SOUFIS ET FIERS DE L’ÊTRE Le soufi ne s’incline devant nul autre que Dieu. Traditionnel ♦ Le soufisme est un mode de vie. Ce n’est ni une religion ni une philosophie. Il y a des soufis hindous, des soufis musulmans, des soufis chrétiens…nous n’appartenons à aucun pays ni à aucune dénomination, mais nous agissons toujours en accord avec les besoins des gens de l’époque. Bhai Sahib ♦ FAITES TOUT CE QUE VOUS POUVEZ Au cœur de la nuit, un soufi se mit à pleurer. Il dit : ‘’Ce monde est pareil à un cercueil fermé dans lequel Nous sommes prisonniers, et dans lequel, par ignorance, Nous passons nos vies dans la folie et dans l’affliction. Quand la mort vient ouvrir le couvercle du cercueil, Celui qui a des ailes s’envolera vers l’Eternité, Mais ceux qui n’ont pas d’ailes resteront enfermés dans le cercueil. Aussi mes amis, avant que le couvercle du cercueil ne soit enlevé, Faites tout ce que vous pouvez pour devenir un oiseau sur la voie de Dieu, Faites tout ce que vous pouvez pour développer vos ailes et vos plumes.’’ Attar ♦ PARVENIR À DIEU Le soufi est la personne qui dès le départ entend parvenir à Dieu, la Vérité Créatrice. Tant qu’il n’a pas trouvé cette Vérité, il ne se repose pas et ne fait attention à personne. Pour Toi, je franchis les terres et les mers. Pour Toi, je traverse le désert et je brise la montagne en deux Et je détourne mon visage de toute chose Jusqu’à ce que je parvienne à l’endroit Où je suis seul avec Toi. Hallaj ♦ NE T’ENORGUEILLIS PAS Kabir, ne t’enorgueillis pas de ton corps, Cette housse de peau remplie d’os. Des princes qui montèrent des étalons royaux Sous des ombrelles d’or Reposent maintenant sous terre. Kabir, ne t’enorgueillis pas De tes splendides palais. Aujourd’hui ou demain, Le sol sera ton lit Et l’herbe recouvrira ta tête. Ne t’enorgueillis pas de ta chance, Kabir, Et ne méprise pas le désespéré : Ton navire est toujours en mer— Qui connaît son destin ? Kabir, ne t’enorgueillis pas De ta beauté et de ta jeunesse. Aujourd’hui ou demain, Tu devras les abandonner, Comme un serpent sa propre peau. Kabir ♦ SOYEZ UN PASSANT Soyez dans ce monde comme si vous étiez un passant, un voyageur avec vos vêtements et vos souliers pleins de poussière. Parfois vous vous assoirez à l’ombre d’un arbre, parfois vous marcherez dans le désert. Soyez toujours un passant, car ce monde n’est pas votre foyer. Hadith du Prophète ♦ LES CHOSES DE CE MONDE Quelqu’un interrogea une fois le Saint Prophète : ‘’Qu’avez-vous à dire A propos des choses de ce monde ? ’’ Le Prophète dit : ‘’Que puis-je dire à leur propos ? On ne les obtient que par un dur labeur, On ne les garde que par une vigilance incessante, Et on les abandonne à regret.’’ Cheik Ansari ♦ LA VIEILLE SORCIÈRE (1) Une fois, le monde fut révélé à Jésus sous la forme d’une vieille sorcière hideuse. Il lui demanda combien de maris elle avait eus. ‘’Je ne m’en souviens plus’’, répondit-elle. Puis il lui demanda s’ils étaient morts ou s’ils avaient divorcé. Elle répondit qu’elle les avait tous tués. ‘’Ce qui me stupéfie’’, dit-il, ‘’c’est le nombre d’imbéciles qui voient ce que tu as fait aux autres et qui te veulent encore.’’ Ghazali ♦ LA VIEILLE SORCIÈRE (2) Le monde est rusé comme une vieille sorcière Et ses combines sont infinies. Elle nous a piégés dans ses filets— Très peu en réchappent jamais. Ne comptez jamais sur vos propres forces, Vous ne pouvez pas vous libérer tout seul. Appelez Dieu et accrochez-vous à Lui. Ne vous vantez jamais : ‘’Je lutterai contre le monde ! Je ne serai jamais la victime de ses jeux ! Je vivrai en paix, Et jamais je ne céderai à ses ruses !’’ Même si vous lui résistez pendant deux cents ans, A la fin, croyez-moi, Vous serez conquis. Le Jour de la Résurrection, Chacun hurlera de douleur A cause de la sorcière et de ses ruses. La seule âme heureuse est celle Qui se détache d’elle rapidement Et qui ne la regarde jamais avec envie. Elle sait que c’est un dangereux reptile et elle s’enfuit— Aussi vite qu’elle en est capable sur les ailes de la prière, De l’adoration et du jeûne—dans le monde au-delà. Nul n’a jamais échappé au Dragon, Excepté celui qui prend refuge en Allah. Sultan Valad ♦ HÄTEZ-VOUS VERS LA SOURCE Cachée derrière le voile du mystère, la Beauté est à jamais libre de la moindre trace d’imperfection. A partir des atomes du monde, Il a créé une multiplicité de miroirs. Dans chacun d’eux, Il a projeté l’image de Son Visage. Pour l’œil averti, tout ce qui semble beau n’est qu’un reflet de ce Visage. A présent que vous avez vu le reflet, hâtez-vous vers la Source. Dans cette Lumière primordiale, le reflet disparaît complètement. Ne vous attardez pas loin de cette Source originelle. Quand le reflet s’évanouira, vous serez perdu dans les ténèbres. Le reflet est aussi éphémère que le sourire d’une rose. Si vous voulez la permanence, dirigez-vous vers la Source. Si vous voulez la fidélité, cherchez la Mine de fidélité. Pourquoi déchirer votre âme pour quelque chose qui est ici un moment et qui aura disparu l’instant d’après ? Jami ♦ VOUS ETES LE VOILE Sachez ceci : vous êtes vous-même le voile qui vous sépare de vous. Sachez aussi que vous ne pouvez atteindre Dieu par vous-même. Vous L’atteignez par Son intermédiaire. Lorsque Dieu vous fait grâce de la vision de L’atteindre, Il vous somme de Le chercher et vous le faites. Junayd ♦ CE QUE DIEU DÉPOSA EN CHAQUE ÊTRE HUMAIN Dieu déposa la connaissance de toutes choses en chaque être humain, et puis les empêcha de la percevoir : ceci est l’un des mystères divins que la raison nie complètement et pense impossible. La proximité du mystère, pour ceux qui ne le connaissent pas, est comme la proximité de Dieu vis à vis de Son serviteur, comme il est proclamé dans Ses mots : ‘’Nous sommes plus proches de Lui que toi, mais tu ne le vois pas’’ (Coran 56 : 83) et ‘’Nous sommes plus proches de Lui que Sa veine jugulaire’’ (Coran 50 : 16). En dépit de cette proximité, le serviteur ne perçoit ou ne connaît rien. Personne ne peut connaître ce qu’il y a à l’intérieur de lui-même avant que cela ne lui soit révélé moment après moment. Ibn Arabi ♦ LA SECONDE NAISSANCE Vous êtes une mine dont la terre est mélangée à de l’argent. L’argent est caché dans la mine. La terre est visible, comme le corps Et comme l’âme, l’argent est caché. Extrayez l’argent de la terre. La terre est sans valeur et jetée sur le côté. La valeur de la terre vient de l’argent. Sans lui, elle n’est que terre, Et quoique cette terre provienne de la mine, En même temps que l’argent, Elle n’acquiert pas la même valeur. S’il ne s’échappe pas de lui-même, Il restera inutile et stérile. Il ne sera bon à rien Et ne sera jamais forgé en un calice précieux. Pensez à une huître que vous pêcheriez Et qui n’aurait donné naissance à aucune perle. Quelle est son utilité ? Qui voudra l’acheter ? Sa valeur n’apparaîtra à aucun œil, Aussi averti soit-il. Vous devez donc vous donner naissance à vous-même une seconde fois, Comme l’argent et l’or qui sont nés de la terre Et vous libérer de tout danger Et vivre en paix sous la protection de Dieu… Quand la terre de la mine est jetée dans le four, Elle fond, se transmute et devient précieuse. Vous aussi, si vous êtes un chercheur véritable, vous devez fondre Dans le four de l’absolue sincérité Par la passion du feu de l’amour. Comment pourriez-vous vous libérer autrement des voiles De votre existence et devenir ivre de Dieu ? Oui, il vous faut naître deux fois, une fois de votre mère, Et la seconde fois, de vous-même. Vous êtes déjà passé par la première naissance. A présent, efforcez-vous d’atteindre la seconde Pour pouvoir connaître le secret de l’Union. Consacrez votre âme à la voie de la Réalité Pour pouvoir recevoir l’aide et l’enseignement de Dieu. Sultan Valad ♦ QUE VOTRE DESTINÉE SOIT LA GLOIRE OU LA DISGRACE Que votre destinée soit la gloire ou la disgrâce, Purifiez-vous de la haine et de l’amour du moi. Polissez votre miroir et cette sublime Beauté Des régions de mystère Flamboiera dans votre cœur Comme elle le fit pour les saints et les prophètes. Alors, le cœur en feu avec cette splendeur, Le secret du Bien-Aimé ne sera plus caché. Jami ♦ LES VRAIS NOMS Ceux qui savent disent que la personne qui veut connaître l’Essence Divine par des noms, des attributs et des actes ressemble au rêveur qui dans son sommeil voit des images qui ne sont pas réelles. Ceux qui connaissent les vrais noms, les vrais attributs et les vraies actions de Dieu sont ceux qui par le biais de la vision mystique ont atteint une compréhension de l’Essence et qui ensuite descendent au niveau des noms et des attributs. Ils ont compris que c’est l’Essence Absolue de Dieu qui se manifeste à chaque instant sous l’apparence d’un nom et d’un attribut. Ils sont pleinement éveillés et voient la réalité des choses. Lahiji ♦ CEUX QUI SAVENT Ceux qui savent Que les milliards de couleurs et de formes Emanent d’une seule couleur, une seule forme Ne prêtent pas la moindre attention Aux castes et aux divisions. Ceux qui ne reconnaissent pas Dieu Meurent. Ceux qui donnent leur cœur A tout, sauf à Dieu Meurent. Ceux qui s’extasient à propos des Ecritures Meurent également. Ils vénèrent les mots Mais ne réalisent jamais L’Esprit au-delà des mots. Tout ce qu’ils font en fait, C’est appliquer du fard A des yeux déjà aveuglés par des préjugés. Ô Cheik Tazi, réalise Une fois pour toutes Que le Seigneur de l’Eternité réside Dans chaque pot. Kabir ♦ L’ÂME QUI NE VIT PAS EN DIEU N’EST PAS VIVANTE Le printemps fait apparaître les fleurs rouges et blanches sur les arbres, Mais le printemps, origine des couleurs est incolore. Comprenez ce que j’ai dit et cessez de parler. Courez jusqu’à l’Origine sans couleur et unissez-vous à Elle. Anéantissez-vous dans l’Existence Unique Pour que des milliers de mondes jaillissent de vous Et que votre pure existence flamboie d’elle-même Et continue à engendrer différentes formes. Bien sûr, aucune de ces formes ne durera. Heureux est celui qui connaît ce mystère ! Heureux est celui qui donne sa vie pour connaître ceci ! Il quitte cette maison pour une autre, beaucoup plus lumineuse. Vous ne pouvez pas comprendre ce mystère par la raison. La Voie de la Connaissance passe par la souffrance et par le tourment. Si vous ne ressentez pas la douleur, vous ne chercherez pas la guérison. L’âme qui ne vit pas en Dieu n’est pas vivante. Elle ressemble à une âme, mais ne mérite pas ce nom. Elle n’a pas été vivifiée par le Bien-Aimé. L’âme reçoit la vie des quatre éléments, Comme une lampe qui brûle la nuit : Cette lumière provient de l’huile et d’une mèche, elle n’est pas éternelle. Tant que l’huile existe, la lampe brûle, puis s’éteint. Celui que Dieu a rendu vivant ne mourra jamais. Il vit par Dieu, et non pas par l’or ou le pain. Dieu est la Lumière, la Source Eternelle de Lumière. Cette Lumière est sans cause, comme l’est Son éclat radieux. Comme l’or, la valeur de Dieu vient de son essence pure et parfaite. Sultan Valad ♦ EN CE CORPS En ce corps, Il y a des champs et des forêts enchantées, Les sept mers et d’innombrables étoiles. En ce corps, Il y a la pierre de touche et le bijoutier. En ce corps, L’Eternel ne cesse de chanter Et Sa source coule, coule, coule. Kabir dit : ‘’Ecoute, mon ami, écoute— Mon bien-aimé Seigneur est à l’intérieur.’’ Kabir ♦ LE SECRET DE L’UNIVERS Le non-être est le miroir de l’Etre Absolu. Là, l’éclat de la réalité est reflété Et saisit son reflet en une seconde. L’unité se manifeste dans la pluralité, Tout comme lorsque vous comptez un, il devient multiple. Tous les nombres commencent par un. Pourtant, vous ne pouvez jamais trouver leur fin. Comme le non-être est pur en lui-même, C’est en lui que se reflète le ‘’trésor caché’’. Lisez le hadith ‘’J’étais un trésor caché’’ Pour pouvoir pénétrer ce mystère infini. Le non-être est le miroir, le monde est le reflet, L’homme est l’œil reflété de la Personne Invisible. Vous êtes cet œil reflété, Il est la lumière de l’œil, Et dans cet œil, Son œil voit Son propre œil. Le monde est un homme et un homme est un monde. Lorsque vous plongez dans l’abîme de ce mystère, Vous êtes à la fois le voyant, l’œil qui voit et ce qui est vu. La tradition sacrée l’a affirmé Et démontré ‘’sans yeux ou oreilles’’— Sachez alors que l’univers entier est un miroir. Dans chaque atome nichent cents soleils flamboyants. Fendez le cœur d’une seule goutte d’eau, Cent océans purs en jailliront. Examinez un seul grain de poussière, Mille Adam en sortiront. En ses membres, une mouche est comme un éléphant. Dans ses qualités, une goutte de pluie est comme le Nil. L’univers entier est caché Dans le cœur d’un grain de millet. Le cœur d’un grain d’orge Est plus riche que cent récoltes. Dans l’aile d’une mouche Pulse l’océan de Vie. Dans la pupille de l’œil S’ouvre le ciel infini. Peu importe la petitesse du grain du cœur, Le Seigneur du monde entier y a fait Sa demeure. Là, les deux mondes n’en font plus qu’un : Le Tentateur manifeste la terrible majesté de Dieu, Et Adam Sa divine beauté. Contemplez le monde comme il est, Les anges se mêlent aux diables, Satan avec Gabriel. Tout est assemblé comme un noyau et son fruit— Le non-croyant avec le croyant, le loyal avec le déloyal. Chaque chose est unie sur la pointe de diamant du présent— Les cycles et les saisons, le jour, le mois, l’année, Le monde sans commencement ni fin. La mission de Jésus coïncide avec la création d’Adam : De chaque point de ce cercle toujours en rotation Naissent des milliers de formes. En tournant, chaque point est Parfois un centre, parfois une circonférence. Si vous deviez enlever un seul atome de sa place, L’univers entier s’écroulerait. Le Tout est un tourbillon vertigineux ; pourtant aucune de ses parties Ne se trouve au-deçà des limites de la contingence Car l’Emanation garde tout dans la dépendance. Chaque chose se désespère d’être séparée du Tout. Chaque chose voyage incessamment et pourtant demeure à sa place. Chaque chose est toujours en mouvement et pourtant toujours en paix— Sans jamais commencer, sans jamais finir. Chaque chose connaît son essence, et c’est pourquoi Chaque chose se hâte toujours vers le Trône. Sous le voile de chaque atome est cachée La beauté ravissante du visage du Bien-aimé ! Shabistari ♦ LA DÉCOUVERTE J’ai trouvé quelque chose de si rare, De si miraculeux Que personne ne peut estimer Sa valeur. Il est incolore et Un. Il est éternel et indivisible. Les vagues du changement ne L’atteignent jamais. Il remplit chaque récipient. Il n’a pas de poids. Il n’a pas de prix. Nul ne peut Le mesurer. Nul ne peut Le compter. Il ne peut être connu, Ni par le langage ni par l’érudition. Il n’est ni lourd ni léger. Aucune pierre de touche dans aucun monde Ne peut révéler sa valeur. Je vis en Lui, Il vit en moi Et nous sommes un, comme de l’eau Mélangée à l’eau. Qui le connaît Ne peut jamais mourir. Qui ne Le connaît pas Meurt encore et toujours. Kabir ♦ LA BALANÇOIRE Entre les poteaux du ‘’conscient’’ et de l’ ‘’inconscient’’, L’esprit a suspendu une balançoire. Y sont suspendus tous les êtres, tous les mondes, Et jamais elle ne cesse d’osciller. Des millions d’êtres s’y assoient, Et le soleil et la lune aussi. Des millions d’ères vont et viennent, Mais la balançoire reste. Tout bascule ! Le ciel et la terre, l’air et l’eau, Et le Bien-aimé en personne, Lorsqu’Il prend forme. Voir ceci A fait de Kabir un serviteur. Kabir ♦ Ô DIEU, ACCORDE-MOI L’AMOUR DE TOI Le Prophète enseigna cette prière à ses compagnons : ‘’Ô Dieu, accorde-moi l’amour de Toi et d’aimer ceux qui T’aiment et d’aimer tout ce qui me rapproche de Toi. Ô Dieu, que Ton amour soit pour moi plus précieux que l’eau fraîche pour l’assoiffé.’’ Ghazali ♦ LE SEUL REMÈDE La source de ma souffrance et de ma solitude se trouve au tréfonds de mon cœur. C’est une maladie qu’aucun médecin ne peut guérir. Seul l’union avec l’Ami peut la guérir. Rabia ♦ VIDE-MOI DE TOUT SAUF DE TON AMOUR Seigneur, fais-moi tituber avec le vin De Ton Amour ! Entoure mes pieds Des chaînes de Ton esclavage ! Vide-moi de tout sauf de Ton amour Et en lui, détruis-moi et ressuscite-moi ! Toute faim que Tu suscites Ne peut finir qu’en Festin ! Cheik Ansari ♦ Ô AMOUR Ô Amour, Ô Amour pur et profond, sois ici, sois maintenant. Sois tout—les mondes se dissolvent dans ta radiance immaculée et infinie. Avec toi, les frêles feuilles flamboient plus que les froides étoiles— Fais-moi ton serviteur, ton souffle, ton âme. Rumi ♦ UNE PREUVE CERTAINE Frères, ma paix est dans ma solitude. Mon Bien-aimé est seul avec moi là, toujours. Dans tous les mondes, je n’ai rien trouvé Qui pouvait rivaliser avec Son amour, Cet amour qui tourmente les sables de mon désert. Si j’en venais à mourir de désir Et que mon Bien-aimé ne soit toujours pas satisfait, Je vivrais dans le désespoir éternel. Renoncer à tout ce qu’Il a conçu Et tenir dans la paume de ma main La preuve certaine qu’Il m’aime— C’est le nom et le but de ma recherche. Rabia ♦ LE VERITABLE ADORATEUR DE DIEU Bien-aimé Seigneur, Ou bien je suis fou, Ou bien Ton monde l’est. L’adoration même dont Tu n’as cure Est celle dans laquelle tout le monde est piégé. Pour ce qui est du culte que Tu aimes, Personne n’en sait quasi rien. T’aimer Toi, T’aimer Toi et personne d’autre, C’est l’adoration qui Te réjouit. C’est la raison pour laquelle l’âme fut séparée de Toi— Pour Te retourner par l’adoration. Pourquoi s’enferrer dans des formalités vides ? Je chante la gloire de mon amour. Je chante ce que j’ai moi-même vu. Qui parvient au rang d’amant Est le véritable adorateur de Dieu. Kabir ♦ Ô SEIGNEUR Ô Seigneur, Si demain, le Jour du Jugement Dernier, Tu m’envoies en Enfer, Je divulguerai un tel secret Que l’Enfer s’éloignera de moi De mille années-lumière. Ô Seigneur, Quelle que soit la part de ce monde Que tu puisses me donner, Donne-la à Tes ennemis. Quelle que soit la part du prochain monde Que tu veuilles me donner, Donne-la à Tes amis. Pour moi, Tu es assez. Ô Seigneur, Si je Te vénère Par crainte de l’Enfer, brûle-moi en Enfer. Si je Te vénère Dans l’espoir du Paradis, Ferme-moi ses portes. Mais si je Te vénère pour Toi seul, Alors, accorde-moi pour toujours la splendeur de Ta face. Rabia ♦ UNE HISTOIRE QUI ILLUSTRE LA RÉALITÉ DE L’AMOUR Un jeune homme qui aimait Dieu se tourna vers le désert. Son père, chagriné par son absence, ne pouvait manger ni dormir. Un ami de la famille s’insurgea contre le comportement du fils. Celui-ci ne put que répondre : ‘’Mon Ami m’a revendiqué comme Sien. Maintenant, je ne puis plus avoir d’autre amitié que la Sienne. Lorsqu’Il me révéla Sa beauté, tout ce que je vis d’autre me parut irréel. Ceux qui L’aiment ne peuvent aimer personne d’autre. Leurs sens sont fermés et muets d’adoration, leurs oreilles sourdes à tout reproche. Sans caravane, ils vagabondent dans le désert de la divine connaissance. Ils ne nourrissent aucun espoir de compréhension ni d’approbation de la part de leurs semblables, car ils sont les élus des élus de Dieu. Sadi ♦ LA FEMME DU DÉSERT Une fois, je rencontrai une femme dans le désert. ‘’D’où viens-tu ?’’, lui demandai-je. ‘’De mon pays d’origine.’’ ‘’Où vas-tu ?’’ ‘’Chez moi.’’ ‘’Où sont tes provisions ?’’ ‘’Celui qui m’a appelée m’accorde tout ce dont j’ai besoin parce que j’ai foi en Lui.’’ ‘’N’as-tu pas d’eau ?’’ ‘’Seuls ceux qui ont peur emmènent de l’eau.’’ ‘’N’as-tu pas d’âne ou de chameau ? Le voyage est long.’’ ‘’J’ai quatre montures différentes. La première est la résignation, et je m’y assois chaque fois que la Providence de Dieu m’opprime. Puis, quand viennent des temps difficiles, je monte la patience et pratique l’endurance. Puis, quand je suis bénie par la grâce divine, je m’assieds sur la monture de la gratitude et je loue Dieu. Chaque fois que je suis bénie de l’amour de Dieu, je monte l’étalon du désir ardent.’’ Elle tourna son regard vers le ciel et dit : ‘’Ô Seigneur, Ton amour a consumé mon âme, m’a poussée hors de chez moi et transformée en voyageur errant.’’ La femme se mit à pleurer et je lui demandai pourquoi. ‘’Le désir ardent partout me tire et pourtant, mon Ami est absent. Mon cœur est rendu fou par l’amour et complètement indifférent à lui-même. Comment puis-je trouver la paix quelque part ?’’ Je vis par sa passion qu’elle était sincère. ‘’Quelle est la vraie voie qui mène au Transcendant ?’’, lui demandai-je. ‘’Chercher le Bien-aimé avec le cœur sur les échelles du Monde Invisible.’’ Abu Muhammed Morta’ash ♦ SI TU NE BRÛLES PAS DE DÉSIR Nuit et jour, j’ai gaspillé ma vie Avec ceux que je croyais être mes amis Et maintenant je suis terrifiée. Le palais de mon Seigneur se situe si haut Que mon cœur tremble en montant les marches, Mais à présent, je ne puis plus être timide Si j’espère un jour gagner Son amour. Mon cœur doit s’accrocher à Lui. Je dois écarter tous mes voiles Et Le rencontrer de tout mon être. A présent mes yeux doivent accomplir La cérémonie des lampes de l’amour. Kabir dit : ‘’Ecoute, mon amie— Celui qui aime, sait. Si tu ne brûles pas de désir Pour le Bien-aimé, Ne prends pas la peine d’envelopper ton corps dans de la soie, Ne prends pas la peine de maquiller tes yeux. Kabir ♦ HISTOIRE DU PAPILLON DE NUIT ET DE LA CHANDELLE Quelqu’un dit à un papillon de nuit : ‘’Va-t’en, ridicule petite créature et associe-toi avec quelqu’un de ta propre espèce. Ton amour est trop différent de celui de la chandelle. Tu n’es pas une salamandre—ne volette pas autour du feu. Il te faut être brave avant de pouvoir te battre. Il est absurde d’essayer d’embrasser comme un ami quelqu’un que tu sais être ton ennemi.’’ ‘’Que m’importe-t-il si je brûle ?’’, répondit le papillon de nuit.’’ Mon cœur est plein d’amour et la flamme de la chandelle est comme une fleur pour moi. Je ne me jette pas dans le feu de ma propre volonté. La chaîne de Son amour est autour de mon cou. Tu peux te moquer de mon amour pour mon Ami autant qu’il te plaît. Je suis heureux de mourir à Ses pieds. Je brûle parce qu’Il m’est précieux et parce que ma destruction peut L’émouvoir. Il ne faut pas demander à un homme désespéré à qui les rênes ont échappé de conduire prudemment.’’ Sadi ♦ NE SOIS SATISFAIT QUE DE MOI Ma Joie, Ma Nostalgie, Mon Sanctuaire, Mon Ami, Ma Nourriture pour le voyage, Mon But final— Tu es mon esprit et mon espoir. Tu es mon désir ardent. Tu es tout mon Bien. Sans Toi, ô ma vie, mon amour— Je n’aurais jamais traversé Ces pays interminables. Combien de dons et de grâces Tu m’as faits ! Combien de faveurs Tu m’as distribuées de Ta main ! Je cherche Ton amour dans toutes les directions. Et puis soudain, sa bénédiction brûle en moi. Ô Capitaine de mon cœur, Œil brillant de désir dans ma poitrine— Jamais je ne serai libre de Toi, Aussi longtemps que je vivrai. Ne sois satisfait que de moi, Vie de mon cœur, Et je suis comblée. Rabia ♦ DIEU SE CONTEMPLE LUI-MÊME À TRAVERS L’HOMME Dans sa Roseraie du Mystère, Shabistari écrit : ‘’Par amour est apparu tout ce qui existe Et par amour, ce qui n’existe pas semble exister.’’ Shabistari veut dire ici que l’homme est l’œil du monde et que le monde est le reflet de Dieu et que Dieu Lui-même est la lumière de cet œil. L’homme est l’œil qui regarde dans le miroir et tout comme le miroir reflète le visage de la personne qui regarde dedans, le reflet lui-même possède un œil. Au même instant où l’œil regarde dans le miroir, le reflet de cet œil le regarde. Dieu qui est l’œil de l’homme se contemple à travers l’homme. Ce point est extrêmement subtil. D’un certain point de vue, Dieu est l’œil de l’homme. D’un autre, l’homme est l’œil du monde, parce que le monde et l’homme sont un. Cet homme—qui est l’œil du monde—est appelé l’Homme Parfait. Puisque l’homme est un résumé de tout ce qui existe, il est un monde en lui-même et la relation qui existe entre Dieu et l’homme existe entre l’homme et le monde. Lahiji ♦ RIEN QUE POUR TOI Dans mon corps, la vie ne pulse rien que pour Toi. Mon cœur bat suivant Ta volonté. Si sur ma tombe, une touffe d’herbe Devait pousser, Chaque brin tremblerait De ma passion pour Toi. Cheik Ansari ♦ NE ME BLÂME PAS Ne me blâme pas si je mise Ma vie entière sur Ta voie ; Que puis-je faire ? C’est tout ce que j’ai. Je bouterais le feu A l’arbre de la vie Si je pouvais saisir une branche embrasée Des flammes de Ton amour… Khusrawi ♦ AUSSI LONGTEMPS QUE JE VIVRAI Aussi longtemps que je vivrai, je mangerai et boirai La douleur de T’aimer. Je ne la céderai à personne, Même quand je serai mort. Demain, Le Jour de la Résurrection, Je m’avancerai avec cette soif Qui me tenaillera toujours. Hamadani ♦ SEULS LES AMANTS NE SERONT PAS DÉTRUITS Le Jour du Jugement Dernier, le Seigneur de la Sagesse demandera aux érudits : ‘’Qu’avezvous fait avec la connaissance et l’érudition que Je vous ai données ?’’ Ils répondront : ‘’Nous les avons utilisées sur la Voie.’’ Alors, le Seigneur de la Sagesse dira : ‘’Vous êtes des menteurs.’’ Il poursuivra : ‘’Vous dites que vous avez utilisé votre connaissance et votre érudition ‘’sur la Voie’’. Balivernes ! Vous les avez utilisées à mendier des éloges, à tenter de vous faire passer pour des savants, à soutirer la vénération des masses.’’ Le Seigneur de la Magnificence demandera aux riches : ‘’Qu’avez-vous fait avec la richesse que Je vous ai donnée ?’’ Ils diront : ‘’Nous l’avons distribuée sur la Voie.’’ Alors, le Seigneur de la Magnificence et ses anges diront : ‘’Vous mentez, vous n’avez distribué que juste assez que pour que les gens disent que vous étiez charitables.’’ Puis le Seigneur du Pouvoir convoquera tous ceux qui ont sacrifié leur vie dans des Guerres Saintes et Il leur demandera : ‘’Qu’avez-vous fait de votre vie ?’’ Ils répondront : ‘’Nous l’avons donnée pour la Voie.’’ Le Seigneur du Pouvoir et les anges riront, les traiteront de menteurs et diront :’’Vous n’avez sacrifié votre vie que pour que les gens disent que vous étiez courageux et qu’ils vous qualifient de martyrs.’’ Ghazali ♦ L’ÂME-ÉPOUSE SE LANGUIT DE SON ÉPOUX, LE BIEN-AIMÉ Quand viendra ce jour, Mère, Où Celui pour qui je suis venue au monde Me serrera contre Son cœur d’un amour éternel ? J’aspire à la félicité de l’union divine. J’aspire à perdre mon corps, mon esprit et mon âme, Et à devenir une avec mon époux. Quand ce jour viendra-t-il, Mère ? Epoux, exauce maintenant le désir que j’ai Depuis avant que l’univers ne soit créé. Pénètre-moi entièrement et libère-moi. Seule, pendant ces terribles années sans Toi, Je me languis et me languis de Toi. Je passe des nuits sans sommeil à Te chercher, Fouillant l’obscurité Avec des yeux écarquillés et désespérés. Quand ce jour viendra-t-il, Mère ? Quand mon Seigneur me serrera-t-il contre Son cœur ? Mon lit désert, comme une tigresse affamée, Me dévore à chaque fois que je tente de dormir. Ecoute la prière de ton esclave— Viens et éteins ce feu douloureux Qui consume mon âme et mon corps. Quand me serrera-t-Il contre Son cœur ? Quand ce jour viendra-t-il, Mère ? Kabir chante : ‘’Si jamais je Te rencontre, mon Bien-aimé, Je m’accrocherai à Toi si férocement que Tu fondras en moi. A l’intérieur de Toi, je chanterai des chants d’union, Des chants de béatitude éternelle qui dissolvent le monde.’’ Kabir ♦ LA TRAÎNE DE LA ROBE DE LA BIEN-AIMÉE Un derviche apparut dans une tribu de Bédouins. Un jeune homme lui offrit un repas. Alors que le jeune homme était en train de servir le derviche, il tomba en syncope. Le derviche demanda aux autres Bédouins présents la raison de son évanouissement et ils dirent : ‘’Il est tombé passionnément amoureux de sa cousine. Alors qu’elle se déplaçait dans sa tente, le jeune homme a aperçu la poussière soulevée par la traîne de sa robe et s’est évanoui.’’ Le derviche se rendit dans la tente de la jeune fille et lui dit :’’Je souhaiterais intercéder en faveur du jeune homme. Montre-lui tes faveurs ! Son amour pour toi est si grand !’’ La jeune fille sourit. ‘’Il ne peut même pas supporter d’apercevoir la traîne de ma robe. Comment imaginez-vous qu’il pourrait vivre en ma présence ?’’ Sadi ♦ LE SEIGNEUR EST EN MOI Le Seigneur est en moi et le Seigneur est en toi, Tout comme la vie est cachée dans chaque graine. Aussi ravale ton orgueil, mon ami, Et cherche-Le à l’intérieur de toi. Lorsque je m’assieds dans le cœur de Son monde, Un million de soleils étincèlent de lumière, Une mer bleue lumineuse s’étale dans le ciel, Le désarroi de la vie se calme Et les traces de la souffrance s’éliminent. Ecoutez les cloches et les tambours muets ! L’amour est ici. Plongez dans son ravissement ! Les pluies se répandent sans eau. Les rivières sont des courants de lumière. Comment pourrais-je jamais exprimer Combien je me sens béni De baigner dans une telle extase Dans mon propre corps ? C’est la musique De la rencontre de l’âme et de l’âme, De l’oubli de toute peine. C’est la musique Qui transcende toute allée et venue. Kabir ♦ JE SUIS LA RELIGION DE l’AMOUR Mon cœur est devenu capable de prendre toutes les formes : C’est un pâturage pour les gazelles Et un monastère pour les moines chrétiens, Un temple pour les idoles Et la Ka’ba des pèlerins, Les tablettes de la Torah Et le Livre du Coran. Je suis la religion de l’Amour : Qu’importe le chemin qu’emprunte le chameau de l’Amour, C’est ma religion et ma foi. Ibn Arabi ♦ LAISSE-MOI ÊTRE FOU Ô Incomparable Donneur de vie, détache donc la raison ! Qu’elle vagabonde tristement de vanité en vanité. Fais éclater mon crâne et verses-y le vin de la folie ! Laisse-moi être fou, comme Toi, fou avec Toi, avec nous. Au-delà du bon sens des idiots, il y a un désert brûlant Où ton soleil tourbillonne dans chaque atome : Bien-aimé, entraîne-moi là-bas, laisse-moi rôtir dans la Perfection ! Rumi ♦ JE NE SUIS PAS A BLÂMER Si le ciel résonne de mes cris, je ne suis pas à blâmer, Ni si le désert scintille de mes larmes… Tu es mon âme—je Te pourchasse— Qui pourrait me blâmer pour pourchasser mon âme ? Rumi ♦ TA FOLIE EST LE DIAMANT L’univers ne contemple rien d’autre que Ton Visage. Lorsqu’elles Te voient, les âmes pleurent et arrachent leurs peaux. Dans les yeux de ceux que la passion a rendus sages, Ta folie est le diamant, la fontaine du Paradis. Rumi ♦ PAS DE FIN Un jour sur une plage, je rencontrai une vieille femme qui me révéla de nombreux mystères de la Voie. Je lui demandai : ‘’Quelle est la fin de l’amour ?’’ Elle se mit à rire et dit : ‘’Espèce d’idiot ! L’amour n’a pas de fin !’’ Je lui demandai : ‘’Pourquoi ?’’ Et elle répondit : ‘’Parce que le Bien-aimé n’a pas de fin.’’ Dhu al-Nun ♦ LA ROSE La souffrance et la joie ont la même forme dans ce monde : Vous pouvez appeler la rose un cœur ouvert ou un cœur brisé. Dard ♦ PAS DE GLOIRE SANS BRAVOURE Nasrudin s’adressa à une grande foule et cria : ‘’Voulez-vous la connaissance sans épreuves, la vérité sans mensonge, l’accomplissement sans labeur et le progrès sans sacrifice ?’’ Tout le monde cria : ‘’Oui !’’ ‘’Merveilleux’’, dit Nasrudin. ‘’Moi aussi, et si jamais un jour j’y parviens, je serai heureux de vous le faire savoir.’’ Nasrudin ♦ QUI PEUT GUÉRIR MA MALADIE ? Qui peut guérir ma maladie ? Je suis devenu un exclu. Que sont devenues famille et maison ? Nul chemin n’y ramène et aucun ne conduit à ma Bien-aimée. Mon nom et ma réputation sont anéantis, comme du verre brisé sur les rochers. Le tambour qui autrefois annonçait de bonnes nouvelles est cassé et à présent, tout ce que mes oreilles entendent, c’est le battement du tambour cruel de la séparation. Obéissant, je suis ma Bien-aimée. C’est elle qui possède mon âme. Si elle m’ordonne d’être ivre, je le suis. Si elle me dit d’être fou, je le suis. Majnun dans Leyla et Majnun de Nizami ♦ COMMENT POURRAIS-JE NE PAS LE CONNAÎTRE ? On demanda à un Bédouin : ‘’Connaissez-vous le Seigneur ?’’ Il répondit : ‘’Comment pourrais-je ne pas connaître Celui qui m’a envoyé la faim, qui m’a dépouillé et appauvri et qui m’a conduit à errer de pays en pays ?’’ A ces mots, il entra en extase. Abu Said Ibn Abi Khayr ♦ IL SAIT Il sait tout ce qu’il y a de bon et tout ce qu’il y a de mauvais en nous. Rien ne Lui est caché et rien ne peut Lui être caché. Il sait aussi quel est le meilleur remède Pour guérir notre mal Et sauver ceux qui sont voués à la destruction. Soyez humble, car Il exalte les humbles. Cheik Ansari ♦ Ô MON DIEU ET MON CREATEUR Ô mon Dieu et mon Créateur, Bien que Tu m’affliges De tourments de toutes sortes, Ce n’est rien en comparaison Que d’être éloigné de Toi ! Et même si Tu me bénis De toute la richesse du ciel, Ce sera toujours moins que l’extase Que Ton amour a répandu dans mon cœur. Roqiyah ♦ LA GLOIRE VÉRITABLE Il est glorieux pour une personne de supporter le poids des problèmes que lui impose le Bienaimé : en réalité, la mauvaise fortune est la gloire et la prospérité l’humiliation. La gloire est ce qui vous rend présent à Dieu et l’humiliation ce qui vous éloigne de Lui. Mahjub ♦ DIS À MON CRUEL COMBIEN JE SOUFFRE Hier, je T’ai envoyé une étoile comme messager. Je lui ai dit : ‘’Porte mes salutations à ma Lune de Beauté.’’ Je me suis prosterné : ‘’Transmets cette prosternation à mon Soleil, Lui qui par Son éclat transmute les pierres en or !’’ J’ai ouvert mon cœur, lui ai montré ses blessures Et je lui ai dit : ‘’Dis à mon cruel combien je souffre !’’ J’ai avancé en titubant jusqu’à ce que mon cœur, cet enfant devienne calme ; Un enfant s’endort si vous balancez son berceau. Bien-aimé, à chaque seconde, Tu guéris mille épaves comme moi ! Depuis le début, le Royaume de l’Union avec Toi A toujours été et sera toujours le vrai refuge de mon être : Combien de temps exileras-tu mon cœur torturé ? Rumi ♦ NE REPROCHEZ PAS À L’AMOUR Ne reprochez pas à l’Amour la douleur qu’il apporte. L’Amour est le roi de toutes les voies, Et le cœur qui n’est pas ivre de désir Est déjà mort. C’est un cimetière. Kabir ♦ LA SOUFFRANCE ET LE TRESOR INFINI Nul n’a jamais atteint par la souffrance Le Trésor Infini de l’Union— Néanmoins, bizarrement, sans souffrir, Personne n’a jamais vu ce Trésor. Abu Said ♦ LA ROBE D’HONNEUR Quel que soit le coup qui vous tombe du ciel, Attendez pour recevoir après une robe d’honneur : Il n’est pas un roi qui vous bat Sans vous donner ensuite une couronne et un trône pour vous reposer. Le monde vaut moins que l’œil d’un moustique, Pourtant, pour un simple coup, la récompense est infinie : Otez maintenant de votre cou le collier en or du monde, Recevez sans vous protéger les coups envoyés par Dieu. Les Prophètes n’ont-ils pas reçu une volée de coups ? Cette douleur est ce qui les força à garder la tête haute. N’abandonnez jamais, même un seul instant, votre être le plus intime ; Que le Bien-aimé vous trouve toujours à la maison. Sinon, Il ôtera Sa robe d’honneur et Il dira : ‘’Je suis venu Moi-même le voir et Je n’ai trouvé personne.’’ Rumi ♦ LA VÉRITABLE CONNAISSANCE J’ai découvert que ceci était la véritable connaissance— Ceux qui se précipitent pour monter à bord d’un bateau Coulent comme une pierre au milieu du courant, Alors que les sans-logis et les délaissés Atteignent l’autre rive. Ceux qui osent prendre La route épineuse et sinueuse Arrivent finalement au but. Ceux qui flânent sur la route facile Se font voler ou même tuer, Peu après leur départ. Chacun est pris dans la toile de l’illusion— Le soi-disant ‘’saint’’ autant que le profane, Et ceux qui courent se réfugier Sous l’estrade confortable De la forme, du rituel et du dogme— Eh bien, l’ouragan de la vie les balaie. Restez à découvert. Vous serez au sec et en sécurité. Ceux qui ne sont jamais déchirés par l’Amour Vivent dans l’ennui et dans la douleur ; Ceux que l’Amour dévore comme un cannibale Vivent dans le bonheur éternel. Ceux qui perdent leur propre vision En viennent à voir toute la Création Brillant dans leur propre Lumière ; Ceux qui s’attachent à leurs vues Restent aveugles comme des chauves-souris en plein midi. Quand je commençai à m’éveiller à la Vérité, Je vis à quel point le monde est réellement bizarre et fou. Kabir ♦ LE DERNIER VOILE Le but final de l’amour est de devenir dépouillé comme le désert. Tant que l’amour en est au stade initial du voyage, la forme du Bien-aimé fournit la nourriture intérieure dont l’amant a besoin. Cependant, une fois que l’amour a atteint son but final, il laisse toute forme loin derrière lui. Juste avant d’atteindre cette ultime étape, la forme du Bien-aimé apparaît dans toute sa splendeur et se pose en obstacle entre l’amant et l’amour. Tous les efforts possibles doivent alors être faits pour enlever ce dernier voile. Ghazali ♦ HISTOIRE D’UNE GOUTTE DE PLUIE Une goutte de pluie tomba d’un nuage, aperçut pour la première fois la grandeur de l’océan et fut stupéfaite et honteuse. ‘’Que suis-je à côté de l’océan ?’’, murmura-t-elle en elle-même. ‘’Comparé à l’océan, je suis moins que rien. C’est comme si je n’existais pas du tout.’’ Emue par le mépris de la goutte envers elle-même, une huître la prit dans son cœur et le Sort façonna ainsi sa destinée qu’elle devint finalement une perle royale exceptionnelle. Elle fut élevée, parce qu’elle était humble. Elle frappa à la porte de l’anéantissement et elle devint enfin vivante. Sadi ♦ MOURIR DE S’ABANDONNER Meurs de t’abandonner, et tu vivras toujours. Sois mis à mort par l’abandon— Et la mort n’existera plus pour toi— Tu seras déjà mort. Poème traditionnel persan ♦ LES SOUFFRANCES SONT DES AILES Un homme qui ne connaît pas la souffrance mystique N’est pas vraiment vivant. Il est comme de la glace. La souffrance de l’âme est un signe de vie. Elle témoigne de la soumission à Dieu. Le corps vit par l’âme. L’âme vit par cette sainte souffrance. Qui en est privé Ne peut être appelé un être humain. Une femme enceinte n’accouche jamais sans douleur. Une armée ne conquiert jamais sans difficulté. L’union sans souffrance est impossible— Un cœur froid ne s’en approche jamais. Les souffrances sont les ailes de l’oiseau de l’âme. Un oiseau sans ailes ne peut prendre son envol. Ainsi pleure, gémis, lamente-toi, mon ami, Afin de pouvoir te libérer de cette prison Et de t’envoler vers ce lieu invisible où tu seras A jamais libre dans le ciel infini de Dieu. Sultan Valad ♦ NE COMBATTEZ PAS LA VOLONTÉ DE DIEU Avec Sofyan Thawri, je fis une visite à Rabia alors qu’elle était malade. Sa présence nous impressionna tellement, cependant, qu’aucun de nous ne pouvait prononcer un mot. ‘’Dis quelque chose, fis-je finalement à Sofyan. ‘’Pourquoi ne demandes-tu pas à Dieu d’atténuer ta douleur ?’’, demanda-t-il à Rabia. ‘’C’est Lui qui veut que je souffre, n’est-ce pas évident pour vous ?’’, répondit-elle. ‘’Oui’’, dis-je. ‘’Vous dites oui, mais vous me pressez encore de poursuivre mon propre désir contre le Sien, bien qu’il soit mal de lutter contre la Volonté du Bien-aimé.’’ Abdul Wahed Ebn Aer ♦ LE TRAVAIL VÉRITABLE Hasan de Basra s’adonnait à des pratiques ascétiques extrêmes par lesquelles il obtint certains pouvoirs occultes qu’il était très fier d’exhiber. Un jour, il aperçut Rabia au bord de la rivière. Il lança sur l’eau son tapis de prière et lui cria : ‘’Rabia, viens ! Prions ensemble !’’ Rabia répondit : ‘’Est-il vraiment nécessaire que tu te vendes ainsi ? Si c’est le cas, c’est parce que tu es faible.’’ Alors, Rabia s’éleva dans les airs sur son tapis de prière et cria : ‘’Hasan, viens me rejoindre. Tout le monde nous verra !’’ Hasan qui n’était pas aussi avancé qu’elle resta silencieux. Rabia lui dit : ‘’Ce que tu as fait, un poisson peut le faire. Ce que j’ai fait, une mouche peut le faire. Le travail véritable se situe au-delà de nos tours. La seule chose nécessaire est d’accomplir le travail véritable.’’ Rabia ♦ SUR LA SINCÉRITÉ Hasan Basri, Malik Dinar et Shaqiq Balkhi rendirent visite à Rabia. Ils parlèrent de la sincérité. Hasan dit : ‘’La personne sincère est patiente sous les coups de Son Seigneur.’’ Rabia dit : ‘’Cela empeste l’égoïsme.’’ Shaqiq dit : ‘’La personne sincère est celle qui se réjouit sous les coups de son Seigneur.’’ Rabia rit : ‘’Vous pouvez sûrement trouver mieux que cela !’’ Tous les trois dirent : ‘’Eh bien Rabia, à ton tour, maintenant.’’ Rabia dit : ‘’La personne sincère oublie toute blessure dans la vision de son Seigneur. Pourquoi ceci serait-il absurde ? Les Egyptiennes n’oublièrent-elles pas qu’elles se coupaient les mains quand elles contemplèrent stupéfaites la beauté de Joseph ?’’ Rabia ♦ L’ACTE DE PATIENCE LE PLUS DIFFICILE Un homme vint trouver Shebli et lui dit : ‘’Quel est l’acte de patience le plus difficile pour quelqu’un qui est patient ?’’ Shebli dit : ‘’La patience en Dieu.’’ ‘’Non’’, dit l’homme. ‘’La patience pour Dieu.’’ ‘’Non.’’ ‘’La patience avec Dieu.’’ ‘’Non.’’ Shebli s’emporta et dit : ‘’Eh bien, tu m’énerves ! Qu’est-ce que c’est ?’’ ‘’La patience sans Dieu.’’ Shebli poussa alors un cri qui faillit déchirer son âme. Sarraj ♦ RABIA ET L’ÂNE Rabia décida d’entreprendre le pèlerinage à La Mecque et partit dans le désert. Elle prit avec elle un âne qu’elle chargea avec ses rares possessions. Cependant, au beau milieu du désert, l’âne mourut. Les autres membres de la caravane dirent : ‘’Nous transporterons tes affaires pour toi.’’ Rabia répondit : ‘’Je ne suis pas arrivée jusqu’ici en plaçant ma foi et ma confiance en vous. Continuez.’’ C’est ainsi que la caravane continua sans elle. Rabia s’écria : ‘’Ô mon Seigneur, les vrais rois traitent-ils une femme sans défense de cette façon ? Tu m’as invité dans Ta demeure et maintenant, Tu tues mon âne en plein milieu du voyage et Tu m’abandonnes toute seule dans le désert.’’ L’âne se releva immédiatement. Rabia le chargea à nouveau et poursuivit son pèlerinage. La personne qui raconta cette histoire a dit que peu de temps après elle vit que l’on vendait ce petit âne. Rabia ♦ BÉNÉDICTION DEGUISÉE Un jour, Nasrudin buvait du thé avec un groupe de chercheurs. L’un d’eux (qui croyait tout savoir) se leva et dit : ‘’Mon maître m’a appris que l’humanité ne pourra jamais évoluer comme elle se doit, tant que la personne qui n’a pas été injustement traitée ne s’indigne pas autant à propos d’une injustice que celle qui l’a été.’’ Le groupe béa d’admiration devant la profondeur supposée d’une telle déclaration. Puis Nasrudin dit : ‘’Mon maître m’a appris que nul ne devrait se mettre en colère à propos de quoi que ce soit avant d’être certain que ce qu’il croit être une injustice en soit réellement une—et non une bénédiction déguisée.’’ Nasrudin ♦ CELUI QUE TU TUES Celui que Tu tues, Seigneur, Ne sent pas le sang, Et celui que Tu brûles, Ne sent pas la fumée. Celui que Tu brûles rit en se consumant Et celui que Tu tues Pousse un cri d’extase, Quand Tu le tues. Cheik Ansari ♦ LA CORDE Lorsqu’al-Hallaj fut mis en prison Pour avoir dit qu’il était un avec Dieu, Shebli, son ami, lui demanda : ‘’Quel est l’amour dont tu parles ?’’ ‘’Viens demain et je te le dirai’’, Répondit al-Hallaj. Demain arriva et Shebli le trouva Devant la potence. Al-Hallaj le regarda et dit : ‘’Maintenant tu peux voir la réponse : L’amour commence par séduire le ‘’je’’ Et se termine ainsi : ‘’Son nœud coulant se resserre de plus en plus Pour extraire le moi, Puis vient le test de la Croix. Reste si tu comprends ; sinon, pars tout de suite.’’ Cheik Ansari ♦ FANA : L’ANÉANTISSEMENT Quand Dieu, le Seul, l’Unique, le pleinement victorieux se révèle à l’un de Ses serviteurs en Sa qualité de destructeur, alors ce serviteur voit tout anéanti. Alors, ‘’tout est anéanti sauf Son Visage.’’ Comme le dit le Coran : ‘’Tout sur terre sera anéanti et il ne restera plus que le Visage de Votre Seigneur qui est à la fois terrible de majesté et généreux.’’ Il est indispensable de mourir avant la mort pour connaître cet état. Cette mort doit se dérouler selon un choix voulu et résolu et cette personne en qui cet état de mort apparaît verra le total anéantissement de tout sauf de Dieu et n’existera plus elle-même. Cette non-existence est la non-existence totale. Cet état est connu comme l’ ‘’anéantissement en Dieu’’ : rien ne reste, sauf la splendeur divine. Qui parvient à connaître cet état est détruit et anéanti. Pourtant, Dieu lui accorde aussi une existence au cœur de Sa propre existence et le pare d’éclat divin. Toutes ses qualités intérieures et extérieures sont transformées. Ce jour-là, la terre devient une toute autre terre et le ciel, un tout autre ciel. Puis, Dieu Lui-même donne à la personne qui connaît cet état une vision, une ouïe et une langue divines. Son serviteur passe de la non-existence à l’existence de Dieu Lui-même. Sa compréhension et sa connaissance réelles commencent après ceci. Ibn Arabi ♦ TOTALEMENT BRÛLÉ Quand votre cœur est consumé par le désir et réduit en cendres, la brise de l’Amour se lève, balaye les cendres, et remplit le ciel et la terre du totalement brûlé. Kharaqani ♦ LES DEUX ÉBAHISSEMENTS On demanda une fois à Dhu al-Nun : ‘’Quelle est la première étape que le gnostique doit franchir ?’’ Il répondit : ‘’L’ébahissement, puis le besoin, puis l’union, et puis de nouveau l’ébahissement.’’ Le premier ébahissement est l’ébahissement vis à vis des actes et des dons de Dieu à son égard, car il voit que sa gratitude ne pourra jamais égaler les dons de Dieu et il sait qu’il doit être reconnaissant pour eux. Il sait aussi que, même s’il est reconnaissant, cette gratitude ellemême est un don de Dieu pour lequel il devrait être reconnaissant. Le deuxième ébahissement se situe dans le désert sans piste de l’unification où la compréhension du gnostique se perd complètement et où son intellect se ratatine devant la grandeur du pouvoir de Dieu, Sa capacité à inspirer la crainte mêlée d’admiration et Sa majesté. Ce deuxième ébahissement enlève tout orgueil, car il lui enseigne qu’il ne peut jamais rien savoir. Il parcourt désert après désert, gloire après gloire. Kalabadhi ♦ DANS LE DÉSERT DU SANS-ATTRIBUT Les parfaits ont réalisé tous les rangs et tous les états et les ont dépassés jusqu’au rang audessus de la majesté et de la beauté. Ils n’ont pas d’attributs et sont indescriptibles. Quelqu’un demanda à Bayazid : ‘’Comment allez-vous ce matin ?’’ Il répondit : ‘’Je n’ai ni matin ni soir. Matin et soir appartiennent à quelqu’un que des attributs limitent, et je n’ai pas d’attributs.’’ Ibn Arabi ♦ L’AMOUR OCCUPE ET ORNE MA DEMEURE Qui penses-tu que je suis ? Un ivrogne ? Un idiot abruti par l’amour, un esclave de ses sens rendu fou par le désir ? Comprends—Je plane loin au-dessus de tout cela, je suis le Roi de l’Amour dans toute sa splendeur. Mon âme est purifiée de la nuit de la luxure, mon désir est purifié de toutes les faims obscures, mon esprit est libre de toute honte. J’ai démoli le bazar fourmillant des sens dans mon corps. L’Amour est l’essence de mon être. L’Amour est le feu et je suis le bois carbonisé par la flamme. L’Amour occupe et orne ma demeure. Mon moi a fait son baluchon et a disparu. Tu imagines que tu me vois, mais je n’existe plus. Ce qui reste est le Bien-aimé. Majnun dans Leyla et Majnun de Nizami ♦ L’ÉPIPHANIE DE L’ESSENCE La persistance en Dieu qui advient aux êtres parfaits signifie que le chercheur de Vérité arrive après son anéantissement à l’épiphanie de l’Essence qui le conduit à l’état de supra-existence : il se voit alors dans l’Absolu sans plus d’individualité matérielle, corporelle ou spirituelle. Il établit que sa conscience inclut tout ce que l’univers entier contient, tous les attributs divins et qu’il ne voit qu’une seule Réalité. C’est la véritable Unité Divine. Ainsi que l’écrivit Shabistari : Bayazid qui s’écria ‘’Gloire à Moi ! ’’, à ce moment même Entra dans le Royaume de ces sublimes vérités. C’est pour cette raison même que cet Océan de Pureté dit : ‘’Il n’y a rien sous ma robe à part Dieu.’’ Al Hallaj qui déclara ‘’Je suis la Suprême Réalité’’ Comprit aussi la même vérité finale. Hélas, cela fut pris pour de la prétention blasphématoire. Mahomet qui proclama : ‘’Il n’y a rien d’autre que Dieu dans les deux mondes’’, Avait également raison et parlait du niveau de la connaissance totale. Si aucune trace d’individualité ne demeure en vous, Vous comprendrez ce que je viens juste d’exprimer. Lahiji ♦ L’OURAGAN DE L’AMOUR L’ouragan de l’Amour est venu ! Le tourbillon de la Connaissance est arrivé ! Le toit de chaume de l’Illusion A été projeté dans les quatre directions ! Ma hutte de l’Illusion Si soigneusement conçue S’est couchée par terre ! Les deux mâts de la dualité Se sont écroulés ! Les chevrons du désir Ont été fendus par l’éclair ! La foudre a frappé L’avant-toit de l’avidité ! La grande jarre de pierre des mauvaises habitudes S’est brisée en mille morceaux ! Par la contemplation et la pure dévotion, Les saints ont reconstruit mon toit. Il est solide et fixe à présent Et jamais ne fuit ni ne goutte. Quand les mensonges et toute tromperie Fuirent la maison de mon corps, Je réalisai le Seigneur Dans toute Sa splendeur. La pluie tomba à seaux. Après la tempête, Des torrents d’amour divin Me trempèrent corps et âme. Puis le soleil perça, Ô Kabir, Le Soleil de la Gloire, le Soleil de la Réalisation Et les ténèbres disparurent à jamais. Kabir ♦ L’HISTOIRE DE L’AMOUR L’histoire de l’Amour ne peut jamais être racontée. C’est le sorbet de l’homme muet Qui le mange et qui sourit silencieusement. Sans aucune terre et sans aucune graine, L’arbre de l’Amour Divin pousse et pousse, Chargé d’un million de fruits éclatants Que mon Amant choisit pour que je goûte. L’histoire de l’Amour ne peut jamais être racontée. Lorsque je calmai mon esprit Et entrai dans mon cœur, L’Amour du Seigneur Bondit comme une flamme à l’intérieur de moi. Toutes mes vieilles idées et vieilles croyances S’envolèrent comme de la balle au vent. Ce n’était pas en raison de ce que je suis, Ce n’était pas en raison de ce que je fis, Mais seulement à cause de Lui et de Sa grâce miraculeuse et folle Qu’enfin j’appris la leçon de l’Amour. C’en est fini de mes allées et venues : Mon esprit s’est fondu dans l’Esprit. Ne me demandez plus de parler— L’histoire de l’Amour ne peut jamais être racontée. Kabir (Référence : Andrew Harvey, Perfume of the desert)