’impliquer. La
technique semblait être une unique auto-investigation permanente en me demandant
qui me donnait des pensées, qui était le moteur de toute action ou de tout projet ?
Avais-je jamais été l’auteure/actrice ? Les hindous qui ont toujours cru à la
prédestination étaient certainement favorisés par le cadre de leur conditionnement,
mais pour une Occidentale élevée en tant qu’auteure/actrice, il était plus complexe
de démanteler et de reconditionner l’esprit. Chaque fois que j’étais distraite de mon
auto-investigation, le mental pensant reprenait les rênes et cette implication me
faisait souffrir davantage encore. Les enseignements rencontrés en chemin servirent
à préparer un type de lâcher-prise plus profond par rapport au projet
91
personnellement conçu d’ ‘’atteindre’’ l’Illumination, puisqu’on m’avait enseigné à voir
Dieu manger, voir et parler, mais j’éprouvais maintenant le besoin et l’ardent désir
d’aller de plus en plus en profondeur. Je n’avais plus d’attentes et j’appréciais être
dans une compagnie aussi stimulante à Gangotri. Ganga était l’épicentre de toute
notre attention pendant la journée et je savais intuitivement que la présence de ce
grand saint et que son établissement dans la vérité pourraient m’aider à aller plus
loin dans la découverte du Soi. Je savais que j’étais née seule, que je mourrais seule
et que personne ne pourrait y parvenir à ma place, mais un indice, une indication, un
coup de pouce, une tape amicale ou une étincelle de vérité surviennent toujours au
bon moment et en y réfléchissant bien, de telles rencontres m’ont toujours aidée à
éviter la stagnation entre deux niveaux de compréhension. Chaque pas me
rapprochait de plus en plus de la redécouverte de la Vérité que nous sommes.
Toutes les étapes étaient nécessaires et aucune erreur n’était jamais commise.
Le lendemain à 17 heures, Atmanandaji fut envoyé pour venir me chercher. Nous
nous rendîmes dans une pièce où l’avadhuta était assis avec le petit groupe. Je
joignis les mains en accomplissant le namasté traditionnel, ne sachant pas si je
devais m’incliner ou pas. Un clin d’œil fut la réponse silencieuse. Il valait mieux
m’asseoir en silence, puisque j’étais en retard. Je suis timide et je restai à l’arrière en
essayant de m’accroupir sur le sol froid avec les jambes comme une grenouille de
manière à ce que mes hanches ne me fassent pas mal et je restai immobile en
observant ce qui ressemblait à une lueur autour du corps du saint, un halo de paix et
de douceur.
Celui-ci nous demanda gaiement si nous avions des questions en nous transperçant
tous de son regard bleu insondable. Le vieux moine du Kerala l’interpella en nous
faisant tous rire : ‘’Maintenant, vous allez nous demander à qui apparaissent les
doutes et qui pose la question, n’est-ce pas ?’’ Après cette intervention préliminaire,
personne ne s’aventura à dire quelque chose, aussi dis-je simplement : ‘’En
présence de mon Maître, j’ai souvent des moments où l’esprit baigne dans une
couleur pourpre et où il se vide complètement, mais la pensée d’un ‘’je’’ ou
l’identification personnelle ne m’a jamais quittée. Pratiquement, après chaque
expérience de félicité, à la place du silence, il y a encore davantage de doutes et de
questions qui resurgissent. Votre avis là-dessus, je vous prie.’’
‘’Tout ce que vous avez à faire, Sandra, c’est d’attraper par la queue la pensée ‘’Je
suis Je’’, rester calme et tranquille et vous stabiliser dans cet état où il n’y a pas de
pensées. Dans ce silence, le Soi va engloutir la pensée ‘’je’’.’’ Tout le monde gloussa
et il continua : ‘’Le mental doit mourir. Le mental est un ramasse-poussière, une
accumulation de souvenirs répétitifs. Le mental veut dire le passé qui est mort et
terminé. Le mental veut dire de l’angoisse à propos de l’avenir qui n’est pas ici. Pour
voir directement la Réalité, vous devez mettre votre mental au repos, puisqu’il
déforme tout. Il n’y a pas d’autre moyen pour réaliser le Soi.’’
92
Je lui demandai quelles étaient les techniques qu’il avait personnellement utilisées
et la réponse fut : ‘’Le silence, la tranquillité, l’investigation et le renoncement sont les
ingrédients. L’état sans pensées, sans efforts est la condition où le Soi peut avaler la
pensée ‘’je’’. Alors, le Soi se révélera. Ceci ne peut survenir que par la grâce de Dieu
et non par ce que vous faites. L’unique effort que vous devez faire, c’est renoncer à
l’idée d’être l’auteur/acteur individuel. Dieu est le seul Auteur/Acteur. Tout arrive par
Sa volonté et le programme de cette vie est emmagasiné dans vos gènes et dans
votre ADN. L’environnement dans lequel vous êtes née ainsi que le conditionnement
reçu depuis la naissance n’étaient pas non plus un hasard et ils n’ont jamais été sous
votre contrôle. Ce sont tous des apports, des données fournies par Dieu pour que
Son jeu ou Sa pièce de théâtre puisse se dérouler. Des actions se produisent en
résultat d’une pensée et d’une réaction biologique. Puisque vous n’êtes pas
l’auteure/actrice, par conséquent, les autres ne sont pas non plus les auteurs de
n’importe quelle action et il n’y a pas ‘’d’autres’’, mais seulement Dieu. Dès que vous
acceptez totalement cette vérité, vous acquérez un état d’esprit sans équivoque où
peut arriver l’expérience dans laquelle il n’y a pas d’expérimentateur et où peut être
donné l’Etre pur, sans objet. Pendant cette expérience, il n’y a que suka shanti, la
joie de la paix, mais dès que vous ressentez de l’ananda, cela veut dire que l’état
suprême a de nouveau été recouvert par l’expérimentateur qui jouit de l’expérience.
Vous êtes déjà passée par plusieurs niveaux de l’enseignement, mais l’équanimité
de l’esprit n’est qu’un stade et voir toutes choses comme étant Dieu n’est qu’un stade
ultérieur, car il implique un ‘’je’’ qui voit et tant que ce ‘’je’’ existe, le mental existe lui
aussi. Dans le Soi, il n’y a que vision.’’
C’est alors que Ramanandaji exprima sa question essentielle : ‘’Comment puis-je
être sûr, si je n’expérimente pas ma Réalité ?’’
‘’Le Soi est toujours présent ; il n’est pas question de L’expérimenter, ni de Le
réaliser. Vous ne pouvez pas L’atteindre, puisque vous êtes déjà le Soi. De plus,
vous en tant que ‘’moi’’ (l’ego) n’existez pas du tout et vous n’avez jamais été, vous
n’êtes jamais et ne serez jamais l’auteur d’aucune action. Tout est Dieu et par
conséquent, tout ce qui survient ne peut être que parfait et opportun. Rien n’existe en
dehors du Soi. Toute chose, dans l’univers, est dans un état de perfection. Tout objet
est parfait, tel quel, et tous les objets sont parfaits dans leur interdépendance. Même
un brin d’herbe a sa propre importance, sa propre unicité qui sont en fin de compte
illusoires. Sa forme phénoménale est l’aspect irréel et illusoire du Soi, tandis que la
véritable nature du Soi est invisible.’’
Je me saisis de l’interruption pour demander si je devais pratiquer une technique et
la réponse vint sur un ton sonore, aimable et compréhensif : ‘’Sandra Ma, pendant
cette période, votre ego/mental demande toujours si un guru et si la pratique d’une
technique sont des éléments nécessaires pour avancer. Pour que la quête débute,
93
un guru est inutile, mais pour que la recherche progresse – oui, il doit y avoir un
Maître. Le Soi utilise l’agence d’un guru. Pratiquement et en vérité, le jeu réel est :
Le Soi s’adresse au Soi et s’instruit Lui-même.
Ce qui semble être deux n’est en réalité qu’un seul mouvement dans la somme totale
du Soi. Le guru qui s’est dépouillé de l’ego ne se voit pas comme séparé,
contrairement au chercheur, puisque l’ego de celui-ci est toujours présent. La grâce
du guru fait elle aussi partie intégrante du phénomène. Qu’elle vienne ou pas fait
encore partie de la destinée apparemment personnelle encodée dans la totalité. Quoi
qu’il arrive et quelles que soient les conséquences, c’est le destin qui est conforme à
la Volonté divine et un plan à la trame complexe qu’on appelle généralement la Loi
cosmique. Dieu et la Loi cosmique sont un et identiques. Il y a plusieurs niveaux de
compréhension qui se manifestent au moment approprié. Dans votre cas, pratiquer
n’a produit que de la douleur et Dieu a trouvé la solution en vous amenant ici pour
vous guérir de votre sentiment de culpabilité et de vos doutes. Vous vous sentiez
coupable de ne pas pouvoir pratiquer en raison de votre spondylite et de votre
arthrite, mais comme vous entretenez l’idée que ce n’est que si vous pratiquez que
‘’cela’’ peut arriver, alors pratiquez l’auto-investigation par rapport à qui est l’auteur
de toutes vos actions pendant la journée. Même cette pratique ne peut garantir quoi
que ce soit et l'Illumination peut survenir, que vous pratiquiez ou non, comme elle ne
peut survenir que si c’est le plan et la volonté de Dieu et dans Son timing parfait.
A présent, dites-moi, Sandra Ma, si vous rencontriez Dieu et s’Il vous proposait de
Lui demander une seule faveur, que demanderiez-vous ?’’
Je demeurai silencieuse. Je ne pouvais pas trouver une seule pensée dans mon
esprit. J’essayais très fort, mais il n’y avait que la vacuité, le néant et aucune
demande. Pour finir, je marmonnai : ‘’La Conscience constante intégrée.’’ Le saint
doit avoir éprouvé un éclair de compassion. Il sourit et me demanda ce qui
changerait dans ma vie si un jour, j’expérimentais la Conscience constante intégrée.
Je restai apathique et silencieuse jusqu’à ce qu’il poursuive.
‘’Si j’étais vous, je demanderais un état d’esprit où il n’y aurait rien à demander à
personne, même à Dieu.
Vous vous interrogez souvent par rapport à la nécessité de pratiquer, puisque vous
compreniez que la fusion était un événement et je voudrais qu’il soit clair pour vous
que les efforts d’investigation doivent être là, même si ce ne sont pas les efforts qui
provoquent l’expérience, pas plus qu’une technique spécifique, mais la grâce de
Dieu, lorsque vous êtes prête. Avant de s’établir dans le Soi sans interruption, il faut
souvent contacter et jouir du Soi et c’est seulement alors que l’on peut enfin s’y
établir d’une manière permanente sans aucune interruption.’’
94
Le sentiment de soulagement et la clarté qui suivit imprégnèrent tout mon être de
paix et quelques larmes de joie roulèrent subrepticement sur mes joues. Notre
deuxième rencontre était terminée. Je m’assis à l’extérieur sur un rocher qui
surplombait le Gange et je consignai par écrit le contenu de l’enseignement que je
venais tout juste de recevoir en utilisant la lumière d’une bougie pour mieux voir,
puisqu’il n’y avait pas d’électricité. Ganga continuait de couler impassiblement et de
bouillonner sur les rochers blancs. La nuit était froide, mais il régnait un calme
particulier à l’entour. Je reconnus avoir été pareille à une guêpe et avoir passé toutes
ces années à tenter infructueusement de traverser une baie vitrée, alors que l’autre
moitié de la fenêtre avait toujours été grande ouverte…
J’avais reçu tous les enseignements appropriés, mais leur portée réelle ne
m’apparaissait que maintenant. Accepter totalement qu’il pouvait y avoir une vie
spontanée ou être vécue par Dieu était la réponse à toutes mes questions. Ne plus
être la penseuse, l’auteure/actrice, l’expérimentatrice ou un simple miroir de tout
l’épisode de la vie. La globalité était la véritable sainteté. La vie involontaire et
l’identification silencieuse au non-être signifiaient la Réalisation du Soi, l’Eveil ou
l’Illumination subite.
95
CHAPITRE 18 : L’HISTOIRE DE DAYANANDAJI
Là où il y a les autres, il y a un moi ;
Là où il n’y a plus d’autres, il ne peut plus y avoir de moi ;
Là où il n’y a plus de moi, il n’y a plus d’autres,
Parce qu’en l’absence de moi-même, je suis tous les autres.
Pendant que je ruminais l’essence des éclaircissements de l’avadhuta, le vieux
moine du Kerala au délicieux accent français vint me rejoindre et il s’assit
silencieusement pendant un moment en contemplant le bleu intense du ciel où les
étoiles jouaient à cache-cache avec les nuages. Lorsque je sentis qu’il était peut-être
prêt à échanger quelques mots, je ne pus m’empêcher de lui demander son nom et
son histoire.
‘’Je suis né en France dans une famille tamoule et je suis venu en Inde en 1950,
quand j’étais encore un jeune adolescent et quand Bhagavan Ramana Maharshi était
encore là. J’ai vécu à Arunachala en sa présence, pendant une longue période et
puis je suis rentré en France, je me suis marié, mais j’ai vite divorcé. Pendant ce
temps-là, le Maharshi avait quitté son corps. Quelques mois plus tard, une nuit, je me
suis enivré et en rentrant chez moi, j’ai eu un dramatique accident de voiture et j‘ai
perdu conscience. Je me rappelle que je circulais librement entre les nuages,
débarrassé du corps et que je prenais rapidement de la hauteur, quand j’ai rencontré
le Maharshi dans sa forme subtile. Il m’a dit que ce n’était pas encore le moment
pour moi et que je devais retourner sur Terre où je rencontrerais le Maître capable de
transformer mon esprit fluctuant. Après cette brève admonition, je me suis retrouvé
dans un lit d’hôpital avec le cou et les deux jambes dans le plâtre. Les mois
s’écoulèrent et j’étais contraint de rester calmement allongé, puisque le plus petit
mouvement augmentait ma douleur. Ainsi, dans cette immobilité forcée, je ne pus
que contempler la vie et sa portée. J’ai appris à observer ma respiration et à sentir
que l’unique réalité était que ‘’JE SUIS’’ et quand le ‘’SUIS’’ disparaissait, il ne restait
que le ‘’JE’'.
Il y a vingt-cinq ans, je suis retourné en Inde et je me suis retrouvé en train de passer
d’un Maître à l’autre, d’aller d’ashram en ashram et de conférence en conférence.
Quelle que soit la voie que j’avais empruntée en passant par ici et par là, j’étais
toujours persuadé que c’était la meilleure. J’avais rencontré de grands Etres
illuminés, mais j’ai aussi réalisé rapidement à quel point la Vérité pouvait souvent
paraître paradoxale ou contradictoire, quand Elle s’incarnait. Il est difficile de vivre
auprès d’un Etre réalisé qui est totalement incompréhensible. J’ai toutefois réalisé
que ce que nous cherchons ne se trouvait pas à l’extérieur de nous-mêmes. Peu
importe la grandeur des Maîtres avec lesquels nous nous retrouvons, tant que nous
avons l’esprit curieux par rapport aux choses extérieures, nous ne nous sentirons
jamais ni complets, ni satisfaits. On doit attendre que la soif de Réalisation devienne
96
tellement forte que l’on peut tout ignorer et rentrer en soi-même, mais il ne devrait y
avoir aucun sentiment de dégoût, mais la force de l’Aimant interne.
A un certain moment, je me suis retrouvé à Puttaparthi. Pendant les darshans, j’étais
dans la Félicité totale. Bhagavan Sri Sathya Sai Baba est devenu et Il est toujours
ma Lumière et mon Guide. J’ai baigné dans Sa lumière et Sa sagesse pendant trois
ans, avec quelques absences pour partir en retraite à Arunachala et à Rishikesh où
j’aimais encore rencontrer beaucoup d’autres Maîtres. Telle une abeille qui absorbe
le pollen, je voyais Sai qui me poussait ici et là pour intégrer tout ce que je devais
intégrer et une fois rassasié, l’enseignement devenait superflu et des forces étranges
me contraignaient à me déplacer vers d’autres fleurs. J’aimais réellement investiguer
ma vraie nature en présence des Maîtres et je n’étais pas prêt à renoncer à la
moindre opportunité d’approfondir ma compréhension via la communion avec les
Maîtres que je rencontrais. Au bout de trois ans, Sai m’a expulsé de l’ashram sous
un prétexte futile.
J’étais choqué et désespéré, mais la même nuit, Sai m’est apparu en rêve pour me
dire : ‘’Le bonheur arrive via la fructification de la douleur. Tout ce que tu désires est
en toi. En temps utile, la grâce de Mes darshans fructifiera en raison de ton
aspiration et de ta soif. Tu éprouveras un désir intense et tu intensifieras ta pratique
en la limitant à une introspection permanente. Génère en toi une force suffisante et
évite de sortir. Personne ne peut t’apporter quelque chose sur un plateau, aussi ne
recherche pas d’autre Maître. Tu n’obtiendras rien de l’extérieur. Tu découvriras ton
propre Soi à l’intérieur via tes propres efforts et via la douleur et la désillusion qui
sont des signes manifestes de Ma grâce. Que tu puisses renoncer à ta volonté par
un acte de volonté est une blague ! Qui va lâcher prise ? Le ‘’lâcher-prise’’ ne peut
survenir qu’en résultat de la compréhension claire de la différence entre ce que nous
sommes et ce que nous paraissons être. Le sage est vide de pensée, même quand il
pense ; dépourvu d’organes sensoriels, même s’il en fait usage ; dénué d’intellect,
tout en étant doté d’un intellect ; vide d’ego, même s’il en possède un. Pourquoi
porter tes bagages, quand un véhicule te transporte ? Ecoute ! Le Maharshi ne s’est
jamais rendu ici ou là. Il a vécu à Arunachala et la plupart du temps, il restait dans le
mandir de son ashram. Il n’a pas voyagé dans toute l’Inde en cherchant ici et là en
tentant d’obtenir quelque chose d’autrui. Suis cet exemple ! Aussi longtemps que tu
ne vois pas la futilité d’une telle recherche, ta recherche n’aboutira pas. Maintenant,
trouve un endroit où tu peux être dans le calme. Ramana Maharshi a écrit onze
versets qui décrivent le tourment du chercheur et où il souligne qu’il n’y a jamais eu
de ‘’chose’’ telle qu’un individu et que toute la ‘’chose’’ était impersonnelle. Et
cependant, il a eu la compassion de voir qu’en raison de mécanismes complexes de
l’esprit, le chercheur individuel pouvait être extrêmement malheureux. Ainsi a-t-il
souligné que du point de vue individuel, l’unique encouragement serait de savoir que
l’esprit s’est déjà intériorisé. Il n’y a pas d’échappatoire, ta tête est déjà dans la
gueule du tigre. Puisque l’Atman est pur et sans second, on ne peut pas
97
phénoménalement faire l’expérience de l’Atman, comme une entité indépendante.
Très cher ! Maintenant, fais ce que tu aimes, mais évite le gros travail associatif. Sois
heureux et rappelle-toi qu’être éclairé, c’est être capable de tout accepter avec
équanimité dans la vie, à tout moment, comme étant la volonté de Dieu.’’
Connaissant un peu les modes de Sai, je me mis à rire avec une pure tendresse et
dans l’unité affectueuse de sa belle histoire et lui demandai comment il en était arrivé
à porter la robe ocre, aussi ajouta-t-il brièvement : ‘’J’ai été instruit dans les Vedas et
j’ai reçu sannyas à Arunachala. On m’appelle maintenant Swami Dayananda. J’ai
trouvé un coin dans le Kerala, près de Cochin, sur la route de Munnar, qui est mon
lieu de retraite. C’est une belle région vallonnée avec des plantations de cardamome
et d’arbres à caoutchouc, très verte avec des taches de rouge ici et là, comme les
hibiscus y fleurissent sous les bons soins du Seigneur. On peut dire que c’est un
ashram ou un ermitage, mais pour moi, c’est juste mon nid, mon foyer, ma demeure
sur Terre. Je ne viens à Gangotri que pendant les chaleurs du mois de mai et je
retourne quand la mousson se calme, le restant de l’année, avec comme seules
exceptions les célébrations de Navaratri que je passe à Arunachala, à l’ashram de
Ramana, et le 23 novembre à Puttaparthi pour l’anniversaire de Bhagavan, puisque
dans cette foule, il me permet encore d’avoir Son darshan une fois par an et je suis
content. Je n’ai aucun disciple. Dans l’ashram, il n’y a que cinq résidents indiens.
Dieu prend soin de tous nos besoins. Il ne manque jamais rien. Tout nous est donné
au bon moment. Aussi incroyable que cela puisse paraître, essayez de faire
l’expérience de la protection de Dieu et s’en remettre à Lui deviendra facile. Mon
parcours, qui avait l’Illumination comme objectif principal fut totalement régenté et
guidé par l’unique Réalité toute-puissante, l’Energie que nous appelons Dieu ou la
Conscience. Toutes les dualités disparaissent, lorsque le temps est mûr. Tous les
mots et tous les opposés que je considérais jadis comme étant séparés, comme la
discipline, le jeu ou le détachement et la servitude font tous partie de cette leela
merveilleuse et je n’ai choisi, ni rejeté aucun d’eux. Ils font tous partie intégrante de
la Totalité. Cette non-sélection m’a donné la paix. Cet état sans préférence, ni choix
forcé entre des opposés, mais l’acceptation totale de tout m’a finalement satisfait et
le contentement m’a apporté la dilatation dans l’amour.’’ Ses yeux brillaient et je me
suis détournée, son histoire étant également la mienne, mais je ne voulais toujours
pas en reconnaître les écueils.
Nous restâmes tous les deux silencieux en observant l’écoulement éternel du Gange
et je m’émerveillai de la manière dont son énergie puissante attire et réunit de drôles
de dieux qui s’appellent des chercheurs issus d’une pléthore de voies, comme si
ceux-ci faisaient tous partie de sa propre famille qu’il désire réunir en leur dévoilant la
Vérité ultime. Il y a toujours tant à apprendre et matière à réfléchir. Certains aspects
que vous n’aviez jamais considérés comme importants deviennent des montagnes
qui bloquent notre passage jusqu’à ce que nous les solutionnions ou que nous les
reconnaissions au moins et que nous les acceptions. L’histoire de Dayanandaji me
98
donna clairement quelques indications au sujet de mes propres blocages et riant de
nos particularités semblables, je me sentis libre. Sa pureté, sa simplicité et sa
sagesse furent un grand soutien et un exemple. Sa lutte et sa voie assez uniques et
sa manière de rire de tout ceci me firent me sentir une avec lui et un subtil courant de
respect et de compréhension s’approfondit au fur et à mesure que les jours
passaient.
99
CHAPITRE 19 : FONDRE TOUTE LA CONFUSION
DANS LE FEU DE LA CONNAISSANCE
‘’Nous devons seulement éliminer la notion de l’ego en réussissant dans la tâche
difficile de comprendre qu’il n’existe pas, sinon en tant que notion.’’
Le lendemain, nous nous assîmes de nouveau tous autour de l’avadhuta et ceci fut
le dernier satsang auquel je participai :
‘’La physique quantique met en lumière et soutient les anciens articles de foi que
mettent en avant les enseignements védantiques orientaux suivant lesquels nous
vivons dans un monde illusoire, il n’existe que de l’énergie, et l’affirmation que le
monde physique est un ensemble unique interactif, puisque les particules et les
ondes sont faites de la même substance.
La physique quantique explique que chaque cellule de notre corps est constituée par
des molécules, que chaque molécule est constituée par des atomes et qu’à leur tour,
les électrons, les neutrons et les protons constituent des atomes. La physique
quantique souligne clairement qu’il n’y a pas du tout de réalité physique objective et
que ce que le monde ‘’cultivé’’ a appris à percevoir comme réel n’existe simplement
pas. Elle souligne encore que la matière n’est rien de plus qu’un ensemble de
modèles flous et que les particules subatomiques ne sont pas constituées d’énergie,
mais l’énergie même. Nous savons que nous pouvons transformer la matière en
énergie et que l’inverse est également vrai, que l’énergie peut être transformée en
matière. La lumière peut être considérée comme une onde ou un flux de particules.
Nous savons que les photons transportent de l’énergie et que la totalité de l’énergie
transportée par un photon est proportionnelle à la fréquence lumineuse, c’est-à-dire
que plus la fréquence de l’onde est élevée et plus elle transporte de l’énergie. Par
exemple, les rayons X et la lumière ultraviolette ont une fréquence et une énergie
élevées, tandis que les ondes radio et les ondes infrarouges ont une fréquence et
une énergie plus basses.
Suivant la nouvelle pensée scientifique quantique, toute matière et nous-mêmes
consistons en formes de lumière ou d’énergie pure. Un thérapeute renommé en
médecine vibratoire3 a singulièrement décrit toute matière comme étant de la lumière
congelée qui, ayant ralenti, s’est solidifiée. Par conséquent, si on peut
symboliquement décrire nos corps comme étant de la lumière congelée, ils
conservent aussi les caractéristiques de la lumière, un détail qui sous-tend que les
corps possèdent une certaine fréquence et ce qui induit la subtilité que la matière est
de la lumière ou une énergie d’une densité plus élevée. Basant notre compréhension
sur les implications de la physique moderne, nous devons conclure que les êtres
3
Richard Gerber, Vibrational Medecine, NDT
100
humains sont faits de lumière retenue dans la matière et que leurs corps sont des
champs d’énergie pure constitués de segments vibratoires. En termes clairs et
précis, le corps qui est vu à travers l’énorme agrandissement d’un microscope
électronique à balayage apparaît comme rien que du vide, de la lumière ou de
l’énergie et certainement pas comme un objet solide, juste une projection de l’Esprit
de Dieu, une mesure du tempo universel. Aucune solidité, juste des schémas
individuels dynamiques d’énergie concentrée pulsant et vibrant à une vitesse
incroyable.
Le lauréat du Prix Nobel, David Bohm, a écrit un traité très intéressant sur ce qu’il
appelle l’ordre implicite de l’univers holographique. Ce concept suggère que tout
l’univers est un hologramme cosmique en évolution constante avec plusieurs niveaux
d’information, que chaque niveau recèle un ordre supérieur d’information et que
chaque ordre supérieur s’insère dans un aspect de l’espace- temps. L’ordre le plus
élevé peut se traduire par la Conscience ou Dieu. En outre, puisque tout ce qui
existe est un hologramme, chaque segment contient aussi de l’information sur tout
l’univers ou plutôt, l’univers est en nous. La physique quantique affirme que la
Conscience, en tant qu’énergie pure, est effectivement en toutes choses, animées et
inanimées, que la lumière est simultanément le moyen et le message et qu’au niveau
subatomique, étant tous les points dans l’espace, essentiellement identique, rien
n’est réellement séparé de rien d’autre. Tout est un ensemble ininterrompu et tout est
interconnecté.
Cette approche holistique de la physique quantique reflète l’enseignement
védantique que tout est l’Energie qui danse dans la forme et que la danse est une
trame continue de la forme et du sans-forme. La vérité la plus élevée, que nous
sommes un avec la nature, issus du même processus, et non des entités séparées,
est le thème des plus anciennes Ecritures védantiques.
Les Védas n’ont pas d’origine descriptible et sont intemporels. Personne ne peut
déterminer les dates précises auxquelles les Védas furent pour la première fois
entendus ou récités, aussi les considère-t-on comme éternels. Les Védas n’ont
besoin d’aucun soutien, étant leur propre soutien. En réalité, il est dit que les Védas
sont le souffle de Dieu, que les enseignements védiques proviennent du souffle de
Dieu et que les anciens sages, les rishis, ont reçu ces connaissances dans le silence
de la Conscience supérieure. La conscience parfaitement réglée des rishis leur a
permis de percevoir ces sons depuis les éthers subtils et ils les répétaient oralement
à leurs disciples, puisque leur apprentissage ne comportait qu’une transmission orale
et pas de paroles écrites. Cette connaissance n’était pas formulée par les rishis, mais
elle était le résultat d’une révélation directe et non le résultat de l’étude ou de la
lecture. Les Védas sont les preuves les plus anciennes du triomphe de l’homme sur
lui-même, de son progrès et de sa percée jusqu’à l’unité sous-jacente qui sous-tend
toute la création et de son contact vibrant avec la Vérité unificatrice. Les Védas
101
soutiennent que Dieu est la réalité intérieure de tous les êtres, que tout est
enveloppé par Dieu, que tout ‘’ceci’’ est Dieu et que l’univers est un processus
organique et relationnel, trame multidimensionnelle de perles où chacune contient le
reflet de toutes les autres avec interpénétration mutuelle et interdépendance de
l’ensemble. Les Védas soutiennent que l’univers est l’harmonie souveraine de
modèles complexes. Le point de vue central de cette vision organique de l’univers
est que le cosmos est inhérent dans chaque configuration et que chaque point peut
être considéré comme le centre d’un cercle dont la circonférence n’est nulle part,
tandis que la vision limitée de l’esprit divisé de l’entité individuelle illusoire ne voit que
chaque motif séparé et par lui-même, morceau par morceau.
Imaginez un tableau de quatre ou cinq kilomètres de long et d’une hauteur d’une
centaine d’étages. Avec la vision humaine limitée, vous pouvez prendre autant de
recul que vous voulez, vous ne pourrez voir qu’une petite partie du tableau et non
l’ensemble. De même, l’esprit humain est incapable de connaître la réalité, sinon par
une compréhension intuitive et non en raisonnant. En réalité, c’est précisément
quand le raisonnement s’arrête que l’intuition peut survenir. Pour sonder l’océan
transcendantal de la Vérité, on doit renoncer au raisonnement de l’esprit conceptuel
qui ne peut saisir les dimensions subconscientes et conscientes des versets
védiques. Ce n’est qu’en se hissant dans l’air raréfié de la Conscience supérieure
que l’on peut espérer appréhender la Vérité réelle qui est incarnée dans les anciens
versets védiques. Le mystère du monde et des mondes au-delà est élucidé dans les
textes appelés Atharva Veda.
Le mental est l’écran qui nous dissimule notre propre Réalité et les secrets de la
création. Quand vous sortez au soleil, vous voyez votre ombre. L’ombre est là. Elle
est réelle dans la mesure où vous pouvez la voir, mais c’est une illusion dans le sens
où elle ne possède aucune existence indépendante. Votre corps lui-même qui vous
semble si solide est l’illusion primaire dans l’illusion globale de cette manifestation.
Tout est Conscience, tout est énergie pure, et il n’y a rien que l’individu ne puisse
accomplir ou penser, à moins que la Conscience ne le permette et cependant, la
Conscience Elle-même est la ‘’coupable’’, car c’est Elle qui incite l’esprit individuel à
penser et à croire qu’il peut penser et être l’auteur/acteur.
La manifestation est une apparence/apparition concomitante, simultanée, confondue,
concurrente, concourante et coïncidente dans la Conscience, au sein de la
Conscience et engendrée par la Conscience. Contrairement aux objets inanimés,
comme une pierre ou un roc, les êtres animés sont dotés de sensibilité. Le sentiment
de l’individualité et de la distinction provient de la sensibilité qui génère un sentiment
de présence. En plus de cette sensibilité qui est également présente chez les
animaux, les êtres humains sont dotés d’un intellect qui les aide à interpréter ce qui
est connu/perçu.
102
La Réalité est un concept et l’Illumination est également un concept. La Conscience,
en tant que noumène, est l’énergie potentielle et quand cette énergie s’active, elle
devient la Conscience en mouvement. Néanmoins, elle n’est rien d’autre que de
l’énergie, soit dans sa forme potentielle, soit dans sa forme activée. Quand la
compréhension opère, plus aucun mot n’est nécessaire. La Réalité unique, c’est le
Silence. Accepter l’authenticité du fonctionnement impersonnel du Tout comme la
leela (divertissement) de Dieu est la marque de dévotion la plus élevée. Tout est
Dieu. Il n’y a rien d’autre que Dieu. Le Soi le plus vaste et infini est notre Réalité et Il
n’est pas distinct ou distant : nous sommes l’Energie, nous sommes la Félicité, nous
sommes Dieu ou nous sommes la Conscience, peu importe comment vous voulez le
dire.
Tout ce qui est apparu dans la manifestation ne peut pas avoir d’existence séparée,
et par conséquent, ce qui est apparu n’est qu’un simple reflet du substrat
fondamental. Réaliser cette vérité et voir cette unité, c’est l’Illumination.’’
L’exposé était terminé et personne n’avait le courage de remuer, aussi m’inclinai-je et
saluai-je tranquillement avant de prévenir que je partais. Le saint semblait s’être
retiré en lui-même sans se soucier de savoir si ses auditeurs avaient quelque peu
compris. Il murmura simplement : ‘’JAGAT’.
Je fis mes valises et m’apprêtai silencieusement à quitter ce nid de sagesse
suspendu au-dessus de tous les nuages matériels. Swami Dayananda vint me dire
au-revoir et il m’invita à venir le rejoindre dans le Kerala lorsque j’en aurais
envie…pour autant que je n’emmène pas avec moi mon mental ! Sur la route du
retour vers Uttarkashi, j’étais installée à l’arrière d’une vieille Ambassador qui faisait
un bruit de ferraille et je contemplais des vues enchanteresses, reconnaissante pour
la vie qui m’avait été offerte et je sentais que c’était la meilleure des prières. Dieu
n’avait jamais répondu à mes prières, quand j’avais demandé quelque chose de
matériel et quand je Lui demandai la sagesse, Il ne me donna que des problèmes à
résoudre. Quand je Lui demandai l’amour, Il ne me donna que des personnes à
aider. Jamais Dieu n’avait répondu exactement à mes prières et Il ne m’a rien donné
de ce que j’ai jamais désiré, mais Il m’a tout donné. Je ne pus trouver aucun mot
pour remercier Sai pour toute la grâce qu’Il répandait dans ma vie. L’odyssée de
l’Illumination n’était plus mon problème. C’était le problème et l’œuvre de Dieu.
Pourquoi devrais-je m’inquiéter et qui était là pour s’inquiéter ?
Je me retournai vers les pics neigeux des Himalayas que je laissais derrière moi et je
me demandai si tout cela s’était bien passé ou si cela n’avait été qu’un simple rêve
au sein du rêve. Ces quelques jours passés dans l’extrême nord des Himalayas
avaient marqué le début d’une nouvelle attitude à l’égard de la vie et l’aperception de
la voie intérieure avait reçu un grand coup de pouce et un élan totalement neuf. Les
étapes et les stades que j’avais franchis, la dévotion à l’égard de Maitres avec une
103
forme, les efforts et la lutte pour atteindre le but en utilisant des pratiques spirituelles
et en étudiant les enseignements étaient des mesures appropriées voulues par Dieu.
Puis, l’évolution lente, mais stable vers la reconnaissance solide de ma véritable
nature authentique par la juste connaissance et par la pratique continue ne fut que le
résultat voulu par Dieu. De ces rampes de lancement jusqu’à la seule autoinvestigation continue, voilà maintenant les traces que j’étais invitée à suivre par le
formidable et unique Guru intérieur qui m’avait fait parcourir toute l’Inde sacrée d’un
coin à l’autre et l’ENSEIGNEMENT. Je me détendis sur le siège arrière de la voiture
et remarquai ces quelques paroles qui jaillirent de mon cœur : ‘’Heureusement,
Seigneur, que je ne suis pas l’auteure/actrice !’’ Je me sentis si soulagée et tranquille
que j’ai dû entrer dans une humeur méditative naturelle avec les yeux ouverts.
Le coucher du soleil baignait d’or les pics himalayens. Les vues époustouflantes se
succédaient et se bousculaient, quand je réalisai que j’avais entraperçu une ombre
entre des sapins et qui me fit comme un clin d’œil ! Je ne saurai jamais si c’était un
rocher ayant la forme d’un être humain, une vision ou la réalité, mais quoi qu’il en
soit, puisque c’était des lieux où Babaji apparaissait souvent, mes pensées se
tournèrent vers lui avec gratitude et vers tous les Maîtres éclairés qui clarifiaient la
compréhension. Je souris en me sentant parfaitement intégrée et satisfaite. Merci,
Sai.
104
CHAPITRE 20 : LE MONDE INTÉRIEUR SE REFLÈTE
DANS LE MONDE EXTÉRIEUR
Que faut-il faire ?
Préparez vos affaires,
Puis oubliez-les,
Rendez-vous à la gare,
Attrapez le train
Et laissez votre moi derrière vous.
Le 7 juillet 2005, le téléphone sonna et on m’informa que Ganga Ma avait tellement
enflé qu’elle avait englouti le jardin juste devant ma maison d’Uttarkashi. Dix-huit
années de méditation et de réflexion sur les enseignements m’ont fait comprendre
combien le scénario, les acteurs et toutes les circonstances étaient parfaits, y
compris les circonstances pénibles, et comment suka shanti, la joie de la paix se
trouvait dans l’acceptation totale de la Volonté de Dieu et l’acceptation et la
reconnaissance totales que Dieu était l’unique auteur de toute action, à la fois quand
j’étais inconsciente et maintenant que je prêtais attention à tous les plus minuscules
détails, en investiguant constamment tout ce qui se passait.
La prédestination et le libre arbitre furent la principale cause du conflit apparent et le
thème de toute la période, les nuages qui obscurcirent la Réalité. Les enseignements
que Dieu m’apporta via Ses agents attitrés alimentèrent une des questions les plus
cruciales auxquelles on puisse être confronté : y avait-il ou y a-t-il un lien de cause à
effet entre l’effort et l’Illumination, ou cette dernière est-elle prédestinée et voulue par
l’Absolu et par conséquent, n’y avait-il rien à chercher, ni à atteindre ? Pouvons-nous
hâter, accélérer notre parcours en pratiquant durement et en servant le Guru, en
voyageant partout sur tous les continents pour recevoir la grâce du Guru ?
L’attachement à la forme bien-aimée du Guru était-elle juste un obstacle au
progrès ? Quelle douleur ces questions apportèrent dans ma vie, et comme on se
sent légère et paisible, une fois que l’on perçoit chaque étape et chaque évolution de
notre vie comme voulues par le Seigneur Tout-Puissant opérant gracieusement par
l’entremise de gurus, et ce ‘’moi’’ qui se dirige vers la voie sûre de l’anéantissement
du ‘’moi’’ ou de l’ego comme auteur/acteur. Quelle paix ! Tout est réellement parfait
et opportun dans le Plan de Dieu.
105
4ÈME PARTIE :
LE PORT ULTIME,
L’ADVAITA
106
CHAPITRE 21 : L’ARRIVÉE D’UNE RENCONTRE
Avec gratitude et reconnaissance au Sadguru intérieur et extérieur, au sentiment
d’être en vie et bien présent, le ‘’JE SUIS’’.
Au cours des sept dernières années, les livres de Ramesh S. Balsekar n’ont cessé
d’arriver entre mes mains. Le premier fut ‘’L’Appel de l’Etre’’ et mon esprit le dévora.
Il y avait un tel sentiment d’émerveillement que je le relus, encore et encore. Je
trouvai par la suite deux autres livres, ‘’Dans la Gueule du Tigre’’ et ‘’Confusion No
More’’. Tout y était si clair et si précis. Ses enseignements étaient si délicieusement
humoristiques qu’ils faisaient en sorte que la vie semble tellement évidente et simple.
Après avoir ruminé ses livres pendant deux ans, je songeai que j’aurais bien aimé
avoir la bénédiction d’une rencontre personnelle et donc j’espérais que l’adresse de
Ramesh me parviendrait, quelque part. En mai 2004, alors que je me trouvais dans
les Himalayas, je lus ‘’Laisser la Vie Etre’’, un remue-méninges qui broya les
concepts de dix-huit années de recherche. Des pages de ce livre jaillit une clarté
quasi totale qui me laissa planante durant des jours. La stupeur vissait mon regard
aux flots de Mother Ganga pendant des heures. Il semblait qu’une force supérieure
avait utilisé des ciseaux cosmiques et qu’elle était en train de remettre de l’ordre en
triant tous les sujets spirituels dans de nouveaux classeurs et je pouvais jouir d’une
vue aérienne qui associait tous les sous-thèmes relatifs. C’était une récapitulation
synthétique, une approche totalement neuve qui survenait à une vitesse étonnante. Il
y avait comme une joie et comme une légèreté pétillante de par cette clarté
ardemment souhaitée. Peu de temps après, je trouvai son adresse de Bombay sans
même devoir la chercher à Gangotri, près de l’un des plus hauts pics des Himalayas,
tout près de la source du Gange qui est bien connue pour disperser l’ignorance.
Un des facteurs de mon étonnement était que les explications de Ramesh se
reliaient toutes à un rêve que j’avais eu sept ans plus tôt et où Sri Sathya Sai Baba
me donna quelques enseignements personnels à propos de la Vérité. Ces
enseignements oniriques contrastaient avec les choses à faire et à éviter habituelles
et les concepts qu’Il exposait généralement sur le karma et sur la réincarnation. Je
n’avais jamais cessé de me demander si ces rêves étaient de l’imagination ou un
autre rêve dans le rêve. Maintenant, après avoir lu le nouveau livre de Ramesh
Balsekar, je pouvais voir où Sai Baba me conduisait dans ce rêve privé porteur
d’enseignements. Le lien et la résonance entre les enseignements commencèrent à
chasser tous les doutes et la confusion commença lentement à se dissoudre.
L’énergie des ermitages himalayens est tellement puissante et d’une manière ou
d’une autre, tout arrive. Nous pourrions penser qu’il ne se passe rien en restant
simplement assis en silence à contempler Mother Ganga qui s’écoule
tumultueusement, mais comme nous avons tort ! Tout ce dont nous avons besoin,
c’est de silence, de calme et d’ouverture pour accueillir le Sadguru intérieur.
107
En juin, je commençai à projeter d’aller voir Ramesh S. Balsekar au mois de
septembre à Bombay à la fin de la mousson, lorsque Bombay serait plus agréable,
en ce qui concerne l’humidité et la chaleur, mais le plan de la Conscience était
différent et le 27 juin, je me retrouvai de manière tout à fait imprévue à l’aéroport en
train de chercher un tarif réduit pour Bombay et je trouvai tout de suite un vol à demiprix pour le lendemain. Comme une automate et sans réfléchir, je fis mes valises, je
repérai un hôtel assez proche de Kemps Corner et je m’envolai pour mon premier
satsang avec Ramesh.
Dans l’avion, je me demandai si j’avais des questions et ne pus en trouver aucune,
mais durant le satsang, toute la confusion bien incrustée se déversa spontanément,
comme si je parlais à mon Moi le plus intime, à mon meilleur ami, tout en riant et en
pleurant de soulagement après avoir échappé aux griffes de la confusion. Je pense
que celle-ci devait être évacuée, comme il se doit. Quand je m’inclinai en signe de
gratitude et de reconnaissance avec mes larmes qui s’écoulaient librement le long de
mes joues, j’entendis Ramesh dire : ‘’Ce que vous avez reçu aujourd’hui en écoutant
mes concepts, c’est un conditionnement neuf, mais si l’ancien doit être effacé par ce
conditionnement neuf, alors c’est une occurrence voulue par Dieu ou la Loi
cosmique.’’
Le sage réalisé sait que la plupart des gens, à un moment ou à un autre, ont pu avoir
des aperçus de sukha shanti, la joie de la paix, ou des éclairs d’absence de
souffrance et même si cette expérience fluctue, elle agit comme une carotte pour
l’âne en générant de l’agitation et une très forte insatisfaction, car cet état d’esprit
paisible qui n’est pas constant nous élude malicieusement en jouant à cache-cache.
Ramesh explique et maintient que sukha shanti est une possibilité concrète pour
chacun et nous encourage en partageant que le secret est simplement ‘’déjouer les
obstacles empêchant la joie permanente de la paix de s’établir.’’ Ramesh indique
que la recherche spirituelle veut simplement dire découvrir comment se défaire de la
peur et de la souffrance pour pouvoir jouir de la présence de la paix que nous
recherchons depuis que nous sommes nés et souligne que la confusion ne
disparaîtra totalement et à tout jamais que lorsque la Conscience s’éveille. Quand la
Conscience s’éveille, la bascule entre le bonheur et le malheur, qui n’est qu’une
souffrance mentale et émotionnelle, cesse de nous troubler. Ramesh va encore plus
loin en déclarant que le but de la quête n’est ni imaginaire, ni loin de notre vie
quotidienne, mais qu’il fait en réalité partie intégrante de la vie ordinaire quotidienne
du chercheur.
Chaque fois qu’il nous arrive de tomber sur ce que nous cherchons – la joie d’une
paix constante – nous devons trouver ce qui empêche l’occurrence de cette paix
constante. Ramesh explique que toute auto-investigation révélerait rapidement que
l’obstacle est une pensée et que l’émergence de n’importe quelle pensée n’est
absolument pas en notre contrôle. Les pensées surviennent et les pensées
108
disparaissent et si nous les observons simplement, nous ne sommes pas piégés
dans les vagues de leur écoulement constant. A propos de ce sujet particulier, j’avais
lu qu’un physicien célèbre avait expliqué qu’une pensée qui survenait quelque part
était l’actualisation d’une probabilité particulière sur des milliers de probabilités et
qu’elle n’était donc pas sous le contrôle de l’individu concerné. Généralement, le
genre de pensées qui sapent nos tentatives et nos bases pour jouir de sukha shanti
sont des pensées sur la manière de gérer notre propre vie et qui sont immédiatement
contrecarrées par d’autres pensées suggérant la solution au problème généré par les
pensées précédentes issues de la mémoire et que l’on peut étiqueter comme
l’éthique de la conscience et les scrupules. Les pensées germent à partir des désirs,
des besoins, des espoirs, des manques, de nos efforts pour tenter d’obtenir ce qui
nous échappe, avec la conviction ferme que certaines choses matérielles ou des
situations ou des circonstances différentes pourraient nous procurer la joie et la paix
durables que nous poursuivons fébrilement. Ramesh souligne que l’on n’a aucun
contrôle sur ce flot de pensées et recommande d’ ‘’observer l’occurrence des
pensées sans leur résister’’, de ne pas se sentir coupable par rapport à leur flot et de
ne pas tenter de les supprimer. Il m’a donné ce conseil très émouvant pour l’âme :
‘’S’il vous arrivait de rencontrer Dieu et s’Il ne vous offrait qu’une seule faveur, la
meilleure réponse serait : ‘’Dieu, donne-moi cet état d’esprit dans lequel il n’y a rien à
demander à personne, même pas à Toi !’’
La question suivante est comment avoir un état d’esprit dans lequel il n’y a rien à
attendre des autres et rien à demander à Dieu. Ramesh déclare que la vie est à
l’image d’une rivière profonde qui coule sans interruption, tandis que la majorité
d’entre nous préfèrent la sécurité et la stagnation des petites mares à côté de la
rivière, alors que le changement, le changement permanent est la base même de la
vie. En termes généraux, permettre à la vie de s’écouler signifie que nous devrions
mener à bien notre routine quotidienne dans une attitude détendue qui se fonde sur
la compréhension globale et essentielle que rien ne peut jamais se produire, à moins
que cela ne soit censé se produire et en conformité avec notre destinée ou avec la
Loi cosmique. Ce qui se passe dans la vie, c’est que les défis sont toujours neufs,
mais nos réponses sont périmées, parce que formées sur le passé qui est la
mémoire. Expérimenter avec la mémoire est une chose, mais expérimenter sans la
mémoire est totalement différent. Une pensée ou une inspiration neuve ne peut
survenir que si l’esprit n’est pas pris dans le réseau ou la trame de la mémoire. Ce
n’est que si l’esprit est calme et tranquille, sans fouiller après une solution et une
réponse, sans résistance, ni évitement qu’il est en mesure de recevoir la Vérité - ce
qui est éternel, intemporel, incommensurable. Vous ne pouvez pas le rechercher,
cela vient à vous. Ce qui libère, c’est la Vérité et non vos efforts pour être libre.
Quant à ce qui anéantit réellement complètement les expériences harmonieuses,
c’est l’agitation en raison d’un sentiment de culpabilité, la frustration en raison d’une
chose que l’on a faite ou que l’on n’a pas faite ou le poids de la haine et du
109
ressentiment en raison de ce que les autres nous ont fait ou n’ont pas fait pour nous.
Nous devons explorer de plus en plus profondément ce sentiment inné d’être
l’auteur/acteur. Que signifie-t-il ? Il signifie que chez la plupart des gens, l’ego
‘’pense’’ être le seul responsable en opérant et en faisant les choses, comme il le
décide, ce qui lui donne même le pouvoir et la volonté de se juger et de se
condamner, lui et les autres, pour tout ce qui arrive. Ces attitudes mentales et
émotionnelles et ces schémas négatifs émergent soudainement des profondeurs du
subconscient en apportant de la souffrance et des souvenirs pénibles et douloureux
qui bloquent l’harmonie qui devrait s’épanouir dans la Conscience. Est-il seulement
possible de renoncer au sentiment d’être un auteur/acteur personnel et de s’ancrer
dans l’expérience de sukha shanti en faisant face à la vie d’instant en instant ? La
réponse rassurante de Ramesh est : ‘’Oui’’.
Il y a des exemples de beaucoup de personnes qui ont été acceptées comme
‘’sages’’ par le monde, après en avoir terminé avec leur chasse au trésor et qui vivent
dans une paix et une harmonie totales. On peut voir très clairement comment cela se
passe dans la manière dont ces sages vivent leur propre vie d’instant en instant en
appréciant les mêmes plaisirs que nous et en souffrant des mêmes genres de
douleurs que nous subissons tous, mais la différence est que la vie d’un sage est
ancrée dans la paix et l’harmonie. Qu’est-ce que les sages ont changé ? Le sage vit
sa vie en accomplissant ses tâches journalières, prend ses responsabilités au
sérieux et rien ne change dans son travail quotidien normal pour gagner sa vie,
comme n’importe qui. Néanmoins, on peut voir clairement que son visage est
généralement sans inquiétude, que son corps est généralement détendu et qu’il
profite de son propre sens de l’humour vif, si enchanteur et attractif. Si l’on recherche
son avis, le sage conseille avec un sentiment d’humilité et de compassion étonnant.
Nous percevons le sage comme quelqu’un d’ouvert et de transparent, sans aucune
ruse, et cependant, nous sommes pleinement conscients que le sage n’est
manifestement pas né de la dernière pluie. Nous sommes si impressionnés par la
personnalité du sage, par sa simplicité totale et par son naturel que nous souhaitons
être en sa compagnie aussi souvent que possible pour simplement profiter de la
sukha shanti qu’il rayonne en enveloppant aussi tous ceux qui sont présents autour
de lui.
Ramesh utilise la rivière comme une métaphore appropriée pour traduire son
concept que nul n’est un auteur/acteur, mais que toutes les actions sont plutôt des
occurrences qui sont ordonnées par l’unique Source que certains appellent Dieu ou
la Conscience. Se percevoir comme un auteur/acteur est à l’image d’une rivière qui
pense qu’elle avance vers la mer ou la mer qui pense que les marées sont sa propre
action, en oubliant totalement le fait que c’est la force gravitationnelle de la lune qui
est responsable du flux et du reflux. En termes généraux, permettre à la vie de
s’écouler signifie que nous devrions vaquer à notre routine quotidienne dans une
attitude détendue basée sur la compréhension totale et essentielle que rien du tout
110
ne peut survenir, à moins que cela ne soit censé survenir conformément à notre
destinée et à la Loi cosmique. Ramesh nous propose aussi une comparaison claire :
‘’Depuis la naissance du bébé et qu’il recherche intuitivement le sein de sa mère, la
vie n’est rien d’autre que chercher, mais cette recherche se fait instinctivement,
automatiquement, sans le besoin des pensées. La question se pose : qui est le
chercheur ? Contrôlons-nous notre recherche ? Si la recherche est un processus
naturel qui relève de la nature, pourrions-nous dire alors que peut-être pensons-nous
être le chercheur, mais la vérité, c’est que nous ne sommes pas le chercheur. Par
conséquent, si nous ne sommes pas le chercheur, qui l’est ? La réponse pourrait être
qu’en réalité, il n’y a pas de chercheur en tant que tel, mais un besoin impulsif et
intégré de chercher quelque chose qui a été programmé en nous. La recherche
spirituelle débute par un ego individuel – le chercheur – qui recherche l’Illumination
ou l’autoréalisation, comme un objet qui lui procurera plus de plaisir que celui que
l’on peut jamais imaginer obtenir du monde matériel. C’est ainsi qu’elle débute. La
recherche de l’Illumination de la part de l’ego ne peut pas aboutir à l’aide de la
compréhension intellectuelle, mais uniquement par une compréhension absolue qui
est perçue intuitivement dans le cœur qu’il n’y a jamais eu de chercheur, ni
d’auteur/acteur. Il n’y a jamais eu de chercheur et pourtant, la recherche avait bien
lieu. La recherche a lieu, mais sans aucun chercheur individuel. L’action a lieu, mais
sans aucun auteur/acteur individuel. Finalement, c’est la fin du chercheur et la fin de
la recherche ne peut être provoquée que par le Pouvoir qui a lancé la recherche. En
d’autres termes, par la grâce de la Source qui a initié la chasse au trésor. Dans la
Bhagavad Gita, Krishna dit à Arjuna : ‘’Abandonne-toi à Moi et Je te sauverai de tous
les péchés que tu ne peux pas t’empêcher penser commettre’’. Mais le plus drôle,
c’est que même cet abandon n’est pas en votre contrôle. Pourquoi ? Parce que tant
qu’il y a un individu qui prétend s’abandonner, il y a un ‘’renonçant’’, il y a un ego
individuel !’’
Quels sont les changements recherchés ? Quels sont les principaux inconforts de la
vie quotidienne, même si l’on ne poursuit pas réellement un but spirituel spécifique ?
Chaque fois que j’ai rencontré un vrai Maître réalisé, pour moi, il a toujours été tout à
fait naturel de demander : ‘’Qu’avez-vous fait pour être tel que vous êtes ? Qu’est-ce
qui vous a fait tel que vous êtes ?’’ Et la réponse a toujours été quasiment identique
et elle était donnée avec une humilité simple et totale : ‘’Je n’ai rien fait. C’est arrivé
par la grâce de Dieu.’’ Et je savais qu’ils le pensaient tous réellement sincèrement,
car tous acceptaient totalement la Source ou Dieu comme l’unique Auteur/Acteur.
Cette acceptation était également la cause fondamentale de leur totale simplicité et
de leur confiance. Les sages et les Maîtres réalisés ne manqueront pas de nous
rappeler avec une foi totale que nous devons nous fier au fait que rien n’arrive par
nos efforts individuels, mais par la volonté de la Conscience et en accord avec sa Loi
cosmique, sans aucune exception.
111
Ils utilisent tous des approches et des termes différents pour exprimer cette Vérité et
très vraisemblablement, cela fait tout de suite tilt ou pas en fonction de la
programmation de la structure de notre mental et de l’instant prédéterminé pour
percer les nuages de l’ignorance ou voir à travers les vagues de confusion
récurrentes. J’avais entendu cette même Vérité essentielle et lu à son propos depuis
des années, mais ça n’a fait tilt que grâce à l’exposition claire et conséquente de
Ramesh. Cette compréhension neuve mit fin à tous les concepts destructeurs que le
problème de la responsabilité avait accumulés à la surface de l’esprit pensant et
après que le sage ait répandu généreusement sa sagesse, j’entrepris le processus
de relier tous les fils à l’origine : je n’ai jamais été l’auteure/actrice. Ta Volonté et non
la mienne.
Ramesh dit : ‘’Chaque fois qu’il y a quelque chose à faire pour moi dans ma vie
quotidienne, je prendrai bien entendu une décision concernant quoi faire et comment
le faire. Une fois la décision prise, les résultats ne sont pas entre mes mains et
dépendront entièrement de la Volonté de Dieu. Ceci me permet de vivre plus
confortablement, sans aucun stress ni aucune tension par rapport au résultat de
‘’mon’’ action. Quel que soit le résultat, celui-ci dépend entièrement de la Volonté de
Dieu. C’est un fait. Les conséquences – qu’elles soient bonnes, mauvaises ou
neutres – sont simplement le destin et tout ce que l’on peut réellement ‘’faire’’, c’est
l’accepter.’’
La conviction, consécutive aux longues années de conditionnements reçus, que
nous sommes responsables des résultats de nos actions peut contrarier l’acceptation
totale de ce conditionnement neuf de l’esprit et quand bien même nous pouvons être
convaincus par ce que nous dit le sage et par sa paix rayonnante, nous pouvons
retomber dans nos vieux schémas. Ainsi, nous devons nous abandonner et
reconnaître que l’acceptation totale n’est pas non plus notre action. Une autre
question peut encore se poser, quand nous sommes véritablement convaincus de ne
pas être les auteurs/acteurs et que personne d’autre ne l’est : comment pouvonsnous vivre dans la société qui n’acceptera tout simplement pas cette attitude
fataliste ? Ramesh concède que c’est une difficulté valable et nous rassure : ‘’Tout ce
que vous avez à faire, c’est vivre votre vie, comme si vous étiez l’auteur/acteur. La
vie continue d’être ce qu’elle était, alors qu’un très grand changement se produit
dans votre propre attitude personnelle à l’égard de la vie, ce qui signifie vraiment que
vous êtes à l’aise avec vous-même et à l’aise avec les autres, quoi qu’il arrive dans
la vie.’’
Rien ne peut être qualifié de matériel, tout est spirituel, aussi faisons face avec
cohérence à la terrible crise actuelle des relations. En pratique, dans la vie
quotidienne, un être humain vit rarement tout seul et nous devons prendre soin du
tissu relationnel et développer harmonieusement ces relations. Des relations qui
pouvaient sembler parfaites pendant tout un temps, quand les deux partenaires
112
étaient amoureux, se transforment maintenant brusquement en un douloureux conflit,
en relations amour-haine, en disputes et en compétition. Si ces conflits se mettent à
survenir avec une fréquence et une intensité croissantes, le résultat final est souvent
un divorce dommageable ou la rupture. Alors, chaque partenaire pourra avoir
l’impression que la prochaine relation sera meilleure, mais les mêmes schémas
resurgiront avec d’autres partenaires et la relation idéale s’évaporera, comme une
utopie. Quand on prend conscience d’avoir été berné, les interactions entre les êtres
humains finissent généralement dans la frustration. Y a-t-il quelque chose qui puisse
améliorer cette situation dramatiquement malsaine ? Le cœur de la question s’avère
être que les relations intimes ne sont pas fondamentalement différentes par rapport à
n’importe quelle relation entre ‘’moi’’ et l’ ‘’autre’’. La réponse consistera à trouver le
substrat de toutes les relations. Un collègue de bureau ou un animal familier ne
diffère pas, en réalité, d’une relation intime. Qu’arrive-t-il ? ‘’L’autre’’ fera quelque
chose que vous n’appréciez pas et les préférences et les aversions doivent
nécessairement différer chez des personnes différentes. Le seul moyen d’entretenir
des relations confortables – qu’elles soient formelles ou intimes – peut devenir
concret, si les personnes concernées sont capables d’accepter que l’ ‘’autre
personne’’ et n’importe qui d’autre dans le monde ont reçu une programmation
différente de la part de la Source et c’est cette programmation interne qui se
déploiera dans la vie de chacun. En d’autres termes, c’est cette même psyché qui
dicte à l’ego (ou au mental) comment se comporter, agir et réagir dans la vie,
conformément à des conditionnements internes et externes et à des pulsions
biologiques qui se traduisent en pensées mentales et en réactions biologiques
émotionnelles.
113
CHAPITRE 22 : LA PLUS HAUTE COMPRÉHENSION
‘’Etant donné que la Conscience est tout ce qu’il y a, ‘’qui’’ doit connaître ou
rechercher ‘’quoi’’ ? Tout ce qu’il y a, c’est le fonctionnement impersonnel de la
Conscience qui se reflète dans la totalité de la manifestation.
Attendre pour rencontrer un instrument de la Conscience ou la Conscience parler,
c’est comme vous préparer pour un rendez-vous fatal longuement attendu avec
l’amant(e) que vous avez désiré(e) toute votre vie durant et qui vous a éludé en
jouant à cache-cache. Je jetai un œil dans le miroir pour examiner l’image qu’il
reflétait. Je ne le fais pas très souvent, aussi chaque fois est-ce comme rencontrer
une nouvelle Sandra ! Je soupirai face au réseau de rides d’expression qui
devenaient de plus en plus marquées. Était-ce dû au froid desséchant des
Himalayas ou au désert de l’Andhra Pradesh et du Tamil Nadu, où Arunachala et
l’ashram de Ramana m’offraient calme et paix ? J’avais besoin d’une crème antirides
pour les rides du cœur et d’une aspirine contre les maux de tête du samsara, mais je
savais que j’étais parvenue au bout du chemin. Les Maîtres disent que sans efforts
humains, rien ne peut être accompli, mais ils nous disent aussi que ce qui est destiné
à advenir adviendra. Je savais profondément au fond de moi-même que cet entretien
personnel avec Ramesh S. Balsekar serait le couronnement de 18 ans de quête
spirituelle en Inde, Bharat, terre des Védas et des pyramides cosmiques de
l’Illumination.
Sur la page web, j’avais appris que les satsangs avaient lieu à 10 h 00, mais en
réalité, ils débutaient à 9 h 00 et donc, j’arrivai en retard et le satsang battait son
plein. J’entrai sur la pointe des pieds pour ne pas déranger et je voulus m’asseoir
tout au fond, mais on me fit asseoir sur une chaise juste en face de Ramesh et on
clipsa rapidement un micro sur mon vêtement. J’avais complètement oublié de
couper mon téléphone portable qui continua de me signaler des messages et de
perturber l’atmosphère paisible. Le nombre de personnes présentes faisait de toute
évidence aussi partie du jeu de la Conscience et pour mon premier rendez-vous, il
s’avéra qu’il n’y avait que deux personnes, alors que généralement, il y en a jusqu’à
60 dans la petite pièce et Ramesh put prêter attention et répondre à toutes mes
questions, puisque ses satsangs sont ouverts à tout un chacun. Ramesh a déclaré
qu’ils sont l’unique but de sa vie. Ce sont ces entretiens personnels qui sont la
source de son influence et aussi de la satisfaction énorme et de l’humilité d’être un
instrument par lequel tant de chercheurs trouvent le soulagement par rapport à la
confusion et au tourment de sentiments de culpabilité et de honte et de
responsabilité personnelle.
Je regardais Ramesh. C’était comme si je le connaissais depuis toujours. Une
silhouette élancée et un sourire amical et compatissant. Un regard perçant et une
114
voix qui touchait directement le cœur. Des vêtements en coton blanc tout simples.
Ramana Maharshi et Nisargadatta Maharaj me dévisageaient depuis les photos
accrochées au mur, témoins silencieux de cette rencontre au cinquième étage du
Sindhula Building, tandis que la mousson attendait encore quelques jours avant
d’inonder Bombay. Une terrasse ouverte avait été transformée en une belle pièce
ouverte et spacieuse pleine de lumière. Un téléviseur et un rocking-chair, où Ramesh
appréhenderait les événements du monde extérieur avant de fermer les yeux et de
‘’profiter’’ de la chose étaient les signes ostentatoires de la vie étonnamment
‘’ordinaire’’ d’un sage éveillé du 20ème siècle.
Offrir des fleurs, quand vous allez voir un saint ou un sage, est une offrande de vousmême dans l’ouverture, la confiance et la joie. En moi, il n’y avait ni trace de défi, ni
doute. Je me rappelai les paroles de Sai : ‘’La vie est un jeu, jouez-le. Suivez le
Maître et terminez le jeu.’’ Et le Sadguru m’avait fait courir, puis il m’avait
immobilisée et m’avait fait grimper un à un les échelons de l’échelle en ignorant
combien d’échelons il y aurait à gravir.
Lorsque des personnes vont voir Ramesh pour la première fois, il semble les
encourager à parler de leurs antécédents et examiner la voie spirituelle sur laquelle
elles se situent et ce qui les a conduites jusqu’à lui. Face aux questions inquisitrices
de Ramesh, il est possible que les visiteurs finissent par devoir humblement réaliser
que leur vision du monde et leurs pratiques spirituelles sont une confusion totale
voulue par la Source. C’était là un niveau de l’interaction, tandis qu’à un niveau plus
profond et plus subtil, la quiétude de Ramesh vous enveloppait en tranquillisant votre
esprit au point où seul le dialogue avec Ramesh s’imprimait d’une manière indélébile
et rien d’autre n’importait.
Ramesh vous fait prendre conscience de ce qui est sous-jacent au mental et toutes
ses idées et concepts. Imaginez ces deux processus qui se poursuivent
simultanément. C’est comme une alternance entre douches froides et douches
chaudes ! Le chercheur peut tout juste venir de réaliser et d’exposer une version de
ses tourments existentiels, de ses doutes spirituels et son besoin de clarification,
mais sous les coups de boutoir de la vérité assénés par Ramesh, il peut y avoir une
lutte acharnée entre l’attraction de notre Réalité et tous les conditionnements
antérieurs profondément gravés. A un moment donné, on peut devenir intensément
conscient de ce qui semble être deux réalités conflictuelles : la structure conceptuelle
que Ramesh vient juste de souligner et l’expérience réelle sous-jacente :
l’anéantissement total de l’ego, puisque l’on peut même recevoir la faveur de réaliser
de but en blanc que toutes les idées et croyances, étant de simples concepts,
doivent être lâchées et le lâcher-prise se produit une fois que vous refermez derrière
vous la porte de l’appartement de Ramesh sur Nowroji Gamadia Road et que vous
reposez dans l’Essence.
115
La clé de ce premier satsang fut pour moi de réaliser qu’aussitôt qu’une question
était posée, je connaissais la réponse de l’intérieur et en une fraction de seconde,
j’aurais pu la retirer. Puis il y eut un impact profond : j’étais parfaitement consciente
que la Conscience s’adressait à la Conscience et qu’un balai vibrant balayait chaque
coin et chaque recoin de mon esprit en écartant tout doute infime que j’aurais pu
encore entretenir. Chaque fois, je voyais mon mental, où un doute ou la nécessité
d’un éclaircissement supplémentaire se manifestait, comme si sur un drapeau rouge
il était écrit EGO avec une tête de mort dessus. C’était ce que je voyais, chaque fois
qu’une question ou que le besoin de répondre à Ramesh se manifestait, comme il
semblait s’y attendre. Encore maintenant, si je me demande qui était l’auteur de ceci
ou de cela, j’entends sa voix souligner : ‘’C’est l’ego ! Quoi d’autre !’’
Indépendamment du fait que l’aspirateur géant de la Conscience était en train
d’aspirer tous les fils du contenu de mon mental, j’étais centrée et tranquille, mais
inconsciemment et automatiquement, je posais machinalement une question à la
suite de l’autre et la réponse m’apparaissait une seconde avant que Ramesh
explique. Tout sortit, Ramesh aspira tous les fils du mental pensant et en tant que
blanchisseur expert, tapa sur mes points sensibles pour imprimer un nouveau
conditionnement. C’était comme si Ramesh ne s’adressait pas du tout à mon mental.
Il adressait directement ses paroles à ma conscience. Il implantait ses paroles dans
ma conscience et j’étais heureuse de ne pas déranger le processus. Une fois que
son enseignement serait implanté dans ma conscience, il germerait, prospérerait et
donnerait du fruit au moment voulu. Par rapport à ce point, je puis vous certifier qu’il
savait réellement où taper ! Pour finir, je ressentis une vacuité apaisante, le vide et le
sentiment de liberté le plus élevé.
Ramesh semble être curieux et très intéressé par nos questions ou nos réponses,
mais le sentiment honnête que j’avais, c’était qu’il savait tout, comme s’il faisait partie
de vous dans l’unité totale. Mais les questions devaient être posées, puisque les
réponses données devaient être comme des flèches qui pourfendent les résidus de
l’ego. Ramesh vous faisait parfois argumenter, puis minait ce que vous souteniez en
vous donnant un aperçu du substrat sous-jacent à tous les concepts et si vous étiez
prêt, vous laissiez tomber votre attachement à l’égard de vos concepts pour reposer
dans ce qui les sous-tend. Autrement, vous continuiez maladroitement et vous vous
enfonciez de plus en plus profondément dans le champ de mines du mental.
Certains visiteurs comprenaient vite, alors que d’autres qui désiraient désespérément
s’accrocher à une structure et non à cette vacuité apaisante, mais qui leur échappait,
revenaient constamment à la charge avec des questions destinées à affiner leur
compréhension de la vérité et donc, il était aussi très intéressant d’observer les
doutes des autres chercheurs. C’est un grand enseignement qui va beaucoup plus
loin que se contenter d’assister à des conférences impersonnelles.
116
Certains enseignants peuvent vous dire que ‘’vous êtes la Conscience, que vous
êtes Brahman’’, tandis que Ramesh vous pousse en bas de votre piédestal en
parlant d’ ‘’objet tridimensionnel’’ et d’ego et vous devez réellement vous éveiller et
dégager pour permettre à la Conscience d’annihiler ce qu’Elle a créé. Quand un jnani
vous dit ‘’C’EST L’EGO !’’, vous ne pouvez pas le nier. Et si terminer le jeu vous
intéresse, il se pourrait que vous receviez la bénédiction de pouvoir voir ce qu’il en
advient sous la pleine autorité de l’état de réalisation de Ramesh et de toute la
puissance qu’il y a derrière chacune de ses déclarations. Si vous prenez livraison de
cette information au niveau du cœur, en conscience, il se pourrait que vous
expérimentiez vous-même un aperçu de cet état. Si vous en prenez livraison au
niveau du mental, vous l’emmagasinerez simplement comme un élément
d’information intéressant qui pourra fructifier ultérieurement. Si vous recevez
l’information dans un silence intérieur total, elle active la conscience totale de la
vérité.
J’étais tranquillement assise, quand Ramesh répondit à la dernière question du jeune
homme assis à côté de moi.
Paul : Alors, que sommes-nous ?
Ramesh : Simplement une totale absence objective, qui est la présence de ce JE
SUIS, de cette Etreté.
Il se tourna ensuite vers moi en souriant.
Ramesh : A présent, dites-moi quelque chose à votre sujet, Sandra. De quelle partie
du monde venez-vous ?
Sandra : D’Italie, mais je vis ici en Inde depuis 18 ans.
Ramesh : C’est très courageux de votre part ! Et que faites-vous donc en Inde ? Que
faites-vous pour avoir de l’argent ?
Sandra : Dieu y pourvoit. Il est là.
Ramesh : Ah, je vois, l’argent est là. Vous allez dans un magasin et l’argent est là,
très bien ! Cela veut dire que vous n’êtes pas en situation de pauvreté. A des
personnes qui sont en situation de pauvreté, si je leur demande ce qu’ils veulent
dans la vie, ils répondent simplement : ‘’Ramesh, tout ce dont j’ai besoin, c’est de
nourriture et d’un abri. C’est tout.’’ Maintenant, dites-moi, Sandra, quelle est la chose
la plus importante que veut Sandra dans la vie ? Laissez-moi le dire ainsi : si Dieu
venait vous trouver maintenant et s’Il vous disait : ‘’Sandra, faites un seul vœu et Je
l’exaucerai’’, que répondriez-vous ?
117
Sandra : Humm…C’est difficile à mettre en mots…
Ramesh : Avez-vous essayé ? Avez-vous essayé de le mettre en mots ? Voyezvous, je ne peux transmettre mes concepts que par l’intermédiaire de mots. Je parle
aux gens en utilisant des mots et les mots communiquent mes concepts. Quelle est
la chose la plus importante pour vous dans la vie ? Permettez-moi de le dire ainsi : si
vous rencontriez Dieu et si Dieu vous proposait de ne Lui demander qu’une seule
faveur, que demanderait Sandra ?
Sandra : C’est réellement réaliser et faire l’expérience que je ne suis pas cet
organisme corps-mental appelé Sandra. Je crois qu’on appelle cela l’expérience de
la Conscience constante intégrée.
Ramesh : Attendez une minute. Supposons maintenant que vous expérimentiez
vraiment que vous êtes la Source totale. Qu’est-ce que cette compréhension ou cette
expérience vous apportera dans votre vie quotidienne ? Sandra sera-t-elle plus
heureuse pour le restant de sa vie en raison de cette simple expérience ? Qu’est-ce
que cette expérience changerait dans votre vie et quel avantage Sandra retirerait-elle
de cette expérience dans sa vie quotidienne ? Sachant que vous êtes la Source,
comment cette connaissance peut-elle vous aider, si l’on vous trompe ou si l’on vous
bat ? La vie quotidienne implique que vous devez avoir des rapports avec d’autres
personnes en ne sachant pas si un étranger va être ami ou ennemi. Que vous
sachiez être la Source ou pas, vous devrez toujours faire face aux autres dans votre
vie quotidienne. Que vous apporterait cette expérience pour vous faire vous sentir
plus à l’aise avec vous-même ? Vous sentirez-vous plus à l’aise dans vos rapports
avec les autres dans votre vie quotidienne ? Cette expérience vous procurera-t-elle
un bonheur permanent, une harmonie et une paix permanentes ?
Sandra : N’en retirerais-je pas une non-implication ?
Ramesh : Nous nous rapprochons, maintenant, mais permettez-moi de vous dire ce
que je répondrais à votre place : ‘’Seigneur, accorde-moi cet état d’esprit dans lequel
je ne désirerai rien de personne, pas même de Toi.’’ Voyez, ceci n’est pas de la
haute philosophie, mais une philosophie qui permet à Sandra de vivre le reste de sa
vie sans jamais se sentir mal à l’aise avec elle-même, ni avec les autres en aucune
circonstance. Cette philosophie très simple aide, d’instant en instant, et permet à
Sandra de ne pas être mal à l’aise. Une situation dans laquelle je ne désire rien de
personne est le prérequis à l’harmonie et à la paix dans la vie quotidienne. Oubliez la
recherche. Oubliez l’Illumination. De quoi a-t-on besoin dans la vie ? Pas de
culpabilité, pas d’orgueil, pas de haine et pas de jalousie simplifie la vie. Cela signifie
la paix. Si vous cherchez la paix dans cette vie, la seule chose à comprendre, c’est
que vous n’êtes pas l’auteure/actrice, que vous n’êtes pas réellement responsable
par rapport à tout ce que vous faites. Mais cela ne signifie pas que vous devez être
118
irresponsable. Parce qu’in fine, la réponse est de faire tout ce que vous aimez en
accord avec les normes de moralité et de responsabilité que vous avez. Ces normes
de moralité et de responsabilité font partie de la programmation et vous ne pouvez
agir autrement que conformément à votre programmation.
Sandra : Comment puis-je avoir cet état d’esprit ? Comment est-ce arrivé pour
vous ?
Ramesh : J’ai accepté le concept du Bouddha, ‘’Des événements se produisent, des
actions sont accomplies, des conséquences surviennent, mais il n’existe aucun
auteur/acteur individuel.’’ Ce sont des paroles que le Bouddha est censé avoir
prononcées. La totale acceptation que tout ce qui se produit dans la vie est
simplement conforme à la Loi cosmique, c’est-à-dire à la destinée et à la Volonté de
Dieu. Par conséquent, je n’ai aucune raison de blâmer quelqu’un, ni d’envier
quelqu’un, ni de me blâmer pour tout ce qui arrive dans la vie. Durant ces vingt
dernières années, j’ai été contraint d’accepter pareillement la douleur et la joie en
profitant de tout ce qui était agréable et en subissant toute peine qui était mon lot
sans blâmer les autres et j’ai pu jouir de la paix sans devoir porter le poids de
l’amertume et de l’intention malveillante à l’égard des autres, ni celui de la culpabilité
ou de la honte par rapport à n’importe quelle action. Qui plus est, je n’ai jamais blâmé
ni critiqué quiconque pour un quelconque épisode affectant le déroulement de la vie,
ce qui a signifié la présence de la paix et de l’harmonie dans ma vie quotidienne.
Sandra : Puis-je savoir comment cette acceptation totale est arrivée pour vous,
Ramesh ? J’ai 60 ans et le temps passe vite. Est-elle venue progressivement ou
soudainement ?
Ramesh : Savez-vous quel âge j’ai ? J’ai 88 ans et cela ne m’ennuie pas et donc,
cela ne devrait pas non plus vous ennuyer. Voyez-vous Sandra, je me considère
comme extraordinairement chanceux, étant né dans un certain milieu culturel et le
résultat en a été que j’ai toujours cru fermement à la prédestination. Chacun de nous
a son destin spécifique et vous ne devriez pas vous soucier de la façon dont c’est
venu pour moi. Vous avez certainement votre propre programmation. Sachez juste
que j’ai toujours accepté et cru en la destinée pendant toute ma vie. Par conséquent,
je ne me suis jamais tracassé par rapport à mes examens à l’école ou par rapport à
l’obtention d’une promotion dans ma carrière. Il pouvait certes y avoir de la curiosité,
mais je ne me suis jamais tracassé, sachant que si j’étais prédestiné à faire carrière,
mon patron ne pourrait pas l’en empêcher et dans le même temps, si ce n’était pas le
cas, il n’y avait rien que je pouvais y faire. Cette conviction m’a mis dans une
situation où il n’y avait aucune raison de flatter mon patron et connaissant bien mon
approche de la vie, mon chef immédiat se fiait à mon avis sincère, chaque fois qu’il
en avait besoin. Une telle acceptation totale vous rend libre par rapport aux caprices
des autres. Si ma carrière était prédéterminée, personne ne pourrait l’en empêcher,
119
pas même mon patron, et toute l’obséquiosité du monde à son égard ne favoriserait
pas ma promotion, si ce n’était pas au programme de ma destinée.4
Sandra : Alors, si je dois être confuse, je resterai confuse !
Ramesh : Vous êtes intéressée et vous êtes venue ici. Vous étiez aussi destinée à
venir ici quand il n’y avait que deux personnes, alors que nous avons même eu des
jours où il y avait jusqu’à soixante personnes entassées dans cette pièce pour les
satsangs du matin. C’est votre destinée d’être ici avec cet intérêt. Ne soyez pas
pessimiste ! Vous prétendez que votre verre est à moitié vide. Soyez optimiste et
dites que le verre est à moitié plein, étant donné que vous êtes ici maintenant.
Sandra : Depuis que la compréhension ultime s’est produite, qu’est-ce qui a changé
dans votre vie ?
Ramesh : Ces vingt dernières années et quelques, depuis qu’une acceptation totale
est survenue, je ne porte plus aucun poids de honte ou de culpabilité par rapport à
mes actions, peu importe à quel point certaines peuvent paraître stupides et
infructueuses et en outre, chaque fois qu’un sentiment de compassion s’élève, je ne
me sens jamais bon, ni fier. Ces dernières années, il y a eu une absence totale
d’envie ou de ressentiment à l’égard des autres pour toute action qui pouvait
provoquer une réaction biologique de déplaisir, puisque PERSONNE NE FAIT QUOI
QUE CE SOIT. Ces dernières années, j’ai été manifestement obligé d’accepter toute
la douleur et toute la joie apportées par le flux de la vie, en sachant que je ne
pouvais rien faire par rapport à la douleur qui était mon lot, aussi n’ai-je haï
personne. Jouir ou souffrir font partie du flux naturel de la vie. J’étais pleinement
conscient du fait que ma paix et que mon contentement ne pouvaient résider dans le
flux de la vie, mais dans mon attitude à l’égard du flux de la vie. Par conséquent, le
flux de la vie ne peut pas affecter mon bonheur, ni ma paix, puisqu’ils ne dépendent
pas du flux de la vie, mais de mon attitude à son égard. Mon ego est totalement libre
par rapport au jugement, par rapport à l’angoisse, à la peur, au ressentiment, à la
honte, à la culpabilité et dans cet état d’esprit où il y a, je le souligne, une acceptation
totale et pas seulement une acceptation intellectuelle. Je vis en présence de la paix
et du contentement, puisque le bonheur est déjà là et n’a pas besoin d’être acquis, ni
atteint, si vous acceptez que personne ne fait quoi que ce soit. C’est aussi simple
que cela. Néanmoins, voici la question à un million de dollars : comment ? Et ma
réponse est : ‘’L’acceptation doit être totale.’’
Sandra : Que puis-je faire pour avoir l’entière conviction que je ne suis pas
l’auteure/actrice ?
4
Ramesh a gravi tous les échelons pour finalement devenir le directeur d’une grande banque indienne, NDT
120
Ramesh : Sandra ne peut rien faire, cela ne peut arriver que par la Volonté de Dieu.
Mais Sandra peut me demander : ‘’Ramesh, quelle est la pratique dans laquelle je
puis m’absorber en attendant que survienne l’acceptation totale, puisque j’ai été
conditionnée à pratiquer quelque chose ?’’
Sandra : Oui, Ramesh. Durant toutes ces années, je suis passée d’une éducation
catholique à l’étude des enseignements de Sathya Sai Baba, à l’hindouisme et par la
suite, j’ai aussi ajouté la technique du kriya yoga, comme méditation et j’ai suivi des
cours de brahmachari dans l’optique d’approfondir ma compréhension. Néanmoins,
toutes les règles, toutes les choses à faire et à éviter, avec mon corps de
sexagénaire qui réagit par de la douleur durant l’assise et la pratique, ont généré
davantage encore de confusion. Toutes les règles et les bonnes et mauvaises
implications m’ont fait quitter la voie et m’ont fait me sentir coupable.
Ramesh : Oui, je vois. L’enseignement était que vous deviez méditer et pratiquer le
yoga, mais la pauvre Sandra ne cessait de dire : ‘’Je ne peux pas m’asseoir par terre,
le dos droit et les jambes croisées !’’ Sandra disait toujours : ‘’Cela me fait mal aux
hanches et à la colonne vertébrale.’’ Cela a entraîné un sentiment d’inaptitude, de
honte et de culpabilité. Sandra se sentait frustrée. Et donc, ce fut votre destin de
venir ici, au plus fort de la crise et de trouver Ramesh encore bien vivant à 88 ans. Il
n’y a aucune vérité dans ce que dit un Maître ou dans ce que disent les Ecritures…Il
s’agit de concepts ! Même Dieu est un concept. Dieu, en tant que concept que je
pourrais avoir, n’existe pas ! Il n’y a qu’une vérité unique que personne ne peut nier
et qui est ‘’JE SUIS’’, ‘’J’EXISTE’’ L’Etreté est l’unique vérité, la Conscience
impersonnelle de l’Etre. Je ne puis que partager mes concepts, un conditionnement
neuf, mais l’amendement du conditionnement passé est la Volonté de Dieu. Sai
Baba envoie ici beaucoup de personnes. L’une d’elles, Sky Mc Cloud, a même
demandé à Sai Baba si Ramesh était son guru et Sai Baba a répondu par
l’affirmative. Et via des rêves, il a envoyé ici beaucoup de ses fidèles. Alors, qui vous
a envoyée ici ? C’est Sai Baba qui vous a envoyée ici. Je ne plaisante pas !
Sandra : J’éprouve un soulagement immense, un poids énorme quitte mes épaules.
Je vous remercie, Ramesh, ce conflit était réellement pénible. (Les larmes coulent
librement le long de mes joues.)
Ramesh : Avez-vous lu mon livre ‘’Confusion no more’’ ? Après toutes ces années de
confusion, sans l’ombre d’un doute, je comprends et compatis totalement avec vous,
Sandra. Simplement en regardant votre visage, je pouvais remarquer cette
insatisfaction provoquée par la confusion. Cette acceptation totale survient par la
volonté de Dieu, mais comme vous avez l’habitude d’une pratique ou l’autre, je puis
vous conseiller une auto-investigation très simple et très efficace. A la fin de la
journée, mettez-vous à votre aise, coupez votre téléphone portable et essayez cette
investigation très simple : parmi tous les événements du jour qui se seront produits,
121
choisissez une action dont vous serez convaincue d’être l’auteure, une action que
vous pourriez mettre au défi n’importe qui de prouver que ce n’était pas votre action.
Puis, demandez-vous : ‘’Ai-je décidé de faire ceci ?’’
En analysant de plus en plus profondément, vous vous rappellerez qu’une pensée
est apparue, que vous n’avez jamais eu aucun contrôle sur cette pensée qui s’est
infiltrée dans votre esprit, mais que c’était une simple réaction biologique. Puis vous
verrez que si la pensée ne s’était pas produite, il n’y aurait pas eu d’action. En allant
encore plus loin, vous découvrirez que si vous ne vous étiez pas trouvée en un
certain lieu, à un moment donné, et que si vous n’aviez pas entendu, vu ou senti
quelque chose, vous n’auriez pas fait cette action spécifique dont vous étiez si sûre
qu’elle n’aurait pas pu être qualifiée comme n’étant pas votre propre action. Cette
occurrence de vous retrouver en un certain endroit est survenue, et le fait de voir ou
d’entendre quelque chose a entraîné l’action dont vous étiez si sûre qu’elle était la
vôtre, alors qu’en réalité, vous n’avez jamais eu aucun contrôle par rapport à elle. En
conclusion, via votre propre investigation, il est vraisemblable qu’un éclair
d’acceptation totale survienne et conséquemment, cette réalisation entraînera aussi
à sa suite l’acceptation totale que les actions des autres ne sont pas non plus leurs
actions. Quand cet éclair surviendra, il n’y aura plus de doutes et une compréhension
neuve pourra voir le jour. Ce n’est qu’en investiguant vos actions personnelles que
vous parviendrez à la conclusion que personne ne fait aucune action, que toutes les
actions ne sont que des occurrences divines, des événements conformes à la
volonté de Dieu et donc, personne ne doit être blâmé pour quoi que ce soit. C’est la
conclusion à laquelle vous aboutissez via votre propre expérience. Alors, ce qui
n’était précédemment qu’un concept intellectuel devient la vérité personnelle de votre
investigation et tout le reste était de l’hypnose divine.
Sandra : Merci, Ramesh. Je présume que toutes les étapes précédentes faisaient
partie intégrante du programme qui a fait en sorte qu’une clarté bénie survienne ici
dans l’écoute et la vérification sous votre guidance. Je me trouvais dans la confusion
et le stress. Maintenant, je suis ici par la volonté de Dieu et je vois que toutes les
étapes précédentes avaient simplement leur raison d’être pour que je puisse m’en
défaire.
Ramesh : Je vais encore vous dire autre chose. Ceci est mon concept : qui s’en
soucie, si la compréhension totale se produit ? Néanmoins, ne soyez pas pessimiste.
En réalité, même si vous ne pratiquez pas cette simple auto-investigation, elle pourra
survenir, si c’est la volonté de Dieu, mais elle pourrait aussi ne pas survenir, si ce
n’est pas le cas ! Sandra, vous êtes tout à fait la bienvenue, si vous voulez revenir,
mais une fois que cette compréhension se produit, il ne reste plus aucun doute et il
n’y aura plus besoin de revenir.
122
Sandra : Je suis venue de Bangalore. Puis-je encore revenir demain pour que
l’enseignement pénètre bien ?
Ramesh : Si cela vous rend heureuse, vous pouvez certainement venir et parfois, il
arrive qu’initialement, des questions connexes puissent survenir. Dans ce cas-là, je
serai aussi heureux de les clarifier. N’oubliez pas que toutes sont des concepts. Vous
devez découvrir par votre propre expérience si de tels concepts sont acceptables ou
pas. Cela dépendra de la volonté de Dieu et de votre destinée.
Un physicien retraité investiguait avec Ramesh ce qui se passe pendant la
concentration et pendant la méditation et article en main, Ramesh lut à haute voix
cette découverte scientifique fascinante :
Ramesh : J’ai lu un article très intéressant à propos du Dr Newberg, une figure de
proue dans le domaine de la neurothéologie – la science du cerveau qui concerne
l’expérience spirituelle et religieuse. Il a inventé une machine qui lui a permis de
prendre une photographie du cerveau au moment de la transcendance spirituelle, un
état qui sous sa forme la plus élevée est connu sous le nom de samadhi. Il a invité
deux moines tibétains et il a examiné leurs cerveaux au moment de leur méditation la
plus profonde et il leur a demandé de faire sonner une cloche, quand ils entreraient
dans cet état de méditation profond, ce qu’ils firent, donc. Les images prises par le Dr
Newberg ont montré que le cortex préfrontal du cerveau – le siège de l’attention –
s’illuminait d’un vermillon brillant, indiquant par là une augmentation du flux sanguin
due à l’état de concentration profonde du méditant, mais la zone arrière supérieure
du cerveau de l’aire associative pour l’orientation était devenue bleu sombre. Cette
partie arrière du cerveau, c’est là où on a le sentiment d’espace et du temps et où
apparaît le ‘’moi’’ existant distinctement et séparément de l’univers physique.
L’obscurité dans cette zone indiquait que lorsqu’un méditant était introverti, le monde
entier disparaissait en bloquant effectivement toute information provenant de
l’extérieur. Le cerveau ne peut plus créer de frontière entre le moi et le monde entier.
En conséquence, explique Newberg, il n’a pas d’autre choix que de percevoir ce soi
comme étant infini, entremêlé en chacun et en chaque chose. Ceci peut aussi se
produire pendant la concentration profonde. Ceci expliquerait que ce qui se produit
pendant la méditation n’est qu’une expérience liée au temps, alors que l’Illumination
signifie une transformation totale basée sur l’acceptation totale que l’entité séparée
n’est qu’un instrument par lequel fonctionne l’Energie pure.
Ce que ceci signifie, c’est que l’ultime compréhension empêche l’information
sensorielle d’affluer dans nos cerveaux et maintient obscure l’aire associative pour
l’orientation tout au long de la journée et pas seulement pendant le moment où la
méditation est à son point culminant. Aucune information ne passe dans cette zone,
puisqu’il n’y a plus d’identité individuelle qui compare, qui juge et qui distingue entre
123
‘’moi’’ et ‘’l’autre’’, celui qui voit et ce qui est vu, le sujet et l’objet – sur base de
l’activité personnelle de chaque entité séparée.
La conséquence en est que, sans information qui passe dans cette zone – l’aire
associative pour l’orientation – le cerveau n’a pas d’autre choix que de percevoir le
soi comme étant infini et entremêlé dans chacun et chaque chose. Ce qui provoque
la séparation entre le moi et l’autre qui représente le monde extérieur, c’est
l’implication du moi dans le monde extérieur en comparant et en jugeant tout ce qui
semble être fait par ‘’l’autre’’.
Ce qui a produit l’obscurité dans l’aire associative pour l’orientation, lorsque le
méditant avait plongé en lui-même, c’est que ‘’l’esprit pensant’’ a été coupé. L’esprit
pensant, c’est l’esprit qui pose des questions en fonction de ce qui se passe dans le
monde extérieur, en fonction de ce que les autres font, qui fournit des réponses et
qui pose des questions supplémentaires en fonction de ces réponses, et cet
enchaînement de la pensée – l’implication – se perpétue.
L’autre aspect de l’esprit – l’esprit fonctionnel – lui ne se focalise que sur l’action
apparente dans l’instant. Il ne se focalise que sur l’exécution de la tâche. L’esprit
fonctionnel ne se préoccupe pas du futur, parce que celui qui s’inquiète des résultats,
c’est l’esprit pensant, l’ego. Avec l’esprit fonctionnel, il n’y a pas d’individu qui
effectue le travail. Le travail qui est fait est vu, alors qu’avec l’esprit pensant, il y a
l’ego et son sens de l’action personnelle et qui est très soucieux des résultats.
L’augmentation de l’activité frontale et la diminution de l’activité à l’arrière du cerveau
ne se retrouvent pas uniquement pendant la méditation, mais également au cours de
toute tâche qui focalise l’attention, c’est-à-dire lorsque l’esprit fonctionnel est
totalement en charge.
La réunion était terminée et je me sentais très légère, mais dès que je sortis, des
doutes commencèrent à surgir, aussi décidai-je de rester un jour de plus, même si je
comprenais qu’il n’y avait plus besoin d’une nouvelle relation guru-disciple.
124
CHAPITRE 23 : LA SAGESSE QUI TRANSPERCE LE CŒUR
Approfondissez et élargissez votre conscience
Et toutes les bénédictions couleront à flot.
Vous n’avez pas besoin de chercher quelque chose, tout viendra à vous sans effort.
Bombay était humide et chaude, mais pendant la nuit, un orage purifia l’air et
rafraîchit la température. Cette fois, j’arrivai à l’heure et je fus heureuse de monter les
nombreuses marches jusqu’au quatrième étage du Sindhula Building et je découvris
qu’une fois de plus, je fus bénie de ne trouver que deux autres personnes, et donc
j’eus encore l’opportunité rare de parler directement avec Ramesh pour éclaircir
quelques doutes issus de tous mes conditionnements antérieurs.
Sandra : Après avoir réfléchi pendant une journée à votre nouveau conditionnement,
puis-je vous demander quelques clarifications, Ramesh ?
Ramesh : Bien sûr ! Allez-y !
Sandra : Il est très pénible d’abandonner une voie spirituelle antérieure ou une
technique dans laquelle nous avons cru...
Ramesh : Oui.
Sandra : Cela fait mal. Qui ressent la douleur ?
Ramesh : L’ego. Chaque fois que vous ressentez de la douleur ou que vous vous
sentez blessée, c’est l’ego qui ressent la douleur. Qui trouve des difficultés et qui est
blessé ? L’ego. Quoi d’autre ? Qui est le chercheur ? L’ego. Qui s’implique ? L’ego.
De par sa nature, le corps a ses réactions biologiques dues aux gènes et au
conditionnement sur lesquels l’ego n’a aucun contrôle, de simples réactions dans
l’organisme corps-esprit. Dès que les yeux voient quelque chose, que les oreilles
entendent quelque chose ou que la langue goûte quelque chose, il y a une réaction
biologique et l’ego s’implique, mais il n’y a aucun besoin de s’impliquer. L’ego d’un
sage observe simplement la réaction et ne s’implique pas dans la réaction
biologique. Le corps a des réactions biologiques par rapport auxquelles l’ego n’a
aucun contrôle. Des réactions comme la douleur, la peur, la joie, la compassion ou la
peine sont des réactions biologiques et l’ego ne devrait pas s’impliquer, mais chez
les êtres ordinaires, il s’implique. Comment l’ego s’implique-t-il ? L’ego s’implique en
disant : ‘’Je devrais être loyal à l’égard du guru, je devrais faire preuve de
compassion ou je ne devrais pas me mettre en colère, etc.’’ Le sage peut aussi se
mettre en colère, mais ayant aboli l’implication de l’ego, cela lui est égal et il ne
s’implique pas. Le sage observe simplement toutes les réactions biologiques
naturelles qui se produisent, sans s’impliquer.
125
L’unique moyen de s’occuper de l’ego, c’est de comprendre ce qu’est l’ego et
comment il est apparu. Tout ce qu’il y a, c’est la Conscience et c’est la Conscience
qui s’est délibérément identifiée à chaque mécanisme corps-mental individuel pour
percevoir la manifestation dans la dualité de l’observateur et de l’observé. Donc, tout
le fonctionnement de la totalité de la manifestation – la lîla – est une affaire
impersonnelle d’évolution concernant le processus d’identification initial – l’existence
identifiée couvrant une certaine période, le mental qui se tourne vers l’intérieur, le
début du processus de désidentification et la compréhension ultime de ce processus
impersonnel ou Illumination, où la Conscience a retrouvé sa ‘’pureté’’ d’origine. Ce
que l’observation opère, c’est la dissociation d’avec l’ego, tout en reconnaissant sa
valeur en tant qu’élément opérationnel qui doit perdurer en tant que partie de la
structure psychique du mécanisme psychosomatique. Cet élément, l’ego, doit
continuer à exister aussi longtemps que le corps existe, mais plus dans la confusion.
Ce qu’apporte la compréhension, c’est la reconnaissance que l’ego ou que le mental
est simplement un partenaire qui opère dans l’organisation physique du corps – et
plus son propriétaire indépendant.
Sandra : Donc, je ne devrais pas me sentir comme un chien errant si je me retire
d’une certaine technique spirituelle, une voie dans laquelle j’ai totalement cru
pendant des années ? N’est-ce pas faire preuve d’inconsistance ou de déloyauté ?
Ramesh : Chaque événement, chaque pensée et chaque sentiment qui concernent
un individu sont des mouvements dans la Conscience. Ce sentiment d’être à l’image
d’un chien errant provient de l’ego, puisque ce n’est pas une réaction biologique.
C’est l’ego qui pense que vous êtes censée éprouver de l’amour pour une voie
spirituelle et lui être loyale ou être loyale envers votre propre pays, etc. L’ego est
celui qui dit ‘’je devrais’’ ou ‘’je suis censée…’’
J’ai dix gurus…Envers lequel devrais-je être loyale ? Par conséquent, à un moment
donné, l’ego doit avoir une certaine compréhension et cette compréhension
nécessaire et importante, c’est que vous n’avez pas choisi de trouver tel guru
spécifique à un moment donné. C’est arrivé et à présent, un certain changement
s’opère et cela n’a jamais été votre action. L’essentiel, c’est que tout arrive. C’est
prédéterminé et il n’y a rien que Sandra ait jamais fait, en bien ou en mal, elle n’a
jamais eu le choix entre des alternatives ou des voies ou des gurus. Sandra n’a
jamais pu commettre d’erreur, puisqu’elle n’a jamais été en charge du choix ! Tout
était destiné à être. C’était votre programmation. L’ego introduit la crainte que Sandra
puisse avoir fait quelque chose de mal ou qu’elle puisse être comparée à une
lunatique ou à un chien errant. Il n’y a aucune inconsistance. C’est une simple
pensée qui surgit. ‘’Qu’ai-je fait de mal ?’’ est une simple pensée qui surgit en raison
d’un conditionnement antérieur. En sortir et continuer à avancer est simplement dans
votre destinée.
126
Sandra : Voulez-vous dire que la relation guru-disciple peut être également une
phase de la vie et puis évoluer vers des champs plus vastes et des niveaux différents
sous la guidance du guru intérieur et conformément à la programmation des gènes ?
Ramesh : Voyez-vous, Sandra, deux personnes peuvent rencontrer le même Maître
et l’une peut réagir avec indifférence et cela fera ‘’tilt’’ avec un autre guru, tandis que
l’autre personne accrochera, servira le guru et donnera au guru tout ce qu’elle a. La
relation guru-disciple peut faire tilt pour une personne et pas pour une autre. Même
ce type d’événement était prédéterminé. C’était censé ‘’faire tilt’’ ou accrocher ou
pas. La destinée ou la loi cosmique sont à la racine de tout ce qui arrive.
Maharaj avait coutume de dire que certaines personnes peuvent avoir besoin de plus
d’un guru et d’autres non. Moi-même, j’ai eu un guru pendant plus de 20 ans et puis
j’ai rencontré Maharaj.
Sandra : Cela signifie-t-il que ce déclic peut se produire seulement pour un certain
nombres d’années avant de claquer et que vous êtes tout à fait OK en sentant que
l’enseignement ne s’aligne plus avec le niveau que vous avez atteint et que vous
passez alors à un autre guru, en toute simplicité ?
Ramesh : Cela ne signifie pas que vous trouverez immédiatement un autre guru. Un
autre guru apparaîtra à l’instant même où ce doit être le cas ou quand vous êtes
supposée trouver un autre guru, et pas un jour avant et pas un jour après. La
compréhension essentielle, fondamentale, c’est que, quoi qu’il arrive, l’ego n’a
aucune raison de se blâmer, puisqu’il n’a jamais rien fait ! Le secret, c’est de suivre le
courant et de ne pas lui résister. Cela ne signifie pas non plus qu’il vous faut un
Maître pour mettre un terme à votre asservissement. Cela voudrait dire encore plus
d’asservissement. C’est un asservissement, si vous dépendez d’un autre être pour
supprimer ce moi. Nous en sommes arrivés au stade où la compréhension est que
pour que prévale l’état du JE SUIS, Sandra doit s’écarter et pourtant, Sandra ne peut
rien faire par rapport à cela. Un guru peut-il le faire pour vous ? Ma réponse est non !
C’est uniquement par la volonté de Dieu que cela se produira ou non.
Sandra : Dans l’optique d’approfondir les implications sous-jacentes de ces concepts
du non-agir, voudriez-vous également avoir l’amabilité de clarifier le sens intrinsèque
du karma ? Ne s’agit-il que d’un simple scénario imbriqué voulu par la Source,
combiné à la configuration planétaire au moment de la naissance et qui n’a rien à
voir avec nos actions passées, puisque nous ne sommes pas les auteurs/acteurs ?
Une fois, Sai Baba est venu dans l’un de mes rêves et il a déclaré : ‘’Voulez-vous
connaître un secret ? Même le karma n’existe pas !’’ C’était un enseignement
tellement différent par rapport à ses discours publics habituels que je craignis que les
rêves aussi puissent être des rêves dans le rêve de la vie et je n’ai jamais investigué
plus loin.
127
Ramesh : Ma compréhension fondamentale, c’est que personne ne fait quoi que ce
soit. Alors investiguer plus en profondeur le sens essentiel du karma ? Que signifie le
terme ‘’karma’’ ?
Sandra : Action.
Ramesh : D’accord, action, mais pas votre action ! Action. Une action se produit et
c’est la raison pour laquelle il y a des conséquences et nous en revenons aux
paroles du Bouddha : des événements se produisent, des actes sont commis, des
conséquences apparaissent, mais il n’y a pas d’auteur/acteur individuel. Donc, des
actions se produisent, mais personne n’est responsable en tant qu’auteur/acteur
individuel. De même que dans la Bhagavad Gita, Krishna enseigne à Arjuna que
toute la responsabilité concernant la bataille repose sur Ses épaules. Qu’il veule
combattre ou non, sa nature, sa programmation, c’est d’être un guerrier et même si
Arjuna ne souhaite pas combattre, il y sera contraint par sa programmation, aussi sa
préférence ou sa décision de ne pas combattre est-elle totalement futile. Sa nature
ou sa programmation fera en sorte qu’Arjuna combatte et dans tous les cas, Krishna
a souligné qu’il avait déjà tué ceux qui devaient l’être. Aucune action n’est jamais
l’action d’un objet. Alors, qu’en est-il du karma ? Une action se produit et il y a des
conséquences, mais qui est réellement responsable d’une action que vous n’avez
jamais commise ? C’est l’action du Sujet. De toute façon, l’objet créé ne peut pas
comprendre le Sujet et nous ne devrions pas nous soucier de ceux qui récoltent les
fruits de ces actions. Quand un scientifique abandonne ses recherches, il devient un
mystique. Cette ultime compréhension, c’est cette compréhension où il n’y a plus de
moi qui dis : ‘’J’ai compris !’’. Je vous l’ai dit : l’unique Vérité, c’est JE SUIS,
J’EXISTE. C’est la seule Vérité. Tout le reste est conceptuel. La renaissance est un
concept. Votre karma est un concept. Aucun karma n’est vôtre, tout ce qui arrive est
la volonté de Dieu.
Sandra : Alors, quel est le sens de la renaissance ou des vies antérieures ?
Ramesh : Comment Sandra peut-elle avoir plus d’une vie ?
Sandra : C’est une bonne question !
Ramesh : Ne plus être un auteur/acteur individuel, c’est ne plus renaître. Le fait qu’il
y ait des génies dans tous les domaines de la vie – que ce soit en musique, en
cricket ou dans le domaine spirituel – devrait vous faire réfléchir. Ramana n’avait
jamais médité et ce n’était pas non plus un chercheur, quand à l’âge de16 ans, il
s’est avéré que la compréhension a vu le jour. Quelque chose doit être transféré
depuis les vies antérieures. A l’instar de Beethoven, de Mozart ou d’Albert Einstein,
Ramana Maharshi était un génie – un génie spirituel. Par conséquent, il doit y avoir
un transfert de quelque chose depuis une vie antérieure, mais Ramesh, en tant
128
qu’ego, ne sera pas transféré dans une nouvelle vie. Ce qui est transféré, je l’ignore
et je m’en fiche complètement ! Un autre ego a pu jouir d’une vie antérieure, mais il
n’est pas transféré d’une vie à l’autre. Il y aura certainement une nouvelle naissance,
mais Sandra ne sera pas transférée dans une nouvelle vie. Tout ce que l’ego doit
faire, c’est se demander : ‘’Que dois-je rechercher, quel est le but de cette vie ?’’
L’ego n’est pas concerné par de nouvelles naissances. Qui plus est, ne plus être un
auteur/acteur individuel, c’est très clairement aussi ne plus renaître. Sandra – en tant
que personnalité ou ego – c’est seulement pour cette vie-ci. L’ego n’est destiné qu’à
ce corps actuel pour jouir de ou souffrir tout ce qui est la volonté de Dieu ou de la Loi
cosmique. S’affranchir du concept d’être un auteur/acteur, c’est s’affranchir de la
renaissance.
Sandra : Alors, le genre de mort à laquelle nous devrons faire face est aussi
prédéterminé ?
Ramesh : Personne ne doit s’inquiéter du phénomène de la mort. Vous ne devez pas
vous tracasser parce que, quand cela se produira, vous ne serez pas là !
L’humoriste, Woody Allen, a dit : ‘’Je n’ai pas peur de la mort. La seule chose que je
ne veux pas, c’est être là au moment où elle arrive.’’ Le processus de la mort peut
être douloureux ou soudain. Même des saints, comme Ramakrishna, Nisargadatta
Maharaj et Ramana Maharshi sont restés avec un cancer pendant des mois et Jésus
a souffert sur la croix. Endurer un cancer, c’est le destin et l’ego ne peut rien y faire,
alors pourquoi se tracasser ? Un de mes amis est allé dans le frigo pour aller
chercher un verre d’eau fraîche, sa femme l’a entendu ouvrir le frigo, et puis un bruit
sourd. Il était mort d’une crise cardiaque foudroyante.
L’ego peut se tracasser par rapport à la mort, mais il n’y a rien que l’ego puisse faire
par rapport à la manière dont il devra faire face à la mort. Le Dalaï Lama s’est rendu
aux Etats-Unis, il y a quelques mois, et il était entouré par la meute habituelle de
journalistes. L’un d’entre eux lui a demandé : ‘’Votre Sainteté, croyez-vous en la
renaissance ?’’, et le Dalaï Lama qui est bouddhiste a répondu : ‘’Bien sûr que je
crois en la renaissance, mais il n’y a là-dedans rien de personnel.’’ Il y a naissance et
renaissance, mais rien de personnel. C’est l’ego qui la rend personnelle.
Sandra : Puisque tout est prédestiné, que peut changer l’ego individuel en priant ou
en répétant des mantras ?
Ramesh : Ceci, c’est mendier, et non prier. A quoi bon mendier, si tout est
prédestiné ? Une prière de gratitude peut jaillir… Je vais vous raconter l’histoire d’un
empereur moghol qui voulait être démocratique et un bon souverain. L’empereur
décida qu’il devrait pouvoir être accessible à tout le monde, aussi fixa-t-il une cloche
à l’extérieur de ses appartements privés pour que les gens puissent l’appeler. Un
matin, un mendiant sonna, alors que l’empereur terminait ses prières matinales. Le
129
mendiant était assis silencieusement et il observait l’empereur qui priait devant son
autel, puis il se leva dans l’intention de s’en aller, mais l’empereur le rappela et lui
demanda ce dont il avait besoin. Le mendiant lui dit : ‘’Je suis venu ici, parce que je
voulais obtenir quelque chose de vous, mais je vous ai trouvé les mains levées et
suppliant quelqu’un d’autre, aussi pourquoi mendierais-je auprès de vous ?’’
La prière est une réaction biologique. L’ego observe une réaction biologique qui
aboutit à une prière.
Mon concept, c’est qu’une prière de remerciement et de gratitude peut jaillir à un
moment donné et c’est une prière authentique. Il se peut que vous voyiez des gens
qui souffrent et que vous réalisiez quelle chance vous avez d’être en si bonne santé,
comparé aux autres et une prière de reconnaissance et de gratitude pourra jaillir
spontanément. C’est réellement la seule prière authentique et pas celle habituelle qui
réclame généralement une promotion ou de l’argent et qui est synonyme de mendier.
Sandra : Comment mieux écouter les encouragements de Dieu ?
Ramesh : C’est très simple ! Quelle que soit la situation, agissez comme vous aimez
le faire, étant donné que ce que vous aimez dépend précisément des gènes et du
conditionnement que Dieu a programmé pour vous, aussi comment pourrait-ce ne
pas être la volonté de Dieu ? Vous ne pouvez jamais commettre de péché. Vous ne
pouvez jamais commettre d’erreur. La réponse est que vous pouvez agir comme
vous l’aimez, et ce que vous aimez faire est exactement ce que Dieu veut que vous
aimiez faire en ce moment dans les circonstances données. Par conséquent, il n’y a
aucune contradiction. Faites tout ce que vous pensez aimer. Et comment Dieu gèret-il cela ? Par la programmation. Ce que vous pensez aimer se base sur la
programmation – les gènes et le conditionnement, et Dieu opère via la
programmation et il n’y a aucun effort à faire pour écouter ses encouragements.
Sandra : Qu’en est-il de l’enseignement qui concerne la répétition de mantras ?
Ramesh : La répétition d’un mantra empêche l’esprit de s’impliquer en fixant la
concentration sur le mantra. La concentration est le truc, autrement votre langue
continue de répéter le mantra, tandis que votre mental se balade sur la place du
marché et dans ce cas-là, il est vain et inutile de répéter un mantra. L’objectif
principal de la répétition d’un mantra, c’est d’empêcher l’esprit de s’impliquer
conceptuellement, comme par exemple, penser à la réincarnation ou à d’autres
événements imaginaires.
Sandra : Je trouve plus facile de traduire des livres que de répéter un mantra…
130
Ramesh : Alors, il n’y a pas de meilleur moyen. C’est aussi bon que de répéter un
mantra. C’est plus pragmatique. Le but est de ne pas permettre à l’esprit de s’investir
dans des conceptualisations spéculatives. Que cela rapporte de l’argent ou que vous
écriviez pour votre propre satisfaction ne fait aucune différence. Sandra peut répéter
un mantra ou traduire un livre.
Sandra : La répétition d’un mantra ne produit pas le même effet !
Ramesh (qui glousse) : Alors traduisez, puisque tout ce que vous avez à faire, c’est
éloigner l’esprit de la conceptualisation. Si l’esprit est concentré sur le japa ou sur la
répétition d’un mantra, l’arrière du cerveau, l’esprit pensant reste vide et aucune
pensée n’a la possibilité de surgir. Ecrire ou traduire contrôle l’esprit pensant et tout
type de concentration est aussi bon que la répétition de mantras.
Ramesh : D’où venez-vous, Shanthi ?
Shanthi : Je viens d’Australie.
Ramesh : Vous considérez-vous comme une chercheuse ?
Shanthi : Depuis ma naissance.
Ramesh : Oh ! Comment ceci est-il arrivé ? Vous en souvenez-vous ?
Shanthi : Ma mère est une fervente de Ramana Maharshi. Lorsque j’avais 13 ans, j’ai
commencé à méditer et je disais que si Ramana avait réussi à 16 ans, alors je
réussirais à 14 ans !
Ramesh : Je vois ! Ainsi, vous avez toujours été une chercheuse. Avez-vous une
question particulière ?
Shanthi : La concentration et la méditation sont-elles le moyen d’arrêter le flot des
pensées ?
Ramesh : Chaque fois que la concentration est totale, aucune nouvelle pensée ne
peut s’immiscer. Elle ne pourra s’immiscer que si la concentration n’est pas parfaite.
Que vous vous concentriez, que vous méditiez ou que votre attention soit totalement
absorbée par et concentrée sur un travail, l’esprit pensant ne peut pas introduire de
pensées.
Shanthi : On arrive à cela par une technique ?
131
Ramesh : Il n’est pas question d’arriver à quelque chose. Il s’agit d’une occurrence,
mais vous avez cette notion d’accomplissement gravée dans votre esprit ! De toute
manière, vous ne pouvez pas l’accomplir. Cela arrive, seulement si cela doit arriver.
Aucune technique n’est une prérogative préalable. Même l’auto-investigation n’est
pas un must. C’est la destinée et la volonté de la Source. Si vous le souhaitez, vous
pouvez vous raccrocher à l’auto-investigation, mais cela peut survenir, même sans
elle. Mais l’auto-investigation pourrait aider, puisque la compréhension intellectuelle
s’approfondit. Se prendre pour l’auteur/acteur est l’obstacle. Il n’y a pas de ‘’moi’’. Qui
est ce ‘’moi’’ qui pense être l’auteur/acteur ? L’investigation fait en sorte que le
chercheur arrive à la conclusion qu’il n’a jamais été l’auteur/acteur.
Shanthi : Alors, pourquoi enseigne-t-on toutes ces techniques ?
Ramesh : Les techniques maintiennent l’esprit vacant et exempt d’implication. Toutes
les pratiques sont utiles jusqu’à un certain point. Elles conduisent au stade où
l’événement peut survenir. Voyez-vous, un moine peut être programmé pour
empêcher son esprit de s’impliquer par la méditation ou le japa, mais l’état où aucune
demande, ni aucun désir ne surgit, l’état d’esprit dans lequel vous êtes en paix,
sukha shanti, la joie de la paix, est une simple occurrence. L’acceptation de ne pas
être l’auteur/acteur doit être totale.
Shanthi : Je comprends. L’acceptation totale ! Hum ! Je crois qu’elle n’a jamais été
là… Même si j’ai souvent tenté d’atteindre le cœur du renoncement à maintes
reprises, la vie a néanmoins été une lutte pendant des années d’affilée. Alors, c’est
l’acceptation totale le secret ?
Ramesh : En d’autres mots, ce que je veux dire, c’est d’avoir la capacité d’endurer
tout ce que la vie apporte. Le bonheur signifie parfois le bonheur et parfois son
contraire, tandis que l’acceptation, la capacité de pouvoir endurer tout ce que la vie
apporte, c’est ce que vous appelez la paix.
Kate : Pouvez-vous expliquer ce terme – ‘’acceptation’’ ? Est-ce, comme vous
l’expliquiez à Sandra, juste la véritable et totale acceptation des événements et/ou
des émotions qui surviennent ?
Ramesh : Oui, c’est accepter tout ce qui arrive dans la vie. Avez-vous jamais
essayé ? Etes-vous capable de l’accepter ?
Kate : Je n’en suis pas si sûre ! Mais je vois l’importance de l’acceptation totale.
Toutefois, elle a été comme une bascule chaotique...
Ramesh : L’acceptation signifie, fondamentalement, accepter les caractéristiques de
n’importe quel organisme corps/esprit comme faisant partie intégrante de la totalité
132
de la manifestation phénoménale par rapport auquel l’individu concerné n’a aucun
contrôle. Ceci inclut d’accepter ses propres limites, non pas en tant que quelque
chose qu’il faille améliorer par le biais de ses propres efforts, mais en laissant toute
amélioration, si nécessaire, au processus naturel. Cette acceptation empêche tout
sentiment de frustration, si les efforts ne sont pas très fructueux. Si nous acceptons
cette compréhension, nous acceptons aussi les limites naturelles de tout autre
mécanisme corps-esprit sans juger. L’acceptation totale veut dire essentiellement
accepter la subjectivité de Dieu et le ‘’moi’’ comme instrument par lequel la
Conscience ou Dieu en tant que Sujet s’exprime dans l’objectivité. L’acceptation est
une combinaison de tolérance et d’humilité. L’acceptation mène à la compréhension
et mène à une extrême sensibilité. Le sage, le jnani, pleure avec ceux qui pleurent et
rit avec ceux qui rient, la souffrance ou le plaisir étant reflété. Maintenant, dites-moi
Kate, quelle est votre compréhension sur la façon de parvenir à cette paix que nous
recherchons tous ?
Kate : Je suis encore très jeune, mais je sais que le bonheur et le malheur terrestres
ne sont pas quelque chose de durable…
Ramesh : Oui, exactement, c’est la vie ! La vie apporte parfois la douleur et parfois le
plaisir, parfois le bonheur et parfois le malheur. Maintenant, mon concept est que
nous avons cette paix en nous. Cette paix, chacun l’a ‘’sous la main’’ ; par
conséquent, il n’y a rien que l’on doive atteindre ou obtenir. Elle est là, mais cette
paix est obstruée par quelque chose que nous pensons ou que nous faisons. Mon
concept est que fondamentalement, on ne doit pas acquérir la paix qui est déjà là.
Notre souci sera d’enlever l’obstacle qui empêche cette paix, de supprimer
l’obstruction qui empêche la paix de se manifester. Quelle est cette obstruction ?
Qu’est-ce qui empêche cette paix ? Suivant mon concept, la paix est là. Chaque fois
qu’un sentiment se manifeste, qu’il soit acceptable ou pas, s’il se manifeste, vous
l’acceptez. Alors, qu’est-ce qui, d’après vous, vous empêche de parvenir à cette paix
dans tout ce que vous faites durant les heures de veille ? Le problème surgit, parce
que vous dites que cela n’aurait pas dû arriver : ‘’Je n’aurais pas dû faire ceci ou
cela’’ constitue l’obstacle à la paix, à sukha shanti, à la joie de la paix, mais il est là et
donc, acceptez tout ce qui arrive comme quelque chose qui devait arriver
conformément à la destinée de cet objet. Le point principal est que ce n’est pas sous
votre contrôle, mais si vous voulez penser que c’est sous votre contrôle, rien ne vous
empêche, selon mon enseignement, de faire tout ce que vous voulez faire.
Kate : Je suis confuse par rapport au fait qu’il y ait tellement de livres sur le pouvoir
de l’esprit. Pourquoi sont-ils écrits ?
Ramesh : Pour les vendre et faire de l’argent ! Ces livres de développement
personnel vous aident à décider ce que vous devez faire par rapport à une situation
donnée et comment gérer les situations. Ils vous disent ce que vous devriez faire,
133
mais mon concept, c’est que ce que vous avez pu faire et ce qui arrive n’est pas
sous votre contrôle, cela n’a jamais été sous votre contrôle pour influencer les
résultats. Les astrologues ou les lecteurs de feuilles de palmier peuvent vous dire
que vous n’obtiendrez pas ce que vous voulez, puisque tout est prédéterminé et que
vous le croyez ou non, c’est ainsi que cela fonctionne.
Kate : Puisque je ne suis pas l’auteur/acteur, comment est-ce que je fais face aux
problèmes et aux engagements du quotidien ?
Ramesh : In fine, l’enseignement est qu’à chaque instant et quelles que soient les
circonstances, faites tout ce que vous pensez devoir faire. Pouvez-vous jamais avoir
davantage de liberté que cela ? A chaque instant et quelles que soient les
circonstances, faites tout ce que vous pensez devoir faire et ‘’faire’’ veut dire
simplement décider entre les alternatives dont vous disposez. Choisissez toute
alternative suivant laquelle vous pensez devoir agir, puisque votre choix se base sur
une programmation par rapport à laquelle vous n’avez aucun contrôle. A présent,
dites-moi, Judy, quel obstacle y a-t-il entre vous et la paix que vous recherchez
depuis que vous êtes née ?
Judy : Les émotions, l’attachement et l’ego.
Ramesh : Bien, les émotions. Vous trouverez qu’il y a des personnes qui sont plus
émotives que d’autres, n’est-ce pas ? J’ai un ami, un ami allemand qui est très
émotif. Je le vois souvent. Il a les larmes aux yeux, il est très émotif. Il a été soldat
pendant toute sa vie et tous ses ancêtres ont aussi été soldats depuis six
générations, mais quand je lui parle, quand quelque chose le touche, il a vite les
larmes aux yeux. Et pourtant, c’était un soldat, un bon soldat. Voyez-vous ? Ainsi, la
montée d’émotions ne l’a pas empêché d’être un bon soldat. Donc, ce que je veux
dire, c’est que, si une émotion apparaît, qu’est-ce que cela peut bien faire ? Pourquoi
se faire du mouron par rapport à une émotion qui surgit ou non ? Vous êtes-vous
déjà demandée si la perte de la paix était due aux émotions ? Pourquoi ne voulezvous pas que les émotions surgissent ? A cause de la peur ? De quoi avez-vous peur
? Avez-vous peur de ce qu’en penseront les gens ?
Judy : Je crois qu’il s’agit d’une peur non identifiée de souffrir.
Ramesh : La peur elle-même est une émotion. L’apparition de n’importe quelle
émotion ne vous empêche pas d’avoir la paix que vous voulez avoir. Chaque fois
qu’une crainte surgit, vous n’acceptez pas cette émotion et vous vous forcez en vous
persuadant que vous êtes courageuse et que vous n’avez pas peur et une friction,
une lutte a lieu à l’intérieur de vous-même et cette lutte génère un certain conflit et de
l’insatisfaction à l’intérieur de vous-même, puisqu’il n’y a pas d’acceptation. Vous
n’acceptez pas comment sont les choses. Dans ce cas, on ne peut pas avoir la paix
134
que l’on désire si fort. Vous êtes malheureuse et donc fort loin de la paix. La colère
surgit, parce qu’il est dans votre nature d’être colérique – plus colérique qu’un autre
ou plus craintive qu’un autre. Ainsi, l’apparition de la peur, de la colère ou de la
compassion aussi survient parce que, selon mon concept, c’est la nature de l’objet
humain. Chaque objet a sa propre nature et sa propre programmation.
Fondamentalement, qu’est-ce qu’un être humain ? Vous voyez la manifestation,
l’univers. De quoi est constituée la manifestation ? De quoi est composé l’univers ou
la manifestation ? Il ou elle est composé(e) d’objets, n’est-ce pas ? Partout, des
objets : des planètes, des étoiles, des arbres, des poissons, etc. Tout ce qu’il y a
dans la phénoménalité, tout ce qu’il y a dans l’univers phénoménal, ce sont des
objets, n’est-ce pas ?
Mon concept fondamental, c’est que chacun de nous, chacun veut le bonheur et la
paix. Mais qui est ce chacun ? Considérons d’abord cela. Qui est ce chacun qui veut
cette paix ? Fondamentalement, ce que je veux dire, c’est qu’un être humain ne peut
pas être autre chose qu’un type d’objet qui, avec des milliers d’autres types d’objet,
constituent la totalité de la manifestation. Ce que je dis essentiellement, c’est que
chacun de nous est un objet, mais nous avons tendance à oublier ce point important.
Nous oublions que nous ne sommes que de simples objets tridimensionnels, parce
que la Source a créé tous ces objets avec une telle conception ou une telle nature
que l’objet se considère comme une entité séparée dotée de volonté. ‘’J’ai mon librearbitre. Je peux faire ce que je veux Je suis responsable de mes actions. Par
conséquent, je peux faire une bonne action ou une mauvaise action. Je peux être
courageux ou non. Je peux être bon ou pas. Tout est sous mon contrôle. Je suis en
charge de ma vie. A Shanthi qui pense en termes de ‘’je suis en charge de ma vie’’,
ma question est : qui est ce ‘’vous’’ dont vous parlez ? Et ce que je veux dire, c’est
que fondamentalement, vous êtes un objet, un objet spécialement conçu et
programmé, mais néanmoins, un objet. Les êtres humains ne sont essentiellement
pas plus que des objets et il faut l’accepter.
Judy : Oui. (Elle glousse.) Ai-je jamais eu le libre arbitre d’être ici à Bombay et puis-je
choisir d’écouter Ramesh plutôt que quelqu’un d’autre ?
Ramesh : Mais même par rapport à cette question particulière de venir ici et
d’écouter Ramesh, vous ne pouviez que décider, d’accord ? Ce qui arrive en résultat
de cette décision, vous ne pouvez pas le prévoir. Les résultats ne sont pas fixés
après une certaine décision et les résultats sont conformes à la volonté de Dieu. Par
exemple, vous avez décidé de venir à Bombay, mais votre avion aurait pu être
retardé et vous auriez pu ne pas arriver ici pour cette discussion.
Judy : Mais tôt ou tard, un avion décollera…
135
Ramesh : Certainement, un avion décollera, mais sera-t-il dans les temps ? S’il est
en retard, comme c’est la coutume ici en Inde, alors vous pourriez ne pas être en
mesure de participer au satsang à l’heure où ‘’votre libre arbitre’’ pensait pouvoir y
participer. Vous pourriez devoir attendre jusqu’au lendemain. C’est le destin. Vous
pouvez décider, si vous le voulez, de penser ainsi, mais de toute façon, les résultats
de votre décision ne sont pas entre vos mains. Si vous vous rappelez vos
nombreuses expériences dans la vie, au moins par rapport à ceci, je suis certain que
vous serez d’accord. Vous êtes d’accord, Sandra ?
Sandra : Honnêtement, je n’avais pas du tout l’intention de venir pendant la
mousson. En fait, j’avais en tête de venir au mois de septembre, mais je suis ici en
juin en plein milieu de la mousson !
Ramesh : Oui ! Alors, qu’entendons-nous exactement par ‘’libre arbitre’’ ? Il est
question de décider ce que vous allez faire ensuite. C’est tout. Cela concerne cette
attirante faculté de décision et d’être à la manœuvre. C’est tout. Quelle est votre
expérience ? Vous prenez une décision, mais quoi qu’il advienne, vous ne pouvez
réellement rien dire, parce que d’autres forces peuvent entrer en ligne de compte.
Vous ne pouvez pas être certaine des résultats. C’est ce que je veux dire. Vous ne
pouvez pas être certaine des résultats d’une décision que vous prenez avec votre
libre arbitre.
Sandra : Puis-je réellement prendre une décision ?
Ramesh : Vous avez parfaitement raison ! Vous disposez du libre arbitre de pouvoir
prendre une décision. En d’autres termes, soit nous sommes le Sujet, la Subjectivité,
la Potentialité pure, l’Energie, Dieu, peu importe comment vous choisissez de
l’appeler – la Source – la Réalité unique dont provient toute la manifestation, et il
n’existe que la Subjectivité pure, la pure Réalité, soit nous sommes des objets et
chacun est un objet. C’est très clair, n’est-ce pas ? Et pourtant, c’est la vérité
essentielle, simple, que chacun oublie en ne cessant de penser : ‘’Je veux ceci…’’
‘’Je vous aime…’’ ‘’Je n’aime pas ceci ou je n’aime pas cela…’’’’ Si vous analysez,
vous réalisez qu’une pensée est tombée quelques instants avant toute décision.
Alors, est-ce encore votre décision ?
Sandra : Puisque tout est la Source, qui nous souffle la pensée confondante que
nous disposons du libre arbitre ?
Ramesh : Chaque fois qu’un objet est en mesure de penser qu’il dispose de la
volonté, alors même cette faculté de penser qu’il dispose de la volonté et qu’il est en
charge de sa vie doit provenir de la Source. Donc, un objet qui se considère comme
une entité distincte et séparée, dotée de volonté n’a cette faculté de penser ainsi que
parce que la Source a créé cette faculté dans cet objet. C’est clair, non ?
136
Sandra : Qui a des préférences ? L’ego ?
Ramesh : Oui, l’ego ! Par conséquent, ma question commence toujours par qui estce qui veut ou ne veut pas quelque chose ? Qui aime ou n’aime pas quelqu’un ou
quelque chose ? Qui est-ce ? C’est essentiellement un objet.
Sandra : Qu’est-ce qu’un être humain, alors ?
Ramesh : Mon concept, c’est qu’un être humain est un objet programmé d’une
manière unique par la Source. Maintenant, quand je dis ‘’la Source’’, vous pouvez lui
donner tous les noms que vous voulez, pour autant que vous vous souveniez que
toutes ces étiquettes ne se réfèrent qu’à une seule chose – la Source. Le physicien
emploiera le terme ‘’énergie primordiale’’. Vous pouvez coller n’importe quelle
étiquette à la Source. Si vous préférez dire ‘’l’Energie’’, dites ‘’l’Energie’’. Si vous
préférez dire ‘’Dieu’’, dites ‘’Dieu’’. Ou si vous préférez continuer d’utiliser ‘’la
Source’’, c’est très bien aussi. Les Upanishads l’appellent ‘’la Conscience’’, la
‘’Conscience d’Etre, impersonnelle’’, ‘’Je Suis’’.
Sandra : Pouvez-vous clarifier ce ‘’Je Suis’’ ?
Ramesh : ‘’Je Suis’’ ne se réfère pas à Ramesh, Sandra ou à quelqu’un d’autre. La
conscience que nous avons est simplement d’être vivant, ‘’Je Suis.’’ La Conscience
d’Etre, impersonnelle est la Source. La Source s’est identifiée à chaque objet
humain, a créé cette Conscience impersonnelle et s’est immédiatement identifiée à
une entité individuelle. Donc, la Source ou la Conscience Elle-même a créé cette
confusion, cette identification avec l’ego. Tout est créé par la Source, même la
confusion ou maya. Quelle est cette programmation ? Chaque être humain a été créé
comme une entité individuelle unique, comme un objet humain individuel unique, de
manière à ce que la Source Elle-même, via n’importe quel nom que vous puissiez
L’appeler, puisse utiliser chaque individu, chaque objet humain programmé d’une
manière unique, pour apporter tout ce que veut la Source. C’est mon concept
essentiel. Chaque être humain est un instrument, un objet, un ordinateur programmé
d’une manière unique et créé par la Source pour que la Source puisse agir comme
Elle veut et apporter tout ce qu’Elle veut par l’entremise de chaque objet humain, de
chaque instrument programmé d’une manière unique. Par conséquent, tout ce qui
arrive par l’entremise de chaque objet humain n’est pas quelque chose de fait par un
objet. Un objet ne peut rien faire. Donc, mon concept essentiel est que tout ce qui
arrive par l’entremise d’un objet humain n’est pas quelque chose qui est fait par un
individu, mais quelque chose qui est causé par cette Source qui a créé cet objet
humain spécifiquement pour que tout ce qui arrive par cette naissance soit
exactement ce que la Source veut apporter...Ce que je viens de vous dire est-il
étrange pour vous ? Je répète, chaque être humain est un objet humain programmé
et conçu d’une manière unique, de manière à ce que la Source puisse apporter par
137
l’entremise de chaque objet humain programmé d’une manière unique tout ce que la
Source veut produire et pas ce que l’objet veut produire. Cela semble étrange, mais
c’est ainsi que cela fonctionne.
Sandra : C’est un beau soulagement !
Ramesh : Je ne dis rien d’autre que ‘’Que Ta Volonté soit faite’’. Cela se trouve dans
la prière adressée au Seigneur depuis que vous êtes enfant. Ainsi, ce que je dis est
exactement ce que disent ces cinq mots – ‘’Que Ta Volonté soit faite.’’ ‘’Ta Volonté’’
est la Volonté de la Source. Ce n’est rien d’autre que les célèbres paroles du
Bouddha – ‘’Des actes sont commis, des événements se produisent, mais sans
auteur/acteur individuel.’’
Sandra : Pouvons-nous entrer plus dans les détails concernant la programmation
dont vous parlez ?
Ramesh : Quelle est cette programmation dont je parle ? Je me réfère à la
programmation unique qui permet à la Source d’apporter tout ce que veut la Source
et non ce que veulent les objets. Selon mon concept, la programmation est celle-ci :
vous n’avez pas le choix de naître de parents particuliers et par conséquent, vous
n’avez pas le choix concernant les gènes – l’ADN unique de cet objet humain
particulier. Chaque objet humain possède un ADN distinct – même des jumeaux
n’ont pas une programmation identique. Même des jumeaux ont un ADN différent et
l’ADN d’un corps permet d’identifier ce corps comme ce corps individuel particulier.
Donc, Sandra n’a pas le choix concernant les gènes de cet objet humain appelé
Sandra et pour la même raison, Sandra n’a pas eu le choix par rapport au milieu
dans lequel elle est née. Sandra n’a pas choisi ses parents, ni le milieu dans lequel
grandir. Avez-vous décidé de votre lieu de naissance en Italie ? Avez-vous choisi le
milieu particulier, le milieu physique et social dans lequel cet objet humain appelé
Sandra devait grandir ? Non, ceci n’a jamais été sous le contrôle de Sandra. Sandra
n’a jamais eu aucun contrôle par rapport aux parents humains ni au milieu, au milieu
géographique et social qui devait la conditionner.
Sandra : La personnalité et le personnage de Sandra ne sont-ils, selon mon concept,
rien de plus que la programmation voulue par la Source, due aux gènes ou à l’ADN,
ajouté au conditionnement du milieu qui comprend le conditionnement social, votre
éducation et votre formation sociale ? Comment est Sandra ne peut-il que faire partie
de ce conditionnement prédestiné ?
Ramesh : Depuis la naissance du bébé, ce conditionnement continue. Un bébé de
six ou huit mois ne s’inquiète pas d’autres enfants, mais au fur et à mesure où
l’enfant grandit, le conditionnement du milieu prévaudra pour qu’il s’associe à
certains enfants et pas à d’autres et pour qu’il aille dans telle ou telle école. Ainsi, à
138
tout moment, le personnage de Sandra est une entité individuelle qui n’a eu aucun
contrôle, ni sur ses gènes, ni sur son milieu, ni sur son conditionnement social. Par
conséquent, Sandra est une fiction. En vérité, il n’y a aucune Sandra, hormis ce
sentiment d’être une entité ‘’indépendante’’, et ce sentiment d’être une entité
indépendante qui s’impose sur la conscience d’être individuelle s’appelle ‘’l’ego’’.
Ainsi l’ego qui, selon mon concept, fait que Sandra pense être un individu doté de
volonté et qu’elle a le contrôle de sa vie n’est en fait qu’une fiction créée par ce que
les hindous appellent Maya. J’appelle ceci l’hypnose divine.
Quand la Source a créé cet objet humain et quand les parents ont appelé le bébé
objet ‘’Sandra’’, à ce moment-là, par hypnose divine, une fiction a également été
créée, l’hypnose que Sandra est une entité individuelle. Comment ? En créant une
identification, une identification fictive et conceptuelle avec un organisme corpsmental particulier et un nom. Alors, qu’est donc Sandra ? Essentiellement un nom
donné à un objet humain, et la dénommée Sandra n’a eu aucun contrôle sur sa
programmation. Vous n’avez eu aucun contrôle sur vos gènes, vous n’avez eu aucun
contrôle sur votre conditionnement et ce qu’est Sandra n’est rien que les gènes plus
votre conditionnement.
Vous dites que vous prenez une décision. Lorsque vous prenez une décision,
Sandra, sur quoi se fonde cette décision ? Cette décision qui est la vôtre, selon vous,
se base, selon mon concept, essentiellement sur les gènes et l’état du milieu
actualisé. Disons qu’il y a dix jours, vous avez décidé quelque chose, mais qu’au
cours de ces dix derniers jours, vous avez rencontré certaines personnes, vous avez
lu certains livres, et ces lectures et ces discussions avec vos nouvelles relations ont
modifié votre conditionnement existant et que par conséquent, maintenant, vous
pouvez considérer la décision prise il y a dix jours comme quelque chose que vous
n’auriez pas décidé aujourd’hui. Voyez-vous où je veux en venir ? Le
conditionnement continue d’évoluer. Que se passe-t-il actuellement, Sandra ? Vous
et moi, nous sommes en train de converser et cet entretien pourrait modifier le
conditionnement existant de l’un d’entre nous. Donc, le conditionnement continue
tout le temps et toute décision que vous pensez prendre se fonde sur les gènes et
sur le conditionnement actuel. Vous dites que c’est votre décision, mais est-ce
réellement votre décision, Sandra ? Lorsque par l’analyse et par l’investigation, vous
découvrirez que ce que vous appelez ‘’votre’’ décision se fonde entièrement sur
quelque chose sur lequel vous n’avez aucun contrôle, vous en arriverez à la
conclusion que même les décisions que vous pensez prendre sont basées sur
quelque chose sur lequel vous n’avez aucun contrôle. Et les décisions que vous
pensez prendre sont exactement la volonté de la Source.
Que fait la Source ? Elle utilise chaque objet humain, des objets programmés de
manière unique, comme des ordinateurs. Elle utilise chaque objet humain, comme un
ordinateur individuel programmé d’une manière unique. Comment utilisez-vous votre
139
ordinateur ? Vous introduisez des données et votre ordinateur n’a pas d’autre choix
que de sortir un résultat qui soit strictement conforme à la programmation, n’est-ce
pas ? Utilisez-vous un ordinateur ?
Sandra : Oui !
Ramesh : Alors, quand vous utilisez votre ordinateur, que faites-vous ? Vous
introduisez des données, puis vous pressez un bouton et le résultat n’a rien à voir
avec le choix de l’ordinateur. Il est strictement conforme à la programmation, n’est-ce
pas ? Mais votre ordinateur, contrairement à l’organisme corps-esprit n’a pas d’ego
et ne dit pas : ‘’C’est mon action !’’ Ainsi, le résultat est strictement conforme à la
programmation. Le cerveau réagit à une donnée vis-à-vis de laquelle vous n’avez
aucun contrôle, à une donnée qui est envoyée par la Source. Alors, quelle est cette
donnée ? C’est principalement une pensée. Vous avez une pensée qui conduit à une
action par rapport à laquelle Sandra dit : ‘’C’est ‘’mon’’ action.’’ Quelle que soit la
pensée qui suivra cette pensée, celle-ci n’est pas non plus sous votre contrôle. Il a
été prouvé en laboratoire que la pensée suivante que vous recevez arrivera presque
une demi-seconde avant que Sandra ne réagisse vis-à-vis de cette pensée et qu’elle
décide de faire quelque chose ou pas. La pensée survient une demi-seconde avant
que vous ne réagissiez réellement vis-à-vis d’elle. Cela veut dire que vous n’avez
absolument aucun contrôle sur les données. Comme nous venons juste de le dire,
nous n’avons aucun contrôle sur la programmation. Ainsi, vous n’avez aucun
contrôle sur les données, vous n’avez aucun contrôle sur la programmation et
pourtant vous dites que le résultat est ‘’ma’’ décision !
Par conséquent, après analyse, nous découvrons que chaque décision prise par un
objet corps-mental particulier est exactement la décision qui est voulue par la
Source. En résumé, même la décision est voulue et soutenue par la Source et
l’événement subséquent est également la volonté de la Source. C’est
essentiellement pourquoi nous disons ‘’Que Ta Volonté soit faite !’’ La Source a
conçu la programmation en donnant toutes les données et le résultat ne peut être
que conforme à la volonté de Dieu. Pourquoi toutes les Ecritures sacrées soulignentelles ‘’Que Ta Volonté soit faite !’’ ? Pourquoi ? Parce que c’est conformément à la
volonté de Dieu que l’objet est apparu. Deuxièmement, dans cet objet, Dieu a créé
les gènes et le conditionnement, et Dieu fournit aussi les données avec les pensées.
Comment un résultat pourrait-il être autre que la volonté de Dieu ? Chaque résultat,
via chaque ordinateur humain individuel, à chaque instant et en tout lieu, doit être la
volonté de la Source. Et c’est sur la base de ce raisonnement très sain que la Bible
dit : ‘’Que Ta Volonté soit faite !’’ Dieu ou la Source sont identiques, mais la plupart
du temps, on utilise mal le mot ‘’Dieu’’. Le mot ‘’Dieu’’ est utilisé comme ‘’directeur
exécutif’’ de la manifestation multinationale et ce Dieu a plusieurs vice-présidents
appelés ‘’Avatars’’. Le mot ‘’Dieu’’ est utilisé ainsi, mais pour moi la Source et Dieu
doivent avoir le même sens.
140
Si vous investiguez en profondeur, vous aboutirez à la conclusion que chaque
décision et par conséquent chaque action et son résultat sont entièrement la volonté
de la Source et pourtant, l’intellect continue de demander : ‘’Comment la volonté de
Dieu opère-t-elle ?’’ Nous pouvons dire : conformément à une Loi naturelle ou à une
Loi cosmique. Alors, l’intellect de cet objet humain objecte : ‘’Sur quelle base la
volonté de Dieu opère-t-elle ? Sur quelle base la Loi cosmique opère-t-elle ?’’ Les
êtres humains ne pourront pas comprendre, pas même dans un million d’années.
L’intellect humain pose la question : ‘’Sur quelle base la volonté de Dieu opère-telle ? Sur quelle base Dieu crée-t-Il un enfant sain ou un enfant handicapé ? Sur
quelle base Dieu crée-t-il un enfant sain dans une famille riche ou un enfant
handicapé dans une famille pauvre ?’’ Les êtres humains ne seront jamais en
position de le savoir, ni de le comprendre. Savez-vous pourquoi ? Parce que celui qui
veut connaître la base sur laquelle le Sujet opère n’est qu’un simple objet créé.
Comment un objet pourrait-t-il jamais connaître la volonté du Sujet ?
Si vous fabriquez une statue, le personnage d’un être humain à l’aide d’or ou de
métal, vous créerez un personnage humain. Dans ce cas-là, vous êtes le sujet et la
statue est l’objet. Et l’objet que le sujet a créé ne saura jamais pourquoi vous avez
créé l’objet. Le personnage humain créé par le sculpteur n’est pas en position de
connaître la base sur laquelle opère la volonté du sculpteur. Similairement, l’objet
humain ne peut pas connaître, ni comprendre la base sur laquelle opère le pur Sujet,
la Source. C’est pourquoi nous devons accepter que rien n’arrive, si ce n’est pas la
volonté de Dieu. Quoi qu’il arrive, nous devons accepter que cela n’aurait pas pu
arriver, à moins que cela ne soit la volonté de Dieu.
Jésus-Christ est arrivé, Mahomet est arrivé, Moïse est arrivé, Ramana Maharshi est
arrivé, Ramakrishna est arrivé…Ils n’auraient pas pu arriver, à moins que cela ne soit
la volonté de Dieu. Ainsi, Jésus-Christ est arrivé, parce que c’était la volonté de Dieu,
mais Hitler est également arrivé, Staline est également arrivé. Par conséquent, Hitler
et Staline n’auraient pas pu non plus arriver, à moins que cela ne soit la volonté de
Dieu. Pourquoi la Source ou Dieu produit-Il ce que les êtres humains considèrent
comme bon ou mauvais, bien ou mal, beau ou laid, l’être humain ne peut pas le
savoir. Tout ce que l’être humain peut faire, comme l’a dit le mystique allemand,
Maître Eckhart, c’est ‘’s’étonner et s’émerveiller devant la magnificence et la variété
de la création de Dieu’’. Nous ne pouvons que l’accepter, nous ne pouvons pas la
remettre en cause. Alors, si nous acceptons totalement que tout ce qui arrive est la
volonté de Dieu et non l’œuvre de n’importe qui…en d’autres termes, si par la grâce
de Dieu, nous sommes capables d’accepter ce qu’a dit le Bouddha – ‘’Des
événements surviennent, des actes sont commis, mais sans aucun auteur/acteur
individuel’’ – à ce moment-là, il y a de l’espace pour que la compréhension totale
puisse survenir, si telle est la volonté de Dieu. Des événements surviennent, des
actes sont commis, mais il n’y a pas d’auteur/acteur individuel qui fait quoi que ce
soit. Cela veut dire que n’importe quelle action que nous pensons être la nôtre n’est
141
en réalité pas notre action. Personne n’a ‘’fait’’ quoi que ce soit, mais c’est arrivé
parce que c’est la volonté de Dieu.
Si Sandra est réellement capable d’accepter qu’aucune action n’est son action,
qu’aucune action n’est l’action de Ramesh, qu’aucune action n’est l’action de qui que
ce soit, mais une occurrence qui devait se produire à un moment donné et à un
certain endroit, parce que c’était là la volonté de Dieu, quels sont les changements
qui se produisent dans l’état d’esprit de Sandra ? Sandra réalise qu’il serait idiot de
blâmer quiconque pour n’importe quelle action, n’est-ce pas ? Si je suis réellement
capable d’accepter, par la grâce de Dieu – puisque même la compréhension est la
volonté de Dieu – que rien ne peut arriver, à moins que cela ne soit la volonté de
Dieu, et par conséquent, si quelque chose est arrivé que les êtres humains ou que la
société considèrent comme étant bon ou mauvais, si cela est arrivé, cela n’aurait pas
pu arriver, à moins que cela ne soit la volonté de Dieu. De plus, quoi qu’il arrive, si
cela n’a pas été ‘’fait’’ par quelqu’un, il n’y a personne à blâmer.
Si vous acceptez complètement ‘’Que Ta Volonté soit faite !’’, vous ne pouvez blâmer
qui que ce soit, ni vous-même, ni moi, ni lui, ni elle. Ainsi, l’effet immédiat d’être
capable d’accepter que rien ne peut arriver, à moins que cela ne soit la volonté de
Dieu, signifie que vous cessez immédiatement de blâmer les autres et que vous
cessez de vous blâmer vous-même ou quiconque pour tout ce qui arrive.
Des actions se produisent via cet organisme corps-mental, des actions se produisent
via chaque organisme corps-mental et je puis seulement les voir comme étant la
volonté de Dieu. Chaque fois qu’une action se produit via cet organisme corpsmental et que la société la considère comme une bonne action et qu’elle honore
Ramesh, l’hommage rendu par la société, tel qu’il est vu, entendu ou bien lu, devient
une donnée introduite dans l’organisme corps-esprit de Ramesh. Le cerveau y réagit
– strictement conformément à la programmation et un sentiment de plaisir apparaît –
une réaction naturelle, mécanique, biologique. Mais possédant la compréhension
totale qu’il ne s’agit pas de mon action, que je ne puis générer aucune action, ce
n’est par conséquent pas mon action qui a été appréciée par la société. Ainsi, même
si un sentiment de plaisir peut survenir, aucun sentiment de fierté ou d’orgueil ne se
manifeste.
A l’autre extrémité, une action arrive via cet organisme corps-mental, qui est
condamnée par la société pour une quelconque raison. Elle a été condamnée par la
société. Disons que j’ai blessé les sentiments d’une personne. La condamnation de
la société est alors une donnée qui est introduite dans mon ordinateur corps-mental.
Le cerveau réagit à l’indignation de la société et la réaction biologique et mécanique
produit un sentiment de regret – un sentiment de regret qu’une action soit arrivée qui
ait blessé les sentiments d’une personne. Dans ce cas, un sentiment de regret
apparaît, tout comme avant, un sentiment de plaisir s’était manifesté. Cette fois, un
142
sentiment de regret apparaît, mais il y a aussi la certitude totale et absolue que ce
n’est pas mon action qui a été condamnée par la société, sachant que je ne puis
commettre d’action, ni que personne ne peut commettre d’action. Par conséquent,
cette action qui a été condamnée par la société est arrivée, parce que c’était la
volonté de Dieu et ce n’est pas mon action et donc, même si dans cet ordinateur, un
sentiment de regret peut se manifester, un sentiment de culpabilité ne pourra jamais
se manifester. Un sentiment de culpabilité ou de honte ne pourra jamais se
manifester. Avez-vous encore d’autres questions maintenant, Sandra ?
Sandra : Alors, l’Illumination est également une occurrence et il n’y a aucun besoin
de pratiques ardues particulières ?
Ramesh : Au mieux, les concepts peuvent seulement servir à se nier mutuellement,
tout comme une épine est utilisée pour en enlever une autre et puis jetée. Ce n’est
que dans le silence profond que nous laissons derrière les concepts. Les paroles et
le langage ne s’occupent que de concepts, ils ne peuvent pas approcher la Réalité.
Cesser de conceptualiser signifie cesser de percevoir objectivement, ce qui signifie
percevoir non-objectivement. C’est voir l’univers sans choix ou sans jugement et
sans rentrer dans un rapport sujet-objet. Que se passe-t-il, alors ? Rien, sinon que
vous êtes ce que vous étiez avant d’être née : la totalité. Comment ceci est arrivé
dans mon cas particulier n’est pas pertinent pour vous, Sandra. Vous pouvez être
programmée différemment. Il y avait dans votre destin d’arriver ici après dix-huit
années passées en Inde et dans mon destin d’être toujours en vie, lorsque vous êtes
arrivée, alors que j’ai déjà 88 ans. Si mes concepts vous aident, c’est la volonté de
Dieu.
L’autoréalisation ou l’Illumination n’est rien de plus que la compréhension la plus
profonde possible qu’il n’existe aucun auteur individuel pour n’importe quelle action –
ni vous, ni personne d’autre. Vous n’êtes pas non plus la penseuse de n’importe
quelle pensée, ni l’expérimentatrice d’une expérience – elles surviennent. Lorsque
l’identité apparente, mais illusoire d’une personne a disparu dans la conscience de la
potentialité totale qu’elle est et qu’elle a toujours été, cela s’appelle l’Illumination.
Quand cela arrivera, aucune lampe brillante ne se mettra à clignoter dans votre tête !
Et le jour où vous la trouverez, il n’y aura là personne pour dire que vous l’avez
trouvée, ce qui n’est pas plus mal, puisqu’il n’y aura là personne pour entendre non
plus. L’unique compréhension ultime est qu’il n’y a rien, pas même celui qui
comprend. La base essentielle de l’autoréalisation, c’est le rejet total de l’individu en
tant qu’entité indépendante, que cela arrive sous forme d’une compréhension
spontanée ou d’un pur abandon de son existence individuelle. L’autoréalisation est
dénuée de tout effort. Ce que vous essayez de trouver est ce que vous êtes déjà.
L’Illumination, c’est la vacuité totale de l’esprit. Il n’y a rien que vous puissiez faire
pour l’obtenir. Tout effort que vous faites ne peut que lui faire obstacle. Si vous
143
cessez seulement de conceptualiser inutilement, vous serez ce que vous êtes et ce
que vous avez toujours été.
Pour que l’Illumination se produise, celui qui perçoit doit faire demi-tour et s’éveiller
au fait qu’il est face à face avec sa propre nature et qu’il l’est. Le chercheur spirituel
découvre finalement qu’il était déjà arrivé à destination, qu’il est lui-même ce qu’il
cherchait et qu’il était déjà chez lui, en réalité. L’aspect phénoménal manifesté de ce
que nous sommes et le noumène absolu non manifesté ne sont pas différents. Les
phénomènes sont ce que nous paraissons être. Le noumène est ce que nous
sommes.
Sandra : Lorsque vous dites que nous sommes tous des objets tridimensionnels,
vous vous adressez à notre ego ?
Ramesh : Oui. Par ego, Sandra, je veux dire l’identification à un corps-mental
particulier et à un nom avec un sentiment de volonté et d’être un auteur/acteur.
Sandra : Je comprends bien que nous ne sommes pas les auteurs/acteurs. Les
coïncidences existent-elles ou tout est-il prédéterminé ?
Ramesh : Qu’il y ait coïncidence ou non, ce qui est pertinent, c’est qu’il ne s’agit pas
de mon action, ni de votre action. Qu’il y ait coïncidence ou que ce soit la volonté de
quelqu’un, qui s’en soucie ? Qu’est-ce qui est pertinent ? Ce n’est ni votre action, ni
mon action. Que ce soit un accident, une coïncidence ou une loi cosmique, le fait
demeure que ce n’est ni mon action, ni votre action. Un pouvoir est à l’œuvre. Un
pouvoir provoque la coïncidence. Ce Pouvoir, cette Energie qui imprègne l’univers
entier nous fait fonctionner comme de simples gadgets.
Sandra : Serai-je à nouveau reprise par des sentiments de tous types, par des
réactions et par la confusion ?
Ramesh : Oui, si cette oscillation instable doit être là, par la volonté de Dieu, elle
sera là. N’ayez pas l’impression que c’est de votre faute. Acceptez-la simplement.
Maintenant, Sandra, dites-moi : qui est-ce qui ressent tout ce qu’elle ressent ? Qui
est-ce ? Y a-t-il la moindre Sandra, autre qu’un nom ? Tout ce que je vois, c’est un
objet à qui le nom ‘’Sandra’’ a été donné. Un objet programmé de manière unique,
avec un nom. Qui est-ce qui aime ou qui n’aime pas ce qu’elle ressent ? Qui est-ce ?
Un organisme corps-mental, qui est un objet. Tout ce que vous décidez de faire sera
exactement ce que Dieu veut que vous fassiez, parce que Dieu a fait la
programmation. En d’autres termes, la plus grande liberté, c’est de pouvoir faire tout
ce que vous aimez, tout ce que vous pensez devoir faire, avec la conviction totale
que vous ne devrez jamais demander pardon à Dieu ou que vous ne pourriez jamais
avoir commis d’erreur.
144
La liberté est non seulement de faire ce que vous aimeriez ; la liberté réelle, c’est que
vous pouvez faire tout ce que vous aimez, sans le danger de devoir jamais
demander pardon à Dieu pour quelque péché, ni vous excuser auprès de votre
instructeur de technique de méditation, si votre corps ne vous permet pas d’avancer
comme vous l’aviez prévu. Plus jamais, vous ne devrez vous excuser, ni vous faire
des reproches, ni maintenant, ni à l’avenir, ni sur votre lit de mort. Tout ce que vous
décidez de faire ne peut pas s’opposer à la volonté de Dieu, à n’importe quel
moment. Toute décision que vous prenez est la volonté de Dieu. Ce qui arrive suite à
la décision, en tant qu’action, est la volonté de Dieu. Les résultats et les
conséquences de cette action sont la volonté de Dieu, peu importe qui peut être
affecté par ces résultats ou par ces conséquences. C’est pourquoi je dis que vous ne
devrez jamais demander pardon à Dieu pour n’importe quelle action, parce que ce
n’est pas votre action. Que voulez-vous de plus comme liberté ?
Sandra : Merci, vous m’avez réellement soulagée d’un poids et vous avez clarifié
tous les enseignements que j’ai reçus jusqu’à présent.
Ramesh : C’est la volonté de Dieu que ces concepts vous conviennent et que de la
gratitude apparaisse. Permettez-moi de vous dire encore une chose, Sandra. Qu’estil arrivé par l’écoute de mes concepts ? Sandra a reçu un conditionnement neuf. Ce
nouveau conditionnement peut changer votre attitude à l’égard de la vie. Ce que
Sandra a reçu durant ces deux jours en écoutant mes concepts, c’est un
conditionnement neuf qui pourrait modifier ou amender le conditionnement antérieur
de Sandra, mais si le conditionnement antérieur doit être amendé par ce nouveau
conditionnement, c’est juste une occurrence voulue par Dieu ou par la Loi
cosmique.’’
145
CHAPITRE 24 : L’ULTIME COUP À LA NOIX DE COCO
‘’Quand le moi individuel, l’ego meurt, le sentiment de la conscience du ‘’je’’ et du
‘’vous’’ meurt également. Seule demeure la Conscience universelle, en tant qu’Etre
pur.
Cette Conscience universelle qui demeure et qui est le Soi unique est à la fois le lieu
et la source de tout le bonheur et de la paix.
C’est la Liberté. C’est en soi l’Illumination, c’est l’état naturel.’’
Au terme de ces deux premiers satsangs, je pris le vol du retour pour rentrer chez
moi et tous les fils de l’enseignement se relièrent naturellement et spontanément
dans une réflexion spéculaire devant mon esprit, tel un film que je regarderais. Dans
mon cœur régnait une douce quiétude et nulle pensée ne l’importunait.
La clarté que l’effort n’était pas le moyen, mais que l’esprit pouvait s’intérioriser, non
par une action ou par une pratique, mais purement comme un mouvement de la
Conscience, comme une occurrence impersonnelle et non comme la concrétisation
de ‘’l’Illumination’’ se faisait lentement jour dans le cœur et j’observais ces douces
rafales du vent de la clarté qui emportaient toutes les influences de l’ancien
conditionnement. C’était une quiétude joyeuse et paisible, sans nouvelles questions,
une simple acceptation qui irradiait tant de paix que les larmes coulaient souvent
silencieusement, alors que le sentiment de soulagement le plus profond s’installait
progressivement. Je voyais comme dans un film tous les fils qui se connectaient
sans effort dans l’observation paisible et naturelle de la manière dont la prétendue
recherche avait été lancée par une Force supérieure et comment Elle effaçait
extraordinairement la confusion en reléguant toutes les étapes précédentes, tout en
les acceptant avec gratitude comme des étapes du déploiement de la Vérité. Aucune
n’avait été mon choix et aucune n’était une erreur, aucune n’était le résultat de
l’effort : des occurrences ouvrant des portes vers des espaces plus vastes. Quelque
chose ‘’au-delà du moi’’ et pas moi, comme chercheuse intéressée, lectrice de trop
nombreux livres, celle qui pratiquait la sadhana en espérant des récompenses qui
n’arrivèrent jamais à remplir sa coupe. ‘’Des carottes pour l’âne’’ étaient les petits
éclairs qui se produisaient chaque fois que je ne cherchais plus ou que je ne
stressais plus mon corps pour pratiquer des mudras. La clarté était venue et je ne me
souciais guère de l’étiqueter, comme ceci ou comme cela. J’étais simplement sortie
de la confusion et cela me procurait une grande paix. Devenir illuminée n’avait jamais
été mon souci, mais je savais que les termes ‘’devenir’’ et ‘’accomplir’’ devaient être
totalement effacés et cette compréhension qui m’ôtait un poids énorme de
responsabilités me libéra simplement de tous les tracas et de toutes les tensions et le
bonheur trouva la porte ouverte.
Je relus avec beaucoup d’intérêt ‘’L’Appel de l’Etre’’ et je soulignai : ‘’Puisque la
nature même du mental est le mouvement, tout effort pour contrôler le mental lui146
même conduit à la frustration et donc au renforcement de l’ego. L’auto-investigation
doit nécessairement commencer avec le ‘’moi’’ et le mental-intellect, mais par une
telle investigation, l’intellect tend un piège à son insu, le dissimule sous de nombreux
concepts, creuse une fosse à éléphant et tombe lui-même dedans ! Le saut
quantique en dehors du piège à éléphant conceptuel ne peut résulter d’un effort, il
peut seulement se produire, quand le ‘’moi’’ est détruit. De plus, ni la spontanéité, ni
le naturel ne peuvent ‘’s’accomplir’’, ni en essayant, ni en essayant de ne pas
essayer ! L’effort – ou l’effort de ne pas faire d’effort – se fonde sur le désir ou la
volonté qui est un aspect du concept du moi ou de l’ego. La spontanéité, c’est
l’absence du mental.’’
Je comparai avec l’enseignement de Nisargadatta Maharaj, où il dit que la
compréhension est tout ce qui est nécessaire et aucune part de l’activité ne pourrait
être considérée comme un effort volontaire. La compréhension, la conviction
inébranlable de notre véritable nature elle-même est tout ce qui comptait pour que la
transformation ait lieu et même un effort pour se souvenir de la compréhension est
un obstacle.
Durant des années, j’avais été conditionnée à croire que pour tout ce que je voulais
dans la vie, je devais travailler très dur, et que dans l’arène spirituelle, la Réalisation
ne pouvait survenir que par l’effort personnel, la discipline, la pratique du yoga, la
méditation et la sadhana constante. Quel soulagement de lire, d’entendre et de sentir
que tout effort d’un ‘’moi’’ pourrait bien être contreproductif ! La vérité éblouissante de
l’enseignement se déversa dans mon cœur, sans doutes, ni questions provenant du
mental et je ressentis un heureux soulagement et de la gratitude à l’égard de la
Source pour cette compréhension.
La Joie pure engendra l’opportunité de retourner à Arunachala pour m’asseoir
paisiblement dans l’ashram de Ramana. C’était en août et il faisait aussi brûlant
qu’en enfer. Je m’assis sur les pierres chauffées de la montagne sacrée, avec quatre
livres à portée de main : un de Ramesh, un de Nisargadatta, un de Wei Wu Wei et un
de Ramana. J’avais aussi inclus Wei Wu Wei, puisque le livre de Ramesh intitulé
‘’The Ultimate Understanding’’ reliait aussi sa propre compréhension à celle de Wei
Wu Wei. Ces livres étaient tous les quatre ouverts sur mes genoux. Ne riez pas de
ce tableau, mais c’est ainsi que cela s’est réellement passé. Je souriais en moimême et je pouvais voir partout les yeux pétillants de Ramana. Un matin, en sortant
de la salle où Ramana donnait habituellement ses satsangs, à un moment donné, je
sentis comme une main qui voulut me pousser dans le fameux puits ouvert près du
sanctuaire du samadhi. Personne ne m’avait touchée. De la titillation que je ressentis
dans le cœur, je savais qu’il pouvait sembler tout à fait désopilant que l’Energie de
Ramana ou de Shiva, depuis l’intérieur d’Arunachala ou du Soi, ait voulu, pour
plaisanter me noyer, moi et mes quatre livres, dans le puits ouvert, puisque la lecture
devait finir. Je me sentais moi-même comme une salade de tomates entre les quatre
147
couches de sages d’un club sandwich spirituel, mais je voulais terminer le job de
faire la liaison totale. La comparaison se termina au bout de trois jours.
Je ne pus honnêtement découvrir le principe du non-mental dans les enseignements
de Ramana et il me fallut comprendre et convertir de nombreux termes pour des
termes plus appropriés, comme le renoncement si subtil que je transformai en
acceptation totale et tout devint finalement clair.
Des exposés de Ramana, je soulignai qu’une fois que l’acceptation ou que le
renoncement serait total, il n’y aurait plus personne à qui poser des questions et plus
rien à penser. La manière de procéder était de s’agripper à la pensée-racine, ‘’je’’,
autrement on élimine toutes les pensées en s’en remettant inconditionnellement à
une Puissance supérieure. Et voici les deux seules voies de Réalisation : le contrôle
du prana, qui est le yoga et le contrôle de l’esprit, qui est jnana sont les deux
principaux moyens pour détruire le mental. Les sages disent que parmi les trois
niveaux d’aspirants qualifiés, les plus élevés parviennent au but en affermissant
l’esprit dans le Soi en déterminant la nature du réel par l’investigation védantique et
en considérant leur Soi et le Soi de toutes choses comme étant de la nature du réel ;
les moins bons en faisant demeurer l’esprit dans le Cœur et en méditant longtemps
sur le réel ; et ceux du niveau le plus faible en gagnant cet état d’une manière
progressive par le contrôle de la respiration, etc.
Je m’inclinai devant Arunachala qui confirmait l’enseignement et renonçai à tous mes
concepts.
Par l’entremise de Ramesh, la Conscience avait fait pénétrer le véritable sens de
l’acceptation totale : ‘’L’acceptation est plus un processus de jnana ; renoncer,
s’abandonner ou s’en remettre est plus un processus de bhakti ; et le détachement
est un autre terme pour ces deux mêmes processus qui signifient réellement vivre
dans le moment présent sans s’attacher à quoi que ce soit.’’
Tout ceci semblait confirmer que tout ce que l’on pouvait ‘’faire’’, c’était se concentrer
sur l’esprit fonctionnel en bloquant ainsi l’esprit conceptualisateur et tracassier appelé
‘’esprit pensant’’ et tout arriverait de lui-même au bon moment, si nous étions
destinés à nous réjouir, et avec moins de stress nerveux. En résumé, tout dualisme
est illusoire, toute action est spontanée et toute volonté est illusoire.
Voir le caractère illusoire de la volonté rend toute action automatiquement
spontanée. Cela ne nécessite ni effort de discipline, ni des pratiques, ni des
techniques, comme des affirmations répétitives de formules ou de mots, étant donné
que ce que nous devons percevoir est déjà là. Il nous rappelle aussi que la
philosophie chinoise qualifie tout effort pour réaliser le Tao comme ‘’une greffe de
pattes à un serpent’’, puisque tout est le Tao.
148
Ce fut une grâce de pouvoir comparer l’enseignement de Ramesh et je cite : ‘’La
difficulté réelle dans cette opération conçue de la destruction du ‘’moi’’ comme un
effort positif est que le ‘’moi’’ ne peut pas être détruit tant que sa durée n’est pas
détruite. Toute pensée est spontanée et tout effort visant à contrôler la pensée ne
ferait qu’empirer les choses’’, et je trouvai la confirmation dont j’avais besoin
concernant l’enseignement dans des termes différents chez Nisargadatta : ‘’Il nous
faut réaliser l’unique Moteur derrière tout ce qui bouge et tout Lui laisser.
L’acceptation totale est la voie la plus rapide qui conduit à la Réalité. Soyez sans
désir et sans peur, renoncez à tout contrôle et à toute responsabilité. C’est la ‘’folie
divine’’. Vous êtes accro au statut d’auteur/acteur. Renoncez à votre addiction ! Vous
ne devez renoncer à rien d’autre. Renoncez à votre habitude de rechercher des
résultats et la liberté vous appartiendra. Vous êtes toujours en train de rechercher le
plaisir et de fuir la peine ou la douleur, vous poursuivez toujours le bonheur et la
paix. La fin de ce schéma, c’est la fin du moi. La fin du moi, avec ses désirs et ses
craintes, vous permet de retourner à votre nature réelle, à la source de tout le
bonheur et de toute la paix. Ne voyez-vous que c’est votre quête du bonheur qui
vous rend misérable ? Essayez l’inverse : indifférent à la peine et au plaisir, sans
réclamer ni refuser, accordez toute votre attention au niveau où ‘’Je Suis’’ est
éternellement présent.’’
Ce fut grâce aux brèves citations de Wei Wu Wei que je pus réellement rire à gorge
déployée face à ma dramatique confusion au long terme :
Ne sommes-nous pas comme ces guêpes qui passent toute la journée à tenter
infructueusement de traverser une baie vitrée, alors qu’une autre partie de la baie
vitrée est grande ouverte ?
Il n’y avait plus aucune rumination, ni aucune confusion. Rien que de
l’émerveillement. Et le silence.
Le puzzle était terminé.
Je remballai mes livres en disant : ‘’OK, maintenant, cela doit arriver par la grâce de
Dieu. Plus de lecture, ni souci de choisir entre l’effort ou l’absence d’effort. La clarté
est là. Merci pour le reste. Si c’est donné, bien ! Sinon, je m’en moque. Je profiterai
de l’Inde et de toutes ses couleurs, de ses singes, de ses mendiants, de ses ruelles
malodorantes avec les grenouilles bondissantes pendant la mousson, de l’Allah
Akbar qui me réveille à 5 heures du matin et des pierres trop brûlantes pour marcher
pieds nus sous le soleil de midi !
Reste tranquille.
Ne fais rien.
149
Sois comme tu es.
‘’Restez simplement présent, tel que vous êtes. Acceptez pleinement ce qui arrive,
comme cela arrive, comme c’est en train d’arriver actuellement. Relâchez-vous
totalement au sein de votre Etre propre. Soyez totalement centré dans la présence
actuelle de votre Etre propre, antérieure à ce qui se passe et laissez simplement ceci
arriver. Tout arrive en votre présence. Cela arrive par votre intermédiaire ou à partir
de vous, comme une expression de vous-même, mais pas vous en tant qu’individu,
plutôt vous, en tant que Soi unique.’’
Ramana Maharshi
La clarté totale voyait enfin le jour, mais néanmoins, un orage inattendu me précipita
bientôt dans le chaos mental et tous mes ‘’projets’’ furent balayés. Si je n’avais pas
reçu la bénédiction de l’enseignement de pouvoir respirer en sachant que Dieu
respire constamment depuis le chakra coronal et l’amour divin qui soutient les
atomes et les cellules du corps et du mental, je ne crois pas que j’aurais pu traverser
le feu que Dieu m’a fait traverser pour brûler toutes les scories restantes qui devaient
être brûlées.
Quand le Seigneur de la Vie nous accorde Son Amour et Sa Grâce, nous devons
perdre nom, famille et tout ce que nous possédons, mais nous gagnons la paix
totale, puisqu’Il a fait Son job d’anéantir l’ego. Les orages sont parfois le seul moyen,
l’unique moyen de nous pousser et de nous plonger dans le liquide amniotique
paisible de la Matrice divine.
Une relation aimante avec rien que mes meilleurs amis, Dieu, les saints et les
Maîtres réchauffe et adoucit toujours cette magnifique aventure en tant que Dieu
sous forme humaine et même si je ne me retrouve pas souvent en leur présence, ils
sont tous des phares d’amour et de lumière dans mon cœur.
150
5ÈME PARTIE :
DE QUOI
PARLE-T-ON ?
151
CHAPITRE 25 : LES SAGES
‘’Les êtres sensibles sont essentiellement des Bouddhas.
A l’image de l’eau et de la glace, il n’y a pas de glace sans eau ;
Il n’y a pas de Bouddhas en dehors des êtres sensibles.
Quel dommage que les êtres sensibles cherchent au loin
En ignorant ce qui est à portée de main !
C’est comme se lamenter de mourir de soif au milieu de l’eau !’’
Le sage vit dans la conscience totale du fait qu’il n’y a aucun individu qui fasse quoi
que ce soit, qu’il s’agisse d’écrire, de marcher, de parler ou de quoi que ce soit
d’autre. Ainsi, peut-on dire qu’il parcourt des milliers de kilomètres sans mettre le
pied en dehors de chez lui ou parler pendant quarante ans sans dire un mot. En
réalité, la compréhension ultime est de vivre sa vie comme un sage. La
compréhension ultime du non-agir – la réalisation du Soi – n’implique pas
l’anéantissement total de l’ego. Ramesh explique que ‘’Ceci ne peut pas arriver pour
la simple raison que l’ego est nécessaire, même pour le sage, afin qu’il vive le reste
de la durée de sa vie qui est son lot. Le sage répond à son nom, quand on l’appelle
et il fonctionne comme une entité individuelle dans le rôle qu’il choisit dans la vie,
mais l’ego du sage ne blesse pas, car le sentiment d’être un auteur/acteur individuel
a été détruit.’’
Selon Ramana Maharshi, l’ego du sage est comme le restant d’une corde calcinée –
totalement impuissant et inoffensif. Le sage réalisé, le jivanmukta, est le stade de la
connaissance, en étant toujours dans le corps, que vous êtes réellement le Soi
éternel et non duel, en sachant en plus que le Soi n’est jamais incarné, puisqu’in fine,
le corps n’est pas réel, étant un reflet dans le miroir où le monde apparaît et existe,
mais pas réel.’’
Tous les sages soulignent que la soi-disant ‘’Libération’’ provient de la connaissance,
et non d’abandonner le corps. La connaissance seule est la condition nécessaire et
suffisante pour se libérer de l’esclavage de l’ignorance. Même si de nombreux
advaitins, comme Shankara, soutiennent que la méditation est une aide utile pour
atteindre la Libération, tous les sages ne sont cependant pas d’accord, puisque c’est
encore l’action d’un individu leurré qui croit être un auteur/acteur, ancré dans le
royaume duel de la fin et des moyens.
Ramana Maharshi dit : ‘’Je ne suis pas le corps ; Je suis le Brahman manifeste en
tant que Soi. En Moi qui suis la Réalité plénière, le monde qui comprend des corps,
etc., n’est qu’une simple apparence, comme le bleu du ciel. Celui qui a réalisé ainsi
la Vérité est un jivanmukta. Mais tant que son mental n’est pas dissous, il pourra lui
arriver des misères, de par sa relation aux objets sur base du prarabda, le karma qui
152
a commencé à fructifier et dont le résultat est le corps actuel. Aussi longtemps que
les vagues mentales ne se sont pas calmées, l’expérience de la Félicité ne peut pas
affleurer de l’intérieur. L’expérience du Soi n’est possible que pour l’esprit qui est
devenu subtil et immobile en résultat d’une méditation prolongée. Celui qui est doté
d’un esprit qui est devenu subtil et qui a l’expérience du Soi est appelé jivanmukta. Il
s’agit de l’état de jivanmukti que l’on désigne comme le Brahman sans attribut et
turiya. Quand même l’esprit subtil est dissous, quand l’expérience du moi cesse,
quand on est plongé dans l’océan de Félicité et quand on est devenu un avec lui,
sans plus aucune existence différenciée, on est appelé videhamukta. Il s’agit de l’état
de videhamukti qui désigne le Brahman transcendant et sans attribut et le turiya
transcendant. C’est le but final. En vertu des degrés de malheur et de bonheur, on
peut parler des libérés – des jivanmuktas et des videhamuktas – comme relevant de
quatre catégories : Brahmavid, vara, variyan et varishtha. Mais ces distinctions se
font du point de vue des autres qui les considèrent. En réalité, cependant, il n’y a
aucune distinction dans la Libération obtenue par jnana.’’
Lorsqu’on demanda à Nisargadatta Maharaj quel était son point de vue, telle fut sa
réponse : ‘’Mon point de vue actuel est sans limite, c’est la liberté totale. Ceux qui
viennent ici dans l’idée d’améliorer leurs connaissances spirituelles viennent avec le
désir de chercher, alors que le chercheur doit disparaître. Il n’est pas possible pour
vous d’acquérir la Connaissance, vous êtes la Connaissance ! Vous êtes ce que
vous cherchez ! Votre Etre véritable existe préalablement à l’apparition de n’importe
quel concept. En tant qu’objet, pouvez-vous comprendre quelque chose qui existait
préalablement à l’apparition d’un concept ? En l’absence de la Conscience, y a-t-il
une preuve de l’existence de quoi que ce soit ? La Conscience Elle-même est le
mental, la pensée, tous les phénomènes et toute la manifestation. L’appréhender est
mourir à ‘’je suis le corps’’ en étant vivant. Ce genre de connaissance ne survient que
rarement et c’est un type de connaissance insaisissable où aucun effort n’est
nécessaire. En réalité, l’effort lui-même constitue un obstacle. Il s’agit d’une
compréhension intuitive.’’
Lorsqu’on lui a demandé comment c’était de vivre comme un sage, Ramesh S.
Balsekar a précisé : ‘’Au niveau biologique, rien ne change chez un sage. L’ego doit
exister aussi longtemps que l’être humain vit et donc, le sage a aussi un ego tant que
le sage vit. Le sage voit quelque chose et il doit y avoir une réaction d’attirance ou
d’aversion, d’attraction ou de répulsion, mais à l’inverse de ce qui se produit chez la
majorité des gens, l’ego du sage n’est pas concerné, si de la colère se manifeste. La
colère est une réaction biologique vis-à-vis de laquelle même un sage n’a aucun
contrôle. Dans le cas d’un sage, il y a observation de la réaction biologique et
aucune implication, puisque le conditionnement final a transformé le conditionnement
antérieur. Au niveau du cerveau, il y a une réaction biologique. La peur peut survenir.
Cependant l’ego du sage observe une réaction dans l’organisme corps-mental et
contrairement à toute personne ordinaire, le sage observe la réaction biologique qui
153
se produit sans réagir, tandis que lorsqu’une personne ordinaire éprouve de la
colère, elle peut être bouleversée après avoir éprouvé de la colère, vu qu’elle
s’implique dans la réaction biologique. Chaque fois que de la compassion se
manifeste chez le sage, il n’y a aucune ostentation, ni aucun orgueil. La réaction
biologique de la colère est simplement observée par l’ego du sage comme quelque
chose de séparé de sa réalité. Après avoir totalement accepté que la Source est
l’unique auteur/acteur, le sage est toujours en paix, mais il est pareillement, tout
comme n’importe quelle autre personne ordinaire, un ordinateur corps-mental
programmé par la Source, homologué comme étant la destinée dans ses gènes. Par
conséquent, les gènes d’un sage peuvent engendrer une action qui pourrait même
être condamnée par la société ou même par la loi du pays. Donc, les actions d’un
sage peuvent résulter en une certaine reconnaissance de la part de la société, mais
elles peuvent aussi engendrer une condamnation. Néanmoins, le sage n’est pas
impliqué par les résultats, sachant qu’il n’est pas l’auteur/acteur. Parfois un sentiment
de plaisir peut survenir, parfois un sentiment de regret, mais jamais de l’orgueil, de
l’arrogance, de la culpabilité ou de la honte. Le sage ne réagit même pas si une de
ses actions est condamnée. Le sage l’accepte avec un sentiment de regret, mais
puisque c’est arrivé, le sage doit accepter le résultat de cette action condamnée.
Chaque fois qu’une action d’un autre mécanisme corps/esprit m’est préjudiciable, elle
peut engendrer un déséquilibre physique, psychologique ou financier, mais puisque
j‘ai totalement accepté qu’il n’existe aucun auteur/acteur individuel, je n’éprouve
aucune haine, ni aucune intention malveillante. Aucun pouvoir sur la Terre ne peut
me faire du mal, je n’ai aucune peur et je ne ressens pas non plus la moindre jalousie
ni la moindre envie pour quelque chose que Dieu a créé et a donné à d’autres. Tout
ce qui arrive dans la vie est accepté : parfois de la peine et parfois du plaisir, mais le
sage ne porte pas le poids de l’orgueil, ni de l’arrogance, de la culpabilité et de la
honte, de la haine et de la malveillance, ni de la jalousie et de l’envie. Par ailleurs,
chaque fois que quelqu’un pense qu’il s’agit de son action, le succès suppose orgueil
et arrogance, et l’échec suppose honte, culpabilité et ressentiment. Mais quand s’est
produite l’acceptation totale, avec la compréhension profonde que votre action n’était
pas réellement votre action, mais rien qu’une occurrence, le succès ne suppose
qu’une simple manifestation de plaisir sans le moindre soupçon d’orgueil ou
d’arrogance et l’échec suppose la manifestation d’un sentiment de regret, mais sans
frustration, ni culpabilité, ni honte. Par conséquent, au lieu de s’opposer au flux de la
vie, le sage peut tranquillement suivre son cours sans stress, ni inquiétude, tout à fait
à l’aise avec lui-même et avec les autres. La paix est toujours là, mais c’est ce poids
qui empêche l’aperception de la présence de la paix.
Chaque fois qu’un sage est appelé par son nom, il répond ! Cela signifie qu’un sage
s’identifie aussi par un corps particulier et un nom spécifique, comme une entité
distincte. L’homme ordinaire répond lui aussi à son nom, quand on l’appelle, mais la
différence réside dans le fait que, tandis que l’homme ordinaire pense que chacun
154
est l’auteur de son action et est par conséquent responsable de celle-ci, le sage est
convaincu que personne ne fait quoi que ce soit. Toutes les actions sont des
occurrences divines. Il n’y a aucune raison de craindre un jnani. Il voit exactement
comme vous. S’il y a dix personnes différentes, il les voit comme dix formes
différentes. Mais ce qu’il sait, c’est que dans ces dix formes différentes, ce qui opère,
c’est la même Conscience. Les différences sont perçues comme étant des
différences, mais ce qui est vu simultanément, c’est l’unité dans la diversité.
Supposez que vous possédiez dix photographies différentes de vous-même prises
dans dix costumes différents. Pour celui qui les voit, il verra dix personnes
différentes, pas seulement dix costumes différents, mais dix personnes différentes,
mais vous, vous savez qu’il s’agit de la même personne. De même, ce que le jnani
sait, c’est que toutes ces apparences sont différentes, mais que ce qui opère à
travers elles, c’est la même Unité, ce que la personne ordinaire ne sait pas.
Fondamentalement, en dehors de cela, le fait fondamental que j’ai constaté avec
l’Illumination, c’est qu’il n’y a ni attentes, ni désirs, ce qui engendre un sentiment de
paix. On ‘’attend’’ tout ce qui doit arriver. Cela ne signifie pas que des pensées
d’espoir ne surgissent pas. Elles se manifestent. Ce qui est curieux, c’est que
beaucoup d’entre eux sont exaucés et chaque fois qu’une telle chose arrive se lève
une immense vague de gratitude.’’
LES CARACTÉRISTIQUES DES SAGES
La littérature chrétienne, bouddhiste, hindoue et yoguique foisonne en matière de
description de changements qui se produisent spontanément à la suite de la
compréhension totale. Voici juste quelques symptômes de l’Illumination graduelle. Ce
n’est pas une liste exhaustive, mais une liste qui se veut démonstrative. Quant à
l’Illumination totale, songez à toutes les limites et à toutes les limitations qu’il y a
dans votre être et une fois qu’elles seront tombées, vous saurez ce qu’est
l’Illumination.
Quelques symptômes de l’Illumination graduelle sont :






Ne rechercher aucun retour pour ses actes désintéressés
Avoir l’impression qu’il est inutile de se défendre
Ne rien craindre
Ne pas faire de différences entre les multiples formes de vie
La conscience de la totalité de la Conscience dans tout l’univers,
simultanément
L’accès aisé à la Connaissance – maîtrise des trois états de conscience –
veille, rêve et sommeil – et maîtrise des désirs
155












Les expériences sensorielles vues comme des portes de la perception
intérieure – toutes les sensations à la surface du corps devenant des voies
d’entrée vers la conscience intérieure
La compassion totale, la non-violence, l’inaptitude à se fâcher, la sensibilité à
l’égard de ce qui provoque de la frustration chez les autres
La destruction totale de l’ego, la plus grande humilité
Ne jamais devenir la proie de l’agitation, une présence paisible et rayonnante
qui calme tous ceux qui entrent en contact avec elle
L’oubli instantané de tout bienfait dispensé
Une concentration totale et une absorption qui aboutissent à l’équanimité
La capacité de rester en même temps sur les deux rives – parfaitement unifié
en agissant dans le monde et la capacité de pouvoir guider une ou un million
de personnes partout dans le monde, puisque l’on transcende les limites de
l’espace et du temps. La maîtrise par rapport aux forces temporelles – même
celle de choisir le moment de sa soi-disant mort, apparente, et de quitter
consciemment le corps
Tout acte devient esthétique, raffiné – la démarche d’une telle personne est
une danse et sa gestuelle habituelle, des mudras divins qui attirent tout un
chacun
Plus d’identification aux états du corps et on n’est plus mentalement affecté
par la présence d’une maladie qui est comprise comme étant une simple
réaction chimique dans l’éprouvette du corps
La dissimulation prudente de ses accomplissements spirituels
La capacité de pouvoir lire dans l’esprit des autres, mais sans en faire la
démonstration. Utiliser seulement cette faculté dans le but d’aider autrui
Si des pouvoirs surnaturels, les siddhis, se manifestent, le vrai sage préfère
les ignorer et y renoncer
156
CHAPITRE 26 : NIVEAUX DE CONSCIENCE
Pour être efficace, la vérité doit pénétrer comme une flèche
et il est probable que cela fasse mal.
L’Illumination totale et la compréhension totale de la Réalité est un phénomène rare
et un éveil partiel ne signifie pas que l’on est un être autoréalisé (qui a réalisé le Soi).
Il y a trois niveaux fondamentaux d’expansion intérieure :



L’éveil à la pure Conscience – à l’état de Présence au-delà du mental
L’éveil à l’Absolu – l’unité avec le non-manifesté
L’éveil du Cœur – l’expansion dans le Divin
Au premier stade de la conscience, c’est l’ego qui remplace la Conscience et qui
entretient l’illusion qu’il est celui qui perçoit et qu’il est ainsi un sujet qui observe le
monde de la manifestation. Dans ce cas, les montagnes et les rivières sont perçues
comme étant des réalités séparées. Au deuxième stade de la conscience, le
processus de l’Eveil permet à l’ego de réaliser que le monde entier est simplement
comme un rêve et irréel. Il devient plus conscient de la Présence de la Conscience à
l’intérieur et une transformation intérieure s’opère graduellement. Quand la
compréhension s’élève à ce niveau, il y a un relâchement de la pression générée
par le propre ego de la personne et un sentiment de liberté apparaît à la surface de
la Conscience. Néanmoins, elle veut convaincre le monde entier de voir le monde,
comme elle le voit. Elle a le désir d’enseigner aux autres, de leur dire quoi faire et
comment changer. Elle n’a pas encore réalisé que peu importe à quel point elle est
éclairée, elle ne peut transmettre ses expériences à d’autres et ne peut changer
personne, puisque le changement réel ne peut émaner que de l’intérieur de chaque
personne.
Au stade ultime de l’Eveil, le sage a réalisé que tout ce qu’il voit dépend de la
Conscience, du niveau pur et impersonnel de la Conscience qui imprègne tout et tout
un chacun. Le sage a réalisé et a complètement accepté qu’en tant qu’ego, il ne peut
rien percevoir, puisque tout ce dont il prend conscience est perçu et créé par la
Conscience et que tout ce qu’il peut percevoir autour de lui est perçu, non pas par
son moi pensant, l’ego, parce que ce qui perçoit réellement en lui, c’est la
Conscience impersonnelle, Elle-même, puisque la Créatrice de la manifestation et la
manifestation créée sont les mêmes. La Conscience impersonnelle est la Créatrice et
ce qui perçoit. Ce niveau d’Eveil est ce qu’on appelle parfois l’Illumination.
Les sages nous disent que l’Eveil signifie la perception soudaine, instantanée,
intuitive et par conséquent subjective que la relation sujet-objet est entièrement le
simple fruit de l’imagination et qu’en réalité, le sujet et l’objet n’existent pas, sinon en
tant qu’illusions interprétées dans une approche dualiste, et comme tout produit du
157
mental, elles se fondent sur des concepts qui peuvent changer. Tous les sages
reconnaissent ceci et s’accordent aussi à dire qu’il n’y a ni quelqu’un qui perçoit, ni
une perception – il n’y a que l’acte de percevoir, qui est l’aspect subjectif de la pure
Conscience.
‘’L’advaita pratique et l’advaita théorique sont très différents. Dans l’advaita
théorique, le Soi est la Réalité unique, il n’y a pas de voie et nous sommes déjà tous
éveillés, mais l’advaita pratique sait qu’il y a un long chemin à parcourir avant que la
vérité de ces affirmations ne puisse devenir notre vérité vivante.’’
Ramesh souligne : ‘’L’Eveil signifie la disparition totale de tous les problèmes liés aux
phénomènes, ce qui engendre un sentiment constant de liberté totale par rapport à
toute inquiétude. C’est un sentiment de légèreté, de flotter dans l’éther, sans être
touché par l’impureté et la confusion d’un esprit divisé. C’est comme si la racine
même de tous les problèmes avait été détruite, comme si l’hydre avait été
mortellement frappée en plein cœur afin d’empêcher que ses têtes ne repoussent.’’
La partie la plus ardue de l’évolution, c’est le processus d’élimination des concepts.
C’est un fameux challenge et une voie où l’on marche sur des œufs. Les concepts
surgissent sans être sollicités. Les concepts sont profondément ancrés. Néanmoins,
des sages du calibre de Ramana Maharshi, Nisargadatta Maharaj et Ramesh
Balsekar affirment que l’introspection et l’autoanalyse sont les forces vives qui
peuvent permettre au chercheur d’évoluer vers l’harmonie et vers l’équilibre, puisqu’il
est dans la nature même de l’auto-investigation de pouvoir le faire.
Depuis le zénith de sa compréhension totale, Ramesh souligne que : ‘’Comme objets
ou comme mécanismes tridimensionnels, nous avons seulement le choix de nous
aligner consciemment sur le flux de la vie ou de rester dans l’ignorance et de résister
à l’ordre naturel du flux de la vie. Choisir cette dernière option signifie rester
déconnecté de nos propres processus personnels, de notre propre Source et du flux
de la vie.’’
L’explication de Nisargadatta est la simplicité même : ‘’Dès l’instant où vous avez
réalisé que le monde est votre propre projection, vous en êtes libéré. Vous n’avez
pas besoin de vous libérer d’un monde qui n’existe pas, sauf dans votre imagination.
Que la peinture soit belle ou horrible, c’est vous qui la peignez et vous n’êtes pas lié
par elle. Réalisez qu’il n’y a personne pour vous l’imposer, que tout cela n’est dû qu’à
l’habitude de prendre l’imaginaire pour le réel. Voyez l’imaginaire comme tel et soyez
libéré de la peur. Ce qui commence et finit n’est que simple apparence. On peut dire
que le monde apparaît, non qu’il est. Sur une certaine échelle de temps, l’apparence
peut être durable et très éphémère sur une autre, mais finalement cela revient au
même.’’ Nisargadatta Maharaj disait qu’il n’est pas possible de connaître ce que nous
158
sommes – nous pouvons seulement ÊTRE. Et il définissait ce que nous sommes
comme une absence de la présence et de l’absence. Ou, en d’autres termes :
1) La servitude conceptuelle ne se produit que parce que chaque phénomène
humain présume être une identité indépendante. Comme tel, il se considère
comme une entité indépendante. Comme tel, il se considère comme soumis
aux liens de l’espace-temps, comme quelque chose de tangible et d’étranger
à sa propre existence.
2) La nouménalité et la phénoménalité sont identiques dans le sens où la
nouménalité est immanente à la phénoménalité. La phénoménalité n’a pas de
nature propre autre que la nouménalité. Simultanément, la nouménalité doit
transcender la phénoménalité, parce que la nouménalité est tout ce qui est. La
phénoménalité est simplement l’aspect objectif de la nouménalité. C’est
l’identification de la nouménalité avec chaque objet séparé, produisant ainsi
un pseudo-objet à partir de ce qui est seulement l’élément opérationnel dans
un objet phénoménal, qui produit le fantôme d’un individu autonome, l’ego, qui
considère être dans une servitude conceptuelle. Comme tel, le fonctionnement
phénoménal est absolument impersonnel et l’entité illusoire y est tout à fait
superfétatoire, sa place étant seulement celle d’un instrument ou d’un
mécanisme. L’impersonnel expérimente la douleur et le plaisir, et c’est
seulement lorsque l’expérience est interprétée par le pseudo-sujet, en tant
qu’expérimentateur expérimentant l’expérience dans la durée que l’expérience
perd son élément de fonctionnement intemporel et impersonnel et qu’elle revêt
la dualité de l’objectivation sujet/objet.
3) Ce que nous sommes en tant que noumène, c’est l’Être intemporel, infini et
imperceptible et ce que nous paraissons être en tant que phénomènes, ce
sont des objets temporaires, finis, perceptibles par les sens et séparés. Nous
sommes vraiment des fantasmes illusoires de la Conscience. Le fait que nous,
en tant qu’entités distinctes et illusoires, nous espérons absurdement pouvoir
nous transformer en un Etre illuminé démontre l’étendue du conditionnement
auquel nous avons été soumis. Comment un phénomène, une simple
apparence pourrait-elle se perfectionner ? Il n’y a que la désidentification avec
l’entité supposée qui peut amener la transformation.
4) Il semblerait que le mécanisme de la vie se fonde sur la croyance que tout ce
qui arrive dans la vie est le produit d’actes de volonté de la part des objets
phénoménaux concernés, les êtres sensibles, mais qu’une telle conviction soit
fausse, parce qu’on peut clairement voir que les êtres humains réagissent à
des stimuli extérieurs plutôt qu’ils n’agissent volontairement. Leur vie est
majoritairement une suite de réflexes qui ne laisse que très peu de latitude
pour ce que l’on pourrait considérer comme des actes de volonté. Leur mode
de vie est très fortement conditionné par l’instinct, l’habitude, la propagande et
la dernière mode. Plus fondamentalement, le fait est que la volonté n’est rien
de plus qu’un corollaire illusoire, simple démonstration, geste futile de la part
159
d’un moi conceptuel énergisé. A part un mécanisme psychosomatique, il n’y a
simplement pas d’entité pour exercer la volonté. Tout ce qu’il y a, c’est le
fonctionnement impersonnel et la chaîne inexorable de la causalité. En
l’absence d’une entité – redondante en l’absence de volonté – qu’y a-t-il pour
exercer la volonté illusoire et pour expérimenter ses résultats ? Qu’y a-t-il pour
être libéré ? La compréhension la plus profonde possible de ces
fondamentaux de l’enseignement aboutit à une vie spontanée et non-volitive.
Telle est l’expérience de l’enseignement, l’expérience de la vie nouménale.
L’expérience aboutit vite à l’immense éveil au fait que cette vie est un grand
rêve. Nous sommes alors enveloppés par le sentiment submergeant d’une
discrète unité. Que peut-il rester par la suite, sinon l’observation non-volitive
de tout ce qui survient pendant le restant de la durée de la vie qui nous a été
impartie ? Une telle observation non-volitive – observer tout ce qui survient
sans jugement – se fait jour en même temps qu’une relation non-objective
avec soi-même et les autres. Une relation non-objective avec soi-même se fait
jour, lorsqu’il n’y a plus de pensée de soi-même en tant qu’objet d’aucune
sorte, physique ou psychique. Savoir ce que l’on est sans aucun besoin
d’explication de qui que ce soit, avoir la conviction la plus profonde que l’on
est entièrement vide de la moindre trace élémentaire d’objectivité, c’est
expérimenter l’enseignement. L’absence totale de toute qualité objective peut
seulement signifier l’absence du concept même de la présence et de
l’absence du perceptible et du concevable. Une relation non-objective avec
soi-même amène naturellement une relation non-objective avec les autres, ce
qui signifie cesser de considérer tous les phénomènes sensibles et
insensibles, comme des objets. Le résultat, c’est l’élimination de
l’incompréhension de l’ignorance, ce qui signifie en fait la réalisation de notre
vraie nature. Ce n’est que quand le moi phénoménal est absent que le ‘’JE’’
nouménal peut être présent.
Ramesh clarifie sur base de sa propre expérience : ‘’Le stade ultime de la recherche
du Soi est atteint, lorsque prévaut la conscience sans effort du ‘’JE SUIS’’, bien que
pas en continu. La réalisation du Soi a lieu, quand la conscience sans effort est
constante, mais le point important, c’est que cet état n’est pas un accomplissement,
pour la simple raison que le ‘’moi’’ qui est censé faire l’effort est en route vers son
anéantissement. La réalisation du Soi ou l’Illumination n’est rien de plus que la
compréhension la plus profonde possible qu’il n’y a pas d’auteur individuel de
n’importe quelle action – ni vous, ni personne d’autre. Vous n’êtes pas non plus le
penseur de n’importe quelle pensée, ni l’expérimentateur d’une expérience – qui
surviennent. Quand CELA arrive, aucune lampe brillante ne se mettra à clignoter
dans votre tête ! Comme Nisargadatta avait coutume de le dire, la farce, c’est que
tout ce qu’il y a, c’est la Conscience, et par conséquent, ce que la Conscience
recherche comme étant sa source, c’est Elle-même. La recherche se poursuit jusqu’à
ce qu’il y ait l’aperception que la Conscience est la Conscience du Je qui ne peut pas
160
être conscient de Lui-même, parce que la Conscience ne connaît pas de moi dont
Elle pourrait être consciente. Comment puis-‘’Je’’ être connu ? Impossible ! Comment
puis-‘’Je’’ être expérimenté ? Impossible ! Seul ‘’Dieu’’ peut être expérimenté, étant
mon concept, mon objet. Mais si la conceptualisation est en suspens – le mental
jeûne – et le temps et l’espace sont aussi en suspens avec tous les concepts, JE
SUIS tout ce que vous êtes, comme mon Soi. Comment pourrais-Je avoir autre
chose ? Lorsque l’ombre du dernier objet a disparu en ne laissant rien à trouver de
perceptible par les sens, ce qui reste, c’est ce que Je suis (et ce que vous êtes).’’
Assez curieusement, Ramana Maharshi, tout comme Nisargadatta, parlent d’avoir
observé leur mort. Au cours de l’une de ses causeries habituelles avec ses visiteurs,
Nisargadatta Maharaj a souligné que pour réaliser totalement le Soi, il était
nécessaire d’observer sa propre mort. Il a dit que ceci lui était arrivé après qu’il ait
pensé avoir pleinement réalisé le Soi et que ce ne fut pas avant l’après de cette
expérience de mort qu’il comprit que ce processus était nécessaire pour la Libération
finale.
A l’âge de 17 ans, Ramana était assis tout seul dans une pièce de la maison de son
oncle, lorsqu’il fut submergé par une puissante prémonition de mort. Il n’avait aucun
problème de santé. Il sentit simplement soudainement qu’il allait mourir. Au lieu de
tenter d’échapper à cette peur primaire et à la place de courir chercher de l’aide ou
de s’en distraire, il s’allongea simplement et il expérimenta la peur dans toute son
acuité et dans tous ses paramètres. Il décrit ainsi cette expérience :
‘’Le choc de la mort me rendit immédiatement introspectif. Je me dis mentalement,
maintenant, la mort vient. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'est-ce qui meurt ? Ce
corps meurt. Alors que je me disais cela, les symptômes de la mort suivirent.
Néanmoins, je demeurai conscient de l'inertie corporelle, aussi bien que du ‘’Je’’
distinct, tout à fait séparé du corps. En tendant les membres, ils devinrent rigides, la
respiration cessa et il n'y avait plus guère de signe de vie dans le corps. Eh bien, me
dis-je, ce corps est mort. Il sera transporté au bûcher et puis réduit en cendres. Mais
avec la mort du corps, suis-je bien mort ? Ce corps ne peut être le ‘’JE’’, car
maintenant, il repose inerte et silencieux, alors que je sens toute la force de ma
personnalité, du ‘’Je’’ existant par Lui-même, distinct du corps. Aussi, suis-Je l'Esprit,
une chose qui transcende le corps. Tout ceci n'était pas un simple processus
intellectuel. Cela m’apparaissait vivement, comme une Vérité vivante, une
expérience directe, indubitable qui s’est prolongée depuis lors jusqu'à maintenant.’’
Les enseignements non-duels nous conduisent à une action impersonnelle dont on
est le témoin, ce qui implique qu’elle est spontanée, naturelle et sans effort. Lorsque
la compréhension globale et ultime est donnée par la Source, toute action s’écoule
simplement et librement par notre intermédiaire. Il a finalement été accepté qu’il ne
s’agissait pas de notre action, et un état d’esprit où rien n’est désiré, mais où tout est
161
accepté produira des actions tout à fait appropriées en temps et lieu. De telles
actions détachées et naturelles servent l’objectif d’une plus grande harmonie, d’un
plus grand équilibre, même dans le cas d’un sadhaka imprégné de non-agir et de
quiétude.
Ramesh clarifie encore avec à-propos : ‘’Personne ne peut trouver l’Illumination !
C’est la racine même de l’enseignement. Cela signifie qu’il est idiot de la part de tout
soi-disant Maître de demander à quelqu’un de faire quelque chose pour obtenir ou
pour trouver l’Illumination. L’essentiel de cette affirmation simple signifie, selon mon
concept, que l’Illumination est l’anéantissement de ‘’celui’’ qui veut l’Illumination. Si
Illumination il y a – ce qui ne peut arriver qu’en raison de la volonté de Dieu – alors,
cela signifie que ‘’celui’’ qui avait précédemment désiré l’Illumination a été anéanti.
Ainsi, personne ne peut obtenir l’Illumination et par conséquent, personne ne peut
jouir de l’Illumination. Si vous croyez que c’est sous votre contrôle, je suggère que
vous visiez plutôt l’acquisition d’un million de dollars que l’Illumination, parce que si
vous gagnez le million de dollars, alors il y aura quelqu’un pour jouir de ce million de
dollars ! Mais si vous visez l’Illumination et si l’Illumination se produit, il n’y aura
personne pour jouir de l’Illumination. La division fondamentale de la dualité survient
dans la Conscience Elle-même, comme partie intégrante du processus pour
percevoir la manifestation. Pour que la manifestation existe, elle doit être observée.
Pour que l’observation se produise, un objet observé et un observateur/objet sont
nécessaires. Cette dualité entre l’observateur/objet et l’objet observé est la division
fondamentale. Chez l’humain, cette division va encore plus loin avec le dualisme de
‘’moi’’ et ‘’l’autre’’. L’observateur/objet assume la subjectivité de l’Absolu ou de la
Totalité ou de Dieu en disant : ‘’Je suis le sujet et le reste du monde est mon objet.’’
Dès que le ‘’moi’’ et que ‘’l’autre’’ entrent en jeu, la dualité se subdivise encore en
dualisme. L’observateur/objet se considère comme observateur/sujet,
expérimentateur, auteur/acteur.
L’Illumination n’est que le processus inverse, où le pseudo sujet réalise qu’il ne peut
pas y avoir d’entité distincte et que le corps-mental ne peut fonctionner que comme
un instrument dans la manifestation de la Totalité. Quand le sentiment d’être
l’auteur/acteur disparaît, le dualisme est ramené à la dualité fondamentale. La dualité
est un mécanisme indispensable dans la phénoménalité. L’Illumination n’est donc
rien d’autre que le processus inverse du dualisme à la dualité, la fin du sentiment
d’être un auteur/acteur individuel. Il y a la réalisation la plus profonde possible que
l’être humain individuel n’est pas une entité distincte et séparée, mais seulement un
instrument par lequel opère la Totalité ou Dieu. C’est tout ce que cela signifie
vraiment, la transformation de soi-même, en tant qu’auteur/acteur, à l’absence de
sentiment d’être l’auteur/acteur.’’
162
CHAPITRE 27 : QUELQUES INDICATIONS SUR L’ADVAITA
Tout ce qui est connu est seulement ce que l’on appelle le mental
Et ce qu’on appelle le mental est simplement la connaissance de toutes choses.
‘’Maya nous trompe, en ce qui nous concerne.’’ La vie elle-même est une substance
éthérée à la recherche d’un véhicule d’un certain type pour exprimer sa nature
intangible et immatérielle et l’invisible.
Advaita veut dire ‘’non-dualité’’, en sanskrit, un état qui ne peut être attribué qu’à
Dieu ou à l’Absolu. Il est inaccessible à la raison, puisque le mental qui est associé à
l’ego dans l’état de veille ne peut pas sortir de la dualité de la relation sujet/objet. Le
concept de la non-dualité a acquis du sens en Occident par l’entremise des dernières
découvertes de la physique nucléaire. L’advaita vedanta représente l’un des trois
systèmes de pensée du vedanta et son représentant le plus important est Shankara.
L’advaita vedanta enseigne que la création manifestée et Dieu sont identiques.
Similairement, les physiciens des particules ont découvert que la matière consiste en
des champs d’énergie qui se meuvent continuellement, tout comme il y a des milliers
d’années, les rishis, les sages védantiques, ont reconnu que la réalité consiste en
énergie sous forme de la Conscience et par conséquent, Brahman est réalisé comme
étant notre vrai Soi. Ce Soi n’est pas associé au corps, ni à l’intellect et il est sans
limitation, ni peine. Cette connaissance émerge par l’entremise d’une compréhension
juste, pas par la dévotion, ni par les œuvres.
Vivekananda disait que le vedanta est le seul système philosophique qui peut offrir à
l’homme la compréhension et la liberté totales, puisqu’il supprime toute dépendance
due à des superstitions ou à l’ignorance. L’advaita est la philosophie hindoue la plus
influente et comme dans toutes les formes du vedanta, il essaye de synthétiser les
enseignements des Upanishads en une seule doctrine cohérente, mais à la
différence des autres formes du vedanta, il enseigne qu’il n’existe que la Conscience
ou la Source et que tout le reste est simplement illusoire. L’advaita vedanta est
étroitement associé au jnana yoga, au yoga de la connaissance.
Le cœur de l’advaita, c’est que toute la vie, toute la manifestation fait partie d’un tout
inséparable, une unité organique interconnectée qui émane d’une Source profonde,
mystérieuse et essentiellement inexplicable qui est tout ce qui existe. Tout ce qui est
concevable est contenu dans ce Principe. Les traducteurs occidentaux ont comparé
ce concept de la Conscience à l’idée de Dieu, d’un Esprit universel ou d’une Réalité
absolue, mais qu’importe le nom, cela ne fait réellement aucune différence. On fait
également référence à l’advaita vedanta comme au non-dualisme, à la non-dualité,
au monisme, à mayavada ou à la philosophie de Shankara, mais on l’abrège
généralement en advaita ou en vedanta.
163
Ce Principe qui est le Principe fondamental des Upanishads sur lequel l’advaita se
base peut s’exprimer pour un esprit occidental dans les termes d’une équation :
L’Atman ou l’âme = Brahman ou Dieu = il n’y a qu’une seule Conscience, Brahman,
et tout le reste est maya, illusion.
La sagesse advaitique s’organise autour de quelques principes clés et comme toute
perspective philosophique, elle propose un moyen de voir et de comprendre la
réalité. La voie inclut à la fois la manière dont nous percevons le monde qui nous
entoure et aussi la manière dont nous interagissons avec la vie. La façon dont nous
percevons la réalité influence notre manière d’être dans le monde et notre voie
d’action. Le non-dualisme voit aussi l’univers et l’ensemble de ses manifestations,
comme opérant suivant un ensemble de lois naturelles immuables. En tant que partie
inséparable de la Conscience, les êtres humains peuvent acquérir la connaissance
de ces lois, se régler ou s’accorder sur elles, et s’aligner sur ces principes apporte
une perspective universelle. Comprendre ces vérités permet de vivre en harmonie
avec la Conscience et la vie devient une pleine expression de cette Conscience.
D’après l’advaita, seule notre part la plus profonde est consciente. Rien d’autre que
l’Atman ne peut agir, sentir, voir ou connaître quelque chose. Par conséquent,
l’Atman est l’unique réalité en nous tous. En investiguant ‘’qui suis-je ?’’ ou ‘’qui est
l’auteur/acteur ?’’ et notre environnement, en nous souvenant que nous faisons
partie d’un tout interconnecté et en demeurant tranquille jusqu’à ce qu’une action soit
requise, nous pouvons rendre au monde un service valable. Si nous prenons
conscience – si seulement momentanément – de l’unité de toute chose, alors nous
analyserons qui est le véritable auteur de toute action et nous pourrons discerner par
rapport au ‘’qui suis-je ?’’. Au final, le détachement tombera de lui-même et les
actions seront spontanées et dénuées d’efforts, nous autorisant à nous laisser porter
par le flot de la vie. Conséquence naturelle, nous saurons intuitivement que les
actions qui ne sont pas motivées par l’ego, mais qui répondent aux besoins de
l’environnement, aboutissent à un équilibre harmonieux et procurent un sens et un
but ultimes à nos vies. De telles actions sont en phase avec le déroulement le plus
profond de la vie elle-même. Ce qui distingue l’advaita d’autres interprétations des
Upanishads, c’est que l’advaita soutient que puisqu’il n’y a qu’un seul Brahman, il
n’y a qu’un seul Atman. Il n’y a qu’un seul Soi que nous partageons tous. Nous
sommes tous Un. Tout ce qui existe est Brahman.
Ramesh souligne : ‘’La compréhension de la Vérité ne peut pas être dualiste. Il
n’existe ni percepteur, ni d’objet perçu. Il existe seulement une perception. La Vérité
est ce qui demeure dans une dimension qui est au-delà et hors de portée de la
pensée. La Réalisation est une occurrence dans la Conscience où la Conscience
émerge de son propre gré et par laquelle une compréhension plus profonde survient
qui permet d’accepter totalement la non-action de l’ego. L’ego aura progressivement
164
moins de puissance. Si vous répondez à la question fondamentale d’un enfant sur la
création, ‘’qui m’a créé ?’’, en disant, ‘’Dieu t’a créé’’, l’enfant demandera tout de
suite, ‘’et qui a créé Dieu ?’’ Ceci continue ad infinitum, parce que tous les opposés
et tous les contraires sont la caractéristique distinctive du mécanisme de la dualité où
apparaît l’univers phénoménal. La connaissance n’est que l’opposé corrélatif de
l’ignorance. Et ce que nous sommes précède la connaissance et l’ignorance, qui ne
peuvent être que des concepts. Le problème réel, c’est que tout l’univers
phénoménal est une apparence dans la Conscience sans aucune substance
indépendante qui le distingue de la Conscience.’’
L’advaita ou les enseignements non-duels sont pratiques et pragmatiques et on peut
bien les utiliser comme guides dans la vie quotidienne. Leur plus grande valeur
réside dans des indications qui nous orientent par rapport à notre propre processus
d’auto-exploration, de croissance et de transformation, qui nous relie à notre Soi le
plus profond et au monde qui nous entoure. Les enseignements des sages nous
donnent d’excellents conseils sur la manière dont cet état de compréhension
harmonieuse et de reliance peut survenir.
Néanmoins, pour nous faire réfléchir encore plus profondément, Ramesh souligne
remarquablement : ‘’Ramana Maharshi, en guise de vérité finale, commence par dire
qu’il n’y a ni création, ni dissolution. Alors, s’il n’y a pas de création, ‘’qui’’ peut poser
des questions ? Si l’on accepte qu’il n’y a pas de création, alors la création qui est
vue est illusoire. Le point essentiel est celui-ci : L’Unité – la Source (la non-dualité) –
est réellement un concept. La manifestation – la dualité – également un concept, est
ce dans quoi nous vivons, aussi toutes les questions se poseront dans la dualité. Par
exemple, vous sortez au soleil et il y a une ombre. L’ombre est-elle réelle ou irréelle ?
La réponse est que l’ombre est réelle dans certaines circonstances et irréelle dans
d’autres circonstances. Quand vous sortez au soleil, l’ombre est très réelle – vous
pouvez la distinguer. Mais quand vous rentrez, quand vous êtes chez vous, il n’y a
plus d’ombre. De même, quand vous êtes dans la dualité, vous existez. Mais quand
vous n’êtes pas dans la dualité – quand vous êtes dans le sommeil profond – il n’y a
pas de vous. Ainsi, vous existez dans l’état de veille, dans la dualité, et vous
n’existez pas dans le sommeil profond.
Tant que le corps-mental continue, la dualité est toujours là. Tout ce que le corpsmental fait dans la durée, dans l’espace-temps, c’est dans la dualité. Ce qui est
absent dans l’Illumination, c’est le dualisme, ‘’moi’’ en tant qu’entité distincte et
séparée et ‘’vous’’ en tant qu’autre entité distincte et séparée.
Il ne peut pas y avoir de manifestation, à moins qu’elle ne soit observée par le corps ;
il ne peut pas y avoir d’observation, à moins qu’il n’y ait un mental ; il ne peut pas y
avoir de mental, à moins qu’il n’y ait une conscience dans l’organisme corps-mental ;
et d’où peut provenir la conscience d’un organisme corps-mental, sinon de la
165
Conscience ou de la Source ? Par conséquent, il n’y a aucune dualité – seulement
l’unité.
En réalité, il n’y a eu ni création, ni destruction. La servitude ne dure que tant que le
mental investit un objet perçu de réalité. Une fois que cette notion disparaît, la
servitude présumée disparaît aussi. Ici, dans cette création objectivée, seul ce qui est
ainsi objectivé se développe et se décompose. C’est dans cette conceptualisation et
dans cette objectification que la dualité est conçue comme la base même de la
manifestation. La dualité est nécessaire pour que des objets manifestés puissent être
perçus et connus dans le cadre de l’espace-temps où les objets se déploient. Il est
essentiel de garder à l’esprit qu’alors que la manifestation ainsi créée est de la nature
de la simple apparence ou de l’illusion, elle est suffisamment réelle dans ce sens où
la manifestation est un reflet dans la Conscience. L’ombre n’a ni substance, ni nature
propre, mais sans la substance, l’ombre ne peut pas apparaître. Un hypnotiseur
habile peut bien faire croire à des gens à quelque chose qui n’est pas là. Alors, si un
hypnotiseur habile peut faire croire à 2000 personnes qu’il y a quelque chose de
solide, là où ce n’est pas le cas, serait-il compliqué pour le Divin de faire en sorte que
chaque corps-mental individuel croit hypnotiquement que le monde est réel, solide ?’’
La vision de la Vérité ne peut pas être dualiste (une ‘’chose’’ vue).
Elle ne peut pas être vue par un visionnaire, ni via un visionnaire.
Il ne peut y avoir qu’une vision qui est elle-même la Vérité.
Wei Wu Wei
166
CHAPITRE 28 : LES CLÉS
Métaphysiquement, l’humilité implique l’absence d’une entité qui puisse être ‘’fière’’
ou ‘’humble’’.
De nos jours, nos vies sont devenues tellement éprouvantes pour les nerfs et
multidimensionnelles, puisque nous devons constamment gérer d’innombrables
tâches, responsabilités et crises à des niveaux personnel, local et global que nous
recherchons ce qui nous rendra un mode de vie plus équilibré, plus harmonieux et
plus satisfaisant. La recherche de la Vérité est l’unique véritable outil qui conduit à
une harmonie et à un équilibre durables.
De prime abord, les concepts du non-agir et du non-dualisme peuvent sembler en
opposition totale avec certaines de nos valeurs culturelles les plus chères. L’idée que
la vie n’a aucun but, sinon celui d’expérimenter le cours de la Conscience peut être
compliquée à accepter pour les personnes qui sont attachées à la conviction qu’elles
prennent leurs propres décisions. Particulièrement dans le contexte de la vie
moderne, cette vérité peut sembler impensable, angoissante même et certainement
antisociale, voire même quelque peu pathologique. Nous permettre de vagabonder
dans la vie sans aucun but peut être perturbant, car cela remet en cause certains de
nos postulats les plus fondamentaux par rapport à qui nous sommes en tant qu’êtres
humains et par rapport à notre rôle dans le monde. D’un point de vue psychologique,
accepter le fait que nous n’exerçons aucun contrôle volontaire sur les circonstances
de nos vies est un choc. Initialement, nous pouvons résister, car cela doit briser
toutes les croyances qui nous sont si chères, comme celle du pouvoir de notre
intellect, d’être l’auteur/acteur, etc. Cependant, les enseignements de sages réalisés,
tels Ramana Maharshi, Nisargadatta Maharaj et Ramesh S. Balsekar peuvent nous
donner des lignes directrices pratiques et spécifiques pour permettre à un état
d’harmonie paisible de faire surface depuis la profondeur dans la vie quotidienne.
Grâce à la compréhension totale de ces principes de base et à leur mise en
application dans la vie quotidienne, nous pouvons consciemment devenir la
tranquillité même et faire l’expérience d’une renaissance totale.
La majorité d’entre nous qui se sont soumis à une formation spirituelle se basant sur
des efforts personnels et sur un accomplissement pourront d’abord se sentir floués
par les enseignements précédents ou encore sidérés et perplexes. Ramesh tourne
autour de la question et réaffirme : ‘’La non-découverte de la réponse à la question
‘’que suis-je ?’’ est en soit la découverte, parce que, si cette non-découverte aboutit à
l’abandon de la recherche conceptuelle et à l’aperception de ce que Je suis non
conceptuellement, un tel abandon inclurait non seulement la recherche, mais
beaucoup plus significativement le chercheur conceptuel lui-même ! Ce à quoi
reviendrait la découverte, c’est que phénoménalement parlant, nous pouvons dire
être le concept conçu du chercheur et ce qui conceptualise le cherché – le chercheur
167
étant le cherché et vice-versa, en d’autres termes, la ‘’conceptualité’’ ; et
nouménalement parlant, nous sommes en amont de la conceptualisation et donc pas
en mesure de concevoir, ni d’être conçu, en d’autres termes, la ‘’non-conceptualité’’.
Par conséquent, la non-conceptualité ne peut pas être saisie conceptuellement. Ce
que nous paraissons être phénoménalement est conceptuel, alors que ce que nous
sommes, c’est la non-conceptualité elle-même, donc une conceptualité clairement
inconnaissable, c’est-à-dire dans les limites apparentes de l’espace-temps. Ce que
nous sommes – non conceptuellement – doit par conséquent nécessairement être
‘’l’inconnaissance de la connaissance’’, l’infini et l’intemporel, pas une chose, ni rien
du tout. Pratiquement, ce que nous paraissons être ne peut jamais connaître ce que
nous sommes, parce que ce que nous sommes est ce qui connaît. Ce que nous
sommes ne peut pas être compris, parce qu’il n’y a pas de sujet autre que ce que
nous sommes. Si ce que nous sommes doit être compris comme un objet, il devrait y
avoir un autre sujet pour le comprendre.’’
Les principes du non-dualisme et du non-agir comportent certaines implications et
entraînent des reconditionnements psychologiques profondément enracinés. Tout
d’abord, il y a la nécessité d’expérimenter consciemment que nous faisons partie de
la Source et que la Source opère par notre entremise, en pratiquant simplement
l’auto-investigation. Beaucoup suggèrent de rester tranquille, immobile ou concentré.
Ramesh conseille simplement d’être silencieux et à son aise et d’investiguer pour
voir si nous avons réellement été les auteurs d’aucune action pendant la journée.
L’autoanalyse ou l’introspection est l’outil via lequel, avec la discrimination et
l’examen de la nature de soi et du non-agir, on peut aller de plus en plus loin en
rejetant tous les faux concepts et en appréciant l’énigme et le mystère de la
conception erronée. Mon expérience a été la libération la plus profonde de toutes les
tensions et frustrations. Néanmoins, l’ultime compréhension ne peut tomber que si
telle est la volonté de Dieu et non pas en raison de notre ponctualité dans la
pratique. La pratique est simplement une aide pour préparer le terrain de
l’événement et nous apprendra aussi à plus nous fier à Dieu et à avoir confiance en
Dieu qu’en notre esprit logique. Ceci étant en soi une grande panacée, s’il est
pleinement accepté par le biais de notre investigation personnelle que la Source est
la seule agissante, notre connexion directe à la Source nous procurera la force et la
tranquillité qui sont déjà de grandes bénédictions dans la vie quotidienne, alors que
notre approche de la vie effectuera un virage à 180°. L’acceptation totale ne peut
survenir qu’en nous fiant de plus en plus à la conductrice de notre vie. La
compréhension est notre propre expérience et non pas celle de quelqu’un d’autre,
puisqu’on peut réaliser par sa propre investigation que l’on n’a jamais été
l’auteur/acteur, comme le ‘’moi’’ aimerait le croire. Par conséquent, tout ce qui arrive
est accepté pleinement et nous finissons par nous sentir à l’aise avec nous-même et
les autres.
168
Ainsi, la clé de la joie pérenne de la paix dans la vie quotidienne est offerte par
l’action sans auteur/acteur. Le non-agir est dénué de tout sentiment de séparation.
L’action sans auteur/acteur est spontanée et dénuée d’effort et cependant, on ne doit
pas la confondre avec de l’inertie, de la paresse ou de la passivité. C’est plutôt
l’expérience de nager avec le courant. L’expression contemporaine, ‘’se laisser porter
par le courant’’ est une expression directe du principe essentiel du non-agir qui dans
sa forme la plus fondamentale se réfère à un comportement qui se produit en
réponse au déroulement de la vie.
Les changements essentiels résultent en un mode de vie organique, en tant
qu’ensemble interconnecté qui subit une transformation constante. En
approfondissant notre auto-investigation, nous reconnaissons également le revers de
la même médaille et nous nous demanderons qui nous sommes réellement, si nous
ne sommes pas des auteurs/acteurs séparés de la Source. Le détachement est un
état et non la somme totale d’indifférences réalisées et nous ne sommes pas nousmêmes une partie illusoire de la Réalité, mais plutôt la Réalité elle-même
illusoirement conçue. Seule la Réalité existe – et nous sommes Cela. Tout le reste
n’est qu’un rêve, un rêve de l’Esprit unique, qui est notre esprit sans le ‘’nous’’. En
conséquence, nous percevons que le passé et le futur sont une dualité dont le
présent est la réalité. Seul le moment présent est éternel et réel et la spontanéité,
c’est être présent dans le présent. La spontanéité court-circuite les processus de
l’aspect conceptuel du mental et avec cette nouvelle approche se produira la
réintégration totale de la Nature, parce que la Nature est ce que nous sommes.
Dans le même ordre d’idées, ces paroles de Nisargadatta Maharaj devraient nous
faire réfléchir : ‘’Ce que vous êtes, votre vrai Soi, vous l’aimez, et tout ce que vous
faites, vous le faites pour votre propre bonheur. Le trouver, le connaître et le chérir
est votre désir fondamental. Vous vous aimez vous-même depuis des temps
immémoriaux, mais pas sagement. Utilisez sagement votre corps et votre esprit au
service du Soi, c’est tout. Soyez fidèle à votre propre Soi, aimez-vous vous-même,
absolument. Ne prétendez pas aimer les autres, comme vous-même. A moins d’avoir
réalisé qu’ils sont un avec Vous-même, vous ne pouvez pas les aimer. Ne prétendez
pas être ce que vous n’êtes pas ; ne refusez pas d’être ce que vous êtes. Votre
amour des autres est la conséquence de la connaissance de Vous-même, pas sa
cause. Sans la réalisation du Soi, aucune vertu n’est authentique. Lorsque vous
saurez, au-delà de tout doute, que la même vie coule dans tout ce qui est et que
Vous êtes cette vie, vous aimerez tout et tout le monde naturellement et
spontanément. Lorsque vous réalisez la profondeur et la plénitude de votre amour
pour Vous-même, vous savez que chaque être vivant et que tout l’univers sont
compris dans votre affection. Mais si vous considérez quoi que ce soit comme
séparé de Vous, vous ne pouvez pas l’aimer, puisque vous en avez peur.
L’aliénation engendre la peur et la peur accroît l’aliénation. C’est un cercle vicieux. Il
n’y a que la réalisation du Soi qui peut le briser. Cherchez-la résolument.’’
169
Permettre à la Conscience de se manifester dans nos vies peut ressembler à une
tâche insurmontable et pourtant, si nous faisons une pause pour investiguer et
réfléchir à nos expériences passées, nous pourrons nous rappeler de nombreux cas
où nos actions furent spontanées et naturelles, issues de l’arrivée d’une pensée,
quand l'acceptation était intégrée dans notre acceptation de ce qui était.
Ramesh propose une technique simple à ceux qui croient encore que quelque chose
est nécessaire : ‘’A la fin de la journée, mettez-vous à l’aise et essayez cette
recherche très simple parmi les nombreux événements du jour. Choisissez une seule
action dont vous pourriez mettre au défi n’importe qui de prouver que ce n’était pas
votre action, puis demandez-vous : ‘’Ai-je décidé de faire ceci ?’’ Si vous analysez de
plus en plus profondément, vous vous rappellerez que vous avez eu une pensée et
que vous n’avez jamais eu aucun contrôle par rapport à cette pensée qui s’est
insinuée dans votre esprit. Puis, vous verrez que si la pensée ne s’était pas produite,
il n’y aurait pas eu d’action. En analysant encore plus loin, vous découvrirez sans
exception que si vous ne vous étiez pas trouvé à un certain endroit à un moment
donné et que si vous n’aviez pas entendu, vu ou senti quelque chose, vous n’auriez
pas accompli l’action que vous étiez certain d’avoir accomplie. L’occurrence de vous
être retrouvé en un certain endroit et celle d’avoir vu ou entendu quelque chose se
sont produites et ont entraîné l’action dont vous étiez si sûr que c’était la vôtre, alors
que vous n’aviez jamais eu aucun contrôle par rapport à elle. Alors, suite à votre
propre investigation, il est possible qu’un éclair d’acceptation totale survienne.
Lorsque cet éclair de compréhension totale surviendra, il n’y aura plus de doutes,
mais il ne pourra survenir que si vous procédez personnellement à votre investigation
de ces actions qui – vous le pensiez réellement – n’auraient pas pu ne pas être vos
actions. Au terme d’investigations répétées, vous aboutirez à la conclusion que
personne ne fait aucune action et que toutes les actions ne sont que des
occurrences divines. C’est la conclusion à laquelle vous aboutissez, de par votre
propre expérience. Alors, ce qui n’était autrefois qu’un concept intellectuel devient la
vérité personnelle de votre propre recherche. Découvrez ce qui arrive, par votre
propre expérience personnelle, et non conformément à un concept. Par rapport à
votre propre expérience personnelle, découvrez si ce que vous pensez être ‘’votre’’
action est réellement l’action de quelqu’un. Ou est-ce simplement la réaction du
cerveau à une donnée par rapport à laquelle vous n’avez aucun contrôle,
conformément à sa programmation par rapport à laquelle vous n’avez eu aucun
contrôle ?
Si on suit les indications de Ramana Maharshi, de Nisargadatta Maharaj ou de
Ramesh Balsekar pour pratiquer cette simple auto-investigation, cette pratique
entraînera l’acceptation sans effort du non-agir, de la non-action de l’individu, et plus
rien ne reste un mystère, tout est interconnecté. Cela signifie faire confiance à notre
propre corps, à nos pensées et à nos émotions, tels qu’ils ont été voulus par la
Conscience, et aussi croire que la Conscience, en tant que Totalité, fournira le
170
soutien et la guidance pour tout ce qui a été prévu par la Conscience qui opère par
notre entremise. La vigilance, la tranquillité et la quiétude de l’esprit trouveront toutes
les portes ouvertes pour s’installer.
Selon l’advaita, le Vous réel est la partie consciente, et non quoi que ce soit dont
vous êtes conscient. L’investigation et la discrimination sont les deux principaux
éléments de la méthode traditionnelle du jnana yoga. En pratiquant l’autoinvestigation, nous en arriverons à découvrir que tout ce que nous considérons
couramment comme le ‘’je’’ fait simplement partie de notre mental et que ce ‘’je’’
particulier est le ‘’moi’’ ou l’ego qui n’est pas ce qui est conscient. La Conscience en
nous ne fait pas partie du mental, ni d’aucun élément de l’objet tridimensionnel que le
corps est réellement. Par conséquent, peu importe à quel point nous essayons, nous
ne pouvons pas focaliser notre attention sur la partie qui est consciente. Si nous le
pouvions, cela deviendrait une chose dont nous sommes conscients.
Ramana Maharshi suggérait de rechercher le Soi. ‘’Pour la recherche du Soi, en
s’accrochant au sentiment intérieur du ‘’Je Suis’’, en excluant toutes les autres
pensées et ceci pour maintenir son attention sur ce sentiment intérieur du ‘’Je’’, on
devrait constamment s’interroger, ‘’qui suis-je ?’’ ou ‘’d’où vient ce ‘’je’’ ?’’ Il rappelait
constamment aux chercheurs que s’ils réussissaient à rester centrés sur ce
sentiment intérieur du ‘’Je’’ en excluant toutes les autres pensées, la pensée ‘’je’’
commencerait à se résorber dans le centre du Cœur, un autre terme pour la Source.
Ramana clarifie que la pratique de l’auto-attention ou de la conscience de la pensée
‘’je’’ est une technique douce qui élude les méthodes généralement répressives du
contrôle de l’esprit. Ce n’est pas un exercice de concentration et elle ne vise pas à
réprimer les pensées. Elle requiert seulement la conscience de la Source d’où jaillit le
mental. La méthode et le but de la recherche du Soi, c’est de demeurer dans la
Source du mental et d’être conscient de ce que l’on est réellement, en retirant son
attention et son intérêt de ce que l’on n’est pas.
Si nous pratiquons pendant une longue période la méthode de la recherche du Soi
de Ramana Maharshi ou de Ramesh Balsekar – vichara – nous finirons par être
convaincus que notre sentiment ordinaire du ‘’je’’ – notre ego – n’est pas qui nous
sommes vraiment. Nous finirons par réaliser que c’est une illusion. La recherche du
Soi implique aussi une autre question : ‘’A qui cette pensée apparaît-elle ?’’ Et
Ramana répondait invariablement : ‘’Connaissez celui qui doute. Si vous fixez votre
attention sur lui, les doutes ne s’élèveront pas. Quand celui qui doute cessera
d’exister, plus aucun doute ne s’élèvera. D’où s’élèveraient-ils ? Tous sont des
jnanis, des jivanmuktas, mais personne n’en n’est conscient. Les doutes doivent être
déracinés et ceci implique que celui qui doute doit être déraciné. Chaque fois que le
mental s’égare et que votre concentration est interrompue par une pensée durant la
méditation ou l’autoanalyse, demandez-vous ‘’à qui cette pensée apparaît-elle ?’’,
171
parce que la réponse pousse l’attention à retourner au sentiment du ‘’Je’’, où elle doit
rester.’’
Et l’approche taoïste exposée par Wei Wu Wei en quelques lignes offre une
perception profonde :
Vivons allègrement ! Nous sommes très certainement libres de le faire.
Peut-être s’agit-il de notre unique liberté, mais c’est la nôtre et c’est seulement une
liberté phénoménale.
Vivre libre, c’est être tel que l’on est.
Ne peut-on pas le faire maintenant ? Ne pouvons-nous pas le faire ?
Il ne s’agit même pas d’un faire : c’est au-delà du faire et du non-faire.
C’est être, tel que nous sommes.
172
CHAPITRE 29 : LA CONFUSION
Le jour où vous comprendrez, il n’y aura là personne pour dire ‘’j’ai compris !’’.
Ce qui n’est pas plus mal, puisqu’il n’y aura là non plus personne pour l’entendre.
Vous êtes celui qui doit plonger profondément et qui doit survoler les nuages de la
confusion. Personne ne peut le faire pour vous. Les Maîtres, les rishis, les saints et
les gurus peuvent indiquer la voie, mais vous êtes celui qui doit avoir l’intérêt et la
volonté de combattre le démon de la confusion et de terminer le jeu. Ce que l’on
appelle l’Illumination ou l’aube de la paix constante ne peut s’obtenir de quelqu’un
d’autre. Les autres ne peuvent que nous indiquer la bonne direction.
Malheureusement, cette recherche de connaissances spirituelles chez les autres
peut parfois conduire à plus de confusion spirituelle. On interrogea Ramana sur la
nécessité d’un mentor et il répondit : ‘’S’ils peuvent aider dans la recherche du Soi.
Mais peuvent-ils aider ? La religion qui vous enseigne à regarder en dehors de vousmême et qui vous promet un paradis et une récompense à l’extérieur de vous-même
peut-elle vous aider ? Ce n’est qu’en plongeant profondément dans le Cœur spirituel
que l’on peut trouver le Soi.’’
Il y a aujourd’hui une croyance coutumière et une exigence commune de pouvoir
obtenir des maîtres la compréhension. Les Maîtres authentiques peuvent vous
pousser jusqu’à la porte d’où le saut quantique peut avoir lieu, mais ils ne peuvent
pas sauter pour vous. Celui-ci ne peut se faire au moyen de quelqu’un d’autre. Ceci
rend nécessaire de souligner que même le meilleur des gurus ne peut pas vous
conférer la Réalisation ultime et durable. Beaucoup ne sont même pas capables de
vous en donner un aperçu. Même si le disciple a le meilleur guru, c’est le disciple qui
doit investiguer et le guru ne peut pas le faire pour lui. Il y a certainement des
Maîtres sincères, mais on peut les compter sur les doigts d’une seule main.
En gardant à l’esprit que le saint est un homme qui discipline son ego et le sage un
homme qui se débarrasse de son ego, la recherche doit procéder vers le but
programmé et déterminé par votre destinée. Il est déjà prédéterminé et vous n’avez
pas le choix. La recherche s’opère et un guru apparaît. Beaucoup se sentent
tellement bénis, car ils ont l’impression que le guru les a appelés, mais cette phase
et la relation guru-disciple doivent être analysées en profondeur. Ramesh souligne :
‘’Dieu prédétermine tous les détails et suscite toutes les pensées. Comment
l’événement de la rencontre d’un guru pourrait-il être un appel d’un guru physique ?
Comme pour tout ce qui arrive, le guru est projeté par la volonté de Dieu ou par la Loi
cosmique et non par les pouvoirs miraculeux d’un organisme corps-mental individuel
et ce n’est pas non plus le guru lui-même qui trouve et qui appelle le disciple. Tout
ceci est un jeu de la Conscience pour que la Conscience puisse libérer son reflet des
griffes de l’ignorance, parce que l’Atma ressent les contraintes du corps limité et
173
souhaite retourner libre à la Source. La Conscience crée les liens, les attirances et
les rejets, même dans cette relation sacrée. Suivre et être reconnaissant envers le
Maître réalisé en tant qu’agent de la Conscience et en ne ressentant de la dévotion
que pour Dieu est la voie juste. La reconnaissance ne peut survenir que lorsque
viennent la paix et la joie, c’est tout. Ce ne sont que des indicateurs pour approfondir
la compréhension de l’Illumination, qui ne peut pas s’enseigner.’’
Seule la compréhension qu’il n’y a pas d’auteur/acteur individuel, mais uniquement la
Conscience qui se manifeste produira aussi la conviction ferme que le Sadguru est à
l’intérieur et pas à l’extérieur, si une telle distinction pouvait être faite entre l’intérieur
et l’extérieur. Les concepts nous entraînent tout le temps, mais comme Ramana
Maharshi le souligne : ‘’Une fixation affective sur la personnalité d’un maître ou d’un
guru peut devenir un obstacle sérieux à la Libération, puisque souvent le guru luimême risque de devenir la cible.’’ Les Maîtres chinois allèrent jusqu’à l’extrême
d’enseigner à leurs moines de tuer le Bouddha si par hasard, ils le rencontraient.
La compréhension intellectuelle que nos ‘’mois’’ n’existent pas est ardue, et peu
désirent même essayer de comprendre, n’étant intéressés que par des poursuites
matérielles. Les doctrines, les Ecritures, les sutras et les essais sont initialement les
meilleurs révélateurs, mais même ces concepts ne font qu’aider à ce que la
compréhension survienne. Ils devraient être une source de stimulation et rien de
plus, car si on les adopte, ils peuvent finir par constituer un obstacle qui empêche la
compréhension ultime de se produire.
Nisargadatta Maharaj disait : ‘’Remettez-vous en à votre propre Soi, dont toute chose
est une expression. Méfiez-vous de tout ce qui vous rend dépendant. La majorité des
soi-disant ‘’abandons au guru’’ se terminent en déceptions, sinon en tragédies. Fort
heureusement, le chercheur sérieux se dégagera à temps, assagi par l’expérience.’’
Ramesh développe : ‘’Maharaj soulignait que l’individu n’existe réellement pas en
tant qu’entité indépendante et que par conséquent, lorsqu’il s’adressait à un disciple,
c’était la Conscience qui s’adressait à la Conscience – et non un individu qui
s’adressait à un autre – et qu’à moins que ce fait ne soit clairement compris et
constamment gardé à l’esprit, rien de valable ne sortirait des discussions. Maharaj ne
niait pas qu’initialement, le guru pouvait être considéré par le disciple comme
l’incarnation de la Vérité sous la forme d’un être humain qui avait connu et
expérimenté la Réalité, et donc apte à écarter les doutes et les difficultés du disciple
et qu’alors, le disciple ne manquerait pas de développer un sentiment d’amour et de
respect personnel envers le guru. Le point sur lequel Maharaj insistait, c’était que le
disciple ne devrait pas permettre à cet amour et à ce profond respect à l’égard de la
personne du guru de devenir un obstacle à la compréhension claire que le guru n’est
pas un individu, que le guru lui-même, étant identifié à la Réalité, voit aussi les
autres comme pure Conscience, y compris les disciples, et par conséquent, à moins
174
que le disciple ne soit aussi préparé et prêt à voir la fausseté de sa propre
individualité, la relation entre le guru et le disciple, dans le relatif, n’aboutira pas à la
Réalité. Dans cet aboutissement, la connaissance qui n’était peut-être pas inconnue
du disciple, intellectuellement, mais qui était encore nébuleuse dans son application,
devient totalement nette et l’individualité du disciple se fond dans cette clarté.
Il est très bien d’être plongé au cœur d’une relation guru-disciple, mais globalement,
les questions ne cesseront jamais, si on ne la considère pas du point de vue du
fonctionnement de la manifestation dans sa totalité. Après tout, l’individu n’est qu’une
petite partie de la totalité de la manifestation et tout ce qui est considéré de son point
de vue l’est nécessairement à partir d’un cadre très limité. Et si vous demandez ‘’que
fait réellement le guru ?’’, la réponse directe à cette question serait que le guru, qui
n’est pas un individu, mais la pure Conscience, ne fait en réalité rien d’autre
qu’observer l’avis remis à un phénomène individuel, avis reçu conformément à la
réceptivité dans chaque cas. Comme le disait Nisargadatta Maharaj : ‘’Tout ce que je
fais, c’est présenter un miroir dans lequel vous pouvez voir votre propre Soi. Par la
suite, dans quelle mesure la graine de la recommandation du guru prend racine,
fleurit et s’épanouit jusqu’à l’Illumination dépendra du plan d’opération de la
Providence ou de la Source.
Il est nécessaire d’examiner en profondeur la question de ce que le guru est
réellement censé faire, puisque très souvent, le chercheur se rend auprès d’un guru
avec l’espoir, la croyance et la conviction qu’une fois qu’il aura été accepté par le
guru, la responsabilité incombera au guru de lui fournir la Libération, l’Eveil ou
l’Illumination. C’est une notion totalement erronée et il est vraisemblable qu’une telle
attente provoque une grande frustration. L’Illumination est un événement, un
mouvement dans la Conscience qui rapproche le manifeste relatif de l’Absolu non
manifeste et qui, par sa nature même, signale la dissolution totale de l’entité même
qui voulait en jouir.’’
Quand on demanda à Nisargadatta Maharaj si on pouvait avoir plus qu’un seul guru,
il souligna : ‘’Il n’y a qu’un Sadguru et c’est la Conscience que chaque être sensible
possède en propre, la connaissance du ‘’JE SUIS’’, le sentiment d’être vivant et
présent. Il est également possible et il est même parfois nécessaire d’avoir plus
qu’un guru, suivant les circonstances, le développement spirituel et les tendances
intrinsèques. Néanmoins, le point important dont il faut se souvenir, c’est que du
point de vue du guru, il n’y a pas de disciples, comme tels, puisqu’il n’y a personne
en dehors de lui-même. C’est seulement du point de vue du chercheur qu’il y a un
guru.’’
Ramesh a beaucoup d’humour et il déclare : ‘’Le résultat d’un enseignement, c’est ou
la confusion ou la clarté. Chaque enseignant est unique et produit soit de la
confusion, soit de la clarté. Alors, si un enseignement génère de la confusion, quelle
175
en est la raison ? L’enseignant n’a certainement pas voulu que vous soyez confus.
L’unique raison pour laquelle un enseignant semble être confus, c’est que c’est
simplement dû à la volonté de Dieu. Pourquoi ? Ils devraient confondre les autres. Et
pourquoi ceci arrive-t-il ? Parce que c’est la volonté de Dieu. Et savez-vous pourquoi
c’est la volonté de Dieu ? Dans la Bhagavad Gita, un verset dit : ‘’Il y a seulement un
chercheur parmi des milliers de personnes et parmi ceux qui cherchent, à peine un
seul Me connaît en Principe.’’ Donc, des milliers de chercheurs doivent être confus et
comment peuvent-ils être confus, à moins d’avoir des maîtres confus ? Et même
cela, c’est la volonté de Dieu. Ou il se peut que le maître ne soit pas confus, mais
que le disciple ne soit pas prêt. C’est aussi la volonté de Dieu. On ne peut blâmer
personne pour quoi que ce soit. C’est pourquoi la Bhagavad Gita dit aussi: ‘’Vous ne
pouvez pas commettre de péché, ni d’acte méritoire.’’
Une analyse utile, c’est aussi de discerner et de vérifier combien des disciplines et
des pratiques recommandées comme nécessaires pour atteindre la Réalisation ne
sont pas en fait les qualités de l’état d’esprit des sages suggérées erronément
comme moyens. Il paraît y avoir deux types de chercheurs : ceux qui cherchent à
rendre leur ego saint, heureux et désintéressé – somme toute, contre nature – et
ceux qui comprennent que de telles tentatives ne pourraient bien être qu’une
comédie et que la seule autoanalyse utile est de se désidentifier du rôle de
l’auteur/acteur en réalisant son irréalité, en prenant conscience de leur identité
éternelle avec l’Etre pur, puisqu’en réalité, il faut juste éliminer la notion de l’ego en
réussissant dans la tâche complexe de comprendre qu’il n’existe pas, excepté en
tant que notion. Il est nécessaire de comprendre le ‘’Je Suis’’ pour que ‘’je’’ puisse
savoir que ‘’je ne suis pas’’, pour que ‘’je’’ puisse enfin réaliser que ‘’je ne suis pas’’
et que par conséquent, ‘’Je Suis’’. En fait, nous ne sommes pas l’ego, mais nous
sommes possédés par l’idée d’en avoir un.
Ramesh indique : ‘’Celui qui régente les hommes vit dans la confusion et celui qui est
régenté par eux vit dans la peine. Par conséquent, le Tao ne désire ni influencer les
autres, ni être influencé par eux. Le moyen de sortir de la confusion et de s’affranchir
de la peine, c’est de vivre avec le Tao dans le pays du grand Vide. Si un homme
traverse une rivière et si une embarcation vide heurte son propre esquif, même si
celui-ci est irascible, il ne s’irritera pas trop, mais s’il voit quelqu’un dans
l’embarcation, il lui criera de garder ses distances. Si ses cris ne sont pas entendus,
il criera de plus belle et se mettra à jurer. Pourtant, si l’embarcation était vide, il ne
crierait pas et il ne serait pas furieux. Si vous pouvez vider votre embarcation pour
traverser le cours du monde, nul ne s’opposera à vous. Nul ne cherchera à vous
nuire. Celui qui sait se libérer de la réussite et de la peine descend se perdre parmi
les masses humaines. Il circule, invisible, comme le Tao. Il ira çà et là, comme
l’existence elle-même, anonyme, sans demeure. Il est simple, sans destination.
Selon toute apparence, c’est un sot. Ses pas ne laissent pas de trace. Il n’a aucun
176
pouvoir. Il n’accomplit rien. Il n’a aucune renommée. Comme il ne juge personne,
personne ne le juge. Tel est l’homme parfait, qui n’embarque rien.’’5
Wu Wei dit :
‘’Il n’y a aucun mystère – juste l’incapacité de percevoir l’évidence.’’
5
C’est manifestement une citation d’un passage de l’œuvre du taoïste, Tchouang Tseu, NDT
177
CHAPITRE 30 : QUI A CRÉÉ L’EGO ?
A un problème conceptuel, il ne peut y avoir de réponse valable, sinon voir le
problème en perspective, comme une pensée vide, et qu’il n’y a pas une telle chose,
tel qu’un ‘’problème’’ qui soit autre que purement conceptuel.
Ramesh clarifie toutes les incompréhensions à propos de l’ego. ‘’L’ego, c’est de
l’hypnose divine. D’où l’ego provient-il ? Tous les Maîtres soulignent que l’ego est le
problème. Tout ce que vous avez à faire, c’est simplement renoncer à ‘’votre’’ ego,
mais personne ne vous dit comment renoncer à ‘’votre’’ ego. ‘’Vous’’ êtes l’ego ! Le
‘’moi’’ est l’ego et l’ego ne va pas se suicider. L’ego n’a pu venir que de la même
Source dont tout est issu. La manifestation physique est issue de la Source. Le ‘’moi’’
fictif est issu de la Source. Alors que la majorité des Maîtres disent aux ‘’chercheurs’’
de combattre l’ego, mon concept, c’est de l’accepter et de ne pas s’y opposer
puisque, comme ‘’nous’’ n’avons pas créé l’ego, ‘’nous’’ ne pouvons pas non plus le
détruire. La Source a créé l’ego et dans certains cas, la Source procède à la
destruction de l’ego. Si vous n’arrêtez pas de vous opposer à l’ego, vous ne pouvez
pas vous en sortir !’’
Ramesh recommande aussi d’oublier l’enseignement, de lui permettre d’opérer par
lui-même, puisque celui qui veut se souvenir de l’enseignement, c’est l’ego. Aussi
Ramesh souligne-t-il vivement : ‘’Pourquoi l’ego veut-il se souvenir de
l’enseignement ? Parce que l’ego veut utiliser cet enseignement pour obtenir quelque
chose ! Mais si vous oubliez l’enseignement, l’enseignement qui conduit à la
compréhension agira de lui-même. Si l’enseignement ne conduit pas à la
compréhension, alors il n’en vaut pas la peine. Aussi, de toute façon, tout ce que
vous avez à faire, c’est oublier l’enseignement ! Soit il est efficace, soit il est
inefficace. L’ego voudra-t-il contribuer à sa propre destruction ? Non. L’ego ne veut
l’enseignement que pour pouvoir l’utiliser pour obtenir quelque chose – et pas pour
son propre anéantissement. Si l’enseignement est oublié, l’ego est oublié et
l’enseignement opère de lui-même. Votre effort fait obstacle. C’est pourquoi je dis
d’oublier l’enseignement – n’essayez pas de l’utiliser. Que cette compréhension
opère à tous les niveaux. La résistance, c’est l’ego et – je ne plaisante pas – l’ego ne
renoncera pas facilement.’’
Ramesh va subtilement de plus en plus loin en effaçant tous les doutes et toutes les
questions possibles. ‘’Que veut dire l’implication ? C’est le jugement de l’ego, de
l’esprit pensant qui constitue l’implication. L’esprit agissant fait juste ce qu’il est
programmé à faire et accepte les conséquences. L’ego est la cause de toutes les
réactions. La colère surgit, parce que le cerveau réagit à ce qui est entendu ou vu.
Le cerveau produit la colère, pas l’ego. Où l’ego apparaît-il ? L’ego réagit à la
réaction du cerveau. C’est l’implication. Chez le sage, la colère se manifeste comme
une réaction du cerveau, mais le sage la regarde suivre son cours. La colère peut
178
provoquer une action. Le sage voit la colère apparaître et opérer. Le sage ne dit pas
qu’il était en colère et qu’il a agi de telle manière. La réaction qui suit la réaction
primaire, c’est l’ego et elle représente l’implication. La réaction primaire est une
réaction physique du cerveau. La réaction subséquente est celle de l’ego. Dans le
cas d’une personne ordinaire, elle dirait : ‘’J’’' étais en colère. ‘’Je’’ n’aurais pas dû
être en colère. Mon docteur m’a dit de ne pas me mettre en colère, aussi ‘’je’’ dois
faire quelque chose pour ne pas me mettre en colère. ‘’Je’’ dois trouver le moyen de
ne pas me mettre en colère. ‘’Je’’ dois me contrôler.’’ Et cela continue encore et
encore. Dans le cas du sage, la colère se manifeste et suit simplement son cours
sans aucune implication. La même chose se produit avec la peur. Par exemple,
prenons deux personnes ordinaires. La peur se manifeste chez l’une et pas chez
l’autre. L’apparition de la peur n’a rien à voir avec l’ego, mais l’ego réagit à cette
peur. Et donc, l’une d’elles dit : ‘’J’’’ avais peur, ‘’j’’’ai eu peur, ‘’j’’’aimerais bien être
comme mon ami qui n’a pas peur.’’ Ainsi, l’implication se fait parce qu’on n’est pas
capable d’accepter la programmation. Ainsi, il y a une réaction primaire et aussi une
réaction de l’ego. Chez le sage, une réaction primaire se produit, parce que c’est une
réaction programmée du cerveau, mais il n’y a pas d’ego, il n’y a aucune implication
de l’ego. Il n’y a aucune réaction de l’ego à la réaction primaire.’’
Ramesh souligne : ‘’Les premiers conditionnements sont les conditionnements les
plus solides qui constituent la base de la personnalité, mais le conditionnement se
produit à tout moment, à chaque instant. Tout ce que vous entendez et voyez relève
du conditionnement et ce conditionnement peut amender le conditionnement
antérieur. Que vous deviez combattre l’ego est le conditionnement antérieur. A
présent, moi je vous dis : ne combattez pas l’ego, c’est inutile. L’ego ne va pas se
suicider. Seul le Pouvoir qui a créé l’ego peut anéantir l’ego. Donc, acceptez l’ego,
laissez-le continuer aussi longtemps qu’il est destiné à continuer. C’est le
conditionnement qui modifiera le conditionnement existant qui vous dit de combattre
votre ego. Quand je me réfère à la destinée, c’est à la destinée de l’organisme corpsmental et pas à la destinée de l’ego – ne confondez pas ! L’ego n’a rien à voir avec la
destinée. L’ego n’a pas de destinée. C’est la destinée du corps-mental. La destinée,
c’est toujours celle de l’organisme corps-mental. L’ego n’existe franchement pas !
Donc, ce qui arrive à l’organisme corps-mental, c’est la destinée de l’organisme
corps-mental. Tout ce qui dans la vie arrive à cet organisme corps-mental n’arrive
qu’à l’organisme corps-mental – cela n’arrive pas à l’ego. Mais l’ego, à cause de
l’hypnose divine, pense : ‘’Cela m’arrive, à moi !’’
Ramesh compare encore l’organisme corps-mental à un ordinateur et répète
quotidiennement : ‘’L’esprit pensant et l’ego, c’est pareil. Les tendances héritées
constituent la programmation. Dans certains cas, la programmation est telle qu’il y a
une grande résistance à la compréhension totale et dans d’autres cas, la
programmation est telle qu’elle est très ouverte et qu’il y a beaucoup de réceptivité.
Le cerveau fait partie de l’organisme corps-mental inerte qui ne peut rien créer du
179
tout. Il ne peut que recevoir et réagir. Le cerveau est un agent, un instrument qui
réagit. Une pensée vient, le cerveau réagit à cette pensée et cette réaction est ce
que X, Y ou Z appelle ‘’son’’ action. Un organisme corps-mental voit quelque chose
ou entend quelque chose, le cerveau réagit par rapport à cela et cette réaction est ce
qu’il appelle ‘’son’’ action. Mais l’organisme corps-mental n’a aucun contrôle sur ce
qui arrivera, ni aucun contrôle par rapport à quelle pensée surgira. L’organisme
corps-mental n’a aucun contrôle par rapport à ce qu’il va voir, entendre, toucher,
sentir ou goûter. Le cerveau ne fait que réagir à une chose par rapport à laquelle
personne n’a aucun contrôle, et comment le cerveau réagit-il ? Conformément aux
gènes programmeurs et au conditionnement. Si vous avez un ordinateur personnel,
vous introduisez des données et quel sera le résultat ? Précisément conforme à la
manière dont il aura été programmé. Que peut faire un ordinateur personnel, sinon
fournir un résultat strictement conforme à la façon dont il a été programmé ? Et qui
introduit les données ? Ce n’est pas l’ordinateur. Vous introduisez les données.
Donc, dans l’organisme corps-mental qui est un instrument ou un ordinateur
programmé, Dieu introduit des données. Il vous fait entendre quelque chose ou voir
quelque chose. Il envoie une pensée. Ce sont les données.’’
Nous avons tous vécu par l’expérience une telle implication, aussi Ramesh clarifie-til : ‘’Demandez-vous ‘’qui’’ s’implique. L’ego s’implique. La liberté, c’est s’affranchir de
l’ego et l’ego est le sentiment d’être un auteur/acteur individuel. Ainsi, la liberté, c’est
finalement s’affranchir du sentiment d’être un auteur/acteur individuel – que ce soit
pour cet organisme corps-mental et pour les autres organismes corps-esprits. En ce
qui vous concerne, c’est remarquable. Il est possible que d’autres ne l’acceptent pas,
mais en ce qui vous concerne, la liberté s’étend à tout le monde. Personne ne
dispose d’un libre-arbitre. Tout ce qui se passe, c’est que des actions se produisent
par l’intermédiaire de milliards d’ordinateurs corps-esprits, aussi n’y a-t-il aucun
besoin que quelqu’un se sente coupable ou fier ou haïsse quelqu’un d’autre. C’est la
liberté qui se reflète dans votre compréhension – liberté par rapport à la culpabilité,
par rapport à l’orgueil, par rapport à la haine et par rapport à l’envie. Qu’est-ce que
cela entraîne ? La liberté par rapport à l’implication. C’est l’implication qui produit le
malheur – peu de bonheur pour beaucoup de malheur. Donc, accepter ce qui se
passe comme quelque chose par rapport à quoi nul ne peut être impliqué et par
rapport à quoi nul n’a aucun contrôle, c’est la liberté selon laquelle tout ce qui se
passe dépasse le contrôle de quelqu’un. Par conséquent, tout ce qui se passe est
simplement accepté comme quelque chose qui est censé se produire – et pas
comme étant la volonté d’un quelconque individu. Se libérer de l’implication, c’est se
libérer de la servitude de l’ego. L’ego est limité. Ainsi, l’ego qui pensait
précédemment qu’il était libre de faire tout ce qu’il voulait découvre maintenant qu’il
n’y a personne qui fait ce qu’il veut. C’est être libéré de toute responsabilité, libéré du
sentiment d’être un auteur/acteur individuel et libéré de la culpabilité ou de l’orgueil.
Cette même liberté est traduite par l’ego comme la perte de son propre libre-arbitre
individuel. Ainsi, cette liberté est-elle réellement une délivrance par rapport à l’ego,
180
mais l’ego ne peut pas ressentir cette liberté. L’ego pense qu’il a perdu le libre-arbitre
de faire tout ce qu’il veut faire – qu’il pensait avoir. C’était la confusion que vous
éprouviez – la liberté issue de la perte du sentiment d’être un auteur/acteur individuel
signifiait la perte de la liberté pour l’ego. Cela a-t-il du sens ? S’affranchir du
sentiment d’être un auteur/acteur individuel signifie la perte de la liberté pour l’ego et
c’est la confusion, parce qu’il y a encore cette identification de l’ego avec l’organisme
corps-mental appelé untel. L’ego subsiste encore et se sent terriblement limité.
‘’Qui’’ choisit ? L’ego choisit. Mais l’ego choisit sur quelle base ? Ce que je veux dire,
c’est que l’ego effectue son ‘’choix’’ sur la base de la programmation qu’il a reçue et
qui est égale au conditionnement du milieu par rapport auquel l’ego n’a aucun choix.
Maintenant, l’ego a une interrogation valable : dans la vie sociale, je suis censé faire
des choix. Ne fais-je pas des choix ? Je réponds : bien entendu, mais tout ce que je
dis, c’est que les choix que vous faites, voyez si ce sont réellement ‘’vos’’ choix ou
bien les choix se produisent-ils ? L’ego est intellectuel. Votre mental/intellect et l’ego
sont pareils. ‘’Moi’’, l’ego et le mental/intellect sont pareils. Ce sont différents noms
pour la même chose qui apparaît dans l’organisme corps/mental et qui crée un
sentiment de séparation et ce sentiment de séparation rend misérable. Dans le
sommeil profond, ce sentiment du mental/intellect n’existe pas. Dans le sommeil
profond, il n’y a ni vous, ni votre mental et par conséquent, il n’y a pas de
souffrance.’’
Les gens demandent à Ramesh s’il y a quelque chose d’unique par rapport à ce qu’il
dit et il répond : ‘’Ce qui est unique par rapport à ce que je dis, c’est que je débute
par la bhakti pour aboutir à la compréhension. Qu’est que la bhakti ? Que Ta
Volonté soit faite ! Le ‘’moi’’ dit : ‘’Tu es tout ce qu’il y a. Que Ta Volonté soit faite !’’
Vous ne pouvez commettre aucun péché, ni accomplir aucun acte méritoire. Votre
compréhension originelle est obscurcie par l’ignorance. C’est pourquoi vous pensez
en termes de péchés et de mérites. C’est ce que dit le Seigneur Krishna dans la
première partie de la Bhagavad Gita et Il conclut : ‘’Abandonne-toi à Moi et Je te
sauverai de tous les péchés que tu ne peux pas t’empêcher penser commettre.’’
Mais le plus drôle, c’est que même cet abandon, vous ne le contrôlez pas !
Pourquoi ? Parce que tant qu’il y a un individu qui dit s’abandonner, il y a un
renonçant – il y a un ego individuel. Pourquoi le Seigneur Krishna dit-Il ‘’Je te
sauverai de tous les péchés ?’’ Parce qu’Il sait que la compréhension d’Arjuna, qui
est basée sur la programmation de son organisme corps-mental empêche Arjuna de
comprendre la Vérité la plus haute et donc, le Seigneur Krishna descend au niveau
d’Arjuna : ‘’A ton niveau, tu penses que tu commets des péchés, aussi abandonne-toi
à Moi et Je te sauverai.’’ Mais ce que je dis, c’est que même ce renoncement ne se
situe pas entre les mains d’Arjuna. La compréhension est : ‘’Je ne puis commettre
aucun péché, parce que je ne commets aucune action. Je ne puis commettre aucune
action, comment puis-je commettre un péché ?’’ Si cette compréhension se fait jour
soudainement, si c’est la volonté de Dieu, alors le reste n’est pas pertinent, mais si
181
l’organisme corps-mental n’est pas programmé pour que la compréhension soudaine
se produise, alors le Seigneur Krishna descend au niveau inférieur de millions
d’Arjuna.’’
182
CHAPITRE 31 : DES EFFORTS OU PAS D’EFFORTS ?
Faire des efforts laborieux peut produire des résultats contraires.
A toutes les époques, il y a eu des bonnes personnes qui faisaient ce qu’elles
pensaient devoir faire et qui ne faisaient pas ce qu’elles ne devraient pas faire, en
pratiquant des techniques et en s’efforçant, mais dans 99 % des cas, rien ne s’est
produit. Ce pourcentage élevé devrait nous faire réfléchir et nous faire arriver à la
conclusion qu’il y a aussi une programmation de la Source ou de la Loi cosmique
concernant l’évolution spirituelle, peu importent les efforts ou les techniques. Par
conséquent, Ramesh conclut : ‘’Ne serait-il pas plus simple de contempler la lîla
dans toute sa splendeur et dans toute sa diversité, tout en continuant à faire ce que
l’on pense devoir faire ?’’
Quand nous découvrirons que nous ne pouvons rien faire qui s’oppose à la volonté
de Dieu, nous réaliserons que nous sommes exactement là où nous devrions être,
conformément à nos gènes et à la Loi cosmique et davantage encore, qu’aucune
règle fixe ne peut être établie pour tous les individus. S’efforcer peut aider jusqu’à un
certain point et au tout début. En réalité, le sadhaka qui choisit de s’efforcer ne peut
pas choisir de ne pas s’efforcer, car tel était son programme voulu par Dieu, et tous
ceux qui trouvent leur bonheur à faire ce qu’ils aiment réellement ne choisissent pas
et n’exercent pas non plus leur bon vouloir, puisqu’il n’y a rien de tel que le bon
vouloir, mais bien la volonté de Dieu pour chacun de Ses grains de poussière.
Tous les falbalas sont totalement inutiles. Tellement discuter au sujet de quelque
chose dont on ne connaît rien, c’est de la conceptualisation qui ne se réfère qu’au
mental. La meilleure chose est de demeurer immobile et en silence et nous
trouverons par nous-mêmes. L’abandon total ou absolu à Dieu ou à l’univers est la
plus grande grâce que la Source peut nous dispenser, sans aucun paquet cadeau.
Tous ceux qui vendent l’Illumination pour la consommation des masses sont à
éviter…
Toutes les indications semblent aboutir à ce simple conseil : ‘’Soyez juste quelqu’un
de normal qui vit une vie normale. Aucune méthode, ni aucune expérience ne peut
vous rapprocher de vous-même. Soyez, simplement.’’
En ce qui concerne l’effort personnel, Ramesh insiste lourdement : ‘’Les chercheurs
ne réalisent pas que toutes les méthodes et que toutes les techniques sont
parfaitement inutiles, à moins de renoncer à l’illusion qu’eux-mêmes ne sont pas des
entités autonomes qui sont dotées d’un bon vouloir et du choix et qui opèrent pour
avancer vers le but, par la volonté de Dieu. En réalité, la présence de l’entité du
chercheur constitue le plus grand obstacle qui empêche inévitablement l’Illumination.
Cependant, même cet énorme obstacle fait clairement partie de notre propre
183
programmation par la Source. En fait, il n’y a pas de différence entre l’ignorance et
l’Illumination, tant qu’il y a une entité conceptuelle pour expérimenter l’un ou l’autre
état. Il n’y a pas de pratiquant et rien à pratiquer, pas de chercheur et rien à
chercher. Appréhender ceci en profondeur, c’est l’Illumination.’’
Ramana déclare qu’il nous est impossible de faire un effort au-delà d’une certaine
mesure : ‘’Vous êtes incité par le Soi en ce qui concerne tout effort. Même le fait que
vous vous intéressiez à la quête est une manifestation de la grâce divine. Elle vous
attire depuis l’intérieur. Vous devez seulement tenter de vous intérioriser depuis
l’extérieur. Il n’y a pas de quête sans grâce et la grâce n’est pas active depuis
l’intérieur pour qui ne recherche pas le Soi. L’effort est nécessaire jusqu’à l’état de
Réalisation. Jusqu’à cet état, il doit y avoir quelque effort dénué d’effort. Demeurer
dans le Soi par l’entremise de ses efforts, c’est comme dresser un taureau fringant
confiné dans son étable en le tentant avec de l’herbe succulente, en l’empêchant de
vagabonder. Le sentiment ‘’c’est moi qui opère’’ est un obstacle. Demandez-vous qui
agit. Ce qui est destiné à arriver arrivera. Si vous n’êtes pas destiné à travailler, vous
n’aurez pas de travail, même si vous en cherchez, et si vous êtes destiné à travailler,
vous ne pourrez pas l’éviter, vous serez contraint de vous engager, aussi laissez cela
au Pouvoir supérieur. L’investigation est la seule chose que les chercheurs puissent
‘’faire’’, étant donné qu’une fois que l’esprit a été vidé de toutes les pensées, hormis
la pensée ‘’je’’, c’est le pouvoir du Soi qui ramène la pensée ‘’je’’ au centre du Cœur
et qui l’anéantit finalement. Par conséquent, le Soi ou Dieu est pleinement en charge
et il ne s’agit absolument pas de notre action. Quand la Réalisation se produit, le
mental et le moi individuel sont anéantis pour toujours. Seul l’Atman ou le Soi
demeure.’’
Ramesh spécifie encore : ‘’La vraie nature de la recherche du Soi n’est pas souvent
clairement comprise. La recherche, ‘’qui ou que suis-je ?’’, implique réellement un
effort dénué d’effort pour découvrir la source de l’ego. Cet effort dénué d’effort
conduit à l’aperception de la Vérité. Tous les autres efforts qui sont faits par une
entité supposée ne peuvent que conduire à la frustration. Ce n’est que l’effort dénué
d’effort – l’observation passive tout au long du chemin, la pure compréhension sans
un ‘’moi’’ qui comprend – qui peut conduire à l’objectif sans objectif, à Cela qui a
toujours été, ici et maintenant. La question du bon vouloir individuel et de l’effort
personnel est extrêmement subtile et difficile à comprendre et pourtant, il est
absolument nécessaire, non seulement de la comprendre intellectuellement, mais
aussi de l’intégrer dans notre être même. Les difficultés surviennent, parce que la
plupart des Maîtres semblent avoir enseigné la prédestination en théorie, mais le
libre arbitre en pratique ! Jésus affirmait que sans la volonté de Dieu, pas même un
moineau ne pouvait tomber et que tous les cheveux sur la tête de quelqu’un étaient
comptés, et le Coran affirme assurément que toute la connaissance et tout le pouvoir
sont avec Dieu et qu’Il guide bien qui Il veut et qu’Il égare qui Il veut. Et cependant,
Jésus comme le Coran exhortent les hommes à l’effort juste et ils condamnent le
184
péché. Cette contradiction apparente serait facilement résolue en gardant à l’esprit le
concept de l’évolution spirituelle comme une compréhension et que cette
compréhension même engendre l’effort dénué d’effort. Le caractère totalement
illusoire de l’être humain et de ses soi-disant efforts sera vite compris par celui qui
est tout près de l’Illumination, alors que celui qui se trouve en bas de l’échelle
acceptera plus facilement le concept de l’effort, de la détermination et de la
concentration. Néanmoins, le type d’être humain qui à un stade mise sur ses efforts
personnels peut parvenir à réaliser à un stade ultérieur que ces efforts qui sont faits
sont réellement les efforts du Tout qui opère et non ceux d’un auteur/acteur
individuel illusoire.
Tant qu’une personne considère l’effort comme son effort personnel dans l’optique
d’accomplir quelque chose, elle rejette la toute-puissance du Tout-Puissant. Tant
qu’une personne désire obtenir quelque chose du Tout-Puissant, elle rejette le ‘’que
Ta Volonté soit faite !’’ L’amour authentique de Dieu signifie s’abandonner à Lui et ne
rien désirer, pas même le salut.’’
Nisargadatta Maharaj dit la même chose, lorsqu’il subdivise la recherche en
différents stades : ‘’Quand l’ignorance se fait obstinée, endurcie et quand le
caractère se pervertit, l’effort et la douleur deviennent inévitables, mais dans
l’obéissance totale à la Nature, il n’y a pas d’effort. La graine de la vie spirituelle
pousse en silence dans l’obscurité jusqu’à ce que vienne son heure. Demeurez
ouvert et tranquille, c’est tout. Ce que vous cherchez est si proche de vous qu’il n’y a
pas de place pour un chemin ou pour une voie. Il n’y a rien à faire et il n’y a à
renoncer à rien. Observez simplement et souvenez-vous que tout ce que vous
percevez n’est ni vous, ni à vous. C’est si simple ! Si l’effort est requis, l’effort se
produira. Si l’absence d’effort est indispensable, elle s’instaurera. Inutile de bousculer
la vie. Suivez simplement son cours et consacrez-vous entièrement à la tâche du
moment présent qui est le maintenant qui meurt au maintenant, car vivre, c’est
mourir. Il semblerait que le mécanisme de la vie s’appuie sur la croyance que tout ce
qui arrive dans la vie est le résultat d’actes de volonté de la part des objets
phénoménaux concernés, les êtres sensibles, mais c’est une fausse croyance, car
on peut clairement voir que les êtres humains réagissent à des stimuli extérieurs
plutôt que d’agir délibérément. Leur vie est surtout une suite de réflexes qui laisse
très peu de latitude à ce que l’on pourrait considérer comme des actes volontaires ou
délibérés. Leur mode de vie est très fortement conditionné par l’instinct, l’habitude, la
propagande et la dernière mode. Plus fondamentalement, le fait est que la volonté
n’est rien de plus qu’une inférence illusoire, une simple démonstration et un geste
futile de la part d’un moi conceptuel énergisé. A part un mécanisme
psychosomatique, il n’y a tout simplement pas d’entité pour faire preuve de volonté.
Tout ce qu’il y a, c’est le fonctionnement impersonnel et la chaîne inexorable de la
causalité.’’
185
La pratique de la méditation est représentée par trois singes qui se couvrent les
yeux, les oreilles et la bouche pour éviter le monde phénoménal.
La pratique de la non-méditation, c’est cesser d’être celui qui voit, qui entend ou qui
parle, alors que ses yeux, ses oreilles et sa bouche remplissent leurs fonctions dans
la vie quotidienne.
186
APPENDICE :
PROFILS ET FLASHES SUR LES MAÎTRES DE
L’ADVAITA QUI SONT MENTIONNÉS DANS CE LIVRE
187
CHAPITRE 32 : SRI NISARGADATTA MAHARAJ, UN PROFIL
‘’Je suis Cela par lequel je sais que JE SUIS.’’
Depuis son salon situé dans les bas-quartiers de Bombay, ce Maître autoréalisé est
devenu célèbre pour ses exposés brillants, aphoristiques et improvisés via lesquels il
enseignait un jnana yoga austère et minimaliste basé sur sa propre expérience.
Beaucoup de ces entretiens ont été publiés dans des livres. Le premier volume, JE
SUIS, est généralement considéré comme un classique moderne par les pratiquants
de l’advaita.
‘’Sri Nisargadatta Maharaj est né à Bombay, en 1897. Ses parents, qui l’appelaient
Maruti avaient une petite ferme dans le village de Kandalgaon et c’est là qu’il passa
ses premières années. Son père, Shivrampant, était un homme pauvre qui avait été
domestique à Bombay avant de se tourner vers l’agriculture.
Maruti travailla à la ferme durant son enfance. Même s’il grandit sans ou avec très
peu d’éducation classique, Visnu Haribhau Gore, un ami de son père et un pieux
brahmane, l’exposa aux idées religieuses. Le père de Maruti mourut, alors que le
garçon avait 18 ans, en laissant derrière lui une femme et six enfants. Maruti et son
frère aîné quittèrent la ferme pour chercher du travail à Mumbai. Après une brève
période comme commis, Maruti ouvrit une échoppe qui vendait des vêtements
d’enfant, du tabac et des cigarettes appelées bidis, qui sont populaires en Inde.
L’entreprise rencontra un succès modeste. En 1924, il se maria et un fils et trois filles
suivirent rapidement. La famille s’installa à Bombay. Depuis sa tendre enfance, il
s’intéressait beaucoup aux questions spirituelles et ses discussions avec des saints
hommes affinaient son esprit inquisiteur et attisaient le feu spirituel. A l’âge de 34
ans, il rencontra son guru, Sri Siddharameshwar Maharaj, qui était à la tête de la
branche Inchegeri de la Navnath Sampradaya. Le guru donna un mantra et quelques
instructions à Maruti, puis il mourut peu de temps après. Sri Nisargadatta mentionna
ultérieurement : ‘’Mon guru m’a instruit de prêter attention au sentiment ‘’Je suis’’ et
de ne prêter attention à rien d’autre. J’ai simplement obéi. Je n’ai suivi aucune
technique particulière de respiration ou de méditation et je n’ai pas étudié les
Ecritures. Quoi qu’il se passât, je détournais mon attention de cela et je restais avec
le sentiment ‘’Je suis’’. Cela peut sembler trop simple, voire même sommaire. La
seule raison pour laquelle je l’ai fait, c’est parce que mon guru m’a dit de le faire et
cela a marché.’’
Sa femme mourut il y a longtemps, alors que Maharaj était dans la quarantaine. Il est
normal pour les hommes de cet âge qui sont veufs de se remarier et donc, toute la
famille de Maharaj voulut qu’il trouve une nouvelle femme, mais il refusa en disant :
‘’Le jour où elle est morte, j’ai épousé la liberté.’’
188
Endéans les trois ans, Maharaj s’autoréalisa et prit le nouveau nom de Nisargadatta.
Il devint sadhu et il se rendit à pieds nus dans les Himalayas, mais finalement, il
retourna à Mumbai où il vécut pendant le restant de sa vie en travaillant comme
vendeur de bidis et en donnant chez lui un enseignement spirituel. Lorsqu’il mourut
en 1981, il avait 84 ans. Les enseignements de Sri Nisargadatta défient toute
synthèse, mais il recommandait fréquemment la pratique qui l’avait conduit à sa
propre réalisation en moins de trois ans.
Il continua à mener la vie d’un salarié indien ordinaire, mais son enseignement qu’il
exposa dans son œuvre maîtresse ‘’Je Suis’’ et qui s’enracine dans l’ancienne
tradition upanishadique marquait une rupture philosophique significative par rapport
à la pensée contemporaine. Les fidèles se déplaçaient du monde entier pour
entendre le message unique de Nisargadatta jusqu’à sa mort, en 1981. Il leur
rappelait souvent : ‘’Gardez simplement à l’esprit le sentiment ‘’Je suis’’ et fondezvous en lui jusqu’à ce que votre esprit et votre sentiment deviennent un. Par des
tentatives répétées, vous tomberez sur le bon équilibre entre attention et affection et
votre esprit s’établira solidement dans la pensée et le sentiment ‘’Je suis’’.
NISARGADATTA COMMENTÉ PAR SWAMI SIVANANDA
Nous avons la chance énorme qu’un tel être parle ouvertement de son état. J’ai lu
littéralement des milliers de pages de livres relatives à l’expansion de la conscience
et à la spiritualité orientale, mais après avoir lu Nisargadatta Maharaj, quelque chose
en moi a complètement changé. Je ne pourrai jamais plus penser aux choses de la
même manière. Sa pratique du sentiment du ‘’Je suis’’ est si simple et elle s’est
approfondie au plus je la pratique. Nisargadatta Maharaj était un être tout à fait
unique qui parle directement au cœur de notre être. Il est stupéfiant qu’il n’avait
pratiquement aucune éducation formelle (et donc, il n’enseignait pas ce qu’il aurait lu
dans des livres, mais à partir de sa propre expérience), et qu’il vivait quasiment dans
l’anonymat dans un immeuble de Bombay. Comme il le dit, c’était un homme simple
qui suivit sincèrement ce que son guru (qui provenait d’une lignée spirituelle indienne
authentique et respectée) lui avait enseigné et il avait retrouvé son ‘’état naturel’’ (ce
que nous nous efforçons tous de faire). Il n’a jamais fondé de grand ashram avec
des disciples, ce qu’il aurait pu aisément faire, s’il avait cherché la satisfaction de
l’ego. Il était juste lui-même et il donnait naturellement de sa personne à tous ceux
qui l’entouraient.
Un jour, une femme le vit en colère, aussi demanda-t-elle : ‘’Je pensais que ceux qui
ont atteint l’Illumination étaient censés être heureux et béatifiques et vous semblez
grognon la plupart du temps. Votre état ne vous procure-t-il pas le bonheur et la paix
perpétuels ?’’ Et il répondit : ‘’La seule fois où un jnani se réjouit vraiment, c’est
quand quelqu’un d’autre devient un jnani.’’
189
Le sérieux, la sincérité et la ferveur sont des mots clés dans son enseignement. Il
pensait qu’il était bon d’éprouver un désir puissant pour le Soi et de focaliser toutes
ses facultés dans ce sens, chaque fois que c’était possible. Une telle focalisation sur
la vérité, c’était ce qu’il entendait par sérieux, sincérité et ferveur.
Un jour, Maharaj fit aussi un petit exposé concernant le fait qu’il était nécessaire pour
que la réalisation complète du Soi ait lieu d’être témoin de sa propre mort. Il dit que
ceci lui était arrivé après qu’il ait pensé avoir totalement réalisé le Soi et que ce
n’était qu’après cette expérience de mort qu’il comprit que ce processus était
nécessaire pour la Libération finale.
Une fois, une étrangère lui fit une réponse très grossière, mais Maharaj ne montra
aucun signe de contrariété. Il répondit plutôt : ‘’L’eau ne se soucie pas de savoir si
elle étanche la soif ou non.’’ Puis il répéta cette phrase très lentement et en insistant.
Il se répétait souvent ainsi, quand il avait quelque chose d’important à dire.
Ultérieurement, l’étrangère confia que cette phrase avait entièrement détruit son
scepticisme et sa négativité. Ces paroles stoppèrent net son mental, dissipèrent sa
détermination d’être une trouble-fête et la mirent dans un état de paix et de silence
qui perdura longtemps après sa visite.
Il était possible de méditer chez lui en début de matinée pendant une heure ou une
heure et demie. Maharaj était présent, mais il vaquait à ses activités matinales
habituelles. Il s’affairait et s’occupait ici et là, il apparaissait avec une simple serviette
autour de sa taille s’il allait prendre un bain et parfois, il s’asseyait pour lire le journal.
Néanmoins, il ne semblait pas enseigner comme Ramana Maharshi en regardant les
gens et en leur transmettant une certaine forme de grâce. Toutefois, Nisargadatta
avait toujours conscience de l’état mental des personnes qui étaient assises là et il
se plaignait assez souvent : ‘’Je sais qui médite ici et qui ne médite pas !’’, disait-il,
‘’et je sais qui a établi le contact avec son Essence. C’est le cas d’une seule
personne en ce moment. Le reste perd son temps !’’
Nisargadatta avait énormément de respect pour la réalisation et pour les
enseignements de Ramana Maharshi. Il confia une fois que l’un des rares regrets de
sa vie, c’était de ne jamais l’avoir rencontré en personne. Il clarifiait même le sens
profond de son enseignement pour le bénéfice de certains fidèles de Ramana avec
une incroyable clarté. En 1980, quelques mois avant son mahasamadhi,
Nisargadatta souligna que les docteurs avaient diagnostiqué que son corps avait le
cancer et il commenta : ‘’Quelqu’un d’autre serait-il aussi joyeux que Moi avec un
diagnostic aussi grave ? Le monde est votre expérience directe, votre propre
observation. Tout ce qui se produit se produit à ce niveau, mais Je ne me situe pas à
ce niveau. Je me suis dissocié du sattva guna. L’état ultime de la spiritualité, c’est cet
état où nul besoin n’est ressenti à aucun moment et où plus rien n’est utile à rien. On
appelle cet état nirvana, nirguna, la Vérité éternelle ultime. L’essence et la somme
190
totale de tout ceci s’appelle Sadguru Parabrahman, état sans aucune demande, ni
aucun besoin. Après la dissolution de l’univers, lorsqu’il ne reste plus aucun vestige
de la création, ce qui demeure, c’est Mon état parfait. Pendant la création et pendant
la dissolution de l’univers, Je demeure toujours immaculé. Cette partie n’a pas été
exposée : Mon Essence n’a jamais ressenti ni la création, ni la dissolution de
l’univers. Je suis le Principe qui survit à toutes les créations et à toutes les
dissolutions. C’est Mon état et c’est aussi le vôtre, mais vous ne le réalisez pas, car
vous embrassez votre existence. Réaliser ceci n’est possible qu’avec le soutien
d’une foi invincible qui émane de cet éternel Sadguru Parabrahman. Cet état, ce
principe du Parabrahman est éternel et c’est également le Sadguru. C’est la
propriété éternelle de tout dévot d’un guru.’’
Ramesh raconta qu’on avait demandé une fois à Nisargadatta Maharaj : ‘’Y a-t-il une
différence entre vous et Ramana Maharshi ?’’ Et Nisargadatta avait répondu avec
son sens de l’humour coutumier : ‘’Aucune, si ce n’est que je m’habille un peu mieux
que lui !’’
QUELQUES APERÇUS SUR LA MANIÈRE
DONT NISARGADATTA MAHARAJ FIT FACE À SON CANCER
‘’Cette maladie a confirmé qu’il n’y a aucune personnalité, aucun individu. La maladie
de qui ? La maladie fait partie du fonctionnement de toute la Conscience manifestée
et dynamique, c’est le jeu de la Conscience. Mon état véritable est antérieur à cette
Conscience. Cet état ne dépend pas de la Conscience. Il y a un couplet que nous
chantons à Chakrapani pendant les bhajans. Chakrapani signifie l’état du ‘’Je suis’’,
le Principe de vie, le Principe de la manifestation, semblable à ce briquet. Comme tel,
le gaz n’a pas de lumière, mais sa manifestation, c’est la flamme qui est pleine de
lumière, de vie et d’énergie. Même dans l’atome et au niveau subatomique, cette
énergie est présente. Le fonctionnement de la Conscience opère spontanément et
personne ne sait ce qui va arriver. Par exemple, je dis quelque chose que X va
traduire d’une certaine manière et qu’Y traduira d’une autre manière, comme ils
l’auront compris. Ce processus se poursuivra. Chakrapani est à l’image d’un volant
d’inertie qui fait tourner tous les êtres, dit le Seigneur Krishna. Cette énergie qui meut
toutes choses à l’état de veille est latente pendant le sommeil profond. Pendant
combien de temps est-on inconscient de la Conscience ? On ne le sait pas, mais
soudainement, la Conscience s’éveille. Quelqu’un pense-t-il en ces termes ? N’est-il
pas extraordinaire que la Conscience qui peut rester latente pendant n’importe quelle
durée s’éveille soudain spontanément ?’’
‘’Une fois que la maladie fut diagnostiquée, le nom même de la maladie suscita
diverses pensées et concepts. En observant ces pensées et ces concepts, je suis
parvenu à la conclusion que tout ce qui arrive se situe dans la Conscience et j’ai dit à
191
la Conscience : ‘’C’est toi qui souffre, pas Moi. Si la Conscience désire continuer à
souffrir, qu’Elle reste dans le corps et si Elle veut quitter le corps, qu’il en soit ainsi.
De toute manière, Je ne suis pas concerné.’’
QUELQUES POINTS CONCERNANT L’ENSEIGNEMENT DE
NISARGADATTA MAHARAJ
Ramesh explique et résume ainsi l’enseignement : ‘’Peut-être que la caractéristique
la plus attirante de la présentation de l’enseignement – particulièrement pour les
étrangers – était le fait que Maharaj évitait scrupuleusement le jargon spirituel et qu’il
se référait en fait rarement aux Ecritures. Il limitait ses propos au chercheur, aux
rapports du chercheur avec les autres êtres sensibles, à la manifestation
phénoménale et à sa Source, le Noumène.
1) Le Noumène n’est pas conscient de son existence. Une telle conscience de
son existence ne survient qu’avec l’émergence de la Conscience – Je suis.
L’émergence spontanée de la Conscience génère le sentiment de présence,
d’existence. Elle cause simultanément l’émergence de la manifestation
phénoménale dans la Conscience, avec le sentiment de la dualité. La Totalité
se divise dans la dualité d’un pseudo sujet et d’un objet observé – chaque
objet phénoménal assume la subjectivité d’un ‘’moi’’ par rapport à d’autres
objets qui sont les ‘’autres’’. L’objectivation de cette dualité nécessite la
création des deux concepts jumeaux de l’espace et du temps : l’espace où le
volume des objets peut se déployer et le temps pendant lequel les images
phénoménales qui se déploient dans l’espace peuvent être appréhendées,
connues et mesurées en termes de durée d’existence.
2) Les êtres humains et tous les autres êtres sensibles sont tout autant parties
intégrantes de la manifestation phénoménale globale que tout autre
phénomène. Ils apparaissent avec l’apparition de l’univers phénoménal. En
tant que phénomènes objectifs, il n’y a pas de différence apparente entre des
objets animés et des objets inanimés, mais subjectivement, c’est la sensibilité
qui est responsable de permettre aux êtres sensibles de percevoir. La
sensibilité, en tant que telle, est un aspect de la Conscience dans laquelle se
produit la manifestation, mais elle n’a rien à voir avec l’émergence de la
manifestation et donc, même si la sensibilité permet aux êtres humains de
percevoir d’autres objets et si leur intellect les autorise à discriminer et à
discerner, ils ne sont aucunement différents de tous les phénomènes.
3) La servitude conceptuelle n’existe que parce que chaque phénomène humain
se prend pour une entité indépendante. En tant que tel, il se considère comme
une entité indépendante. En tant que tel, il se considère soumis aux liens de
l’espace-temps – comme quelque chose de tangible et d’étranger à sa propre
existence.
192
4) La nouménalité et la phénoménalité sont identiques dans le sens où la
nouménalité est immanente dans la phénoménalité. La phénoménalité n’a pas
de nature propre autre que la nouménalité. Simultanément, la nouménalité
doit transcender la phénoménalité, parce que la nouménalité est tout ce qui
est. La phénoménalité n’est que l’aspect objectif de la nouménalité. C’est
l’identification de la nouménalité avec chaque phénomène séparé, produisant
de la sorte un pseudo-objet à partir de ce qui n’est que l’élément opérationnel
d’un objet phénoménal, qui produit le fantôme d’un individu autonome, l’ego,
qui considère être dans une servitude conceptuelle. Comme tel, le
fonctionnement phénoménal est entièrement impersonnel et l’entité illusoire y
est parfaitement inutile, sa place étant simplement celle d’un dispositif ou d’un
mécanisme, l’impersonnel expérimentant la douleur, comme le plaisir, et ce
n’est que quand l’expérience est interprétée par le pseudo-sujet, à l’instar d’un
expérimentateur qui expérimente l’expérience dans la durée, que l’expérience
perd son élément de fonctionnement intemporel, impersonnel et revêt la
dualité de l’objectivation sujet/objet.
5) Ce que nous sommes, en tant que Noumène, c’est l’Etre intemporel, infini,
imperceptible. Ce que nous paraissons être, en tant que phénomènes, ce sont
des objets temporels, finis, perceptibles sensoriellement et séparés. En vérité,
nous sommes les produits illusoires de l’imagination de la Conscience. Le fait
que nous, comme entités distinctes illusoires, nous espérions absurdement
pouvoir nous transformer en des êtres illuminés prouve l’étendue du
conditionnement auquel nous avons été soumis. Comment un phénomène,
une simple apparence pourrait-il devenir parfait ? Il n’y a que la
désidentification avec l’entité supposée qui peut amener la transformation.
6) Il semblerait que le mécanisme de la vie se base sur la conviction que tout ce
qui arrive dans la vie est le produit d’actes de volonté de la part des objets
phénoménaux concernés, les êtres sensibles, mais cette conviction est
fausse, car on peut clairement voir que les êtres humains réagissent à des
stimuli extérieurs plutôt qu’ils n’agissent délibérément. Leur vie est
principalement une suite de réflexes qui laisse très peu de latitude à ce que
l’on pourrait considérer comme des actes délibérés ou volitifs. Leur mode de
vie est très fortement conditionné par l’instinct, par l’habitude, par la
propagande et par la dernière mode. Plus fondamentalement, le fait est que le
bon vouloir n’est rien de plus qu’une inférence illusoire, juste une
démonstration, un geste futile de la part d’un moi conceptuel énergisé. En
dehors de ce mécanisme psychosomatique, il n’y a simplement pas d’entité
qui exerce sa volonté. Tout ce qu’il y a, c’est le fonctionnement impersonnel et
la chaîne inexorable de la causalité.
7) En l’absence d’une entité – redondante en l’absence de volonté – qui est là
pour exercer le bon vouloir illusoire et pour expérimenter ses résultats ? Qui
est là pour être libéré ? La compréhension la plus profonde possible de ces
principes fondamentaux de l’enseignement conduit à une vie spontanée non
193
volitive. Telle est l’expérience de l’enseignement, l’expérience de la vie
nouménale. L’expérience aboutit vite à l’éveil immense au fait que cette vie est
un grand rêve. Alors, nous sommes enveloppés par un sentiment irrésistible
d’une unité discrète. Que peut-il demeurer par la suite, hormis l’observation
non-volitive de tout ce qui survient pendant le restant de la durée de la vie qui
nous est impartie ? Cette observation non-volitive – l’observation de tout ce
qui arrive, sans juger – s’effectue, avec une relation non-objective par rapport
à soi-même et aux autres. Une relation non-objective par rapport à soi-même
voit le jour, quand il n’y a plus de pensée de soi-même comme un objet
d’aucune sorte, physique ou psychique. Savoir ce que l’on est, sans aucun
besoin d’aucune explication de la part de quiconque, avoir la conviction la plus
profonde possible que l’on est totalement dépourvu de la moindre trace ou du
moindre élément d’objectivité, c’est expérimenter l’enseignement. L’absence
totale de toute qualité objective ne peut que signifier l’absence du concept
même de la présence et de l’absence du perceptible et du concevable. Une
relation non-objective par rapport à soi-même résulte naturellement en une
relation non-objective par rapport aux autres, ce qui veut dire cesser de
considérer tous les phénomènes, sensibles ou insensibles, comme étant nos
objets. Le résultat est l’élimination de l’incompréhension connue comme étant
l’ignorance, ce qui signifie en fait la réalisation de notre véritable Nature. Ce
n’est que quand le moi phénoménal est absent que le ‘’Je’ nouménal peut être
présent.
EXTRAITS DES PROPRES PAROLES DE NISARGADATTA MAHARAJ
‘’Prenez le cas d’un jeune enfant. Le sentiment du ‘’Je suis’’ n’est pas encore formé,
la personnalité est rudimentaire. Les obstacles à la connaissance de soi sont peu
nombreux, mais le pouvoir et la clarté de la conscience, sa largeur et sa profondeur
font défaut. Au fil des ans, la conscience se renforcera, mais la personnalité latente
émergera également et elle obscurcira et elle compliquera les choses. Plus dur est le
bois, plus chaude est la flamme, plus forte est la personnalité et plus brillante la
lumière générée par sa destruction.’’
‘’Je suis’’ est en soi Dieu. La recherche elle-même est Dieu. En cherchant, vous
découvrez que vous n’êtes ni le corps, ni le mental, que l’amour du Soi en vous est
celui du Soi en tout/tous. Les deux sont un. La Conscience en vous et la Conscience
en moi – qui sont deux en apparence, mais réellement une – recherche l’unité, et
c’est l’amour.’’
‘’Les gens restent ici et ils restent pendant des jours, pendant des semaines et même
pendant des mois. Les premiers jours, ce qu’ils ont entendu prend racine et c’est à
ce moment-là qu’ils devraient partir, de manière à ce que ce qui a pris racine ait le
194
temps de grandir et de s’épanouir. Dès que la semence prend racine, ils doivent
partir. Ce qui a pris racine doit s’épanouir, doit s’exprimer dans chaque cœur.’’
‘’La douceur est la nature du sucre, mais cette douceur n’est là que tant que le sucre
est présent. Une fois que le sucre a été consommé, il n’y a plus de douceur. De
même, cette connaissance du ‘’Je suis’’, cette Conscience, ce sentiment d’Etre est la
quintessence du corps et si cette essence du corps disparaît, ce sentiment d’Etre
disparaîtra également. Ce sentiment d’Être ne peut demeurer sans le corps, tout
comme la douceur ne peut pas rester sans la matière, qui est le sucre. Ce qui
demeure, c’est l’Origine inconditionnée, sans attributs, sans identité, ce sur quoi l’état
temporaire de la conscience, les trois états et les trois gunas se sont superposés et
ont disparu. On L’appelle Parabrahman, l’Absolu.’’
‘’De par votre existence, parce que vous savez que vous êtes, vous savez aussi que
le monde est, aussi cette Conscience via laquelle vous expérimentez le monde,
n’est-elle pas sans importance. En réalité, Elle est très importante. Alors, pourquoi ne
pas vous stabiliser là ? Méditez sur cette Conscience Elle-même et découvrez
comment cet état du ‘’Je Suis’’ est apparu. Quelle était sa cause ? Et à partir de quoi
cette Conscience s’est-elle développée ? Essayez de le découvrir, allez droit à la
Source !’’
‘’Il y a beaucoup de personnes qui sont très attachées à leur propre individualité.
Elles veulent d’abord et avant tout rester des individus et puis ensuite chercher, car
elles ne sont pas prêtes à perdre cette individualité. Elles veulent découvrir ce qu’est
la Vérité, tout en préservant leur identité. Mais dans ce processus, vous devez vous
dépouiller de votre identité elle-même. Si vous découvrez vraiment ce que vous êtes,
vous verrez que vous n’êtes pas un individu, que vous n’êtes pas une personne, que
vous n’êtes pas un corps. Ceux qui s’accrochent à leur identité corporelle ne sont
pas prêts pour cette connaissance.’’
‘’Qui est là pour être conscient de l’inconscience ? Tant que la fenêtre est ouverte, il
y a du soleil dans la pièce. Si la fenêtre est fermée, le soleil demeure, mais voit-il
l’obscurité dans la pièce ? Pour le soleil, y a-t-il quelque chose, comme l’obscurité ? Il
n’y a rien de tel que l’inconscience, car l’inconscience n’est pas expérimentable.’’
‘’Même la foi en Dieu n’est qu’une étape sur le chemin. Finalement, vous
abandonnez tout, car vous aboutissez à quelque chose de si simple qu’il n’y a pas de
mots pour l’exprimer. Tant que nous sommes conscients, il y a plaisir et douleur.
Vous ne pouvez pas lutter contre le plaisir et la douleur sur le plan de la conscience.
Pour les dépasser, il faut que vous dépassiez la conscience, ce qui n’est possible
que lorsque vous considérez la conscience comme une chose qui vous arrive et non
comme une chose qui est en vous, comme quelque chose qui vous est étranger,
extérieur, surimposé. Alors soudainement, vous êtes libéré de la conscience,
195
vraiment seul, sans rien pour vous importuner. Et c’est votre état véritable. La
conscience est une éruption urticante qui vous oblige à vous gratter. Naturellement,
vous ne pouvez sortir de la conscience à la seule idée de le faire. Mais si vous
apprenez à regarder votre conscience comme une sorte de fièvre qui vous est
personnelle et intime, dans laquelle vous êtes enfermé comme le poussin dans sa
coquille, de cette attitude surgira la crise qui brisera la coquille.’’
‘’ La conscience implique altération, modifications sur modifications : quand une
chose ou un état touche à sa fin, une autre commence. Ce qui n’a pas de limites ne
peut pas être éprouvé au sens courant du mot. On ne peut que l’être sans le
connaître, mais on peut savoir ce qu’il n’est pas. Ce n’est assurément pas le contenu
total de la conscience qui évolue tout le temps. Réaliser l’immuabilité, c’est devenir
immuable. Je parle d’immuabilité et non d’immobilité. Vous devenez immuable dans
la droiture, vous devenez une puissance qui remet chaque chose d’aplomb. Cela
peut ou non impliquer une intense activité extérieure, mais l’esprit demeure profond
et tranquille.’’
‘’ Ce que vous ignorez, c’est que l’univers entier est votre corps et que vous n’avez
aucune raison d’en avoir peur. On pourrait dire que vous avez deux corps : le
personnel et l’universel. Le personnel va et vient, tandis que l’universel est toujours
avec vous. La création entière est votre corps universel. Mais vous êtes tellement
aveuglé par ce qui vous est personnel que vous ne voyez pas l’universel. Un tel
aveuglement ne cessera pas de lui-même, il doit être dissipé habilement et
délibérément. Une fois que toutes les illusions seront comprises et délaissées, vous
atteindrez un état dénué d’erreurs et parfait, où il n’y a plus de distinction entre le
personnel et l’universel. Vous vous voyez dans le monde, alors que Je vois le monde
en Moi-même. A vos yeux, vous êtes né et vous mourrez, alors qu’aux Miens, le
monde apparaît et disparaît. Notre monde est réel, mais votre point de vue par
rapport à lui ne l’est pas. Il n’y a de mur entre nous que celui que vous érigez. Il n’y a
rien de défectueux dans les sens, c’est votre imagination qui vous égare. Elle
recouvre le monde, tel qu’il est, de ce que vous l’imaginez être – quelque chose qui
existe indépendamment de vous et qui néanmoins correspondrait à vos modèles
hérités ou acquis. Il faut bien saisir ceci : le monde est suspendu au fil da la
conscience. Pas de conscience, pas de monde.’’
‘’Dès l’instant où vous avez réalisé que le monde est votre propre projection, vous en
êtes libéré. Vous n’avez pas besoin de vous libérer d’un monde qui n’existe pas, sauf
dans votre imagination. Que le tableau soit beau ou horrible, c’est vous qui le
peignez et vous n’êtes pas lié par lui. Réalisez qu’il n’y a personne pour vous
l’imposer, que tout cela n’est dû qu’à l’habitude de prendre l’imaginaire pour le réel.
Voyez l’imaginaire comme tel et soyez libéré de la peur. Ce qui commence et finit
n’est que simple apparence. On peut dire que le monde apparaît, mais pas qu’il est.
L’apparence peut bien être durable sur une certaine échelle de temps et très
196
éphémère sur une autre, mais en fin de compte, cela revient au même. Tout ce qui
est conditionné par le temps n’est que momentané et n’a pas de réalité.’’
‘’Il ne peut y avoir de continuité dans l’existence. La continuité implique l’identité dans
le passé, le présent et le futur. Aucune continuité de cette sorte ne peut exister car
les moyens mêmes de l’identification sont fluctuants et changeants. La continuité, la
permanence sont des illusions créées par la mémoire, la simple projection d’un
dessein là où il ne peut pas y en avoir. Le temps est dans l’esprit, l’espace est dans
l’esprit. En réalité, le temps et l’espace existent en vous, vous n’existez pas en eux.
Ce sont des modalités de la perception, mais pas les seules. Le temps et l’espace
sont comme des mots écrits sur du papier. Le papier est le réel ; les mots ne sont
que pure convention. Toute existence est imaginaire. Le temps, bien que limité, est
infini. L’éternité se situe dans l’instant de fracture du maintenant. Nous ne le
percevons pas, parce que notre mental fait sans cesse la navette entre le passé et
l’avenir. Jamais il ne s’arrête pour se concentrer sur le maintenant. Mais cela peut
être réalisé avec une facilité relative, si notre intérêt est éveillé.’’
‘’Tout ce que j’avais précédemment pu penser a maintenant changé. Ce qui se
passe, maintenant, c’est que le moindre soupçon même d’individualité a totalement
disparu, et c’est la Conscience, telle quelle, qui expérimente spontanément. Le
résultat, c’est la liberté totale. Il y avait tout le temps la pleine conviction que c’était la
Conscience qui expérimentait, mais ce ‘’je’’ que la Conscience expérimentait était là.
Maintenant, il a totalement disparu. Par conséquent, quoi qu’il se passe dans le
champ de la Conscience, Moi qui suis là avant la Conscience, Je ne suis absolument
pas concerné. L’expérience est celle de la Conscience qui s’expérimente Ellemême.’’
‘’Comprenez néanmoins ce qu’est la Conscience, même si la Conscience n’est pas
un individu. La base et source de la Conscience est dans le matériel. Ce que je dis
relève encore du monde conceptuel et vous ne devez pas l’accepter comme étant la
Vérité. Rien n’est vrai dans le monde conceptuel.’’
‘’Toutes sortes de choses arrivaient, des pensées et des expériences qui m’étaient
créditées, mais une fois vu ce qu’il en est, tous ces livres de comptabilité ont été
brûlés et je n’ai plus de compte. Qu’il est drôle de voir quelqu’un croire être un
individu, un auteur/acteur, un gagneur ! Tout ce qui arrive et l’expérience de ce qui
arrive prend place dans cette Conscience, quand le ‘’Je suis’’ se manifeste.’’
‘’La maturité spirituelle, c’est être prêt à lâcher prise par rapport à tout. Renoncer est
une première étape, mais le renoncement réel, c’est d’avoir la sagacité de voir qu’il
n’y a à renoncer à rien, rien n’étant votre propriété.’’
197
SATSANGS AVEC NISARGADATTA MAHARAJ
Maharaj (M) : Avant cet instant, aviez-vous eu cette connaissance d’exister ? Cette
Conscience et l’Etre que vous expérimentez maintenant, étaient-ils là auparavant ?
Le questionneur (Q) : Episodiquement.
M : Un patient qui souffre du cancer se répète constamment et sans aucun effort qu’il
est en train de mourir du cancer. Similairement, serinez-vous, ‘’Je suis la
Conscience.’’ Celui qui est constamment éveillé à sa vraie nature est libéré. Un
patient qui souffre d’une maladie terminale se rappelle toujours son état et au bout
du compte, il subit cette mort. Pareillement, celui qui se souvient être Connaissance
et Conscience devient le Parabrahman.
Qu’en est-il si, quand vous vous apprêtez à prendre une photographie de Bombay, je
vous dis : ‘’Non, ne prenez pas une photographie de ce que vous voyez, mais prenez
une photo de Bombay sans aucun relief.’’ Est-ce possible ? C’est exactement comme
prendre une photographie de vous-même, mais sans corps. Vous avez un corps,
mais vous êtes comme une Bombay, dénuée de tout relief. Vous souvenir que vous
êtes la Conscience devrait se faire sans aucun effort. Quand Je dis ‘’Je’’, Je ne fais
pas référence au ‘’je’’ du corps, mais au ‘’Je’’ qui représente cette Conscience. La
Conscience est ‘’Je’’ et vous devriez faire usage de cette connaissance, quand vous
agissez.
Q : J’ai étudié des textes spirituels et je pratique la sadhana, mais depuis que j’ai
rencontré Maharaj, les choses deviennent de plus en plus claires.
M : Quelle devrait être votre conclusion finale après avoir lu autant de livres, après
avoir pratiqué la sadhana et après avoir écouté ces entretiens ? Elle devrait être que
l’auditeur et celui qui sait n’est pas concerné par le corps, le mental et la conscience
et qu’il est distinct du corps. La spiritualité n’est rien de plus que comprendre ce jeu
de la Conscience – essayer de découvrir ce qu’est cette supercherie en découvrant
sa Source.
Q : La Source est-elle le Créateur ?
M : Ni la Source, ni l’univers ne sont venus vous dire qu’ils vous ont créé. Le mental
obsédé par l’idée de causalité invente la création et après il s’interroge : ‘’Qui est le
Créateur ?’’ Le Créateur, c’est le mental. Et encore n’est-ce pas tout à fait vrai, car le
créé et son Créateur ne font qu’un. Le mental et le monde ne sont pas séparés.
Comprenez bien que ce que vous pensez être le monde est votre propre mental.
Tout l’espace et tout le temps sont dans le mental. Il n’y a que l’imagination. Elle
vous a tellement absorbé que vous ne pouvez tout simplement pas comprendre à
198
quel point vous vous êtes éloigné de la réalité. Il ne fait aucun doute que
l’imagination soit puissamment créatrice. Des tas d’univers s’échafaudent à partir
d’elle. Cependant, ils sont tous situés dans l’espace et dans le temps, dans le passé
et le futur qui n’existent pas. C’est vous qui êtes en mouvement, et non le temps.
Arrêtez de bouger et le temps cessera. Passé et futur se fondront dans l’éternel
présent.
Q : Suis-je réellement Brahman ?
M : L’état du ‘’Je suis’’, le Brahman manifesté et Ishwara ne sont tous qu’un.
Réfléchissez-y et réalisez-le. Vous avez pu bénéficier de cette opportunité rare, où
tout a été expliqué en grand détail, alors profitez-en au mieux. Vous êtes le Brahman
manifesté. Je vous ai répété à maintes reprises ce qu’est votre véritable nature, mais
par habitude, vous vous impliquez encore et encore dans l’identification avec le
corps. Vous êtes maintenant arrivé à un stade où vous devez renoncer à cette
identification au corps. Les activités du corps se poursuivront jusqu’à ce que le corps
lâche, mais vous ne devriez pas vous identifier avec le corps, ni à ses activités.
Q : Comment dois-je me désidentifier du corps ?
M : Puisque vous pouvez voir le corps, alors vous n’êtes pas le corps. Vous pouvez
observer votre souffle, aussi vous n’êtes pas le souffle vital. De même, vous n’êtes
pas la conscience, mais vous devez vous unir à la Conscience. Quand vous vous
stabilisez dans la Conscience, le détachement par rapport au corps et par rapport
aux désirs et aux besoins qui s’y rapportent se produit spontanément. C’est un
renoncement naturel ; il ne s’agit pas d’un renoncement délibéré. Les désirs tombent
d’eux-mêmes. Ceci ne veut pas dire que vous devriez négliger vos devoirs matériels.
Accomplissez-les avec tout votre entrain.
***
Q : Je vous serais reconnaissant de me dire comment trouver la paix de l’esprit.
M : A cause du Soi ou de l’Atman, vous êtes connecté au monde par l’entremise du
corps. Le Soi n’est rien d’autre que la connaissance que ‘’vous êtes’’. Méditez sur ce
principe par lequel vous savez que ‘’vous êtes’’ et en vertu duquel vous expérimentez
le monde. Méditez sur cette connaissance d’être qui est la Conscience et fixez-vousy.
Q : Mais je n’arrive pas à me concentrer.
199
M : Ignorez le mental, comme vous faites abstraction de la foule que vous rencontrez
dans les rues.
Q : La concentration m’échappe. Mon esprit est capricieux.
M : L’eau coule en permanence ; toutefois, vous pouvez l’utiliser quand vous en avez
besoin. De même, utilisez votre esprit pour rencontrer vos besoins et ensuite,
laissez-le fluer sans interférer avec lui et sans vous impliquer, à l’image de
l’écoulement d’une rivière où vous ne puisez de l’eau que lorsque c’est nécessaire.
Q : Pourquoi ai-je tant de pensées qui se précipitent dans mon esprit ?
M : Vos pensées ne sont pas vraiment vos propres pensées, ce sont des pensées
collectives. Vous pensez que vous êtes celui qui a des pensées, mais en réalité, les
pensées surgissent dans la Conscience. Au fur et à mesure que notre connaissance
spirituelle se développe, notre identification avec un corps-mental individuel s’atténue
et notre conscience s’étend à la Conscience universelle.
Q : Comment faire pour écarter les pensées et de nouveaux concepts ? Si tous les
concepts et si toutes les pensées sont supprimés, deviendrai-je un avec Cela ?
M : N’essayez pas de devenir quoi que ce soit, ne faites rien ! Sans penser à aucune
de vos paroles, restez tranquille. Une fois qu’un mot germe, celui-ci crée un sens sur
lequel vous surfez. Vous suivez le sens de vos paroles, puis vous prétendez que
vous êtes à la recherche de votre Soi. Ainsi, soyez attentif à cet état qui précède la
germination des mots.
Q : Si j’essaye de traquer le Soi, il me semble que cela génère plus de moi…
M : Mais qui voit autant ce moi ? Une pensée génère plus de pensées. Qui observe
la première pensée ? Il n’y a que Vous qui soyez l’observateur de la première
pensée. Si Celui qui connaît la toute première pensée n’est pas là, qui observera les
autres ?
Q : Si Celui qui connaît n’est pas là, il n’y aura pas non plus de pensées ?
M : Si vous le comprenez, tout est terminé – vous pouvez partir. Exposer et diffuser
des concepts est facile, mais laisser tomber tous les concepts est ardu et rare.
Q : En tant qu’individu, peut-on retourner à la Source ?
M : Pas en tant qu’individu ; la connaissance ‘’Je suis’’ doit retourner à sa propre
Source. Maintenant, la conscience s’est identifiée à une forme. Plus tard, elle
200
comprend qu’elle n’est pas cette forme et elle va plus loin. Dans quelques cas, elle
peut atteindre l’espace et très souvent s’arrête là. Dans quelques cas très rares, elle
parvient à sa Source réelle, au-delà de tout conditionnement. Il est difficile de
renoncer à la tendance d’identifier le corps avec le Soi. Je ne m’adresse pas à un
individu, mais je m’adresse à la Conscience. C’est la Conscience qui doit rechercher
sa Source. De cet état de non-existence vient l’existence. Elle arrive aussi
tranquillement que le crépuscule avec simplement le sentiment ‘’Je suis’’ et puis
soudainement, l’espace est là. Il n’y a aucun individu. Il n’y a que Vous ; le
fonctionnement total, c’est Vous, la Conscience, c’est Vous. Vous êtes la
Conscience, mais en vous accrochant au corps, vous vous en remettez au temps et
à la mort – vous vous imposez cela à vous-même. Votre vraie nature est ouverte et
libre, mais vous la masquez et lui attribuez différents desseins.
***
Q : J’ai lu l’œuvre de Paul Brunton sur Ramana Maharshi et j’écoute attentivement
vos satsangs.
M : Votre formation spirituelle est prête, c’est pourquoi vous écoutez les entretiens et
vous essayez de les comprendre. D’autres se querellent avec moi avec leurs
concepts. Ils débordent de concepts, avec comme résultat qu’ils sont incapables
d’écouter ce que je dis. Beaucoup de gens viennent ici en se prenant pour des
experts, mais je sais qu’ils sont juste très ignorants. Cependant, peu importe
comment ils sont, je considère qu’ils sont uniquement la Conscience.
Q : A certains moments, je pense être ‘’comme ceci’’ et à d’autres, ‘’comme cela’’...
M : Qui d’autre que Vous observe ces moments ? Vous êtes le Témoin de ces
moments. Tout ce qui est vu et tout ce qui est perçu et aussi tout ce que vous voyez
à l’intérieur et à l’extérieur de vous, cela, vous ne l’êtes pas. Toutes vos identités au
niveau du corps et du mental changent continuellement et aucune d’elles n’a été
constante et fidèle. Alors, pourquoi être attiré par de telles identités en disant être
‘’comme ceci’’ ou ‘’comme cela’’ ? Durant la méditation, vous pourriez vous
persuader d’être Guru Nanak, comme d’autres croient fermement être Bhagavan Sri
Krishna pendant leur méditation. Aucune de ces identités n’a la moindre stabilité. La
seule chose qui est stable, c’est l’Observateur de ces identités et Vous seul êtes cet
Observateur – éternel. Prenez l’exemple d’un acteur pauvre qui jouerait si
magnifiquement le rôle d’un roi qu’il en recevrait beaucoup d’éloges. Néanmoins, il
n’est pas le roi. De même, vous n’êtes pas Guru Nanak. Vous êtes l’Observateur.
Tout ce que vous voyez et tout ce que vous percevez est le jeu de Maya, principe de
l’illusion.
Q : Pourquoi cette Conscience est-Elle apparue ?
201
M : Vous êtes à la fois la question et la réponse. Toutes vos questions proviennent
de votre identification avec le corps. Comment pourrait-on répondre à des questions
qui se rapportent à ce qui précédait le corps et la Conscience ? Il y a des yogis qui se
sont assis en méditation durant de très nombreuses années pour chercher des
réponses à cette question et même eux ne l’ont pas comprise et néanmoins, vous
vous plaignez.
Q : C’est un grand mystère !
M : Ce n’est un mystère que pour l’ignorant. Pour celui qui n’est plus identifié au
corps, ce n’est plus un mystère.
Q : Faut-il rejeter toute connaissance ?
M : Il vous faut avoir la connaissance entière de cette Conscience et connaissant tout
de la Conscience, vous aboutissez à la conclusion que tout est irréel et alors, cela
devrait tomber de soi-même.
***
Q : Devrait-on laisser tomber toutes les disciplines spirituelles ?
M : Au plus haut niveau, c’est ainsi, mais aux niveaux qui précèdent, vous devez
faire vos devoirs. Ceux qui sont capables de comprendre ceci intuitivement perdent
tout intérêt aux affaires du monde. Ceux qui ont compris et qui ont atteint un certain
plan ne demanderont plus rien et tout leur viendra spontanément. Il n’y aura aucun
désir pour cela et pourtant, tout ce dont ils ont besoin sera là. Ceci n’arrive que pour
ceux qui sont devenus un avec leur véritable nature.
Q : D’où vient la Conscience ?
M : Jamais Elle ne va ni ne vient, Elle semble juste être venue.
Q : Pourquoi Maharaj sait-il cela et pas nous ?
M : Il n’est pas difficile pour vous de le savoir aussi, mais avec quelle identité posezvous la question ?
Q : Par compassion, Maharaj peut-il me donner un coup de pouce pour entrer dans
cet état de Conscience universelle ?
M : Bien entendu que Je peux le faire, mais vous devez M’écouter, vous devez avoir
une foi totale dans tout ce que Je vous dis au sujet de Vous-même et vous devez
202
vous comporter en conséquence. Par nature, Je suis non-manifesté, et pourtant
manifesté, mais Je suis réellement non-manifesté. Le sentiment du ‘’je’’ est venu et
parti, c’est tout. Je ne vais pas mourir. Celui qui a rejeté cette identité comprendra.
Q : Maharaj a dit qu’il n’allait pas mourir ?
M : Comment le non-né peut-Il mourir ? Au début, quand les gens ont pris
connaissance de cette maladie, ceux qui avaient de l’affection pour moi sont venus
me parler ou bien ils m’ont écrit en me donnant des conseils ou des remèdes. Ce qui
doit advenir adviendra. Je n’ai aucune peur, aussi Je ne dois rien faire par rapport à
cette maladie.
Q : Qu’est-ce que Sat-Chit-Ananda ?
M : Des mots ! Vous pouvez accepter que Sat-Chit-Ananda constitue la limite par
laquelle votre esprit peut décrire cet état indescriptible. Votre état véritable est nonmanifeste. La manifestation vient et les mots viennent. Celui qui expérimente SatChit-Ananda est là avant l’expérience.
Q : Maharaj a dit à cet égard que les enseignements étaient ceux de son guru, mais
que la compréhension était la sienne.
M : Mon guru m’a dit que la Conscience seule est le guru, tous les autres
développements ont germé à l’intérieur de moi. Le fruit devrait grandir sur votre
propre plant. Je ne devrais pas semer en vous mes compréhensions.
Q : Maharaj nous voit-il comme des individus ?
M : Il n’y a pas d’individus ; il n’y a que des corps de nourriture6 avec la connaissance
‘’Je suis’’. Il n’y a pas de différence entre une fourmi, un être humain et Ishwara ; ils
sont de la même qualité. La fourmi possède un petit corps et l’éléphant, un gros
corps. La force diffère en raison de la taille, mais la force vitale est identique.
***
Q : S’il n’y a aucune différence entre ce qui précède la naissance et ce qui suit la
mort, y a-t-il une raison d’essayer d’apprendre qui nous sommes maintenant ? N’estce pas la même chose, dans l’ensemble ?
M : La lumière qui émane du soleil et le soleil lui-même – y a-t-il une différence ?
6
Il fait certainement référence à l’annamaya kosha du système védantique, NDT.
203
Q : L’unique différence est ce qui se passe au milieu ?
M : Tout ce qui se passe entre la naissance et la mort n’est aussi qu’une expression
de la Conscience. Dans le domaine de la Conscience même, vous passez votre
temps à entretenir divers concepts. Que faites-vous d’autre ?
Q : Maharaj joue-t-il avec différents concepts ?
M : Non, c’est la Conscience qui joue d’Elle-même.
Q : Je suis conscient d’être venu ici, parce que Maharaj est un miroir, mais cette fois,
Il me montre que Je suis mon propre miroir.
M : C’est pourquoi vous ne devriez pas rester longtemps.
Q : A quoi vais-je être confronté, si je suis votre enseignement ?
M : Réalisez seulement le Moteur unique qui est derrière tout ce qui bouge et laissezLui tout cela. Si vous n’hésitez pas, c’est le chemin le plus court qui conduit à la
Réalité. Demeurez sans désir et sans crainte en abandonnant tout contrôle et toute
responsabilité. C'est la folie divine ! Le contrôle et la responsabilité ne sont que dans
le mental. Tant que vous vous imaginez contrôler, alors vous devriez également
imaginer être responsable. Ou vous n’êtes responsable de rien, ou de tout.
Cependant, la Source opère par l’entremise de l’ensemble. Pourquoi vous
tracasser ? Vous êtes accro à l’idée d’être un auteur/acteur. Renoncez-y ! Il n’y a à
renoncer à rien d’autre. Renoncez à l’habitude de rechercher des résultats et la
liberté vous appartiendra. Vous êtes toujours en train de rechercher du plaisir et
d’éluder la peine, vous êtes toujours en train de poursuivre le bonheur et la paix. La
fin de ce schéma, c’est la fin du moi. La fin du moi, avec ses désirs et ses peurs,
vous permet de retourner à votre nature véritable, la source de tout bonheur et de
toute paix. Ne voyez-vous pas que c’est votre quête du bonheur qui fait en sorte que
vous vous sentiez malheureux ? Essayez l’inverse : indifférent à la peine comme au
plaisir, ne demandant rien et ne refusant rien, accordez toute votre attention au plan
où ‘’Je suis’’ est éternellement présent. Acceptez la peine qui vous est impartie et
vous trouverez dans la peine une joie que le plaisir ne peut pas vous donner, pour la
simple raison que l’acceptation de la peine vous fera approfondir les choses
beaucoup plus que le plaisir. Développez l’attitude du Témoin et vous découvrirez
par votre propre expérience que le détachement engendre le contrôle, la maîtrise.
L’acceptation de la peine, la non-résistance, le courage et l’endurance ouvrent des
sources profondes et inépuisables de bonheur réel. Les désirs et les peurs sont tous
et toutes des fabrications du mental. Renoncez à l’esclavage de l’intérêt personnel et
soyez ce que vous êtes : l’intelligence et l’amour en action. Soyez honnête avec
vous-même et aimez simplement ce que vous aimez, sans vous contraindre, ni vous
204
forcer. Remettez-vous en à votre propre Soi, dont tout est une expression. Méfiezvous de tout ce qui rend dépendant. La majorité des soi-disant ‘’abandons au guru’’
se terminent en déceptions, sinon en tragédies. Fort heureusement, le chercheur
sérieux se dégagera à temps, assagi par l’expérience.
Q : Qu’implique le terme ‘’renoncement’’ ?
M : S’abandonner, c’est renoncer à tout souci personnel. Cela ne peut pas se faire,
cela arrive, quand vous réalisez votre vraie nature. Le renoncement verbal et
intellectuel n’a guère de valeur et craque sous le stress et la tension. Acceptez la vie,
telle qu’elle vient et vous trouverez que c’est une bénédiction. La préparation est
graduelle, le changement est soudain, total. Vous ne pouvez pas vous considérer
comme indépendant par rapport à toutes choses, si vous ne renoncez pas à tout et si
vous ne restez pas sans soutien et sans vous définir. Une fois que vous vous
connaissez, ce que vous faites est sans importance, mais pour réaliser votre
indépendance, vous devez l’éprouver en lâchant tout ce dont vous dépendiez.
205
CHAPITRE 33 : SRI RAMANA MAHARSHI, UN PROFIL
‘’Parmi tous les yogis, seul celui qui dépose en Moi son mental et son amour
inébranlables M’est cher.’’
Sri Ramana Maharshi est sans doute le sage indien le plus célèbre du 20 ème siècle. Il
était réputé pour la plénitude de son autoréalisation et pour les sentiments de paix
profonde que ses visiteurs expérimentaient en sa présence. Il répondait à des
questions pendant des heures, quotidiennement, mais il ne se considérait jamais
comme le guru de quelqu’un. Ramana Maharshi est né le 30 décembre 1879 dans
un village appelé Tirucculi, à 50 km au sud de Madurai, dans le sud de l’Inde. Ses
parents le nommèrent Venkataraman. Son père mourut, alors qu’il avait 12 ans, et il
alla vivre chez son oncle à Madurai, où il étudia à l’American Mission High School. La
compréhension ultime se produisit spontanément, alors qu’il n’avait que 16 ans. Six
semaines plus tard, il fugua vers la sainte colline d’Arunachala, où il resta pendant le
restant de sa vie. Il garda le silence pendant quelques années et il était
quotidiennement en samadhi.
Après son Eveil, pendant quelque temps, le jeune Ramana s’assit, parfaitement
immobile, dans le temple d’Arunachala. Ramana pratiqua tapas dans le temple aux
milles piliers, près du Patala Linga, dans le sanctuaire de Subrahmanya, dans le
jardin de mangues, dans la grotte de Sadguru Swami et dans les collines. De 1909 à
1916, il vécut dans la grotte de Virupaksha. Ramana Maharshi était connu sous le
nom de Brahmana Swami à Tiruvannamalai. Au cours de ces premières années, il
était si profondément absorbé dans la béatitude qu’il était totalement indifférent si
des punaises recouvraient ses jambes ou si on lui jetait des pierres ! Même s’il était
encore très jeune, la profondeur de son silence et le pouvoir de sa présence
commencèrent à attirer des chercheurs de toutes les parties du monde. Pendant des
années, il ne les remarqua même pas, puisque son attention était totalement
absorbée à l’intérieur.
Pendant de nombreuses années, il guida principalement en silence. Lorsqu’il
émergea de son silence constant, les gens commencèrent à venir et à lui poser des
questions et Venkataraman acquit rapidement la réputation d’un sage. En 1907, à
l’âge de 28 ans, un de ses premiers fidèles le nomma Bhagavan Sri Ramana
Maharshi et le nom resta. Finalement, un ashram fut érigé autour de lui, même si ce
ne fut jamais son souhait.
Quand le corps de Ramana se fit vieux et fut ravagé par un douloureux cancer, ses
disciples se désespéraient de trouver un remède, mais Ramana signala juste qu’on
ne devrait pas accorder trop d’importance au corps. ‘’Il est inutile de s’inquiéter’’, ditil, ‘’le corps est lui-même une maladie. Laissez-lui avoir sa fin naturelle.’’ Les
docteurs qui s’occupèrent de Ramana au cours des derniers mois de sa maladie
206
étaient sidérés par son indifférence à la douleur. Une fois, il cita un verset tiré du
Yoga Vasishtha à son docteur : ‘’Le jnani qui s’est découvert lui-même comme étant
la pure Conscience sans forme n’est pas affecté, même si son corps est tranché par
une épée. Le sucre candi ne perd pas sa douceur, qu’on le casse ou qu’on le broie.’’
Dans les derniers jours qui précédèrent sa mort physique, Ramana rappela à un
fidèle qui se chagrinait : ‘’Ils prennent ce corps pour Bhagavan et Lui attribuent de la
souffrance. Comme c’est regrettable ! Ils s’inquiètent que Bhagavan puisse les
quitter. Où peut-Il aller et comment ?’’
Ramana Maharshi mourut du cancer en 1950 à l’âge de 70 ans.
BRÈVES INDICATIONS CONCERNANT L’ENSEIGNEMENT DE
RAMANA MAHARSHI
C’était la thèse fondamentale de Ramana que le moi individuel n’est rien de plus
qu’une pensée ou une idée. Il disait que cette pensée, qu’il appelait la pensée ‘’je’’,
émane d’un lieu appelé le centre du Cœur, localisé du côté droit de la poitrine du
corps humain. De là, la pensée ‘’je’’ monte jusqu’au cerveau et s’identifie avec le
corps : ‘’je suis ce corps.’’ Elle crée ensuite l’illusion qu’il y a un mental ou un moi
individuel qui habite le corps et qui contrôle toutes ses pensées et toutes ses actions.
La pensée ‘’je’’ accomplit ceci en s’identifiant avec toutes les pensées et toutes les
perceptions, et ce processus produit une identification comme auteur/acteur : ‘’je’’
fais ceci, ‘’je’’ pense cela, ‘’je’’ me sens heureux, etc. Donc, le concept que l’on est un
auteur/acteur individuel est produit par l’habitude profondément ancrée de s’identifier
tout le temps avec toutes les pensées qui surgissent. Ramana soulignait que l’on
pouvait inverser le processus en privant la pensée ‘’je’’ de toutes les pensées et de
toutes les perceptions avec lesquelles elle s’identifie normalement, et spécifia que
cette pensée ‘’je’’ était en fait une entité irréelle. Celle-ci paraît seulement exister,
lorsque la pensée ‘’je’’ s’identifie avec d’autres pensées. Il enseignait que si l’on
parvenait à briser la connexion entre la pensée ‘’je’’ et les pensées avec lesquelles
elle s’identifie, la pensée ‘’je’’ elle-même s’estomperait pour finir par disparaître.
Comme technique, Ramana suggérait la recherche du Soi. Par recherche du Soi, il
suggérait de s’accrocher au sentiment intérieur du ‘’Je suis’’, en excluant toutes les
autres pensées, et que pour maintenir son attention sur ce sentiment intérieur du
‘’Je’’, il fallait constamment s’interroger : ‘’Qui suis-je ?’’ ou ‘’d’où vient ce je ?’’ Il
rappelait constamment aux chercheurs que s’ils parvenaient à rester centrés sur ce
sentiment intérieur du ‘’Je’’, en excluant toutes les autres pensées, la pensée ‘’je’’
commencerait à se résorber dans le centre du Cœur.
Selon Ramana, ceci était la seule chose que les chercheurs pouvaient ‘’faire’’,
puisqu’une fois que le mental a été vidé de toutes les pensées, hormis la pensée
207
‘’je’’, c’est le pouvoir du Soi qui ramène la pensée ‘’je’’ dans le centre du Cœur pour
finalement la détruire, et par conséquent, c’est la Source ou Dieu qui est totalement
responsable et ce n’est absolument pas notre ‘’action’’. Quand la Réalisation se
produit, le mental et le moi individuel – que Ramana ramenait à la pensée ‘’je’’ – sont
détruits à tout jamais. Seul demeure l’Atman ou le Soi.
La recherche du Soi implique aussi une autre question : ‘’A qui cette pensée
apparaît-elle ?’’ Et Ramana répondait invariablement : ‘’Connaissez celui qui doute.
Si vous fixez votre attention sur lui, les doutes ne s’élèveront pas. Quand celui qui
doute cessera d’exister, plus aucun doute ne s’élèvera. D’où s’élèveraient-ils ? Tous
sont des jnanis, des jivanmuktas, mais personne n’en n’est conscient. Les doutes
doivent être déracinés et ceci implique que celui qui doute doit être déraciné. Chaque
fois que le mental s’égare et que votre concentration est interrompue par une pensée
durant la méditation ou l’autoanalyse, demandez-vous ‘’à qui cette pensée apparaîtelle ?’’, parce que la réponse pousse l’attention à retourner au sentiment du ‘’Je’’, où
elle doit rester.’’
Ramana Maharshi décrivait parfois le centre du Cœur comme un objet réel situé du
côté droit de la poitrine, mais en d’autres temps, il disait que c’était une simplification
pour ceux qui ne pouvaient pas comprendre la Vérité : ‘’Lorsque Je parle du ‘’je’’ qui
jaillit du côté droit du corps d’un lieu situé du côté droit de la poitrine, cette
information est destinée à ces chercheurs qui croient toujours être le corps. A ces
gens, je dis que le Cœur a une location physique, mais ce n’est pas réellement
parfaitement correct de dire que le ‘’je’’ jaillit du Cœur, puis se fond dans le Cœur, du
côté droit de la poitrine. Le Cœur est un autre nom de la Réalité qui n’est ni à
l’intérieur, ni à l’extérieur du corps. Il ne peut y avoir d’intérieur, ni d’extérieur pour
Elle, puisqu’Elle seule est. En réalité, Je n’entends ni organe physiologique, ni plexus
par le terme ‘’Cœur’’.
L’essentiel, dans n’importe quelle pratique, c’est d’essayer de garder le mental sous
contrôle, en le ramenant s’il oscille et en le fixant sur le ‘’qui suis-je ?’’ Cela seul est
la recherche du Soi. C’est tout ce qu’il y a à faire !’’
Ramana Maharshi disait souvent que le yoga et la recherche du Soi sont deux
méthodes pour contrôler le mental, qu’il comparait à un taureau agité. Le yoga tente
de diriger le taureau à l’aide d’un bâton, tandis que la recherche du Soi l’amadoue
avec de l’herbe verte. Ramana soulignait toujours : ‘’Il n’y a qu’un seul Soi et rien
d’autre que le Soi. Connaissez-Le et tout le reste est connu. Etre sans désir, c’est
s’abstenir de tourner son mental vers n’importe quel objet. La sagesse signifie
l’apparence d’aucun objet. Ne pas chercher ce qui est autre que le Soi, c’est le
détachement ou l’absence de désir.’’
208
Ramana était un exemple vivant de l’enseignement des Upanishads. Sa vie était à la
fois le message et la philosophie de ses enseignements. Son message est :
‘’Connais-toi toi-même.’’ Il ne se lassa jamais d’enseigner : ‘’Connaissez-vous vousmême et tout le reste sera connu. Distinguez l’Atma immortel, immuable,
omniprésent et infini de l’univers phénoménal et du corps périssable toujours
changeants. Cherchez ‘’qui suis-je ?’’ Calmez votre esprit. Libérez-vous de toutes
les pensées autres que la simple pensée du Soi ou de l’Atma. Plongez dans les
profondeurs de la chambre du Cœur. Découvrez le ‘’Je’’ réel, infini. Reposez là
paisiblement à tout jamais et devenez identique au Soi suprême. La nature réelle de
l’homme, c’est le bonheur. Le bonheur est inné dans le vrai Soi. La recherche du
bonheur de l’homme est la recherche inconsciente de son vrai Soi. Le vrai Soi est
impérissable. Par conséquent, si un homme le trouve, il trouve le bonheur durable.
Dans la cavité interne du Cœur, l’Etre suprême rayonne toujours de la pulsation
consciente du Soi. Pour Le réaliser, entrez dans le Cœur, l’esprit focalisé – par la
quête intérieure, en plongeant profondément ou par le contrôle de la respiration – et
demeurez avec le Soi.’’
A la base de son enseignement, il y avait aussi la désidentification par rapport à
l’action individuelle :
Le sentiment ‘’c’est moi qui opère’’ est l’obstacle. Demandez-vous qui agit. Ce qui est
destiné à arriver arrivera. Si vous n’êtes pas destiné à travailler, vous n’aurez pas de
travail, même si vous en cherchez, et si vous êtes destiné à travailler, vous ne
pourrez pas l’éviter, vous serez contraint de vous engager, aussi laissez cela au
Pouvoir supérieur. Vous ne pouvez pas y renoncer ou le conserver à votre guise.
LA TRANSFORMATION SPONTANÉE DE RAMANA
‘’Ce fut environ six semaines avant que je ne quitte Madurai pour du bon, au milieu
de l’année 1896, que s’opéra le grand changement dans ma vie. Ce fut tellement
soudain. Un jour, j’étais assis tout seul au premier étage de la maison de mon oncle.
J’étais normal et en bonne santé, mais une peur de la mort soudaine et sans
équivoque s’empara de moi. J’avais l’impression que j’allais mourir et je me mis
immédiatement à penser à ce que je devrais faire. Je ne me souciai pas de consulter
un docteur, des aînés ou un ami. Je sentis que je devais résoudre le problème sur le
champ. Le choc de la peur de la mort me rendit immédiatement introspectif et
m’introvertit. Mentalement, je me dis à moi-même : ‘’A présent que la mort est venue,
qu’est-ce que cela signifie ? Qui est-ce qui meurt ? Ce corps meurt.’’ Aussi étendis-je
rigidement mes membres, comme si la rigueur de la mort s’y était installée. J’imitai
un cadavre pour donner un air de réalité à la suite de mes investigations. Je retins
ma respiration et gardai la bouche cousue pour qu’aucun son ne puisse s’en
échapper. ‘’Eh bien’’, me dis-je en moi-même, ‘’ce corps est mort. Il sera transporté
209
sur le champ crématoire et puis réduit en cendres, mais suis-je mort avec la mort de
mon corps ? Le corps est-il moi ? Ce corps est silencieux et inerte, mais je suis
toujours pleinement conscient de toute la force de ma personnalité et même du son
‘’Je’’ en moi, distincts du corps. Le corps matériel meurt ; néanmoins, l’Esprit
transcendant ne peut pas être touché par la mort. Par conséquent, Je suis l’Esprit
immortel.’’ Tout ceci ne fut pas un tour de force de gymnastique intellectuelle, mais
m’apparut comme un flash et comme la Vérité vivante que j’ai immédiatement
perçue, sans quasiment aucun raisonnement. Le ‘’Je’’ était quelque chose de très
réel, l’unique chose réelle dans cet état et toute l’activité consciente connectée à
mon corps était centrée dessus. Le ‘’Je’’ ou mon Soi focalisa toute mon attention
avec une puissante fascination. La peur de la mort disparut immédiatement et à
jamais. L’absorption dans le Soi a continué depuis lors jusqu’à maintenant.’’
SATSANGS AVEC RAMANA MAHARSHI
Question (Q) : Par quel moyen peut-on gagner l’état de la Félicité éternelle ?
Ramana (R) : En dehors de la déclaration védique d’après laquelle, là où il y a un
corps, il y a de l’insatisfaction, c’est également l’expérience directe de tout le monde.
Dès lors, on devrait rechercher sa véritable nature, qui est toujours incorporelle et on
devrait rester tel quel. C’est le moyen de gagner cet état.
Q : Je suis venu pour rechercher ‘’qui suis-je ?’’
R : Les actions, telles qu’aller et venir, ne relèvent que du corps. Et donc, si on dit ‘’je
suis allé ou venu’’, cela revient à dire que le corps est ‘’je’’, mais peut-on dire que le
corps est la Conscience, ‘’Je’’, puisque le corps n’était pas avant d’être né, puisqu’il
est composé des cinq éléments, puisqu’il est non-existant dans l’état du sommeil
profond et puisqu’il devient un cadavre, lorsqu’il meurt ? Peut-on dire que ce corps
qui est inerte comme une bûche rayonne comme le ‘’Je’’ ?
Q : Je souffre tant ! Que puis-je faire ?
R : Oh, vous souffrez tant ? Quand un homme dort, il rêve qu’on le maltraite et qu’il
souffre terriblement. Tout cela semble être tout à fait réel à ce moment-là, mais
quand il se réveille, il sait que ce n’était qu’un rêve. Pareillement, quand Jnana
pointe, tous les malheurs du monde ressembleront à un simple rêve.
Q : Que dois-je ignorer ?
R : Le sentiment d’être une âme individuelle.
210
Q : La théorie de la réincarnation est-elle vraie ?
R : La réincarnation n’existe que tant que l’ignorance est présente. Il n’y a réellement
aucune réincarnation, ni maintenant, ni auparavant et il n’y en aura pas non plus par
la suite. C’est la vérité.
Q : Les sages ou les yogis connaissent-ils leurs vies antérieures ?
R : Connaissez-vous la vie présente avant de vouloir connaître le passé ? Trouvez
ce qui est présent et le reste suivra. Même avec vos connaissances limitées
actuelles, vous souffrez tellement. Alors, pourquoi vous charger encore plus ? Pour
souffrir davantage ?
Q : Quelles sont les caractéristiques du sage ?
R : Je ne suis pas le corps ; Je suis Brahman, qui est manifeste en tant que Soi. En
Moi qui suis la Réalité plénière, le monde qui est constitué de corps n’est qu’une
simple apparence, comme le bleu du ciel. Celui qui a ainsi réalisé la vérité est un
sage, un jivanmukta. Mais tant que son mental n’a pas été dissous, il peut survenir
des misères même pour celui qui est réalisé en raison de la relation aux objets, à
cause du prarabdha (le karma qui a commencé à fructifier et dont le résultat est le
corps actuel) et si le mouvement du mental n’a pas cessé, il n’y aura pas non plus
d’expérience de la Félicité. L’expérience du Soi n’est possible que pour l’esprit
devenu subtil et immobile en résultat d’une méditation prolongée. Celui qui est ainsi
doté d’un esprit devenu subtil et qui a l’expérience du Soi est appelé jivanmukta.
CONCERNANT LA RELATION GURU-DISCIPLE
Q : Qu’est-ce que Guru kripa ?
R : Le Guru est le Soi…Il y a plusieurs étapes. A un certain moment de leur vie, les
hommes peuvent devenir insatisfaits avec ce qu’ils possèdent et rechercher la
satisfaction de leurs désirs en priant Dieu. Leur esprit se purifie ainsi graduellement
jusqu’à ce qu’ils aspirent à connaître Dieu. La Source prend la forme d’un Guru et
leur enseigne la Vérité et purifie encore leur esprit par les satsangs. Par le silence et
par la méditation, il continue de se purifier pour devenir immobile et sans aucune
vague. Cette dimension calme, c’est le Soi. Le Guru est à la fois ‘’extérieur’’ et
‘’intérieur’’. De l’extérieur, Il pousse l’esprit à s’intérioriser et de l’intérieur, Il attire le
mental vers le Soi et Il aide à apaiser le mental. C’est cela, Guru kripa. Il n’y a
aucune différence entre Dieu, le Guru et le Soi.
211
Q : A la Société Théosophique, on médite pour rechercher des Maîtres pour être
guidé…
R : Le Maître est à l’intérieur. La méditation est destinée à supprimer l’idée ignorante
qu’Il n’est qu’à l’extérieur. Si c’était un étranger que vous attendez, Il serait aussi
amené à disparaître. A quoi bon un être transitoire, comme cela ? Mais aussi
longtemps que vous pensez être distinct ou que vous êtes le corps, le Maître
‘’extérieur’’ est également nécessaire et Il apparaîtra, comme s’Il avait un corps.
Quand la désidentification d’avec le corps a lieu, on trouve que le Maitre n’est rien
d’autre que le Soi.
Q : Le Guru nous aidera-t-Il à connaître le Soi ?
R : Le Guru vous tient-Il par la main et vous murmure-t-Il des choses à l’oreille ?
Vous pouvez L’imaginer être ce que vous êtes vous-même. Puisque vous pensez
être avec un corps, vous pensez qu’Il a aussi un corps et qu’il peut accomplir
quelque chose de tangible pour vous. Son travail réside à l’intérieur, dans le royaume
spirituel.
Q : Comment trouve-t-on le Guru ?
R : Dans sa grâce, Dieu qui est immanent se manifeste avec compassion
conformément au développement du dévot. Le fidèle pense que c’est un homme et il
s’attend à une relation comme entre deux corps physiques, mais le Soi qui s’est
incarné dans un Guru opère de l’intérieur. Le Soi guide depuis l’intérieur jusqu’à ce
que l’homme réalise le Soi à l’intérieur de lui-même.
Q : Pourquoi devrait-on pratiquer le silence et la solitude ?
R : Le silence est la forme de travail la plus puissante, alors que les Ecritures ont
moins d’impact, aussi vastes et catégoriques puissent-elles être. Le Guru est calme
et tranquille et sa grâce prévaut en tout. Ce silence est plus vaste et plus percutant
que toutes les Ecritures mises ensemble. La solitude est une attitude d’esprit.
Quelqu’un pourrait se trouver au milieu du monde, tout en gardant une sérénité
parfaite, alors qu’une autre personne pourrait se trouver dans la forêt, tout en étant
incapable de contrôler ses pensées en étant le Témoin et par la recherche du Soi.
Q : Le fidèle peut-il trouver le bonheur ?
R : Si un fidèle s’abandonne réellement au Maître ou à Dieu, cela signifie qu’il ne
reste plus aucun vestige d’individualité. Si le renoncement est total, tout sentiment
d’un moi est perdu et dans cet état, il ne peut plus y avoir ni peine, ni tristesse. L’Etre
éternel n’est rien d’autre que du bonheur. Le bonheur est toujours là. Eliminez les
212
obstacles au bonheur. Quels sont les obstacles ? S’identifier au corps et penser que
vous êtes un auteur/acteur.
Q : M’enseignerez-vous à suivre votre exemple ?
R : Le Sadguru est à l’intérieur.
Q : Le Sadguru vivant n’est-Il pas nécessaire pour m’aider à le comprendre ?
R : Le Sadguru est à l’intérieur.
Q : Je veux un Guru visible.
R : Ce Guru visible dit qu’Il est à l’intérieur.
Q : Dites-moi quelle méthode suivre.
R : Où êtes-vous maintenant ? Où devriez-vous aller ?
Q : Je sais que je suis, mais je ne sais pas ce que je suis.
R : Le ‘’Je’’ est toujours là.
Q : Alors, je dois conclure que je suis la Conscience et que rien ne se produit en
dehors de ma Présence.
R : C’est une chose de conclure par le raisonnement et c’en est une autre d’en être
convaincu !
Q : La grâce est-elle nécessaire ?
R : Si vous aviez renoncé à votre ego, les doutes ne surgiraient pas. La grâce est
toujours présente. Tout ce qu’il faut, c’est que vous renonciez à l’ego. Si on
s’abandonne, il n’y aura plus personne pour poser des questions ou à qui penser. Ou
on élimine les pensées en s’accrochant à la pensée ‘’je’’ racine, ou on s’en remet
inconditionnellement à une Puissance supérieure. Ce sont les deux seuls moyens
pour obtenir la Réalisation.
Q : Alors, si la grâce est le Soi, devrais-je m’en remettre à mon propre Soi ?
R : Oui. A Celui dont on recherche la grâce. Dieu, le Guru et le Soi ne sont que des
formes différentes du Soi. S’abandonner, c’est s’en remettre à la Cause originelle de
son être. Ne vous trompez pas en imaginant avoir un Dieu à l’extérieur de vous. La
213
Source se situe à l’intérieur de vous-même. Remettez-vous-en à Elle. Cela signifie
que vous devriez rechercher la Source et vous fondre en Elle. Quand vous vous
fondrez dans le Soi, il n’y aura plus d’individualité, vous deviendrez la Source Ellemême. En ce cas, qu’est-ce que s’abandonner ? Qui doit abandonner quoi et à qui ?
Cela aura constitué la dévotion, la sagesse et l’investigation. Votre devoir, c’est d’être
et pas d’être ceci ou cela. JE SUIS CE QUE JE SUIS résume toute la Vérité.
Q : Comment le langage apparaît-il ?
R : Il y a une Connaissance abstraite, de laquelle émane l’ego qui produit ensuite la
pensée qui engendre le mot prononcé. Ainsi, le mot est l’arrière-petit-fils de la Source
originelle. Mais les gens ne comprennent pas cette Vérité simple et nue, la Vérité de
leur expérience quotidienne toujours présente et éternelle. On parle, mais vous
n’êtes pas l’individu qui parle.
Q : Pourriez-vous avoir l’amabilité de me donner un raccourci, s’il en existe un ?
R : Le ‘’Je’’ se défait de l’illusion du ‘’je’’ tout en restant le ‘’Je’’. Tel est le paradoxe
de l’autoréalisation. Celui qui est réalisé n’y voit aucune contradiction. Prenons la
bhakti. Je m’approche d’Ishwara et je prie afin d’être absorbé en Lui. Je
m’abandonne dans la foi et le recueillement. Que reste-t-il après ? À la place du ‘‘je’’
initial, ce qui subsiste après l’abandon total de soi-même, c’est Dieu, dans lequel le
‘je’ s’est dissous. C’est la forme de dévotion la plus élevée, le renoncement, ou le
summum du détachement, vairagya.
Vous pensez que cela signifie renoncer à telle ou telle de ‘’vos’’ possessions, alors
que si à la place, vous renonciez au ‘’je’’ et au ‘’mien’’, vous renonceriez à tout, d’un
seul coup, et le germe même de la possessivité aura disparu.
Alors, le mal est tué ou étouffé dans l’œuf. Le détachement doit être très fort pour
cela.
CONCERNANT LA RECHERCHE DU SOI
Q : La recherche est-elle seulement le moyen d’éradiquer la fausse croyance de soi
en tant que corps grossier ou est-elle aussi le moyen d’éradiquer la fausse croyance
de soi en tant que corps subtil et causal ?
R : La recherche implique de se défaire de l’identification mensongère au corps en
tant qu’auteur/acteur. Celle-ci doit partir avant que de bons résultats puissent suivre.
Ce n’est que si cette première personne, l’ego, existe sous la forme ‘’je suis le
corps’’, que la deuxième et la troisième personne – vous, lui, elle, ils et elles –
214
existeront. En examinant minutieusement et profondément la réalité et la vérité de la
première personne, l’ego est détruit. Aussi longtemps que perdure le sentiment d’être
un auteur/acteur, le désir est là. C’est également la personnalité. S’il disparaît, le Soi
est découvert.
L’agitation mentale est la cause du désir, du sentiment d’être l’auteur/acteur et de la
personnalité. Si elle cesse, la paix et la quiétude sont là. Aussi doit-on prendre les
choses, comme elles viennent, en accord avec sa tradition, mais sans le sentiment
de les faire soi-même. Le sentiment ‘’c’est moi qui agis’’ est la servitude. Toutes les
difficultés sont dues au fait qu’aujourd’hui, l’homme croit être l’auteur/acteur. C’est le
Pouvoir supérieur qui fait tout et l’homme n’est qu’un instrument. Toutes les activités
que le corps doit effectuer sont déterminées, quand il arrive à l’existence. Il ne vous
appartient pas de les accepter, ni de les rejeter. L’unique liberté que vous possédez,
c’est de vous intérioriser et de renoncer à toutes les activités. Chaque personne est
arrivée à la manifestation pour un certain but, but qui sera accompli, qu’elle
considère être un auteur/acteur ou pas. Le karma yoga est ce yoga par lequel la
personne ne s’arroge pas la fonction d’être un auteur/acteur. Toutes les actions se
poursuivent, automatiquement. Ainsi, le karma yoga signifie l’action sans le
sentiment d’être un auteur/acteur.
Q : La Bhagavad Gita enseigne que l’on devrait mener une vie active du début à la
fin…
R : Oui, d’action sans auteur/acteur. Comprenons ce qu’est le karma, à qui est ce
karma et qui est l’auteur/acteur. En analysant cela et si on recherche la vérité, on est
obligé de rester en paix, en tant que Soi. Toutefois, même dans cet état, les actions
continueront.
Q : Comment les actions continueront-elles, si je n’agis pas ?
R : Qui pose cette question ? Est-ce le Soi ou quelqu’un d’autre ? Le Soi est-Il
concerné par les actions ? Non, et n’étant pas concerné par des actions, les
questions ne se posent pas.
Q : Alors, je dois faire du karma yoga pour aider les autres ?
R : Qui devez-vous aider ? Qui est ce ‘’je’’ qui va aider ‘’les autres’’ ? Eclaircissez
d’abord ce point et ensuite, vous pourrez faire du karma yoga.
Q : Ceci implique réaliser le Soi. Ma Réalisation aide-t-elle les autres ?
R : Oui. C’est la seule aide que vous puissiez jamais rendre aux autres, mais en
réalité, il n’y a pas d’autres à aider. Quand vous vous identifiez au corps-mental, le
215
nom et la forme sont là, mais quand vous transcendez la conscience corporelle, les
autres disparaissent aussi.
Q : La destruction de l’identification avec le corps, en tant qu’auteur/acteur, est-elle la
voie royale ?
R : C’est par rapport au corps grossier que les autres corps (subtil et causal) existent.
Dans la croyance erronée en la forme, ‘’je suis le corps’’, est inclus l’ensemble des
trois corps comprenant les cinq enveloppes7. Et la destruction de la croyance
erronée de soi en tant que corps grossier est elle-même la destruction de la croyance
erronée de soi en tant que ces autres corps. Donc, la recherche est le moyen
d’éradiquer la croyance erronée de soi comme l’ensemble de ces trois corps
(grossier, subtil et causal).
Q : Pourquoi la voie qui mène à la Libération devrait-elle être diversement
enseignée ? Ceci n’engendrera-t-il pas la confusion dans l’esprit des aspirants ?
R : Les Védas enseignent plusieurs voies pour convenir aux niveaux différents des
aspirants qualifiés. Néanmoins, puisque la Libération n’est que la destruction du
mental, tous les efforts ont pour objectif le contrôle du mental. Même si les modes de
méditation peuvent sembler différer les uns des autres, au final, ils s’unifient tous. Il
est inutile d’en douter. On peut adopter la voie qui est conforme à la maturité de son
esprit.
Le contrôle du prana – qui est le yoga – et le contrôle de l’esprit – qui est jnana – sont
les deux principaux moyens pour détruire le mental.
Pour certains, le premier peut sembler facile, et pour d’autres, c’est le second.
Néanmoins, jnana est comme dompter un taureau turbulent en l’amadouant avec de
l’herbe verte, tandis que le yoga, c’est comme le maîtriser en faisant usage de la
force. C’est pourquoi les sages disent : Parmi les trois niveaux d’aspirants qualifiés,
les plus élevés atteignent le but en affermissant l’esprit dans le Soi, en déterminant la
nature du réel par l’investigation védantique et en considérant leur Soi et le Soi de
toutes choses comme étant de la nature du réel ; les moins bons en faisant demeurer
l’esprit dans le Cœur et en méditant longtemps sur le réel ; et ceux du niveau le plus
faible en gagnant cet état d’une manière progressive par le contrôle de la respiration,
etc.
Q : Que signifie jnana ?
7
Ou ‘’koshas’’. Voir l’article intitulé ‘’Le système des koshas’’, du Dr Samuel H. Sandweiss, qui explique très
clairement ce système, NDT.
216
R : Le mental devrait reposer dans le Cœur jusqu’à la destruction de la pensée ‘’je’’.
Ceci est jnana et ceci seul est aussi dhyana. Le reste n’est que simple digression
verbale, digression textuelle. Ainsi, si on acquiert l’aptitude de maintenir le mental
dans le Soi par un moyen ou un autre, il est inutile de se tracasser par rapport à
autre chose. Les grands Maîtres ont par ailleurs enseigné que les dévots sont
supérieurs aux yogis et que le moyen de se libérer, c’est la dévotion qui est de la
nature de la réflexion sur son propre Soi. On devrait comprendre le reste par
inférence, et après avoir analysé toutes les autres techniques, on s’accordera sur le
fait que l’autoanalyse est le moyen le plus court et le plus rapide.
Q : Il semblerait qu’une telle investigation conduise à se rendre un culte à soi-même.
Pourriez-vous avoir l’amabilité d’expliquer ?
R : Le jiva (l’individu, l’âme individuelle) est lui-même Shiva ; Shiva Lui-même est le
jiva. Il est vrai que le jiva n’est nul autre que Shiva. Quand le grain est caché dans
l’enveloppe, on l’appelle paddy et quand il est décortiqué, c’est du riz. Néanmoins, le
jiva qui a oublié son Soi ne deviendra pas le Soi par de simples connaissances
intermédiaires. De par l’obstacle causé par les impressions résiduelles accumulées
lors de vies antérieures, le jiva oublie encore et toujours son identité avec le Soi et se
méprend en s’identifiant au corps. Quelqu’un deviendra-t-il un officier de haut rang
simplement en le regardant ? N’est-ce pas en vertu d’efforts constants dans cette
direction que la personne pourra devenir un officier haut placé ? De même, le jiva
qui est asservi en raison de l’identification mentale avec le corps devrait faire des
efforts sous la forme d’une réflexion sur le Soi, d’une manière progressive et
soutenue, et une fois que le mental sera par-là détruit, le jiva deviendra le Soi.
La réflexion sur le Soi qui est ainsi constamment pratiquée anéantira le mental et par
la suite s’autodétruira elle-même, comme le bâton utilisé pour attiser les cendres
brûlant un cadavre. C’est cet état qu’on appelle Libération.
Q : Si par nature le jiva est identique au Soi, qu’est-ce qui l’empêche de réaliser sa
vraie nature ?
R : C’est l’oubli de la vraie nature du jiva dû au pouvoir de l’obscurcissement.
Q : S’il est vrai que le jiva s’est oublié, comment l’expérience du ‘’je’’ naît-elle pour
tous ?
R : Le voile de l’obscurcissement ne recouvre pas totalement le jiva, il ne recouvre
que la nature du Soi ou du Je et il projette la notion ‘’je suis le corps’’. Mais il ne
cache pas l’existence du Soi qui est ‘’Je’’, et qui est réelle et éternelle.
Q : Pourriez-vous décrire le Soi ?
217
R : Le Soi est auto-effulgent, sans obscurité, ni lumière, et Il est la réalité qui est le
Soi manifesté. Par conséquent, on ne devrait pas y penser, comme à ceci ni à cela.
La pensée même de penser entraînera la servitude. L’objectif de la méditation sur le
Soi, c’est faire en sorte que le mental prenne la forme du Soi.
Q : Si je continue de rejeter les pensées, puis-je appeler cela vichara ?
R : Cela peut être une première étape, mais vichara débute réellement, quand vous
vous accrochez à votre Soi et quand vous avez déjà quitté le mouvement mental, les
vagues des pensées.
Q : Peut-on dans le même temps pratiquer le pranayama du yoga et le pranayama
qui à trait à la connaissance ?
R : Aussi longtemps que le mental ne repose pas dans le Cœur, que ce soit par le
biais de la rétention absolue ou par l’entremise de l’investigation. Ainsi, le pranayama
du yoga doit-il être pratiqué pendant la formation et l’autre pranayama peut toujours
être pratiqué. Donc, on peut pratiquer les deux. C’est assez si l’on pratique le
pranayama yoguique jusqu’à ce que l’habileté soit acquise dans la rétention absolue.
Q : Il a été déclaré que Brahman est manifeste comme le Soi sous la forme du ‘’Je’’
dans le Cœur. Pour faciliter la compréhension de cette déclaration, pourriez-vous
expliquer un peu plus ?
R : N’est-il pas dans l’expérience de tous qu’au cours du sommeil profond, d’un
évanouissement, etc., il n’y a aucune connaissance, c.-à-d., ni connaissance de soi,
ni d’autres connaissances ? Par la suite, quand il y a expérience de la forme ― ‘’je
me suis réveillé de mon sommeil’’ ou ‘’j’ai récupéré de mon évanouissement’’ ―
n’est-ce pas un mode de connaissance spécifique issu de l’état sans distinction
précité ?
Q : Quel est le but de l’enseignement suivant lequel on devrait méditer sur base de la
pensée ‘’je suis Lui’’ ?
R : Le but de cet enseignement, c’est que l’on devrait cultiver l’idée que l’on n’est pas
différent de la Réalité auto-effulgente. Pourquoi méditer sur base de la pensée ‘’je
suis Lui’’ (sahaham, soham) ? Sah est le Soi suprême et aham, le Soi manifesté en
tant que ‘’je’’. Le mental doit se dissoudre dans le Cœur. On devrait se défaire du
sentiment du ‘’je’’. Si l’on recherche ainsi ‘’qui suis-je ?’’, en restant tranquille, dans
cet état, la nature du Soi se manifeste subtilement en tant que ‘’Je’’. Cette nature du
Soi est tout et néanmoins rien et partout manifeste en tant que Soi suprême, sans
distinction d’intérieur et extérieur. Si sans méditer sur Cela comme étant identique à
soi-même, on L’imagine être différent, l’ignorance ne nous quittera pas. Si l’on médite
218
longtemps, tranquillement et sans cesse sur le Soi, sur base de la pensée ‘’je suis
Lui’’, qui est la technique de réflexion sur le Soi, l’obscurité de l’ignorance qui est
dans le cœur et tous les troubles qui ne sont que les effets de l’ignorance seront
écartés et l’on obtiendra la sagesse plénière.
Le corps est le temple ; le jiva est Dieu (Shiva). Si on Le vénère par l’entremise de la
pensée ‘’je suis Lui’’, on obtiendra la Libération. Le corps composé des cinq
enveloppes est la caverne (du Cœur) et le Suprême qui y réside est le Seigneur de la
caverne (du Cœur).
Etant donné que le Soi est la réalité de tous les dieux, la méditation sur le Soi qui est
soi-même est la plus grande de toutes les méditations. Toutes les autres méditations
y sont incluses. C’est pour obtenir ceci que les autres méditations sont prescrites.
Ainsi, si ceci est gagné, les autres ne sont pas nécessaires. Connaître son Soi, c’est
connaître Dieu.
Sans connaître son Soi qui médite, s’imaginer qu’il y a une déité différente et méditer
sur elle est comparé par les sages à l’acte de mesurer sa propre ombre avec son
pied ou de chercher un coquillage insignifiant, après avoir jeté un joyau inestimable
qui est déjà en notre possession.
Q : Est-il possible d’être conscient sans penser ?
R : Oui. Il n’y a qu’une seule Conscience qui subsiste dans les trois états de veille, de
rêve et de sommeil profond. Dans le sommeil profond, il n’y a pas de ‘‘je’’. La pensée
‘‘je’’ s’élève au moment de l’éveil, et alors le monde apparaît. Où était ce ‘‘je’’
pendant le sommeil ? Existait-il ou n’existait-il pas ? Il devait bien exister, mais pas
de la façon dont vous le ressentez maintenant. Le ‘‘je’’ de l’état de veille n’est que la
pensée ‘’je’’, alors que celui du sommeil profond est le vrai ‘’Je’’ qui ne cesse pas
d’exister. C’est la Conscience. Si vous La connaissez, vous verrez qu’Elle est audelà de toute pensée. Les pensées sont semblables à toutes les autres activités et
elles ne troublent en rien la Conscience suprême.
Q : Je ne comprends pas votre référence aux rêves et à l’illusion mentale.
R : Notre expérience du monde est évoquée avec le mental et dissoute avec le
mental. Quand vous voyagez depuis l’Inde jusqu’à Londres, votre corps bouge-t-il
réellement ? Non, c’est le moyen de transport qui bouge et votre corps reste à
l’intérieur, sans lui-même voyager. Ce sont le bateau et le train qui se déplacent. De
même que ces mouvements sont surimposés à votre corps, les visions, les états
oniriques et même les réincarnations sont surimposés à votre Soi Réel. Ce dernier
ne bouge pas, Il n’est pas affecté par tous ces changements extérieurs, restant
immobile à sa propre place, à l’instar du corps qui demeure immobile dans la cabine
219
du bateau. Vous êtes toujours le même, ceci au-delà du temps et de l’espace.
Pendant le sommeil profond, vous n’avez pas la notion du temps. Le concept du
temps et de l’espace ne s’élève que lorsqu’une limitation est surimposée au “Je” (le
Soi). Même maintenant, la pensée “je” est à la fois limitée et illimitée. Aussi
longtemps que vous pensez que vous êtes le corps, elle est limitée. Au moment du
réveil et avant d’être devenu réellement et pleinement conscient du monde extérieur,
cet intervalle en dehors du temps et de l’espace est l’état du vrai “Je” (le Soi).
Pourquoi les questions ne s’élèvent-elles pas dans le sommeil profond ? Le fait est
que vous n’avez pas de limitation dans le sommeil et aucune question ne s’élève,
tandis que maintenant, vous vous identifiez avec le corps et des questions de ce type
s’élèvent. Le sommeil profond est toujours présent – même à l’état de veille. Ce que
nous devons faire, c’est amener le sommeil profond dans l’état de veille afin d’obtenir
un ‘’sommeil conscient’’. La Réalisation ne peut se faire qu’à l’état de veille. Le
sommeil profond est en lien avec l’état de veille. La Conscience une peut-Elle se
diviser en deux ? Une division du Soi est-elle ressentie ? En se réveillant du
sommeil, on se retrouve le même à l’état de veille que dans l’état du sommeil. C’est
l’expérience de chacun. La différence se situe dans la manière de voir, dans la
perspective. En imaginant que vous êtes le spectateur extérieur à l’expérience, cette
différence apparaît. Ressentez-vous des différences entre intérieur et extérieur dans
le sommeil ? Cette différence n’est là qu’en référence au corps et elle n’apparaît
qu’avec la conscience du corps (la pensée ‘’je’’). Le dit ‘’jagat’’ est lui-même une
illusion. Même les sciences matérielles retracent l’origine de l’univers jusqu’à une
matière primordiale très subtile. Dieu est le même pour ceux qui disent que le jagat
est réel et pour leurs opposants. Leurs perspectives sont différentes. Vous n’avez
pas besoin de vous mêler à de telles disputes. Le but est unique et identique pour
tous. Cherchez-le. Les états de sommeil profond, de veille et de rêve sont des
excroissances de l’ego. Le Soi est Témoin de ceux-ci. Le Soi les transcende tous. On
devrait découvrir cette Conscience Témoin. Dans le Soi, il n’y a pas d’états séparés,
ni veille, ni rêves, ni sommeil profond. Il est toujours là.
Q : En recherchant l’origine des pensées, il y a une perception du ‘’Je’’, mais qui est
insatisfaisante.
R : Tout à fait exact. La perception du ‘’Je’’ est associée avec une forme, peut-être le
corps. Rien ne devrait être associé au Soi pur. Le Soi est la pure Réalité dissociée
dans la lumière duquel le corps et l’ego resplendissent. En apaisant toutes les
pensées, seule demeure la pure Conscience. A l’instant où l’on s’éveille du sommeil
et avant de devenir conscient du monde, c’est là que se situe le ‘’Je’’ pur.
Accrochez-vous à Lui sans vous rendormir et sans vous laisser posséder par les
pensées. Si la prise est ferme, le fait de voir le monde n’a aucune importance, celui
220
qui voit n’est pas affecté par les phénomènes. S’il n’y avait pas les activités des
pensées de l’état de veille ou de l’état de rêve, il n’y aurait pas l’apparition des
mondes correspondants, ni leur perception. Dans le sommeil profond, ces activités
n’existent pas et le monde n’existe pas pour nous. Dans le sommeil sans rêves, il n’y
a ni monde, ni ego, ni insatisfaction, mais le Soi demeure. Dans l’état de veille, on
doit seulement faire abstraction des incidences transitoires pour réaliser la Félicité
toujours présente du Soi. Votre nature est Félicité. Découvrez ce sur quoi tout le
reste se surimpose et vous demeurerez alors comme le Soi pur.
221
CHAPITRE 34 : WEI WU WEI – TERENCE GRAY, UN PROFIL
La parole est là, mais sans orateur. La pensée est là, mais sans penseur. Il n’y a
aucun ‘’vous’’ qui parle, ni aucun ‘’moi’’ qui écoute. C’est la Conscience qui parle et
c’est la Conscience qui écoute.
L’identité de Wei Wu Wei ne fut pas révélée à l’époque de la publication de son
premier livre en 1958, à l’âge de 63 ans, et il n’était pas ‘’connu’’ en dehors d’un petit
cercle de quelques élus. Il demeura anonyme et ce ne fut qu’après sa mort que sa
véritable identité devint connue d’un public spirituel plus général.
Wei Wu Wei, né sous le nom de Terence Gray en 1895 dans une famille irlandaise
bien établie, grandit dans un domaine situé à l’extérieur de Cambridge et il reçut une
éducation complète, incluant des études à l’Université d’Oxford. Pendant la première
partie de sa vie, au cours des années 20 et des années 30, il y eut une période
d’implication dans les arts en Angleterre, comme producteur de théâtre et comme
éditeur de plusieurs magazines afférents. Quelque part en cours de route, Gray
épuisa son intérêt pour le théâtre d’avant-garde et il tourna son esprit vers la
philosophie et la métaphysique. Cette période inclut de nombreux voyages en Asie,
dont du temps passé à l’ashram de Ramana Maharshi, à Tiruvannamalai.
Il ressort de ses écrits que Wei Wu Wei avait étudié en profondeur les philosophies
et les métaphysiques orientales et occidentales, ainsi que les enseignements plus
ésotériques de toutes les grandes religions. De ses écrits, on peut aussi comprendre
qu’il ne se considérait que comme un simple chercheur de ‘’Libération’’ parmi de
nombreux autres, et ses œuvres elles-mêmes n’étaient vues que comme un récit de
cette quête. En plus de Ramana Maharshi, Wei Wu Wei rencontra de nombreuses
sommités spirituelles, dont Arthur Osborne, Robert Powell, Albert Sorensen et le Dr
D. T. Suzuki.
Terence Gray mourut en 1986, à l’âge de 90 ans.
LES ENSEIGNEMENTS DE TERENCE GRAY,
SELON SES PROPRES TERMES
‘’Le samsara est un état subjectif. Il s’agit d’une ‘’vision’’ par laquelle la subjectivité
projette des objets apparents au moyen de sujets apparents. On appelle ceci dualité.
Ces sujets apparents, négatifs, comme le sont tous les sujets, projettent des objets
apparents, positifs, comme le sont tous les objets, par un mécanisme psychique
connu sous le nom de skandhas, chaque fois que leur subjectivité s’identifie à une
combinaison supposée de tels skandhas. Les sujets et les objets apparents, en tant
222
qu’objets, ne sont nullement différents, mais les sujets étant négatifs et les objets,
positifs, lorsqu’ils sont perçus dans la même orientation de mesure ou dimension ou,
lorsqu’ils ‘’se superposent’’, se complètent mutuellement (comme le font un négatif et
un positif photographiques) et présentent alors une homogénéité vide. Considérés
ainsi, ils n’apparaissent plus comme sujet et objet : ils sont un et vides. Le Nirvana
est aussi un état subjectif. C’est une non-vision où la subjectivité n’est pas manifeste,
ne pouvant se percevoir elle-même. Ceci s’appelle la non-dualité. Les deux états, qui
en tant que subjectivité sont identiques, ne peuvent se différencier que par les
projections connues comme les êtres sensibles, dont la faculté d’appréhension est
elle-même la subjectivité, via le mécanisme des skandhas, et dont l’apparence
objective est une projection de la subjectivité sous la forme du samsara. En
conséquence, via une union ou une ‘’superposition’’ des deux états, le négatif et le
positif, ils se complètent mutuellement et ils deviennent une homogénéité vide qui est
représentée par le terme ‘’pure Conscience’’. Ceci est la résolution des fausses
dualités, telles que la non-dualité et la dualité, le Nirvana et le samsara, le sujet et
l’objet, et c’est toujours la vacuité.’’
Plusieurs articles qui furent attribués à un mystérieux ‘’Wei Wu Wei’’ parurent dans le
magazine consacré aux enseignements de Ramana Maharshi, The Mountain Path,
et ce n’est qu’après sa mort que son vrai nom, Terence Gray, fut révélé. Le
gentleman irlandais, qui avait rencontré Ramana Maharshi, ainsi que de nombreux
bouddhistes éminents et philosophes taoïstes, développa une synthèse profonde de
la philosophie non-duelle orientale, et son produit livresque eut également un impact
joyeux sur Ramesh Balsekar.
Terence Gray traduisit dans de nombreux livres les textes les plus compliqués sur le
paradoxe central de la philosophie principale du taoïsme, Wei Wu Wei, ‘’l’action de la
non-action’’ qui, en tant que concept, suit directement en importance le Tao Luimême. Son immense travail a permis aux lecteurs occidentaux d’apprécier dans un
anglais moderne et parfait et en conformité avec nos propres processus de pensée
une des philosophies les plus élusives. Grâce à ses traductions, la vérité va droit au
cœur de la question et permet à l’esprit de développer sa propre vision.
Ramesh Balsekar dit dans son magnifique livre, ‘’The Ultimate Experience’’ : ‘’Toute
l’histoire, c’est que le livre de Wei Wu Wei, ‘’Open Secret’’, m’a été offert en cadeau
par un de mes amis, plus d’une décennie avant que je n’aie commencé à me rendre
chez Maharaj. Quand je l’ai lu pour la première fois, je n’ai rien pu comprendre du
tout. Toutefois, j’ai eu le bon sens de réaliser que ce livre était un véritable trésor,
aussi l’ai-je mis de côté pour qu’il ne puisse pas être jeté avec d’autres livres en
faisant le ménage par la suite. Et pour quelque raison insondable, j’ai songé
brusquement au livre (ou plus précisément, une pensée m’est venue concernant le
livre) quasiment tout de suite après que j’ai commencé à rendre visite à Maharaj. Il
m’est impossible de décrire les innombrables frustrations intellectuelles que j’ai dû
223
subir et endurer entre les deux – Maharaj et Wei Wu Wei ! J’avais l’impression qu’ils
s’étaient tous les deux ligués contre moi pour se gondoler en privé à mes dépens !
C’était effectivement un genre de coalition mais, comme je le réalisai quelque temps
plus tard, elle était destinée à provoquer un éveil dans ce mécanisme corps-esprit
appelé Ramesh. En lisant Wei Wu Wei (ultérieurement, j’ai dû lire le livre plus d’une
centaine de fois ― et des expressions et des phrases entières jaillissaient de ma
bouche, quand je traduisais les propos de Maharaj…), je m’émerveillais de la
maîtrise de la langue anglaise que ce Chinois avait atteinte. Ce n’est
qu’ultérieurement que j’ai saisi que Wei Wu Wei n’était pas chinois, mais un riche
aristocrate irlandais qui avait fait de hautes études à l’Université d’Oxford, en plus
d’être une autorité en matière de vins et de chevaux de course. Je reçus cette
information de la part d’une dame qui avait coutume de rendre visite à Maharaj. Plus
tard, elle m’envoya une photo d’elle en compagnie de Wei Wu Wei. C’était un géant.
Elle lui parla des ‘’Orients de l’être’’ et il manifesta son désir de lire le livre. Je lui
aurais envoyé un exemplaire, si j’avais connu son adresse. Je le fis aussitôt que
cette amie mutuelle me la communiqua. Je lui fis parvenir un exemplaire dans sa villa
du sud de la France avec une lettre qui exprimait ma gratitude pour l’instruction reçue
via son livre. Malheureusement, à cette époque (Wei Wu Wei avait presque 90 ans),
la sénilité commençait à l’envahir, mais sa femme lui lut le livre à voix haute, et au
cours de ses moments lucides, il signala qu’il avait apprécié le livre. Notre amie
commune me laissa entendre qu’il faisait référence aux ‘’Orients de l’être’’, comme à
du ‘’Wei Wu Wei sans peine’’. Il y a quelques années, on m’a signalé que Wei Wu
Wei était décédé. Ses écrits, conjointement à l’enseignement de Maharaj, m’ont
énormément aidé, mais beaucoup de gens trouvent ses écrits trop abstrus.’’
UN APERÇU SUCCINCT DE SA SAGESSE
‘L’inadéquation des brefs paragraphes qui suivent est due à l’insuffisance de
l’expression. Ils sont proposés dans l’espoir que la vérité sous-jacente puisse
s’infiltrer à travers l’opacité de leur présentation et attiser une étincelle qui s’élèvera
en flamme de l’accomplissement. Veuillez avoir la bonté de croire qu’il n’y a
absolument rien de mystérieux dans cette affaire. Si c’était facile, ne devrions-nous
pas tous être des Bouddhas ? Sans nul doute, mais la difficulté apparente est due à
notre conditionnement. Par ailleurs, le mystère apparent est la simple incapacité de
percevoir l’évidence à cause d’un réflexe conditionné qui nous pousse constamment
à regarder dans la mauvaise direction !’’
Wei Wu Wei (1964)
224
QUELQUES CITATIONS QUI RÉSUMENT TOUT
Nous ne devons pas chercher, mais demeurer tranquille, parvenir à l’immobilité, et
non agir.
***
Il n’y a aucun devenir. Tout est.
***
Le saint est quelqu’un qui discipline son ego.
Le sage est quelqu’un qui se débarrasse de son ego.
***
Seul l’ego artificiel souffre.
Celui qui a transcendé son faux ‘’moi’’ ne s’identifie plus avec sa souffrance.
***
Nous ne sommes pas nous-même une partie illusoire de la Réalité ; nous sommes
plutôt la Réalité Elle-même, illusoirement conçue.
***
Le détachement est un état ; ce n’est pas un supplice qui produit l’indifférence.
***
L’idée suivant laquelle la vie humaine aurait plus de valeur que toute autre forme de
vie est à la fois injustifiable et arrogante.
***
Ceux qui sont sages ne jugent pas : ils cherchent à comprendre.
***
Vivre devrait être une bénédiction perpétuelle et universelle.
***
225
Jouez votre part dans cette comédie, mais ne vous identifiez pas à votre rôle !
***
Sur le plan phénoménal, nous recherchons le plaisir et tentons d’échapper à la
souffrance.
Sur le plan nouménal, nous connaissons l’absence conjuguée du plaisir et de la
souffrance – et c’est la Félicité !
***
Seule la Réalité existe – et nous sommes Cela. Tout le reste n’est qu’un rêve de
l’Esprit unique, qui est notre esprit, sans le ‘’nous’’. Est-ce si difficile à accepter ? Estce si difficile à assimiler et à vivre ?
***
Il nous faut seulement éliminer la notion de l’ego en réussissant dans la tâche difficile
de comprendre qu’il n’existe pas, sinon en tant qu’idée.
***
Pourquoi êtes-vous si malheureux ?
Parce que 99,99 % de tout ce que vous pensez et de tout ce que vous faites, c’est
pour vous-même – un ‘’vous-même’’ qui n’existe pas !
***
Quel est votre problème ? Votre fausse identité !
***
La Vérité se situe dans une dimension hors de portée de la pensée.
Dans sa plénitude, l’Esprit n’a pas de pensées, les pensées sont l’esprit divisé.
***
La Réalisation, c’est devenir conscient de Cela qui est déjà réalisé.
***
Celui qui recherche la Réalisation, non seulement tourne en rond en quête de ses
lunettes, sans réaliser qu’elles sont toujours sur son nez, mais en outre, s’il ne
226
regardait pas à travers ces mêmes lunettes, il ne pourrait pas trouver ce qu’il
recherche !
***
Il est nécessaire de comprendre que Je Suis afin que je puisse savoir que je ne suis
pas pour enfin réaliser que je ne suis pas et par conséquent que Je Suis.
***
Nous n’avons pas d’ego. Nous sommes possédés par un ego imaginaire.
***
Tout le mal et tout le malheur du monde émanent du concept du moi.
***
La nature ‘’réelle’’ ou bien l’Atman ou le ‘’Je’’ que les Maîtres du chan et les
védantins se préoccupent de révéler n’est pas le feu follet lointain insaisissable que
nous serions enclins à imaginer, mais simplement l’intérieur, dont nous connaissons
l’extérieur. C’est simplement le revers de la médaille qui se situe là où nos sens et où
notre intellect cessent d’opérer.
***
Il faut savoir que l’on n’est pas pour être en mesure de comprendre que l’on est.
***
Une infinité de bulles flottaient à la surface du courant.
‘’Qui êtes-vous ?’’, leur criai-je, tandis qu’elles dérivaient.
‘’Nous sommes des bulles !’’, bien entendu, répondirent quasiment toutes les bulles.
Et il y avait de l’étonnement, voire même de l’indignation dans leurs voix, tandis
qu’elles passaient.
Mais çà et là, une bulle solitaire répondit : ‘’Je suis ce flux’’.
Et il n’y avait ni étonnement, ni indignation dans sa voix, mais juste une certitude
tranquille.
***
Allez trouver des Maîtres éveillés – et laissez derrière vous toutes vos affaires.
227
***
Les doctrines les plus pures, comme celles de Ramana Maharshi, Padmasambhava,
Houang Po et Shen Hui, enseignent que l’analyse suffit pour comprendre qu’il
n’existe aucune entité capable de volition effective et qu’un acte apparent de volition,
s’il est en accord avec l’inévitable, ne peut être qu’un geste vain, et s’il est en
désaccord, ne peut être que la simple révolte d’un oiseau contre les barreaux de sa
cage. Si on sait cela, alors on a enfin la paix et le contentement. Vivre sans vouloir
imposer sa volonté, c’est vivre heureux.
***
Etes-vous encore en train de penser, de regarder et de vivre à partir d’un centre
phénoménal imaginaire ?
Tant que vous le ferez, vous ne pourrez jamais reconnaître votre liberté.
***
Que devez-vous faire ?
Préparez vos affaires,
Puis rendez-vous à la gare, sans les emporter,
Attrapez le train,
Et laissez votre moi derrière vous.
***
Je n’ai qu’un objectif en écrivant des livres : démontrer qu’il ne pouvait y avoir
personne pour le faire.
***
Ce que nous paraissons être n’est qu’une ombre éphémère,
Un reflet dénaturé et parcellaire de ce que nous sommes tous,
Quand nous ne présumons plus être cette apparence phénoménale.
***
Ce n’est qu’avec une humilité totale et dans l’immobilité absolue de l’esprit que nous
pouvons connaître ce que nous sommes assurément.
***
228
Tant qu’il y aura un ‘’vous’’ pour agir ou ne pas agir,
Penser ou ne pas penser,
Méditer ou ne pas méditer,
Vous ne serez pas plus proche de chez vous
Que le jour de votre naissance.
***
N’ayant pas trouvé de moi qui ne sois autre,
Le chercheur doit trouver qu’il n’y a pas d’autre qui n’est soi,
De sorte que dans l’absence de l’autre, comme du moi,
Puisse être connue la paix parfaite
De la présence de l’absence absolue.
UN RARE SATSANG AVEC WEI WU WEI
Existez-vous ?
Nouménalement, Je sens que Je suis, mais il M’est impossible de Me trouver. Et il en
va de même pour vous et pour tout être vivant.
Pourquoi est-ce ainsi ?
Pour la même raison qui nous empêche de voir notre propre visage.
Mais vous pouvez voir mon visage et je peux voir le vôtre…
C’est un non-sens, une parfaite ineptie ! Nous ne voyons rien de tel. Ce que nous
voyons, quand nous nous regardons et quand nous regardons tout ce que nous
pouvons voir, y compris nos propres pieds, n’est que notre objet. Et notre objet fait
partie de nous-même, son sujet. Personne d’autre ne peut nous voir, parce que nous
n’avons aucune existence objective et nous ne pouvons voir personne d’autre, parce
que personne d’autre n’en n’a non plus. Tous, nous ne pouvons voir que nos propres
objectivations, quelles qu’elles puissent être.
Nous n’existons pas en tant qu’objets ?
Bien sûr que non ! Rien n’existe, en tant qu’objet. C’est pourquoi il n’y a rien de tel
qu’une entité. Comment ceci pourrait-il être ? L’espace et le temps sont purement
mental, des concepts de l’esprit. Où d’autre pourrait se déployer une entité ?
Alors, aucun objet n’est indépendant ?
Aucun n’est dépendant non plus. ‘’Les autres’’ sont vous-même, comme ce que vous
êtes, et leur apparente altérité, en tant qu’objets à vous, fait entièrement partie de
votre mental phénoménal. L’existence ou l’être phénoménal est nouménalement le
non-être. Dans l’absolu, on peut l’appeler l’ainséité.
229
Je commence à comprendre !
Bien entendu ! ‘’Cela est-Il tout ce qui est ?’’, comme le moine de la dynastie T’ang
dit en riant à son Maître, quand il comprit soudainement ou quand il se découvrit
éveillé, comme ils disent.
Rien (aucune chose) n’est – de son plein droit ? Pas même nous ?
Rien. Par conséquent, il n’y a pas de ‘’nous’’ – car ‘’nous’’ ne sommes que des objets
pour les autres, en tant que ‘’nous’’.
Alors, de quelle manière sommes-nous ?
Une simple et totale absence objective, qui est la présence du Je suis.
Nous sommes tous Cela ?
Tous, nous ne sommes ni ‘’ceci’’, ni ‘’cela’’, ni rien de conceptuel. Il n’y a là rien de
mystérieux, ni de sacré. Un simple néant phénoménal et l’absence de son concept.
Alors, nous n’avons aucun être positif ?
La positivité et la négativité sont des concepts phénoménaux. Nous ne sommes
absolument pas conceptualisables.
Alors, qui vit ?
Vous ne pouvez trouver l’acteur d’aucun acte, le penseur d’aucune pensée et le
percepteur d’aucune perception. L’introuvable est tout ce que nous sommes, et
l’introuvable est le trouvé.
230
BIBLIOGRAPHIE8

















8
Confusion no more – Ramesh S. Balsekar
L’Appel de l’Être – Ramesh S. Balsekar
The Ultimate Understanding – Ramesh S. Balsekar
Dans la Gueule du Tigre – Ramesh S. Balsekar
Advaita, the Buddha and the Unbroken Whole – Ramesh S. Balsekar
The Happening of a Guru ; A Biography of Ramesh Balsekar
L’Ultime Guérison – Nisargadatta Maharaj
JE SUIS – Sri Nisargadatta Maharaj
The Nectar of Immortality – Sri Nisargadatta Maharaj
Conscience et Absolu : Entretiens Ultimes avec Sri Nisargadatta Maharaj
L’Enseignement de Ramana Maharshi
Qui suis-je ? Sri Ramana Maharshi
Immortelle Conscience – Ramana Maharshi
Vision of the Greatest Mystic Unveiled – Dr G. K. Pillai
Les doigts pointés vers la lune – Wei Wu Wei
Why Lazarus Laughed : The Essential Doctrine Zen-Advaita-Tantra – Wei Wu
Wei
La voie négative – Wei Wu Wei
Quand elles existent, j’ai mis les références des titres traduits en français, NDT
231
À PROPOS DE L’AUTEURE
Parmi les innombrables chercheurs nés en Occident qui se sont tournés vers l’Inde
et qui l’ont considérée comme le symbole de l’ancienne sagesse et de la Conscience
supérieure, beaucoup d’entre eux ont passé de longues périodes en contact étroit
avec des grands Maîtres spirituels et choisi d’investir toutes leurs énergies et tout
leur temps dans l’application de leurs enseignements. Sandra Heber-Percy fait partie
de ces grandes âmes.
Née en 1946, en Italie, Sandra a toujours eu une nature artistique très sensible, qui a
pu trouver à s’exprimer dans la peinture, dans l’écriture et dans la création de mode.
En 1988, elle a visité l’Inde et elle est tout de suite tombée amoureuse de sa culture
colorée et de sa spiritualité profonde.
Après avoir vécu pendant neuf ans à Puttaparthi, Sandra a entrepris de voyager tout
autour de l’Inde pour visiter les lieux saints et pour rencontrer les saints, les sages,
les yogis et les Maîtres illuminés.
Les Himalayas l’attiraient plus spécialement et elle a fini par s’installer en ces lieux,
où ses merveilleux livres ‘’cascadent depuis là-haut et auxquels elle prête juste ses
doigts’’, comme elle dit souvent.
Inspirée par son intuition profonde, elle vit à présent dans les Himalayas sur les rives
d’un fleuve sacré, le Gange, y jouissant de la paix et partageant avec ses lecteurs et
ses lectrices ce que la Conscience souhaite qu’elle saisisse via le Jeu cosmique de
la quête intérieure et d’innombrables saints et sages indiens contemporains.
Parmi les livres qu’elle a publiés, on peut trouver :
En anglais :
 Yogis’ Secrets9
 It’s All One ‘’Man’s’’ Job
En italien :
 Dialogues with the Infinite (vol. I & II)
 The Adepts of the Valley of Flowers
 A Rolls Royce in Exchange of Peace
9
J’en ai extrait et traduit deux excellents chapitres pour en faire deux articles intitulés ‘’Spiritualité : au-delà de
l’hypocrisie et de l’ostentation’’ et ‘’Spiritualité : la chasteté est-elle un must ou une occurrence
consécutive ?’’, NDT.
232


To live like God
The Golden Book
PARTAGE -PDF.WEBNODE .FR
233