
Entretien 
Gwénola David 
 
Gwénola  David  dirige  ARTCENA  -  centre  national  des  arts  du  cirque,  de  la  rue  et  du  théâtre. 
Particulièrement attentive à l’éducation par l’art, elle a assuré la coordination générale de la Belle 
Saison avec l’enfance et la jeunesse, lancée en 2013, manifestation nationale dédiée au jeune public 
et la mise en lumière de la création qui lui est dédiée. 
 
Que ressentez-vous du rapport qu’entretiennent les artistes avec l’éducation par l’art ? 
Gwénola David : Je ressens surtout, à ce propos, une différence entre les générations. En gros, la génération 
des artistes de plus de cinquante ans  a été marquée par une conception dévalorisante et condescendante de 
l’éducation populaire,  et  par  conséquent de  l’éducation  artistique et  culturelle. Effets  de  la  politique  publique 
sans doute, les jeunes compagnies sont, depuis quinze à vingt ans, systématiquement sollicitées à l’endroit de 
la médiation par les chargés de relations publiques des théâtres, et invités à proposer des projets à destination 
des  publics.  Lorsqu’une  compagnie  cherche  à  se  produire,  ceux  qui  la  programment  lui  demandent  quelles 
actions  elle  peut  organiser  sur  le  territoire  du  lieu  où  elle  compte  jouer.  La  diffusion  unique  est  aujourd’hui 
devenue rare, même si cela varie évidemment en fonction des lieux. Un metteur en scène internationalement 
reconnu comme Thomas Ostermeier, par exemple, passe sur des grandes scènes et a un calendrier de tournées 
qui  ne  permet  pas  une  inscription  sur  un  territoire.  En  revanche,  la  demande  est  très  forte  vis-à-vis  des 
compagnies  régionales,  voire  nationales  et  des  artistes  en  résidence.  Le  risque  est  évidemment  celui  d’une 
condescendance redoublée : on considère que certains artistes ont plus important à faire que de rencontrer le 
public par la pratique, et on établit des différences, voire des hiérarchies souvent délétères. Cela étant dit, il est 
évident qu’il faut reconnaître à chacun le droit d’avoir du goût pour ça ou pas, et l’envie d’en nourrir ou pas son 
travail. Ces prestations sont vidées de leur sens quand elles deviennent des obligations. Pour ma part, je milite, 
dans la plus grande des clartés, pour une éducation artistique et culturelle où l’artiste est placé dans son statut 
d’artiste et pas dans celui de l’enseignant : chacun son rôle ! L’artiste doit se mettre à hauteur d’enfant mais il 
faut  aussi  qu’il  demeure  dans  sa  posture  d’artiste  pour  déplacer  les  représentations  de  l’enfant.  Son 
intervention n’a donc  de sens  que s’il  intervient en  tant  qu’artiste. Il  faut, en plus,  qu’il y  ait coanimation et 
coconstruction : un atelier se construit et s’imagine entre l’artiste et l’enseignant ou le médiateur. L’éducation 
artistique ne se décrète pas en lâchant des artistes dans une classe ! 
 
Quels sont les handicaps qui empêchent encore son complet déploiement ? 
G. D. : Il est certain que cette question est affichée comme une priorité des politiques publiques, ce qui ne veut 
pas  dire  que  les crédits suivent. Le  but  de  l’éducation artistique  n’est  pas  de  fabriquer des  spectateurs  pour 
demain mais pour aider l’enfant à construire son humanité. Il y a beaucoup de confusions assez prégnantes sur 
ce sujet. Cette préoccupation est affichée depuis dix ans par le ministère de la Culture mais il manque encore 
beaucoup de  choses, notamment pour  ce  qui  concerne  la  formation initiale des  enseignants. La collaboration 
interministérielle est complexe, autant que l’est celle entre l’Etat, les collectivités territoriales et les structures 
culturelles,  même  si  tous  développent  des  programmes  culturels  pour  arriver  à  sensibiliser  les  publics.  La 
conséquence en est – et tout le monde le reconnaît, que ce soit les artistes ou les enseignants – une grande 
lourdeur  des  montages  de  projets  et  de  leurs  cahiers  de  charges.  Pour  dire  les  choses  encore  autrement : 
l’éducation artistique et culturelle est une préoccupation nationale réelle, mais beaucoup de choses manquent 
encore pour que tous les enfants fassent un parcours artistique et culturel pendant toute leur  scolarité. Trois 
angles morts demeurent : d’abord le manque de moyens, ensuite le mille-feuilles administratif, l’imbrication de 
dispositifs pas toujours cohérents et logiques et le manque d’outils de coordination. Il en est un troisième un 
peu  moins  évident et  qu’a  à  nouveau  posé  le  débat  à  propos  du  pass  Culture.  S’opposent  en  effet  les 
défendeurs d’une vision descendante de la culture, à la Malraux, selon laquelle il existe des œuvres majeures 
de la culture qu’il faut rendre accessible au plus grand nombre, et les partisans de la demande, qui considèrent 
que la subvention de l’offre n’a pas permis une démocratisation de l’accès à l’art et qu’il vaut mieux soutenir la 
demande.  Cela  suppose  que  chaque  enfant  soit  capable  d’élaborer  librement  ses  choix  et  que  les  effets  du 
lavage  médiatique  des  cerveaux  est  sans  effet  sur  cette  demande,  ce  qui  est,  reconnaissons-le,  au  moins  à 
discuter ! 
 
Dans quelle mesure participez-vous à la promotion de l’éducation artistique et culturelle ? 
G. D. : ARTCENA est un centre de ressources qui aide les professionnels à mener leurs projets, les secteurs de 
la  création  à  se  développer  et  soutient  la  création  contemporaine.  Informations  et  documentations  sont 
disponibles sur place, rue de la Folie-Méricourt, à Paris, et par internet. En plus de conseils et de formations, 
nous  développons  toute  une  action  de  ressources  sonnantes  et  trébuchantes,  et  de  promotion  nationale  et 
internationale des spectacles. Nous sommes associés à la Coopérative pour l’éducation par l’art, mise en place 
en 2018 après l’appel de Robin Renucci pour une vraie mise en œuvre de l’éducation artistique et culturelle. Elle 
regroupe  une  trentaine  de  structures  (petites  et  grandes)  dans  les  différents  champs  artistiques.  Les 
participants  œuvrent  concrètement  à  la  mise  en  place  de  l’éducation  artistique  et  culturelle  par  le  partage 
d’expériences, tout bêtement parce que, là comme ailleurs, la bonne idée du voisin peut être utile. Nous avons 
choisi un fonctionnement horizontal, et, au fil du temps, des chantiers ont été dégagés au-delà des constats. 
Parmi  ces  chantiers,  un  des  plus  important  est  consacré  à  la  formation,  en  veillant  toujours  à  rester  très 
attentifs aux retours du terrain. Un autre est consacré à la mise en place d’une veille des ressources afin d’aider 
à  la  mutualisation  des  expériences  et  de  réussir  à  dégager  des  critères  d’évaluation  des  projets  d’éducation 
artistique et culturelle. C’est dans cet esprit que nous lançons un projet très concret sur la fabrique de l’écriture 
en  lien  étroit  avec  Les  Grand  Prix  de  littérature  dramatique  et  littérature  dramatique  jeunesse  que  nous 
décernons chaque année. Avec quelques classes des académies de Paris et de Créteil et en partenariat avec le 
Conservatoire, nous proposons tout un parcours qui commencera le 12 octobre 2020 et qui croisera lecture des 
œuvres, ateliers d’écriture, découverte du Conservatoire et de ses métiers, rencontre avec les dramaturges et