BOUQUINS Collection fondée par Guy Schoeller et dirigée par Jean-Luc Barré À DÉCOUVRIR AUSSI DANS LA MÊME COLLECTION L’Aventure des mots de la ville, sous la direction de Christian Topalov, Laurent Coudroyde Lille, Jean-Charles Depaule et Brigitte Marin Le Bouquin des citations, par Claude Gagnière Le Bouquin des dictons, par Agnès Pierron Le Bouquin des mots du sexe, par Agnès Pierron Dictionnaire de l’argot, par Albert Doillon, préface de Claude Duneton Dictionnaire des symboles, par Jean Chevalier et Alain Gheerbrant Marc FUMAROLI, Le Livre des métaphores Histoire et art de l’écriture, par Marcel Cohen, Jérôme Peignot et Charles Paillasson Les Langages de l’humanité, par Michel Malherbe avec la collaboration de Serge Rosenberg Pour tout l’or des mots, par Claude Gagnière « Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. » © Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 2016 En couverture : © Illustration studio Robert Laffont EAN : 978-2-221-19848-3 Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. Suivez toute l’actualité de la collection Bouquins www.bouquins.tm.fr Nous dédions le présent ouvrage à nos prédécesseurs, colligeurs vivants et passés, amateurs ou académiques – tous beaux jardiniers du langage qui nous ont permis d’assembler ce BOUQUET. PRÉFACE À LA NOUVELLE ÉDITION Si vous ne connaissez pas Le Bouquet, avant la lecture de cette courte préface, nous vous engageons à lire les deux textes de présentation de la première édition : la passionnante introduction intitulée « 400 ans d’imaginaire du français » et l’indispensable « Mode d’emploi » qui explique la construction de l’ouvrage. * * * Voici donc une nouvelle édition du Bouquet des expressions imagées, selon la formule consacrée, « revue, corrigée et augmentée ». « Revue ». Une révision permet d’améliorer, d’aménager, de rendre plus lisible… Pour ce faire, nous nous sommes penchés sur les explications des expressions : nous en avons ajouté de place en place, nous en avons complété ou modifié. Une étymologie, le signalement de variantes de l’expression ou l’explication de sa construction, une idée présente bien avant l’apparition de la locution figurée elle-même sont des éléments de compréhension pour le lecteur. Certaines expressions qui n’en avaient pas ont été enrichies par des exemples, car rien ne vaut la mise en situation pour comprendre un usage ! « Corrigée ». Répartition par thème de sens, déroulé chronologique dans chaque thème : l’ouvrage repose sur ces deux axes. La datation a donc été au centre de notre attention. Nous avons tenté d’être toujours plus précis quant à l’époque d’apparition d’une expression. Par exemple, nous savions que parmi les locutions figurées réunies par Oudin dans ses Curiosités e françoises (1640) beaucoup existaient déjà au XVI siècle. Il fallait aller y voir de plus près. Ainsi, nous avons lu de nombreux textes de cette époque, ce qui nous a permis de mieux cerner la période de naissance de certaines expressions. Nous avons procédé au même affinement pour les autres siècles. Plusieurs fois, des lectures nous ont permis aussi d’ôter le flou autour de l’apparition d’une expression – concernant aussi bien sa date que le motif de son invention – et de trouver ce qui est quasi certainement à son origine (voir, par exemple, « retourner à ses chères études »). « Augmentée ». Rappelons que nous avions fabriqué l’ossature du premier Bouquet avec un e certain nombre d’ouvrages de langue : essentiellement ceux d’Oudin et de Furetière au XVII siècle, e de Delvau et de Larchey au XIX . Nous avions ensuite étoffé le squelette de muscles et de chair avec d’autres ouvrages de référence, puis avec des romans, des chansons, des journaux… C’est cet enrichissement qui est continué ici. Il fallait bien entendu ajouter des expressions anciennes qui manquaient dans la première e e édition, en particulier pour ce qui concerne les XVIII et XX siècles – il y a tant de locutions figées et de manières de dire ! – et intégrer des expressions nouvelles entrées dans le langage du plus grand nombre. Augmentation limitée, toutefois, pour ces dernières : la relecture de la première édition nous y a invités. En effet, nombre des locutions figurées des années 1980 que nous avions intégrées sont depuis – déjà – surannées. Nous ne les avons pas supprimées, nous avons simplement indiqué qu’elles ne s’utilisaient plus. Même si, comme nous le disions en 1990, il faut être prudent quant à la désuétude, pour ces expressions-là, nous pensons ne pas nous tromper : nées comme un effet de mode, elles n’ont pas eu le temps de s’ancrer. Nous avons donc restreint notre choix de nouvelles expressions. Ainsi, celles figurant dans l’ouvrage existent depuis plusieurs années et sont utilisées par un grand nombre de locuteurs : elles ne disparaîtront pas trop vite, nous en faisons le pari. On le percevait déjà dans les années 1980, et cela n’a fait que s’accentuer : les manières de dire d’aujourd’hui sont souvent polysémiques, chaque expression est une sorte de couteau suisse, son sens dépendant du contexte d’utilisation. L’inventivité langagière, à chaque époque, dit quelque chose de la société, des préoccupations de ses contemporains. Il y a trente ans, la création d’expressions montrait le souci de l’apparence et le goût de la rapidité. Aujourd’hui, elle se fait beaucoup autour de l’agressivité et du ratage. Mais l’époque n’est pas totalement triste, le rire est présent aussi… * * * Certains textes ont été de vraies mines d’or pour préciser l’époque d’apparition d’une expression. CORRESPONDANCE ENTRE MME DE SABRAN ET LE CHEVALIER DE BOUFFLERS, de 1777 à 1787. Ils se rencontrèrent en 1776, ils se marièrent en 1797. Leur longue liaison fut entretenue par une correspondance soutenue, surtout en 1786-1787, alors que Boufflers était gouverneur du Sénégal. (Cette riche correspondance a donné lieu à de nombreuses éditions partielles, sous divers titres. Nous avons principalement utilisé les deux volumes édités par Sue Carrell et parus sous les titres Le Lit bleu, 1777-1785 et La Promesse, 1786-1787, chez Tallandier.) Tout écrit intime (journal, lettres) permet de repérer des tournures de langue « familière » et donc généralement non encore entrées dans la littérature. LE PÈRE DUCHESNE, journal du révolutionnaire Jacques-René Hébert, qui parut de 1790 à 1794. Son « épluchage » nous a permis de remonter à l’époque révolutionnaire la datation de certaines e expressions que nous n’avions enregistrées qu’au XIX siècle. MÉMOIRES DE CASQUE D’OR. Amélie Élie, dite Casque d’Or, prostituée, fut l’amante de deux chefs de bandes rivales parisiennes, Manda de la Courtille et Leca de Charonne. Ses Mémoires ont été publiés en dix-huit livraisons dans la revue littéraire Fin de siècle, entre le 5 juin et le 3 août 1902 (et réédités en livre au Mercure de France en 2008). L’ouvrage nous a permis de fixer au tout e début du XX siècle des expressions dont on savait qu’elles se disaient entre 1900 et 1930. La date de 1902 ainsi repérée à l’écrit nous indique que l’expression existait dans le langage oral, au e minimum chez les Apaches, et assez sûrement chez le peuple parisien, à la fin du XIX siècle. En outre, que ces Mémoires aient été écrits par Amélie elle-même ou par le journaliste Henri Frémont, ce qui est plus probable, n’a aucune importance : ce qui fait sens pour nous, c’est la date. Pendant aux voyous : la police. Nous nous sommes beaucoup servis des trois volumes des Souvenirs de police (1923-1926) d’ERNEST RAYNAUD, commissaire un peu particulier, lié avec Verlaine, poète lui-même. Raynaud est un raconteur hors pair des situations rencontrées par un policier dans les salons mondains et dans la rue parisienne. Là encore, les ouvrages nous ont permis de préciser et/ou de remonter des datations, certaines expressions n’étant jusqu’ici e répertoriées qu’au milieu du XX siècle. JULIEN BLANC : les trois volumes de son autobiographie. Julien Blanc, né en 1908 et mort en 1951, a connu orphelinat, maison de redressement, bagne militaire, guerre d’Espagne… Il a déjà écrit trois romans quand Jean Paulhan lui donne ce conseil : « Vous avez tort de vous obstiner à écrire des œuvres d’imagination. Crachez d’abord votre vie, vous reviendrez au roman plus tard. » Conseil que Blanc suit, rédigeant Confusion des peines (1943), Joyeux, fais ton fourbi (1947) et Le Temps des hommes (1948), long récit d’une vie hors de l’ordinaire. Ces volumes (réédités entre 2011 et 2013 par l’excellente maison d’édition Finitude) racontent, avec une mémoire fidèle quant à la manière de dire, sa vie dans l’entre-deux-guerres. Ils sont une source précieuse des façons de parler de l’époque, en particulier le deuxième volume, qui traite de la vie dans les bat’ d’Af’. e Enfin, nous avons pu effectuer certaines vérifications, en particulier pour le XVI siècle, grâce aux travaux de PIERRE ENCKELL, passionné de langage et de textes « mineurs » – nous mentionnions déjà l’importance de ses Datations et documents lexicographiques dans la première édition de ce Bouquet. Outre ces mines, nous avons lu des centaines de textes. Certains pour rien – ce qui pour nous veut dire « pas d’exemple suffisamment intéressant » ou « pas de datation plus ancienne » –, d’autres pour citer un seul passage en illustration ou pour attester une unique date, d’autres encore pour quelques confirmations d’époque ou quelques citations. Vous les rencontrerez au fil du livre. Et Internet, qui n’existait pas en 1990 ? Oui, mille fois oui, pour les anciens dictionnaires que l’on peut télécharger d’un clic sur son ordinateur et pour les textes rares que l’on peut y trouver (Gallica, Projet Gutenberg, etc.) ! Pour quelques sites fondamentaux (au premier rang desquels Le Trésor de la langue française informatisé, ou TLF), et d’autres très utiles pour confirmer une information (Bob). Mais la plupart de ceux qui s’intéressent à la langue ont un intérêt limité : on y trouve beaucoup de redites, de répétitions des mêmes erreurs ou historiettes fausses, bien qu’amusantes, liées à des expressions. Écran ou papier, notre lecture particulière n’a pas changé, la recherche de textes méconnus non plus. * * * Nous avons commencé à travailler sur cette « encyclopédie des locutions figurées » en 1986. Cela nous prendrait un an, croyions-nous. Le travail a duré quatre ans. La première édition est donc sortie en 1990, et nous pensions déjà à une réédition – pour l’an 2000, pourquoi pas. Parce que ce type d’ouvrage ne peut jamais être achevé, il laisse toujours un goût de trop peu, un goût de manque. Le temps a passé, la vie, les projets, et nous ne nous sommes remis dans l’idée de retravailler Le Bouquet qu’en 2010. Nous avons alors commencé à trier les documents accumulés durant ces vingt années – car nous étions en veille, et de temps à autre, chacun de notre côté, nous dénichions un ouvrage suffisamment intéressant pour l’« éplucher », nous tombions sur un texte permettant d’expliquer une expression ou en donnant un bon exemple, nous trouvions une attestation à une date plus ancienne que celle que nous avions indiquée, nous notions l’apparition d’une locution… Puis Claude Duneton est tombé gravement malade, il est décédé en 2012. J’ai donc établi cette réédition seule, puisqu’il le souhaitait. Elle lui est dédiée. Sylvie Claval Lagleygeolle, le 21 avril 2016 400 ANS D’IMAGINAIRE DU FRANÇAIS Le parler que j’ayme, c’est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu’à la bouche ; un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant délicat et peigné comme véhément et brusque : Haec demum sapiet dictio, quae feriet. (Le parler qui frappe est un bon parler.) MONTAIGNE, Essais, Livre I, ch. 26. La fin de notre siècle s’en vient. Déjà les trompettes, de toutes parts, annoncent le suivant – avec une étrange retenue, cependant, et infiniment plus de crainte que l’on aurait imaginé il y a quelques décennies, quand « l’an 2000 » faisait encore florès… L’an 2000 ! Mots magiques, ferment d’un imaginaire débridé. Magnifique illusion d’un bonheur promis, personnel et social, d’une félicité éternelle et scientifique ! L’importance des transformations mécaniques avait fait e monter la fièvre de l’espoir si haut que le XXI siècle devait marquer pour l’homme occidental l’entrée au paradis terrestre de la modernité… Demain on rase gratis ! Les très anciens mythes de prudence furent bousculés par un nouvel imaginaire en fusion – les déconvenues d’Icare aux ailes de cire furent écartées en riant. Il nous reste, au moins provisoirement, le souvenir de ces espérances ; car si les dieux qui ont présidé à la naissance du monde nous ont masqué l’avenir sous le voile épais d’un nuage, le passé, lui, appartient à l’homme en propre, et rien ne saurait le lui arracher. Vieille scie des antiques philosophes : le passé est inaltérable, hors de l’atteinte des inventeurs, et des dieux mêmes. Horace le disait, le vieux chanteur « aux oreilles pendantes », qui vécut juste avant Jésus : Ces dieux, nos maîtres absolus Sur le passé n’ont plus d’empire ; Peuvent-ils changer ou détruire 1 Ce qui vit le jour qui n’est plus ? Quoi qu’il en soit, ce siècle numéro XX aura marqué notre ère, chrétienne du nom, de révolutions si vastes que les conséquences n’en seront équitablement mesurées que dans les siècles à venir – si, toutefois, les hommes n’ont pas perdu d’ici là toute idée de mesure ! C’est une banalité de souligner l’ampleur des chamboulements que les mœurs ont subis, les habitats, les techniques, la pensée – le temps de la vie lui-même… Cette banalité vaut pourtant que l’on s’étonne, en se retournant vers ces régions du temps sur le point de disparaître, d’où nous venons. e Aussi vrai que l’on s’inquiéta de la naissance du Christ seulement au VI siècle après lui, il est maintenant convenable que l’on s’interroge, avant de franchir le cap du troisième millénaire approchant, légitime que l’on s’émeuve… Cette émotion de nous, passants, plus que jamais s’appelle l’Histoire. Pour ce qui est de la langue française, qui est ici le sujet de notre attention, le moins que l’on puisse en dire est qu’elle aura fort bien traversé la tourmente. La langue est justement ce qui tient le mieux au cœur des peuples ; elle matérialise cet élan de vie qui nous cheville à nous-mêmes, nous empêchant de flotter trop haut, trop loin de nous… e Depuis le début du XX siècle en tout cas, nous aurons assisté à une étonnante expansion du français, et d’abord sur ses propres terres : son enracinement dans les couches populaires de la nation, jadis largement plurilingues et dialectophones, aujourd’hui entièrement « francisées », ou infiniment peu s’en manque. Cet étalement s’est accompagné d’un brassage inégalé entre les couleurs variées de cet idiome variant au gré des différentes couches sociales ; ce remue-ménage langagier s’est trouvé particulièrement favorisé, dès 1914, par ce « coup de pied dans la fourmilière » que fut la Première Guerre mondiale. Il en est résulté dans l’usage ordinaire et quotidien d’aujourd’hui une unité d’expression qui s’était perdue dans notre pays – toutes choses e égales et région par région – depuis le début du XVI siècle ou environ. De nos jours, tous les membres de la communauté parlent et entendent un français plus ou moins riche, certes, mais à peu près égal à l’intérieur du même espace géographique ; la langue tend à s’égaliser d’année en année, très remarquablement d’une décennie à la suivante, par l’effet conjugué des médias audiovisuels, de l’école, et aussi – il ne faut jamais l’oublier – par la jeunesse des locuteurs. Les informations télévisées, par exemple, sont diffusées sur la totalité du territoire dans une édition unique, écoutée et théoriquement comprise par tous, âges confondus, hommes ou femmes, à la ville comme à la campagne : une situation linguistique qui ne s’était pas présentée vraisemblablement depuis les époques très lointaines de l’agora d’Athènes ! La chose nous paraît si naturelle que personne ne songe à s’en émerveiller… Pourtant, cela e n’aurait pas été possible, tous progrès techniques mis à part, disons au milieu du XIX siècle. Il y a cent cinquante ans, en supposant le problème technologique de la télévision résolu par une baguette magique, la diversité des langues nationales en usage aurait exigé une « stratégie de la communication » infiniment plus complexe. Pour obtenir un résultat similaire dans les diffusions des nouvelles en 1840, il aurait d’abord fallu un premier journal télévisé dans la langue officielle de base, le français littéraire et bourgeois, aussitôt ou simultanément doublé d’une émission simplifiée, traduite et adaptée à l’usage des classes populaires – ouvriers et artisans des grandes villes, petits commerçants, domesticité, et probablement femmes de la petite bourgeoisie… Il aurait été nécessaire de réaliser en outre autant d’éditions supplémentaires qu’il existait de langues régionales – et aussi de dialectes – dans l’Hexagone préferroviaire. Une vaste entreprise, qui nous permet de mesurer le chemin parcouru ! e À partir du XVII siècle, en effet, les clivages sociaux et culturels s’étaient approfondis à l’intérieur de l’ancien royaume de France – celui de Navarre, étant de langue gasconne, se trouva à vrai dire moins déchiré par les abus de pouvoir des monarchies absolues successives. Notre idiome se scinda peu à peu en catégories basses et hautes, non pas selon les critères moraux habituels aux autres langues – qui font le partage « normal » entre un langage châtié et les propos grossiers, sexuellement inconvenants ou blasphématoires – mais selon une catégorisation sociale arbitraire, engendrée par des choix d’ordre principalement politique. C’est ainsi que l’on proclama une langue cultivée unique : celle de la Cour et de ses proches – la seule admise en littérature –, qui prit valeur de langue officielle et dévalorisa ipso facto tous les autres parlers, aussi légitimes et bien fondés qu’ils fussent. La totalité de la langue parlée usuelle en France s’en trouva « déclassée », et le langage ordinaire de la petite et moyenne bourgeoisie de Paris fut qualifié « bas » et « vulgaire » par la haute noblesse, souvent ignorante, mais soumise à un snobisme versaillais terroriste, comme à une forme délirante d’auto-louange… Il en résulta en quelques générations seulement une incompréhension problématique entre les couches extrêmes de la société française… Il est bon de le rappeler, tant la chose nous paraît à présent insolite, la belle société de jadis en était arrivée, d’exclusions en exclusions, à ne plus parler la même langue que le peuple qu’elle était censée instruire et gouverner. En 1752, Zacharie Chastelain, préfaçant la réédition du Dictionnaire comique de Le Roux, écrivait ces mots qui éclairent la ségrégation sociale et linguistique du moment : « Il y a une longue liste de termes populaires qui n’est pas à dédaigner comme elle pourrait le paraître d’abord. Combien de personnes distinguées, qui ne sont jamais sorties de la Cour ou du grand monde, et qui se trouvent parfois obligées de descendre dans de certains détails avec les gens du peuple, ne comprennent rien à ce qu’ils leur disent ! »… Un dictionnaire « bilingue », destiné à faciliter la communication entre les classes sociales – c’est bien cela qu’est devenu, au milieu du e XVIII siècle, le recueil de Le Roux. Curieuse nécessité, qui dit l’étonnant partage du français – et que de chemin parcouru depuis 1640 où Antoine Oudin, avec ses Curiosités françoises, ne se donnait encore pour but que « l’instruction des Estrangers » ! Quelques écrivains, à la fois réalistes et facétieux, prenaient conscience, en effet, autour de 1750, de cet état comique d’écartèlement langagier de la population parisienne. Le comte de Caylus, érudit authentique – et donc moins engoncé dans les préjugés du temps –, et Jean-Joseph Vadé, poète amuseur et fin observateur des petites gens dont il était issu, firent des œuvres dans ce langage populaire qui fleurissait, précisément, « dans le ruisseau des Halles ». Ils furent bientôt imités par beaucoup d’autres amateurs de poésie parodique et baroque. Malgré la révolution de 1789 – ou peut-être à cause d’elle ! –, le fossé alla s’affirmant au e XIX siècle, au moins dans un premier temps qui correspond à la période d’avant le chemin de fer, dont l’installation modifia profondément les données langagières dans la seconde partie du siècle. Il se poursuivit d’abord un brassage goulu de tous les dialectes dans le creuset bouillonnant de la capitale… Un langage ouvrier se créa dans la mouvance des chantiers, des ateliers, plus ou moins distinct et original, peu homogène suivant les quartiers ou les corps de métiers, et se répandit face à la langue officielle : c’est celui dont le Dictionnaire de la langue verte, publié en 1866 et 1867 par le chroniqueur et romancier Alfred Delvau, restitue des fragments. Car les accents particuliers, le jeu des contractions, toute une phonologie « faubourienne », c’est-à-dire déviante et cocasse, manque nécessairement à l’œuvre de Delvau ; langue verte : ce serait celle des joueurs, dit-on – la langue utilisée autour des « tapis verts » –, dont l’appellation aurait « déteint » sur l’ensemble des parlers non conventionnels… Ce qui est certain, c’est que la langue verte, en version large, empruntait souvent à l’argot véritable qui lui donnait un peu de sa couleur : verdeur et indiscipline ! L’argot, lui, « né de la haine », se concoctait au bagne, dans les prisons, sur les grands chemins du crime interlope. Il passait ensuite dans le bien commun des filles de joie, des valets et, de proche et proche, par ces canaux obscurs, au grand jour des artistes, des chansonniers, des bourgeois enfin lorsqu’ils partaient en goguette… « Une expression tombe des lèvres flétries d’un forçat – écrit A. Delvau –, non pas au bagne, où il est défendu aux honnêtes gens d’aller, mais dans un cabaret, une rue de Paris, où il est interdit aux coquins de séjourner et où ils accourent tous comme des frelons sur un gâteau de miel : dix paires d’oreilles la ramassent, et dix bouches la répètent – sans l’essuyer. Elle fait son chemin d’atelier en atelier, de faubourg en faubourg, jusqu’au jour où, tombant à son tour des lèvres d’un ivrogne, elle est alors recueillie par quelque curieux aux écoutes, par quelque flâneur aux aguets, qui la trouve accentuée, originale, et la colporte ici et là – tant et si bien que, finalement, elle entre dans un article, puis dans un livre, puis 2 dans la circulation générale » (Delvau se dépeint lui-même dans le « flâneur aux aguets » de sa dernière phrase !). Mais la langue verte jaillissait principalement de l’imaginaire parisien en traits moqueurs, dans un foisonnement tout à fait similaire, en somme, à celui qui agitait les chapeaux du romantisme triomphant – et fascinait ses proéminents zélateurs par son contre-pied comique et discordant. « L’esprit court les rues et les ateliers – continue Delvau –, l’œil du voyou ou du rapin, toujours ouvert, comprend plus rapidement que l’œil du bourgeois, toujours endormi ou toujours affairé : lorsqu’un ridicule ou un vice insolent passe à la portée de cet impitoyable rayon visuel, il est happé – gare à la gouaille féroce qui va le fusiller ! Ce que, dans mes déambulations diurnes ou nocturnes à Paris, j’ai entendu de phrases énormes, pimentées, saisissantes, cruelles, appliquées en plein dos comme des coups de pied, ou en plein visage comme des soufflets, à de pauvres diables de l’un ou de l’autre sexe, affligés, celui-ci de cette infirmité, celle-là de ce ridicule, ce que j’ai entendu composerait un gros livre – inimprimable. Ah ! je ne sais pas ce que l’homme a fait à l’homme, mais il se venge bien odieusement de lui – sur lui ! » La distinction entre les deux manières de parler – sinon d’écrire –, populaire et bourgeoise, suivit longtemps le strict partage des habits : la vêture différait radicalement selon les classes sociales au début de notre siècle encore, et jusqu’à la Grande Guerre, qui bouleversa dans son carnage bien des valeurs séculairement établies. Un ouvrier portait la blouse, la casquette ; il parlait « populaire ». Un bourgeois se reconnaissait à sa redingote, à son chapeau, et à la tournure de son français. Il n’y avait que peu de façons de déroger à ces règles fixes, et le théâtre du boulevard, comme les nouvellistes, faisait grand profit dans ce temps-là de l’incompréhension des corps sociaux. On montait en épingle les quiproquos nés du choc des idiomes… Gaston Couté, poète ironique, écrivit pour sa part une courte pochade sur l’anecdote suivante : un ouvrier discute un soir, au sortir de l’atelier, avec son camarade auquel il confie : « Mon vieux, avec Erness on a fait une bombe, une bombe à tout casser ! »… Un bourgeois qui flânait sur le trottoir entend ces paroles effrayantes, et s’élance, « aussi terrifié que s’il eût porté une marmite à renversement », vers le premier sergent de ville qu’il rencontre afin de dénoncer les dangereux anarchistes : « “Ils ont fait une bombe, ceux-là”, fit-il, très pâle, au représentant de l’autorité. » Ces choses, aujourd’hui, ne sont plus… Un Premier ministre dans l’exercice de ses fonctions peut envoyer son cabinet au charbon : il fait, à la rigueur, jaser les gazettes, mais sans que s’instaure l’ombre d’un malentendu ! Pour la première fois aussi depuis le Moyen Âge, le costume est redevenu en partie unique et unisexe, à des nuances près, du haut en bas de l’échelle sociale. L’habit ne fait plus autant le moine, et le même vêtement en « toile de Gênes » (c’est l’étymologie de l’américain jeans) se trouve porté simultanément par une foule d’individus, masculins et féminins, allant de l’étudiant au cultivateur, au professeur, à l’ouvrier diversement qualifié, voire au cadre supérieur dans la direction… de son jardin ! Cela ne s’était pas vu depuis la robe égalitaire, au temps du Roman de la Rose. Pour la première fois enfin depuis les origines de notre nation, le français s’est établi seule langue d’usage sur le territoire précisément « national » – à l’exception évidente de quelques « poches de résistance » fort réduites, et de zones hétéroglosses précaires où dominent des populations émigrées. Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse – bien à tort ! –, les autres langues indigènes, qui furent évincées par tous les gouvernements pendant des siècles, sont maintenant tombées à presque rien… Les nations sont déchues, basque, bretonne, occitane, qui soutenaient encore en 1890 les idiomes maternels et vernaculaires de plus de la moitié des Français. En fin de compte, l’abbé Grégoire a eu, après tout ce temps, entièrement gain de cause. En 1989, année festive, les cendres du fameux philanthrope lorrain, avocat des juifs et des esclaves, qui s’illustra également le premier en réclamant l’anéantissement des « patois », furent portées symboliquement au Panthéon. Ainsi, puisque le siècle en mourant nous laisse l’héritage d’un parler « non tant délicat et peigné comme véhément et brusque », une langue qui a retrouvé, pour ainsi dire par croisement, un peu de la sève et de la « succulence » que Montaigne lui souhaitait il y a quatre cents ans – puisqu’un tel idiome n’épouvante plus personne, ou presque, le temps nous a semblé venu de dresser en toute liberté un état de cette langue de fête. Le Bouquet est un florilège, aussi étendu, aussi complet qu’il se pouvait, des façons de dire des bonnes gens de toutes les époques. Des bonnes gens, mais aussi des coquins, des filous, des artistes, des mères de famille – des bandits et des banquiers !… Nous avons tenté de retracer le parcours de l’imagerie collective en français, idée par idée, autant que l’on puisse isoler des concepts aux contours souvent imprécis. Nous l’avons fait principalement sur les quatre siècles au long desquels nous pouvons raisonnablement recevoir la langue comme nôtre. En étalant de telles suites de locutions colorées, de proverbes à usage concret, qui sont l’expression intime d’une population actuelle et passée, l’ouvrage constitue une sorte d’« histoire du langage privé ». Le Bouquet nous sert à plonger dans l’Histoire que nous aimons, pour nous présenter à nous-mêmes le miroir de ce que fut notre imaginaire ; car une langue pétrie d’images porte mieux que de longs discours l’inconscient d’un peuple. Elle masque notre vision intime, mais à la manière de toute expression poétique, elle la trahit soudain par l’éclat de ses évocations… C’est vrai que l’on pourrait appliquer aux expressions imagées ce que Montaigne, encore, disait de la poésie : « Tout ainsi que la voix, contrainte dans l’étroit canal d’une trompette, sort plus aigüe et plus forte, ainsi il me semble que la sentence, pressée aux pieds nombreux de la poésie, s’eslance bien plus brusquement et me fiert d’une plus vive secousse. » Le parler qui frappe est un bon parler. 400 ans d’imaginaire du français, tel est le résultat d’une longue et patiente enquête aux sources anciennes et contemporaines du parler ordinaire ; ce Bouquet aux cinq cents figures nous offre une vision du monde qui fut et qui demeurera la nôtre, au moins nous l’espérons, un beau lopin de siècle ! Le Bouquet des expressions imagées se situe volontairement hors des repères classiques du « littéraire, populaire, familier ou vulgaire, ou même franchement grossier », que l’on nomme traditionnellement des « niveaux de langue ». Non par fronde ou mépris des usages, mais premièrement par respect du lecteur, dont chacun détient son aune… Ensuite il aurait été arbitraire, en admettant que cela fût envisageable, d’appliquer à des tournures anciennes des échelles de valeurs depuis longtemps effacées. Nous nous sommes donc tenus à l’écart des cloisonnements, fort fluctuants au cours de l’Histoire, aussi bien que des effarouchements de la vertu, sujets, toujours, à de vastes inflexions personnelles. L’ouvrage mêle, « odieusement » diraient d’aucuns, le haut et le bas langage, le chaud et le froid ; il embrasse le cuit et le cru des tendances, car tels ne sont pas sa distinction ni son propos. Outre son utilité « élémentaire » d’ouvrage de documentation, d’outil de travail conçu tout exprès pour faciliter la cueillette, Le Bouquet permet, de par cette conception « mélangiste », de suivre l’évolution des perceptions, des idées, des sentiments – ou d’observer leur permanence – pendant sept ou huit monarchies, deux empires, cinq républiques d’inégales durées, et une courte dictature. Une manière de parler du temps écoulé qui n’est pas tout à fait innocente, puisque les remous, les envolées des foules qui ont ponctué ces changements de régime ont souvent activé le bouillonnement verbal de nos ancêtres émus dans leur conscience et dans leurs désirs. Ces révolutions, cassures et guerres, ces blessures sanglantes ou glorieuses, échauffourées idéologiques qui font aussi l’originalité de l’histoire des Français, furent autant de flambées de bois sec sous le chaudron des mots ! C’est l’homme, et l’homme seul, qui donne leur couleur aux faits les plus intangibles de la vie – à la mort même… À la MORT, par exemple : quel que soit le diagnostic d’agonie, dernier souffle ou calme plat de l’encéphalogramme, l’article de la mort a peu varié depuis l’origine des temps. Sa notion, toutefois, a subi d’importantes modifications, comme la crainte qu’elle inspire – et le langage de la mort a suivi la mutation des croyances et des incroyances. e Au XVII siècle encore, la mort était nommée – sinon vécue ! – comme un « passage » : il s’agissait de franchir le « pas », entre le royaume des vivants, et l’autre, entretenu par les prêtres et nourri des espoirs les plus fervents. On allait ad patres, ou communément dans l’autre monde… La mort était introduction, commencement : on la voulait comme une visite aux ombres – qu’elles eussent, par culture antique, franchi les rives de l’Achéron sur la fatale barque, ou qu’elles déambulassent, hélas ! bras dessus, bras dessous, avec les anges de l’« au-delà », les ombres e formidables « témoignaient » de ce qui était poursuivi ailleurs… Au XIX siècle, au contraire, la mécréance désabusée qui s’est emparée des villes, et des couches populaires en particulier, engendra le cynisme et la dérision de la mort. Au travers des expressions nées entre 1825 et 1860, la gouaille domine, mais parce que la vision a changé de sens – elle se porte maintenant en arrière, vers ce que l’on quitte, la fête qui s’éteint avec le dernier souffle… Dévisser son billard, c’est abandonner la partie, le jeu, les plaisirs de l’amitié ; lâcher la rampe, c’est cesser le combat du difficile et montueux parcours de l’existence ; remercier son boulanger a quelque chose de fanfaron : une action de vivant en bravade ; passer l’arme à gauche, expression d’origine troupière, comme descendre la garde, c’est prendre le repos dû au vaillant petit soldat ! Et puis il y a le ricanement du prolétaire sceptique, un tantinet féroce dans sa vision vengeresse : manger le pissenlit par les racines. Depuis lors, rien. Il faut le noter : c’est le vide phraséologique… Malgré de belles épidémies, de juteux carnages, depuis un siècle et demi il ne s’est produit aucune invention nouvelle. Les expressions que nous utilisons aujourd’hui datent toutes de cette période de fraîche déchristianisation populaire – on dirait que la mort a quitté le champ de la plaisanterie verbale. Dans notre monde lisse, asséché de merveilleux, où l’électricité a gommé les ombres inspirantes des murs, la mort c’est la terreur, le néant, l’obsession blanche de nos assurances mécaniques. C’est la peur, inconsciente mais collective, énorme et prégnante, qui semble avoir tari d’un coup sec, à mi-chemin dans le second Empire, la gaieté verbale des lorettes et des titis… À nous, gens de peu de foi, si l’on veut bien autoriser cette légèreté, la mort nous a coupé le sifflet ! À l’inverse, certains domaines se sont réactivés. De nombreux thèmes ont gonflé et renchéri au fil des années « lumière » – la VITESSE par exemple, propulsée sur le front de l’imaginaire à fond la caisse. D’autres encore s’étaient amincis et bizarrement interrompus très tôt : telle la MENDICITÉ, jadis pourtant bien fructueuse, et qui n’a plus donné lieu à quolibet depuis la révolution de 1789. Comme si les importantes décisions de cette époque remuante avaient résorbé par enchantement tous les mendiants… La dernière locution inventée dans ce domaine le fut au dernier tiers du e XVIII siècle : faire la manche. Encore était-ce au sens de « faire la quête », chez les saltimbanques e et autres artistes des rues. La locution est demeurée en usage moyen au XIX , puis elle semblait avoir à peu près complètement disparu, ignorée de tous dans le public ordinaire… Pourtant elle a resurgi, tout soudain, à Paris, en 1965-1966, au moment des premiers cafés-théâtres ; les acteurs, qui faisaient la quête après leur spectacle, dans un chapeau ou dans un filet (comme à l’Absidiole), la remirent en usage, l’ayant probablement empruntée aux cracheurs de feu, leurs voisins… Par un phénomène jadis extrêmement classique dans la propagation de la « langue verte » – l’argot des coulisses –, faire la manche passa en très peu de temps, deux ou trois ans à peine, du monde des comédiens au grand public, parisien d’abord, national ensuite. La curieuse ironie des évolutions historiques a fait que la société d’abondance, alors au beau de sa santé, a eu depuis quelques terribles faux pas ; les mains tendues se sont multipliées au long des trottoirs : « T’as pas cent 3 balles ? », le mot des clochards avinés, est passé insensiblement du stade de réplique de cabaret à celui de locution… impopulaire ! Traditionnellement, l’archéologie de la BÊTISE a englobé toutes sortes de… bêtes. L’une de ces sans-cervelle qui, dans sa gravité ridicule, a servi de projection à la sotte prétention des humains, e est le dindon – le fameux poulet d’Inde (ou d’Indon au XVI siècle), que dans certaines parties de la Normandie on appelle encore codinde, comme au Grand Siècle où les consonnes finales restaient muettes : coq d’Inde… Ce volatile, l’observation est exacte, n’a pas inventé la poudre, pas même celle d’escampette lorsqu’il est menacé, et c’est avec raison qu’il acquit très vite une solide réputation de sottise qu’il transmit plus tard à l’homme, de bonne grâce – et à la femme donc : la dinde ! Par conséquent, le jeune coq d’Inde entra dans l’imaginaire des villes, non pour évoquer le charme des champs, mais pour souligner l’ennuyeux talent, les basses servitudes de leurs occupants. Furetière explique en 1690 : « On dit proverbialement d’une pauvre Demoiselle qui est obligée de se retirer à la campagne pour vivre, qu’elle va garder les dindons, parce qu’on les mène paître en trouppe. » e On trouve explicitement bête comme un dindon, « fort bête », au début du XIX siècle. Or, qui est sot est facile à tromper : l’imaginaire de la Restauration (monarchique, pas gastronomique !) traita le dindon comme une sorte de gros « pigeon », celui que l’on plume ; « la dupe », note Napoléon Landais en 1836, avec l’exemple : être le dindon de la chose… Ce n’est qu’une quinzaine d’années plus loin, semble-t-il, que la chose se précisa, pour devenir la farce, forme sous laquelle l’expression nous est conservée : « Il sera le dindon de la farce, il sera dupe dans cette affaire », confie, en 1853, le Dictionnaire universel de La Châtre. Quelle est donc cette comédie, ce tour de passe-passe dont le dindon serait la victime choisie ?… Il n’en existe aucune, ni sur le théâtre officiel ni dans l’ombre – pas même une fable bien précise. Faut-il voir alors un simple symbole à plumes ?… Mais pourquoi des citadins peu familiers de cet oiseau à la crête mafflue que l’on mène « en troupe » auraient-ils choisi de dire le dindon de la farce, plutôt que le pigeon de la farce, symboliquement équivalent, mais physiquement mieux à leur portée ? En réalité, l’imaginaire des foules se nourrit plus volontiers de tableaux vivants parmi lesquels le « faubourien » détache ses cibles favorites. Il existait à Paris – et peut-être dans d’autres villes de France – un divertissement fort goûté d’un public de tous âges et conditions ; ce spectacle consistait à chauffer les pattes des malheureux poulets d’Inde sur une plaque métallique, afin de les faire danser ! Cette pratique, qui eut cours jusqu’au second Empire, datait apparemment du règne de Louis XV, du moins en privé. Dans un récit très court de 1743, Le Ballet des dindons, le facétieux Caylus feint d’en attribuer la trouvaille à un jeune seigneur voulant régaler la compagnie de sa maîtresse pendant un séjour aux champs : « Notre galant, à l’insu de tout le reste du monde, fit faire, incognito, un petit théâtre dans une grange, comme pour y représenter les marionnettes, excepté que le rez-de-chaussée du théâtre étoit de fer-blanc, ou, si l’on veut, de tôle ; sous lequel, en temps et lieu, il fit mettre de place en place des brasiers ardens. À l’heure de la comédie, il fit tant qu’il y fit venir la jeune demoiselle et toute la compagnie, qui, ne sachant rien, s’assit. Alors on siffle, la toile se lève, et les violons jouent à l’ordinaire, hors que c’étoit une sarabande bien grave ; on ne s’attendoit pas à ce que vous allez voir ; c’étoit une bande de poulets d’Inde qui marchoient à pas comptés, ramassant çà et là des grains pour se nourrir. À mesure que le plancher du théâtre s’échauffoit, les susdits danseurs sembloient s’animer, et les violons de jouer des airs à l’avenant, comme gavottes, passe-pieds, menuets, rigaudons, tambourins et cotillons fort en vogue à l’opéra, avec les gigues et les bourées du temps, dont lesdits poulets d’Inde étoient forcés de suivre la mesure, à fur et à mesure de la chaleur du dessous du théâtre, qui, devenant insensiblement tout rouge, c’est alors qu’au son des violons, qui jouoient des tempêtes, des vents et des furies, on vit tous les dindons s’élever, sauter, s’élancer, bondir à toute outrance, imitant les entrechats, jetés, pirouettes et gargouillades de nos plus célèbres maîtres : dont l’assemblée s’en retourna toute avec l’âme réjouie, et les dindons chacun avec les pieds à la sainte Menehoult » (Caylus, Les Étrennes de la Saint-Jean, 1743). Si nous aimons l’Histoire, ce n’est pas nécessairement par amour du passé : le passé, nous l’embellissons toujours afin de le rendre aimable… Nous aimons l’Histoire comme nous aimons les vieilles demeures, parce qu’elles nous continuent, en amont de nous-mêmes. Les pierres patinées affublent nos existences inquiètes d’une traîne d’imaginaire solide ; les manoirs pesants, mais aussi les fermes les plus anciennement burinées, nous forgent des ancêtres – nous aimons blottir auprès d’eux nos fragilités de passage. Nous, surtout, qui avons dépouillé les certitudes ancestrales… Au travers des murailles épaisses, des bois rongés, ce sont des arrière-goûts d’âmes que nous percevons, qui plongent pour nous dans un passé mythique – au fil de ces lignées graves d’aïeux rassurants que nous imaginons, « odorants », presque… Pour ne rien dire des vestiges de « prieurés », du parfum des anciens presbytères avec leurs ombres de soutanes, de vieilles servantes, et de fruits du verger conservés sur la paille. Au fond, si nous aimons l’Histoire, c’est parce qu’elle allonge nos vies. Or la langue est la maison commune des peuples – leur domicile spirituel, et parfois leur unique résidence, pendant longtemps, hors de leurs terres, de leur droit, de leurs usages… La langue aussi possède ses parquets qui craquent, ses vieilles pendules, ses poutres plusieurs fois centenaires. Nous y portons velours, drap de lin, atours en camaïeu les jours de fête – semblablement à ces « maisons de maître » incrustées de lierre, nous habitons la langue des vieux. La langue d’un pays étaye son histoire du prodigieux édifice de ses mots, de ses sentences à l’orthographe mal équarrie qu’il est bienséant de conserver ainsi pour ce qu’elle fleure fort les anciens parchemins… Les proverbes portent la poussière jaunie du temps retrouvé. Avec peut-être la force d’une illusion supplémentaire qu’accorde le souffle – car le Verbe est vent ! Le frémissement de la voix anime tout l’idiome, qui vibre dès qu’il est prononcé, qui s’envole audehors de nous… C’est encore plus troublant à la bouche. Et parler le français depuis quatre cents ans, voilà une déraison enviable : la plus élégante des folies ! Lagleygeolle, le 21 avril 1990 1. HORACE (Q. Horatii Flacci), Ode 29, Livre III (traduction P. Daru, 1804). 2. A. DELVAU, Introduction au Dictionnaire de la langue verte. 3. Cf. J.-P. SENTIER , Faut-il déterrer les morts ?, théâtre Mouffetard, nov. 1973. MODE D’EMPLOI I. GÉNÉRALITÉS La singularité de ce livre, ce qui signale sa principale originalité, c’est qu’il présente les expressions imagées de la langue française sous un double groupement : thématique et 1 chronologique. Cela, aucun ouvrage jusqu’ici n’avait tenté de le faire . Cette présentation, ajoutée au caractère encyclopédique du contenu qui donne à connaître aussi bien les tournures obsolètes de jadis que les traits du langage parlé le plus récent et contemporain en font un outil de travail que nous espérons utile. Ils en font aussi un instrument de réflexion sur l’évolution du français parlé depuis plus de quatre siècles que couvre la documentation. Dans la mesure où toute expression plus ou moins vive, ou colorée, voire proverbiale, a tendance à être assimilée, en France particulièrement, à une manière de parler familière, voire intime, qui la tient éloignée des fastes de l’esprit et de la représentation officielle de la pensée, on peut également considérer que Le Bouquet des expressions imagées constitue, d’une certaine façon, l’approche d’une « histoire du langage privé » des Français. Le but du Bouquet Ce livre s’adresse à tous les amateurs de langage imagé – ceux que l’invention, les trouvailles langagières intéressent, à l’écrit comme au parlé. Quelle que soit l’instruction préalable du lecteur, ou ses préoccupations quotidiennes, l’ouvrage devrait répondre à quelques-unes de ses questions sur l’usage, l’ancienneté et la formation d’expressions amusantes, souvent absurdes en apparence, qu’il entend depuis son enfance ou qu’il est venu à employer lui-même depuis peu de temps à l’imitation des médias ou de son entourage. Cependant, le Bouquet a été conçu avec le souci d’aider aussi les professionnels de l’écriture, particulièrement ceux qui ont affaire au langage parlé. Que ce soit le traducteur en quête d’une équivalence cocasse pour une expression étrangère insolite, d’aujourd’hui ou d’autrefois, ou bien le scénariste à la recherche d’un trait piquant pour animer un dialogue, qu’il s’agisse de journalistes amateurs de proverbes ou de publicistes inventeurs de slogans, ce livre devrait contribuer efficacement à éclairer leur lanterne. Cela peut-être à cause de sa qualité première, qui est de faire voyager l’histoire dans la langue. Quelle langue il traite Soyons clairs : la seule langue prise en considération dans cet ouvrage est le français. Encore s’agit-il d’un français métropolitain, et même « central », celui, en gros, que des textes de toute nature ont enregistré de siècle en siècle, et qui vont du poème dramatique ou grivois au pamphlet, à la chanson, au livret de vaudeville, aux minutes de procès, à l’immense production romanesque, aux écrits épistoliers – et jusqu’au Journal officiel le cas échéant. Pis : il faut bien se l’avouer, en ce qui concerne la partie la plus « populaire », voire argotique, de ce parler familier – celui d’où jaillissent les images les plus frappantes, sinon les plus osées –, notre langue se trouve, par la force des choses et de l’histoire, axée principalement sur Paris. Paris, ville témoin et créatrice, qui servit dès le Moyen Âge de zone de référence, Paris turbulent, melting-pot social et linguistique, qui, dès e la fin du XVII siècle – on pourra le constater ici –, joua le rôle de chaudron fondateur du français parlé populaire qu’il a conservé peu ou prou jusqu’à l’époque contemporaine. Car, au long des siècles que nous scrutons, le langage privé des habitants de la France fut, on le sait bien, infiniment plus multiple. Passé Saint-Ouen ou Longjumeau, le fameux Pontoise, si lointain, ou le célèbre Bagnolet, l’idiome quotidien des bonnes gens s’engouffrait dans des plaines arables, s’engluait dans des champs de navets… Pour ne rien dire des sept langues parfaitement étrangères, quoique terriblement « territoriales », en usage dans le pays jusqu’à avant-hier. Mais ces langues diverses ne furent pas toutes écrites en temps et heure. Aussi, lors même qu’il serait encore possible, au prix de plusieurs années d’enquêtes sur le terrain, de dresser un état de la phraséologie hexagonale dans son entier, il serait fort malaisé de cerner l’ancienneté précise – ou même vague – d’une expression du parler gallo, par exemple, ou de la Lorraine. La seule datation que l’on puisse raisonnablement attribuer à la phraséologie dialectale, c’est… la nuit des temps ! Par conséquent, sauf à doses homéopathiques – des zestes de picard, des brimborions de normand –, il ne sera trouvé ici aucune autre langue que le français. Avec une timide exception toutefois pour la zone nord-occitane, à cause du parler populaire de Lyon que nous avons enregistré – lequel témoigne d’habitudes langagières plus largement étendues, en particulier vers le sud de cette grande ville « frontière ». Lyon, elle aussi, a été le lieu de brassages langagiers, depuis les Romains. Une lacune néanmoins, d’importance : nous n’avons pas pu, en raison des énormes difficultés qu’engendre une documentation sérieuse, et du peu de moyens d’action que nous possédons, inclure pour l’instant les expressions propres au Québec. Étant donné le rôle actif que joue aujourd’hui la littérature française d’Amérique du Nord, il est bien évident que les éléments distinctifs du parler québécois auraient dû prendre place dans un ouvrage comme celui-ci. Autre renoncement, mais réfléchi et volontaire celui-là, la référence à des « niveaux de langue », qui est une mention coutumière aux lexiques et recueils de cette sorte. En effet, la classification selon les niveaux sociaux – le plus souvent des appellations d’origine : populaire, vulgaire, etc. – est déjà largement subjective, et en toute occasion soumise au jugement d’un seul de ces niveaux ; mais cette démarche serait ici, au plan historique, beaucoup trop aléatoire, pour ne pas dire purement fantaisiste. Certes, nos sources portent assez souvent des indications d’époque – du moins les sources lexicographiques –, mais on ne peut pas les transporter sans ajustement dans le temps présent, car les termes employés autrefois ont changé de couleur et d’intensité au fil des siècles. « Vulgaire », utilisé par Oudin en 1640, signifiait alors sous sa plume que le terme désigné était « employé par le peuple », et qu’il ne l’était pas dans « le beau monde ». Toutefois, il incluait dans la notion de « peuple » la plus grande partie de la bourgeoisie, commerçante ou tabellionne, toute roturière. Le terme « vulgaire » s’opposait alors, d’une certaine façon, au monde « noble », et surtout aux raffinements que tentaient d’introduire les satellites de la Cour. Or le mot s’est « aigri » en français moderne, il s’est chargé d’un mépris farouche. Quelle serait donc de nos jours la traduction exacte de la mention d’Oudin ? La notion qu’elle indique n’existe plus vraiment : devrait-on dire « familier » ? « Populaire » – mais avec quel sens ? « Commun » ?… Les termes eux-mêmes sont sujets à caution dans leur propre sémantisme. Il ne serait guère raisonnable de décider aujourd’hui si jeter son bonnet par-dessus les moulins est une manière de parler « du vulgaire », ou simplement familière, ou bien si elle est devenue essentiellement littéraire. Le plus sage était donc de renoncer. Sans compter que telle ou telle locution a énormément varié dans le champ des emplois depuis quatre cents ans ou davantage. Nous ne donnons aucun étiquetage par conséquent, et mêlons dans une joyeuse pagaille ce qui est du recherché, du précieux même, du châtié ou du littéraire, ou bien au contraire ce qui appartient au domaine très familier (parfois grossier) avec toutes les nuances d’argot, ancien et moderne. C’est au lecteur de faire son tri, s’il le peut. Il choisira selon ses habitudes, son éducation, sa culture ou ses sentiments personnels, qui ne sont pas nécessairement ceux de son voisin. Comment est fait le Bouquet L’idée directrice de cette « encyclopédie thématique » consiste donc à regrouper les expressions selon leur sens. Au lieu de traiter les locutions séparément, suivant une présentation alphabétique qui est le classement habituel, et fort utile, des dictionnaires – et ici des index –, nous les présentons par affinités de sens, à l’intérieur d’un cadre fourni par l’idée générale à laquelle elles se rattachent et que nous appelons : thème. Toutes les manières de dire « marcher », « fuir », « manger » ou « mourir » fournissent autant de thèmes. Selon la complexité de leur contenu, les thèmes ont été subdivisés – ou non – en sousthèmes. Ainsi à MOURIR s’est rattachée assez naturellement l’idée de SUICIDE, et même, puisque l’on dit manger les pissenlits par la racine pour « être mort », la notion de CIMETIÈRE. Le thème SAVOIR comporte quatre sous-thèmes : APPRENDRE, EXPLIQUER, EXPÉRIENCE, ÊTRE AVERTI, lesquels ne correspondent nullement à des idées préconçues sur ce que comporte le « savoir » humain, mais à un rangement des matériaux qui se sont présentés lors du dépouillement des fichiers (voir ciaprès : « II. Considérations sur les thèmes »). De surcroît, ainsi qu’il apparaît dans les sommaires qui ouvrent les chapitres, les thèmes sont présentés côte à côte avec leur « inverse », ou « anti-thème », lorsqu’ils en ont un : INTELLIGENCE face à BÊTISE, CHANCE face à MALCHANCE, etc. Cela parce qu’une locution « positive » peut très souvent être employée négativement – et vice versa. Avoir du pot, pour celui qui a besoin d’une expression disant la malchance, peut fort bien devenir il n’a pas eu de pot – et ainsi de suite, l’ouvrage étant conçu tout du long selon ce principe d’opposition. Ces idées générales – ces thèmes – sont réunies quant à elles en des ensembles plus vastes, que sont les chapitres. Ce qui se rapporte au corps humain sous son aspect physique – grandeur, grosseur, etc. – est présenté au chapitre CORPS. Ce qui relève d’une activité intellectuelle – mémoire, oubli, justesse ou erreur, etc. – constitue le chapitre ESPRIT. L’amour et la haine ouvrent le chapitre SENTIMENTS. La table des matières fournit la liste complète de ces chapitres, au nombre de dix-huit, ainsi que des thèmes qui les composent. Aussi chacun des chapitres débute-t-il par la liste des thèmes qu’il comporte, sous la forme d’un sommaire d’une ou deux pages. De cette façon, le lecteur a le loisir d’avoir d’un seul coup d’œil une vue « panoramique » de son contenu, avant de choisir la zone qu’il souhaite explorer plus précisément. Par ailleurs, nous proposons en fin d’ouvrage un Index des thèmes, sous-thèmes et synonymes qui, parce qu’il inclut les synonymes et autres mots analogues regroupés dans l’ouvrage en tête des thèmes et des sous-thèmes, multiplie les accès (2 800 mots au total) et quadrille le corpus d’un réseau serré de sentiers, venelles et chemins de traverse qui conduisent le flâneur comme le lecteur pressé vers la locution recherchée aussi sûrement que tous les chemins mènent à Rome. Dans le même esprit de commodité pour l’usager, un important et exhaustif Index des expressions alphabétique est fourni immédiatement après le corps de l’ouvrage. La difficulté bien connue, en ce qui concerne le classement alphabétique des locutions (lesquelles sont par définition composées de plusieurs mots), est de savoir à quel terme les saisir pour les ranger dans l’alphabet. Assurément au mot significatif, lorsqu’elles n’en contiennent qu’un seul : un coup de chapeau se trouvera plutôt à chapeau. Mais où trouver le plancher des vaches ?… Pour remédier autant qu’il était possible à cet inconvénient, nous avons multiplié les entrées : découvrir le pot aux roses se trouvera à pot et à roses. La seconde idée qui a présidé à l’élaboration de l’ouvrage est la présentation des expressions dans un ordre chronologique à l’intérieur des thèmes. Cette vaste et hasardeuse entreprise a abouti à des précisions – ou des imprécisions – diverses selon que la venue en usage d’une locution est aisément repérable ou qu’au contraire sa datation plonge le chercheur dans la perplexité (voir ci-après : « III. Considérations sur les datations »). Quatre découpages temporels ont été retenus, qui sont signalés par un carré noir ■ : le siècle e entier, sans qu’il soit possible de préciser davantage (ex. : ■ XVII ), et le siècle divisé en trois périodes pas tout à fait égales, mais suggestives, où l’on distingue le début du siècle, allant de 0 à e e 30 (■ d. XVII = 1600-1630), le milieu du siècle allant de 31 à 69 (■ m. XVII = 1631-1669), et la fin du e siècle, allant de 70 à 99 (■ f. XVII = 1670-1699). Une cinquième catégorie, réservée à des locutions dont l’apparition dans l’écrit est nettement identifiable parce qu’elles apparaissent dans un lexique (Oudin, Delvau, etc.) ou grâce à une première attestation irréfutable, porte la date précise de la publication. Dans ce cas, la date est annoncée par un carré à demi éclairé (◪ 1668). Bien entendu, toutes les locutions (séparées entre elles par un rond noir •) qui s’échelonnent derrière une indication de date ou de période sont à rattacher à cette même date ou période – cela jusqu’à ce qu’une nouvelle datation apparaisse. Ajoutons que chaque expression est datée avec la signification qui lui est donnée dans le commentaire suivant et qui justifie sa présence dans le thème. Une même expression peut fort bien être classée à des dates différentes dans deux thèmes étrangers l’un à l’autre pour la simple raison que son sens a évolué ou bifurqué dans une direction imprévue (voir ci-après : « III. Considérations sur les datations », § « Chronologie et évolution »). Le moyen de se servir de l’ouvrage On peut utiliser ce livre de différentes manières, et pour des raisons variées. En premier lieu, il est toujours possible de le feuilleter, très simplement – d’y butiner, ici et là, un dicton amusant, une tournure singulière, sans aucun désir ni nécessité d’utilisation immédiate de ces trouvailles. Une lecture de hasard, donc, et de plaisir, qui ne nécessite aucun guide. Mais on peut aussi y « entrer » par deux voies, en quelque sorte inverses, qui sont directement inspirées par le besoin du lecteur. Tout d’abord – selon la véritable vocation de ce livre, qui est de mettre les idées en images –, c’est à partir d’une notion, même vague, ou d’une idée générale que l’utilisateur voudra rechercher une ou plusieurs expressions imagées qui lui manquent, auxquelles il ne songe pas sur le moment, ou qu’il ignore encore. C’est le cas d’un traducteur embarrassé par une locution étrangère insolite et qui veut savoir s’il existe (ou s’il a existé par le passé) un équivalent possible à l’image qu’il doit mettre en français. Soit il se référera à la Table des matières en quête de l’« idée » qu’il souhaite préciser, soit il ira, à partir d’un mot qui lui vient à l’esprit, consulter l’Index des thèmes, sous-thèmes et synonymes par ordre alphabétique – tous deux le renverront dans la direction désirée. Admettons, selon la nuance qui le préoccupe, que ce lecteur choisisse d’explorer la notion de SECRET ou l’idée de TROUVER. Chacun de ces thèmes le conduira à découvrir le pot aux roses, par exemple, en compagnie d’autres manières de dire, voisines ou équivalentes. Il pourra aussi fouiller à sa convenance dans les « anti-thèmes » correspondants : NOTOIRE et… CHERCHER. Il pourra du reste, de fil en aiguille, parcourir toute la « zone » formée par chacun des centres d’intérêt. La seconde manière d’utiliser Le Bouquet intéresse celui qui, inversement, est sur la trace d’une expression particulière, survenue dans une conversation ou rencontrée au cours d’une lecture, et dont il veut connaître les tenants et les aboutissants. Il débutera son enquête par l’Index des expressions – par exemple, pour découvrir le pot aux roses, il ira à pot ou à roses. L’Index lui indiquera le thème unique ou les thèmes successifs dans lesquels la locution est rangée : SECRET, NOTOIRE (sous-thème DIVULGUER) et TROUVER, avec une mention de page qui est celle de l’occurrence de l’expression. Il lui restera alors à repérer l’expression dans le thème, à son rang chronologique, parmi les locutions voisines qui ne manqueront pas d’enrichir le propos. Pour ce e qui est du pot aux roses, l’expression, datant du XIII siècle, a de grandes chances d’être située à la toute première place, en tête du thème !… La typographie, qui privilégie les locutions par le choix du gras, a été conçue tout exprès pour faciliter ces repérages successifs. Ainsi l’œil du lecteur pourra-t-il parcourir rapidement les pages en ne s’attachant qu’aux seules expressions. Ce premier « balayage » pouvant naturellement se compléter à volonté par la lecture détaillée de l’appareil d’accompagnement, commentaires et exemples, lesquels ont été établis chacun pour leur part en caractères de moindres dimensions afin qu’il soit plus aisé de les distinguer à leur tour. II. CONSIDÉRATIONS SUR LES THÈMES Quiconque se penche sur la phraséologie d’une langue doit s’attendre à des surprises qui heurtent son sens de la logique habituelle. La création d’expressions imagées, diffusées par tout un groupe qui les adopte d’emblée, relève de la poésie collective : un phénomène social incontrôlable et difficilement manipulable. La démarche nécessaire pour appréhender cette « production » se doit d’être aussi pragmatique que la création est spontanée. En d’autres termes, la distribution par thèmes ne peut s’effectuer qu’en utilisant la méthode expérimentale. Il ne saurait être question de recenser abstraitement un certain nombre de concepts importants, puis de tracer sur le papier un nombre correspondant de cases afin de les remplir ensuite – un peu à la manière dont se pratique le tri postal : le préposé lance les lettres dans des logettes préétablies à mesure qu’il déchiffre leur destination, mais le « trieur de locutions » s’apercevrait bientôt qu’il tient énormément de dictons sans adresses, avec quantité de lettres au Père Noël !… En effet, toutes les idées, tous les usages ne donnent pas lieu à création d’images, quelle que soit leur présence active dans la vie sociale. Il n’y a pas de thème PARDON, alors qu’OFFENSE existe ; il n’y a pas de thème CATASTROPHE, et Dieu sait si l’humanité en a été régalée. Dans la composition de cet ouvrage, nous nous sommes contentés d’observer, de ranger au plus juste la production séculaire, avec parfois de grandes hésitations, des remords, au fur et à mesure des découvertes. Nous n’avons pu procéder que par ressemblances. Car dans ce domaine on doit, en outre, renoncer très vite à l’espérance de synonymie – peut-être plus rare encore en matière de locutions que lorsqu’il s’agit des termes ordinaires. L’on est contraint d’assembler les expressions par pure affinité de sens. Ainsi l’établissement de nos thèmes : nous avons tout d’abord sélectionné un premier tableau, de manière fort artisanale, en dépouillant partiellement deux des ouvrages capitaux qui nous ont servi de sources : les Curiositez françoises d’Antoine Oudin, de 1640, et le Dictionnaire de la langue verte d’Alfred Delvau, de 1867. Ce cadre préalable grossièrement créé, nous n’avons cessé de le remanier, de l’affiner, de le fragmenter : nous avons ajouté des sous-thèmes, tout en cheminant, au long des saisies nouvelles, à mesure que l’ouvrage prenait du corps… C’est dire aussi, clairement, que la subjectivité a joué une grande part dans l’établissement des thèmes que nous proposons. S’ils sont très inégaux de taille, c’est que certains couvrent des champs conceptuels plus vastes que d’autres, mais surtout parce qu’il est des champs extrêmement productifs (le sexe est un de ceux-là), d’autres arides. Quoi qu’il en soit, chacun des thèmes doit être défini comme un regroupement d’expressions autour d’une même idée, assez générale ; même si par nature certains sont plus faciles à cerner que d’autres. Ceux qui se réfèrent à des activités concrètes (boire, marcher) ou à des qualités observables (grosseur, maigreur) s’alimentent avec une relative cohésion. Les sentiments demeurent encore aisément identifiables, quoique plus mêlés de nuances ; la peur, la joie sont, en gros, suffisamment reconnaissables. Mais plus on s’éloigne vers des zones dominées par l’abstraction – les jugements, les « qualités » –, plus la classification devient arbitraire. Cela ne signifie pas qu’elle soit pour autant incohérente, mais qu’elle porte immanquablement la marque des auteurs. Par ailleurs, chacun des thèmes ou presque (ainsi que les sous-thèmes) procède par deux degrés d’approximation. D’abord ce que l’on peut appeler le « corps du thème » signalé visuellement par la vignette : il est l’essentiel du contenu, et parfois il se suffit seul. Mais, le plus souvent, vient à la suite une plage de dimensions variables – parfois réduite à une ou deux expressions – annoncée par le fleuron ; elle constitue une sorte d’additif, comme une banlieue du thème. Il y est procédé davantage par « association d’idées » que par attirance sémantique réelle. Nous y avons regroupé des « curiosités », paradoxes, balivernes assez inclassables, mais qui enrichissent agréablement le propos principal. C’est dans cette zone « associée » que nous avons placé les proverbes, lesquels, à proprement parler, ne sont pas tout à fait le sujet de ce livre. Mais ils constituent un domaine si ostensiblement voisin que nous étions forcés d’en inclure un certain nombre à mesure qu’ils apparaissaient au long des dépouillements. D’ailleurs, la frontière est un peu flottante : souvent e rien ne différencie clairement une expression d’allure un peu générale d’un dicton. Au XVII siècle, les lexicographes n’appelaient-ils pas ce que nous nommons « locutions » des « façons de parler proverbiales » ? En résumé, nous avons essayé d’établir des thèmes commodes, et surtout utiles au travail de l’usager – ce faisant, il a souvent été nécessaire de trancher dans le vif : certains intitulés, ici et là, ne sont pas mieux fondés que d’autres, et le lecteur aura le sentiment qu’il ne les aurait pas appelés comme ça ! Que tel sous-thème serait plus justement placé ailleurs… À sa guise ! Il a fallu faire des choix, et, pour construire, se garder de trop d’arguties stériles. Cet ouvrage, nourri de la « sagesse des nations », ne manque pas de façons de dire que le mieux, parfois, est l’ennemi du bien… En tout cas, nous plaiderions, s’il y avait lieu, pour notre défense, en disant que la gageure était de taille ! Nous avons avancé sans modèle, sur un terrain qui n’avait été défriché par aucun devancier. Après tout, il est bien malaisé et quelque peu cruel de découper en rondelles la pensée d’un peuple. La polysémie Ce qui complique encore une entreprise en elle-même fort ardue – et qui porte sans doute le coup le plus rude à la logique ordinaire ! –, c’est que le sens d’une expression est souvent flottant, ou multiple, voire contradictoire. Au lieu d’être dotées d’une signification unique, bien repérable dans un usage fermement établi (ce qui est le cas de quelques-unes d’entre elles), beaucoup de locutions en possèdent plusieurs, souvent assez éloignées, et se retrouvent ici, par conséquent, dans deux ou trois thèmes différents. Elles sont alors parfois accompagnées de citations distinctes (mais non systématiquement) ainsi que de dates d’apparition qui varient (voir ci-après : « III. Considérations sur les datations »). Ce phénomène de polysémie est généralement dû à des glissements de sens au cours d’une évolution séculaire – mais il n’en va pas toujours ainsi. Certaines expressions sont polysémiques dès leur naissance : on peut l’observer sur bien des créations récentes qui n’ont pas la même valeur pour tous les usagers. Par exemple, le très contemporain avoir les boules : certains locuteurs l’emploient au sens d’« être indigné » ou « très en colère », alors que d’autres l’utilisent au sens d’« avoir peur »… Il y a mieux – et qui porte atteinte à l’idée que nous nous faisons habituellement du langage –, car il arrive que la même personne l’emploie tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre. C’est selon le moment, l’interlocuteur, l’humeur et le ton de la conversation. En fait, la polysémie constitue un trait caractéristique du « langage des jeunes », comme on l’entend dire parfois sur un ton consterné. On a vu dans les années 1980 des mots et des expressions qui servaient à tout – d’enfer a tenu un certain temps le record des polyvalences. Dans ce cas, c’est le contexte seul qui sert à déterminer lequel des sens est impliqué, souvent de manière un peu vague du reste ; y compris le contexte paralinguistique des gestes, de l’intonation, de l’intention – du temps qu’il fait !… Il en est ainsi souvent, il est vrai, par « misère langagière », un manque réel de moyens verbaux ; mais il existe aussi chez les adolescents une pauvreté volontaire, une volonté minimaliste de l’expression. Pour des êtres jeunes, en lutte avec leur propre insécurité, de vie et de pensée, pour qui la richesse d’émotions neuves et complexes demanderait des livres – ou des poèmes entiers ! – pour être exprimées, la tentation du mutisme est grande. C’est alors l’intensité même de ce refus qui est projetée dans une poignée de vocables à tout dire ; la sécheresse de l’énoncé est chargée de porter l’essentiel du message – et non pas la valeur conceptuelle des signifiants. Plus ceux-ci sont vides (bof !…), plus ils se prêtent à ce jeu polysémique. Ainsi peut-on dire de toutes les époques. Ce jeu qui s’applique aujourd’hui à des adolescents s’est appliqué, toujours, à des groupes humains pour lesquels la parole était finalement rare, et pour qui l’émotion allait en premier. Ce fonctionnement dyslexique s’avère à peu près permanent dans le domaine de la phraséologie imagée, laquelle puise toujours sa source dans un langage ludique et émotif. Il n’est donc pas rare qu’une même expression signifie, ou ait signifié à un moment de son histoire, deux choses assez différentes. Ainsi, à l’œil a d’abord signifié « à crédit » – avec ses corollaires ouvrir l’œil, « faire crédit », crever un œil, « se voir refuser la continuation d’un crédit », etc. – avant d’acquérir son sens moderne de « gratuit ». Les deux significations, l’ancienne et la nouvelle, ont coexisté pendant près d’un demi-siècle sans que cela pose aucun problème de conscience, la notion de gratuité l’ayant finalement emporté vers 1900. Il faut se faire une raison, les expressions n’ont pas toujours un sens bien droit, bien carré, le même pour tous les individus qui les emploient. Il en est ainsi parce que cette phraséologie, que l’on pourrait appeler « imaginative », appartient par essence au domaine de l’irrationnel, de la fantaisie – pour tout dire, après le grand lexicographe Alain Rey, elle est principalement du ressort de la création poétique. Évidemment cette fantaisie, cette « essence poétique » contreviennent à la règle d’or tellement clamée de la « rationalité française » : cela explique probablement le rejet, en France, des expressions imagées du discours un tant soit peu « officiel » ou réputé sérieux. À n’en pas douter, cette irrationalité suspecte, insoumise au dogme du « un seul mot, un seul sens », a fait aussi bannir impitoyablement ce mode d’expression du registre scolaire et universitaire – à un point absurde et dommageable à la qualité de la langue. Il s’est créé à cet égard, à la fin du siècle dernier, un état d’esprit hostile au moment où l’on tentait d’instaurer à l’usage des enfants de France – et des adultes fraîchement francisés – un « langage de la raison » qui devait se tenir artificiellement éloigné de toute expression orale, mal contrôlée par nature, et jugée « dangereuse » pour la bonne tenue nationale. Un fait révélateur : Le Tour de la France par deux enfants, ce manuel célèbre publié en 1877, écrit tout exprès pour l’alphabétisation des masses, ne comporte pas une seule locution imagée. L’évolution des sens Corollaire de la polysémie, une autre complication dans la répartition par thèmes surgit avec l’évolution des sens. Bien sûr, certaines expressions anciennes n’ont jamais varié dans leur emploi e depuis des siècles – bâtir des châteaux en Espagne a constamment signifié, depuis le XIV siècle où elle apparaît, « se mettre en tête des projets irréalisables » (et le record paraît détenu par découvrir le pot aux roses qui possède sept cents ans de stabilité parfaite !). Mais beaucoup de façons de dire ont soit acquis un second sens qui a cheminé parallèlement au premier (cf. à l’œil), soit changé radicalement de signification. On peut suivre aisément l’évolution de jeter son bonnet par-dessus les moulins, qui signifie e depuis le XIX siècle – appliqué seulement à une femme, censée porter cette coiffure – « mener tout à coup une joyeuse vie, sexuellement dissolue, après une longue période de conformité aux e bonnes mœurs »… À sa première apparition, au XVII siècle (une époque où les hommes portaient encore des bonnets), la locution voulait dire « renoncer à savoir ou à raconter la suite d’une histoire » et se rapportait vraisemblablement à un jeu populaire ou campagnard. Ici on saisit sans peine le passage d’un emploi à l’autre, à partir de l’idée de renoncement : renoncer à la vertu, aux bonnes manières, avec l’imagination facile d’un geste désinvolte, voire égrillard et provocateur de la part d’une « personne du sexe », normalement tenue de demeurer couverte. Ces changements complets d’orientation sont relativement commodes à repérer pour le lecteur qui trouvera à l’Index des expressions les thèmes différents auxquels la locution s’applique – il lui suffira de noter les dates de ces modifications. Toutefois, nous avons écarté la solution des renvois systématiques qui auraient considérablement alourdi le commentaire et entravé la lecture : ce n’est pas la vocation principale du Bouquet de servir d’ouvrage d’étude, mais de tâcher d’égayer, au contraire, le travail du lecteur. Plus compliqué est le dédoublement du sens d’une locution à partir d’une période donnée, c’est-à-dire lorsqu’elle s’octroie une signification différente, tout en continuant à conserver pour la plupart des locuteurs son sens d’origine. Un exemple probant est fourni par être mal embouché e qui, depuis le XVII siècle et encore aujourd’hui pour la plupart des gens en France, signifie « dire des gros mots, sales ou orduriers ». Or il apparaît que dans une population relativement jeune (moins de 40 ans), dans la région parisienne en particulier, être mal embouché s’est solidement établi au sens d’« être maussade, chagrin, de mauvaise humeur ». Un « décrochage » s’est donc produit, depuis une vingtaine d’années ou davantage, qui donne une seconde strate à la locution : il s’est opéré un phénomène de dissociation. Ce processus de glissement, qui a fait prendre la cause pour l’effet et nommer la mauvaise humeur par les termes liés aux horreurs verbales qu’elle provoque, est intéressant à analyser à cause du mouvement sociolinguistique qui le sous-tend, dont il est la trace. Un homme de mauvaise humeur râle, bougonne, et finit, c’est évident, par donner à son entourage des noms d’oiseaux plus ou moins vigoureux – il se fait traiter en retour de mal embouché. Or l’usure langagière normale que provoque la répétition des termes, et qui émousse à la longue n’importe quel mot injurieux, s’est accélérée dans des proportions inouïes au cours des années 1960, à cause des changements complexes et importants intervenus dans les structures générales et mentales de la société française et européenne. L’un des effets de la permissivité, au plan du langage, a été de faire changer de registre beaucoup de termes grossiers, sinon tous – en vérité, de modifier considérablement la notion de grossièreté elle-même, dans l’usage et les mentalités : en même temps s’altérait, s’émolliait, pourrait-on dire, la notion d’insolence. Les rigueurs langagières de la vie familiale, où les interdits de lexique étaient traditionnellement imposés aux enfants, s’affaiblirent brusquement dans toutes les couches de la société, sous la poussée des opinions dominantes, de l’usage de la télévision, etc. Au point que ce qui était naguère indicible, surtout à la maison, devint monnaie courante et pipi d’oiseau ; ce phénomène se produisit du reste un peu plus tôt qu’ailleurs dans la région parisienne, qui aime conserver en tout quelques longueurs d’avance… En dépit de quelques tiraillements, de protestations scandalisées de parents et de grands-parents « normaux », c’est-à-dire respectueux de la norme, il s’est produit au cours des années qui ont précédé et suivi Mai 68 ce que l’on pourrait appeler un « déverrouillage de l’odieux ». Des mots comme merde, con, putain, naguère inacceptables dans presque toutes les familles, ont basculé, assez soudainement en somme, dans le langage familier… Tu m’emmerdes est devenu, mutatis mutandis, le tu m’ennuies des années 1940. Dès lors, une différence d’appréciation, invisible, le plus souvent inconsciente, mais énorme, s’est installée entre la génération des parents « à l’ancienne » et celle des enfants. Pour revenir à la locution, si le grognement d’un bougon – me fais pas chier ! – attirait toujours la repartie mal embouché !, celle-ci n’était plus sentie comme participant d’une « mauvaise bouche » quelconque par des enfants et des adolescents « immunisés ». Aussi ont-ils naturellement appliqué le qualificatif mal embouché à l’humeur chagrine du locuteur de mauvais poil. Il reste que, la dissociation s’étant opérée – c’est un fait observable –, il ne saurait être question de juger si cela était ou non à propos ; ce n’est pas, du moins, le rôle de cet ouvrage qui se donne pour tâche d’enregistrer les modifications. Les deux locutions font aujourd’hui leur e chemin, il convient de mettre être mal embouché dans le thème GROSSIÈRETÉ, à la période d. XVII , et e de l’inscrire également dans INCIVILITÉ, à m. XX . Distinction entre expressions voisines On observe cependant le mouvement inverse : l’immergence l’une dans l’autre de deux locutions distinctes à l’origine et qui finissent par être confondues. C’est là une raison qui nous fait adopter comme règle d’inscrire distinctement les expressions morphologiquement voisines – au risque de paraître redondants – et de refuser le plus souvent l’amalgame de variantes données entre parenthèses, sauf dans des cas de synonymie évidente (ex. : bailler et donner). Cette distinction permet de présenter clairement le moment de leur apparition respective, observé ou présumé ; mais surtout elle dégage ce que la variante peut avoir souvent de significatif (cf. ciaprès à quelque chose le malheur est bon en 1640, et à quelque chose malheur est bon en 1789). Sous la variante, enfin, il peut se cacher l’existence d’une autre locution, assez nettement différenciée, un peu comme une couche d’asphalte peut cacher un pavement gallo-romain… Un bon exemple du phénomène d’immergence est fourni par cette expression que les lexiques donnent ordinairement, par commodité, sous la forme être au bout du (de son) rouleau, avec le sens amalgamé de « fatigue » et de « pauvreté », en lui attribuant pour origine, indistinctement, le rouleau du gramophone lorsqu’il arrive en fin de course – en y ajoutant e toutefois l’influence formelle de la vieille locution du XVII siècle être au bout de son rollet (rester coi, à bout d’arguments). Dans la réalité, une observation plus fine permet de distinguer une évolution bien plus complexe. La forme personnelle être au bout de « son » rouleau apparaît pour la première fois en 1835 (Dictionnaire de l’Académie) dans le langage poli de la société bourgeoise de la monarchie de Juillet, au sens d’« être à bout de ressources » – « avoir tout épuisé, moyens ou argent », précise Napoléon Landais en 1836. Il est fort évident que le gramophone, mis au point vers 1875, ne peut en aucun cas avoir provoqué l’image. En revanche, on peut penser à divers rouleaux, dont l’usage e est aujourd’hui disparu, mais qui comptaient dans la vie quotidienne du premier tiers du XIX siècle. D’abord, le « rouleau de pièces d’or », qui s’épuise facilement, comme on sait ; mais aussi bien le « rouleau de tabac », assez personnel d’emploi, où l’on coupait peu à peu de quoi alimenter sa pipe (ou se fabriquer une chique) et qui s’amenuisait d’autant. On peut également, avec autant de vraisemblance, évoquer le « rouleau de sirop » – c’est ainsi que l’on nommait une « fiole longue qui contient du sirop : un rouleau d’orgeat » (Napoléon Landais, 1836). Dans tous les cas, à ce stade, la tournure au bout de son rouleau a quasi certainement subi l’influence formelle de la e vieille locution du XVII être au bout de son rollet, « ne savoir plus que dire, que faire » (d’une certaine manière, avoir épuisé ses ressources d’ingéniosité verbale), laquelle était encore en usage sous la Restauration dans la même bonne société. Il semble donc y avoir eu d’abord une remotivation (tabac ?) avec le nouveau vocable (rouleau) et la signification nouvelle (ressources). Puis il s’est produit une première immergence de la locution mère (avec rollet, qui disparaît dès lors de l’usage) dans la locution fille (avec rouleau). Être au bout de son rouleau poursuit donc sa carrière seule tout au long du siècle, chargée à présent des deux sens : « avoir épuisé tous ses arguments, tous ses moyens », dit Littré. En 1903, le Nouveau Larousse illustré la relève encore, avec la même signification, comme une « locution familière ». C’est alors qu’intervient être au bout du rouleau, expression nouvelle, et distincte, qui e n’apparaît qu’au début du XX siècle – au moment où la musique de gramophone, cette fois, fait fureur. Si une influence formelle du modèle fourni par l’expression précédente est plus que probable, là encore la nouvelle locution se distingue à la fois par une signification sensiblement différente, une remotivation complète, une modification de structure légère mais signifiante (du au lieu de de son). Il s’ajoute à ces éléments un milieu d’emploi carrément autre. Au bout du rouleau naît en effet dans un registre franchement populaire, au sens précis d’« être sur la fin de sa vie » – vieux, usé, ou malade, sur le point de mourir. L’image de référence est clairement celle du rouleau d’un gramophone – lequel est à la fois plus déterminé (le rouleau) et moins « personnel » ; lorsque cet instrument arrive en bout de course, la chanson s’épuise et finit par « mourir ». Au cours des années 1920, et dans les milieux ouvriers parisiens, être au bout du rouleau s’appliquait aussi bien à un malade à l’agonie (un tuberculeux très affaibli, par exemple) qu’à un outil, un ustensile à ce point usé qu’il en devient inutilisable : « la bagnole est au bout du rouleau ». Pour achever le tracé de cette évolution à rebondissements, il semble que la nouvelle expression ait été attirée assez vite dans le champ de l’ancienne, et qu’elle endossa, dès les années 1930 probablement, les valeurs de pénurie (l’épuisement des ressources) qui caractérisaient être au bout de son rouleau – laquelle continuait à être employée parallèlement, quoique dans un milieu social distinct, plus cultivé, qui n’utilisait pas au bout du rouleau, entaché de vulgarisme. Cependant, avec les années, il s’est produit un phénomène d’immergence réciproque, au bout de son rouleau se chargeant à son tour, chez les prolétaires pour commencer, de l’acception « à la fin de la vie ». En fin de compte, les deux locutions, profitant de la redistribution partielle des classes sociales après 1950 et de l’interpénétration des langages qui les distinguaient naguère rigoureusement, en sont venues à être confondues dans l’usage et traitées en simples « variantes » par les lexiques. III. CONSIDÉRATIONS SUR LES DATATIONS La datation des expressions selon la période de leur apparition dans la langue est le complément presque obligé de leur présentation par thèmes – ne serait-ce que pour leur attribuer, matériellement, un ordre d’entrée sur la feuille ! Le recours au classement alphabétique à l’intérieur d’un thème serait en effet trop aléatoire et incohérent. Quant à faire figurer les expressions au hasard, sans lien, sans rapport entre elles que le sens général qui les réunit, ce serait fournir un conglomérat sans queue ni tête… Ce serait se priver, surtout, de la très grande richesse d’informations que crée l’organisation chronologique. Nécessité des datations Privé de toute indication d’ancienneté, l’usager se trouve dans l’impossibilité de se livrer à une réflexion sérieuse ou à l’analyse d’une expression donnée, tant la formation d’une locution, son aspect formel et son sens, bien souvent, sont liés à l’époque et aux circonstances qui l’ont suscitée ou accueillie. En revanche, une date solide, étayée par une attestation bien circonstanciée, peut balayer d’un trait une signification que l’on croyait claire et assurée, surtout si cette date montre que la locution existait bien avant les événements qu’on lui supposait comme origine. Cela se joue parfois à quelques années près, témoin s’en foutre comme de l’an quarante, qui paraissait désigner l’an 40 de la République tant que l’on supposait l’expression créée sous le Directoire par les ennemis de la Révolution. Or la découverte d’une attestation irréfutable pour 1791, avant qu’il ne fût nulle part question de République, anéantit d’un seul jet cette interprétation-là et oblige à émettre une hypothèse plus serrée. Dans un sens inverse, le fait qu’une locution n’apparaisse dans l’usage que très longtemps après les événements auxquels on l’attribue rend fort douteuse cette attribution même – sans toutefois l’éliminer radicalement si l’écart de temps n’est pas trop absurde. Ainsi, pour conter fleurette, qui fleure, certes, une gaillardise de bon aloi et d’humeur ancienne, certains n’hésitent pas à la faire venir du temps des cours d’amour, en signalant qu’au Moyen Âge les amoureux s’offraient volontiers des fleurs ! Bien sûr, mais le fait qu’aucun chroniqueur ne l’ait jamais e e employée ni au XV ni au XVI siècle, même les plus salacieux, qu’elle n’apparaisse nulle part avant e le XVII , renvoie cette interprétation moyenâgeuse au rang des fantaisies. D’autres envisagent pour elle une création anecdotique : les gens de Nérac, dans le Lot-et-Garonne, où l’ancienne cour de Navarre avait un château, croient dur comme fer que l’expression conter fleurette vient d’une frasque de « Nostre Enrique » (le futur Henri IV), lequel, dans sa jeunesse, avait séduit puis abandonné une pauvre pastourelle nommée Fleurette. Ils affirment que de cette action grivoise, qui causa la mort de la pauvre enfant (dont une touchante statuette commémorative orne le parc), est tiré le fameux dicton conter Fleurette. Or l’expression n’apparaît pour la première fois e qu’au milieu du XVII siècle, cent ans après la jeunesse du Vert-Galant… On n’en trouve aucune trace dans l’entourage linguistique du roi de France et de Navarre, malgré une relative abondance de témoignages écrits, ni de son vivant, ni après sa mort tragique, ni en français, ni en gascon. Il y a dès lors très peu de chances que la « pieuse » explication des Néracais possède une once d’authenticité. Au contraire, il y a toute apparence que cette « origine » a été, comme beaucoup d’autres, forgée a posteriori, à cause du succès de cette expression venue dans l’usage courant au e XVIII siècle. Ainsi progresse la vérité dans ce domaine – comme toujours en histoire – par accumulation de données, tâtonnements et dépouillements. Que signifie une datation ? Repérer l’apparition d’une tournure dans un texte daté – ce qui s’appelle une première attestation – permet seulement d’affirmer que la locution existait déjà à l’époque dont il s’agit. Cela ne signifie évidemment pas qu’elle n’avait pas été créée avant cette date-là ! En fait, elle avait nécessairement cheminé dans l’oral pendant quelques années ou quelques décennies – voire plus d’un siècle en ce qui concerne les périodes reculées où l’écrit était plus rare. Mais l’attestation constitue la preuve matérielle que l’expression était employée, sous la forme où elle est citée, à partir de la date où on la trouve. Cette apparente simplicité, qui prend l’allure d’une vérité de La Palice, est néanmoins essentielle, et pas toujours commode à observer dans la pratique. La stricte observation d’une telle donnée permet pourtant d’écarter bien des fausses pistes et beaucoup de discours oiseux. Les textes eux-mêmes sont datés par leur première publication – la seule significative. Cela est vrai pour les textes modernes, et en général pour ceux qui furent rédigés après la diffusion de l’imprimerie. Pour les écrits plus anciens, qui ont été publiés très longtemps parfois après avoir été e e établis – certains ouvrages du XIII ou du XV siècle ne furent imprimés qu’au siècle dernier –, c’est la période de leur rédaction, connue ou déduite, qui sert de référence. C’est le cas également des Mémoires (Commynes ou Saint-Simon), des correspondances (Sévigné ou Flaubert), ou même de certains écrits littéraires (Diderot) pour lesquels il s’est écoulé jusqu’à plusieurs siècles entre leur production et leur publication. Naturellement, une première attestation est par nature provisoire. Elle demeure valable aussi longtemps que l’on n’en découvre pas une autre, plus lointaine. Conter fleurette, pour reprendre ce cas, est enregistré une première fois en 1654 : pour l’instant, c’est la meilleure date que nous ayons. Cela ne garantit pas que l’on ne puisse trouver cette expression dans une mazarinade datée de 1649, par exemple, et qui n’a encore été repérée par aucun chercheur. Le travail de datation consiste précisément à « remonter » les premières attestations par des lectures nouvelles, les plus variées possibles, dans les sentiers les moins battus de la littérature de toutes les époques. Une activité qui s’apparente, quoique d’une manière lointaine, à la cueillette des champignons, où il vaut mieux battre les bois qui n’ont pas été visités par d’autres… e Heureusement le nombre d’écrits, à partir du XVI siècle surtout, est suffisamment élevé, et ces écrits sont eux-mêmes suffisamment divers, puisant dans des zones de langage dissemblables qui s’étendent des parlers de la Cour à ceux des malfrats. Une façon de dire, même la plus triviale, ne peut guère passer totalement à travers les mailles du filet ainsi tendu – au moins sur une période un peu longue, et pour les locutions qui furent d’un usage étendu et d’une fréquence d’emploi normale. Trouver aujourd’hui une attestation de conter fleurette vers 1600 n’est pas positivement inconcevable – mais c’est très improbable après les dépouillements qui ont été faits e des récits amoureux et polissons du début du XVII siècle. e Plus on se rapproche de l’époque contemporaine, et au XIX siècle déjà, plus l’abondance réelle de textes de toutes natures, romanesques ou séditieux, fournit un corpus solide. Moins il y a de risque, par conséquent, de laisser s’égarer une trouvaille langagière qui aurait eu quelque popularité. D’autant qu’à part les textes eux-mêmes il existe (depuis la publication du « Nicot » en 1606) un nombre croissant de lexiques, dictionnaires et glossaires plus ou moins volumineux et exhaustifs, lesquels ont sans cesse balisé d’une manière plus serrée les nouveautés du langage. Pour ce qui est des dernières décennies, il y a pléthore de journaux, de livres, de BD – on croule plutôt sous les publications qui utilisent le français tous azimuts ! Et cela est très confortant. Néanmoins, il demeure toujours un décalage obligé entre l’invention orale d’une tournure et sa mise sur papier. Même de nos jours, où le langage, comme le reste, bat des records de vitesse, il peut s’écouler quelques semaines, et plus vraisemblablement quelques années, avant qu’un bon mot atteigne l’imprimerie. Cela dépend s’il circule dans les milieux mondains de Paris ou parmi les spirituels loubards des périphéries de Marseille ou de Lyon. À vrai dire, cette notion de « milieu » est essentielle à l’évaluation d’une antériorité quelconque, et parfois déterminante, car dans tous les cas les délais sont incomparablement plus longs s’il s’agit d’une phraséologie populaire que si e l’on a affaire au parler d’un groupe social proche des « moyens de diffusion ». Au XVII siècle, par exemple, un trait d’esprit lancé à la Cour a toutes les chances d’être relevé et enregistré par écrit dans les jours ou les mois qui suivent, alors qu’une calembredaine de cordonnier, si elle a de l’avenir, mettra près d’un siècle pour se frayer un chemin jusque dans un livre. Finalement, c’est cette zone intermédiaire du langage – celui des « petites gens » de l’artisanat ou du commerce – qui est la plus difficile à cerner. C’est parce que ce parler, simplement populaire, a toujours été le moins « voyant » qu’il a été tenu le plus longtemps à l’écart des « enregistrements ». Bien plus longtemps que le langage des classes huppées, cela est évident, mais aussi plus longtemps que l’argot proprement dit : celui des prisons et des bagnes, que l’on saisit très bien à cause des procès et des procès-verbaux dans lesquels il est entré au cours des siècles. On connaît beaucoup mieux l’évolution historique de l’argot de la pègre que du langage des « bonnes gens » qui n’ont jamais trop « fait parler d’eux » ! Les dates et les périodes que nous indiquons dans ce livre sont donc celles du repérage des e locutions et non, bien entendu, celles d’une hypothétique création. L’indication « début XX » e (■ d. XX ) signifie que l’expression est repérée entre 1900 et 1930. Si une date plus précise est fournie, ◪ 1925 par exemple, il y a fort à parier que la locution en question s’est formée soit pendant la guerre de 14-18, soit un peu avant – tout dépend, encore une fois, de sa nature. Si la date de repérage est ◪ 1905, il est clair que l’expression a pu se créer, sauf exception, au cours des années 1880 ou 1890. e Cependant, lorsqu’on passe au XVII siècle, l’approximation est nécessairement plus lâche. Le retard à l’enregistrement peut atteindre alors – toujours selon le registre auquel appartient la e locution – quatre-vingts ou cent ans. Ainsi ■ d. XVII signifie que la locution écrite est trouvée, comme un champignon, à cet endroit-là du temps. Elle pouvait être parlée depuis l’époque de er François I , ou plus récente, comme plus lointaine encore. De même, la date ◪ 1640, qui est celle fournie par le dictionnaire d’Oudin, indique que les expressions enregistrées par ce précieux recueil avaient cours sous le règne de Louis XIII, et de son père Henri IV probablement, c’est-à-dire un gros demi-siècle au moins avant leur parution dans les Curiositez françoises. Il convient de préciser ici une importante notion corollaire : si nous sommes en mesure de repérer, avec les approximations que l’on vient de situer, la naissance d’une expression, nous sommes en général incapables de dire quand cesse son emploi – pour celles qui ont aujourd’hui disparu de l’usage. À quel moment une locution qui n’est plus employée devient-elle définitivement obsolète ? C’est extrêmement difficile à préciser, pour plusieurs raisons. Il existe d’abord un premier phénomène de rémanence qui est caractéristique des dictionnaires. Les auteurs de lexiques sont par vocation même des conservateurs : s’ils se montrent généralement timides pour accueillir les mots nouveaux – avec quelques raisons de prudence d’ailleurs –, une fois qu’ils les ont, ils les gardent ! Du moins, comme ils s’inspirent toujours du travail de leurs devanciers, ils hésitent à rejeter la moindre chose dans l’oubli, de peur d’être accusés de lacunes. Ainsi des termes et tournures oubliés de tous – sauf des dictionnaires ! – sont-ils colportés de siècle en siècle, parfois ornés de l’épithète vieilli. À notre avis, les dictionnaires en usent fort sagement, car, outre que l’on peut avoir recours à un lexique pour ces termes-là, justement, que l’on ignore, rien n’est plus fluctuant que la notion d’archaïsme. D’abord, un terme inusité depuis longtemps dans le discours ordinaire peut resurgir, se raviver, revenir en bouche comme à la parade. Il n’y a pas si longtemps – dans les années 1940 –, le mot péage était un mot mort, oublié, un vieux mot des dictionnaires, qui racontaient qu’au Moyen Âge on devait payer pour passer sur les ponts. Et puis il y a eu le pont onéreux de Tancarville, les autoroutes… Le mot péage est aujourd’hui clinquant, tout neuf !… et, pour des personnes de 15 ans qui ignorent tout de son éclipse séculaire, l’un des beaux mots magiques de leur modernité. Une langue est un réservoir, il est heureux que l’on puisse y puiser en cas de besoin. À dire vrai, notre espoir, en publiant ce livre, est aussi que quelques-unes de ces bonnes vieilles locutions que nous donnons en spectacle au lecteur retrouvent, ainsi remises à flot, une nouvelle vie et vigueur – après tout, il suffit de l’engouement de quelques bons journalistes !… Obsolète ? Mais qui peut affirmer qu’un mot ne fait plus partie de la langue dès lors qu’il est encore employé par des gens, même âgés, en certains endroits du territoire, ou par certaines classes de la société ? Décider qu’il est désuet, c’est déclarer ces gens indignes de langue ! Faut-il en juger encore, comme naguère les grammairiens, par le seul usage de la « bourgeoisie parisienne cultivée » ? Dans la réalité, la sortie d’une expression de la langue se trouve énormément différée en certains lieux, certains domaines – par certaines gens qui partout perdurent. Surtout, il ne faut pas penser que lorsqu’une expression nouvelle est née, elle remplace immédiatement l’ancienne. Il existe une période au moins de chevauchement, dont la durée est éminemment variable, où les uns emploient la nouvelle, les autres l’ancienne. Tout battant neuf, donné par Oudin en 1640 e (l’expression date donc vraisemblablement du XVI siècle), a été supplanté, semble-t-il, par tout flambant neuf, relevé par Delvau en 1867 (donc logiquement créé sous la monarchie de Juillet). Mais à quel moment peut-on déclarer que le passage s’est accompli, définitivement ? Nous donnons ici tout battant neuf avec une citation de Georges Darien dans Biribi de 1888 – mais saiton si, dans certains cantons des Alpes ou de Vendée, les bonnes gens ne disent pas encore aujourd’hui d’un tracteur rutilant de peinture fraîche qu’il est tout battant neuf ? En fait, ce que l’on pourrait faire à la rigueur, dans un ouvrage tel que celui-ci – si ce n’était la lourdeur qui résulterait de ce procédé –, serait de fournir une citation très proche de l’apparition de la locution, une première attestation idéalement (mais certaines expressions nous sont d’abord connues seulement par les voies d’un lexique – Oudin, etc. – sans ornement contextuel), et de fournir ensuite, à titre indicatif, la dernière citation qui serait apparue dans la documentation. Or le ratissage « de queue » systématique nécessaire à ce double traitement – lequel supposerait la constitution d’un fichier démesuré – n’a évidemment pas été effectué par nos soins, tout entiers accordés aux « naissances ». Ce que nous avons essayé de faire cependant, lorsque l’occasion s’est présentée, c’est de fournir une citation proche du « départ » pour les locutions qui sont encore en plein usage, et, pour les locutions devenues caduques, des citations relativement « récentes » – les plus éloignées de leur origine en tout cas afin de mesurer leur permanence dans la langue. Par exemple ◪ 1640 je l’aime comme mes petits boyaux est assorti de la citation la plus tardive que nous ayons rencontrée : « Elle m’aimait ! Autant que ses petits boyaux », dans une Parodie de Zaïre de 1732 – cela donne au moins un aperçu de la longévité de cette expression d’amour extrême. Ajoutons qu’une « première attestation » se distingue dans cet ouvrage par le fait que la citation donnée porte la même date que celle du repérage initial. Par exemple ◪ 1851 avoir les paupières en capote de cabriolet est illustré par une citation puisée chez H. Murger et datée précisément de 1851. Ces premières attestations « remontent » généralement la date précédemment admise (1928 pour cet exemple) et elles proviennent dans la quasi-totalité des cas de notre documentation propre. Le problème particulier des origines anecdotiques ou littéraires Contrairement à une croyance commune, il est rare, pour ne pas dire rarissime, qu’une expression imagée ait pour origine une anecdote. Cependant, il en existe quelques-unes – du moins en apparence – que l’on croit évidentes dans la mesure où elles se rapportent à des faits historiques. On dit par exemple c’est un coup de Jarnac pour désigner une action inattendue, voire traîtresse, qui porte un grave préjudice à celui qui la subit. On le sait, l’allusion est celle d’un duel qui eut lieu le 10 juillet 1547 dans les fossés du château de Saint-Germain-en-Laye, devant toute la Cour réunie aux fenêtres, entre La Châtaigneraie et le sire de Jarnac, lequel battit son adversaire, contre toute attente, à l’aide d’un coup au jarret de son invention, demeuré célèbre. Un premier mouvement ferait donc dater l’expression de 1547 et même du mois de juillet. Or il en va tout autrement. En réalité, l’expression en elle-même, un coup de Jarnac, avec sa forme et son sémantisme propres, fonctionnant comme une locution autonome, ne se rencontre pas avant la fin du e XVII siècle. Cela signifie que l’on n’a parlé d’un coup de Jarnac, pour une action traîtresse en général, qu’au moins cent ans après les faits : ni Oudin ni personne ne le signale, ce qui, étant donné le « milieu » – la noblesse et la Cour (milieu le plus favorable qui soit à un enregistrement précoce) –, constitue quasiment une preuve « par défaut », au moins une très forte présomption de non-existence. Ce dont on a parlé, abondamment si l’on en croit les allusions fréquentes, c’est de ce duel étonnant qui frappa les témoins, où le plus faible mais le plus habile avait écrasé le plus fort (La Châtaigneraie était un bretteur redoutable et Jarnac un freluquet) : une sorte de combat de David et Goliath. C’est donc d’un récit, parvenu à un niveau presque légendaire, qu’est née, e dans la seconde moitié du XVII siècle, l’expression un coup de Jarnac et non de l’anecdote ellemême, tout historique qu’elle soit. Dans une certaine mesure, il en va de même du mot de Cambronne, qu’il serait erroné de e dater de 1815. Ce n’est que beaucoup plus tard, passé le milieu du XIX siècle (première attestation : 1866), que l’expression signifiant « merde » s’est mise à être employée en tant que telle. Là encore elle s’est forgée sur des récits, plus ou moins fondés – mais que sait-on vraiment ? C’est la pudibonderie bourgeoise ultérieure qui a fait douter d’un terme si parfaitement en usage à l’époque. Toujours est-il que l’on disait, dans la bonne société louis-philipparde des années 1840, le mot qu’a prononcé le général Cambronne, et l’on racontait à qui mieux mieux des anecdotes sur Cambronne dans la vie civile bien après Waterloo, faisant des mines pudiques lorsqu’il était question de « son mot ». Là encore l’expression est nettement séparée, quoique par un temps moins long, de son histoire fondatrice – elle s’est créée uniquement sur la légende, et non sur l’anecdote dont nul ne peut dire si elle a eu lieu. Plus subtile encore est la datation des dictons, proverbes et adages qui sont des allusions littéraires. La valeur n’attend pas le nombre des années, dit-on parfois – et l’on cite un alexandrin de Corneille. On en cite d’autres, de Racine, de Molière… Ce précepte de Boileau : cent fois sur le métier remettez votre ouvrage. Oui mais la question est : depuis quand les cite-t-on ? Doit-on dater la locution proverbiale la valeur n’attend pas le nombre des années de 1636, l’année où Corneille fit jouer Le Cid ? Sinon à quel moment doit-on considérer qu’elle a pris son indépendance et qu’elle apparaît dans le discours séparée de sa source ? La réponse est délicate, car l’on ne connaît pas les intentions réelles des locuteurs, du reste cultivés, sous la plume desquels elle apparaît. Ce que l’on peut remarquer toutefois, c’est que le théâtre classique dont sont extraites ces locutions n’eut une faveur populaire, ou tout au moins e un public nombreux et enthousiaste, que lors de sa « redécouverte » au XIX siècle. C’est avec les années 1840, à cause de la présence de l’étonnante Rachel, jugée sublime dans les rôles de Camille, de Bérénice, etc., que ce répertoire classique connut soudain une vogue, une ferveur qu’il n’avait jamais eues à une telle échelle. Là s’établit une connivence suffisante entre un très grand nombre de gens, qui est la condition pour qu’une allusion littéraire puisse fonctionner, puis voler éventuellement de ses propres ailes, détachée de l’œuvre même. Ce moment, s’il existe, est particulièrement malaisé à saisir. Le cas très particulier des Fables de La Fontaine, qui ont fourni au français un nombre appréciable de locutions toujours plus ou moins courantes, illustre assez bien ce propos. Les Fables furent publiées, avec des succès divers, en 1668, 1678-1679 et 1694 principalement. Peuton considérer ces dates comme celles des locutions figées qui en sont issues, soit en toutes lettres – un vers emprunté qui a fait son chemin seul –, soit par adaptation en une formule qui résume la morale de la fable ? À l’évidence non. Dans beaucoup de cas, il faudra même attendre que la e poussée de l’alphabétisme, au XIX siècle, ait pris suffisamment d’ampleur pour qu’un public vraiment nombreux ait accès aux Fables, dont les traits « moralisants » deviennent alors des dictons : la raison du plus fort est toujours la meilleure, etc. La floraison scolaire qui termina le siècle, avec l’apprentissage par cœur qui la caractérisait, donna aux adages du « bon » fabuliste la qualité de fonds commun de culture française « populaire », en même temps que la connaissance des Fables devint un gage d’alphabétisation. Il est donc peu commode de juger le degré de popularité, à un moment donné, d’une expression tirée de La Fontaine. Prendre, se tailler la part du lion dans une affaire est adapté de La Génisse, la Chèvre et la Brebis en société avec le Lion (qui est de 1668). La locution était e apparemment assez bien en vogue au début du XIX siècle pour que Vidocq l’emploie en 1828 et qu’elle soit enregistrée par le Dictionnaire de l’Académie en 1835. Mais, pour quelques métaphores ainsi nettement situables, beaucoup d’emplois demeurent insaisissables. Cela d’autant plus que La Fontaine a parfois bâti toute une fable sur une expression populaire préexistante, à laquelle il a par là même redonné un second souffle. Chronologie et évolution Chronologie et évolution L’une des autres complications – assez nombreuses au demeurant – que l’on rencontre en voulant dater les expressions imagées provient de l’évolution des sens, avec le phénomène de dissociation que nous avons décrit. Par exemple, n’être pas piqué des vers apparaît en 1832 au sens métaphorique (pris au bois) de « solide, sain, plein de sève, de verdeur », appliqué d’ailleurs à une jeune fille. La locution conservera cette acception d’origine pendant plusieurs décennies – doublée, dès les années 1840 probablement, par sa variante fantaisiste pas piqué des hannetons (à cause d’une invasion de ces coléoptères un mois de mai à Paris, où ils mangèrent toutes les feuilles, laissant les arbres aussi nus qu’en hiver, décharnés, étiolés… « piqués » par ces diables de hannetons !…). Il se trouve qu’à partir de la verdeur des gens on a glissé progressivement vers la verdeur d’une histoire, comme on dit, « un peu forte ». Tant et si bien qu’une histoire qui n’est pas piquée des vers a fini par signifier un conte franchement grivois – assez salé, même, dans le genre ! Or, à y e regarder de près, ce dernier sens appliqué à une histoire n’apparaît pas avant le début du XX siècle e (la toute fin du XIX à la rigueur). C’est seulement par un effet rétroactif que nous attribuons cette nuance salace à l’expression lorsque nous la rencontrons dans un texte des années 1870 par exemple, où elle signifie seulement « forte », au sens de « juteuse ». Dès lors, comment dater ?… Devions-nous ne tenir compte que du seul aspect morphologique de la locution et lui accoler dans tous les cas la date de sa première attestation : 1832 ? Sauf qu’elle ne peut figurer dans le thème e GROSSIÈRETÉ qu’à partir de f. XIX , au mieux ; l’y placer dès 1832 serait une erreur d’interprétation patente. Nous avons donc résolu de classer chaque fois une locution à la période, ou à la date, qui correspond au sens défini à la fois par le thème et le commentaire. Ainsi n’être pas piqué des vers apparaît-il aux thèmes ÂGE (sous-thème JEUNESSE) et ROBUSTE en 1832, et au thème GROSSIÈRETÉ à e f. XIX . Assurément, pour toutes ces expressions à glissement de sens – jeter son bonnet par-dessus les moulins, être mal embouché, etc. –, il eût été souhaitable de pouvoir expliciter par un signe, typographique ou autre, ce qui était l’acception première et l’acception dérivée, seconde venue. Malheureusement, cela aurait apporté, dans un classement déjà complexe, une variété d’ennuis supplémentaires, et nous avons provisoirement renoncé à ces signalisations, au profit d’une bonne lisibilité de l’ouvrage. Ce sera au lecteur de faire la démarche, et de s’assurer, le cas échéant grâce à l’Index des expressions, si la date qui est fournie dans un thème est la plus ancienne de toutes. Plus simple, au fond, est l’évolution morphologique : si une expression change légèrement de forme – se simplifie ou s’amplifie, se résume en mots presque identiques –, il suffit de donner chacun de ces avatars en lieu et place… On aura ainsi, dans le même thème, la lecture directe de l’évolution. En outre, ce choix permet de ne pas extrapoler et de distinguer des expressions qui ne doivent pas être confondues. Ainsi on relève chez Oudin en 1640, pour décrire un bon accord, une amitié proche : ce n’est qu’un cul et une chemise, « ils sont toujours ensemble, ils ont de grandes intelligences ». De toute évidence cette fois, il s’agit là de la forme première de l’expression actuelle bien connue être cul et chemise. À quel moment s’est produit le changement, le passage de l’une à l’autre ? Peut-être assez tardivement, ou peut-être y a-t-il eu une période de chevauchement très prolongée ? Car nous ne relevons être cul et chemise pour la première fois qu’en 1894, à Lyon. On peut à la rigueur en conclure que cette dernière a peut-être vécu longtemps sous la forme d’un régionalisme oral, avant d’entrer dans des zones de langage ayant fait l’objet de transcriptions, mais la stricte observance de la règle simple et salutaire énoncée plus haut nous interdit d’extrapoler et de prétendre qu’être cul et chemise, « sous la forme où elle est citée », date du règne de Louis XV ! 1894 est, pour l’instant, son apparition, en attendant mieux. Par ailleurs, l’observation de la chronologie procure au lecteur quelques joies tranquilles, car elle constitue une source d’informations très passionnantes. Elle permet en effet de suivre, étape par étape, l’évolution d’une expression donnée, ce qui est riche en renseignements non seulement linguistiques, mais également historiques sur les mœurs, les us, les coutumes. Le « langage privé » touche de près à l’Histoire dans la mesure où les façons de dire sont souvent le reflet des façons de faire. Nous disons d’une chose impossible, qui n’arrivera jamais, qu’elle arrivera la semaine des quatre jeudis, et nous sourions à la pensée de ces jeudis scolaires d’autrefois – du temps où les technocrates avec leurs moustaches et leurs grands tabliers pleins d’éclaboussures n’avaient pas encore planté leurs coutelas dans le doux lard des traditions séculaires !… Les quatre jeudis, quelle invention ! Par manière de parenthèse, notons qu’on ne dit pas pour autant la semaine des quatre mercredis – nous avons inconsciemment la notion qu’au-delà de l’incongruité des mots, ce serait faux. On a raison, ce serait absurde, un coup d’œil au thème JAMAIS nous en convaincra. Car on e s’aperçoit qu’il y eut d’abord trois jeudis au XVI siècle dans cette fameuse semaine irréelle – et qu’ils n’avaient aucun lien avec l’organisation scolaire, puisque, avant encore, c’est de deux jeudis qu’il s’agit, en une époque où les écoles n’avaient aucun congé de toute façon ! En réalité, au Moyen Âge et encore longtemps après, le jeudi était un jour gras, un jour de ripaille, afin de se prémunir contre le jeûne du vendredi – une raison analogue à celle qui a fait le « mardi gras » la veille du commencement du carême. Ah les beaux jeudis, donc, d’onctueuses crèmes, de piquantes salaisons ! Les jeudis de panse pleine – et de danse alors, pour ne pas faire mentir le dicton. Un jeudi festif – il nous en reste celui de l’Ascension : choyons-le, il permet les ponts (très profondément culturels eux aussi), avant que les technocrates aux crânes carrés ne s’avisent d’y planter leurs sabres !… Bref, jeudi joyeux : à en souhaiter deux dans une impossible semaine… Puis trois, par surenchère et amour de la trinité. Lorsqu’il fut question d’accorder aux écoliers une journée de vacances, ce fut, par habitude et longue tradition, le jeudi qui naturellement se présenta. Par voie de culture, si l’on peut dire. C’est ce qu’apprend un regard sur la chronologie de ces expressions populaires. e Intéressantes aussi sont les strates qui ont abouti, vers le milieu du XIX siècle, à faire la grasse matinée – avec la nuance qu’il semble y avoir eu entre ce dernier stade (dernier à nos e jours : nul ne peut jurer de rien !) et la forme qui le précédait depuis le XVI : dormir la grasse matinée, les deux formes ayant « chevauché » quelque temps. On disait dormir la grasse matinée parce que l’on restait au lit pour y dormir vraiment – s’éveiller tard, paresseusement… Faire la grasse matinée, semble-t-il, d’après les exemples, c’est rester au lit le matin, mais également pour y flâner, y faire autre chose que dormir si l’on veut. Cela marque un cran supplémentaire dans la paresse, mais aussi un changement significatif de l’environnement du dormeur… On peut voir dans cette gradation le reflet d’un confort accru de l’habitat bourgeois, l’importance grandissante donnée à l’installation de la chambre à coucher entre le premier Empire et le second, et qui permet dès lors de paresser dans sa chambre sans même être endormi – pour y vaquer à des occupations intimes. Avec l’autre habitude, qui grandit chez les gens aisés à cette même époque, d’avoir une chambre à coucher pour soi seul. On partage de moins en moins ce lieu – voire ce lit, comme jadis ! – avec d’autres membres de la famille. C’est la montée de la notion relativement nouvelle d’intimité… Dormir ou faire la grasse matinée : sous cette modification de forme anodine en apparence se cache une transformation profonde des mœurs du temps… Au fond, on est très e loin du mauvais coucheur : celui avec qui on partage un lit dans une auberge du XVII siècle et qui vous empêche de dormir ! Les faux archaïsmes Parmi les heureuses surprises qu’apporte la chronologie, on peut classer des observations curieuses à voir – et autrement inimaginables – sur le fonctionnement de la langue. On remarquera tout d’abord que l’allure générale d’une tournure proverbiale, son aspect ancien, vieux comme les chemins, rend celle-ci comme plus universelle. On la trouve plus fiable d’avoir traversé ainsi d’épaisses couches du temps, toute chargée de la sagesse des ancêtres. À bon chat, bon rat ! Les formules ramassées, assonantes, à l’ancienne, plaisent aux gens : comme le vieux meuble, c’est du solide !… Jean de La Fontaine, ce merveilleux poète coureur de jupons, sentit fort bien les valeurs sentencieuses de l’archaïsme : il en usa. Il en forgea quelques-uns afin de donner une pointe mieux acérée à ses flèches – et c’est certain, elles ont glissé dans l’air et franchi le temps. Rien ne sert de courir, il faut partir à point est mieux frappé, plus patiné d’allure, mieux taillé pour la e course, en somme, que la formule populaire en vigueur dès le XVI siècle qui lui a servi de modèle : ce n’est pas tout de courir, il faut partir à temps. L’archaïsme, c’est la forme aérodynamique d’une sentence… Ainsi en est-il des poètes – mais il semble que la progression normale de la langue fomente e ce genre de glissement vers l’ancien. On disait en 1640 (et au XVI siècle assurément) à quelque chose le malheur est bon – ce qui nous semble pataud, tout à coup, avec ce le parasite et banal… Nous, dont l’oreille est accoutumée à la formule elliptique qui fait tellement mieux « proverbe » ! Or notre forme à l’ancienne est relativement récente : à quelque chose malheur est bon n’apparaît dans notre documentation qu’en 1789. Cela signifie que la sentence s’est « archaïsée » toute seule, comme une armoire de chêne se patine agréablement ! C’est là un processus surprenant, certes, mais qui a continué de courir, voire de s’amplifier. Le e XIX siècle en effet découvrit le Moyen Âge : dès les années 1820, des érudits, des éditeurs enthousiastes entreprirent de publier des œuvres inédites, poursuivant un travail de lexicographie et de dépouillement qui avait été commencé, à une moindre échelle, au siècle précédent. La culture moyenâgeuse prit une coloration un peu mode, renforcée par les traits assez appuyés d’un romantisme agissant. Il se créa en France, parallèlement à un travail culturel sérieux et efficace, un « état d’esprit » friand d’archaïsme sous tous rapports, qu’il s’agît de pierres pour la restauration des châteaux ou de mots pour les constructions dramatiques et romanesques. Ainsi des travaux de l’architecte Viollet-le-Duc, qui prenait le Moyen Âge pour témoin, pour modèle – et quelquefois pour cible. On rencontre donc, dans la phraséologie de cette époque, un certain nombre d’expressions courantes forgées avec des mots désuets et qui semblent se référer aux très anciennes pratiques. On parle alors, pour les pièces d’or, d’espèces sonnantes et trébuchantes – la balance appelée trébuchet donnant à l’oreille l’image d’une vieillerie amusante. Cette monnaie-là semble rouler sur les tables massives des hostelleries fréquentées par Villon au temps jadis des dames et des neiges où les gens savaient à l’occasion se payer une pinte de bon sang !… Or se faire du bon sang, au lieu de mauvais sang, est une façon de parler traditionnelle – mais de là à s’en offrir une pinte ! Dans la réalité, aussi bien cette locution à forte image que les espèces sonnantes et trébuchantes n’apparaissent jamais nulle part « sous cette forme » avant… 1830 ! (Espèces sonnantes est apparu seul, par insistance, vers 1720, tandis que les pistoles trébuchantes existaient dès le e XVII siècle.) Ce sont des créations récentes, de faux archaïsmes inspirés par un moyenâgisme endiablé – l’aspect Viollet-le-Duc du langage. Mais le plus étonnant sans doute de ces faux archaïsmes se découvre – avec énormément d’à-propos il faut croire – au thème ÉTONNEMENT. On dit d’une personne qu’un événement quelconque a fort surprise qu’elle est restée comme deux ronds de frite – et cela est récent, qui e reprend deux ronds de flan, datant de la fin du XIX . On dit aussi qu’elle est restée baba, le modèle des deux précédentes, qui remonte aux environs de 1800. Ces trois expressions appartiennent dès l’origine à la langue populaire, voire semi-argotique, et sont restées dans le registre familier. Il manquait à l’usage de tout le monde, mais d’abord à la société « comme il faut », une locution un tant soit peu coquette, gentiment animée, porteuse du saisissement qu’il fallait… Et bouche bée ? Rester bouche bée devant un spectacle fascinant est une expression très parlante – si l’on peut dire ! Elle évoque le menton qui tombe involontairement, la bouche qui reste ouverte, d’admiration et de surprise mêlées – exactement comme rester baba qui lui fait pendant. Tous les dictionnaires, si on les interroge, expliquent que bée est le participe passé du très vieux verbe béer, « être ouvert », qui nous a laissé aussi son participe présent béant, lequel sert encore assez couramment aux gouffres, aux portes et accessoirement aux fenêtres – sans compter les trous… Seulement, voilà la surprise : rester bouche bée, la locution, n’existe que depuis les années 1880 où elle est repérée subrepticement une première fois avant d’entrer véritablement dans l’usage aux environs de 1900 – un siècle, incidemment, après rester baba qui lui a probablement servi de modèle formel. Comment cela est-il possible ? Eh bien, très simplement : il existait une très ancienne expression gueule bée, qui a vécu en authentique archaïsme jusqu’au e début du XX siècle, au moins dans les provinces. Gueule bée signifiait naturellement « la gueule ouverte » et s’appliquait métaphoriquement à une barrique, ou un tonneau, par exemple, dont un des fonds a été ôté – cela sans aucune nuance de surprise. Malheureusement, rester gueule bée, qui aurait calqué heureusement rester baba, ne pouvait convenir au langage bourgeois de la fin du e XIX siècle, même si l’image était saisissante, à cause de la vulgarité qui stigmatisait le mot gueule. On a donc créé, assez astucieusement il faut le reconnaître, ce néologisme plus urbain à valeur d’euphémisme : bouche bée. La nouvelle locution avait le ton qu’il fallait, devant elle un champ vierge d’emploi, elle fut adoptée en un tournelangue par une vaste population, au point de paraître ancienne à souhait. Il faut faire une justice : bouche bée est un faux archaïsme, certes, mais très bien fait ! C’est de l’authentique poésie « populaire ». IV. BIBLIOGRAPHIE ÉLÉMENTAIRE La constitution du fichier servant de fondement à ce Bouquet a nécessité, depuis une dizaine d’années environ, le dépouillement de plusieurs centaines d’ouvrages et de publications très diverses, allant des grandes œuvres qui forment la littérature française (de Rabelais à Céline), à de brefs opuscules et pamphlets de quelques pages. Il ne nous a pas paru important d’afficher toutes ces parutions dans une bibliographie complète, encombrante et assez inutile en ce sens que nous ne donnons pas en référence les paginations des citations fournies. En effet, nous avons préféré, par souci de clarté, indiquer chaque fois la date de parution ou de rédaction du texte cité – information primordiale pour le lecteur –, ce qui nous a incité à écarter pour des raisons de lisibilité des numéros de pages dont l’utilité est voisine de zéro dans l’usage normal d’un ouvrage comme celui-ci. En conséquence, nous nous bornons à présenter succinctement les ouvrages généraux qui ont servi de piliers à cette compilation historique, ainsi que quelques œuvres spécifiques, peu connues du public, dont la fréquence d’utilisation réclame quelques mots d’éclaircissement. Les œuvres les plus récurrentes sont presque toujours désignées en abrégé (ex. : OUD. pour OUDIN). Quelques œuvres spécifiques au langage parlé Naturellement, nous avons puisé nos citations dans le domaine commun de la littérature de toutes les époques ; l’usager ne sera pas surpris de rencontrer ici et là des emprunts au Roman de Renart ou au Roman de la Rose, à Ronsard, Rabelais, Corneille, Balzac ou Victor Hugo. Cependant, ces « écrivains de toujours » ayant fait l’objet de dépouillements extensifs par les soins de nos prédécesseurs – voire de ratissages systématiques comme par exemple la correspondance de Flaubert par Rey-Chantreau pour le Dictionnaire des expressions et locutions figurées –, il nous fallait, pour aller plus loin, aller « plus rare ». Nous avons plongé dans une zone d’écrits dont la plupart sont oubliés, sauf de quelques érudits, ou qui sont introuvables pour quelques-uns d’entre eux hors de la Bibliothèque nationale. Il s’agit d’auteurs peu connus, ainsi que d’œuvres anonymes de différentes périodes dont la caractéristique est d’avoir employé abondamment le langage oral de leur groupe social à une époque donnée. À l’évidence, ces textes qui balisent l’évolution du français parlé constituent pour notre domaine singulier des mines de citations utiles. Par conséquent, on trouvera dans le cours de cet ouvrage des références dont les titres présentent une allure assez énigmatique, en même temps qu’une fréquence déconcertante pour un lecteur non averti. Cela est d’autant plus sensible sans doute que nous avons tenu à conserver pour ce corpus de citations anciennes leur orthographe d’origine. En effet, la manière dont les scripteurs ont essayé de traduire sur le papier les sons du langage populaire, quelquefois dialectal, devait être respectée sous peine d’incohérence ; cela donne aux courts extraits que nous proposons un aspect parfois étrange – il suffit généralement de les déchiffrer à haute voix pour que leur sens s’éclaire pleinement. Nous inclurons dans un premier groupe une douzaine de textes qui s’étendent du début de la e Renaissance au premier tiers du XVII siècle – avant que la langue ne soit entrée dans ce qu’il est convenu d’appeler la période classique. Il faut signaler tout d’abord, dans les franges de l’ancien français proprement dit, Le Ménagier de Paris, livre anonyme, « composé vers 1393 par un bourgeois parisien », un homme qui, autour de la soixantaine, voulut mettre par écrit tout son savoir et toutes les recommandations pratiques qu’il se jugeait en mesure de fournir à l’usage de sa très jeune épouse, une orpheline de 15 ans qu’il nomme « chère sœur » ; cela dans le but explicite de mettre cette femme-enfant inexpérimentée en état de bien « ménager » (conduire) sa maison et sa vie – fût-ce après la mort de cet époux âgé : « pour servir autre mary se vous l’avez après moy, ou pour donner plus grant doctrine à vos filles, amies ou autres, se il vous plaist et en ont besoing ». Émouvante attention, fort digne, et extraordinaire richesse d’informations sur les e usages bourgeois de la fin du XIV siècle à Paris : depuis les prières quotidiennes au gouvernement des domestiques jusqu’à des recettes de cuisine… Le « ménagier » a même recopié à l’intérieur de son manuscrit (imprimé seulement en 1847) un long poème instructif et moralisant de J. Bruyant : Le Chemin de pauvreté et de richesse, écrit en 1342. e Au XV siècle, à côté des œuvres de Christine de Pisan, de Charles d’Orléans, de Villon et d’autres, nous signalerons vers 1410 Les Quinze Joies de mariage, un anonyme qui traite gaiement, en quinze historiettes, de la rouerie traditionnelle des femmes. Un demi-siècle plus tard, les Cent Nouvelles Nouvelles (dont le manuscrit fut trouvé en 1467) sont l’œuvre d’une trentaine de rédacteurs anonymes de la cour du duc de Bourgogne, Philippe le Bon. C’est, dans la lignée directe de Boccace et à l’imitation des Facéties du Florentin Poggio, un recueil de contes brefs et d’histoires égrillardes. Les Cent Nouvelles Nouvelles eurent une forte influence sur la pratique de e la plaisanterie dans tout le XVI siècle, à commencer sur Rabelais lui-même. De la même humeur, assez misogyne, procèdent Les Évangiles des quenouilles (vers 1470), où des femmes filant racontent leurs secrets, les histoires qui courent, et se donnent des recettes… de bonnes femmes ! Importants également sont les Mémoires que Commynes, ancien conseiller de Louis XI après avoir été celui de Charles le Téméraire, écrivit dans les années 1490, et qui furent publiés en 1524. À la même époque (vers 1491) parut l’œuvre baroque et satirique du Champenois Coquillart. À côté des « folastreries » de Ronsard, Noël du Fail, « gentilhomme breton », composa dans le sillage direct de Rabelais quelques récits qui mettent en scène des bonnes gens de son pays : ce sont les Baliverneries d’Eutrapel, en 1548, les Contes d’Eutrapel et les Propos rustiques. Au début e du XVII siècle, cette veine conteuse n’était pas encore asséchée par la tournure fastueuse que prirent les écrits français après 1630. Le Cabinet satyrique est un poème à tendance grivoise de 1618, Les Caquets de l’accouchée, en 1622, sont un « discours facétieux où se voient les mœurs, actions et façons de faire de ce siècle ». Le procédé est analogue à celui des Évangiles des quenouilles, et probablement inspiré de celui-ci : un « secrétaire » note jour après jour les propos tenus par des femmes assemblées – ici à l’après-dîner dans la chambre d’une bourgeoise nouvellement accouchée. L’année suivante, 1623, Charles Sorel publiait la première édition d’un roman qui fut le « beste seller » de tout le XVII siècle, Histoire comique de Francion (communément désigné par Francion), dans un langage encore parfaitement vert – les dernières éditions, dans les années 1630, seront d’ailleurs châtiées et expurgées pour se plier à la bienséance naissante en littérature. Une comédie anonyme du même temps, Les Ramoneurs, écrite vraisemblablement en 1624 pour le trio infernal de l’Hôtel de Bourgogne – Turlupin, Gros-Guillaume et Gautier-Garguille –, nous a fourni une intéressante palette de premières attestations. e Un second groupe d’écrits parallèles, dès le milieu du XVIII siècle, relève de ce que l’on a appelé la « littérature poissarde », à laquelle il faut ajouter ses propres dérivés de la période révolutionnaire. Ce fut le comte de Caylus, grand érudit, spécialiste des antiquités égyptiennes, fin lettré et minutieux observateur des façons de son siècle, qui, le premier, aborda l’écriture de textes qui copiaient le parler, « vulgaire » certes, mais trépidant d’invention verbale, des petites gens de Paris. Il y eut très probablement (encore que l’attribution de cette pièce soit contestée par certains) Les Écosseuses, en 1739, qui mettent en scène les écosseuses de pois dans les halles, haut lieu du langage « poissard ». Puis une série de récits divers, dont Histoire de M. Guillaume, prétendus Mémoires d’un cocher, en 1740, Les Étrennes de la Saint-Jean, en 1742, Mémoires des colporteurs, en 1748, bien d’autres encore, qui furent repris dans une édition d’ensemble en 1786 sous le titre générique Les Œuvres badines du comte de Caylus. La mode de ces textes « parlés » fut bientôt reprise par un jeune contrôleur d’octroi, fils de cabaretier, Jean-Joseph Vadé, qui fut sacré « poète poissard » avec La Pipe cassée, les Lettres de la Grenouillère, etc. Une foule d’autres écrits, tous parfaitement anonymes mais dont les auteurs étaient des lettrés, parurent alors dans cette amusante lignée : Le Goûté des Porcherons, en 1749, mettait en scène le célèbre lieu de réjouissance populaire – et assurément de débauche – qu’était le quartier des Porcherons aux portes de la ville ; Madame Engueule, en 1754 ; Le Panier de maquereaux, en 1764. Les Porcherons sont un long poème héroï-comique en sept chants de 1773, dont le début renvoie explicitement au début de l’Énéide : « Moi, je me borne à des héros,/Hardis pourfendeurs de gigots. » Cette importante veine fut prolongée, au moment de la Révolution, par un grand nombre de pamphlets, de libelles éphémères et parodiques : le Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, en 1789, La Bouillie pour les chats, le Dialogue pas mal raisonnable, le Journal des Halles, le Journal de la Râpée – ces derniers en 1790 ; la plupart, hostiles aux enragés jacobins, utilisaient le dialecte parisien pour mieux fustiger leurs ennemis. Ce fut aussi la technique du Père Duchesne, comme des pamphlets qui le combattaient : Le Drapeau rouge de la mère Duchesne, le Grand Jugement de la mère Duchesne, ou les Étrennes de la mère Duchesne, en 1792 (ceux-ci parmi des dizaines d’autres). e Pour ce qui est du XIX siècle, la moisson est à la fois riche et complexe. Nous signalerons la parution en 1828 et 1829 de récits en langage argotique signés par le célèbre bandit converti à la police, Vidocq, sous la forme de Mémoires rédigés sous sa tutelle par Morice, puis Lhéritier. Par ailleurs, il y eut tout au long du siècle l’importante production chansonnière qui débuta sous la Restauration avec la gloire de Béranger, mais aussi du populaire Émile Debraux, goguetier et homme du peuple, auquel on doit également des récits tels que Voyage à Sainte-Pélagie (la prison), en 1823, Le Passage de la Bérésina en 1826, sans oublier un texte posthume que nous lui 2 avons attribué à juste titre : Les Amours secrètes de M. Mayeux, écrites par lui-même, paru anonymement en 1832, que nous avons référencé ici en abrégé par Mayeux. En ce siècle prolixe, un certain nombre d’auteurs, considérés aujourd’hui comme secondaires par la tradition face aux géants de la plume, jouent ici un rôle spécifique par l’observation qu’ils ont faite de la langue de leur temps. C’est le cas de Raspail, chimiste et humaniste, et bien sûr d’Alfred Delvau, qui, outre son Dictionnaire de la langue verte si précieux, a publié des romans et des récits dans lesquels il accorde une attention particulière aux façons de dire : Les Amours buissonnières, en 1863, par exemple, ou Du pont des Arts au pont de Kehl, en 1866, qui est le journal de bord d’un voyage en Alsace qu’il fit en compagnie de son ami Alphonse Daudet. Il faut citer l’œuvre entière de Henri Murger, rendu célèbre par ses Scènes de la bohème en 1851, titre original du roman republié plus tard, en 1855, sous l’appellation Scènes de la vie de bohème. Alphonse Karr, auteur d’une trentaine d’ouvrages d’inspiration fort diverse, analyste passionné de la société de son temps, fonda, seul, le prototype des journaux satiriques modernes, Les Guêpes, dès 1839-1840. e Cependant, la gaieté n’est pas le fort du XIX , un siècle déchiré par les luttes sociales, les tensions, les profondes mutations économiques, les guerres coloniales : une époque de transition qui connut sept régimes politiques différents – une instabilité des institutions jamais rencontrée auparavant dans l’Histoire, et qui marque le passage de l’État monarchique à l’État républicain, de l’artisanat et de l’agriculture au monde industriel naissant avec l’accession des masses à la responsabilité publique… Un siècle dont la production littéraire, en conséquence, est tout entière tournée vers le sérieux, le tragique, l’expression des idées sombres ou la peinture des mœurs sordides. La fantaisie, la comédie – le rire, en somme – furent relégués, cantonnés dans les genres mineurs de la chanson, du vaudeville et du roman léger : des mines d’or pour le traqueur de langue « relâchée », c’est-à-dire populaire et imagée. Ainsi se situe l’œuvre très florissante de Paul de Kock, un romancier aussi abondant que Balzac (et qui comme lui se réclamait de Molière). Relégué aujourd’hui aux oubliettes, il fut la coqueluche de toute une classe de lecteurs et lectrices, petits et grands bourgeois, enclins à une lecture de divertissement. Dans toute la France et à l’étranger dans les milieux francophones, la notoriété de Paul de Kock, bien plus vaste que celle des écrivains devenus « officiels », n’était égalée que par la gloire de Béranger. Nous avons abondamment fait usage dans nos sources de sa production heureusement étalée dans le temps : de La Pucelle de Belleville en 1834 à Une grappe de groseille en 1865. e En ce qui concerne la langue parlée, les dernières décennies du XIX sont occupées – parallèlement à Zola, ou Courteline – par trois types d’écrits particulièrement riches : les romans de Georges Darien sur la vie militaire – Biribi en 1888, L’Épaulette en 1900 –, les textes argotiques d’Aristide Bruant et les poèmes de Jehan Rictus à partir de 1897 (Les Soliloques du pauvre). Ayant passé son enfance dans l’Angleterre ouvrière et urbaine, Gabriel Randon, dit Jehan Rictus, observait le bas langage du peuple de Paris avec un œil – et une oreille ! – passionné et ému. Enfin la parution, de 1889 à 1900, d’un journal de tendance anarchiste, Le Père Peinard, entièrement rédigé en « faubourien » par Émile Pouget, fournit une source de première importance (nous avons utilisé pour notre dépouillement les extraits publiés par Roger Langlois en 1976 aux éditions Galilée). Les sources contemporaines se différencient sans doute moins nettement. Il est bon toutefois de rappeler l’apport de l’œuvre mal connue de nos jours de René Benjamin (mort en 1948), dont le renom fut acquis grâce à un roman de guerre, le premier du genre, Gaspard, qui obtint le prix Goncourt en 1915. René Benjamin fut pour le langage parisien du premier tiers de ce siècle un observateur si minutieux qu’on le croirait muni d’un magnétophone avant l’heure. L’un de ses textes, Le Palais et ses gens de justice, dont le manuscrit était terminé en 1914, ne put être publié qu’en 1919 en raison de la mobilisation. Étant donné l’intérêt qu’il y a à distinguer pour cette période une phraséologie apparue avant ou après la Première Guerre mondiale, nous donnons pour le Palais la référence 1914, date de l’écriture du texte. Un cas particulier de double référence est fourni par Antoine Sylvère, dont le second tome des Mémoires (après Toinou), Le Légionnaire Flutsch, fut publié en 1982 aux éditions Plon. Sylvère mourut en Auvergne, son pays natal, en 1963 ; le manuscrit où il avait consigné ses souvenirs fut découvert alors, et l’on sait qu’il fut rédigé à la fin des années 1950. Or Le Légionnaire Flutsch raconte, avec une mémoire précise, des événements qui eurent lieu en 1905 et 1906 ; le langage qu’il prête à ses personnages s’avère tellement cohérent et en rapport exact avec ce que l’on connaît par ailleurs de l’argot militaire d’Afrique, au début du siècle (Sylvère, paisible entrepreneur en retraite, aurait eu bien du mal à l’apprendre dans son Auvergne au moment de la rédaction !), que nous sommes tentés de penser, lorsqu’il emploie des termes qui seraient pour nous des premières attestations d’époque, qu’il les doit vraiment à l’acuité de son souvenir qui lui a fait conserver les dialogues dans la langue réelle où ils furent prononcés. C’est une interprétation rendue vraisemblable par la prodigieuse mémoire dont furent dotés certains ruraux d’autrefois. Nous avons donc résolu de donner comme référence aux citations extraites du Légionnaire Flutsch, au moins à titre indicatif : SYLVÈRE, 1906-1950, où 1906 indique la date du récit et 1950 la date de rédaction présumée. Nous mentionnerons enfin l’œuvre de Raymond Guérin, fréquemment utilisée ici – L’Apprenti surtout, de 1946 – parce qu’elle contient toute la langue imagée et populaire des années 1920 et 1930. Lexiques anciens ou peu connus (NICOT) = Jean Nicot, 1606 Thresor de la langue francoyse tant ancienne que moderne Dictionnaire français-latin, avec souvent des commentaires en français, qui fut composé par l’ancien ambassadeur et conseiller du roi Jean Nicot, mort en 1600. Il reprenait, pour le compléter, un manuscrit du magistrat Aimar de Ranconnet (mort en 1559) – c’est-à-dire que ce dictionnaire e donne l’état de la langue au XVI siècle, malgré la date de publication posthume. Le « libraire juré », David Douceur, qui se chargea de la première édition en 1606, augmenta le texte de Nicot d’une grammaire par Jean Masset, et d’un recueil de « proverbes communs en la langue francoyse », expliqués et commentés. (OUD.) = Antoine Oudin, 1640 Curiositez françoises C’est le premier dictionnaire en date consacré exclusivement aux locutions populaires, à « plusieurs belles proprietez, avec une infinité de Proverbes & Quolibets, pour l’explication de toutes sortes de Livres », par Antoine Oudin, « Secrétaire Interprette de sa Majesté » (Paris, 1640). Nous avons exploité systématiquement ce monument indispensable, qui fournit un état très précieux de la langue parlée par la petite bourgeoisie parisienne ainsi que par une partie de la e noblesse dans la première moitié du XVII siècle, et bien au-delà pour ce qui concerne les classes populaires, les moins touchées par l’« épuration » du langage entreprise par la Cour pendant le règne de Louis XIV. (FUR.) = Antoine Furetière, 1690 Dictionnaire universel, recueilli et compilé par feu Messire Antoine Furetière, Abbé de Chalivoy, de l’Académie Françoise (La Haye et Rotterdam, 1690) Il s’agit du premier dictionnaire complet de la langue française, où les termes sont expliqués sans recours au latin. Indispensable outil de connaissance de la langue « classique », il comporte également une merveilleuse description de l’idiome familier des classes moyennes à la fin du e XVII siècle, incluant les locutions familières, tournures et façons de parler populaires – dites « vulgaires », au sens de « communes », par opposition à « nobles », en cette époque d’élitisme exacerbé. Bravant l’humeur des lettrés contemporains, le « romancier du réel » Antoine Furetière, inventeur de la lexicographie moderne, accueillait dans son œuvre les termes des métiers et des sciences, contrairement à la pratique aristocratique du temps. Il provoqua par là une vive réaction de l’Académie française, qui s’opposa à la publication d’un tel ouvrage et vota l’exclusion de l’auteur de parmi ses membres en 1685. Furetière mourut trois ans plus tard, épuisé par cette querelle, sans avoir pu voir son dictionnaire imprimé ; il fut édité en Hollande, seule manière d’échapper aux foudres de l’Académie, en 1690. (TRÉVOUX) = Trévoux, 1771 Dictionnaire de Trévoux ou Dictionnaire universel, français et latin, vulgairement appelé D. de T. La première édition de cet ouvrage, en 1704, fut composée en trois volumes par les jésuites de Trévoux, dans l’Ain ; elle ne faisait que reproduire, presque ligne à ligne, le « Furetière », dont elle pillait même le titre. L’ouvrage s’augmenta en plusieurs éditions successives au cours du e XVIII siècle ; la dernière de ces versions, celle utilisée ici, fut publiée à Paris en 1771 par une association de quinze libraires sous l’impulsion de l’un d’entre eux, Louis-Étienne Ganeau, rue Saint-Séverin, bénéficiaire du privilège du roi. Tout en conservant son titre, devenu traditionnel, l’ouvrage, qui comportait désormais huit gros volumes in-folio, tenait compte de l’évolution de la langue commune pendant les deux premiers tiers du siècle, comme aussi des tendances nouvelles impulsées par les Encyclopédistes. (N. LANDAIS) = Napoléon Landais, 1836 Dictionnaire général et grammatical Le grammairien Napoléon Landais composa dès 1834 un dictionnaire « progressiste » englobant aussi bien les termes techniques que les expressions populaires – la troisième édition, utilisée par nous, de 1836, un an après la parution du Dictionnaire de l’Académie, tranche sur celuici par sa modernité : « Notre Dictionnaire, au contraire, sentinelle avancée de la langue française, a pour mission principale de protéger toutes les innovations heureuses, de leur ouvrir un asyle, de leur offrir le droit de cité. » Par sa date, il constitue un point de repère important avant les parutions lexicographiques massives de la seconde moitié du siècle. (QUIT.) = Pierre-Marie Quitard, 1842 Dictionnaire des proverbes Selon la volonté même de l’auteur, Pierre-Marie Quitard, ce gros recueil d’expressions proverbiales est guidé par la bienséance : « J’ai toujours déguisé sous des termes mesurés et décents tout ce qui m’a paru susceptible de mal sonner à des oreilles délicates. » Un tel souci explique la teneur générale de l’ouvrage, peu « populaire » dans sa conception : « […] je n’ai pas cherché à le grossir de ces locutions grossières traînées dans les ruisseaux des halles, de ces mots disgracieux, de ces sales dictons qui se trouvent souvent dans la bouche des gens sans éducation […] j’ai laissé dans son bourbier natal toute cette phraséologie de la canaille. » Ennemi déclaré du positivisme, « mot barbare créé de nos jours et bien digne de ce qu’il exprime », Quitard accueille sans beaucoup de discernement des anecdotes dont nous ne savons pas où il les a trouvées, et fournit de longs développements biblico-mythologiques souvent plus « romantiques » que réellement bien fondés. À vrai dire, nous soupçonnons beaucoup Pierre-Marie Quitard d’avoir façonné à sa manière un certain nombre d’allégations « historiques », voire quelques-uns de ses « dictons anciens », dans le but, louable peut-être, mais fort peu scientifique, d’augmenter la respectabilité de la « sagesse traditionnelle » des nations. (DELV.) = Alfred Delvau, 1867 Dictionnaire de la langue verte Ce précieux recueil, inégalé, qui permet de dater de très nombreuses expressions et termes e e populaires au XIX siècle, constitue l’équivalent exact du recueil d’Antoine Oudin au XVII . Alfred Delvau, romancier, chroniqueur élégant et caustique, mais aussi « enfant du pavé de Paris et d’une famille où l’on est faubourien de père en fils depuis cinq ou six générations », s’est fait l’artisan d’une démarche qui est rigoureusement l’inverse de celle de Quitard. Il en diffère autant par l’intention que par l’objectivité et la précision de sa méthode : « J’ai chassé aux mots comme on chasse aux papillons – pour mon propre plaisir », assure-t-il. « J’ai laissé aux délicats d’en haut, aux aristocrates de la philologie, le soin de trier, de classer et d’étiqueter leurs trouvailles de choix. Ravageur littéraire [les “ravageurs” étaient les écumeurs de ruisseaux d’égout et des bords de Seine] j’ai obscurément, pendant sept ou huit ans, battu de mon crochet tous les ruisseaux, promené ma lanterne sourde dans les coins ténébreux, ramassant sans cesse et sans fin, heureux d’un tesson comme Rousseau d’une pervenche et enrichissant chaque jour mon musée d’un nouveau débris, sans lui enlever un grain de sa poussière, un atome de sa boue, une parcelle de sa rouille : tel trouvé, tel conservé. » Paru d’abord en 1866, puis en 1867, l’année même de la mort d’Alfred Delvau, le Dictionnaire de la langue verte, abondamment utilisé par Émile Zola, reçut une dernière édition en 1883, accompagnée d’un Supplément par Gustave Fustier. Les éléments issus de ce Supplément sont indiqués par la mention : DICT. LANGUE VERTE. (LARCH.) = Lorédan Larchey, 1872 Dictionnaire de l’argot parisien Rival – et survivant – d’Alfred Delvau, Lorédan Larchey avait fait paraître, de 1858 à 1865, d’intéressantes Excentricités du langage. Aussi accusa-t-il violemment l’auteur du Dictionnaire de la langue verte de plagiat… En 1872, après la Commune et ses remous, il reprit ses publications en six fascicules (F. Polo, libraire-éditeur, au bureau du journal L’Éclipse), leur donnant la forme de ce dictionnaire « historique, étymologique et anecdotique » qu’il présente comme la « sixième édition des Excentricités du langage, revue, corrigée, augmentée de moitié et mise à la hauteur des révolutions du jour ». Homme de cabinet, et non de terrain, Larchey fournit d’abondantes citations d’auteurs qui constituent souvent des premières attestations (nous les avons souvent reprises, après le commentaire de Larchey). (LYON) = Lyon, 1894 Littré de la Grand’Côte, par Nizier du Puitspelu Ce pseudonyme localier cache un architecte lyonnais, Clair Tisseur (né en 1827), qui avait passé son enfance et son adolescence parmi les canuts. Il occupa les années de sa retraite à composer ce recueil de « lyonnaiseries », lui donnant la forme d’un « Littré » affectif, censé défendre avec humour et fierté – mais aussi une vraie science du langage – le parler de Lyon. En réalité, Clair Tisseur fit pour Lyon ce que Delvau avait fait pour Paris. Le fait intéressant est qu’un nombre significatif de ces « tournures lyonnaises » sont en vérité des expressions d’occitan francisé – à cause, probablement, de l’importante main-d’œuvre ouvrière de la soierie venue des départements voisins, de langue occitane. Loin d’être cantonnées à la ville des soyeux (ce que semblait penser l’auteur), beaucoup de ces tournures avaient – et ont encore pour certaines ! – un vaste usage dans une grande partie de la France du Sud. Fruit d’une mémoire qui englobait les e deux derniers tiers du XIX siècle, ce précieux document fut publié en 1894, un an avant la mort de son auteur. Remarque : Deux autres ouvrages repères importants – l’Étymologie ou Explication des proverbes français de Fleury de Belligen (La Haye, 1656) et le Dictionnaire comique de P. J. Le Roux (Paris, 1718) – ayant été très abondamment cités par plusieurs auteurs, notamment A. Rey et S. Chantreau (Dictionnaire des expressions et locutions figurées), nous ne les avons utilisés que de e « seconde main », de la même manière que les lexiques de Grandval (d. XIX ), Colombey et Halbert e (m. XIX ) que cite abondamment Lorédan Larchey. Lexiques de référence usuels ou contemporains (LITTRÉ) = Dictionnaire de la langue française, par Émile Littré, 1863-1872 L’œuvre de Littré demeure encore aujourd’hui le pilier de toute recherche sur le français. (LAROUSSE) = Grand Dictionnaire universel, par Pierre Larousse, 1866-1876 Monument utile, non seulement pour l’agrément de sa lecture, mais parce que l’auteur y enregistrait parfois des expressions populaires que Littré, plus élitiste, avait négligées ou écartées. Nouveau Larousse illustré, 1898-1905 Cette refonte du « Larousse », en sept gros volumes, a l’avantage de signaler des expressions e familières apparues vers la fin du XIX siècle dans la langue parlée par la petite bourgeoisie, quelquefois même par le monde ouvrier, mais qui n’appartiennent pas au registre de l’argot proprement dit. En conséquence, elles ne sont relevées nulle part ailleurs. Exemple : peigner la girafe, dont le Nouveau Larousse illustré fournit la première attestation. Le Poilu tel qu’il se parle. Dictionnaire des termes populaires récents et neufs employés aux armées en 1914-1918 étudiés dans leur étymologie, leur développement et leur usage, par Gaston Esnault, Paris, 1919 Larousse universel, en 2 volumes, 1922-1923 Important jalon, juste après la Grande Guerre, dans le repérage des tournures ayant survécu aux armées, et passées dans le langage familier. Locutions et Proverbes, par Eman Martin, Paris, Delagrave, 1928 Curieux petit recueil de deux cents expressions commentées, avec des explications sur leur origine, par un érudit discret, fondateur d’un journal de correspondances : Le Courrier de Vaugelas. Ouvrage posthume, publié en 1928 (d’après un contrat signé par les héritiers en 1888 !) alors qu’Eman Martin était mort en 1882. Dictionnaire des locutions françaises, par Maurice Rat, Larousse, 1957 Ouvrage bien documenté, avec appui de citations, pour ce qui est des expressions de la langue classique – moins fiable pour les origines des locutions populaires. Maurice Rat reprend parfois sans les critiquer des affirmations fantaisistes de Quitard. (ESNAULT) = Dictionnaire historique des argots français, par Gaston Esnault, Larousse, 1965 Fruit de toute une vie de recherches érudites, il s’agit d’un monument indispensable à l’étude du français populaire. Outre l’argot historique, celui de la délinquance proprement dire, Esnault définit l’argot comme « l’ensemble oral des mots non techniques qui plaisent à un groupe social. Le groupe, corporatif, écolier, mondain, est plus ou moins cohérent. » e (ROBERT) = Le Grand Robert de la langue française, par Paul Robert, 2 édition entièrement revue et enrichie par Alain Rey, Éd. des Dictionnaires Robert, 1985 Cet ouvrage en neuf volumes représente la forme actuellement la plus achevée de la description du français moderne et contemporain. e (BLOCH et WARTBURG) = Dictionnaire étymologique de la langue française, 5 éd., PUF, 1968 La bible indispensable en matière d’étymologie du français. La Puce à l’oreille, par Claude Duneton (Stock, 1978), édition revue et corrigée : Balland, 1985 ; Le Livre de poche, 1990 (REY-CHANT.) = Dictionnaire des expressions et locutions figurées, par Alain Rey et Sophie Chantreau, Robert, 1979 Ouvrage de base, le plus riche et le plus volumineux des dictionnaires consacrés aux expressions figurées ; le plus varié également, par la diversité et la somme des citations qu’il propose. Il est l’un des piliers qui ont servi à l’édification du Bouquet, particulièrement pour ce qui concerne la langue contemporaine. (CELLARD-REY) = Dictionnaire du français non conventionnel, par Jacques Cellard et Alain Rey, Hachette, 1980 Il s’agit de la meilleure étude à ce jour de ces termes familiers que tout le monde emploie, des Premiers ministres jusqu’aux balayeurs, qui ne sont ni de l’argot – même au sens le plus élargi – ni encore du français reçu par la convention grammaticale et scolaire. (J. CELLARD) = Ça ne mange pas de pain, par Jacques Cellard, Hachette, 1982 Très intéressant catalogue d’expressions et façons de parler contemporaines et bizarres, accompagnées le plus souvent d’explications astucieuses et érudites. (MERLE) = Dictionnaire du français branché, par Pierre Merle, Éd. du Seuil, 1986 Étude des modes langagières des années 1980, essentiellement chez les jeunes et à Paris, par un observateur direct et souvent ironique. (BERNET et RÉZEAU) = Dictionnaire du français parlé, par Charles Bernet et Pierre Rézeau, Éd. du Seuil, 1989 Il s’agit d’un recensement assez exhaustif des phénomènes du français oral contemporain, expressions imagées comprises. L’observation y est précise et bien complétée par une foule de citations récentes, avec d’intéressantes précisions concernant l’origine et la datation. 1. Nous avons inventé la méthode, et l’idée même d’un tel classement pour notre fichier, au mois de juin 1986, lors de la rédaction d’un article sur les expressions de la mort publié dans la revue Autrement en janvier 1987. 2. Cf. C. Duneton, La Goguette et la Gloire, Le Pré-aux-Clercs, 1984. CORPS PARTIES DU CORPS Tête Visage Yeux Nez Bouche Dents Oreilles Cou Seins Ventre Cul Jambes Pieds Mains DÉGAINE Mal foutu Nudité Cheveux Chauve Poils Couleurs des gens HABILLEMENT Bien sapé Mal sapé Vêtements Accessoires BEAUTÉ Coquetterie LAIDEUR PROPRETÉ SALETÉ ÂGE Enfance Jeunesse Maturité Vieillesse GRANDEUR PETITESSE GROSSEUR FORCE MAIGREUR FAIBLESSE Fatigue FORME Santé MALAISE Évanouissements MALADIE SOINS Maladies Maladies vénériennes Remèdes Guérison Être malade Douleur MOURIR Être mourant Être mort Cimetière Se suicider RÈGLES ENCEINTE NAISSANCE Accoucher Avorter VUE Regarder Mauvaise vue Strabisme Borgne Aveugle PARTIES DU CORPS anatomie, carcasse, membres e e ■ d. XVII le moule du pourpoint le corps ■ m. XVII 1640 envie sur l’enfant « la marque qu’il e apporte du ventre de sa mère » (OUD.) ■ m. XIX 1867 avoir les abattis canailles « avoir les extrémités massives, grosses mains et larges pieds, qui témoignent éloquemment d’une origine e plébéienne » (DELV.) ■ f. XIX épaules en portemanteau tombantes ◪ 1894 le râtelier de l’échine e « l’épine du dos. Râtelier, à cause des vertèbres qui font saillie » (LYON) ■ d. XX épaules en bouteille de Saint-Galmier étroites et tombantes TÊTE crâne, caillou e e ■ f. XVI le coffre de l’entendement ■ m. XVII 1633 la tête faite en pain de sucre longue et e pointue ◪ 1640 le moule du chaperon • le moule du bonnet ■ m. XVIII 1740 la tirelire c’est probablement l’image de l’objet que l’on frappe pour le briser – la bouche servant de fente paraît une surdétermination « Notre soldat avoit tiré sa guinderelle, l’autre était un rude cannier, et moi, avec mon fouet, nous donnions sur les tronches et les tirelires, pendant qu’ils se défendoient avec les tabourets du jardin », CAYLUS, Histoire de ■ m. e ■ f. XIX 1872 cocarde M. Guillaume, 1740 e XIX 1867 boîte au sel « la tête, siège de l’esprit » (DELV.) • grenier à sel VISAGE face, figure, gueule, bobine, trombine, tronche, bouille, trogne, poire, bille, binette e e ■ XVI face d’abbé visage rubicond ■ m. XVII 1640 la trogne • un coup de verre « une rougeur ou pustule sur le visage » (OUD.) • une pleine lune un gros visage • menton de bouis « un grand menton large, et sans poil » (OUD.) • un coup de bouteille « une rougeur ou pustule sur le visage » e (OUD.) • Jean gifflart trompette de Calais une personne qui a les joues enflées ■ f. XVII 1690 visage de pleine lune « celui qui a la face large et grossière ; celui d’une personne grasse et e maflée » (FUR.) • un coup de pied en bouteille « rougeur ou bouton au visage » (FUR.) ■ d. XVIII e e 1704 menton de galoche ■ f. XVIII taillé à coups de hache aux traits grossiers ■ XIX taillé à coups e de serpe • face de lune visage rond ■ m. XIX gueule en coin de rue • avoir le visage comme une écumoire plein de trous de petite vérole ◪ 1832 visage en lame de couteau long et étroit ◪ 1867 moule à gaufres figure marquée de trous de petite vérole • gueule en pantoufle visage emmitouflé • morceau de gruyère figure marquée de la petite vérole • poêle à châtaignes « visage marqué de petite vérole, – par allusion aux trous de la poêle dans laquelle on fait rôtir les marrons » (DELV.) • bonne gueule visage sympathique • menton en galoche « long, pointu et recourbé comme celui de Polichinelle » (DELV.) • moule à claques « figure impertinente qui e provoque et attire des soufflets » (DELV.) ■ f. XIX 1872 bonne balle « tête ridicule » (LARCH.) • rude balle « tête énergique, caractérisée » (LARCH.) • pomme de canne « tête ridicule comme celle qu’on sculpte parfois sur les pommeaux de certaines cannes » (LARCH.) ■ d. visage amusant e XX bille de clown YEUX châsses e ■ XVI œil de cochon « rond et petit et peu fendu, comme les ont les cochons » (PARÉ, in LITTRÉ) e e ■ m. XVI yeux bordés d’écarlate pleins de rougeur tout autour ■ XIX yeux à fleur de tête e e globuleux ■ d. XIX yeux de gazelle au regard plein de douceur ■ m. XIX belle paire de quinquets yeux émerillonnés ◪ 1833 œil bordé d’anchois « œil aux paupières rougies et dépourvues de cils. L’allusion sera comprise par tous ceux qui ont vu des anchois découpés en lanières » (LARCH.) « Je veux avoir ta femme.– Tu ne l’auras pas. – Je l’aurai, et tu prendras ma guenon aux yeux bordés d’anchois », VIDAL, 1833 ◪ 1851 yeux en boules de loto « à fleur de tête, comme les grenouilles. On prétend que ceux qui les ont de la sorte ont beaucoup de mémoire, pour autant que, pour se loger dans la cervelle, elle est obligée de pousser les yeux en dehors » (LYON) • paupières en capote de cabriolet plissées « Il a une bonne tête, avec ses paupières en capote de cabriolet et ses yeux en boule de loto, fit Schaunard en tirant un brûle-gueule ◪ 1867 lanternes de cabriolet yeux gros et saillants « Oh ! c’est vrai ! t’as les yeux comme les lanternes de ton cabriolet… », GAVARNI • yeux de lapin blanc merveilleusement culotté », H. MURGER, Scènes de la bohème, 1851 e « rouges, avec des cils blancs » (DELV.) ■ f. XIX 1872 yeux culottés « cernés de bistre » (LARCH.) ◪ 1894 yeux bordés de maigre de jambon avec le bord des paupières rougi • yeux mâchés « se dit lorsqu’on a les yeux cernés, battus » (LYON) • yeux en trou de pipe « yeux petits, perçants, et à e la soute. C’est le contraire des yeux en boules de loto » (LYON) • yeux de percerette idem ■ d. XX e yeux en boutons de bottine ronds et petits • paupières en capote de fiacre très plissées ■ m. XX yeux en trous de bite tout petits • yeux en tête de clou idem NEZ pif, tarin, blair e ■ m. XVII 1640 nez couperosé « tout plein de tannes, et de rougeurs » (OUD.) • un rubis sur le nez une rougeur ou pustule • camus de Lamballe, un pied et demi de nez de quelqu’un qui a un long nez • il a été le premier à la foire des nez il a le nez bien long • nez d’as de trèfle un nez gros et plat • nez troussé de peur des crottes court ou camus • nez de Turquet camus • nez de pompette long • nez de (en) pied de marmite « nez dont le bord avance et est retroussé » (FUR.) • nez buriné « gravé ou marqué de petite vérolle » (OUD.) • c’est un mouton de Berry, il est marqué sur le nez « pour dire qu’une personne a un coup ou une balaffre sur le nez » (OUD.) e ■ f. XVII 1690 voilà un beau nez à porter des lunettes en se moquant d’un gros ou grand nez • un nez de rhinocéros « homme qui a un nez gros et éminent ; les Latins le disaient d’un homme fin et e rusé » (FUR.) ■ m. XIX 1867 nez tourné à la friandise « nez retroussé, révélateur d’une complexion amoureuse, – dans l’argot des bourgeois, qui préfèrent Roxelane à la Vénus de Médicis » (DELV.) • nez où il pleut « nez trop retroussé, dont les narines, au lieu d’être percées horizontalement, l’ont été perpendiculairement » (DELV.) « Mademoiselle Kid était une petite drôlette, avec un nez où il pleut dedans », Stop, Journal amusant, 1870 • nez qui a coûté cher « nez d’ivrogne, érubescent, plein de bubelettes, qui e n’a pu arriver à cet état qu’après de longues années d’un culte assidu à Bacchus » (DELV.) ■ f. XIX 1872 nez culotté nez rougi par l’ivrognerie • nez en trompette de nos jours, désigne un petit nez e retroussé ; en 1872, LARCHEY indique qu’il s’agit d’un nez très relevé ; et au XVIII siècle, c’est vraiment l’idée de grande ouverture de narines qui prédomine, cf. « Soudain paroît le roi Henri [Henri IV]/Avec sa barbe à l’escopette/Et son grand nez fait en trompette,/D’un gourdin les e époussetant » (FOUGERET DE MONBRON, La Henriade travestie, 1745) ■ m. XX nez à piquer des e gaufrettes long et pointu ■ f. XX nez en pivoine gonflé et rouge, de façon provisoire (signe de rhume) ou de façon définitive (signe d’alcoolisme) BOUCHE bec, gueule, goulot, avaloir, margoulette, museau e ■ m. XVII 1640 l’épée de Samson les mâchoires • elle s’écoute parler, elle a la bouche près des oreilles la bouche bien grande et fendue • être bien embouché avoir la bouche grande • les armes de Caïn les mâchoires • il eût été bon fils de chasse-chien, il a de quoi cacher son pain bénit il a la bouche bien grande • (il est fils de tonnelier) il a une belle avaloire la bouche grande • bien fendu de gueule qui a la bouche grande • bec de lièvre « lèvre de dessus fendue » (OUD.) e ■ f. XVIII 1791 moule à bécots bécot a désigné la bouche avant de désigner le baiser, par métonymie ; et la bouche est devenue un moule à bécots « me voilà tout de suite transformé […] ma bouche e enfumée devient un joli moule à béco orné de trente-deux perles blanches », HÉBERT, 1791 ■ d. XIX chiffon rouge la e langue ■ m. XIX dalle du cou, dale « allusion à la pierre d’évier [appelée dalle] dans les cuisines parisiennes ; elle est percée d’un trou qui sert comme le gosier à l’écoulement des liquides » (LARCH.) « Avec ces messieurs je bois. Oui, nous nous rinçons la dalle », Léonard, parodie, 1863 ◪ 1833 porte-pipe « Si je lui payais la goutte, car il aime furieusement à se rincer le porte-pipe », VIDAL, 1833 ◪ 1867 moulin à merde de « vilaine bouche », le sens est rapidement passé à simplement « bouche » • moule à blagues • rue au pain « gosier. C’est par là que les aliments passent » (LARCH.) « Commence, mon vieux, par arroser la rue au pain, dit la chiffonnière en remplissant le verre du voisin », C. RABOU • salle à manger • trou aux pommes de e terre • batterie de cuisine « les dents, la langue, le palais, le gosier » (DELV.) ■ f. XIX 1872 manger la soupe avec un sabre avoir une grande bouche « Une bouche grande à faire croire que le prévenu mange la soupe avec un sabre (style de régiment) », Courrier de l’Ouest, 1872 ◪ 1894 le chemin de la vallée le gosier e ■ d. XX 1902 ouvrir un four ouvrir grand la bouche, pour enfourner de la nourriture « Tout le monde a vu, dans les foires, les gosses se bousculer et ouvrir un four immense pour saisir entre les dents un pain d’épice qui pend au bout d’une ficelle ? », Mémoires de Casque d’Or, 1902 DENTS ratiches, crocs e ■ m. XVII 1640 le râtelier « un beau râtelier : deux rangées de dents bien complètes ; pour dire e qu’elles mangent bien, ou qu’elles sont fort belles » (FUR.) ■ m. XVIII clou de girofle « dent gâtée, dent noire et cassée comme un clou de girofle » (LARCH.) « Madame Cramoisi demanda à Santeuil combien ils étaient de moines à Saint-Victor.– Autant que vous avez de clous de girofle dans la bouche, dit Santeuil, voulant parler de ses dents noires et gâtées », SANTOLIANE, 1764 ■ m. e XIX 1858 touche de piano incisive de grande taille ◪ 1867 amandes de pain d’épice dents noires et rares • être riche en ivoire avoir de belles dents • racines de buis « dents jaunes, avariées, esgrignées » (DELV.) • avoir une chambre à louer « avoir une dent de moins » (DELV.) • meules de moulin « les dents, principalement les “molaires”, qui broient le pain » (DELV.) • n’avoir plus de chaises dans la salle à manger n’avoir plus de dents • rue du bec dépavée bouche à laquelle des dents manquent • montrer son ivoire montrer ses e dents • avoir le jeu complet avoir toutes ses dents ■ f. XIX 1872 bouder aux dominos « avoir des e dents de moins » (LARCH.) ■ f. XX sourire émail diamant grand sourire ; référence à une publicité pour un dentifrice qui fait les dents très blanches et permet donc de sourire… de toutes ses dents OREILLES portugaises e e ■ m. XIX 1867 feuilles de chou ■ f. XIX 1872 paire d’anses paire de grandes oreilles écartées COU e ■ XIV le nœud de la gorge « il convient tout dire en très grant humilité et repentence et n’en riens oublier ne laissier derrière, et quelque gros morcel qui y soit, il convient qu’il passe oultre le neu de la gorge », Le Ménagier de Paris, 1393 e ■ m. XVII 1640 pomme d’Adam « le cartilage thyroïde, – que le peuple regarde comme la marque de la pomme que le premier homme mangea dans le Paradis à l’instigation de la première femme, et dont un ou deux quartiers lui restèrent dans la gorge » (DELV.) • col de grue « un grand col, et bien long » (OUD.) • le morceau d’Adam la noix du gosier • des salières des creux à la gorge • un e e torticolis « qui a le col de travers » (OUD.) ■ f. XVII 1690 cou de grue bien long ■ f. XIX cou de taureau cou très large « C’était une sorte de colosse, blond, massif, avec, sur un cou de taureau, une figure rose de bébé réjoui », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Ravachol, 1925 ◪ 1894 le nœud du cou la nuque SEINS poitrine, buste, gorge, nichons, nibards, roberts, roploplots, doudounes e e ■ m. XVII 1640 avoir les tétons relevés en bosse « gros et enflez » (OUD.) ■ m. XVIII 1764 ragoût de poitrine « T’as encore une belle nature pour parler d’z’autres ! Est-ce parce que j’nons pas d’ragoût d’poitrine sur l’estoma ? J’ons la place, plus blanche que la tienne, et j’n’y mettons pas des chiffons comme toi », Amusemens à la grecque, 1764 e ■ d. XIX une planche à pain une femme plate « M. X.Y. aime les beaux seins ! Il a une tendresse particulière pour les corsages qui sont sur le point de péter ou qui pètent et, avec lui, les malheureuses planches à pain sont e ■ m. XIX 1851 boîte au lait « la gorge, – dans l’argot du peuple, qui se souvient de sa nourrice » (DELV.) « Ah ! les boîtes au lait de ma nourrice, ah ! les quatre repas de mon enfance, qu’êtes-vous devenus ? », H. MURGER, Scènes de la bohème, 1851 ◪ 1867 avoir des oranges sur la cheminée « avoir une gorge convenablement garnie, dans l’argot de Breda-Street » (DELV.) • pommiers en fleurs seins de jeune fille • doublure de la pièce « “ce qu’il y a sous le corsage d’une robe de femme”, – dans l’argot des bourgeois, qui, quoique très Orgon, sont parfois de la famille de Tartufe » (DELV.) • gras-double « gorge trop plantureuse » (DELV.) • chouette jabot poitrine plantureuse • avoir une livraison de bois devant sa porte « se dit d’une femme e richement avantagée par la Nature » (DELV.) • devant de gilet « gorge de femme » (DELV.) ■ f. XIX 1872 blague à tabac sein flétri ◪ 1881 œufs sur le plat petits seins ◪ 1883 peau de bouc « sein. Argot des régiments d’Afrique qui donnent aussi le nom de peau de bouc aux petites outres goudronnées qui leur servent de bidons » (DELV.) ◪ 1888 il y a du monde au balcon sa poitrine est e opulente ■ d. XX avoir de la conversation être fin causeur. L’expression est souvent détournée, avec un geste de la main devant soi, pour indiquer qu’une femme est pourvue d’une poitrine opulente : Elle a de la conversation • ne pas avoir de boutique sur le devant avoir de petits seins fichues dès la première minute », Mémoires de Casque d’Or, 1902 « on pourrait aimer des choses plus bêtes que des gros nichons ! C’est ce que je me tue à expliquer à toutes celles qui n’ont pas de boutique sur le devant et que la soi-disant injustice de M. X.Y. révolte », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ◪ 1924 les rotoplos « elle a le teint battu, les traits tombants, les yeux en forme d’écouteurs et les rotoplos instables », Monde où l’on s’abuse, 1924 J. FAYARD, Le e ■ m. XX seins en gants de toilette plats et tombants « Bitouillou sécha son verre avec hargne : “On la connaît la fesse du Midi. Des bignoles, ou des charcutières avec le nichon en gant de toilette” », R. FALLET, Paris au mois d’août, in BERNET et RÉZEAU VENTRE estomac, panse, abdomen, bidon e e ■ f. XVII 1690 un coffre sans serrure l’estomac ■ m. XIX 1867 panier au pain l’estomac • e soute au pain ■ f. XIX 1872 place d’armes « Frappant sur son estomac, un baigneur dit : “Rien à la place e d’armes…” », La Vie parisienne ■ m. XX 1951 boîte à ragoût l’estomac CUL fesses, derrière, postérieur, croupe, arrière-train, fondement, miches, derche, pétard, popotin ■ f. XVI e lunette au petit rond anus • la face du grand Turc « son mary qui estoit tout nud sur le lict, avoit la face du grand Turc tournée de ce costé-là, & fit une canonade si forte et véhémente, qu’elle pensant que c’estoit l’esclat du tonnerre, jetta par terre tout ce qu’elle tenoit », TABOUROT, Des escraignes dijonnoises, 1588 ■ d. XVII e panier e aux crottes • la porte de derrière l’anus ◪ 1610 visage sans nez ■ m. XVII la raie du cul « populairement la séparation qui est entre les deux fesses » (FUR.) ◪ 1640 le trou de la sibylle le trou du derrière • le siège • le revers de la médaille • le faubourg du cul « la raye, ou l’espace entre les fesses » (OUD.) • le pelaud • le ponant • le troufignon • visage sur lequel on s’assied • e visage qui n’a point de nez • le panier à vesse • le derrière ■ f. XVII 1690 le sous-chantre « le e derrière quand il lâche quelque vent » (FUR.) ■ XVIII cadran lunaire « Est-ce l’apothicaire/Qui vient placer e e l’aiguille à mon cadran lunaire ? », Parodie de Zaïre, XVIIIe ■ XIX cadran solaire ■ m. XIX trou d’aix anus (COLOMBEY) • lune, pleine lune « En voilà une bonne ! il a pris la lune de Pétronille pour sa figure », P. de Kock • juste-milieu « Mayeux envoya la pointe de sa botte dans le juste-milieu de mademoiselle Justine », RICARD • trou de balle anus (COLOMBEY) ◪ 1867 verre de montre • moulin à vents • saint Jean le Rond « un des nombreux pseudonymes de messire Luc » (DELV.) • la rose des vents • département du bas-rein « la partie du corps sur laquelle on s’assied, et qui depuis des siècles a le privilège de servir d’aliment à ce qu’on est convenu d’appeler “la vieille gaieté gauloise” » (DELV.) • cible à coups de pied • quelque part « l’endroit du corps destiné à recevoir des coups de pied » (DELV.) « Toutes les fois e que ce gredin-là me tutoie, c’est comme si je recevais un coup de pied quelque part », SARDOU • cadran humain ■ f. XIX 1872 visage, gros visage « derrière. Allusion aux rondeurs qui font office de joues » (LARCH.) • parties charnues • bas du dos postérieur • centre de gravité « Il se risque… Ne frémissez pas, belle lectrice ; les don Juan sont très-forts sur la gymnastique. Dès leur plus tendre enfance, ils se sont exercés à tomber sur leur “centre de e ■ m. XX œil de bronze anus • avoir les fesses en goutte d’huile molles et tombantes ; en forme de poire gravité”. C’est là dessus que don Juan est tombé », E. LEMOINE JAMBES JAMBES guibolles, cannes, pattes, gambettes, quilles, flûtes, pincettes, échasses, poteaux, fumerons, gigots e ■ m. XVII 1640 s’il passe par la rue des Ménestriers, on prendra ses jambes pour faire des flûtes il a les jambes menues et fort longues • cul-de-jatte « un homme qui n’a point de jambes et marche dans une jatte » (OUD.) • de bons gros piliers de grosses jambes • il a beau danser, il est monté sur des flûtes « il a les jambes longues, menues, et mal faites » (OUD.) • la jambe tout d’une venue « sans forme, sans gras, aussi grosse en un lieu qu’à l’autre » (OUD.) • il n’a garde de e demeurer au logis, il a de bons boute-hors de grosses jambes ■ m. XIX jambes en manches de veste jambes arquées, disgracieuses « A-t-on vu des gens aussi mal bâtis que ces monstres ! Ils ne sont pas bossus ! Ils ne sont pas borgnes ! Ils n’ont pas les jambes en manches de veste ! Et (comble de laideur) ils n’ont pas de goitre ! », A. DELVAU, 1842 il a été à Saint-Malo « dicton dont on fait l’application à une personne dépourvue de mollets, en supposant que les chiens de Saint-Malo les lui ont mangés » (QUIT.) Du pont des Arts…, 1866 ◪ ◪ 1867 la voiture à talons ■ f. trottent les cuisses e XIX 1894 la noix du genou la rotule ■ d. e XX 1902 épaules qui PIEDS panards, pinces, pinceaux, ripatons, arpions, nougats, petons, paturons, lattes e e ■ m. XVII 1640 madame des plantes la plante des pieds ■ m. XIX 1867 pieds à dormir debout « pieds plats et spatulés » (DELV.) MAINS menottes, pattes, battoirs, patoches, cuillères, paluches, pinces, pognes e e ■ XVI ongles de velours « ongles longs et pleins de crasse, d’après Régnier » (FUR.) ■ m. XVII e 1640 le peigne de l’Allemand • la main du cœur la main gauche ■ XIX le peigne d’Adam la main. e Au XIX siècle on disait aussi : du père Adam, avec la fourchette du père Adam (1828), le mouchoir e du père Adam (1888), etc., selon les divers emplois de la main ■ m. XIX 1842 avoir les ongles fleuris « avoir les ongles marqués de petites taches blanches, ou noires, ou rouges » (QUIT.) DÉGAINE allure, air, aspect, ligne, silhouette, tournure, touche e ■ XII être tout d’une pièce « se tenir trop droit, ne pas avoir la taille fine et dégagée » (FUR.) e ■ m. XVI droit comme un jonc « personne de belle taille et qui se tient fort droite » (FUR.) e e ■ d. XVII 1611 de belle défaite « de bonne mine, qui peut trouver bonne fortune » (OUD.) ■ m. XVII 1640 il semble qu’il sort d’une boîte « il est extrêmement propre et poly » (OUD.) • un tortu bossu un homme contrefait • habillé comme un brûleur de maisons « qui a mauvaise mine, qui a mine de désespéré » (OUD.) • avoir bonne façon bonne mine, c’est-à-dire belle allure • elle peut faire du potage en tout temps « elle a des pois dans ses manches, et du beurre sur le visage, c’est-à-dire un cautère, et du fard » (OUD.) • être troussé comme un pet « assez mal accommodé ou vestu » (OUD.) • marqué au B « qui a un deffaut de nature, et meschant pour l’ordinaire, comme bigle, boiteux, borgne, bossu, etc. » (OUD.) • il a la façon d’être honnête homme il a la mine ou l’apparence • une mine d’excommunié « une mine rude et fascheuse » (OUD.) • elle a un échalas fiché au derrière elle se tient ou marche fort droit • tenez-vous droit, on fera votre portrait « façon de parler vulgaire pour dire à une personne qu’elle se tienne droit et de bonne e grâce » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il porte toujours sa malle (il a toujours son paquet) sur le dos il est bossu • droit comme un sapin « homme qui se tient fort droit et qui est debout » (FUR.) • il passera partout homme qui a belle apparence • elle n’est ni tortue ni bossue pour vanter la taille d’une personne • être tout d’une venue comme la jambe d’un chien « affecter trop de se tenir e droit, ne pas être souple et dispos » (FUR.) ■ m. XIX un petit-maître « expression qu’on applique à un jeune homme qui se fait remarquer par une élégance recherchée dans sa parure, par des manières libres et un ton avantageux auprès des femmes » (QUIT.) • taille de guêpe taille très fine • avoir du chic ◪ 1842 un grand flandrin « sobriquet appliqué aux hommes élancés, fluets, de mauvaise contenance et même un peu niais » (QUIT.) « Je vous promets que le grand flandrin qui est au bout de la table, à gauche, le nommé Isidore Phétu, qui demeure rue Pavé d’Amour, non loin de la rue de la Pierre qui Rage, mon 1859 n’être pas piqué des hannetons « être bien conservé, avoir de l’élégance, de la grâce, – dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression à propos des gens et des choses » (DELV.) ◪ 1867 avoir une belle dégaine « se dit ironiquement des gens qui n’ont pas de tenue, ou des choses qui sont mal faites » (DELV.) • avoir les abattis canailles « avoir les extrémités massives, grosses mains et larges pieds, qui témoignent éloquement d’une origine plébéienne » (DELV.) • n’être pas piqué des vers • e loucher de l’épaule être bossu • avoir du jus « avoir du chic, de la tournure » (DELV.) ■ f. XIX 1894 e marquer bien avoir bonne tournure • marquer mal « avoir mauvaise câle » (LYON) ■ XX un rien e l’habille de quelqu’un qui a de la classe naturellement ■ d. XX avoir l’air d’avoir chié la colonne • e avoir de la gueule avoir belle allure. On a dit dès le XVIII dans le même sens avoir de la figure • ces messieurs de la famille des gens d’une gravité compassée, dans une attitude de deuil ; utilisation parodique de la phrase rituelle du maître de cérémonie pendant des obsèques : « ces messieurs de la famille » « (Bettine aperçoit alors que les hommes se sont tous levés, dans une attitude sans doute inaccoutumée.) Quoi ?… Ce protocole ?… Un malheur ?… Barzac ?… (Silence. Sourires contraints.) Ah ! ça, qu’est-ce qu’ils ont tous ?… On dirait ces messieurs de la famille !… (Elle tape du pied sur le tapis.) Bon Dieu, d’Aigleroc, dites donc quelque chose !… », H. KISTEMAECKERS, La nuit est à nous…, 1925 ◪ 1902 bien porter la toilette avoir une élégance second en un mot, vous y conduira tout à l’heure », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 ◪ naturelle « C’est étonnant comme il portait bien la toilette ! C’est extraordinaire comme tout lui allait bien ! Je crois qu’on aurait pu l’habiller de quatre sous d’indienne ou de deux sous de percale comme n’importe quel joli trottin du faubourg ! », e ■ m. XX blouson noir dès les années 1950, associé au motard un peu voyou ; la performance de Marlon Brando dans L’Équipée sauvage a sans doute joué un rôle quant à la constitution de l’image. Le blouson noir fut également un signe d’appartenance à la e communauté des rockers ■ f. XX BCBG abréviation de bon chic bon genre, c’est-à-dire ce qui est censé être « de bon ton » • costard-cravate façon de désigner par son vêtement, avec une nuance péjorative, l’employé de bureau, le cadre de banque type – la grisaille et l’uniformité du vêtement représentant celles de la personne elle-même. Dans le même ordre d’idée, on dit aussi costard trois-pièces • être clean « propre, net et sans bavure (propre, en anglais). Mode clean : cheveux bien dégagés sur les oreilles, look BCBG, murs blancs, peu de meubles » (MERLE) • être classe « c’est avoir du chic, de l’allure, et faire montre d’une indiscutable élégance un brin classique. Nuance de respect » (MERLE) • avoir une tronche de cake une tête déplaisante. Le cake est boutonneux de fruits confits. Jeu de mots probable sur tranche de cake – sans rapport avec le sens argotique de tranche, tête (1878), qui paraît une simple coïncidence • mec plus ultra c’est le e nec plus ultra du dandy du XX siècle finissant. Le principe est d’abord d’avoir un style, des lunettes aux chaussettes, quel que soit ce style. Les minets sont toutefois les plus concernés par cette désignation. Cette expression ne s’emploie déjà plus « Le reste de la bande : y a La Fripe. Un Antillais. Le chauffeur-livreur des Hannetons. Toujours sapé mec plus ultra », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 • new wave « littéralement : nouvelle vague (post-punk) en anglais. La normalité (avec look ambigu quand même) est la subversion paradoxale. “Tout ce qui a pris, depuis 1978, le contre-pied de l’idéologie baba, devenue dominante. Pour un jeune d’aujourd’hui, vouloir réussir dans la vie, c’est assez new wave”, observent Obalk, Soral et Pasche dans leur livre Les Mouvements de mode expliqués aux parents » (MERLE) • skin « en anglais : peau. Abréviation de skin-head (crâne rasé). Désigne les néo-fascistes post-punk anglais (et continentaux par la suite) portant treillis, rangers militaires aux pieds, crâne rasé, n’ayant pas lu entièrement Platon ni vraiment assimilé Descartes et Schopenhauer… » (MERLE). À noter l’apparition, dans les années 1980, de red skins (skins rouges), c’est-à-dire de skins d’extrême gauche, fort ennemis des précédents • baba « signifie sage en sanskrit. Abréviation de baba-cool […] (cool : décontracté, détendu et, par extension, serein, qui sait tout admettre et tout tolérer) : tout post-soixante-huitard, ex-hippie velléitaire, amateur de musique planante, de John Lennon (période Yoko Ono surtout), de spiritualité hindoue (d’où son nom), de peace and love, en est un. […] Philosophiquement, l’authentique baba-cool est fondamentalement mou et culpabilisé, tiers-mondiste jusque dans ses fibres les plus secrètes, manichéen et un brin masochiste : l’Occident chrétien, colonialiste, pilleur, tortionnaire, malfaisant, etc., c’est le Diable ! » (MERLE) Mémoires de Casque d’Or, 1902 MAL FOUTU e ■ m. XVII 1640 un gros magot un homme mal fait • un grand mal bâti idem • carêmeprenant avec sa vessie homme mal bâti • il est fait comme il plaît à Dieu « nostre vulgaire se sert de ces mots, pour dire qu’une personne est assez mal ajustée, ou de mauvaise grâce » (OUD.) • un franc taupin « un badin, un mal fait » (OUD.) • il est bien vidé pour tourner quatre broches « il est mal fait, ou de mauvaise grâce » (OUD.) • il est troussé comme une poire de chiot « il est assez mal ajusté ou mal fait » (OUD.) • il est fait comme quatre œufs « mal fait, de mauvaise grâce » (OUD.) • il a bonne façon, mais sa mine me dégoûte « c’est un homme mal fait, il est de mauvaise e grâce » (OUD.) • c’est un bel homme par mépris un homme mal fait ■ f. XVII 1690 être fait comme un meneur d’ours « mal bâti, mal accommodé » (FUR.) • être fait comme un vendeur de e cochons mal bâti ou mal vêtu • être fait comme un escargot mal fait, mal bâti ■ d. XIX 1829 baron de la Crasse « se dit d’un homme mal bâti, habillé ridiculement, et qui se donne des e manières de cour » (CAILLOT, 1829). POISSON (XVII ) a écrit une pièce intitulée Le Baron de la Crasse e ■ m. XIX 1867 être d’un bon suif « être ridicule, mal mis, ou contrefait » (DELV.) NUDITÉ e ■ XVII dans le plus simple appareil ■ d. XVII e à cru « Monsieur le Prince a mandé de Chantilly aux dames que leurs transparents seraient mille fois plus beaux si elles voulaient les mettre à cru sur leurs belles peaux », SÉVIGNÉ, 1676 e e ◪ 1611 nu comme un ver au XIII siècle existe déjà nu come vers ■ m. XVII 1640 nu comme la e e main ■ XIX être en costume d’Adam (d’Ève) ■ m. XIX à poil à poil ou à cru, c’est-à-dire à nu, dès e le XVII siècle pour les chevaux : « On dit aussi, qu’on monte un cheval à poil, quand on le monte sans selle et le dos tout nud » (FUR.). Cependant, le jeu sur la nudité physique est déjà présent dans e la première moitié du XVIII , par le biais des femmes dénudées que l’on monte aussi. Cf. « Madame sourit, la paix se fit, mon père s’afficha maquignon, ma mère demeura bel-esprit, et moi, l’on m’apprit à monter à poil tous les chevaux de l’écurie ; ce qui, dans la suite, m’a été d’une grande ressource dans la société » (CAYLUS, Mémoires des colporteurs, 1748). Par ailleurs, se dépoiler e apparaît dès le XV siècle : « Chacun se despoille, et se couchèrent les deux amants dedans le trèsbeau lit » (Cent Nouvelles Nouvelles, 1467) « Un qui s’est payé la trombine des visiteurs, c’est Valloton : il nous montre une tripotée de femmes, des jeunes et des vieilles à la baignade, y en a à poil, d’autres en chemise : c’est tout plein ◪ 1867 montrer toute sa boutique « relever trop haut sa robe dans la rue, ou la décolleter trop bas dans un salon » (DELV.) e • montrer son cas « se découvrir de manière à blesser la décence » (DELV.) ■ f. XIX 1872 au déballage « au déshabillé. “Il est accablé de rhumatismes, ce qui le fait ressembler au déballage, à ces statuettes que vous avez sans doute remarquées dans la vitrine des bandagistes” » (LARCH.) ◪ 1882 être en asticot « être dans le costume d’Adam et Ève, avant le péché » (DICT. LANGUE VERTE) gondolant ! Par exemple, ses gravures sur bois sont très chic », Le Père Peinard, 1893 « Madame est modèle ? Ah ! très bien. Et madame pose ?…– Tout ! Voulez-vous me voir en asticot ? », Almanach des e Parisiennes, 1882 ■ d. XX comme le bon Dieu nous a faits ■ m. XIX être volé au déballage « reconnaître dans les charmes d’une femme aimée autant d’emprunts décevants aux ressources de la toilette » (LARCH.) e CHEVEUX tifs, douilles, tignasse e ■ m. XVII 1640 cheveux à la pendarde grands ou longs • une hure « une teste mal peignée » e (OUD.) • il a neigé sur sa tête il a les cheveux gris ou blancs ■ XIX être blond comme les blés • e baguettes de tambour cheveux raides ■ m. XIX être poivre et sel « avoir les cheveux moitié blancs et moitié bruns. Se dit aussi de la barbe » (DELV.) ◪ 1867 friser comme un paquet de chandelles ne pas friser du tout, en parlant des cheveux • douilles savonnés cheveux blancs e ■ f. XIX 1870 à la guillotine « se dit d’une coupe de cheveux où la nuque est tondue jusqu’à la casquette » (ESNAULT) ◪ 1872 accroche-cœurs mèches de cheveux bouclées et collées sur la tempe • cheveux en broussaille « cheveux hérissés, mêlés comme les branches d’une broussaille » (LARCH.) • à tous crins « très-chevelu […] Allusion à la chevelure dont on ne veut rien retrancher, qu’on laisse pousser à tous crins » (LARCH.) ◪ 1874 coiffure à la chien « se dit d’une coiffure de femme dans laquelle les cheveux sont ébouriffés et en désordre sur le front » (DICT. LANGUE VERTE) « À force de voyager en wagon avec des filles bizarrement accoutrées, les cheveux sur les yeux, à la chien… », A. DAUDET, Fromont jeune ◪ 1894 frisé comme un chou « se dit de ces gens qui ont les cheveux en e astrakan » (LYON) ■ d. XX se faire déboiser la colline se faire couper les cheveux très court, ras sur l’arrière – généralement après les avoir portés un peu longs ; expression à la mode dans les e milieux populaires à Paris dans les années 1920 ■ m. XX la boule à zéro la tête rasée, le cran de la tondeuse ayant été mis sur 0 « La nuit on se les gelait. On avait froid aux oreilles avec nos boules à zéro », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 • s’être coiffé avec les pieds du réveil fort mal : la raie est de travers, ou il reste un e épi… • coupe au bol coupe de cheveux ayant la forme d’un bol renversé sur la tête ■ f. XX coupe afro afro pour « à l’africaine », bien que ce soit l’Occident qui ait adopté cette mode dans les années 1970 ; cheveux frisés, dans un arrondi très volumineux autour de la tête • s’être coiffé avec un pétard mal coiffé ou pas coiffé, ou pour se moquer d’une coiffure où les cheveux sont dressés en l’air (à l’aide de laque, de gel ou de sucre). Peut-être à partir d’une image classique de dessin animé : un pétard éclate à la figure d’un des personnages, et celui-ci se retrouve avec un visage noirci et quelques cheveux épars dressés sur la tête… • être passé entre deux camions pour dire à quelqu’un qu’il s’est fait « raser » (les cheveux) de trop près e ■ m. XVII 1640 quand la neige est sur la montagne, le bas est bien froid quand un homme a les cheveux blancs CHAUVE dégarni, déplumé, pelé e ■ f. XVII 1690 être tondu comme un enfant de chœur bien rasé ou sans cheveux • être ras et e e tondu comme un moine homme pelé ■ XIX tête d’œuf ■ m. XIX 1867 avoir son genou dans le cou • avoir le front dans le cou « être chauve comme l’Occasion » (DELV.) • coco déplumé tête e sans cheveux ■ f. XIX ne plus avoir un poil sur le caillou caillou, tête (1866) • chauve comme un genou ◪ 1878 ne plus avoir de cresson sur la fontaine ◪ 1879 bille de billard « crâne dénudé et, par extension, vieillard » (DICT. LANGUE VERTE) « Ah ! mince alors ! si les billes de billard se mettent à moucharder la jeunesse !… », MEILHAC et HALÉVY, Lolotte, 1879 ◪ 1883 ne plus avoir de mouron e e sur la cage Cf. se faire du mouron : des cheveux ■ d. XX boule de billard tête chauve ■ m. XX crâne d’œuf sans le moindre cheveu « Il ne bouge pas, il te fixe toi et ta tête rasée, puis il te parle d’une voix émue qui chante le pardon, quoi que tu aies pu faire, tu restes son fils et il te met une claque violente sur ton crâne d’œuf », R. DJAÏDANI, Boumkœur, 1999 ■ f. e XX piste d’atterrissage pour mouches crâne chauve. On dit aussi aérodrome à mouches POILS e ■ d. XVII 1627 barbe d’avocat, qui croît par articles « une barbe qui vient inégalement en quelques endroits du menton ou de la joue » (OUD.) « Il a une barbe d’advocat, elle croist par articles […] Er hat e ein Item Bart/ein Haar da/das ander dort », D. MARTIN, Les Colloques français et allemands, 1627 ■ m. XVII 1640 barbe en couenne de lard « rase, courte et rude » (OUD.) • barbe de jardinier, qui croît par bouquets e e ■ d. XIX 1828 accroche-cœurs favoris ■ m. XIX 1867 marguerites de cimetière poils blancs de la e barbe ■ d. XX pattes de lapin bande de barbe de chaque côté du visage, de l’oreille au menton « Mathurin ne devait pas marquer cinquante ans. Ce qui le faisait si laid, c’est qu’il n’avait ni barbe, ni pattes de lapin ; il était tout nu de visage, le nez retroussé à en montrer la morve, la bouche vineuse à croire qu’il sortait de boire », RACHILDE, La Tour e ◪ 1929 balai de chiottes moustache taillée court ■ m. XX tablier de forgeron pour e dire qu’une femme a une pilosité pubienne importante ■ f. XX s’être rasé avec une biscotte fort mal ; avoir une barbe de plusieurs jours • avoir une moquette un torse fort poilu e ■ m. XVII 1640 vous devenez bêtes, le poil vous vient sous les aisselles « le poil commence à vous croistre aux parties cachées » (OUD.) d’amour, 1916 COULEUR DES GENS ■ XVII e jaune comme un coing ■ d. XVII e rouge comme une écrevisse « “Mais, Robineau, tu vas comme un cerf ! laisse-nous un peu respirer !… – Je ne respirerai que quand je serai chez moi…” Et Robineau se remet en marche, quoique la sueur coule de son front, et qu’il soit rouge comme une écrevisse », P. DE KOCK, La Maison blanche, 1828 e ■ m. XVII 1640 rouge comme un chérubin • être rubicond rouge de visage • blond d’Égypte e « noir ou More » (OUD.) • haut en couleur fort rouge de visage ■ f. XVII noir comme une taupe homme fort noir ◪ 1690 un visage rissolé « un voyageur, un laboureur, quand ils ont le visage hâlé, brûlé ou noirci par les ardeurs du soleil » (FUR.) • du bran de Judas « des taches de rousseur qui viennent sur le visage » (FUR.) • rouge comme un coq • noir comme un ramoneur de e cheminée (comme une cheminée) « exagérer et dire que quelqu’un a le visage brun » (FUR.) ■ XIX rouge comme un homard • noir comme un corbeau se dit d’une personne blanche au teint très mat « La grande Louise, une ancienne à lui et qui est noire comme un corbeau, vint le voir », Mémoires de Casque d’Or, 1902 e ■ d. XIX pâle comme un suaire « C’est au coin de ce même boulevard Voltaire que, vingt ans plus tard, je devais retrouver, pâle comme un suaire, perdant son sang en abondance, mais exact au rendez-vous que je lui avais fixé, Leca, Leca e ■ m. XIX rouge comme un coquelicot • blanc comme un linge très pâle • jaune comme un citron • rouge comme une pomme d’api « Nestor Richefeu, le mon dernier amant », Mémoires de Casque d’Or, 1902 plus ancien, celui à qui M. Pichancourt avait délégué ses pleins pouvoirs, était un solide gaillard de vingt-quatre ans, trapu, courtaud, largement râblé, joufflu et rubicond comme une pomme d’api », A. CIM, Duel à mort, 1894 • jaune comme de e la cire au XVIII siècle, se disait spécialement pour une personne atteinte de jaunisse ; l’idée d’un teint lié à la maladie est restée « Son visage [à Damiens] était jaune comme de la cire ; l’éclat du jour semblait fatiguer sa vue ; ses paupières s’ouvraient et se fermaient avec une sorte de mouvement convulsif, mais ses yeux n’avaient point perdu de leur éclat », Mémoires des bourreaux Sanson, 1862 ■ f. e XIX rouge comme une pivoine • rouge comme une cerise • un teint de brique rouge-brun « D’une taille un peu au-dessous de la moyenne, courtaud, membré et râblé, Césarin avait de gros yeux bleus, une bouche lippue et forte, un teint de brique », A. CIM, Césarin…, 1897 ◪ 1872 e boule de son figure tachée de rousseurs, qui sont appelées aussi « taches de son » ■ d. XX blanc e e comme un cachet d’aspirine ■ m. XX bronzé comme un cachet d’aspirine ■ f. XX blanc (bronzé) comme un lavabo e ■ m. XVII 1640 elle est de la bonne teinture elle est noire, elle a la chair noire • les putains sont plus noires « sotte allusion de vulgaire de putains à plus teints, qu’il prononce pus teints » e e (OUD.) ■ f. XVII 1690 rouge comme du feu personne qui rougit ■ m. XIX 1867 mal blanchi e e « nègre » (DELV.) ■ f. XIX 1872 boule de neige « nègre. Ironie de couleur » (LARCH.) ■ f. XX un bounty noir dehors, blanc dedans : un Noir à la mentalité de petit Blanc « Lies déambule dans les entrailles de la gare. Il montre patte blanche à une horde de contrôleurs melting-pot. Un bounty lit son numéro de carte orange tandis qu’un bicot jambon-beurre gonflé aux hormones vérifie le magnétisme de son coupon ; les crèmes chantilly encaissent les amendes », R. DJAÏDANI, Viscéral, 2007 • une banane jaune dehors, blanc dedans : un Asiatique à la mentalité de petit Blanc HABILLEMENT équipage, mise, tenue, toilette, ajustement, accoutrement, attifement e ■ XVI armé de pied en cap « tout armé, armé de toutes pièces » (OUD.) « car, voulant obtempérer au plaisir du roy, je me estoys armé de pied en cap d’une carreleure de ventre pour aller veoir comment mes vendangeurs avoient déchicqueté leurs haulx bonnets », RABELAIS, Pantagruel, 1532 ■ XVII e armé jusqu’aux dents ■ m. XVII e avoir l’air de sortir d’une boîte être vêtu avec une propreté méticuleuse ◪ 1640 la boutique « la brayette ou fente des chausses » (OUD.) • bannière d’Orléans, des lambeaux un habit déchiré • montrer le cul avoir son habit déchiré par-derrière • rebiffé comme la poule à gros Jean enfoncé dans ses habits • vêtu comme un moulin à vent vêtu de toile • habillé en figure qui porte toujours le même habit • un habit cousu « estroit. Item, bien fait et propre au corps » (OUD.) • contraint en ses habits « qui n’est pas vestu selon sa condition ; à qui les habits ne sont pas séants e et convenables » (OUD.) • des beatilles « petites hardes » (OUD.) ■ f. XVII habit ciré sur le corps d’une personne « bien fait, bien taillé, [qui ne fait pas] un pli » (FUR.) ◪ 1682 suer dans son harnais être trop vêtu ◪ 1690 être vêtu comme un oignon « avoir plusieurs vêtements les uns sur les autres, parce que l’oignon a plusieurs peaux qui l’enveloppent » (FUR.) • crever dans ses panneaux « être trop serré dans ses habits, par une métaphore tirée des panneaux d’une selle, qui serrent parfois trop fort un cheval » (FUR.) • rembourré comme un bât de mulet « avoir beaucoup d’habits les uns sur les autres et que cela grossit beaucoup ; être bien garni d’habits e contre le froid » (FUR.) ■ d. XIX être en petite tenue en sous-vêtements – incomplètement vêtu pour une présentation décente « Comme j’étais ce qu’on appelle en petite tenue de dragon, c’est-à-dire le paniau volant ou la bannière au vent, je me retirai bien vite », VIDOCQ, Mémoires, 1828 • en bourgeois en civil, pour tout e porteur d’uniforme, en particulier pour un policier ■ m. XIX 1867 être tout flambant neuf porter des vêtements neufs • être en panais être en chemise, sans aucun pantalon • étaler sa marchandise « se décolleter trop, – dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos des marchandes d’amour » (DELV.) • montrer sa viande « se décolleter excessivement, comme font les demoiselles du demi-monde dans la rue et les dames du grand monde aux Italiens » (DELV.) • être pourri de chic « être à la dernière mode, ridicule ou non » (DELV.) • être truffé de galbe idem e ■ f. XIX 1872 se donner (se pousser) du ballon « porter une crinoline d’envergure exagérée, faire ballonner sa jupe » (LARCH.) • mettre son chapeau en crâne « le mettre sens devant derrière, à la façon des tapageurs » (LARCH.) • en Écossais « sans pantalon. Les Écossais ont les jambes nues » (LARCH.) • être en bannière n’avoir qu’une chemise flottante pour vêtement ◪ 1877 sortir en taille taille, « nom donné, dans quelques provinces, au corsage, en parlant des femmes » (LITTRÉ). Sortir en taille, c’est sortir sans manteau. S’emploie toujours à Marseille « Dehors le temps était clair et lumineux. Hier, Monsieur Hermès avait agréablement supporté son pardessus. Aujourd’hui, Angélique parlait de sortir en taille avec sa robe rouge », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 e ■ d. XVII 1606 l’habit ne fait pas le moine « tout de mesme tel se void bien armé de pied en cap, représentant un vaillant homme de guerre, qui bien souvent est un couard et poltron, et e partant en tous estats il ne faut juger par l’extérieur seulement » (NICOT) ■ m. XVII 1640 Janvier a deux bonnets « un vieillard emmitoufflé, ou qui a un bonnet de nuit sous son chappeau » (OUD.) e ■ f. XVII 1690 il montre tout ce qu’il porte « il ne cache pas bien ses parties honteuses ; pour dire honnêtement qu’il découvre ce qu’il devrait cacher » (FUR.) • être brave comme un lapin écorché « se dit proverbialement d’un bourgeois qui a quelque nouvel habit ou parure » (FUR.) • se révolter « ironiquement, quand une personne se pare avec plus d’affectation qu’auparavant ; ce qui se dit particulièrement des dévots qui prennent des habits trop mondains » (FUR.) • ventre de son et robe de velours « il y en a qui font mauvaise chère pour avoir de quoi paraître en habits » (FUR.) • il vous fait beau voir dans cet habit indécent • être comme un gouverneur de lions « se dit de celui qui porte toujours le même habit, qui a peur qu’on le méconnaisse […] pour se moquer d’un e homme qui ne change jamais d’habits » (FUR.) ■ m. XIX décroche-moi cela « fripier, habillement d’occasion. Allusion aux crochets qui servent à la montre des revendeurs » (LARCH.) « M. Auguste s’habille au “décroche-moi cela” ; ce qui veut dire en français : chez le fripier », PRIVAT D’ANGLEMONT ◪ 1842 les agios e d’une mariée de village toilette extraordinaire et ridicule ■ f. XIX être chez soi « argot des couturiers. Se sentir à l’aise, n’être pas gêné dans son costume » (DICT. LANGUE VERTE) « Le langage de convention recommence entre l’essayeuse et sa cliente : “Sent-elle son corsage ?– Oui, elle y est chez elle” », Le Gaulois, 1881 e ■ d. XX parler chiffons parler de vêtements, de mode, de choses futiles BIEN SAPÉ BIEN SAPÉ e ■ XVI cet habit vous est fait comme de cire « il vous sied bien, il vous joint bien au corps » e (OUD.) ■ XVII parée comme une accouchée • être tiré à quatre épingles « être vêtu avec un soin et une recherche remarquables, – dans l’argot des bourgeois, pour qui “avoir l’air de sortir d’une e boîte” est le dernier mot du dandysme » (DELV.) ■ d. XVII 1627 se mettre sur le bon bout « se parer, se rendre poly, se bien vestir » (OUD.) « E. : Voulez-vous pas aussi vostre escharpe à dentelles et papillotes d’or ? C. : Si veux, je me veux aujourd’huy mettre sur le bon bout », D. MARTIN, Les Colloques français et allemands, 1627 e ■ m. XVII 1640 brave comme un lapin • en bonne conche « bien vestu, en bon estat » (OUD.) • bien ajusté « poly, bien vestu et proprement » (OUD.) • homme bien troussé bien ajusté, propre, de bonne mine • bien tiré « bien ajusté, bien agencé, vestu proprement » (OUD.) • se requinquer se parer, s’ajuster, qui se dit d’une vieille • se redresser se parer, s’orner, s’ajuster • brave comme un bourreau qui fait ses pâques « il n’a pas coutume d’être si bien vêtu. Ce proverbe vient de ce que les bourreaux étaient autrefois obligés de porter des habits chargés de quelque marque de leur infamie, comme d’une échelle ou d’une potence, pour les distinguer des autres personnes. Il leur était permis de les quitter quand ils faisaient leurs Pâques, pour la révérence de la fête, auquel jour ils s’habillaient des plus beaux habits qu’ils voulaient. Pour se moquer d’un homme, ou e bourgeois vêtu de neuf » (FUR.) ■ f. XVII 1690 être dans son pontificat « personne qui paraît dans son plus grand éclat, lustre, soit un magistrat, quand il est dans son siège ; soit une femme parée de ses plus beaux habits » (FUR.) • un poil n’y passe pas l’autre homme bien propre, bien ajusté • être parée comme une épousée de village « femme ajustée, qui a trop de menus assiquets ; qui affecte de se parer de plusieurs ornements mal entendus » (FUR.) • être doré comme un calice « on dit que des gens sont bien dorez, qu’ils sont dorez comme des calices, pour dire, qu’ils sont e braves, qu’ils ont bien de la dorure et de la broderie sur leurs habits » (FUR.) ■ d. XVIII être sur son dix-huit « dix-huit, c’est le nom qu’on donne en stile bas et populaire à un habit tourné, à cause qu’il est neuf pour la seconde fois et que deux fois neuf font dix-huit. On dit aussi dans le même stile bas et populaire de ceux qui sont plus propres qu’à l’ordinaire, qu’ils sont sur leur dix-huit » e (TRÉVOUX, 1721) ; le jeu de mots sur deux fois neuf était également utilisé au XVIII siècle par les e savetiers : les souliers ressemelés étaient des dix-huit ■ f. XVIII 1773 sur son propre « De tombacle ou d’argent la boucle/Aussi brillante qu’escarboucle,/Le soulier fin ou gris ou bleu,/Et les talons couleur de feu./Quand sur son ◪ 1777 paré comme une châsse extrêmement paré, de vêtements et de bijoux. La châsse d’un sanctuaire – objet de contemplation des pèlerins – était très richement ornée, depuis des temps très anciens ; la châsse de sainte Geneviève, célèbre à Paris où on la « descendait » en grande pompe, à Notre-Dame, dans les occasions dramatiques, était parée d’or et de diamants « Je me dispose à faire ce soir cent et une visites, parée propre est la fringante/Elle est plus leste qu’Athalante », Les Porcherons, 1773 comme une châsse, avec mes deux petits tourtereaux, qui en sont aussi fatigués que moi », MME DE SABRAN, Journal, 27 nov. 1777 ■ e XIX en grande tenue « leur médecin chef de l’hôpital… je peux dire, je le connais ! sapé, pardon !… quatre épingles !… la dague au côté ! ceinturon, vareuse, croix de fer !… pantalon gris, pli impeccable… gants “beurre frais”… il est venu me voir en grande tenue », CÉLINE, D’un château l’autre, 1957 ■ m. e XIX avoir du linge « avoir une fraîche toilette » (LARCH.) • avoir l’air de sortir d’une boîte ◪ 1833 se mettre (être) sur son trente-et-un cette expression relevée pour la première fois dans le langage des casernes (ci-dessous), est formée sur se mettre sur le bon bout et sur être sur son dix-huit. Mais pourquoi trente-et-un ? Le trente-et-un, sorte de jeu de cartes, et point formant trente-et-un, point gagnant, à ce même jeu, semble avoir représenté une valeur maximale, « le point suprême » d’un état. Cf., dans l’exemple d’une peur extrême : « quand je n’ai senti les verds [les fantassins] au dos le treffe [le trou du cul] me faisait trente-et-un » (VIDOCQ, Mémoires, 1828). Il est raisonnable de supposer que ce maximum a pris la place de dix-huit, le nombre étant plus élevé donc plus… chic !, ce qui semble confirmé par les variantes de l’expression, avec des nombres toujours plus élevés : sur son cinquante-et-un (BALZAC, 1842), sur son trente-six (DELVAU, 1867), sur son trente-deux (GONCOURT, 1885) « Elle s’était mise sur son trente-et-un, et je puis vous assurer qu’elle était bien ficelée », VIDAL, La Caserne, 1833 ◪ 1846 se mettre sur son quarante-deux « Je me requinque dar, dar… et je descends sur mon quarante-deux !… je trouve en bas… un équipage flambant… deux chevaux… un peu chouettes !… », MÉLESVILLE et CARMOUCHE, Le Bonhomme ◪ 1867 brave comme un jour de Pâques richement habillé • faire son faraud « se donner des airs de gandin quand on est simple garçon tailleur, ou s’endimancher en bourgeois quand on est ouvrier » (DELV.) • se mettre sur son (grand) tralala s’habiller coquettement, e superbement ■ f. XIX 1894 tiré comme une « L » se dit de quelqu’un tiré à quatre épingles Richard, 1846 e ■ m. XVI ma foi, les beaux habits servent fort à la mine « proverbe mis en vers par Régnier e dans sa Macette » (FUR.) ■ m. XVII 1640 les belles plumes font les beaux oiseaux les beaux habits e parent les personnes ■ d. XX on se saoule, mais on se nippe ! réponse de quelqu’un qui porte des habits neufs à celui qui lui en fait compliment MAL SAPÉ e ■ m. XVII 1640 troussé comme un pet « assez mal accommodé ou vestu » (OUD.) • troussé comme une poire de chiot « assez mal ajusté ou mal fait » (OUD.) • troussé comme un cueilleur de pommes « fait, ou habillé comme un païsan » (OUD.) • montrer le derrière « estre mal vestu, e estre deschiré » (OUD.) • fait comme un valet de pique habillé plaisamment ■ f. XVII 1690 être habillé en vrai carême-prenant « personnes mal mises qui ont des habits hors de mode et e extravagants » (FUR.) • être fait comme un vendeur de cochons mal bâti ou mal vêtu ■ XIX être e mal ficelé ■ d. XIX 1829 baron de la Crasse « se dit d’un homme mal bâti, habillé ridiculement, et e qui se donne des manières de cour » (CAILLOT, 1829) ■ m. XIX 1842 ressembler au bon Dieu de Gibelou « cette comparaison, qu’on emploie en parlant d’une personne mal accoutrée et chargée de plusieurs pièces d’habillement l’une sur l’autre, est fondée sur une tradition populaire qui rapporte que les habitants de Gibelou avaient coutume d’envelopper la statue de l’enfant Jésus de chiffons de toute espèce » (QUIT.) ◪ 1867 avoir l’air riquiqui « être ridiculement habillée, ou n’être pas habillée à la dernière mode. Je ne suis pas bien sûr que ce mot ainsi employé ne soit pas une contrefaçon de rococo » (DELV.) • avoir une sacrée touche être habillé ridiculement ou pauvrement • être mal fichu « être habillé sans soin, sans grâce » (DELV.) • foutu comme quatre sous « habillé sans goût et même grotesquement » (DELV.) • être fichu comme un paquet de e linge sale « être habillé sans soin, sans grâce » (DELV.) ■ f. XIX 1872 foutu comme l’as de pique l’as de pique étant, par assimilation de forme, le croupion d’une volaille. « Jadis on appelait “as de e pique” un homme nul. “Taisez-vous, as de pique !” (Molière) » (LARCH.) ■ d. XX être ficelé comme un saucisson être engoncé dans ses vêtements ; être mal habillé, mal ficelé VÊTEMENTS fringues, frusques, nippes, sapes, effets, pelures e ■ f. XVI habit de tous les jours « que l’on porte ou dont on se sert d’ordinaire, et point les Festes » (OUD.) « S’il m’ayme bien en mes habits de tous les jours, je croy qu’il m’adoreroit, maintenant que je suis brave e comme une petite princesse », P. DE LARIVEY, Le Morfondu, 1579 ■ m. XVII 1640 habit tout uni simple, sans ornement • un cache-bâtard « c’estoit ainsi que l’on appeloit un vertugadin lors que nos Dames en portoient, d’autant qu’il pouvoit cacher le ventre enflé de grossesse » (OUD.) • un manteau doublé de vinaigre « un manteau d’estoffe fort légère, et sans doubleure » (OUD.) • de la e cochenille « gens vestus d’escarlatte » (OUD.) • chausses à la pendarde longues ■ f. XVII 1690 un habit de vinaigre habit léger qu’on porte quand il fait froid • être en linge uni quand il n’y a point de dentelle • habits de dimanche « le peuple appelle les habits de dimanche les plus beaux habits qu’il ait » (FUR.). On peut supposer que le passage de « habits de dimanche » à « habits du dimanche » s’est fait rapidement « les parens qui les suivent au même autel où ils se sont mariés ; les garçons de la fête en habits du dimanche, les rubans au chapeau, le bouquet au côté ; les filles en blanc corset, regardant ce jour-là leur amant avec plus d’assurance », L. S. MERCIER, Tableau de Paris, 1782 ■ f. XVIII e 1792 habit de fatigue réservé aux tâches pénibles, résistant – un habit de travail, quoi ! « […] nous foutons le camp de grand matin sans être vu de e qui que ce soit ; lui, déguisé en fort de la halle et moi avec mon habit de fatigue », HÉBERT, 1792 ■ m. XIX 1866 habit à manger du rôti le plus bel habit « J’ai acheté à cette chère bête une robe de noce, je me suis fait faire un habit à manger du rôti… », A. DELVAU, Le Grand et le Petit Trottoir, 1866 ◪ 1867 sac au lard chemise • bas de deux e paroisses de deux couleurs différentes ■ f. XIX 1883 fusil à deux coups pantalon ◪ 1894 l’habit que mange de viande « panneau, habit que l’on met dans les grandes occasions, quand on est de noce, par exemple » (LYON) « Le père Ganachon est ben si fier aujourd’hui ! Il a metu l’habit que mange de viande. – e Eh ! c’est pour aller à la réunion publique ! » (LYON) ■ d. XX habit vert habit des membres de l’Académie française e ■ XVII il leur faut rabattre les coutures « à ceux qui ont un habit neuf, quand on les frappe légèrement. Par allusion à ce qu’on dit des tailleurs, qu’ils rabattent les coutures quand ils les cousent une seconde fois » (FUR.) ACCESSOIRES e ■ m. XVII 1640 souliers à l’apostolique sandales • les bottes de l’archevêque Turpin vieilles et grandes bottes mal faites • mitouffles sorte de gants • être dans la prison de saint Crépin être trop serré dans ses bottes, dans ses souliers • étui de malice le chaperon d’une femme • il va sur mule « par allusion, il a les mules aux talons » (OUD.) • il a pleuré pour avoir un collet « pour dire qu’un homme a un colet d’excessive grandeur » (OUD.) • il a pissé au lit, il a mis la plume au vent c’est quand un homme porte une plume à son chapeau • souliers à dormir debout larges de e semelles ou d’assiette • un cache-nez un masque de femme ■ m. XIX tuyau de poêle « botte à l’écuyère. Allusion de hauteur, de forme et de couleur » (LARCH.) ◪ 1833 tuyau de poêle « chapeau rond. Allusion de forme » (LARCH.) « Il donna un coup de poing dans son tuyau de poêle, jeta son habit à queue de morue », T. GAUTIER, 1833 ◪ 1866 suivez-moi, jeune homme « ce sont ces deux grands rubans flottants au-dessous des cols des manteaux des dames… Une grande couturière de Paris les a appelés ainsi » (LESPÈS) ◪ 1867 souliers à musique qui craquent lorsqu’on les met pour la première fois • chapeau en bataille dont les cornes tombent sur chaque oreille • chapeau en colonne « placé dans le sens contraire, c’est-à-dire dans la ligne du nez » (DELV.) ◪ 1868 pincez-moi ça « énorme nœud que les femmes portent au bas de la taille, dans le dos, et qui se complète par deux rubans er e très-larges, très-longs et retombant » (Le Figaro, 1 février 1868, in LARCHEY) ■ f. XIX 1872 botte de neuf jours « botte percée. Mot à mot : voyant le jour par neuf trous » (LARCH.) • décrochezmoi ça « Un “décrochez-moi ça” est un chapeau de femme d’occasion. Que dites-vous du mot, madame ? n’est-il pas neuf et expressif ?… Au reste, qu’il ne vous fasse pas peur. J’ai vu au carré du Palais-Royal (du Temple) des “décrochez-moi ça” qu’on eût pu facilement accrocher au passage du Saumon », MORNAND, in LARCHEY ◪ 1882 engueuler le trottoir porter des chaussures éculées, percées « Des souliers éculés avec des semelles… qui engueulent le trottoir », La Vie parisienne, e 1882 ◪ 1883 mettre du linge sur ses salsifis mettre des gants ■ d. XX col à manger de la tarte un col empesé, posé sur un plastron, en tissu ou en celluloïd, selon la mode masculine de jadis ◪ 1909 chaussettes à clous chaussures ferrées e ■ m. XVII 1640 voilà mon songe de cette nuit, un vilain botté « c’est lors qu’on voit un homme qui porte des bottes contre sa coustume » (OUD.) • petite oie d’habit « des jarretières, des esguillettes, un cordon de chappeau, etc. » (OUD.) • botter à cru « mettre des bottes sans avoir rien à ses jambes, mettre les jambes nues dans ses bottes » (OUD.) BEAUTÉ charme, grâce, joliesse, distinction, magnificence, piquant, séduction, somptuosité, splendeur e ■ m. XVI elle vaut bien le décrotté elle est assez belle ◪ 1531 être fait comme de cire très e beau ; allusion probable aux effigies en cire qui étaient à la mode au XVI siècle, particulièrement à la mort des grands personnages « Factus ad ungueur : Il est faict comme de cire, Il est fort bien faict », R. ESTIENNE, e ■ f. XVI un miroir à putains « un bel homme » pour OUDIN (1640), un « garçon e e d’une beauté vulgaire » pour LARCHEY (1872) ■ XVII un beau brin de fille ■ m. XVII bien fait de sa personne « Le 1er février, monsieur le pasteur de Juba fut pendu à un gibet à Montpellier. Il fut regretté, surtout des femmes, parce qu’il était bien fait de sa personne », Prion, Chronologiette, 1746 ◪ 1640 elle n’est pas trop déchirée elle est assez belle, « elle mérite bien qu’on la cageole » (FUR.) • il est jeté en moule extrêmement bien fait • j’aimerais mieux monter dessus que de la mener en laisse cela se dit lorsqu’on voit une belle femme • je la trouverais mieux dans un lit qu’une puce « c’est pour donner à entendre Dictionarium, 1531 qu’une femme est grasse et de belle taille » (OUD.) • elle vaut bien un péché mortel « elle est belle, et mérite d’estre embrassée » (OUD.) • un bon morceau (pour un malade) « une belle femme, et en bon point » (OUD.) • belle comme le jour • belle sous le linge « depuis le sein jusqu’aux genoux » (FUR.) • elle n’est pas trop sotte elle est assez belle • un petit trognon « une gentille petite personne » (OUD.) • j’aimerais mieux qu’elle fût tombée dans mon lit que la grêle pour dire qu’une femme est belle • un bon bâton à défaire un lit « une femme belle et de bonne taille » (OUD.) ◪ 1666 être bien tourné(e) joli(e) « Dame, une fille bien tournée a bien des chances pour mal e tourner », E.P. LAFARGUE, Fortes têtes, 1904 ■ f. XVII 1676 fait au tour « on dit en ce sens qu’une femme a les bras faits au tour, pour dire parfaitement beaux, bien faits. Elle a la gorge faite au tour » (TRÉVOUX, 1771) ; la valeur métaphorique concernant la beauté physique s’est établie dès le e siècle, parallèlement au sens d’« objet beau et bien fait », comme sorti des mains d’un tourneur – cf. « Cet ouvrage est si poli qu’il semble qu’il soit fait au tour » (FUR.) « Entre tous ceux qui XVII brilloient à l’entour/De cette nimphe aimable, et faite au tour,/Ce fut à luy qu’elle donna la pomme », BENSÉRADE, Métamorphoses d’Ovide en rondeaux, 1676 ◪ 1690 elle n’est ni tortue ni bossue pour vanter la taille d’une personne • avoir de beaux restes « C’étoit une bien brave dame, veuve sans enfans, de quarante-deux ans environ, qui avoit été belle femme, et qui en avoit encore de beaux restes », CAYLUS, Histoire de M. Guillaume, 1740 • un teint de lys et de roses « pour exprimer une grande blancheur ; pour bien louer une femme ; avoir le teint blanc, vermeil » (FUR.) • c’est une bonne robe « une belle femme, ou toute autre chose qu’on estime » (FUR.) • un morceau de roi une belle femme désirable. Il est possible que les « dégustations » successives de Louis XIV aient influé sur la création de cette locution d’époque « C’est égal, elle est bien jolie, notre hôtesse ! Des yeux noirs, profonds comme la nuit ; des lèvres rouges, sensuelles ; un teint mat, plus cire que chair, d’un grain délicat ; une taille… Ah ! c’est un morceau de roi que ce grand gars mange tous les soirs à son souper ! », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 e e ■ XVIII joli comme un cœur ■ XIX beau comme un astre e • être joli garçon ■ d. XIX 1808 aux oiseaux « pour exprimer qu’un homme est très-bien fait, e qu’une femme est très-belle, on dit qu’ils sont aux oiseaux » (DHAUTEL) ■ m. XIX taille de guêpe taille très fine ◪ 1867 balle d’amour physionomie agréable, faite pour inspirer des sentiments tendres • n’être pas trop déjeté être bien conservé • herbe à grimper « belle gorge ou belles épaules, – éperons du cœur, compulsoires d’amour » (DELV.) • pas de corset « se dit, à tout âge, d’une femme dont les appas ont la fermeté de la jeunesse » (LARCH.) • chouette jabot poitrine plantureuse • avoir une livraison de bois devant sa porte « se dit d’une femme richement avantagée par la Nature » (DELV.) • quinze ans, toutes ses dents et pas de corset ! « phrase souvent ironique de l’argot des faubouriens, qui l’emploient à propos des femmes jeunes et bien faites, ou de celles qui se croient ainsi » (DELV.) « Chabot : Moi, j’suis pas vieux… pas vieux du tout ! Et tu sais… j’suis pas ingrat !… Quel âge que t’as ? La Carcasse : Dix-neuf ans, toutes mes dents et pas de corset ! », O. MÉTÉNIER, La • être dans le sac être jolie • avoir des oranges sur la cheminée « avoir une gorge convenablement garnie, dans l’argot de Breda-Street » (DELV.) • avoir de la dent « être encore e beau cavalier ou jolie femme » (DELV.) ■ f. XIX 1872 elle a de ça « elle est riche d’appas » (LARCH.) • avoir la ligne « avoir une certaine pureté de contours » (LARCH.) « Mon Dieu, elle n’est pas très-jolie ; mais e vous savez, elle a la ligne », YRIARTE ■ d. XX un beau ténébreux un homme dont le physique correspond Casserole, 1889 aux canons romantiques de la beauté • une gravure de mode désigne le plus souvent une femme belle et bien habillée, comme un mannequin dans un magazine. Quelquefois avec une nuance péjorative : femme à la beauté trop classique pour avoir du charme, du chien. L’expression est également utilisée pour parler d’un homme un peu dandy : « Il s’étonnait de sa façon de “poser le pied avec l’art des suprêmes danseuses” et l’assimilait à “une gravure de mode”, car Duplessys prenait un soin particulier de sa mise », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Ravachol, 1923 ◪ 1905 être bien balancé bien bâti ◪ 1919 une belle e carrosserie un beau garçon, une belle fille, par métaphore automobile ■ f. XX dégager (un max) « “elle dégage un max” : cette femme est d’une beauté renversante » (MERLE) • être canon si l’expression s’est d’abord appliquée aux femmes, elle a très vite qualifié aussi la beauté masculine, voire l’esthétique remarquable d’un objet. Son origine reste obscure ; plutôt que les canons de la beauté, il est toutefois possible qu’elle vienne du canon pièce d’artillerie, celui-ci étant surnommé « gros cul » – « Nos gros culs ! redit Forn comme de nouveau les canons se remettaient à déchirer le silence bien plus effrayant que le bruit de leurs gueules » (J. BLANC, Le Temps des hommes, 1948) – et la beauté des femmes passant traditionnellement par des formes voluptueuses • beau (belle) comme un camion (tout neuf) très beau, très belle. Il semble que le camion en question fasse référence aux gros bahuts américains, rutilants et pleins d’ampoules • une bombe e ■ XVI il n’y a si beau soulier qui ne devienne savate si belle femme qui ne devienne vieille et e laide ■ m. XVII 1640 une beauté journalière plus belle un jour que l’autre • il n’y a si belle rose qui ne devienne gratte-cul « si belle femme qui ne devienne vieille et laide » (OUD.) • tous chats e sont gris de nuit « on ne connaît pas si une femme est belle ou laide la nuit » (FUR.) ■ XVIII la e beauté du diable celle de la jeunesse ■ m. XIX comme un Jésus de cire beau et délicat « C’est qu’elle est bien tournée, la demoiselle, quoiqu’elle soit pâle et mignonne comme un Jésus de cire », H. MURGER, Scènes de campagne, 1842 les belles ne sont pas pour les beaux « les hommes les plus beaux ne sont pas les plus heureux en amour. Les mères et les maris les redoutent et les observent ; les femmes tendres croient qu’ils s’aiment trop ; les fières ne leur trouvent point assez de soumission ; celles qui craignent la médisance les jugent dangereux pour leur réputation. Ils coûtent trop cher à celles qui e paient ; ils ne donnent rien à celles qui se font payer » (QUIT.) ■ XX la beauté ne se mange pas en e salade ce n’est pas la beauté qui rendra vivable le quotidien avec quelqu’un ■ m. XX sois belle et tais-toi 1856 ◪ COQUETTERIE e ■ m. XVII 1640 le baille lui goût « quelque ornement qui fait paraître une femme plus belle » e (OUD.) ■ f. XVII à vieille mule frein doré (dure) « à une vieille qui se pare ou se farde, par reproche ; pour se moquer d’une vieille qui se pare pour faire la jeune ; en parlant des vieilles femmes qui se parent, qui se requinquent » (FUR.) ◪ 1690 être bien sous les armes « être propre et bien paré pour faire des conquêtes amoureuses » (FUR.) • un visage plâtré « chargé de céruse ou de tout autre fard qui paraît » (FUR.) • parée comme une épousée « femme qui affecte de porter e trop d’ornements ou trop extraordinaires » (FUR.) • parée comme un autel idem ■ m. XIX bien mis « fashionable » (LARCH.) « Ohé ! ce bien mis, il vient faire sa tête parce qu’il a du linge en dessous », E. SUE ◪ 1867 coup de fion soins de propreté, et même de coquetterie • faire des effets de linge « retrousser adroitement sa robe, de façon à montrer trois ou quatre jupons éblouissants de blancheur et garnis de dentelle – de coton » (DELV.) • faire un effet d’ivoire « rire de façon à montrer qu’on a la bouche bien meublée » (DELV.) • être truffé de galbe « être à la dernière mode, ridicule ou non » e (DELV.) • être pourri de chic idem ■ f. XIX faire la bouche en cul de poule « c’est ce que font les dames aimables quand elles rapprochent les lèvres pour se faire la bouche plus petite » (LYON) • avoir un pied de rouge sur la figure être trop maquillé ◪ 1872 crevé, petit crevé « jeune élégant poussant à un degré tout féminin la recherche de sa toilette. “Petit crevé se décollette avec grâce, épile son menton et cire sa moustache. Son teint délicat connaît les douceurs de la poudre de riz et du blanc de perle” (YRIARTE). C’est de ce visage blême qu’est venue selon nous l’expression de “crevé” » (LARCH.) • beau du jour élégant, homme à la mode • vieux papillon « vieillard conservant les allures galantes de la jeunesse » (LARCH.) • beau fils jeune beau • se badigeonner « se blanchir artificiellement la figure. Mot à mot : se badigeonner comme un mur » (LARCH.) • vieux beau, ex-beau « vieil homme ayant conservé des prétentions à une grande élégance » e e (LARCH.) ■ d. XX se faire beau (belle) consacrer à sa toilette plus de soins que d’habitude ■ m. XX e se faire un raccord retoucher son maquillage • se faire une beauté se préparer avec soin ■ f. XX doré sur tranche parfaitement bronzé e ■ m. XVII 1640 une mouche sur le visage « une petite emplastre de taffetas noir pour faire paroistre la chair plus blanche » (OUD.) • temps pommelé et femme fardée n’ont point de durée « le ciel plein de petits nuages se couvre facilement, et le fard gaste le visage d’une femme » (OUD.) LAIDEUR disgrâce, difformité, hideur e ■ m. XVII 1640 un grand mal bâti homme mal fait • elle est belle au coffre laide de visage et riche • elle est belle à la chandelle (mais le jour gâte tout) « c’est une raillerie vulgaire pour dire qu’une femme n’est pas trop belle » (OUD.) • une guenon • elle est toujours crottée, elle n’a personne qui lui trousse sa jupe elle est laide et personne ne la veut • elle est laide comme un cul • marqué au B « qui a un deffaut de nature, et meschant pour l’ordinaire, comme bigle, boiteux, borgne, bossu, etc. » (OUD.) • une nymphe de Guinée « une noire et laide » (OUD.) • c’est ouvrage de peintre « une fille belle de loin et laide de près » (OUD.) • visage de rebec visage sec et mal fait • richement laid aussi laid que possible • visage à faire une enseigne à bière un gros visage mal fait • un masque lui servirait bien • sa coiffure est de crème, elle couvre le lait « c’est une sotte allusion de laict à laid » (OUD.) • c’est tentation par-derrière et repentance par-devant « une femme dont la taille, ou l’habit par derrière, fait imaginer quelque chose de beau, et l’on treuve puis après en la regardant par devant, qu’elle est extrêmement laide de visage » (OUD.) • délicat et blond comme un pruneau grossier • (elle est comme les mâchicoulis) le haut défend le bas elle est laide de visage • elle a bien du lait caché sous sa chemise « elle est bien laide ; c’est une allusion de laict à laid » (OUD.) • laide en cramoisi bien laide • il serait bon dans une e chènevière, pour servir d’épouvantail aux oiseaux il a fort mauvaise mine ■ f. XVII 1690 laid comme un magot • voilà un homme bien vidé laid et malpropre • un visage à étui « homme fort laid ; noir, rude, couperosé » (FUR.) • un visage de cuir bouilli laid, grotesque • une vieille sorcière « par injure à une laide qui est âgée » (FUR.) • laid comme un singe • on n’aura point envie à sa peau personne fort laide • un laid (vilain) mâle « être malfait et difforme » (FUR.) • remède d’amour « figure grotesque ou repoussante, – dans l’argot du peuple, qui ne sait pas que e Mirabeau a été adoré de Sophie » (DELV.) ■ m. XVIII gueule d’empeigne à la fois « sale gueule » et « fort en gueule » « Aprens gueule d’empeigne, qu’la mère Chaplu n’a jamais rien pris à personne ! », BEAUMARCHAIS, Les e e ■ f. XVIII moche comme un pou ■ m. XIX gueule en coin de rue visage laid et antipathique ◪ 1867 taupin vaut marotte « se dit ironiquement de deux personnes qui ont la même laideur physique » (DELV.) • taupin vaut taupine idem • n’être pas dans le sac être laide • e bille à châtaigne figure grotesque ■ f. XIX laid comme les sept péchés capitaux ◪ 1894 une figure à faire tourner une sauce blanche « se dit d’un visage où la régularité des traits laisse à désirer » (LYON) • laid à faire retourner une procession « le fait est qu’il faut être joliment laid » e (LYON) ■ m. XX musée des horreurs e ■ m. XVII 1640 j’aimerais mieux le licol que la bête « pour dire que l’on aimeroit mieux la chaisne d’or, ou les perles que porte une femme, que sa personne mesme » (OUD.) • il n’y a point si belle rose qui ne devienne (gratte-cul) gratteau tout enlaidit avec l’âge • je ne romprais pas mon jeûne pour un si misérable morceau « je ne voudrois pas pécher pour une si laide femme » e (OUD.) ■ f. XVII la nuit, tous les chats sont gris on ne connaît point si une femme est belle ou laide e e la nuit ■ m. XIX 1842 sa bouche dit à ses oreilles que son menton touche à son nez ■ m. XX on a vu assez d’horreurs pendant la guerre expression employée dès la fin des années 1940, par plaisanterie hyperbolique sur « les horreurs de la guerre », dont la presse et les conversations regorgeaient. Dans des contextes tels que : « Cache-moi ça, on a vu assez d’horreurs pendant la guerre ! » Députés de la halle, v. 1763 PROPRETÉ netteté, toilette e ■ m. XVII 1640 propre comme une écuelle à chat « phrase vulgaire, pour dire qu’un homme e est propre » (OUD.). Dès la fin du XVII , l’expression acquiert son sens actuel : « qui a seulement l’apparence de la propreté » • faire le poil « le coupper, et l’ajuster » (OUD.) • sortir d’une boîte « on dit d’une personne qui est très propre, qu’il semble toujours qu’elle sorte d’une boîte » (FUR.) e ■ f. XVIII propre comme un lapin « se dit d’un homme qui est d’une propreté remarquable » (Acad., 1832-35) ; l’expression s’est sans doute forgée par glissement de brave comme un lapin, e bien habillé, habillé de neuf ■ m. XIX 1845 propre comme un sou « se dit quelquefois ; à quoi l’interlocuteur ne manque jamais d’ajouter : “qui a passé par beaucoup de mains sales”. Le fait est qu’un sou est toujours fort sale. Pourtant Régnier a dit : “Claire comme un bassin, nette comme un denier.” Les deniers ne devaient pas être plus propres que nos sous » (LYON). On dit aujourd’hui propre comme un sou neuf, la précision allant bien dans le sens de la remarque précédente ◪ 1867 coup de fion soins de propreté, et même de coquetterie • se passer au grattoir se raser • net comme torchette « se dit des choses ou des gens excessivement propres » (DELV.), « aussi net que e si la “torchette” (torchon) y avait passé » (LARCH.) ■ f. XIX 1881 se faire rafraîchir « se faire couper les cheveux, la barbe » (DICT. LANGUE VERTE) « L’autre soir, j’étais entré chez un coiffeur du boulevard, avec e ■ f. XX nickel-chrome propre, neuf, dans un excellent e état ; renforcement de c’est nickel, utilisé dès le milieu du XX siècle dans le même sens e ■ m. XVII 1640 qui veut tenir nette maison, il n’y faut prêtre ni pigeon « que les prestres, et les pigeons causent bien souvent du mal, ou du mauvais air » (OUD.) • fringuer un verre le rincer l’intention de me faire rafraîchir… », Gil Blas, 1881 e ou jeter un peu d’eau dessus ■ XIX nettoyer les écuries d’Augias SALETÉ malpropreté, saloperie, crasse, pouillerie ■ m. XIV e 1342 les yeux chassieux « Or voy un villain mautaillié,/Let, froncié, hideux et bossu,/Rechigné, e ■ m. XVI grenier à morpions « un homme plein de vermine. Item, une barbe épaisse, et mal peignée » e (OUD.) ■ m. XVII 1640 avoir une garnison dans ses chausses « quantité de poüils » (OUD.) • elle fournirait toute une paroisse de cire elle est fort chassieuse • avoir de l’infanterie dans ses chausses « des poüils » (OUD.) • gras comme lard à pois sale, plein de graisse • il est honnête homme, il n’a rien de vilain que le corps c’est un sale personnage • avoir un régiment dans son pourpoint « quantité de poüils » (OUD.) • ses yeux font de la cire sont chassieux • chassieux comme un chat de mars extrêmement chassieux • se laisser aller « se négliger, n’avoir point de soin de s’approprier ou ajuster » (OUD.) • être curieux en linge sale « personne mal propre, qui ne e change pas souvent de linge » (FUR.). Curieux signifie propre, bien net ■ f. XVII propre comme une écuelle à chat « sale et mal mis ; sale et maussade » (FUR.) ◪ 1690 se laisser manger aux poux un malpropre • voilà un homme bien vidé laid et malpropre • ongles bons à tirer la chair du pot e « un mal propre qui laisse croître ses ongles » (FUR.) ■ XIX barbe à poux le peuplement des grosses barbes est traditionnel. Cf. « La grand’ barbe n’engendre pas/Les sciences plus excellentes/Mais des morpions et des lentes » (RONSARD, Livret des folastries, 1553) • se croire dans une écurie e ■ d. XIX pas à prendre avec des pincettes « Quand j’étais partie de la maison, j’étais propre et bien coiffée. Au crasseux et moussu,/Les yeulx chacieux, plains d’ordure », J. BRUYANT, Le Chemin de pauvreté et de richesse, 1342 bout de deux jours dans ce sacré local, j’étais plus à prendre avec des pincettes. Non seulement j’étais sale, mais tous mes vêtements étaient fripés à force d’avoir dormi dessus », GUÉRIN, La Peau dure, 1948 e ◪ 1808 sale comme un peigne ■ m. XIX 1841 ongle en (demi) deuil « ongle cerné de crasse noire comme un billet d’enterrement » (LARCH.) « À qui cette main, monstre, ces ongles en demi-deuil ? », ALHOY, 1841 ◪ 1842 crotté en archidiacre « c’est-à-dire bien crotté, parce que les archidiacres étaient tenus autrefois de faire à pied leurs visites, dans toutes les saisons, chez tous les curés de leur archidiaconé » (QUIT.) ◪ 1867 chier des yeux avoir les yeux chassieux • danser des arpions avoir des chaussettes sales • avoir du persil dans les pieds « se dit d’une femme qui a les pieds sales – à force d’avoir marché » e (DELV.) ■ f. XIX 1872 grenadiers (de la garnison) poux de forte taille • sale pâtissier « homme malpropre » (LARCH.) e ■ m. XVII 1640 le loup est au bois « c’est quand on a quelque miette ou autre chose sur la barbe. À pied, sur la pointe ; à cheval, sur la moustache » (OUD.) • avoir des quatre mendiants « des poüils, des pulces, des punaises, et des morpions » (OUD.) • perles de gueux des lentes • les mains lavées sont les mains nettes « par une fort mauvaise allusion du vulgaire, les moins lavées, e etc. » (OUD.) • elles ont belle queue, nos brebis raillerie, pour dire que l’on est fort crotté ■ f. XVII 1690 gens infâmes « boueur, cureur de puits : mal propres et dégoûtants » (FUR.) • être crotté et hourdé « quand on revient de ville sale et crotté comme un messager, ou hourdé comme si on avait travaillé à la maçonnerie à hourder le mur » (FUR.) • porter le deuil de sa blanchisseuse porter du linge sale ÂGE e e ■ f. XVII 1689 l’âge de raison sept ans ■ m. XIX être poivre et sel « être vieux et jeune ; poivre et sel, comme on dit de ces chevelures indécises qui ne sont plus brunes et qui répugnent à devenir blanches » (MONSELET) • l’âge bête la partie de l’enfance ou de l’adolescence qu’il plaît aux adultes de nommer ainsi « L’âge où la jeune fille rêve au Prince Charmant, et le jeune homme à la Belle-au-Bois-Dormant ! L’âge bête ! L’âge d’or ! – dont je voudrais bien avoir la monnaie aujourd’hui ! », A. DELVAU, Les Bijoux indiscrets, v. 1860 ◪ 1867 coup du lapin « coup que la nature vous donne vers la cinquantième année, à l’époque de l’âge e “critique” » (DELV.) ■ f. XIX prendre du bouchon de l’âge • bien sonnés quand on estime qu’une personne a davantage que l’âge que l’on annonce ; sans doute à partir des heures sonnées par les horloges ou les offices sonnés par les cloches d’église « Vous avez beau vous flanquer du rouge et du blanc su’ e la frimousse, m’ame Levanneur, vous n’en avez pas moins la cinquantaine bin sonnée », A. CIM, Césarin…, 1897 ■ f. XX balai « an. S’utilise exclusivement pour indiquer l’âge : “Il a bien 25 balais !” Il se trouve simplement que, de tous les bons vieux termes argotiques bien connus (berge, carat, pige, etc.), la mode eighties n’a retenu que balai. Et apparemment, on fait très bien (et beaucoup…) avec ! » (MERLE) e ■ f. XVII 1690 avoir vu cinquante soleils avoir passé cinquante ans • en avoir dans l’aile (l’elle) « par une méchante allusion de l’aile avec la lettre L, pour signifier qu’il a passé 50 ans » (FUR.) • l’âge n’est fait que pour les chevaux « il faut considérer la forme de quelqu’un et non son e âge » (FUR.) ■ d. XIX 1811 ça ne nous rajeunit pas ! « se dit à propos d’événements, de faits qui soulignent précisément l’âge de la personne en question » (ROBERT) « Ah ! vous vous en rappelez, m’sieu d’Hervincourt ?… C’était vous-même qui présidiez ! Vous étiez à Vitry à c’t’époque. Comme il y a longtemps qu’nous nous connaissons tout d’même, m’sieu d’Hervincourt ! Hein, ça n’nous rajeunit pas ?… On vous regrette bien, allez, là-bas, à e ■ d. XX être sans âge d’une physionomie telle que l’on pourrait tout aussi bien avoir trente ans que cinquante « Ma marraine opina du chef. Elle avait le même costume qu’autrefois. Vitry… », A. CIM, Césarin…, 1897 Elle était toujours sans âge », J. BLANC, Confusion des peines, 1943 ENFANCE e e ■ XVI tendre enfance ■ f. XVI 1584 cela sent la bouillie « c’est une action ou procéder d’enfant » (OUD.) « Geneviefve, Geneviefve, ta bouche sent encores le laict et la boulie. Tu monstres bien que tu n’es e qu’un enfant », O. DE TURNÈBE, Les Contens, 1584 ■ m. XVII être à la bavette fort jeune, enfant • l’enfant gâté « celuy que la mère caresse le plus » (OUD.) • il est au tétin il est fort jeune • dès le berceau e dès son enfance • un (petit) populo un enfant • de la graine d’andouille des enfants ■ f. XVII 1690 petits marmots « enfants ; non encore formés ». À partir de marmot, « figure laide et mal e faite, d’un petit volume ; un apprenti peintre fait des marmots » (FUR.) ■ XIX pas plus haut(e) que ça utilisé quand on rappelle à quelqu’un qu’on l’a connu alors qu’il était encore enfant « MORAND, gauchement : Il y a longtemps que… quand vous étiez au bourg, en pension, je vous regardais souvent… Je voyais bien que vous deviendriez une jolie fille… JEANNE, toujours polie : Vous êtes bien aimable. Morand : Vous n’étiez pas plus haute que ça… treize ans, peut-être !… et déjà, je me disais, cette fillette-là quand elle sera grande, ça sera une belle luronne », M. DU VEUZIT, e L’Aumône, 1909 ■ d. XX bout de chou ■ d. XVI 1522 manger son pain blanc le premier « enfant qui a été traité plus délicatement en jeunesse, qu’il n’aura moyen de l’être étant avancé en âge ; enfant élevé délicatement et qu’on e prévoit ne devoir pas avoir beaucoup de bien dans la suite » (FUR.) ■ m. XVII 1640 mauvaise herbe e e ■ f. XVII 1690 c’est un grenier à coups de poing « enfant incorrigible, qu’on frappe souvent » (FUR.) • mon gros pâté « ce que dit un bourgeois à son enfant bien gras et bien nourri » (FUR.) • mauvaise graine jeune personne dont on pense qu’elle tournera mal • couper la gorge à quelqu’un « quand on instruit pas bien les enfants, qu’on les laisse vivre dans le libertinage » (FUR.) e • il ne vaut pas un coup de poing « enfant informe qu’on a de la peine à élever » (FUR.) ■ m. XIX 1842 les hommes sont de grands enfants « l’enfance passe, mais l’enfantillage reste » (QUIT.) e ■ f. XIX il grandira, car il est espagnol refrain d’une chanson de La Périchole d’Offenbach JEUNESSE e e ■ XV une fontaine de jouvence ■ m. XVII 1640 jeune chair et vieux poisson « qu’il faut manger les bestes et les oiseaux jeunes, et les gros poissons. Item, une jeune fille est plus agréable qu’une vieille » (OUD.) • jeune bois • il n’a pas encore la coquille hors du cul il est fort jeune, et sans expérience • si on lui tordait le nez, il en sortirait du lait idem • il a encore son premier e béguin idem • un jeune tendron une jeune fille ■ f. XVII 1690 elle avait l’âge d’un téton quinze e ans • être dans la verte saison • en la fleur de son âge ■ XVIII un blanc-bec « Vous êtes encore des blancs-becs et vous n’avez pas connu Belle-Rose ; c’est celui-là qui avait le truque », VIDOCQ, Mémoires, 1828 • la beauté e du diable se dit de la fraîcheur de la jeunesse et non de la beauté • à la fleur de l’âge ■ m. XIX avoir toutes ses dents être jeune, en pleine beauté et vigueur « Je ne savais donc rien d’elle – sinon qu’elle était très jolie, presque spirituelle, et qu’elle avait encore toutes ses dents », A. DELVAU, Les Bijoux indiscrets, v. 1860 ◪ 1832 pas piqué des vers « aussi frais, aussi sain que […] le fruit respecté par les vers » (LARCH.) « C’est qu’elle n’était pas piquée des vers,/C’est c’qu’il faut à Mahieu », Mayeux, 1832 ◪ 1859 pas piqué des hannetons « aussi frais, aussi sain que la feuille respectée par les hannetons » (LARCH.) « Une jeunesse entre quinze et seize, point piquée des hannetons, un vrai bouton de rose », MONTÉPIN ◪ 1867 mois de mourrice « les années e qu’oublie volontiers de compter une femme qu’on interroge sur son âge » (DELV.) ■ d. XX 1923 la génération montante les jeunes qui seront bientôt adultes ; s’utilise au propre – l’âge – comme au figuré – les débuts dans une activité « M. Méténier est une intéressante, originale figure de la “génération montante”. Il est à part », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Ravachol, 1923 e ■ m. XVII 1640 il est bon à marier « il sçait faire du feu et couper du pain » (OUD.) • jeunesse que tu es forte à passer « il est bien difficile qu’on ne fasse pas quelque folie quand on est jeune » (FUR.) • des jeunesses « des actions inconsidérées de jeunes gens » (OUD.) • barbe de lièvre, qui e n’ose sortir de peur des chiens « une barbe qui ne paroist point encore » (OUD.) ■ f. XVII 1690 e avoir la tête verte « jeune et étourdi, et sujet à se mettre en colère » (FUR.) ■ d. XIX il faut que jeunesse se passe se dit pour excuser une erreur, un engouement dû à l’inexpérience « Ah ! reprit le malade avec une exaltation nouvelle… Dieu vous préserve d’une liaison semblable !… On a beau dire : Ah bah ! il faut que jeunesse se passe… ces amours-là… c’est une pente qui mène à tout », H. MURGER, Le Pays latin, 1851 e ■ m. XIX être bien conservé paraître plus jeune qu’on ne l’est réellement ; se dit lorsqu’une personne a déjà atteint un certain âge « Faut pas la tuer, c’te gosse, aurait dit la rouquine, all’ est trop mignonne, or la mignonne gosse allait sur ses quarante ans et, si bien conservée fût-elle, j’imagine qu’une simple chemise de nuit se prêtait mal à cacher les ravages de l’âge », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Félix Faure, 1925 ◪ 1867 seize ans, toutes ses dents et pas e de corset ■ m. XX se faire ravaler la façade du nettoyage de peau au lifting, tout soin qui rajeunit le visage ◪ 1958 la nouvelle vague « l’expression fut employée pour la première fois en 1958 (journal L’Express) et s’appliqua ensuite à la nouvelle génération de créateurs (surtout de cinéastes) au début des années 1960 » (REY-CHANT.) MATURITÉ ■ XVII e monter en graine « vieillir, – dans l’argot des bourgeois, qui disent cela surtout à e propos des filles destinées à coiffer Sainte-Catherine » (DELV.) • d’un certain âge ■ m. XVII 1640 e e être dru • enfant du diable, qui a le derrière velu un homme fait ■ XVIII entre deux âges ■ XIX e être bien conservé être « en bon état » pour son âge ; l’idée se trouve déjà au XVIII : « elle est si bien la même en tout et par tout que je serais tentée de croire qu’on l’a conservée dans une e armoire » (MME DE SABRAN, Lettre à Boufflers, 25 avril 1787) ■ f. XIX être dans la force de l’âge VIEILLESSE e e ■ m. XVI 1549 avoir fait son temps avoir vécu, être proche de sa mort naturelle ■ m. XVII être sur l’âge commencer à vieillir « Sur l’âge, si j’en crois mon intuition […], exprime à merveille ce sentiment que l’on a, comme du sommet d’une éminence ou au détour d’une route, de découvrir le paysage de la vieillesse. On la domine encore, 1640 elle ne marque plus « elle est vieille. Métaphore » (OUD.) • une vieille maison reblanchie une vieille femme fardée • une vieille sempiternelle une fort vieille femme • elle n’est plus bonne à rôtir • vieille mule à frein doré une vieille femme parée • il a un pied dans la fosse il est fort vieux, il est près de mourir • c’est le vieux jeu « une femme qui n’est plus dans l’aage de paroistre » (OUD.) • il a neigé sur sa tête il a les cheveux gris ou blancs • les cochons de son âge ne sont plus bons à rôtir • la boutique est fermée « se dit à une femme qui ne fait plus d’enfants » (OUD.) • faire la jeune « se mais, irrésistiblement, on va descendre vers elle », F. NOURISSIER, Bratislava, 1990 ◪ e dit d’une femme déjà agée qui fait la mignarde » (OUD.) • bonhomme ■ f. XVII 1690 vieux comme e les rues extrêmement vieux ■ XVIII être sur le retour « c’est à dire, être vieux » (RICHELET) ; on e trouve au XVII siècle être sur le retour de l’âge « Au second demeure une dame de Courbuisson, autrefois la jolie pâtissière, qu’un gentilhomme picard épris de ses charmes, a épousée après l’avoir entretenue. Elle est un peu sur le retour, e mais encore belle, d’une blancheur éblouissante, etc. », RÉTIF, Le Paysan perverti, 1782 ■ m. XIX 1860 ridé comme un vieux coing « Je sors, et qu’est-ce que je vois ? Non pas une femme ; mais deux femmes. L’une, vieille et ridée comme un 1867 vieux comme Mathieu-salé « par corruption de “Mathusalem”, un patriarche » (DELV.) • reporter son fusil à la mairie « commencer à vieillir, – dans l’argot du peuple, qui sait qu’à cinquante ans on cesse de faire partie de la garde nationale » (DELV.) • marguerites de cimetière poils blancs de la barbe • être démâté être vieux, impotent • aller en rabattant « vieillir, sentir ses forces s’épuiser. Argot du peuple » (DELV.) • e marches du palais rides du front ■ f. XIX prendre de la bouteille ◪ 1872 avoir de la barbe vieux coing, occupait le premier plan », Mémoires de Jules Léotard, 1860 ◪ « vieillir. On dit d’une histoire déjà connue : “elle a de la barbe” » (LARCH.) ◪ 1879 bille de billard « crâne dénudé et, par extension, vieillard » (DICT. LANGUE VERTE) « Ah ! mince alors ! si les billes de billard se mettent à moucharder la jeunesse !… », MEILHAC et HALÉVY, Lolotte, 1879 ◪ 1894 ridé comme une vieille reinette e (pomme) • ridé comme le cul d’une vieille ■ d. XX sucrer les fraises allusion au tremblement du vieillard. La métaphore de la main qui répand du sucre en poudre s’est appliquée à d’autres desserts : « On éprouve quelque pitié à lire les palabres et les chichis qui s’échangent ces jours-là entre valétudinaires et sucreurs de tartes ! » (J. RICTUS, Un bluff littéraire, 1903) • vieille taupe e ■ m. XX un vieux schnock • prendre un coup de vieux vieillir brusquement • le troisième âge e ■ f. XX ne plus être coté à l’Argus être trop vieux, par référence à L’Argus de l’automobile, dans lequel un prix de vente est indiqué pour les voitures d’occasion de moins de 8 ans • avoir des kilomètres au compteur ne plus être de première jeunesse ; métaphore automobile e ■ m. XVII retomber en enfance devenir sénile ◪ 1640 quand la neige est sur la montagne, le bas est bien froid quand un homme a les cheveux blancs • un vieux penard « un vieillard malicieux et desbauché » (OUD.) • dans un vieux pot, on fait de bonne soupe « c’est la response des femmes aagées lors qu’on les appelle vieilles ; qu’elles ont des attraits ou douceurs aussi bien que les jeunes » (OUD.) • de la soupe réchauffée « une veufve ou vieille femme » (OUD.) • il n’est point de si belle rose qui ne devienne gratte-cul « il n’y a pas de si belle personne qui, en vieillissant, ne devienne laide » (QUIT.) • il n’y a si bon cheval qui ne devienne rosse « point d’homme si robuste qui ne devienne vieil et caduc » (OUD.) • adieu jeunesse « les vieillards en toussant usent de ces mots, pour dire que les incommoditez de la vieillesse commencent à les e poursuivre » (OUD.) • bonjour, lunettes ; adieu, fillettes ■ f. XVII 1690 c’est un vieux rêveur (pécheur, péteur) en se moquant d’un vieillard • il n’est pas vieux, mais il se souvient de loin « ironiquement à un vieillard qui fait le jeune » (FUR.) • un bâton de vieillesse « enfant, neveu qui sert à secourir un père, un oncle dans sa vieillesse, quand il ne peut plus agir » (FUR.) • vieux e comme Hérode « en se moquant d’un vieillard » (FUR.) ■ d. XX secouer le cocotier se débarrasser des gens âgés • être (devenir) gaga être (devenir) sénile – diminutif populaire de gâteux « L’objet de tant d’idolâtrie,/Engraissé, d’vient un peu gaga/Il n’a plus d’goût pour les chat’ries/Et s’endort avant l’premier plat », BRIOLET et VIOLAINES, La Petite Femme qui…, 1904 GRANDEUR asperge, échalas, escogriffe, géant, gigantesque, immense e e ■ XVII monter en graine ■ m. XVII 1640 trente-six côtes un homme excessivement grand • une grande hallebarde « une femme excessivement haute et menue » (OUD.) • je mangerais des petits pâtés sur ta tête je suis beaucoup plus grand(e) que toi • d’aussi belle taille que la perche d’un ramoneur « une femme fort grande et de mauvaise grâce » (OUD.) • une grande perche idem • mauvaise herbe croît toujours « en raillant des jeunes gens qui croissent trop vite » (FUR.) • vous parlez d’une hallebarde, mais voilà bien un autre bâton « on dit cecy lors que l’on voit une grande femme et de belle taille » (OUD.) • grande haquenée femme excessivement grande • e enfant de quinze mois un fort grand homme ■ d. XIX une grande bringue « j’ai interrogé la femme de e chambre de la patronne, entre autres, cette grande bringue d’Ernestine… », A. CIM, Duel à mort, 1894 ■ m. XIX 1840 dépendeur d’andouilles « homme assez grand pour décrocher les andouilles du plafond dans les cuisines d’autrefois, plus hautes et mieux pourvues que celles d’aujourd’hui » (LARCH.) « Regarde donc, Jérôme, vois donc l’grand dépendeux d’andouilles », Catéchisme poissard, 1840 ◪ 1867 asperge montée « personne e d’une grandeur démesurée, et, avec cela, maigre » (DELV.) ■ d. XX armoire à glace homme grand et de carrure imposante • une grande sauterelle une femme très grande et mince • manger la soupe sur la tête à quelqu’un être plus grand que lui • une grande saucisse • qui n’en finit plus de quelqu’un de très grand « Besse, un grand colosse qui n’en finissait plus, avait endossé cette nuit-là sa première tunique », E. CORSY, La Médaille de mort, 1905 e ■ m. XVII 1640 vous n’avez pas perdu votre argent, vous l’avez bien employé « vous avez e proffité, en mangeant vous estes creu » (OUD.) ■ f. XVII 1690 de toutes tailles bons lévriers « se dit au figuré des hommes, parce que la taille n’est pas nécessaire pour le mérite » (FUR.) • un franc-archer « femme ou fille de grande taille, hardie et libre en paroles et en actions » (FUR.) e ■ d. XIX 1826 long comme un jour sans pain « ils n’étaient, tout au plus, que un contre vingt renégats, qui vous ont des sabres en manière de quartier de lune, qui sont longs comme un jour sans pain », É. DEBRAUX, Le Passage de la Bérésina, e 1826 ■ m. XIX 1842 quand la maison est trop haute, il n’y a rien au grenier « quand une personne a la taille trop élevée, elle a la tête vide. C’est une opinion fort ancienne et fort répandue que la nature développe le corps outre mesure aux dépens de l’esprit, et que ce qu’elle ajoute au premier elle le retranche au second » (QUIT.) PETITESSE nabot, court, rabougri, lilliputien, gringalet, nain e e ■ m. XVI bas de fesses ■ m. XVII 1640 un avorton • un courcibot un homme gros et court • petit bout d’homme « on appelle par dérision, bout d’homme, un petit bout d’homme, un homme extrêmement petit » (TRÉVOUX) • bas de cul • reste de sperme un fort petit homme • un petit e manche d’étrille une personne courte et grosse • un petit morpion un fort petit homme ■ f. XVII 1690 n’avoir qu’une coudée « être nain, être fort petit » (FUR.) • pas plus haut(e) qu’un rat e personne de fort petite taille ■ m. XVIII 1742 pas plus haut qu’un chou très petit ; il est possible que cette image prise en bonne part pour un enfant soit à l’origine de l’appellation affectueuse « mon chou » « Il me demanda si j’étais fou de vouloir entrer en maison à Berne. “Que diable voulez-vous qu’on fasse de vous, vous n’êtes pas plus haut qu’un chou. Allez, monsieur, vous n’êtes capable de rien. Allez, allez, je vous souhaite un bon voyage, pauvr’ espèce”, dit-il », J.-H. JAQUEREZ, Mémoires du petit Henry, 1742 ■ m. e XIX haut comme ma botte « Regardez ces petits vieux aux peaux craquelées de rides ; sans bouches, sans regard, hauts comme ma botte. Voilà la jeunesse dorée d’aujourd’hui ! », REBELL, La Câlineuse, 1898 • bas du dos par politesse plaisante sur bas du cul « Un petit troupier du 129 […] se mit à déblatérer à haute voix contre la cavalerie ennemie, et comme ses adversaires l’invitaient au silence avec ces mots : “Ta bouche !… eh ! bas-du-dos !”, cette allusion à sa taille exiguë mit le comble à son exaspération », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Félix Faure, 1925 ◪ 1867 bas de plafond « homme d’une taille ridiculement exiguë » (DELV.) • bout de cul petit homme ■ f. e XIX 1888 pot à tabac e personne petite et grosse ■ d. XX espèce de demi-portion • haut comme trois pommes • bout de zan enfant ou petite personne • court sur pattes « Il était court sur pattes, trapu. Il avait une tête à gifles », J. BLANC, Confusion des peines, 1943 ◪ 1902 haut comme un chien assis « Une fois, alors que j’y étais encore, dans mon lit, un petit journaleux, chic et haut comme un chien assis, se présente », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ◪ 1905 fausse couche c’est-à-dire avorton « Soyez tranquille, ce ne sont somme toute que des fausses couches qui cachent leur piètre académie sous beaucoup d’étoffe, mais il n’y a pas lourd de viande dedans », E. CORSY, La Médaille de mort, 1905 e ■ m. XVII pas plus gros que le poing ◪ 1640 dans les petites boîtes, on met (sont) les bons onguents « un petit homme n’est pas à mespriser » (OUD.) • petit pot tient bien pinte « un petit e homme en vaut bien un grand. Item, peut boire autant qu’un plus grand » (OUD.) ■ m. XVIII dans e les petits sacs sont les bonnes épices ■ m. XIX grand(e) comme un mouchoir de poche petit(e) ; se dit essentiellement pour les lieux : cette maison est grande comme un mouchoir de poche. « Le e mouchoir se dit aussi mouchoir de poche, pour le distinguer du mouchoir de cou » (LITTRÉ) ■ d. XX grand comme un mouchoir très petit « La mairie est toute proche ; elle est toujours proche ; le quartier est grand comme un mouchoir », R. BENJAMIN, Les Justices de paix, 1913 GROSSEUR corpulence, embonpoint, obésité, rotondité épais, large, volumineux, empâté, gras, replet, rond, ventripotent, ventru, mastodonte, bouffi, potelé, patapouf, poussah e e ■ XVI être chargé de cuisine « être fort gras, surtout si on a un gros ventre » (FUR.) ■ m. XVI e gras à lard ■ f. XVI un cul de ménage « un gros derrière. Le reste dit, il y a à boire et à manger » e (OUD.) • une grosse dondon ■ m. XVII 1640 un gros effondré homme goulu et fort ventru • un gros bouffetripe • il y a plus de chair que de sauce • une grosse citrouille « femme dont la taille est grosse et mal faite » (FUR.) • un boustarin • bourgeois d’Aubervilliers, les joues lui passent le nez « il a les joues fort enflées, il est fort gras » (OUD.) • un gros bouffi « enflé de visage, ou bien gros de ventre et de corps » (OUD.) • bon et gros bien gros, fort gros • gras comme un cochon • un courcibot un homme gros et court • elle est renforcée par la culasse elle a de grosses fesses • bâtir sur le devant devenir gros de ventre • gras comme un moine fort gras « Il y avoit dans la maison, M. l’abbé Evrard, qui conduisoit tout. Il étoit gras comme un moine, et cependant il ne mangeoit guère que des petits • un petit manche d’étrille une personne courte et grosse • un gros matou de gouttière « un gros garçon, un bon lourdaut » (OUD.) • elle est bonne à mettre en pâte elle est grosse et grasse • la grosse pâtissière des carneaux une fort grosse femme ou fille • un gros piffre « un gros homme, enflé de ventre et de visage. Le mot est corrompu de pfeiffer allemand, qui signifie un joueur de fiffre, ou flûteur » (OUD.) • le poil lui reluit il est gras, il est bien nourri • il roulerait plutôt que de tomber il est tout rond, il est extrêmement gros et court • il a bien refait ses joues il s’est bien nourri, il est devenu e gras • un gros souffleur de boudins au XVII , « un homme qui est fort gros de ventre » (OUD.), au e XIX , « homme qui a le visage rubicond » (DELV.) • un gros tabourin un gros ventre • un tiercelet d’éléphant un gros lourdaud • elle peut bien nourrir de la volaille, elle a un beau derrière elle a le cul fort gros • enflé du vent de la huche devenu gras à force de manger du pain • un gros tampon une personne fort grosse • le ventre à la Suisse gros ventre • un sac à bran « une grosse pance » (OUD.) • rondin bondin un homme gros et court • en bon point gras et sain • de bons gros piliers de grosses jambes • une (bonne) pièce de chair « grosse personne stupide » (FUR.) • un gros pâté une personne fort grasse • une grosse mère œufvée « une fille ou femme grasse et en bon point » (OUD.) • mardi gras « un homme qui a le visage fort plein, un gros homme » (OUD.) • avoir la maladie saint Bondon, les joues plates comme une boule « estre fort gras, et en bonne santé » (OUD.) • la mère aux cailles • une grosse gagui une femme grasse • un gros e colintampon • une grosse gouge une grosse fille ■ f. XVII 1690 être (bien) en chair « personne grasse et en bon point » (FUR.) • être bien fourni « gras et replet ; tous ses membres ont de l’embonpoint » (FUR.) • gros comme un muid « hydropique, homme fort replet » (FUR.) • un tambour un gros homme • être chargé de gras-double « homme qui a le ventre si gros, qu’il s’y fait comme des feuillets sur la peau qui semble se redoubler » (FUR.) • bout du cul un petit e homme gros et trapu ■ XVIII gras comme un chanoine les chanoines ont la réputation e e d’engraisser dès le XVII siècle ■ f. XVIII gros comme un tonneau gros, en particulier du ventre ◪ 1785 gros patapouf « Je ne me donnai pas la peine de changer en rien de personnage pour foutre dedans ce gros e patapouf », HÉBERT, 1791 ■ d. XIX gras comme une caille « Je ne suis pas d’une santé de fer !… je suis certain que ça pieds [c’est-à-dire des cailles, des ortolans, etc.] », CAYLUS, Histoire de M. Guillaume, 1740 me ferait beaucoup de mal !… – Je te conseille de te plaindre : tu es gras comme une caille !… – Ça ne prouve rien, on peut être e ■ m. XIX gros lard ◪ 1867 gras-double « gorge trop plantureuse » (DELV.) • gros poupard « se dit d’un homme aux joues roses, sans barbe, ressemblant à un nourrisson de belle venue » (DELV.) • morceau salé femme chargée d’embonpoint • gros plein de soupe « on [le] dit pour avoir l’occasion de faire un pléonasme » e (DELV.). À partir de plein de soupe, « homme dont le visage annonce la santé » ■ f. XIX 1888 pot à gras et délicat… », P. DE KOCK, La Maison blanche, 1828 e e tabac personne petite et grosse ■ d. XX avoir de la brioche avoir du ventre ■ m. XX culotte de cheval cuisses auxquelles la cellulite donne une apparence rebondie • poignées d’amour les premiers plis graisseux chez un homme, empoignables à hauteur de la taille. Traduction littérale de l’anglais love handles • bouée de sauvetage extension logique et ventrue des poignées d’amour, apparaissant quelques années plus tard • gras du bide bedonnant ; beaucoup employé e comme insulte, pour traiter quelqu’un d’abruti ■ f. XX abdos Kronenbourg bedaine ne devant rien à la musculation et tout à la bonne chère, et plus particulièrement à la bière – Kronenbourg étant pris comme terme générique –, qui fait gonfler l’estomac • durillon de comptoir gros ventre acquis à force de boire (de l’alcool, faut-il le préciser) e ■ m. XVII 1640 ce serait dommage qu’il mourût le vendredi « cela se dit d’une personne qui a le ventre gros. Nostre vulgaire adjouste, il y auroit bien des trippes perdues » (OUD.) • croître e comme les oignons « en grosseur, devenir plustost gros que grand » (OUD.) ■ m. XIX 1842 il est de la nature de l’ours, il ne maigrit pas pour pâtir « c’est ce qu’on dit d’une personne qui prend de l’embonpoint, quoiqu’elle mange peu et se donne beaucoup de peine » (QUIT.) MAIGREUR décharné, efflanqué, étique, hâve, squelettique, sec, maigrichon, fluet e ■ XII n’avoir que la peau et les os « on dit aussi d’une personne maigre, qu’elle n’a que la e peau et les os ; que les os lui percent la peau » (FUR.) ■ XIV sec comme une boise boise étant probablement une branche « Que j’en devins chétif et maigre/Et aussi sec comme une boise », J. BRUYANT, Le Chemin de pauvreté et de richesse, 1342 ■ f. XVI e avoir la jambe tout d’une venue comme la jambe d’un chien e n’avoir guère de gras de jambe ■ m. XVII 1640 un visage cousu maigre et cicatrisé • maigre comme un hareng soret • une grande hallebarde une femme excessivement haute et menue • gras comme un clou • sec comme un rebec • il vient de La Rochelle, il est chargé de maigre • la e peau lui tient aux os (aux côtes) • dégraisser quelqu’un le rendre maigre ■ f. XVII 1690 devenir une vraie anatomie personne devenue si maigre par une longue maladie qu’on ne la reconnaît plus • ce n’est plus qu’un fantôme « personne maigre et décharnée, comme si elle n’avait plus de corps » (FUR.) • c’est un vrai échalas (il a avalé un échalas) « être maigre et délié » (FUR.). À partir de échalas, « bois qui sert à soutenir un cep de vigne » • homme hectique « qui est extraordinairement maigre ; le peuple prononce “étique” » (FUR.) • un cormoran homme extrêmement sec et maigre • maigre comme un squelette • sec comme un pendu d’été • devenir une carcasse « devenir fort maigre, soit par maladie, soit par vieillesse, n’avoir que la peau et les os » (FUR.) ; le terme carcasse est depuis longtemps utilisé de façon péjorative, cf. « Ha ! vieille carcasse édentée ! Je vous y prendray, vieil resveur ! » (R. BELLEAU, La Reconnue, e 1578) • avoir la cuisse héronnière homme qui a la cuisse maigre, comme un héron ■ XVIII gras e comme un cent de clous par antiphrase ■ d. XVIII sec comme un cotret le cotret étant une e branche d’un fagot ■ XIX on lui compterait les côtes • maigre comme un cent de clous « Pendant que de jeunes ballerines, maigres comme un demi-cent de clous, crevaient devant nous des disques de papier, avec une élégance gauche de petit trottin qui a mal tourné, le jeune Américain – car il était encore jeune – me mit au courant de ses travaux », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 • montrer ses salières « se dit d’une femme maigre qui se décollette trop » (DELV.) • n’avoir que la peau sur les os « Vous n’avez plus que la peau sur les os… vous êtes e faible comme un moineau », BALZAC, Le Cousin Pons, 1847 ■ d. XIX une planche à pain une femme plate e ■ m. XIX un squelette ambulant une personne très maigre • avoir des mollets de coq des jambes maigres • maigre comme un clou ◪ 1835 un cadavre ambulant ◪ 1842 un gringalet « un homme maigre, fluet » (QUIT.) • maigre comme un coucou peut-être parce que le coucou est maigre en e hiver, ou par jeu phonique sur clou ◪ 1867 jambes de coq maigres ■ f. XIX sec comme un coup de trique ◪ 1872 ecce homo « homme dont l’extérieur macéré rappelle un christ » (LARCH.) • fils de e fer jambes excessivement minces ◪ 1894 avoir les joues avalées ■ d. XX (sec comme un) e manche à balai ■ f. XX pouvoir passer sous les portes image de quelqu’un de tellement fin qu’il peut se glisser n’importe où • taillé dans un bâton de sucette exagérément grand et maigre e ■ m. XVII 1640 sucer jusqu’au sang rendre maigre • il est comme le rognon « au milieu de la e graisse et n’en a point » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il a jeûné le carême (il a chu en pauvreté) homme qui est amaigri • maigre échine « par injure une femme grande, sèche et fort maigre » (FUR.) FORCE vigueur, ardeur, énergie, robustesse, verdeur e e ■ XVI à corps perdu de toute sa force, avec violence ■ d. XVII à tour de bras de toute sa e force ■ m. XVII 1640 comme un âne débâté fort et ferme, avec force et vigueur • à bride abattue de toute sa force • il te mangerait avec un grain de sel il est beaucoup plus fort que toi • à double rebras fort et ferme • homme vert vigoureux • être de bonne trempe de bonne composition ou nature • tenir bon « tenir ferme » (OUD.) • raide comme la barre d’un huis fort et ferme • à perte d’haleine de toute sa force • homme de bonne pâte robuste • il en mangerait deux comme toi il est beaucoup plus fort que toi • être fort et raide robuste • être vif e « gras, vigoureux, prompt » (OUD.) • à plein bras de toute sa force ■ f. XVII ne pas y aller de main morte y aller de toute sa force « On dit aussi d’un homme qui a donné un coup violent, et qui a causé quelque blessure, qu’il n’y alloit pas de main morte », FURETIÈRE, 1690 ◪ 1690 y aller de cul et de tête, comme une corneille qui abat des noix de toute sa force • être fort comme un Turc « enfant fort robuste et grand pour son âge » (FUR.) • être bien ferré « homme extrêmement fort sur la matière sur e laquelle on l’attaque ; fort et difficile à vaincre » (FUR.) • être ferré à glace idem ■ XVIII avoir les e e reins forts ■ f. XVIII tour de force ce qui exige de la force ■ XIX fort comme un bœuf • avoir une e force de Titan ■ d. XIX 1808 dur à cuire « homme solide, sévère, ne mollissant pas » (DHAUTEL) « En e voilà un qui ne plaisante pas, en voilà un de dur à cuire », L. REYBAUD ■ m. XIX être une force de la nature • c’est un bon « c’est un homme solide, à toute épreuve » (LARCH.) « Ce sont des bons. Ils feront désormais le service avec vous », Chenu • huile de bras « vigueur physique, volonté de bien faire, qui remplace avantageusement l’huile pour graisser les ressorts de notre machine » (DELV.) ◪ 1866 qui se porte bien être vigoureux, fort « Je lui fiche une paire de gifles qui se portaient bien », Le Petit Moniteur, 20 juillet 1866 ◪ 1867 huile de poignet variante de l’huile de bras • avoir de la pogne « être très fort, et même e un peu brutal » (DELV.) ■ f. XIX 1875 être à la redresse « Aussi j’l’aim’, mon beau-frère Ernesse,/Il est à la r’dresse/Pour nous deux », A. BRUANT, Dans la rue (Lézard), 1889-1909 ■ d. e XX armoire à glace homme grand et de carrure imposante • faire le poids « C’était, entre deux gorgées, un échange satisfait de paris, de pronostics ou de pedigrees dans un vocabulaire qui lui était familier. J’te répète que Yid la Rafale pourra pas faire le poids devant Ted », e GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ■ m. XX avoir les reins solides « On lui tire dans le dos/mais elle a les reins solides », PRÉVERT, 1944 dur de dur individu violent, coriace – un « costaud du milieu » chez les voyous, e selon la datation d’Esnault qui paraît légèrement tardive ■ f. XX en avoir sous la pédale métaphore cycliste pour dire « avoir des réserves », qu’elles concernent la force physique ou les ressources intellectuelles e ■ f. XVI si jeunesse savait et vieillesse pouvait « on ne rencontre pas l’expérience, la sagesse e avec la force et la vigueur ; si on pouvait joindre la force et l’expérience » (FUR.) ■ f. XVII 1690 un clou chasse l’autre le plus fort chasse le plus faible • faire du feu violet « faire quelque chose avec vigueur et éclat à cause que le feu de bois vert qui est le plus violent, tire sur le violet » (FUR.) e ■ XVIII 1718 manger quelqu’un à la croque-au-sel « on dit familièrement, par menace, à un homme que l’on croit plus faible que soi, qu’on le mangerait avec un grain de sel, à la croque au e sel » (Acad., 1832-35) ■ XIX de plein fouet « l’expression provient du vocabulaire de l’artillerie, le e “tir de plein fouet” étant un tir direct, horizontal et sur un objectif visible » (REY-CHANT.) ■ f. XIX e 1882 à tout berzingue à tout casser ; ce sens de l’expression a disparu ■ d. XX bras de fer lutte dont le but est de faire ployer le bras de l’adversaire • ne pas être en sucre être capable de e résister physiquement ■ m. XX de choc « efficace et dur dans une lutte » (REY-CHANT). Vient de l’appellation troupe de choc, c’est-à-dire « de combat effectif », par exemple les unités de parachutistes. S’applique à des gens actifs, « qui ne se laissent pas faire » : un patron de choc La Pluie, 1955 ◪ FAIBLESSE anémie, débilité chétif, délicat, fluet, fragile, frêle, malingre, faiblard freluquet, mauviette e e ■ d. XIII être mal en point ■ XIV n’en pouvoir plus « estre vieil, estre foible, estre usé » (OUD.) e e ■ m. XVI il n’y a plus d’encre au cornet plus de vigueur ■ f. XVI être réduit en fumée « Celles qui aiment pour le service qu’on tire d’un homme nerveux et robuste le tiennent tant excité qu’en peu de temps elles le réduisent en fumée. Elles sont insatiables et ont le diable au corps », P. DE LARIVEY, Le Fidèle, 1579 e ■ d. XVII e visage de déterré « pâle et défait ; il semble avoir été enterré » (FUR.) ■ m. XVII 1640 avoir le nez cassé « estre en mauvais estat » (OUD.) • avoir mauvais visage être pâle • il n’a plus guère de chose dans le ventre plus guère de force ou de vigueur • il ne fera jamais vieux os il ne vivra pas longtemps • il n’a pas besoin de grand hiver « il est foible, il est nécessiteux ; il n’a pas besoin de grande incommodité, ou de grande despense » (OUD.) • avoir un visage d’appelant « relever de maladie ou de chagrin » (FUR.) • une pauvre allumelle « une personne faible et en mauvais état » (OUD.) e ■ f. XVII 1690 un visage de bois flotté « bassement d’un visage pâle, défait, et d’une mauvaise mine » (FUR.) • une bonne (pauvre) emplâtre « n’a ni vigueur ni santé, il est incapable d’agir » (FUR.) • avoir les ouïes pâles « homme qui paraît encore à son visage qu’il a été malade, […] ce e qu’on dit par métaphore d’un poisson mort » (FUR.) ■ f. XVIII être pâle comme un navet très pâle, affaibli, souvent sous l’effet de la maladie ou de la peur • c’est une véritable pomme cuite « se e dit par ironie d’un homme foible, que tout incommode » (DHAUTEL) ■ m. XIX blanc comme un linge très pâle « Le baron pâlit et devint blanc comme un linge, seuls ses yeux brillaient de fièvre », VIBERT, Pour lire en ◪ 1867 jambes en coton « flageollantes comme le sont d’ordinaire celles des ivrognes, des poltrons et des convalescents » (DELV.) • n’aller que d’une fesse « se dit de quelqu’un qui n’est pas très bien portant, ou de quelque affaire qui ne marche pas au souhait de celui qui l’a entreprise. C’est l’ancienne expression, plus noble : “N’aller que d’une aile” » (DELV.) e ■ f. XIX loque humaine personne dans un état de grande faiblesse, quelquefois à cause d’une pauvreté extrême, quelquefois à cause de l’alcool ou d’autres substances addictives « malgré ce automobile, 1901 qu’offrait de comique la mine penaude et confite de toutes ces victimes de trop copieuses libations, de toutes ces épaves des samedis parisiens, je ne pouvais m’empêcher, en les passant en revue, d’un sentiment de commisération. […] Ces loques humaines, […] maculées de la boue des ruisseaux où elles avaient roulé, avaient pourtant une sensibilité, un cerveau, un cœur, une famille », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Ravachol, 1923 ■ d. e XX petite nature • jambes en e flanelle ■ m. XX être à ramasser à la petite cuillère « Le drame de l’arrivée du Français et de l’Anglais. La foule idiote avait applaudi à tout rompre le Français, pour l’encourager. Excité, il avait voulu forcer, s’était désuni et s’était effondré sur les genoux, à vingt mètres du poteau. L’Anglais avait terminé tant bien que mal, mais lui aussi, après, on avait dû le ramasser à la petite cuillère », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ■ e d. XXI deux de tension « C’est la canicule, je suis à deux de tension, lourd comme un cheval mort », R. DJAÏDANI, Mon nerf, 2004 e ■ m. XVII 1640 il est faible de reins « il n’a pas assez de force ou de pouvoir ; pas assez de e biens pour porter une grande despense » (OUD.) • il n’a pas les reins assez forts idem ■ f. XVII 1690 une vraie masette « personne qui ne saurait aller loin à pied, qui ne saurait rien porter » (FUR.) ◪ 1842 les pots fêlés sont ceux qui durent le plus « les personnes maladives résistent ordinairement plus longtemps que les autres, parce qu’elles se ménagent » (QUIT.) FATIGUE lassitude, épuisement, harassement, exténuation brisé, courbatu, échiné, éreinté, flapi, fourbu, moulu, recru, rendu, claqué, crevé, esquinté, pompé, vanné, vaseux, vidé, abattu, naze e ■ XVI avoir les yeux battus « Le malade a les yeux battus ne pouvant reposer ny dormir qu’à grand peine », in LITTRÉ ■ m. XVII e ne plus pouvoir mettre un pied devant l’autre on trouve, au XVI e PARÉ, siècle, ne pouvoir avancer un pied devant l’autre, en parlant d’un cheval ◪ 1640 avoir le corps tout moulu « quand on est trop fatigué, soit en courant la poste, soit en couchant sur la dure, en sorte qu’on sente les douleurs par tout le corps » (FUR.) « L’orage s’apaisa seulement vers l’aube, et nous allâmes nous • cela me tue les jambes me lasse, m’incommode les jambes • être sur les dents « las et fatigué, n’en pouvoir plus après un grand e travail » (FUR.) • être tout mal bâti fatigué, indisposé ■ f. XVII 1690 travailler (être chargé) e comme un mulet porter de gros fardeaux et être très fatigué ■ f. XVIII ne pas pouvoir se traîner coucher, moulus de fatigue », RACHILDE, La Tour d’amour, 1916 « J’ai souffert toute la journée d’hier d’une migraine dans ton genre, et toute la nuit d’un mal d’estomac affreux, ce qui fait que je ne peux pas me traîner ce matin », MME DE SABRAN, Lettre à Boufflers, 6 août 1786 • se mourir de fatigue « J’arrive de souper chez Mme la duchesse de Brissac avec ma grande fille, qui vient de faire son entrée dans une assemblée de soixante 1786 être rendu de fatigue de la même façon que être mort de fatigue deviendra être mort, être rendu de fatigue deviendra être rendu, environ un siècle plus tard « Nous avons fait un chemin énorme, et j’étais rendue de fatigue », MME DE personnes. Je m’en meurs de fatigue », MME DE SABRAN, Lettre à Boufflers, 7 février 1786 ◪ SABRAN, Lettre à Boufflers, 10 juin 1786 e ■ XIX avoir les jambes qui rentrent dans le corps • être à bout à e e bout de forces, épuisé. S’est dit au XVIII d’un cheval fatigué ■ d. XIX figure de papier mâché • être e au bout de son rouleau on a dit jusqu’au XVIII être au bout de son rollet. L’expression sous la e forme être au bout du rouleau semble s’être remotivée, à la fin du XIX , par le rouleau du e phonographe ■ m. XIX souffler comme un cachalot bruyamment ; généralement lorsqu’on est essoufflé • en avoir plein le cul « C’est comme les pauvres bougres qui en ont plein le cul de cette vache d’existence et sautent à pieds joints dans la mort », Le Père Peinard, 1893 • être sur le flanc ◪ 1836 une mine de papier mâché « Là ! qu’est-ce que je disais… une mine de papier mâché ! Toi, qui étais si frais, si rose. Tu vois bien que tu fais trop de 1842 souffler comme un phoque respirer difficilement, parce que l’on a couru ou parce que l’on a une déficience pulmonaire folies puisque cela ruine ta santé », P. DE KOCK, Madame de Montflanquin, 1856 ◪ « L’autre se figeait dans un silence boudeur. Il bouffait sa moustache et soufflait comme un phoque », A. GUYARD, La Zonzon, e 1867 s’esquinter le tempérament ■ f. XIX en avoir sa claque • en avoir plein les pattes • être sur les genoux ◪ 1883 en avoir marre « Si ça vous plaît, à vous autres, de bouffer des kilomètres, moi, je vous e cacherai pas que j’en ai mare », GALOPIN, Les Poilus, in Sainéan, L’Argot des tranchées, 1915 ■ d. XX traîner la patte • en avoir ras le cul • en avoir plein les guêtres • être rendu être épuisé « Ouf ! Quelle heure est-il ? Onze heures tapantes. J’suis rendue. Et demain, faut que j’aille au coiffeur », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • être mort de fatigue • être mort la langue allant toujours à l’économie, on ne dit plus être mort de fatigue, mais simplement être mort ◪ 1910 avoir la rame ◪ 1915 en avoir plein les bottes « être recru de fatigue » (ESNAULT) ◪ 1922 avoir un coup de pompe « Ensuite, il avait fallu sécher ses godasses et ses pantalons 2011 ◪ au soleil. L’heure du coup de pompe. Même plus de goût à boire. Ne pensaient plus qu’à rentrer chez eux pour roupiller à la ◪ 1925 ne pas avoir les yeux en face des trous être fatigué, soit parce qu’on n’a pas suffisamment dormi, soit parce que l’heure du réveil est trop récente « On a revoyure ! », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 marché un bon quart d’heure sur le Montparnasse avant de prendre un tacot… On avait besoin de ça pour nous remettre les yeux en face des trous », GEORGIUS, Tornade chez les flambeurs, 1956 ◪ 1930 être dans le cirage ■ m. e XX ◪ 1929 coup de barre fatigue soudaine avoir le coup de bambou • être K.-O. « Tout à l’heure, quand la clarté s’insinuerait dans le compartiment, quand il ferait jour, il verrait ses compagnons de voyage sortir de leur abrutissement, un peu hébétés, comme des boxeurs qui ont été mis K.-O. Ils s’ébroueraient, s’étireraient, se défriperaient. Certains • être sur les rotules • passage à vide période où l’on ne peut produire aucun effort • traîner la savate se sentir faible, continueraient à dormir ou à faire semblant jusqu’à l’arrivée », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 épuisé, voire un peu malade ; à partir du sens « marcher lentement, dans un certain laisser-aller », e avec l’influence de traîner la patte ◪ 1935 être dans les vapes ■ f. XX être naze • être dans les choux • être ensuqué du provençal ensuca, « assommé » ; ne pas être en forme, fonctionner au ralenti, soit parce qu’on n’a pas assez dormi, soit par suite d’une exposition trop longue au soleil ou à l’alcool, par exemple e ■ m. XVII 1640 il a les oreilles bien longues « il est fort abbatu de travail, et principalement de celuy de Vénus » (OUD.) FORME e ■ m. XVII 1640 il est plein de vie vivant, il se porte bien • s’aider de ses membres avoir l’usage libre de ses membres • il est éveillé comme une potée de souris « fort gaillard, fort esveillé » e (OUD.) ■ f. XVII 1690 à revendre « se porter bien » (FUR.) • être encore en chair et en os être e encore plein de vie ■ m. XIX être frais comme une rose ◪ 1868 frais comme l’œil « D’abord nos jeunes embaumeuses pourront aller méditer dans le caveau de la tour de Saint-Michel, à Bordeaux, et dans les fameux Campo Santo souterrains, qui se trouvent dans des cavernes et conservent, habillés et frais comme l’œil, tous les macchabées pendant des siècles, en Italie », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 ■ f. e XIX se sentir (être) d’attaque en pleine forme « Forn et Xiberta entrèrent dans ma chambre. Ils me tapèrent à tour de rôle sur l’épaule en me demandant si j’avais bien dormi, si je me sentais “d’attaque” et déballèrent ensuite des victuailles qu’ils étalèrent sur un lit », J. BLANC, Le Temps des e ■ d. XX se sentir pisser être jeune et vigoureux, avoir la pêche. Probablement par extension de commencer à se sentir pisser : « Cela se dit d’une fillette de treize à quatorze ans » (LYON) « Trente ans de restaurant ! Devenir la risée des jeunes ! Se saouler avec des fonds de bouteilles, tous les jours, comme hommes, 1948 ça, bestialement. Pactot dit le Marin avait beau ricaner, peut-être qu’il finirait comme ça lui aussi. Pour l’instant, il se sentait pisser, il courait les filles et trouvait que la vie était belle. Grand bien lui fasse ! », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • les doigts de e pied en éventail • les doigts de pied en bouquet de violettes ■ m. XX avoir bouffé du lion • péter le feu • recharger les accus • tenir la forme • avoir la santé une résistance physique exceptionnelle ◪ 1960 avoir la pêche « Pour qu’elles soient capables de casser, faut vraiment qu’elles aient envie de e le faire. Si c’est simplement par rapport aux mecs, elles peuvent pas avoir la pêche », Paroles de bandits, 1976 ■ f. XX avoir la frite la frite est une forme aussi bien physique que morale. Formé sur le modèle avoir la pêche, à partir d’une idée de violence : frite, coup violent, dans ESNAULT : « Plat de frites, matraquage (1930). » Par ailleurs, au sens de visage : « Tu vois pas la frite que t’as (1953) » « Depuis le temps qu’il gardait en lui l’histoire des graffiti, il avait la dose de haine suffisante pour avoir la frite au combat », BERROYER, J’ai beaucoup souffert, 1981 • être bien dans ses baskets être bien dans sa peau • avoir la patate • péter la forme • recharger ses batteries reprendre des forces, retrouver la forme ; il s’agit des batteries d’accumulateurs « La lumière qui envahit ma chambre me recharge les batteries. Je ne me lasse pas d’admirer le spectacle qui s’offre sous mon nez », R. DJAÏDANI, Mon nerf, 2004 e e ■ XVI avoir le pied marin ■ m. XVII 1640 j’en porterai bien encore autant « c’est une response que fait le vulgaire estant interrogé comme il se porte. Il y faut adjouster, si j’avois de bonnes bretelles » (OUD.) • il a les pieds chauds, il veut jaser « il est à son aise, il a envie de e discourir » (OUD.) ■ f. XVII 1690 l’âge n’est fait que pour les chevaux « il faut considérer la forme de quelqu’un et non son âge » (FUR.) • avoir ses jambes de quinze ans vieillard qui marche bien SANTÉ sain, valide e ■ XVII être solide comme le Pont-Neuf • avoir bon pied bon œil vif et alerte. S’emploie souvent pour souligner la bonne santé d’une personne âgée. La juxtaposition des termes n’est en e usage qu’au XVII , cependant la forme bon pied et bon œil apparaît dans RABELAIS au sens de leste et vigilant : « Mais Pantagruel fut abille et eust tousjours bon pied et bon œil » (Pantagruel, 1532) « Quant à moi, j’ai encore bon pied bon œil ; le coffre est solide, et s’il n’y a point d’avarie, je me fais fort de vous enterrer tous », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ m. XVII e 1640 avoir bon visage se porter bien • sain comme un gardon • avoir tété de bon lait avoir « esté bien nourry ou bien eslevé » (OUD.) • il est fort malade, rien ne lui demeure à la bouche « par ironie, il se porte fort bien » (OUD.) • il ne lui en faut plus qu’autant « pour dire vulgairement que l’on est bien guery d’une maladie » (OUD.) • frais comme e un gardon ■ f. XVII 1690 avoir la vie dure • faire corps neuf « se rétablir en santé après une grande maladie et avoir purgé toutes les mauvaises humeurs qu’on avait auparavant » (FUR.) e e ■ d. XVIII il nous enterrera tous ! ■ f. XVIII se porter comme un Turc « Je ne t’écris qu’un mot pour te dire e que je me porte comme un Turc et que je t’aime comme un fou », Boufflers, Lettre à Mme de Sabran, 3 janvier 1786 ■ XIX avoir du coffre • avoir l’âme chevillée au corps « Il n’avait pas encore atteint la quarantaine et, bien que sa chevelure fût sillonnée de précoces fils blancs, il stupéfiait par sa vigueur alerte et juvénile. On lui sentait l’âme profondément chevillée au corps », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Félix Faure, 1925 ■ d. e XIX se porter comme un e charme ■ m. XIX avoir la peau dure • solide comme un roc ◪ 1867 beau mâle homme robuste, plein de santé • figure de prospérité visage qui annonce la santé • avoir le coffre bon • être de e bon acabit « avoir un excellent caractère, ou jouir d’une excellente santé » (DELV.) ■ f. XIX reprendre du poil de la bête « Nous descendions toujours dans la nuit noire, en moiteur, mais pas trop mal, perpendiculairement sans “chasser”. Nous avions un cornet acoustique pour causer entre nous et, comme l’on dit, nous commencions à reprendre du poil de la bête », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 • ça se maintient « LA TERREUR : Tu le connais ? – Lisa : Si je le connais ! C’est un client à moi… d’puis vingt ans ! – LA TERREUR : C’est lui qui t’entretient ? – LISA : Des fois ! Bonjour, père Chabot ! Ça va bien, c’te santé ? – LE PÈRE CHABOT : Pas mal ! Pas mal ! Ça se maintient ! Garçon ! » O. MÉTÉNIER, La Casserole, 1889 ◪ 1872 boulotter « être en bonne santé. Même image dans “ça roule” » e (LARCH.) ◪ 1894 avoir le cul sur le visage avoir une mine florissante de santé ■ m. XX se refaire une santé e ■ m. XVI 1534 avoir l’âme de travers cela se dit d’une personne qui vit longtemps « Je excepte les e antiques Syracousans et quelques Argives qui avoient l’âme de travers », RABELAIS, Gargantua, 1534 ■ m. XVII 1640 la santé du corps la chaleur des pieds • la santé n’est pas santé, la maladie est santé « l’équivoque est, sans T » (OUD.) • il ne mourra jamais si on ne l’assomme • tel a beaux yeux à la tête qui n’en e verra pas la fête « tel est bien sain qui ne vivra pas jusques à ce temps là » (OUD.) ■ f. XVII 1690 ne fais pas un four de ton bonnet, ni de ton ventre un jardinet « un bonnet trop chaud, ou trop de salade qu’on mange, sont nuisibles à la santé » (FUR.) MALAISE dérangement, gêne, troubles, indisposition, embarras e avoir mal au cœur « J’aimons tant les bravv demoiselles…/Parlez moi d’ça non d’peronnelles/Qui f’sons e l’semblant des mal de cœur/Pour un méchant ver de liqueur », Les Porcherons, 1773 ■ m. XVII 1640 être mal à cheval mal à son aise • avoir la tête mal faite avoir mal à la tête • un peu mal fait un peu indisposé ou malade • un peu débauché un peu indisposé • la tête me fend « j’ay grand mal de teste » (OUD.) • pesanteur de tête « un peu de mal de teste, endormissement » (OUD.) • se sentir encore d’une maladie en avoir quelque reste d’incommodité • se sentir d’un mal en être incommodé • il y a quelque chose à refaire à ses pièces « il luy manque quelque chose ; il a quelque indisposition » (OUD.) • cela me fait lever le cœur • les jambes me faillent j’ai de la difficulté à marcher • les pieds me fourmillent me démangent • un tour de reins un effort • la e cuisine ne va pas bien l’estomac ne digère pas ■ f. XVII 1690 s’être jeté sur le lit quand un homme e est indisposé ou paresseux • être (se tenir) au lit idem • garder le lit idem ■ XVIII n’être pas dans son assiette du vieux mot assiette, au sens propre d’assise, stabilité – assiette d’un cavalier, d’un avion, etc. –, d’où équilibre, état « normal » d’un individu. La citation suivante montre que la e confusion avec l’assiette, vaisselle, existait déjà dans le langage populaire dès la fin du XVIII siècle ■ XVII « après tout ça seroit vous rendre service car vous êtes si transis de peur que ça vous remettroit peut-être dans votre assiette ou votre plat ; ah oui ; vous êtes malades à n’en pas douter », La Bouillie pour les chats, 1790 • jeter un triste coton « 24 février 1781. Madame Bulté vient de partir pour Londres où vraisemblablement elle jettera un triste coton. Il est à craindre qu’elle n’y meure de faim », BACHAUMONT, Mémoires secrets ■ e XIX filer un mauvais coton « se mal e porter » (LARCH.) • avoir un point de côté ■ m. XIX 1867 croupir dans le battant « se dit d’une indigestion qui se prépare, par suite d’une trop grande absorption de liquide ou de solide » (DELV.) e • avoir des inquiétudes dans le mollet avoir une crampe • faire du raisiné saigner du nez ■ f. XIX avoir un pet de travers pet signifie dès 1867 « embarras, manières » (DELV.) ◪ 1872 n’en mener pas large « être mal à son aise. Se dit soit au physique, soit au moral » (LARCH.) ◪ 1894 être mal en train être mal dispos • avoir les nerfs du mollet qui se chevauchent avoir une crampe • avoir les fourmis aux pieds « y avoir des fourmillements. Dans l’expression lyonnaise, l’image est bien plus forte » (LYON) • être mal à son aise « être un peu fatigué, mal en train, mal fichu » (LYON) • avoir un doigt de pied sans connaissance « se dit lorsque, par suite d’une fausse position ou pour toute e autre raison, on a un doigt de pied engourdi et insensible » (LYON) ■ m. XX être dans le coltar être dans le cirage, pas bien réveillé, pour raison de fatigue ou d’ivresse « Jusqu’à Bordeaux, rien à signaler. Sinon que la SNCF on en avait plein le cul. On dormait à moitié, migraineux. Le coltar nous guettait », B. BLIER, Les Valseuses, • ne pas tourner rond avoir un comportement inhabituel ou excentrique, par fatigue, e dépression ou par exaltation – ne pas être dans son assiette ■ f. XX être dans le gaz être ailleurs, à moitié dans les vapes 1972 e ■ m. XVII 1640 les petits pieds lui font mal « elle est enceinte, et pour ce sujet elle a des maux de cœur » (OUD.) • il y a commencement à tout « cela se dit à un qui commence à souffrir quelque incommodité » (OUD.) • les cordeliers ne me demandent rien, mais les jacobins e m’étranglent « c’est quand le flegme s’attache dans le gosier » (OUD.) ■ f. XVII 1690 être enfumés comme des (de vieux) renards « incommodés par la fumée ; à ceux qui demeurent dans une e demeure qui fume » (FUR.) ■ m. XX j’ai l’os du foie qui me fait mal se dit par plaisanterie pour désigner un état patraque sans gravité, comme une gueule de bois, ou pour ironiser sur un faux malaise donné par quelqu’un comme prétexte d’absence : « Il a l’os du foie qui lui fait mal. » L’expression était à la mode dans les années 1950 ÉVANOUISSEMENTS étourdissements, défaillance, pâmoison, syncope ■ m. XVII e e 1640 la tête me tourne « je suis estourdy » (OUD.) ■ XVIII se trouver mal « Apportez donc du vinaigre à cett’ Dame, elle va s’trouver mal, cet égout de la rue du Bout-du-Monde », Le Panier de maquereaux, 1764 e e ■ d. XIX voir trente-six chandelles être à moitié assommé par un coup. On disait au XVII voir des chandelles, puis voir mille chandelles « Ah crois-tu qu’il se laisserait empoigner ? Pas si bête… il te saluerait d’une e mûre [un coup de poing sur le nez] que tu en verrais trente-six chandelles », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ m. XIX 1867 e tourner de l’œil ■ f. XIX 1883 faire la carpe ◪ 1889 tomber dans les pommes « il est possible que la locution être dans les pommes cuites attestée dans George SAND (Lettre à Mme Dupin) “être dans un état de fatigue, d’usure”, très explicable par le sémantisme d’être cuit, soit à l’origine de la locution moderne » (REY-CHANT.) « Si t’as mal aux pieds ou si ça se coupe entre les cuisses, tu avances à ta place dans le rang, sans rien dire. Quand ça va trop mal, tu tombes dans les pommes et on s’occupe de toi », SYLVÈRE (1906-1950) ◪ 1894 tourner l’œil « ignoble expression que quelques-uns emploient pour dire “mourir”. Tourner l’œil signifie surtout chez nous s’évanouir : “Ça lui a si tellement fait d’effet sur le moment qu’elle en a e tourné l’œil” » (LYON) ■ d. XX tomber en syncope « Une gross’ dam’ de saisiss’ment,/Tombe en syncop’ sans plus e d’manières/Et plusieurs autr’s sur le derrière », MARINIER ET THÉODORE, La Ligne no 3, 1910 ■ m. XX 1935 être dans les vapes « La paupière à moitié fermée, il semblait dans les vapes. Je le secoue, je le gifle un peu : “Eh ! Pierrot !” Il lève sur moi des yeux fiévreux. “Tu crois que tu peux parler ?” Il articule un “oui” faiblard… », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 MALADIE affection, mal e ■ XVI abreuvoir à mouches « une grande playe sur la teste où les mousches peuvent boire » (OUD.) • couver une maladie ce sens de couver, préparer secrètement, se rencontre dès le e e XIII siècle ■ m. XVII 1640 il a crié au loup « il est enrheumé » (OUD.) • le mal lui a gagné le cœur « est allé, ou bien a atteint jusques au cœur » (OUD.) • ce mal le mènera jusqu’au terrier « durera e jusques au tombeau » (OUD.) • cette maladie l’emportera le fera mourir ■ f. XVII 1690 mettre bas « mettre à l’extrémité » (FUR.) • il ne l’a guère tenu, mais il l’a bien secoué « en parlant des maladies qui en peu de temps mettent une personne bien bas » (FUR.) • abreuvoir à taons « une e playe qui seigne beaucoup » (FUR.) ■ XVIII cracher de la colle « on dit d’un homme enrhumé, qui crache beaucoup, qu’il crache de la colle » (TRÉVOUX) • être enrhumé comme un loup très enrhumé ; peut-être à cause de la « voix » du loup – on disait aussi dans les campagnes tousser comme un loup « Bonsoir, mon enfant ; je suis enrhumée comme un loup, et si engourdie que je doute, au moment où je t’écris, si en entrant dans ma chambre, tu aurais le pouvoir de me réveiller », MME DE SABRAN, Journal, 9 janvier 1787 e ■ f. XVIII 1787 rhume de cerveau « inflammation de la muqueuse nasale (appelée ainsi à cause de l’ancienne croyance à une communication entre les fosses nasales et le cerveau) » (TLF) « j’ai une migraine et un rhume de cerveau comme je n’en ai jamais eu : ma tête est un volcan et mes yeux sont deux fontaines », BOUFFLERS, Lettre à Mme de Sabran, 27 mars 1787 ■ d. e XIX une fièvre de cheval « Pour me donner une fièvre de e cheval, il me suffit d’avaler pendant deux jours du jus de tabac », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ m. XIX 1867 coup de pied de jument maladie désagréable e ■ m. XVII 1640 faire ventre « qui s’entend d’une playe, faire sac, s’accumuler des humeurs au dessous » (OUD.) • la maladie des enfants de Paris, la tête plus grosse que le poing point de mal • une maladie qui l’a troussé qui l’a fait mourir • toucher les malades « qui se dit du roi de France ; les toucher pour les guérir des écrouelles » (OUD.) • les maladies viennent en poste vite • c’est une maladie de femme un mal qui n’est pas fort grand • mal sur mal n’est pas santé « une nouvelle incommodité ne guérit pas l’autre, un nouveau dommage incommode fort » (OUD.) • cloche aux pieds « bube ou vescie pleine d’eau » (OUD.), c’est-à-dire une ampoule • les maladies s’en viennent à cheval s’en retournent à pied « viennent viste, et se guérissent lentement » (OUD.) • les mots terminés en -ique font au médecin la nique « comme hidropique, hétique, e paralitique, pulmonique, etc. » (OUD.) ■ f. XVII 1690 au cerf la bière et au sanglier la mière ou barbier « on peut guérir plus aisément de la plaie d’un sanglier, que de celle d’un cerf » (FUR.) • enfermer le loup dans la bergerie « en chirurgie, quand il se forme un sac dans une plaie qu’on ne e laisse pas suppurer et il reste du pus qui se corrompt et qui oblige à la rouvrir » (FUR.) ■ XIX vin sur e lait c’est santé, lait sur vin c’est venin ■ m. XIX 1842 compère-loriot « petit aposthème qui se forme au bord de la paupière et qui s’appelle ordinairement orgeolet ou orgelet, à cause de sa ressemblance avec un grain d’orge » (QUIT.) MALADIES e ■ m. XVII 1640 cirons saint Job (saint Josse), il n’en faut que trois pour faire un ladre « de grosses galles, et bien larges » (OUD.) • les mains faites en chapon rôti « crochues d’un qui a les gouttes » (OUD.) • les loups lui mangent les jambes « il a les jambes mangées d’un mal que l’on appelle loups » (OUD.) • mal saint Fiacre inflammation au fondement • mal de saint épilepsie • mal saint Mathurin folie • mal de Mahomet épilepsie • mal saint Genou la goutte • avoir des places sur le corps des marques de gale • mal saint Gilles un cancer • mal saint Main la gale • mal saint Jean épilepsie • une descente de bois flotté « une fluxion, un rheumatisme » (OUD.) • le chaud mal la fièvre chaude, c’est-à-dire une fièvre accompagnée de délire • la male bosse la peste • le haut mal « l’épilepsie, que le peuple appelle aussi mal caduc, qui attaque le cerveau et e trouble le jugement » (FUR.) ■ f. XVII 1690 homme hectique « qui a la fièvre hectique ; le peuple prononce étique. Hectique : forte fièvre presque incurable, qui réside non dans les esprit et humeurs mais dans les parties solides et qui consume le corps et le ruine petit à petit » (FUR.) e ■ d. XIX la danse de Saint-Guy mouvements désordonnés et convulsifs, comme font les gens atteints de chorée gesticulatoire « Fantasio, quoique aussi inquiet que moi de la danse de Saint-Guy du youe you, sourit comme Palinure », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 ■ m. XIX 1867 cracher ses doublures « rendre ses poumons par fragments, – comme font les poitrinaires » (DELV.) • princesse galeuse. On dit prince ou princesse, mais on sous-entend de Galles. Cf. aux frais de la princesse = République = galeuse • avoir mal au gésier avoir une laryngite ou une bronchite e ■ d. XX s’en aller de la caisse être tuberculeux « C’était depuis qu’il toussait. Un chaud et froid. Bigre ! Deux mois d’hosto. Janicou aussi avait une sale bobine. Pactot prétendait qu’il s’en allait de la caisse », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • avoir la caisse qui se dévisse avoir une laryngite ou toute maladie touchant les poumons, faisant tousser « “Je crois qu’ils m’emmènent au bat’ d’Af’, mais j’ai la caisse qui se dévisse.” La laryngite me donnait une voix curieusement rauque », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 e ■ m. XVII 1640 il a beau bâtir, il a bien des places « cela se dit d’un qui a force marques de galle, que l’on appelle vulgairement des places » (OUD.) • toux de renard (qui mène jusqu’au terrier) qui dure jusqu’à la mort • demoiselle de saint Main galeuse • il veut aller à la guerre, il e écure ses brassarts « cela se dit d’un galeux qui se frotte les bras » (OUD.) ■ f. XVII 1690 troussegalant « le “colera morbus”, parce que cette maladie emporte son homme » (FUR.) MALADIES VÉNÉRIENNES e ■ XVI tomber par pièces « estre fort plein de vérole, et se réduire en pièces, se consommer e petit à petit » (OUD.) ■ d. XVII gentil garçon vérolé « Dès l’heure que vous parlez, ce vieil couvercle couvre une vieille marmite dont les vapeurs pestiférées le renvoyeront gentil garçon », Les Ramoneurs, 1624 ◪ 1627 faire une e étable de ses chausses avoir un bubon à l’aine ou une maladie vénérienne ■ m. XVII être poivré « Il s’en est allé follement divertir avec des filles de joie, et il en tient, le pauvre diable, car il est poivré comme il faut », 1640 aller à Naples sans passer par les monts « prendre la grosse verolle » (OUD.) • patient de saint Côme un homme qui a la vérole • aller en Bavière « avoir la grosse verolle, c’est par allusion de baver, qui arrive à ceux que l’on pense de ce mal là » (OUD.) • il a passé par les piques il a eu la vérole • se poivrer prendre quelque mal vénérien • heurter à la boutique de saint Côme « prendre la vérole, et avoir besoin de chirurgien » (OUD.) • le pays (l’île) de Claquedent « lieu où l’on sue la vérole » (OUD.) • être en mue suer la vérole • il a passé par e l’estamine il a eu la grosse vérole ■ f. XVII coup de pied de Vénus « Tu peux la r’mercier la copine/Qui t’a RICHELET, 1680 ◪ si sal’ment attigé/Allez ! fous l’camp à l’infirmerie/Tu n’en as qu’pour six s’main’s au plus/Mais quoi qu’ j’ai donc ! Jésus ! ◪ 1690 gagner une galanterie « homme avec une femme. Il a gagné une faveur de Vénus qui demande des remèdes » (FUR.) • faveurs de Vénus « mauvais maux qui se prennent par la fréquentation des femmes » (FUR.) • mal de Naples « grosse vérole parce que les Français l’apportèrent autrefois du siège de Naples ; les Italiens au contraire l’appellent “le mal français”. On l’appelle aussi “le vilain mal” e ou “la maladie vénérienne” ou absolument “du mal” » (FUR.) ■ m. XIX 1834 crêtes-de-coq « excroissances d’origine vénérienne » (ROBERT) « Il était dans un état de délabrement physique et moral Marie !/V’là ! t’as reçu un coup d’pied d’Vénus ! », L. FAURIOL et E. REMONGIN, Sacrée Vénus, 1911 alarmant. Je lui donnai un cordial, qu’il refusa. Ce n’était pas pour cela qu’il était venu me voir. Il avait des crêtes de coq et e ◪ 1867 gros lot mal de Naples ■ f. XIX être enrhumé du cerveau par allusion au rhume de cerveau, avoir un écoulement purulent par le sexe ◪ 1872 chaude-lance « gonorrhée. Allusion à sa cuisson et ses élancements » (LARCH.) e ■ d. XX avoir la pécole une blennorragie (1903), mais aussi bien un mal vénérien mal défini. Cf. une comptine moqueuse d’enfants : « Il a la pécole/La peau du cul qui se décolle ! » (Limousin, v. 1930) ; de l’occitan pecola, même sens – « peut-être de l’italien piccola (petite) par opposition à e grosse (vérole) » (ESNAULT) ■ f. XX le nœud en chou-fleur « Faut espérer qu’elles sont pas plombées. Tu sais, aurait voulu que je l’en débarrasse », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 quand c’est des salopes et qu’elles en veulent, elles te le disent pas. Et c’est comme ça que tu te retrouves avec une chtouille. Si c’est pas le nœud en chou-fleur ! », BERROYER, Je vieillis bien, 1983 e ■ m. XVII 1640 donner une souvenance « quand les garces donnent quelque mal à un homme » (OUD.) • un souvenez-vous idem • une pièce pourrie « une garce pleine de vérole » (OUD.) • on ne l’appelle plus la vérole, on l’appelle l’eussiez-vous « c’est souhaitter la vérolle à une personne qui en parle » (OUD.) • fille d’orfèvre qui a le nez gravé « qui a le nez gasté de petite vérole » (OUD.) • il a péché « pour dire qu’on a pris la vérole, ou quelque mal qui en dépend » (OUD.) • Dieu nous garde de la santé des Allemands et de la maladie des Français « de trop boire et d’avoir la verolle » (OUD.) ÊTRE MALADE atteint, incommodé, indisposé, souffrant e e e e ■ d. XIII être mal en point ■ d. XVI être (bien) bas ■ m. XVI garder la chambre ■ f. XVI ne e battre que d’une aile « estre à demy abbatu » (OUD.) ■ d. XVII perdre le goût du pain être malade e ■ m. XVII 1640 sur la litière en extrême maladie • il n’en relèvera jamais il mourra de cette maladie • tomber malade • garder le lit • avoir toujours quelque fer qui loche avoir toujours quelque mal. « Locher, vieux mot qui signifiait autrefois esbranler n’est plus en usage que dans cette phrase proverbiale » (FUR.) • être en mauvais équipage en mauvais état • il n’a plus que le bec « il ne luy reste plus que la parole, le reste de son corps est exténué par la maladie » (OUD.) • ses affaires sont faites • en avoir dans l’aile « on le dit figurément des hommes dont la santé ou e la fortune sont ruinées » (FUR.) ■ f. XVII il ne fera pas de vieux os « il est infirme, il mourra en jeunesse, maladif » (FUR.) ◪ 1690 être malenpoint « en mauvais état, soit pour la santé, soit pour e la fortune » (FUR.) ■ f. XVIII être patraque un peu malade, pas au mieux de sa forme ; à l’origine, une patraque est une montre détraquée ou une machine fonctionnant mal ; de là, on est passé à une personne maladive, au fait d’être soi-même en mauvais état de marche « ANDRÉE : Qu’est-ce que vous avez ? Vous êtes tout drôle. BELVAL : Ne faites pas attention, ce n’est rien… Je suis patraque depuis quelque temps. ANDRÉE : Comment ! vous êtes souffrant ? Vous ne m’avez pas dit… », M. DU VEUZIT et R. NUNÈS, Le Sentier, 1907-08 • être malade comme un chien « être malade comme tout » (LYON) « J’ai été toute la journée malade comme un e pauvre chien, j’en suis quitte à cette heure », BOUFFLERS, Lettre à Mme de Sabran, 4 mai 1786 ■ XIX filer un mauvais coton « Sa figure fait peine à voir. Elle est toute ridée et toute jaune, avec de vilaines marbrures aux pommettes. Et elle s’est remise à tousser plus que jamais. Pour moi, elle file un mauvais coton », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • être cloué au lit « Cette affreuse maladie, d’invention moderne, dit-on, me tint cloué plus d’un mois dans mon lit, et en me quittant elle avait e ■ m. XIX 1867 être attigé très fatigué, endolori • avoir une mauvaise pierre dans son sac « ne pas jouir d’une bonne santé, être e atteint de mélancolie ou de maladie grave » (DELV.) • être mal fichu • à la manque ■ f. XIX 1894 avoir la vessie du cul tournée « (parlant par respect) être constamment en mauvais état de e santé » (LYON) ■ d. XX attraper la crève ◪ 1900 se faire porter pâle « Quand l’appel a été fait par le pied de emporté tous mes muscles et ma force de jarrets », Mémoires de Jules Léotard, 1860 banc (un mec que je ne peux pas blairer), les poilus qui se sont fait porter pâles vont voir le toubib », SAINÉAN, L’Argot des tranchées, 1915 e ■ m. XVII il n’a pas besoin d’un fort hiver « de celui qui est infirme ou endetté » (OUD.) ◪ 1640 faire un pet à la mort « eschapper d’une grande maladie » (OUD.) • tout va bien mais rien ne vient « c’est la response vulgaire des malades à qui l’on demande comme ils se portent » e (OUD.) ■ f. XVII 1690 obtenir des lettres de répit « convalescent qui a été fort malade et qui vivra encore quelque temps » (FUR.) • il a la tête plus grosse que le poing en se moquant d’un homme qui fait le malade • avoir un bon (vilain) manteau pour son hiver « homme à qui la fièvre quarte commence en automne » (FUR.) • devenir une vraie anatomie une personne « devenue si maigre e par une longue maladie qu’on ne la reconnaît plus » (FUR.) ■ d. XX se maquiller faire semblant e d’être malade. L’expression a d’abord signifié, au XIX siècle, « simuler des plaies » (en maquillant sa peau, donc, avec des sucs de plantes, etc.) « Vers neuf heures, un caporal vint demander s’il y avait des malades. Je dis que je l’étais. – Je vais tenter la réforme, dis-je à Ravier. à force de se maquiller, on arrive à un résultat », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 DOULEUR souffrance e ■ d. XV faire bobo « bobo, terme enfantin, qui signifie mal léger. On s’en est aussi servi agréablement dans une chanson. L’amour est un grand bobo » (TRÉVOUX) « Quant n’ont assez fait dodo/Ces petitz enfanchonnés/Ilz portent soubz leurs bonnés/Visages plains de bobo », C. D’ORLÉANS, Poésie françoise, d. xve • il n’y a que l’âne qui sent où bât le blesse « celuy qui souffre sent son mal ou dommage » (OUD.) e ■ m. XVI à petit feu « Ne me fay plus mourir à petit feu, avec ces reproches, et me tire seulement de ce bourbier, si tu e ■ m. XVII 1640 ce mal me répond dans le ventre je le sens en cet endroit-là • prendre un pinçon « par allusion de pincer ; se serrer un doigt ou la main entre deux choses qui nous y laissent la marque imprimée » (OUD.) • la chair me cuit je sens e une douleur cuisante ■ f. XVII 1690 j’aimerais autant être en galère je suis misérable, je souffre beaucoup • j’aimerais autant tirer la rame idem • faire son purgatoire en ce monde personne e e qui a souffert beaucoup de douleurs ■ XVIII souffrir comme un damné on a dit au XVII comme veux te tirer de celui de la pauvreté », Les Ramoneurs, 1624 e e une âme damnée ■ f. XVIII 1779 faire un mal de chien ■ m. XIX 1867 avoir mal au bréchet souffrir de l’estomac • piler du poivre avoir des ampoules et marcher sur la pointe des pieds, par suite d’une trop longue marche e ■ m. XVII rage de cul fait passer mal de dents « une plus forte douleur, une plus forte passion fait qu’on oublie la moindre » (FUR.) ◪ 1640 le lit est l’écharpe de la jambe il ne faut point marcher quand on a mal à la jambe • le tour de l’Hôpital « c’est quand les poüils mordent, et que l’on tourne le col et les espaules » (OUD.) • je sais où le soulier me blesse « je sens mon mal mieux e que personne » (OUD.) ■ f. XVII 1690 le sang sort à gros bouillons d’une plaie avec impétuosité, e en abondance ■ d. XX douleur exquise « la “douleur exquis” est techniquement une “douleur intense, aiguë et localisée en un point précis” » (REY-CHANT.). Sur le sens étymologique d’exquis : e recherché. On a parlé de tourments exquis, de supplices exquis (XVI ) et aussi de fièvres exquises SOINS cure, traitement e ■ m. XVII 1640 mal de tête veut repaître « qu’il faut manger pour guérir le mal de teste » e (OUD.) ■ f. XVII 1690 faire de son corps une boutique d’apothicaire « prendre souvent ou par précaution des lavements et des médecines » (FUR.) • médecine de cheval « médecine trop forte, qui n’a pas bien opéré » (FUR.) • employer toutes les herbes de la Saint-Jean « appliquer tous ses e soins pour guérir une personne, pour faire réussir une affaire » (FUR.) ■ m. XVIII bouillon pointu « lavement. Double allusion au clystère et à son contenu » (LARCH.) « “Dieu ! qu’est-ce que je sens ?” e L’apothicaire, “poussant sa pointe” : “C’est le bouillon pointu” », Parodie de Zaïre, XVIIIe ■ d. XIX coup de fouet e ■ m. XIX 1867 se rincer (le fusil) se purger • passer à (par) la casserole « être en traitement pour la syphilis. On disait autrefois “passer sur les réchauds de saint Côme”. L’une et l’autre expression font allusion à la chaleur requise par les sudorifiques qui jouent un grand rôle dans la cure » (LARCH.) • faire une saison « rester une vingtaine de jours à Vichy ou toute autre station thermale, e et y prendre des bains minéraux » (DELV.) ■ f. XIX aller à Montretout à la visite médicale • une douche écossaise alternance de douches chaudes et froides, comme moyen thérapeutique ◪ 1883 se faire retaper le domino se faire arranger la denture • se faire repaver la rue du bec e idem ■ d. XX 1916 monter sur le billard subir une opération ; billard : « la table d’opération dans les hôpitaux. Nos blessés, qui gardent le sourire jusque dans les pires souffrances, ont ainsi baptisé le meuble trapu et quadrangulaire, où le chirurgien les étend pour trancher, découper, extraire ou gratter… Les carambolages s’y font souvent hélas ! avec des quilles et les pauvres amputés n’y voient, comme bandes, que celles du pansement. – Monter sur le billard, être opéré » (DÉCHELETTE, 1916). Il est possible que l’expression soit issue d’un trait d’humour noir, le billard étant l’étendue de gazon devant les tranchées ; y monter pouvait mettre les tripes à l’air e ■ XVI prendre du poil de la bête « se guérir par les mêmes choses qui ont causé le mal […] à celui qui a mal à la tête le lendemain qu’on a fait la débauche : il faut recommencer à boire » e (FUR.) ■ m. XVII 1640 il ne se faut toucher aux yeux que du coude « il ne faut rien faire pour le mal des yeux » (OUD.) • endormir un membre « luy faire perdre une partie du sentiment par le e moyen de la friction » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il tâche à se ravoir « d’un homme maigre ou convalescent qui mange bien : il tâche à réparer ses forces, à reprendre sa graisse » (FUR.) • prendre un bouillon « prendre une portion de suc de viandes ou d’herbes, qui sert à nourrir les estomacs qui ont de la peine à digérer les gros aliments. On prend aussi des bouillons pour se rafraîchir et conserver son embonpoint. On donne encore des médecines dans des bouillons » (FUR.) • heureux le médecin qui vient sur le déclin de la maladie « il a l’honneur de la cure qui se e fait par les forces naturelles » (FUR.) ■ f. XX casser un malade s’emploie dans les hôpitaux pour dire que le malade est mort pendant le traitement REMÈDES médicaments, traitement, drogues, médication, orviétan e e ■ m. XVI après la mort, le médecin après le mal arrive le remède ■ m. XVII 1640 de la poudre de perlimpinpin un remède sans effet • de la poudre d’Oribus « par raillerie, un remède sans effet ; une chose de rien » (OUD.) • onguent miton mitaine « qui n’a point de force, qui ne fait ny e bien ny mal » (OUD.) ■ f. XVII 1690 pain de saint Hubert, de sainte Geneviève, de saint Nicolas « pains bénis avec certaines prières et invocations de ces saints, qui guérissent de la rage, de la e fièvre et autres infirmités » (FUR.) ■ d. XIX remède de cheval l’idée est plaisamment développée dans la Chronologiette de Pierre Prion, en 1744 : « […] ils mêlent une chopine d’eau-de-vie avec autant de vinaigre, trois ou quatre grosses gousses d’ail piquées. Ils avalent cette potion avec courage ; ce remède les réduit à l’agonie, cependant ils n’attribuent pas ce malheur au remède, mais toujours à l’accès [de fièvre]. Il n’y a point de cheval de carrosse à qui on aurait appliqué ce remède intérieur qui ne l’étouffât, somniqu[ât], mais messieurs les paysans ont leur estomac encore plus résistible que ces derniers animaux […] » GUÉRISON rétablissement e ■ m. XVII 1640 il ne lui en faut plus qu’autant « pour dire vulgairement que l’on est bien guery d’une maladie » (OUD.) • le lit est l’écharpe de la jambe « qu’il se faut tenir au lict pour la guérir » e (OUD.) ■ f. XVII 1690 avoir fait un pet à la mort homme guéri d’une grande maladie • faire corps neuf « se rétablir en santé après une grande maladie et avoir purgé toutes les mauvaises humeurs e qu’on avait auparavant » (FUR.) ■ m. XIX remis sur pied MOURIR décéder, expirer, s’éteindre, succomber, trépasser, clamser, crever, claquer, caner, claboter, calancher e e e ■ XV aller de vie à trépas ■ m. XV 1453 y laisser ses houseaux ■ XVI rendre l’âme • se casser e le cou • mourir au lit d’honneur ■ XVII payer son tribut à la nature • rendre le dernier soupir e ■ d. XVII perdre le goût du pain • mourir à petit feu lentement ; se dit lorsque les chagrins et les peines abrègent les jours, et aussi des effets d’une longue maladie « C’est donc fini ! tout le monde m’oublie… m’abandonne ! Je ne verrai plus que des vieux… Je n’entendrai plus parler que politique… mais on veut donc que je meure à petit feu !… », P. DE KOCK, La Pucelle de Belleville, 1834 ■ m. XVII e 1640 perdre la vie • rendre le cimetière bossu « mourir ; parce qu’on relève la terre en faisant une fosse » (OUD.) • passer le pas • prendre congé de la compagnie • se laisser mourir • trousser ses chausses • se laisser répandre • y laisser le moule du pourpoint • tirer ses chausses • mourir tout debout subitement e • aller ad patres ■ f. XVII 1690 achever ses jours • achever sa carrière • mourir dans son lit • achever de vivre • passer comme une chandelle mourir doucement • il faut plier (trousser) e bagage il faut mourir ■ XVIII mourir de sa belle mort de vieillesse • laisser ses guêtres quelque e part ■ f. XVIII 1786 entrer au monument « M. Metra vient de mourir. […] M. Amateur comme lui vient de faire des vers à la louange du mort : […] Pour lui, je suis certain qu’au suprême moment,/À son caractère fidèle,/Il eût trouvé moins dur d’entrer au monument/S’il avait pu lui-même en donner la nouvelle » MME DE SABRAN, Lettre à Boufflers, 3 février 1786 e e ■ XIX faire la cabriole • faire la cane a donné le verbe caner, mourir ■ d. XIX tourner de l’œil « Du poison !… Allons, bois… tu vas tourner de l’œil tout de suite », CHENU ◪ 1808 se faire crever la paillasse « se faire tuer en duel, – ou à coups de pied dans le ventre » (DELV.) • sauter le pas « Ou alors, si vous pouvez pas/Ou refusez, Vierge Marie,/Vous allez m’trouver ben hardie,/Mais aidez-moi à sauter l’pas !/Et pis prenez-moi avec Vous !/Emm’nez-moi dans le Paradis », J. RICTUS, La Charlotte prie Notre-Dame, 1904 qu’on dise et quoi qu’on fasse, il faut avaler le goujon », FRANCIS, 1815 ◪ ◪ 1815 avaler le goujon « Quoi 1826 descendre la garde « [Conseils d’un vieux soldat] Mets-toi là, tiens, à côté de ce pilier : tu ajustes ton homme, tu lâches ton coup ; patatras, il descend la garde, toi, tu e ■ m. XIX se faire trouer la peau se faire tuer • avaler sa langue • recevoir son décompte « mourir. Dans l’armée, on touche son décompte, c’est-à-dire son excédent de masse au moment de quitter le service » (LARCH.) « Tué roide sur le champ de bataille, le beau tambour-major avait, pour parler en style de bivouac, reçu son décompte », RICARD • défiler rentres la tête dans ta coquille… et enfoncé », É. DEBRAUX, Les Barricades, 1830 la parade « mourir. Mot militaire. On défile quand la revue est terminée. Il s’agit ici de la revue de la vie » (LARCH.) « Alors tout l’monde défile à c’te parade d’où l’on ne revient pas sur ses pieds », Balzac • la gober « Ce poltron-là, c’est lui qui la gobe le premier », L. DESNOYERS • avoir son compte « être blessé à mort pour s’être battu en duel » (DELV.) – plus généralement « mourir, voir finir le compte de ses jours » (LARCH.) « J’ai mon compte pour ce monde-ci. C’est soldé », L. REYBAUD ◪ 1832 passer l’arme à gauche mourir, par référence au repos définitif « Toute la famille a passé l’arme à gauche », LACROIX, 1832 ◪ 1833 avaler sa gaffe ◪ 1835 mourir au champ d’honneur ◪ 1846 glisser « mourir. On dit le plus souvent : “il s’est laissé glisser”. Quand on glisse, on tombe, et c’est de la grande chute qu’il s’agit ici » (LARCH.) « C’est là (à un restaurant de la chaussée du Maine), que j’ai appris, entre autres bizarreries, les dix ou douze manières d’annoncer la mort de quelqu’un : Il a cassé sa pipe, – il a claqué, – il a fui, – il a perdu le goût du pain, – il a avalé sa langue, – il s’est habillé de sapin, – il a glissé, – il a décollé le billard, – il a craché son âme », DELVAU, in LARCHEY ◪ 1855 casser sa pipe « Casser sa pipe : oh ! c’est déjà vieux ! ça a de la barbe. On a dit depuis “casser son crayon” et on dit maintenant “lâcher la rampe”, ou “remercier son boulanger” » VILLARS ◪ 1859 dévisser son billard « Mourier, Dormeuil, et vous Cogniard féeriques,/Laissez Empis reprendre Feu Waflard…/Nous saurons bien faire aller vos boutiques,/Quand Scribe aura dévissé son e ◪ 1860 s’habiller de sapin dès le XVIII , dans le même ordre d’idées, on trouve chemise de sapin : « Arrive-t-on en ce monde, ils [les curés] vous font payer plus cher l’eau du baptême que si c’étoit du bon vin. Lorsqu’on en part, il faut payer le voyage mieux qu’à la poste, sans quoi vous vous en iriez comme des péteux : on vous embaleroit, dans un sac, comme un paquet de linge sale ; point de chemise de sapin ; point de chandeles, une petite croix de bois, qui fait mal au cœur ; et à peine vous régaleroient-ils, en courant, d’un misérable “de profundis” » (Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789) ◪ 1866 lâcher la rampe « V’là des insecqu’s par tourbillons,/Qui, dès qu’y sont nés, lâchent la rampe/Pis des phalèn’s, des papillons/Qui vont s’rôtir à toutes les lampes », J. RICTUS, Les Soliloques du pauvre, 1897 • décoller le billard ◪ 1867 avaler sa cuillère • cracher son âme • avoir la foire • ingurgiter son bilan • laisser fuir son tonneau • perdre son bâton • épouser la camarde • éteindre son gaz « mourir. Mot à mot : s’éteindre comme un bec de gaz » (LARCH.) « La pauvre vieille éteint son gaz… Une indigestion d’andouillettes », ABOUT • déchirer son habit • filer son câble par le bout • plier ses chemises • restituer sa doublure • poser sa chique « moi, billard ! », A. SCHOLL, La Foire aux artistes, 1859 cinq, six mois !… je posais ma chique !… je devais !… mutilé 75 % ! bernique !… j’ai tenu ! flutazof ! », CÉLINE, D’un château l’autre, 1957 • casser son crachoir • ramasser ses outils • remercier son boulanger « mourir. Mot à mot : n’avoir plus besoin de manger du pain » (LARCH.) • moucher sa chandelle • tortiller de l’œil • rendre sa canne au ministre • retourner son paletot • rentrer ses pouces « mourir, – dans l’argot des étudiants en médecine, qui ont eu de fréquentes occasions de remarquer que lorsque la mort arrive, la main du moribond se ferme toujours de la même manière, le pouce se plaçant en dedans des autres doigts » (DELV.) • rendre sa clef • rendre son cordon • rendre son permis de chasse • rendre son tablier • couper sa mèche • déchirer son faux col • épointer son foret • fermer son parapluie « il a fermé son parapluie », GABIN, in Pépé le Moko, 1937 • déposer ses bouts de manche • casser son fouet • retourner sa veste • resserrer son linge • rendre son livret • renverser son casque • renverser sa marmite • remiser son fiacre • remercier son boucher • pousser le boum ! du cygne « mourir, – dans l’argot des faubouriens, qui disent cela à propos des garçons de café et de leur fatigant “boum ! pas de crème, messieurs ?” » (DELV.) • emporter ses cliques et ses claques • mettre la table pour les asticots • déchirer son tablier • faire sa crevaison • casser sa canne • rengainer son compliment • avaler ses baguettes ◪ 1868 lâcher la perche « Le plus e blakibollé, le plus inconnu pendant sa vie, devient aussitôt qu’il a lâché la perche un grand homme », Corsaire, 1868 ■ f. XIX 1872 avaler sa fourchette • filer son nœud • boire le bouillon « mourir. Allusion au dernier bouillon que boit un noyé » (LARCH.) « Ce n’est pas la peine que vous essayiez de vous sauver, vous boirez le bouillon comme nous », L’Éclair, 23 juin 1872 • être réguisé • frapper au monument « mourir. Mot à mot : frapper à la porte du monument funèbre » (LARCH.). La locution est sans doute plus ancienne que e cette première attestation de 1872, la forme entrer au monument existant dès la fin du XVIII siècle e (voir plus haut) • baiser la camarde ■ d. XX tourner le coin • avaler son bulletin de naissance e ■ m. XX aller aux fleurs popularisée par une chanson de Jacques Brel qui évoque le cimetière ; cependant, l’image est ancienne dans la langue – on trouve mener aux fleurs, mener pendre, en 1486 : « Nous le voulons mener aux fleurs/Pour s’esbattre un petit aux champs » (in ESNAULT) ◪ 1947 la glisser l’idée est de « glisser la pente (fatale) » « Donc on peut dire que le cave est dans le sirop depuis plus d’une heure ? – Tu crois qu’il va la glisser ? s’inquiéta Jo », A. LE BRETON, Les Pégriots, 1973 ◪ 1950 se viander d’abord « se tuer accidentellement (1950) » puis « s’entre-tuer dans une rixe (1950) » (ESNAULT) ; a désormais le sens bien moins inquiétant de « tomber » – même si la chute peut être mortelle ! e e ■ m. XVI il y a remède à tout, sauf à la mort ■ XVII mourir sur le(s) coffre(s) « mourir misérablement en suivant la cour, ou au service de quelque grand » (OUD.) • rendre les derniers e devoirs à un mort ■ m. XVII 1640 la danse macabée « ou plus vulgairement macabre ; la mort : on dépeint une danse où des squelets meinent danser toutes sortes de personnes » (OUD.) • ce sera à mon corps défendant « je ne mourray que le plus tard qu’il me sera possible » (OUD.) • jeunesse qui veille et vieillesse qui dort, c’est signe de mort • tulipes de saint Innocent des os de mort • c’est vaisselle d’argent, il n’y a que la façon de perdue « cecy se dit quand il meurt un enfant à des personnes mariées qui sont encore jeunes » (OUD.) • vie de pourceau « bonne et courte ; bonne chère et mourir bien tost » (OUD.) • aussi tôt meurt veau que vache « une jeune personne meurt aussi tost qu’une vieille » (OUD.) • mourir comme les melons (les citrouilles), la semence dans le corps mourir vierge • chanter le chant du cygne chanter sa fin ou sa mort • plus l’oiseau est vieil, moins il se veut défaire de sa plume « les vieillards ne veulent point ouïr parler de mourir » (OUD.) • il vaut mieux en terre qu’en pré « il vaudroit mieux qu’il fust mort que vivant » (OUD.) • il en sera quitte pour un homme de son pays « il luy coustera la vie » (OUD.) • somme d’airain la mort • faire sa fosse avec ses dents manger tant que cela fasse mourir e ■ f. XVII 1690 telle vie, telle fin on meurt de la même manière qu’on a vécu • une nuit qui n’a point de matin la mort • tous les renards se trouvent chez le pelletier « de là, vient un autre proverbe qu’on dit en se quittant, “à se revoir chez le pelletier” ; quelque fin qu’on soit la mort nous attrape et nous irons tous au même lieu » (FUR.) • la fin couronne l’œuvre « ce n’est pas assez de bien vivre, il faut bien mourir » (FUR.) • nous mourons tous les jours « il n’y a point de jour que nous ne fassions un pas vers la mort » (FUR.) • le chapelet se défile « quand il meurt coup sur coup plusieurs personnes d’une même famille, ou d’une cabale » (FUR.) • demeurer pour les gages être tué • mourir en fraude « ironiquement d’un homme qui meurt insolvable » (FUR.) • il e n’y a plus d’huile dans la lampe de celui qu’on voit mourir de vieillesse ■ XIX on ne meurt e qu’une fois ■ d. XIX omnibus de coni « corbillard (Vidocq). Mot à mot : voiture de mort » (LARCH.) e ■ m. XIX 1842 le plus riche en mourant n’emporte qu’un linceul • la sépulture des ânes « au Moyen Âge, ceux qui mouraient déconfits ou excommuniés étaient jetés dans les champs ou à la voirie, comme des charognes. C’est ce qu’on appelait la “sépulture des ânes” » (QUIT.) • lorsqu’un vieux fait l’amour, la mort court à l’entour « l’amour hâte la fin de la vie d’un vieillard. L’amour chez le vieillard est comme le gui qui fleurit sur un arbre mort » (QUIT.) • amour et mort, rien n’est e e plus fort ■ f. XIX voir Naples et mourir ■ f. XX aller au tapis expression employée par les médecins anesthésistes lorsqu’un malade meurt sur la table d’opération – peut-être par rapprochement avec le billard ÊTRE MOURANT se mourir e ■ m. XVI être à l’article de la mort ◪ 1567 avoir la mort entre les dents « Jà ce bon prince avoit la e mort entre les dents/Qui tost devoit trancher le filet de ses ans », Le Trophée d’Anthoine de Croy, 1567 ■ XVII être à la e dernière extrémité • à (sur) son lit de mort ■ m. XVII faire son paquet faire son testament ◪ 1640 avoir été à la porte du paradis bien près de mourir • il a un pied dans la fosse « il est fort vieil, il est près de mourir » (OUD.) • il a été jusqu’à la porte près de mourir • secouer le jarret • être au lit de la mort • sa vie ne tient qu’à un petit filet elle est en extrême danger • au dernier soupir en mourant • tirer à la fin • raidir le jarret • être aux derniers abois • s’en aller au grand e galop ■ f. XVII sentir le sapin ◪ 1690 il est revenu d’un grand voyage agonisant revenu en santé • il est revenu de loin idem • avoir la mort (l’âme) sur les lèvres • être réduit aux abois (de la mort) • il va faire un grand voyage (un voyage sans retour) • être à deux doigts de la mort e ■ XVIII toucher le bout de la carrière « Sauve-toi, lui a dit Baudet effrayé de ce coup ; tu peux vivre encore ; pour e moi, je touche le bout de la carrière », RÉTIF, Le Paysan perverti, 1782 ■ XIX recommander son âme à Dieu • filer e un mauvais coton « être malade et sur le point de mourir » (DELV.) ■ m. XIX avoir son affaire « avoir son compte, soit dans un duel, soit dans un souper, – être presque tué ou presque gris. Argot du peuple » (DELV.) ◪ 1842 sa vie ne tient qu’à un fil • graisser ses bottes recevoir l’extrême-onction, se préparer à mourir ◪ 1867 se tenir à quarante sous avec son croque-mort « se débattre dans l’agonie, ne pas vouloir mourir » (DELV.) • chasser les mouches « être à l’agonie, – dans l’argot des infirmiers, qui ont remarqué les gestes incessants par lesquels les moribonds semblent vouloir éloigner d’eux des insectes invisibles et peut-être voltigeant en effet autour d’eux, leur proie de tout à l’heure » (DELV.) • en être à la paille « être à l’agonie, – dans l’argot des faubouriens, qui font allusion à la paille que l’on étale dans la rue devant la maison où il y a un malade » (DELV.) • faire ses petits paquets « être à l’agonie, – dans l’argot des infirmiers, qui ont remarqué que les malades ramassent leurs draps, les ramènent vers eux instinctivement, à mesure que le froid de la mort les gagne » (DELV.) • être flambé • recevoir son paquet « être e abandonné par un médecin, ou extrême-onctionné par un prêtre » (DELV.) ■ f. XIX ses jours sont comptés ◪ 1894 être à cras « être à toute extrémité. Le marchand, quand il va déposer son bilan, l’homme quand il va mourir, sont à cras » (LYON) e ■ m. XVII 1640 il mourrait plutôt un bon chien de berger « un honneste homme mourroit plustost, qu’un coquin ou meschant, cela se dit, lors qu’on a peur qu’une personne meure dont il e ne faut pas faire grand estat » (OUD.) ■ XIX tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ÊTRE MORT décédé, défunt, cadavre, macchabée e ■ XV partir (sortir) les pieds devant « Par la mort bieu, beau pere, vous ne saulterez a jamais d’icy sinon les e piez devant, se vous ne confessez verité », Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 ■ f. XVI les dents ne lui font plus mal • être troussé en malle « lorsqu’une maladie a peu duré, qu’il est mort en peu de temps » (FUR.) « s’il n’eust trouvé le gué des rivières qu’il luy convint passer à commandement il estoit troussé en malle », Le Réveille-matin des e e ■ d. XVII dépouille mortelle cadavre ◪ 1611 être au royaume des taupes ■ m. XVII 1633 tirez le rideau, la farce est jouée la personne est morte « Finis coronat opus, comme dit le docteur ; la François…, 1574 1640 raide mort tout à fait mort • s’en être allé comme une chandelle être mort fort doucement • être guéri de tous maux • il est allé marquer les logis • n’avoir plus besoin de mire être mort. « Icy mire signifie médecin » (OUD.) • être au pays de par-delà en l’autre monde • il ne mangera plus de pain • y avoir laissé ses chausses • c’est fait de lui • il a fait son cimetière en ce lieu-là • y avoir laissé ses e bottes ◪ 1643 ne bouger ni pied ni patte ■ f. XVII 1690 être en plomb il est mort, dans un e cercueil en plomb • y avoir laissé les grègues • avoir acheté un office de trépassé ■ m. XIX 1867 manger des pissenlits par la racine • manger des fraises par la racine « Celle-là est morte et, depuis longtemps, en train de manger des fraises par la racine », DELVAU, Les Lions du jour, 1867 • taper dans le sap « être mort et enterré, – dormir du dernier somme » (DELV.). Sap : apocope de sapin, cercueil • être dans le sixième dessous « être ruiné, ou mort, – forme explétive de “troisième dessous”, qui est la dernière cave pratiquée sous les planches de l’Opéra pour en receler les machines » (DELV.) e ■ f. XIX être entre quatre planches ◪ 1872 être dans le trou être enterré ◪ 1889 six pieds sous terre mort et enterré « La Carcasse. – C’est pas la peine de te démener tant que ça, va, je te l’enlèverai pas, ton vieux ! fin couronne les taupes. Tirez le rideau, la farce est jouée », La Comédie des proverbes, 1633 ◪ Non, mais j’vous demande un peu si ça serait pas mieux à six pieds sous terre, en train de manger du pissenlit par la racine ! » O. MÉTÉNIER, La Casserole, 1889 ◪ 1894 manger les salades par le trognon • labourer du dos reposer au cimetière e ■ f. XV vouloir être cent pieds sous terre souhaiter être mort et enterré, par honte ou par e désespoir ■ m. XVI 1538 morte la bête, mort le venin le méchant ne peut plus nuire après sa mort e e ■ XVII rendre les derniers devoirs à un mort ■ m. XVII 1640 il est tout prêt à revenir il y a longtemps qu’il est mort • eau bénite des passants « des pierres que les passans jettent sur un corps enterré auprès d’un grand chemin » (OUD.) être mort de la mort Roland mort de soif • nous mangerons du boudin, la grosse bête est par terre « cela se dit vulgairement lors que celuy qui e nous nuisoit est mort » (OUD.) • une prise de corps par métaphore, un enterrement ■ f. XVII les morts ont tort « pour dire que, lorsqu’un homme est mort, on rejette sur lui la faute de beaucoup de choses ; qu’on excuse volontiers les vivants aux dépens des morts » (QUIT.) ◪ 1690 étron de chien et marc d’argent seront tout un au jour du jugement on ne fera point cas des richesses après la mort • la levée du corps • deuil joyeux « d’une personne morte qu’on n’aime guère ou dont on hérite beaucoup » (FUR.) • il y a longtemps qu’il est sec « à celui qui croit qu’un homme e est en vie, quoiqu’il soit mort » (FUR.) ■ XIX paix à ses cendres pour honorer la mémoire d’un e mort ; quelquefois utilisé ironiquement, avec le sens de bon débarras ! ■ m. XIX 1842 l’honneur fleurit sur la fosse c’est surtout après la mort d’un homme que son mérite est reconnu et honoré ◪ 1866 bonsoir la compagnie ! « Je me penche un peu, plein d’angoisses : Fantasio est sauvé ! Je m’en réjouis d’abord, puis je trouve mauvais qu’il n’essaie pas de me tendre la perche. À moins d’un miracle, je ne m’en tirerai pas. Bonsoir la compagnie ! », A DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 • boîte à dominos « cercueil, dans l’argot des faubouriens » (DELV.). Les dominos sont les os « Toi, à vingt-cinq ans, tu seras dans la grande boîte à dominos », Le Petit Journal, 1866 ◪ 1867 étui à lorgnette « cercueil, dans l’argot des voyous » (DELV.) • toile e e d’emballage linceul ■ f. XIX ni fleurs ni couronnes ◪ 1883 boîte à violon cercueil ■ d. XX costume en sapin cercueil – ceux des pauvres étant faits de planches de sapin, et non de chêne e e ■ m. XX canadienne en sapin cercueil ■ f. XX casser un malade s’emploie dans les hôpitaux pour dire que le malade est mort pendant le traitement CIMETIÈRE tombe, sépulture, nécropole e e ■ m. XVII 1640 le grand saloir « le cimetière » (OUD.) ■ XIX la dernière demeure le tombeau, la sépulture ; conduire quelqu’un à sa dernière demeure est l’euphémisme d’usage courant pour e « assister à son enterrement » ■ m. XIX 1867 camp des six bornes « endroit du cimetière où les marbriers font leur sieste aux jours de grande chaleur » (DELV.) • le jardin des claqués le cimetière des hospices • champ de navets évoque plus particulièrement un cimetière rural situé à e l’extrémité du village • champ d’oignons • la boîte aux claqués la morgue ■ d. XX le boulevard des allongés variante citadine du « champ de navets » SE SUICIDER se supprimer, se détruire e e ■ m. XVII 1640 se défaire soi-même ■ d. XIX se brûler la cervelle • se faire sauter la cervelle « Un beau jour, il se trouva aux trois quarts ruiné, avec des billets, des engagements considérables auxquels il ne put faire face. Un geste, et sa famille serait venue à son secours ; un reste de pudeur le retint et il se fit tranquillement sauter la cervelle », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 ■ m. e XIX 1867 se faire sauter le système se brûler la cervelle • se crever le plafond idem • se signer des orteils « se pendre ou être pendu, – dans l’argot du peuple, qui fait allusion aux derniers tressaillements des suicidés ou des condamnés » (DELV.) • se faire sauter le caisson « se brûler la cervelle » (DELV.) « Mais qu’est-ce que ça peut bien foutre à Rothchild que des milliers de pauvres diables se ruinent, tombent dans la mistoufle, qu’ils se fassent sauter le caisson de découragement, que la • prendre un bouillon d’onze heures ■ d. XX mettre fin à ses jours ■ f. XX se foutre en l’air se suicider, soit brutalement, soit à petit feu, en ingurgitant à forte dose diverses substances nocives e ■ m. XIX 1867 broyeur de noir en chambre « personne qui se suicide à domicile » (DELV.) • trouver un cheveu à la vie la prendre en dégoût et songer au suicide femme et les enfants n’aient rien à boulotter », Le Père Peinard, 1889 e e RÈGLES menstrues e e ■ XVI avoir son cardinal à cause de la couleur rouge ■ m. XVII 1640 les males semaines • elle a ses brouilleries « cette femme a ses fleurs, ses mois » (OUD.) • le fourrier de la lune a marqué le logis • son calendrier est rubriqué • les drogues d’une femme « les fleurs, les menstrues » (OUD.) • la lune est sur bourbon • elle est malade • le catimini « mot fait à plaisir, les fleurs ou mois de la femme » (OUD.) • la pluie des mois « les fleurs d’une femme » (OUD.) • le cardinal est logé à la e e e e motte ■ f. XVII 1688 avoir les cardinaux ■ XIX avoir ses ours ■ d. XIX avoir ses affaires ■ m. XIX 1832 les Anglais ont débarqué par allusion aux uniformes rouges des troupes anglaises d’occupation à Paris de 1815 à 1820. La métaphore s’est bien maintenue dans l’époque actuelle parce qu’elle évoque génialement, selon la remarque de J. CELLARD (Dictionnaire du français non conventionnel), à la fois les notions d’ennemi gênant, de soudaineté, et même de flot « Enhardi par le vin que j’avais bu, je bravai cette fois ses prières et ses larmes, je bravai bien plus, je bravai les Anglais qui étaient débarqués, et je fus vainqueur. Mais je ne pus reconnaître parmi tant de sang s’il s’en mêlait quelque goutte de virginal », É. DEBRAUX, ◪ 1867 voir Sophie l’origine de l’expression n’est pas claire ; toutefois, en argot, une Sophie est une « prostituée qui fait la prude », et faire sa Sophie veut dire « faire des manières ». On peut alors supposer que voir Sophie signifiait ne pas avoir de relations sexuelles à cause de la période de règles • casser la gueule à son porteur d’eau « avoir ses menses » (DELV.) • écraser des tomates • nos voisins viennent • avoir ses Anglais expression parallèle à les Anglais ont débarqué, probablement issue d’elle ; elle s’est moins bien maintenue dans le langage contemporain une fois oubliée sa double motivation : le rouge et l’anglophobie courante au e XIX siècle « un ruisseau d’lait,/Mais qu’a tourné, qui s’a aigri,/Comm’ le lait tourn’ dans eun’ crém’rie/Quand la crémière a ses Anglais ! », J. RICTUS, Les Soliloques du pauvre, 1897 • fleurs rouges Mayeux, 1832 e e ■ m. XVII 1640 la lune est en decours, les femmes sont folles ■ m. XX les balancelles à lapin expression de la région du Havre, désignant les « serviettes hygiéniques » – rémanence du conil dans le langage ENCEINTE ENCEINTE grossesse, prégnante e e ■ f. XVI le lait a caillé • la maladie de neuf mois la grossesse ■ d. XVII faire un enfant à crédit avant d’être marié « Toute fille qui aura fait un enfant à crédit sera dotée par la ville », BÉROALDE DE VERVILLE • être à e quatre pieds ■ m. XVII 1640 il a trouvé besogne faite « que la femme qu’il a espousée estoit déjà grosse » (OUD.) • elle ressemble ma bourse, elle s’est laissé fouiller « cecy se dit d’une fille qui s’est laissé emplir le ventre » (OUD.) • elle en tient • la grange est pleine • la grange est pleine avant la moisson « elle est grosse avant que d’estre mariée » (OUD.) • le mal de neuf mois la grossesse • quatre pieds en deux souliers • elle a été mordue d’un serpent, le venin lui a enflé le ventre • les petits pieds lui font mal « elle est enceinte, et pour ce sujet elle a des maux de cœur » (OUD.) • femme empêchée • manger pour deux « cela se dit d’une femme grosse » (OUD.) • sa jupe commence à hausser • elle a bu à la bouteille, le bouchon lui est demeuré dans le e corps • elle a le ventre relevé en bosse ■ f. XVII 1690 troubler le lait à une nourrice l’engrosser • son tablier se lève « d’une fille quand elle ne peut plus cacher sa grossesse » (FUR.) • elle en a e pour ses neuf mois fille qui s’est laissé engrosser ■ m. XVIII 1739 être logée chez la veuve J’en Tenons « Et si ! mon enfant, tu dis toujours la même turlure. Eh bien, tu es logée chez la veuve J’en Tenons ? Voyez le grand malheur ! Si toutes les filles se pendoient pour ça, vraiment, il n’y auroit pas tant de femmes mariées », Les Écosseuses, 1739 e ■ m. XIX 1867 avoir avalé le pépin « être enceinte, – par allusion à la fameuse pomme dans laquelle on prétend que notre mère Ève a mordu » (DELV.) • se gâter la taille • avoir un polichinelle dans le tiroir « il n’y a pas plus putains que ces garces-là ; ce qu’elles doivent ramasser dans leurs tiroirs, de polichinelles à 36 pères, on peut s’en faire une doutance ! », Le Père Peinard, 1893 • avoir le sac plein • tomber sur le dos et se faire une bosse au ventre « se dit d’une jeune fille qui, comme Ève, a mordu dans la e fatale pomme, et, comme elle, en a eu une indigestion de neuf mois » (DELV.) ■ f. XIX enceinte jusqu’aux yeux prête à accoucher • avoir le ballon ◪ 1872 situation intéressante grossesse ◪ 1883 avoir un fédéré dans la casemate ◪ 1888 gonfler son ballon ◪ 1894 mettre au levain devenir enceinte • le rouleau de devant grossit, elle va d’abord rendre se dit d’une femme près e d’accoucher ■ d. XX être en cloque e ■ f. XVI prendre (à crédit) un pain sur la fournée « faire un enfant à une fille avant la e célébration du mariage » (FUR.) ■ m. XVII 1640 renouveler le lait « engrosser une femme qui a longtemps donné le tétin » (OUD.) • envie de femme grosse volonté de manger quelque chose • elle s’est jouée au maître « le maistre l’a engrossée » (OUD.) • il y en a encore un sur le métier la e mère est encore enceinte ■ m. XIX 1867 faire lever le tablier engrosser une fille ou une femme e ■ m. XX faire un enfant dans le dos tomber enceinte volontairement, malgré le désaccord du « père » pour avoir un enfant ; il semble que ce sens de l’expression soit apparu après celui de « tromperie » NAISSANCE ■ f. XVI e emprunter un pain sur la fournée avoir un enfant d’une femme avant de l’avoir e e épousée ■ XVII être du côté gauche bâtard ■ m. XVII 1640 donner le tétin allaiter un enfant • un coup de hasard un bâtard • il en est sorti des éclats « elle a eu des enfans de cet amour ou embrassemens » (OUD.) e e ■ m. XVI s’il vit, il aura de l’âge ■ m. XVII 1640 une fille qui a fillé qui a eu des enfants • vous n’avez pas perdu votre temps « cela se dit à une personne qui a quantité d’enfans » (OUD.) • une truie à pauvre homme « une femme qui fait quantité d’enfans » (OUD.) • il a fermé la porte d’un enfant qui est venu le dernier • être de la confrérie du pot au lait avoir de petits enfants • le cul clos « le dernier enfant ; ou le dernier petit d’un animal » (OUD.) ACCOUCHER enfanter, engendrer, pondre e e ■ XVI être en mal d’enfant en train d’accoucher ■ m. XVII 1640 avaler ses chausses • elle ne compte plus les jours « cette femme accouche, ou est sur le point d’accoucher » (OUD.) • crier les petits pâtés « femme en travail d’enfant, qui crie bien haut, qu’elle souffre beaucoup » (FUR.) • se mettre en deux • être en travail d’enfant « près d’accoucher, sentir les douleurs de l’accouchement » (OUD.) • arriver à terme « accoucher au bout du temps des neuf mois » (OUD.) • elle ne fait que secouer le jarret elle accouche avec facilité • délivrer d’un enfant • se décharger accoucher avant terme • faire des pieds neufs « accoucher d’un enfant, – dans l’argot du peuple, er e qui se souvient, sans l’avoir lu, du livre I , chap. VI, de Gargantua » (DELV.) • pisser des os ■ f. XVII e e 1690 faire un pet à vingt ongles ■ m. XIX 1867 pisser sa côtelette ■ m. XX accoucher sans douleur avec l’aide de produits médicaux qui limitent la douleur e ■ m. XVII 1640 il faut crier largesse, la femme de notre voisin est accouchée « cette allusion e s’explique de soy mesme » (OUD.) ■ m. XIX 1842 servez M. Godard, sa femme est en couches ! s’appliquant « à un homme à qui un enfant vient de naître, c’est une formule de félicitation équivalant à un “Gloria patri”, une exclamation d’amical et joyeux enthousiasme en faveur de la paternité » (QUIT.) AVORTER e ■ m. XVII 1640 casser son œuf faire une fausse couche • notre poule a cassé ses œufs « cela e se dit quand une femme grosse se blesse, et accouche avant terme » (OUD.) ■ m. XIX 1867 faire couler un enfant • décrocher un enfant • se faire décrocher e ■ d. XX faiseuse d’anges avorteuse VUE vision, regard e ■ XVI œil de chat « qui se dit à raison que l’on voit de nuit, ainsi que font les chats » (PARÉ, in e e LITTRÉ) ■ m. XVII 1640 avoir bonne vue ■ XVIII des yeux de lynx le lynx n’a pas une vue particulièrement perçante, cette réputation lui vient de la confusion avec l’Argonaute Lyncée, dont la vue était si aiguë qu’il pouvait voir à travers une planche « Le père Mathieu, leur chef, avait des yeux de lynx, et une telle habitude des hommes, qu’à la première vue il s’apercevait si l’on avait dessein de le tromper », VIDOCQ, e e ■ d. XVIII 1721 de visu ■ m. XIX 1867 avoir l’œil américain « voir très clair là où les autres voient trouble, – dans l’argot du peuple, qui a peut-être voulu faire allusion aux romans de Cooper et rappeler les excellents yeux de Bas-de-Cuir, qui aurait vu l’herbe pousser » (DELV.) e e ■ f. XIX 1894 regard à couper un clou regard qui manque d’amabilité ■ f. XX regard à couper au couteau regard noir, par attraction de brouillard à couper au couteau, très épais, et à cause de la menace contenue dans couteau e ■ m. XVII 1640 être en place marchande « être en un lieu où on ne peut manquer d’être vu. L’origine de ce proverbe vient des marchands, qui ne manquent guère de se trouver à l’heure sur la place du change, afin de se faire voir aux autres et éviter le soupçon d’une prochaine banqueroute » (FUR.) • je suis encore à en voir la première pièce je n’en ai encore rien vu • de la Mémoires, 1828 e couleur de M. de Vendôme invisible • avoir vu le loup l’ennemi ■ XIX danser devant les yeux quand il nous semble voir, en mouvement devant nous, le souvenir de mots ou d’un visage « Seulement, à cet instant, la dernière lettre de ma marraine où une fois de plus elle me parlait, au nom de ma mère, de mon e ■ m. XIX 1842 le mal de l’œil, il faut le panser avec le coude « il n’est guère possible de porter le coude à l’œil. De là ce proverbe qui s’explique par cet autre : “Qui veut guérir ses yeux, doit s’attacher les mains” » (QUIT.) indignité, se mit à danser devant mes yeux », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 REGARDER mater e e ■ XVI jeter les yeux sur « Tout le monde jette incontinent les yeux sur Aristide », AMYOT, in LITTRÉ ■ f. XVI regarder entre (les) deux yeux « regarder quelqu’un attentivement « et avec avidité » (FUR.) e regarder au nez regarder une personne effrontément, la dévisager ■ m. XVII 1640 suivre de l’œil « regarder où une personne va, ne la point abandonner de la veue » (OUD.) • choisir de l’œil regarder avec dessein • jeter l’œil • guigner une personne « la regarder de travers, ou du coin de l’œil » (OUD.) • se mettre à la fenêtre « s’advancer pour regarder dehors par la fenestre » (OUD.) • manger une personne à force de la regarder la regarder avec grande attention • avoir chaussé ses lunettes de travers avoir mal regardé • regarder du coin de l’œil de côté • chaussez bien vos e lunettes « regardez attentivement, et avec soing » (OUD.) ■ f. XVII 1690 ouvrir des yeux grands comme des salières idem • dévorer (couver) des yeux « regarder attentivement une personne pour qui on a de la tendresse ou de la jalousie lorsqu’on ne lève pas les yeux de sur elle » (FUR.) e ■ m. XIX ouvrir les quinquets ◪ 1865 ouvrir les yeux comme des portes cochères regarder les yeux grands ouverts, par curiosité, étonnement, effronterie, etc. « c’est égal, il y a de la ressemblance dans le profil… dans les yeux. – Dans les yeux ? Y penses-tu, celle-ci ouvre les yeux comme des portes cochères, et c’est à peine si la marquise entr’ouvre les siens. Ah ! en voilà une ressemblance que je n’aurais jamais trouvée ! », P. DE KOCK, Une grappe de ◪ 1867 allumer ses quinquets regarder avec attention • allumer son gaz idem • allumer le miston regarder quelqu’un sous le nez • allumer ses clairs regarder avec attention e ■ f. XIX 1872 balancer ses châsses regarder à droite et à gauche ◪ 1883 se rincer l’œil regarder complaisamment quelque chose ou quelqu’un « Depuis notre arrivée, vous n’avez cessé de vous rincer l’œil de groseille, 1865 e ■ m. XX se payer un jeton abréviation de prendre un jeton de mate (mater : regarder avec insistance, si possible sans être vu) « Tout en servant ses pâtisseries ou ses toutes ces créatures éhontées… », CHAVETTE toasts beurrés […] Monsieur Hermès se payait un jeton », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 e ■ m. XVII 1640 vous ai-je vendu des pois qui cuisent mal ? « cecy se dit à une personne qui e nous regarde de travers » (OUD.) ■ f. XIX ne pas avoir les yeux dans sa poche être particulièrement vif, au point que rien n’échappe. Il s’agit peut-être, à l’origine, d’une plaisanterie e sur les lunettes – plaisanterie déjà en usage au XVII . Cf. « Œil, se dit aussi des lunettes qui facilitent les actions de la veüe. Ce vieillard a laissé ses yeux à la maison, il a coustume d’avoir ses yeux dans sa poche » (FUR.) MAUVAISE VUE myope, astigmate, hypermétrope ■ XIII e n’y voir goutte négation de l’ancienne langue (comme point, pas ou miette) e e e particulièrement usuelle au XV siècle ■ m. XVI avoir la vue courte ■ XVII vous avez la berlue e « vous ne voyez pas clair, vous vous abusez » (OUD.) ■ m. XVII 1640 n’avoir pas mis ses besicles « quelqu’un qui se trompe au jugement de quelque chose soit corporellement soit spirituellement » (FUR.) • il a été au trépassement d’un chat « il a la veue trouble ; il a trop beu, ou bien il ne voit pas bien clair » (OUD.) • avoir les yeux riants comme une truie brûlée « le regard ou la veüe fort mauvaise » (OUD.) • avoir la visière mal faite • chausser ses lunettes pour bien e voir ■ f. XVII 1690 ne pas voir plus loin que le bout de son nez avoir la vue courte • ne voir ni ciel e ni terre n’y voir goutte ■ XIX être myope comme une taupe • avoir une paille dans l’œil un trouble de la vue « TOUPET (sortant du billard) : C’est étonnant !… je n’ai pas gagné la queue… je me suis même blouzé e ■ m. XIX 1867 avoir la vue gogotte « avoir de mauvais yeux, n’y pas voir clair, ou ne pas voir de loin » (DELV.) e ■ m. XVII 1640 quand on prend lunettes, adieu fillettes « qu’un homme qui se sert de lunettes n’a plus gueres de vigueur » (OUD.) • il est fin, il regarde de près « allusion du vulgaire, e pour dire qu’une personne a la veue courte » (OUD.) ■ f. XVII 1690 avoir le trelu « populaire, qui ne se dit qu’en cette phrase ; voir une chose autrement qu’elle n’est, avoir la vue trouble. Ce mot vient du vieux mot français treluire : voir imparfaitement quelque chose par le moyen de quelque deux fois… il faut que j’aie une paille dans l’œil ! », P. DE KOCK, Le Pompier et l’Écaillère, 1837 petit éclat de lumière » (FUR.) ■ m. e XIX carreau (de vitre) monocle « M. Toupard, cinquante-deux ans, petite veste anglaise, chapeau capsule, un carreau dans l’œil », Mémoires d’une dame du monde , 1860 • œil de verre lorgnon « Ces mirliflors aux escarpins vernis, aux yeux de verre », FESTEAU ◪ 1844 quatre yeux yeux doublés de lunettes « Voyez donc ce grand escogriffe avec ses quatre-s’yeux », Catéchisme poissard, 1844 STRABISME louche, bigle e ■ m. XVII 1640 vendre des guignes en tout temps « estre lousches, par allusion de guigner » e (OUD.) ■ d. XIX châsses à l’estorgue « yeux louches (VIDOCQ). Du vieux mot estor : duel, conflit. Des e yeux louches, comme on dit dans le peuple, “se battent en duel” » (LARCH.) ■ m. XIX 1842 regarder en Picardie pour voir si la Champagne brûle « nous disons aussi : “Tourner un œil en Normandie et l’autre en Picardie” » (QUIT.) ◪ 1867 boiter des châsses « être affecté de strabisme » (DELV.) • châsses d’occase « yeux louches. Mot à mot : yeux mal assortis, achetés “d’occasion” » (LARCH.) e e ■ f. XIX 1872 se battre en duel ◪ 1878 avoir un œil qui dit merde à l’autre ■ d. XX avoir les yeux e qui se croisent les bras ■ m. XX avoir une coquetterie dans l’œil avoir un léger strabisme, presque imperceptible BORGNE e e ■ XVI qui n’a qu’un œil bien le garde ■ m. XIX 1867 boiter des châsses « être borgne » (DELV.) e ■ f. XIX 1872 tape à l’œil « borgne. Il ferme ou tape un œil » (LARCH.) AVEUGLE cécité, non-voyant e ■ d. XVII 1612 aveugle comme une taupe « je devins muet comme une carpe, aveugle comme une taupe », e Voyage de M. Guillaume en l’autre monde…, 1612 ■ m. XVII 1640 être de la confrérie des Quinze-Vingts • il a joué son luminaire « il ne voit goutte. Le vulgaire le dit plus salement » (OUD.) • ne voir goutte e ne voir point ■ f. XVII 1690 avoir usé (perdu) son luminaire « avoir perdu la vue par excès d’étude e ou de débauche » (FUR.) ■ m. XIX 1842 borgne de Provence e ■ m. XIX 1842 au pays des aveugles les borgnes sont rois ACTIVITÉS CORPORELLES GESTUELLE Gestes Postures Grimaces Démarche MARCHER Déambuler Flâner S’égarer Courir TOMBER FUIR Poursuivre PARTIR ARRIVER FAIM Pénurie Jeûne, privation LA TABLE Les repas Les ingrédients LES METS Soupe Sucre La cuisine Le couvert Viande Pain Fromage Pâtisserie MANGER RIPAILLE Manger vite Être repu Gloutonnerie Le goinfre Gourmandise SOIF BOIRE Boire quelque chose Boire en société Les boissons IVROGNERIE IVRESSE Les ivrognes Se saouler Être ivre Gueule de bois VOMIR CRACHER Postillonner CHIER Colique Constipation La merde PISSER PÉTER ROTER PUER Mauvaise haleine CHAUD Suer AVOIR FROID Se chauffer DROGUES Fumer DORMIR Ronfler Avoir sommeil Se coucher Se lever Les couches Insomnies GESTUELLE gesticulation, pantomime, contorsion, hochement e e ■ d. XVII remuer le panier aux crottes danser ■ m. XVII 1640 faire lever le cul « faire sortir une personne de son lict, ou de dessus sa chaire » (OUD.) • remuer le pot aux crottes « dancer, remuer les fesses » (OUD.) • remuer le sac à bran danser • à cul nu le cul contre terre • faire lever le siège « par métaphore, faire sortir ou lever une personne de sa place, ou de dessus son siège » (OUD.) • à la rangette l’un après l’autre. « On ne le dit guère que des écoliers à qui on donne le e fouet à la rangette quand ils ont tous failli » (FUR.) • hausser le cul se lever ■ f. XVII 1690 sauter comme un crapaud pas bien • à la queue leu leu « les enfants ont un jeu qui s’appelle à la queue leu leu quand ils se tiennent l’un l’autre par la robe en marchant. Leu signifiait autrefois loup, comme s’ils imitaient les loups, qui marchent ainsi à la suite l’un de l’autre » (FUR.) • aller queue à queue comme les loups « s’entresuivre, arriver l’un après l’autre ; à la file, à la suite l’un de l’autre. Il est venu demi-douzaine de personnes queue à queue me demander à dîner : l’un après e l’autre » (FUR.) ■ d. XIX saut de carpe rétablissement sur les pieds à partir de la position couchée « D’un coup de reins, que les spécialistes appellent saut de carpe, il fut debout », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 e ■ m. XIX à la file indienne « D’autres se casent tous les jours, tant bien que mal, aux frais des contribuables. Ils arrivent en file indienne, nombreux et avides, pareils aux animaux sortant de l’arche de Noé », G. DARIEN, L’Épaulette, 1900 ◪ 1867 faire cabriolet « se traîner sur le cul, comme les chiens lorsqu’ils veulent se torcher » (DELV.) • e astiquer ses flûtes danser • tomber en frime se rencontrer nez à nez avec quelqu’un ■ f. XIX monter en chandelle à la verticale • sauter comme un cabri ◪ 1881 cavalier seul « danse plus ou moins échevelée qu’on exécute seul, dans un quadrille, en face des trois autres personnes qui complètent la figure » (DICT. LANGUE VERTE) « Peu à peu, elle se laissa aller à exécuter un étourdissant cavalier seul », La Vie parisienne, 1881 ◪ 1894 aller en chaîne d’oignons « aller à la suite les uns des autres, comme les e canes qui vont en champ » (LYON) ■ m. XX prendre en écharpe par le côté, en travers e ■ m. XVII 1640 sisez vous sont sept « allusion de six et vous à sisez, vulgaire, au lieu de dire, seez ou asseez vous » (OUD.) • il est aujourd’hui Saint-Lambert, qui sort de sa place il la perd « cela se dit en se mettant à la place d’un qui se lève de dessus sa chaire » (OUD.) • tournez de peur qu’il ne brûle « tournez vous vistement, raillerie vulgaire » (OUD.) • haut le gigot haussez la e jambe ■ d. XIX monter à poil(s) sans selle « L’âne est grand et fort ; il n’a point de selle ; le nouveau propriétaire e est obligé de le monter à poil », P. DE KOCK, La Maison blanche, 1828 ■ m. XIX tirer sa coupe nager « Rodolphe, qui nageait comme une truite […], se prit à tirer sa coupe avec toute la pureté imaginable », T. GAUTIER GESTES mouvements e ■ m. XVI prendre son escousse « reculer de quelques pas en arrière pour sauter plus loin en avant » (DELV.). Escousse : élan « Il se reculla ung bien peu en arrière et print son escousse si bien qu’il saulta tout e e oultre la mer à joinctz piedz », Les Chroniques gargantuines, v. 1535 ■ f. XVI faire hon hocher la tête ■ XVII e hausser les épaules on a dit précédemment haulser l’espaulle a mode de Lombars (XIV ) puis hausser les épaules à l’italienne (1587) – il semble donc que ce geste d’impatience ou d’orgueil soit venu d’Italie « LA MARIÉE : Mais comment s’fait-il donc qu’il y avoit tant de monde là autour de son confessional ? – LA MÈRE DUCHESNE (en haussant les épaules) : Et tu t’laisse attrapper comm’ les autres, par c’te mille gueuse d’hypocrisie là ! », Grand e ■ m. XVII 1640 faire le cul de poule « joindre toutes les pointes des doigts ensemble en fermant la main » (OUD.) • cacher les saints « couvrir sa gorge ou ses tétons, qui se dit des filles » (OUD.) • tirer saint Martin par l’épaule ôter le manteau • sommes-nous en carême pour cacher les saints « cela se dit des filles qui cachent leurs gorges » (OUD.) • il a fait quelque faux serment « cela se dit lors que la main tremble à une personne et principalement en tenant un verre » (OUD.) • donner (pousser) du coude avertir une personne • quitter le manteau « le mettre bas, l’oster de dessus ses espaules » (OUD.) • renverser la médaille montrer le derrière e • emboucher une trompette la mettre à la bouche pour sonner ■ f. XVII hocher la tête « d’un mouvement de tête qu’on lève en haut et dédaigneusement, pour montrer qu’on ne se soucie guère de quelqu’un. On a beau lui donner de sages instructions, il n’en fait que hocher la tête » e (FUR.) ■ f. XVIII étendre ses gigots « étendre ses jambes, les allonger d’une manière peu décente » e (DHAUTEL) ■ m. XIX 1867 coquer la camouffle présenter la chandelle • décrocher ses tableaux « opérer des fouilles dans ses propres narines et en extraire les mucosités sèches qui peuvent s’y e trouver » (DELV.) ■ f. XIX 1881 tailler une basane geste obscène de dérision, par allusion à la basane des fonds de culotte. « En faisant le geste de se taper la cuisse vers l’aine » (ESNAULT) « “C’est Jugement de la mère Duchesne, 1792 pas d’aujourd’hui qu’t’es cocu ;/gn’y a qu’maint’nant qu’tu t’en aperçois,/ben… c’est arrivé à des Rois,/et pis j’t’emmerde et ◪ 1894 faire cinq sous « une bonne mère : “Allons, petit cayon, essuie le raisiné de ta menotte et fais cinq sous à la dame !”, c’est-à-dire touche-lui la main. Curieuse locution qui doit avoir quelque lien de parenté avec la légende du Juif-Errant, qui en donnant cinq sous donnait tout ce qu’il possédait » (LYON) e e ■ d. XX opiner du bonnet faire « oui » de la tête ; par extension du sens ancien ■ m. XX faire un bras d’honneur « MARIE-ANGE : Ma mort je l’emmerde ! – PIERROT : Je lui fais un bras d’honneur ! – JEAN-CLAUDE : Tiens ! pis… touch’-moi !” Et là d’ssus, a m’taille eun’basane ! », J. RICTUS, Le Cœur populaire, v. 1900 salope ! carre-toi ça dans l’oignon ! », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 e ■ m. XVII 1640 ne tirez rien, je payerai pour vous « cela se dit à un homme qui a la main dans e ses chausses, et se gratte » (OUD.) ■ f. XVII 1690 mettre pavillon bas « à table quand on ôte son chapeau pour boire à la santé d’une personne qu’on estime et révère, comme celle du roi, d’une maîtresse » (FUR.) • l’amour passe le gant « lorsqu’on touche la main de quelqu’un à l’improviste, sans qu’il ait le loisir de la présenter nue » (FUR.) • faire la patte de velours chat qui met ses griffes e en dedans ■ XIX à la ronde, mon père en aura « dicton dont on se sert quand on fait passer e quelque chose de main en main » (QUIT.) ■ m. XIX 1842 moucher la chandelle comme le diable sa mère c’est en arracher la mèche en voulant la moucher ◪ 1867 se pousser du col « se faire valoir, passer la main sous le menton, près du col, en renversant la tête, est un geste présomptueux » (LARCH.) POSTURES attitudes, positions e e ■ f. XII rester comme une souche immobile ■ XVI en croupe derrière quelqu’un, sur un cheval • gueule bée la bouche ouverte (os apertum, in NICOT). S’est employé pour les personnes et e les choses jusqu’au milieu du XIX siècle ; cf. « bée ; il ne s’emploie qu’avec gueule : tonneau e à gueule bée, ouvert, défoncé par un bout » (N. LANDAIS, 1836) • de pied coi sans bouger ■ d. XVII e 1640 faire le panier à deux anses se promener avec une femme à chaque bras ■ m. XVII 1640 se mettre à son séant « s’asseoir sur le lict » (OUD.) • le ventre au soleil qui ne bouge d’une place • faire le pot à deux anses « mettre ses mains sur ses costez en signe de gloire, ou de colère » e (OUD.) ; au XVI siècle, l’expression signifie simplement « mettre les mains sur les hanches » • couché le ventre en haut à l’envers • faire le cul de plomb être toujours assis • porter à la vache (chèvre) morte « lorsqu’on le porte sur son dos, et qu’on tient ses mains par le devant ; jeu d’enfant : quand on tient quelqu’un sur son dos avec la tête pendante en bas » (FUR.) • les armoiries de Bourges, un âne dans une chaire « cela se dit quand on voit un maraud ou lourdaut assis » (OUD.) ◪ 1643 ne bouger ni pied ni patte être immobile ◪ 1668 droit comme un piquet e tout droit ■ f. XVII 1690 être là planté comme une quille « homme qu’on voit sur les pieds tout droit, et qui ne bouge » (FUR.) • droit comme un échalas « se tenir droit avec une affectation extraordinaire ; pour marquer une grande affectation de se tenir droit, ou d’orgueil ou de gravité » (FUR.) • droit comme un cierge idem • mettre la main sur les rognons « sur les côtés ; ce qui se fait par les gens du peuple qui se querellent ou menacent » (FUR.) • branler comme la Bastille « un homme qui ne bouge pas quand on lui commande quelque chose ; on le dit aussi des choses qui e sont fermes et inébranlables » (FUR.) ■ XVIII avoir le cul bouché d’un banc être assis « Tel en chemin a chanté pouille,/Qui rendu là dès qu’il grenouille,/Qu’il a le cul bouché d’un banc/Change aussitôt du noir au blanc », Les Porcherons, 1773 • planté droit comme de bouture immobile « Plantés droit comme de bouture,/Ils laissent finir la mesure,/Après laquelle tous les pas/Se marquent des pieds et des bras », Les Porcherons, 1773 d’une chaise s’asseoir • se boucher le cul « c’est elle-même qui m’a dit qu’on l’y avoit z’une fois baillé vingt-quatre sous, pour aller là e ■ f. XVIII se mettre en rang d’oignons se placer les uns derrière les autres • faire la planche se tenir à plat sur le dos sans bouger, en natation « Parce qu’il est cassé par-ci, par-là… et à la nage donc, moi : tel que vous me voyez, je e nage comme le poisson dans l’eau ; je vais à brasse, je fais la planche ; ah ! je suis fort », DESFORGES, Le Sourd, 1790 ■ XIX s’boucher l’cul d’une chaise à c’te chapelle de Notre-Dame », Grand Jugement de la mère Duchesne, 1792 tomber en arrêt s’immobiliser • à la turque accroupi « Gibot, petit homme rabougri, devenu presque olivâtre à force de rester toujours assis, à la turque, sur une table élevée à la hauteur de la croisée grillagée qui voyait sur la rue, gagnait à son métier environ quarante sous par jour », BALZAC, Le Cousin Pons, 1847 • les bras ballants vides, se balançant le long du corps • cloué sur place immobile, à cause d’une émotion forte : peur, stupeur, etc. « Le modeste serviteur de l’ordre public demeurait cloué sur place, en proie à la plus vive e humiliation de sa carrière », A. ALLAIS, L’Affaire Blaireau, 1899 ■ d. XIX 1820 tête-bêche couchés en sens inverse e l’un de l’autre ■ m. XIX en chiens de faïence face à face, « aussi raide et immobile qu’un de ces chiens de faïence employés jadis pour décorer les portes et les perrons » (LARCH.) « nous nous arrêtons une fois, deux fois, trois fois, pour nous reposer sur le talus de la route, Daudet d’un côté et moi de l’autre, – en chiens de ◪ 1842 se coucher en chien de fusil « rassembler ses membres, se tenir tout pelotonné dans son lit à cause du froid » (QUIT.) • faire la grue regarder en faïence », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 l’air ◪ 1867 faire le lézard « s’étendre au soleil et y dormir ou y rêver » (DELV.) • pincer de la harpe e se mettre à la fenêtre • s’asseoir sur le bouchon par terre ■ f. XIX bouche bée euphémisme tardif (vers 1880) et d’abord littéraire de gueule bée, la bouche grande ouverte « Mais la gargouille étend l’index et montre, dans le box des prévenus, Ouf, le vieux relégable, qui, le cou sur un bat-flanc, s’est endormi, bouche bée », R. BENJAMIN, Le Palais, 1914 • lézarder au soleil s’étendre par terre, au soleil « Dès qu’il avait gagné une pièce de trente sous à rentrer du bois ou à porter les colis du roulage, il plantait là sa besogne pour courir les bouchons du faubourg et lézarder au soleil’, A. THEURIET, Les Enchantements de la forêt, 1881 ◪ 1872 poser sa chique et faire le e mort rester muet et immobile ■ f. XX poser un cul s’asseoir ; même s’il s’agit toujours de son propre postérieur, on pose un cul, pas son cul e ■ XVI avoir les coudées franches « être au large, avoir liberté de bastir, de s’étendre, de se promener, de tout faire sans être gêné ni repris de personne ; on le dit surtout des libertés qu’on e prend à la table, quand on a les coudes sur la table et qu’on y est assis au large » (FUR.) ■ m. XVI e que personne ne bouge pour interdire, plaisamment ou non, tout mouvement ■ XVII faire le pied e de grue « courtisan qui doit se tenir toujours debout » (FUR.) ■ f. XVII 1690 être tout en un fagot « homme accroupi, ramassé en rond et qui tient peu de place, comme s’il était lié à la manière e d’un fagot » (FUR.) ■ d. XX le petit oiseau va sortir ! ne bougez plus ! GRIMACES mimiques, singeries, baboue e ■ XIII faire la figue à quelqu’un « c’est lui montrer le pouce placé entre le doigt du milieu et e l’index, pour lui faire nargue » (QUIT.) ■ XIV faire la nique « moquerie, mépris qu’on fait de quelqu’un par quelque geste qui en porte témoignage et particulièrement en haussant et secouant le menton » (FUR.) « Comme des moineaux,/Les jeunes marmots,/Sans une réplique,/Prenant leur essor/Et riant bien fort,/De loin font la nique », A. TREBITSCH, La Neige, 1910 e ■ XV faire la moue « Et quant vous verrez alumer la sieuye dedens voz chemineez, faittes lui la moe et pour aussi vray que euvangile, elle s’estaindera acop », Les Évangiles des e ■ XVI faire les cornes à quelqu’un • payer en monnaie de singe « c’est à dire en e gambades et en bouffonneries » (FUR.) ■ XVII faire un pied de nez « Et quand ils sont enchaînés,/Vous leur e faites un pied de nez », SCARRON, in LITTRÉ ■ m. XVII tirer la langue ◪ 1640 tourner les yeux à la tête les renverser • il remue les babines comme un singe qui cherche des poux « il bransle les lèvres » e (OUD.) ■ f. XVII 1690 c’est un vrai singe « quand on affecte de contrefaire quelqu’un, d’imiter ses actions, ses discours, son style. Il y a eu bien des auteurs de notre temps qui ont été les singes de Balsac, qui ont imité ses figures outrées » (FUR.) • il fait la mine de saint Médard « vieux proverbe, par corruption, au lieu de dire “comme ces médailles”, que les dessinateurs font souvent grimacer » (FUR.) • faire le cul de poule « d’une bouche dont les lèvres avancent trop » (FUR.), e « faire la moue en avançant les lèvres et en les pressant » (DELV.) ■ m. XIX 1867 rondiner des yeux faire les yeux ronds • faire l’œil de carpe « rouler les yeux de façon à n’en montrer que le blanc, – dans l’argot des petites dames, qui croient ainsi donner fort à penser aux hommes » (DELV.) quenouilles, v. 1470 DÉMARCHE pas, port e ■ XV à cloche-pied en sautant sur une seule jambe « Je ne vois rien de bien étonnant à courir comme ces e paysans ; moi, je fais six lieues à cloche-pied ! c’est autre chose que ça ! », P. DE KOCK, La Maison blanche, 1828 ■ d. XVII 1624 à pas de loup furtivement, sans faire de bruit – ce qui exige une démarche particulièrement prudente et calculée « Mais j’entrevoy quelqu’homme d’Église qui s’approche du logis de ceans à pas de Loup, ce qui ne e peut estre sans dessein. Écoutons le parler », Les Ramoneurs, 1624 ■ m. XVII 1640 faire la roue comme un paon « se desmarcher superbement » (OUD.) • elle a le port d’un ange « elle se desmarche de bonne grâce » (OUD.) • elle passerait sur des œufs sans les casser elle marche fort légèrement • tortiller des fesses « aller en branslant les fesses » (OUD.) • il se carre comme un pou sur un tignon « il se desmarche superbement » (OUD.) • il se carre comme un pourceau de trois blancs « il fait le seigneur, et se desmarche superbement » (OUD.) • tout ce côté-là est à elle « c’est pour se railler d’une boiteuse qui penche ou boite d’un costé » (OUD.) • porter bien son bois « marcher avec grâce, se desmarcher bien » (OUD.) • marcher à l’espagnole gravement • aller en pas de larron doucement, sans bruit • pas d’abbé grave • avoir un échalas fiché au derrière se tenir ou e marcher fort droit ■ f. XVII marcher des épaules « marcher pesamment en balançant les épaules et en se donnant un air d’importance » (LITTRÉ) « Vous voyez des gens qui entrent sans saluer que légèrement, qui marchent des épaules et qui se rengorgent comme une femme », LA BRUYÈRE, 1688, in LITTRÉ • tortiller du cul « il y a des coquettes qui tortillent du cul en marchant, qui ont une démarche affectée » (FUR.) ◪ 1690 aller doux comme un preneur de taupes marcher sans bruit • cheval de carrosse « celui qui marche grossièrement et en pieds plats » (FUR.) • marcher sur des œufs marcher avec infiniment de prudence, sur la pointe des pieds – s’emploie aussi au sens figuré pour « avancer très lentement et e prudemment dans une affaire délicate » ■ XVIII en zigzag le mot zig zag est attesté en 1662 « Les e ■ d. XVIII tortiller du cul boiter e ■ m. XIX faire du (pincer un) feston « avoir une démarche que l’ivresse accidente comme des festons de broderie » (LARCH.) « Nous nous cavalons, moi et Dodore, en pinçant un feston un peu fiscal », MONSELET • avoir un port de reine fort élégant ; marcher en se tenant très droite « elles marchent cambrées, le poing jambes en zig zag, c’est-à-dire, comme un Z », Le Goûté des Porcherons, 1749 sur la hanche, ça leur donne un port de reine, ainsi qu’aime à dire l’explorateur poète en parlant des négresses qui se coltinent sur le chignon sa baignoire, sa table de bridge, son whisky, son canon de campagne et ses caisses de munitions », CAVANNA, Les 1867 battre le briquet cogner les jambes l’une contre l’autre en marchant • loucher e de la jambe boiter • redresser le coco porter la tête haute ■ d. XX traîner la patte • avoir avalé son parapluie avoir une allure raide et compassée • tirer la jambe « Il traça quelques signes en l’air, grogna des mots baroques, s’en alla, tirant la jambe et balançant les coudes », RACHILDE, La Tour d’amour, 1916 • tortiller du croupion se dit d’une démarche sexuellement provocante chez une femme • marcher en crabe se déplacer de travers • marcher en canard les jambes relativement écartées, les pieds en dehors Russkoffs, 1979 ◪ MARCHER cheminer, trotter, trottiner, arquer e e e ■ d. XVI aller du pied marcher vite ■ m. XVI doubler le pas idem ■ d. XVII 1611 aller (avancer, e marcher) comme les écrevisses reculer ; au XVIII siècle, se dit aussi figurément, cf. « La grande colère du père Duchesne de voir dans la Convention une bougre de clique qui veut la faire marcher comme les écrevisses », HÉBERT, 1792 ■ m. XVII e 1640 déferrer l’âne aller à pied • battre la semelle « marcher à pied » (OUD.) • je ne puis hai « je ne sçaurois marcher ou advancer » (OUD.) • aller sur la haquenée des cordeliers marcher à pied • il a été en ce lieu-là il est allé • bander l’ergot marcher vite • marcher à quatre pattes « aller les mains en terre » (OUD.) • aller à beaux pieds sans lance • rebrousser chemin e retourner en arrière • aller du pied comme un chat maigre cheminer fort bien ■ f. XVII 1690 ne faire qu’aller et venir « ne point se tenir en repos, marcher toujours » (FUR.) • avoir des œufs de fourmi sous les pieds « ne pouvoir demeurer en place, avoir grande envie de marcher » (FUR.) e ■ d. XIX 1808 donner un coup de pied « marcher vivement » (DHAUTEL, 1808), « aller jusqu’à un e endroit déterminé » (LARCH.) ■ m. XIX battre l’antif « marcher. Mot à mot : battre le grand chemin. Antif est un vieux mot qui signifie antique, et se rencontre souvent dans les textes du moyen âge uni à celui de chemin. Un chemin antif était un chemin ancien, c’est-à-dire frayé » (LARCH.) ; on dit aussi battre l’antifle ◪ 1842 porter les bouteilles « c’est-à-dire marcher lentement, comme un homme qui porte des bouteilles marche dans la crainte de les casser » (QUIT.) ◪ 1866 ouvrir le compas marcher à grandes enjambées « en route, à la campagne, j’ouvre le compas tout comme un autre, je juiferrantise avec enthousiasme », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 ◪ 1867 affûter ses pincettes « courir, ou seulement marcher. Argot des faubouriens » (DELV.) • à pattes pédestrement • piler du poivre « avoir des ampoules et marcher sur la pointe des pieds, par suite d’une trop longue marche » (DELV.) • tirer sa longe « marcher avec difficulté, par fatigue ou par vieillesse » (DELV.) • e allonger le compas précipiter sa marche ■ f. XIX tricoter des paturons « Seul’ment ces cris-là m’fout’nt la trouille ;/Ça m’occasionn’ des idées noires,/Et me v’là r’parti en vadrouille/A r’tricoter des paturons », J. RICTUS, Les Soliloques 1894 prendre la voiture des frères Talon e ■ m. XVII 1640 l’ambassade de Biaronne, trois cents chevaux et une mule « quatre personnes à pied. Il y a une allusion de cens à sans, trois sans chevaux et une femme » (OUD.) • il va l’amble comme une truie qui court aux vignes « il chemine de mauvaise grâce » (OUD.) • il n’y e a plus que hai « il n’y a plus que fort peu de chemin » (OUD.) ■ f. XVII 1690 aller à pied comme un Basque « marcher vite et longtemps ; parce que les gens de Biscaye sont en réputation pour cela » (FUR.) • faire une jambe de vin « quand ceux qui vont à pied prennent du vin pour acquérir de nouvelles forces » (FUR.) • on irait en pantoufle « en quelque lieu, pour exagérer la beauté du e chemin ou la commodité qu’il y a pour y aller » (FUR.) ■ d. XIX sentir les coudes à gauche « marcher avec ensemble, comme les hommes d’un peloton en sentant les coudes du voisin afin de se maintenir sur la ligne du guide. Dans une caricature de juillet 1830, Levasseur fait dire à deux combattants : “Que sentiez-vous en voyant tomber vos camarades à côté de vous ? – C’que e j’sentais !… les coudes à gauche” » (LARCH.) ■ f. XIX 1894 brûler le cul à quelqu’un « trope vulgaire, mais vif, pour indiquer qu’on l’a dépassé à la marche » (LYON) du pauvre, 1897 ◪ DÉAMBULER errer, arpenter, vadrouiller e e ■ XII tirer sa voie ■ XV tirer son chemin « Le prieur, de loing le voyant venir, cogneut tantost son cas par les e demarches lourdes et malseures qu’il faisoit tirant son chemin », Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 ■ d. XVII 1606 battre l’estrade estrade au vieux sens de « route » – mot occitan • battre le pavé « marcher sans cesse e dans une ville où on est sans occupation » (FUR.) ■ m. XVII 1640 tenir un chemin le suivre • tirer vers un lieu s’acheminer • courir les champs aller par la campagne • tirer de longue « advancer chemin » (OUD.) • courir le pays voir le monde • à travers champs sans suivre de chemin particulier • aller à Saint-Bezet trotter continuellement • passer chemin « advancer son voyage » e e e (OUD.) ■ d. XVIII faire la navette ■ m. XVIII 1750 battre la calabre ■ XIX faire un brin de conduite e à quelqu’un l’accompagner sur une partie de son trajet ■ d. XIX rouler sa bosse vagabonder, voyager « j’ai été trimballé d’une colonie à l’autre ; j’ai roulé ma bosse partout, je n’en ai pas amassé davantage », VIDOCQ, Mémoires, 1828 • brûler le pavé « aller très vite à cheval ou en voiture » (L ITTRÉ) « le pétitionnaire, qui ne brûle plus le pavé en cabriolet, et qui, au contraire, s’en va nonchalamment les mains derrière le dos, le pétitionnaire, dis-je, jette enfin les yeux sur cette multitude d’affiches qui couvrent les murs de la capitale », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ m. 1842 aller par quatre chemins aller sans savoir où l’on va, sans avoir un but fixe ■ f. fouler (polir) le bitume aller et venir sur le trottoir XIX e e XIX 1872 ■ m. XVII e 1640 rapporter les cloches d’un lieu « venir avec des vescies [des ampoules] aux e pieds pour avoir trop cheminé » (OUD.) ■ f. XVII 1690 faire ses quinze tours « personne qui fait plusieurs allées et venues inutiles dans la maison » (FUR.) • courir les quatre coins et le milieu de la ville « on a fait bien du chemin pour quelque affaire ou perquisition » (FUR.) FLÂNER se promener, se balader e e ■ m. XVI prendre le frais ■ m. XVII 1640 courir la prétentaine « courir de costé et d’autre ; se pourmener » (OUD.) • un tour de promenade « une petite pourmenade » (OUD.) • traîner çà et là e « aller de costé et d’autre » (OUD.) • un petit tour « une petite pourmenade » (OUD.) ■ d. XIX le e nez en l’air se promener en prenant le temps de regarder ce qu’il y a autour de soi ■ m. XIX 1867 se balader « nous étions partis pour un voyage au long cours, dans la Polynésie boréale et nous nous balladions des Palaos aux Carolines et de ces dernières aux Mariannes pour rafler tout le coprah que nous pouvions trouver chez les naturels, avant que les Allemands ne soient venus nous faire la pige », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 • traîner ses guêtres aller quelque part, se promener • faire une balade, se payer une balade, être en balade • battre sa flemme • porter sa scie « se promener avec sa femme au bras » (DELV.) • traîner sa savate e quelque part ■ f. XIX faire son persil se montrer • être en vadrouille de « vadrouiller, courir les rues à l’aventure (pop., Paris, 1890) » et « faire la noce, traîner les cabarets en ville (pop., Paris, e 1881) » (ESNAULT). Peut-être « fatrouiller, flâner (1606) » a-t-il influencé le sens ■ m. XX faire du lèche-vitrine e ■ f. XVII 1690 prendre la bisque « quitter son travail ordinaire pour se promener, se divertir et surtout quand on le fait rarement » (FUR.) S’ÉGARER se perdre e ■ m. XVII 1640 se perdre dans une foule • il est sur le four de Vanves « en un lieu inconneu, e ou esgaré » (OUD.) • se perdre dans les rues ■ m. XVIII 1761 perdre la carte s’égarer, ne plus savoir où l’on se trouve « Le Chevalier se voyant pris, se débarrassa adroitement du panier, et le campa sur la tête du Président, qui plus mal adroit, ne pût s’en dépêtrer. Il perdit la carte, et au lieu de rentrer dans l’apartement, il enfila la porte, e ■ f. XIX 1895 être paumé « paumer, perdre, spécialement perdre au jeu (1835) » (ESNAULT). Être paumé, être perdu, physiquement ou moralement « en face de moi un grand blondin frisé monté en graine, paumé comme et culbuta du haut en bas l’escalier en faisant des cris affreux », DESBOULMIERS, Honny soit qui mal y pense, 1761 un veau arraché à sa mère, effaré, triste à crever », CAVANNA, Les Russkoffs, 1979 ■ m. (OUD.) XVII e 1640 il est devenu chauve-souris « il s’est perdu, il s’est esvanouy, il a disparu » COURIR galoper, cavaler, droper, foncer, tracer, trisser e e ■ d. XVI aller comme un chat maigre ■ f. XVI courir à bride abattue, à bride avalée, à toute e bride « courir vite, non seulement des chevaux, mais même des hommes » (FUR.) ■ d. XVII fendre e le vent courir vite ■ m. XVII 1640 courir comme un verrier déchargé fort vite • escarpiner courir e vite • prendre ses jambes à son cou ■ f. XVII 1690 courir par monts et par vaux « en toutes sortes de lieux hauts et bas » (FUR.) • aller vite comme la foudre « courir et se mouvoir avec e grande impétuosité » (FUR.) • courir comme un Basque ■ d. XIX courir comme un lapin très vite • courir comme un dératé on a longtemps cru qu’un homme à qui on avait enlevé la rate courait e plus vite ■ m. XIX 1842 courir comme un râle « le râle est un oiseau de rivage, de l’ordre des échassiers et de la famille des macrodactyles. Il court avec une très grande vitesse » (QUIT.) ◪ 1846 se déguiser en cerf courir très vite ◪ 1867 se payer une cavale • tirer sa crampe • tricoter des jambes « Et je me disais que la folie des parades militaires était peut-être dans les veines françaises, et que, toujours, les gamins à barbe tricoteraient des jambes derrière les tapins tricotant des baguettes sur le ventre de leurs tambours ! », J. VALLÈS, Le Tableau de Paris, 1882 e ■ m. XVII 1640 fils de putain qui sera le dernier « nos enfans disent cecy en courant l’un devant l’autre » (OUD.) • trotter comme pois en pot « viste, et au large » (OUD.) TOMBER choir, basculer, culbuter, chuter, dinguer, valdinguer, s’étaler‚ s’affaler, s’écrouler e ■ m. XVII tomber les quatre fers en l’air ◪ 1640 il est bas de devant il tombe facilement sur le nez • cul par-dessus tête renversé • tomber le cul en haut « la teste embas et les jambes levées » (OUD.) • avoir tout couché • danser par terre • tomber de son haut de la hauteur que l’on est • mettre la main à l’héritage « mettre la main à terre pour s’empêcher de tomber tout à fait » (FUR.) • faire un parterre • faire le saut • faire un beau saut • mettre la tête où l’on a les pieds renverser par terre • aller à Versailles « se renverser. Item, estre renversé » (OUD.) • mettre de l’eau dans ses souliers par le collet de sa chemise tomber dans la rivière • mettre le cul en haut e renverser une personne • saut de crapaud par terre • donner du nez en terre ■ f. XVII 1690 s’être laissé répandre être mort, ou tombé • être étendu comme un veau être couché de tout son long • se rompre le cou « choir, se blesser, bien que ce soit en toute autre partie que le cou » e (FUR.) ■ d. XVIII faire pouf « pouf, terme indéclinable et populaire, qui sert à exprimer le bruit que e fait un corps en tombant » (TRÉVOUX) ■ m. XIX se casser la gueule « OSCAR (il tire une allumette) : Je frotte une souffrante pour pas casser vos objets d’art, ou ma gueule. – ESCALDAS (prenant la lampe) : Je vous éclaire », D. LESUEUR, Le 1838 prendre un billet de parterre ce jeu de mots sur le parterre du théâtre et le sol a bien pu naître dans l’argot des coulisses, comme semble l’indiquer cette attestation Masque d’amour, 1905 ◪ relevée par P. ENCKELL : « BLOQUET, trébuchant : Hein ? Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qui m’a passé entre les jambes ? […] un peu plus je prenais un billet de parterre, sans droits », COGNIARD FRÈRES et MURET, Les Coulisses, 1838 « Le bruit de la chute d’un corps lourd, tombé sur le carreau de la salle à manger, retentit dans le vaste espace de l’escalier. “Ah ! mon Dieu ! cria la Cibot, qué qu’il arrive ? Il me semble que c’est monsieur qui vient de ◪ 1867 avoir une discussion avec des pavés « tomber sur les pavés et s’y égratigner le visage, soit en état d’ivresse, soit par accident, – dans l’argot des ouvriers, qui ont de ces discussions presque tous les lundis, en revenant de la barrière » (DELV.) • tomber pile choir sur le dos • casser le verre de sa montre tomber sur le e derrière ■ f. XIX ramasser une (la) pelle « À l’entrée du parc, sur l’injonction d’un soldat de faction, je voulus prendre un billet de parterre !” », BALZAC, Le Cousin Pons, 1847 m’arrêter, je dérapai et il m’arriva de piquer une tête et de me fouler vigoureusement le poignet […] Survint un autre soldat qui démentit la consigne du premier. Mais il était trop tard. J’avais ramassé la pelle et mon poignet me fit mal pendant trois mois 1877 ramasser un gadin d’étymologie obscure, le gadin désigne soit un chapeau (1866), soit un bouchon, ou plus vraisemblablement un caillou. L’expression est formée sur la plaisanterie populaire : ramasser quelque chose à terre pour dire « tomber » – e laquelle était déjà en usage au XVIII siècle. Cf. « [Françoise] arrache un pied de la table,/Qui d’un bout tombant en sursaut/Va chercher à terre un tréteau » (VADÉ, 1755) ◪ 1882 ramasser une gamelle ◪ 1895 ramasser une bûche « Il arrive que l’on trébuche/En remontant son escalier,/Souvent même on après », J. RICTUS, Journal, 10 avril 1899 ◪ e ramasse un’ bûche/À plat ventre sur le palier », BELLOCHE et JOULLOT, Zig zag marche, 1904 ■ m. XX se faire des nœuds s’emmêler les jambes et tomber • faire un soleil tomber en faisant un tour sur soi-même, jambes par-dessus tête, particulièrement en cyclisme lorsqu’on passe par-dessus le guidon. Extension de faire le soleil à la barre fixe, des tours complets en se tenant par les mains • s’emmêler les e pinceaux faire une chute en se cognant les pieds ■ f. XX se rétamer la gueule « Y s’est emmêlé les guiboles/Et s’est vautré dans la ch’minée/S’est rétamé la gueule par terre/Sur ma belle moquette en parpaing/Y avait d’la suie et des molaires/Le Père Noël est un crétin », RENAUD, Le Père Noël noir, 1981 • se ramasser • se viander « Les autres m’ont reluqué, l’air si j’allais ou non me viander et me faire des nœuds avec les quilles et tout ça et je me fendais et en fait c’est en me fendant que je me suis ramassé par terre », A. CAHEN, Zig-Zag, 1976 e ■ f. XVI la tête emporte le cul quand on tombe la tête la première « mais il s’avança tant que la teste emporta le cul, si que, ne se pouvant retenir à la paille, il tomba tant lourdement sur eux qu’il se rompit presque une jambe », e ■ m. XVII 1640 il y en a encore assez pour vous « c’est ce que dit un homme qui tombe, à celuy qui se rit de sa chute » (OUD.) • un cuius « c’est un équivoque à cul ius. Cul bas, un homme tombé sur son cul, ou une femme renversée » (OUD.) • il a pêché « cela se dit quand quelqu’un met le pied dans un trou plein d’eau » (OUD.) • il n’a rien mangé depuis qu’il est levé « cela se dit, après qu’un homme qui est tombé s’est relevé » (OUD.) • soufflez la chandelle « raillerie vulgaire dont on use lors que quelqu’un est tombé par terre ; le reste dit, Monsieur est couché » (OUD.) • il a gagné un double, il a étendu la peau d’un veau « cela se dit lors qu’une personne s’estend » (OUD.) • il y a un ménétrier enterré là-dessous, il a fait sauter un beau lourdaud cela se dit quand une personne tombe • saut de Breton croc-en-jambe • il est bon jardinier, il fait de beaux parterres « c’est une allusion de parterre à par terre lors qu’on voit tomber quelqu’un » (OUD.) • nous mangerons du boudin, la grosse bête est par terre « cela se dit e vulgairement lors que quelqu’un est tombé » (OUD.) ■ f. XVII 1690 adieu la voiture quand on se P. de LARIVEY, 1576 moque de quelque chose qui se renverse • pêcher un poisson le peuple le dit ironiquement à celui qui a mis le pied dans l’eau • tomber à la renverse « des personnes qui sont sur le dos. Les femmes sont sujettes à tomber à la renverse » (FUR.) • si son cul eût été de verre, il eût été cassé « pour railler ceux qui se laissent tomber » (FUR.) • patatras Monsieur de Nevers exclamation e ironique qu’on fait quand on voit tomber quelqu’un ■ m. XIX passer la jambe « donner un crocen-jambe, et par extension, renverser » (LARCH.) « Son ennemi roulait à ses pieds, car il venait de lui passer la jambe », VIDAL, 1833 ◪ 1842 le tour du Basque « on appelle ainsi le croc-en-jambe, parce que les Basques sont très habiles à faire ce tour de lutte en portant rapidement un pied sur le jarret d’un adversaire à qui ils appliquent en même temps un coup dans l’estomac, ce qui le jette aussitôt à la e renverse » (QUIT.) ■ m. XX reste avec nous, on fait des crêpes ! ce que l’on dit à quelqu’un qui est en train de tomber – renforcement de reste avec nous !, même sens FUIR décamper, détaler, se débiner, s’esquiver, filer, se carapater‚ déguerpir, se sauver, s’échapper e ■ XIV mettre les pans à la ceinture il s’agit des pans de la robe, relevés pour faciliter la course « Et met les pans à la sainture,/Et si t’en cours grant aleure », J. BRUYANT, Le Chemin de pauvreté et de richesse, 1342 • prendre la clef des champs « Il n’eut gueres esté avant que le ventre luy brouilla et grouilla tellement qu’il fut contraint de soy bouter en une vieille masure inhabitable, pour faire ouverture au clistere qui demandoit e e la clef des champs », Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 ■ XV prendre son sac et ses quilles ■ m. XV e prendre le large ■ XVI faire gille « Rien ne semblait plus sûr qu’un si proche hyménée ;/Et parmi ces apprêts, la nuit d’auparavant,/Vous sûtes faire gille et fendîtes le vent », CORNEILLE, La Suite du Menteur, 1645 • faire la cane a donné le verbe caner, capituler « Par Dieu, qui fera la cane, de vous aultres, je me donne au diable si je ne le fays moyne en e mon lieu et l’enchevestre de mon froc : il porte médecine à couhardise de gens », RABELAIS, Gargantua, 1534 ■ m. XVI tirer e ses guêtres ■ f. XVI faire escampe • avoir quelqu’un aux fesses être poursuivi • prendre e (gagner) la guérite « s’enfuir et chercher quelque lieu de sûreté » (FUR.) ■ XVII faire un trou à la lune « car la bonne bête fit un trou à la lune deux jours après, qu’elle m’emporta ce que j’avais de plus beau et de meilleur pour courir après son abbé », CAYLUS, Histoire de M. Guillaume, 1740 • vider (le pays) • tirer ses grègues « Adieu, dit le renard, ma traite est longue à faire :/Nous nous réjouirons du succès de l’affaire/Une autre fois. Le galant aussitôt/Tire ses grègues, gagne au haut,/Mal content de son stratagème », LA FONTAINE, Le Coq et le Renard, m. xviie • tirer pays « il s’en e est enfui, exilé » (FUR.) ■ d. XVII sauver la valise la valise est un sac de cuir porté sur la croupe du cheval « Vertu bleu, quelle Griffe à saisir un homme au Colet en guise de Lievre. Sauve toy, Galaffre, sauve la valise sans attendre qu’on t’en fasse autant », Les Ramoneurs, 1624 • enfiler la venelle « Mon vilain craignant qu’après avoir affligé son badault d’esprit de brocards, je ne vinsse à persécuter son corps à bons coups de bastons, enfila la venelle plus vite qu’un criminel qui a des Sergens pour ses laquais », SOREL, Francion, 1623 • trousser ses quilles • gagner au pied • fendre le vent « La paillarde a fendu le vent, sa chambre ouverte d’un coup de pied n’a plus rien sur quoy ma colère se puisse décharger », Les Ramoneurs, 1624 ◪ 1606 faire un trou à la nuit « s’échapper furtivement, comme si on faisait un trou à la nuit au clair de lune ; banqueroutier, fugitif » (FUR.) « Ah ventre, ma réputation est tachée par la gueule insatiable de ce parement de Gibet. Ma putain de sœur aura fait un trou à la nuit », Les Ramoneurs, 1624 e ◪ 1611 trousser ses chausses • gagner pays • tirer ses chausses ■ m. XVII 1640 plier bagage • gagner les champs • arpenter « fuir viste et à grands pas » (OUD.) • battre aux champs • gagner la colline • emporter le chat « s’en aller sans payer, ou sans prendre congé » (OUD.) • bander l’ergot • montrer les épaules • il se rie à ses jambes (talons) « il espère d’eschapper en fuyant » (OUD.) • jouer de l’épée à deux pieds (à deux jambes) • fuir comme des perdreaux vite • escarpiner • escamper • faire Jacques déloge « s’enfuir. C’est par allusion de desloger » (OUD.) • montrer le derrière • les pieds lui démangent il a envie de fuir • gagner la porte « s’approcher de la porte pour fuir » (OUD.) • faire haut le corps en particulier « un banqueroutier qui s’enfuit » (FUR.) • jouer du manicordion à double semelle • faire un peigne • avoir une porte de derrière « un moyen d’eschapper ou fuir » (OUD.) • gagner le taillis « s’enfuir ; se mettre en sûreté, se cacher dans un bois épais » (FUR.) • jouer des talons • tourner le dos • déloger sans trompette « fuir bien viste » (OUD.) • trousser son paquet • trousser bagage • il est sorti de son terrier « il s’en est fuy, il s’est esloigné » (OUD.) • sortir de sa tanière « s’enfuir de son lieu. Sortir de sa demeure » (OUD.) • montrer les talons • se sauver « fuir. On y adjouste, par les marests » (OUD.) • lever le piquet • montrer le cul « tourner le dos, s’enfuir ; poltrons, soldats qui fuient » (FUR.) • se perdre dans une foule quand on est en fuite • prendre ses jambes à son cou probablement une image de course, tête baissée. On trouve en normand « Mey qui craignais pour ma caboche/Pris vite men piey à men cos/Et denichy de là bien tos » (L. PETIT, La Muse normande, 1658) • plier son paquet • il a trouvé ses jambes prêtes « il s’est incontinent mis à fuir » (OUD.) • gagner le haut • e chausser les ailes faire fuir ■ f. XVII 1688 prendre la poudre d’escampette « on dit de la poudre d’escampette quand on prend la fuite » (FUR.) « Moi, quand j’ai vu que nous en avions pour cinq mois d’une pareille existence, j’ai pris ma petite poudre d’escampette, et me voilà ! », REBELL, La Câlineuse, 1898 ◪ 1690 il s’en est allé plus vite que le pas il s’est enfui • mettre les voiles « C’est une sale affaire pour toi. – Mais non, on ne saura pas si c’est moi ou ceux qu’ont mis les voiles qui l’ont brûlé [tué] », E. CORSY, La Médaille de mort, 1905 • gagner la campagne • tirer de long « quand on se sauve par la fuite, ou quand on chicane, quand on diffère un paiement » (FUR.) • la peur lui a mis des ailes aux talons • jouer de l’épée à deux talons • avoir le feu au cul « on dit d’un homme qui s’enfuit fort viste, qu’il court comme s’il avoit le feu au e cul » (Fur.) ■ XVIII chier du poivre « Adieu, montfaucon, adieu, bicêtre ; on t’attend à la grêve, va donc, va donc vîte, tu les fais trop attendre. Que ferai-je ? le chien n’a pas voulu gober l’hameçon ; ce gueux-là me chie du poivre », Les Écosseuses, 1739 • s’enfuir comme des lapins « LE SUISSE : Oh ! mais falloir pas croire qu’une grand nombre de les soldats nationales, ces habits bleus, être faits pour mourir en guerre. Eux jamais être pour ça dans une bataille. S’enfouir comme les • faire haut le pied « on dit encore figurément et familièrement faire haut le pied, s’enfuir » (TRÉVOUX) « ME PATIN : Où est le Chevalier, Lisette ? lapins dans un chasse », Le Drapeau rouge de la mère Duchesne, 1792 Qu’a-t-il dit de mon absence, qu’a-t-il fait ? – LISETTE : Il a fait haut le pied, madame, dès que vous avez eu le dos tourné », DANCOURT, Le Chevalier à la mode, 1778 ■ d. XVIII e battre en retraite « Monsieur Hermès prit le temps d’écouter. Ensuite, mais alors seulement, il battit en retraite sur la pointe des pieds, rentra dans les ténèbres de sa chambre, se dissimula e ■ m. XVIII ficher le camp ◪ 1746 ne pas demander son reste « c’est, quand on a été battu, fuir sans exiger d’explications – et surtout sans demander le supplément de coups de pied ou de poing auxquels on pourrait avoir droit » (DELV.) derrière sa porte sans la refermer », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 « LOUIS (regardant à la porte) : Ah ! pardi, ils s’en vont grand train ; ils ne demandent pas leur reste », CARMONTELLE, Le Sot et les Fripons, v. 1770 e ■ f. XVIII foutre le camp « Hé ben, j’dis moi, et je l’dirons toujours, que la finition d’tout ça, c’est tous ces gueux qui menont la barque se foutont de nous ; qu’i n’cherchont qu’à s’mettre sus la conscience pour eux et leux amis, des tas d’argent ; et que quand i nous auront ben sangsuré jusqu’à la moëlle des os, i foutront l’camp avec not’ argent, et nous laisseront leux mâtins de chiffons, qui n’vaudront pas un foutre », Grand Jugement de la mère Duchesne, 1792 ◪ 1791 jouer des jambes « je craignais […] que vous ne nous foutiez dedans, et qu’encore une fois vous ne jouiez des jambes », e e détaler comme un lapin ■ d. XIX lever le pied s’enfuir clandestinement – le plus souvent en emportant de l’argent qui vous a été confié. L’expression – d’après faire haut le pied – semble s’être appliquée dès l’origine aux notaires « il n’y a pas mieux en guise de notaire. C’est patriarche ; ça n’est pas drôle et amusant comme était Cardot avec Malaga, mais ça ne lèvera jamais le pied », BALZAC, Le Cousin Pons, 1847 • se donner de l’air « Le rifflard a battu morasse, et il a fallu se donner de l’air », VIDOCQ, Mémoires, 1828 • brûler la politesse « Brigadier, dis-je, savez-vous que, malgré les huit jambes de vos chevaux, je pourrais facilement vous brûler la politesse en me jetant là à droite, dans ce ravin, ou à gauche, dans ce bois ?… », A. DELVAU, Miei Prigioni, 1857 ◪ 1826 jouer des cliquettes « Bref, v’là les Autrichiens qui prennent leurs jambes à leur cou, et qui s’mettent à jouer des cliquettes », e É. DEBRAUX, Le Passage de la Bérésina, 1826 ■ m. XIX se la briser « abréviation de “briser la politesse” (partir sans prendre congé) » (LARCH.) « Dans le beau monde, on ne dit pas : je me la casse, je me la brise », LABICHE • jouer des pattes « Coco n’fais pas d’épates,/J’n’ai pas d’goût pour la Froteska,/Il est temps d’jouer des pattes !/Ah ! ah ! », COLMANCE, Chansons, v. 1845 • se la casser « C’est assommant ici. Je me la casse. Cassons-nous la », E. VILLARS • jouer la HÉBERT, 1791 ■ XIX fille de l’air date de La Fille de l’air, une ancienne pièce du boulevard du Temple « Dépêchez-vous et jouez-moi la Fille de l’air avec accompagnement de guibolles », MONTÉPIN • déménager à la cloche (sonnette) de bois « déménager furtivement en tamponnant la clochette d’éveil adaptée aux portes de beaucoup d’hôtels garnis » (LARCH.) • filer son nœud • filer comme un zèbre • se lâcher du ballon « s’enfuir avec la vitesse d’un aérostat » (LARCH.) « Tu te la casses, il se pousse de l’air ou il se lâche du ballon, nous fendons notre équerre ou nous affûtons nos pincettes, vous vous déguisez en cerf ou vous graissez le tourniquet, ils pincent • se cavaler « Il faut se cavaler et vivement », CHENU • tirer sa crampe « fuir. A aussi un autre sens qui n’est pas de notre ressort » (LARCH.) « Elle a pris ses grands airs et j’ai tiré ma crampe », MONTÉPIN • tirer sa coupe ◪ 1852 se débiner disparaître « Quant à moi, je maquille une aff après laquelle j’espère pour me débiner, pour m’éloigner de la rousse », Patrie, 2 mars 1852 ◪ 1867 se carapater se sauver, jouer des pattes • jouer des guibolles • sauver son lard se sauver quand on est menacé • se la tirer sous-entendu sa crampe • se tirer des pieds « L’emp’reur dit en r’misant sa leur télégraphe ou ils accrochent leur tender », VILLARS tiare :/C’est l’moment d’se tirer des pieds./S’ils me revoient encore,/Ils vont m’fair’ musulman,/Et j’sais qu’quand on est • jouer des paturons • prendre la tangente on trouve précédemment s’échapper par la tangente (Acad., 1798) « Les p’tit’s Maure,/Hélas ! c’est pour longtemps », L. LELIÈVRE et E. GIRAUDET, L’Empereur du Sahara, 1904 femm’s gardaient nos vêt’ments,/On s’aperçut, en les r’prenant,/Qu’nos portefeuill’s n’étaient plus d’dans./Pour payer, jugez • se tirer des pattes • jouer des flûtes courir, se sauver • filer son câble par le bout • déménager à la ficelle « à l’insu du propriétaire, la nuit, avec ou sans cordes, par la fenêtre ou par la porte, – dans l’argot des bohèmes, pour qui le dieu Terme est le diable » (DELV.). Techniquement parlant, c’est « déménager en descendant les meubles par la fenêtre à l’aide d’une corde » (LARCH.) • fendre l’ergot • se d’l’embarras !/Ces dam’s avaient pris la tangente », R. GAËL, Y a qu’Montmartre, 1911 pousser de l’air « C’est donc gentil de faire des poufs au monde et de se pousser de l’air ! Ah ! mais, on ne me monte pas le e coup », Almanach du hanneton, 1867 • se la courir • se la donner ■ f. XIX mettre les flûtes les flûtes étant les jambes « Tu sais…, méfie-toi…, l’est moins deux ;/pas d’giries ou… j’te capahute ;/et pis après j’me mets les flûtes,/tant pir’ pour les canards boiteux », J. RICTUS, Le Cœur populaire, v. 1900 • filer comme un dard ◪ 1872 fendre son écuelle • jouer des fourchettes • se cramper ◪ 1880 se tirer des flûtes « Quand vient l’moment d’payer, y en a deux ou trois qui se tirent des flûtes… », Le Monde plaisant, 1880 ◪ 1883 jouer des gambettes • se faire la paire on trouve précédemment « se payer une paire de pattes (1866) » puis « faire la paire (1878) » (ESNAULT) « ANGÈLE : Mais, boucle-la donc aussi, toi… C’est vrai, tu me laisses insulter ! – OSCAR (plus bas) : Ferme que je te dis, et fais-toi la paire », D. LESUEUR, Le Masque d’amour, 1905 ◪ 1894 se sauver sans prendre le temps de dire au cul de venir « décaniller à toute vitesse » (LYON) ◪ 1899 en jouer un air peut-être un croisement de jouer des flûtes et jouer la fille de l’air « La première fois qu’on va au feu, il est permis d’avoir les e grelots, mais jamais d’en jouer un air », SAINÉAN, L’Argot des tranchées, 1915 ■ d. XX faire le mur ◪ 1915 mettre les bouts de bois les bouts de bois sont les jambes : les cannes, les quilles, etc. On trouve mettre les baguettes en 1903 « Vers 10 plombes on va au plume en attendant qu’un perco à la graisse d’oie nous dise que les Boches e ont mis les bouts de bois », SAINÉAN, L’Argot des tranchées, 1915 ■ m. XX se tailler ◪ 1937 mettre les adjas par croisement probable avec mettre les bouts, mais on trouve se faire l’abja en 1899 et faisons la jaja ! dès 1879 au sens de prendre la fuite. Du romani dja !, va ! « tu peux aller dans le xvie, ils te diront jamais : “J’ai mis les adjas” ou alors “le mec il a refilé son futard dans les tinettes”. Ils chercheront des mots, euh, qui sont bien, quoi, là », La Mâle Parole, 1975 e e ■ d. XV sauve qui peut ■ m. XVII 1640 haut le corps, jacquette de gris « va t’en, sauve toy » (OUD.) • sauve-toi, ferreur d’aiguillettes fuis promptement • il a marchandé au pied et non pas à la toise il a fui • à vau de route en fuite • sauvez-vous, on cherche les beaux « esloignez vous, fuyez » (OUD.) • il n’y a plus que le nid « la personne est eschappée » (OUD.) • se sauver par les marais « par des lieux difficiles et qu’on ne gardait point, à cause du danger qu’il y avait de s’y enfoncer » (FUR.) • détalons, le marché se passe fuyons • l’oiseau s’en est envolé « cet homme e s’est sauvé, il est eschappé, il a fuy » (OUD.) ■ f. XVII 1690 faire le plongeon « se baisser et s’échapper dans une foule, en sorte qu’on ne paraît plus » (FUR.) • un pied chaussé, l’autre nu e « celui qui s’enfuit en grande hâte, qui n’a pas eu le loisir de s’habiller » (FUR.) ■ m. XIX doubler un cap « c’est faire un détour, soit pour ne pas passer devant un créancier, soit pour éviter l’endroit e où il peut être rencontré » (BALZAC, in LARCHEY) ■ f. XIX 1872 tirer (courir) une bordée « faire une absence illégale. Terme de marine. Allusion aux conditions dans lesquelles les équipages vont à terre par bordées » (LARCH.) POURSUIVRE pourchasser, talonner, traquer e e e ■ d. XVI être aux trousses de ■ d. XVII suivre à la trace ■ m. XVII 1640 poursuivre en queue « courir après l’ennemy » (OUD.) • faire fuir comme trépillards chasser, donner la chasse • galoper une personne • serrer de près poursuivre vivement • donner la chasse • chausser les e éperons ■ f. XVII 1690 avoir couru comme un loup gris avoir été vivement poursuivi • tailler des croupières à quelqu’un « l’obliger à fuir, le poursuivre vivement, le faire ailler, trotter et courir, lui e e donner bien de l’exercice » (FUR.) ■ XIX chasse à l’homme ■ m. XIX 1867 filer un sinve suivre e quelqu’un • faire la filature suivre quelqu’un ■ d. XX 1926 filer le train suivre l’allure du peloton, en e cyclisme ■ m. XX 1935 filer le dur par fusion verbale avec filer le train PARTIR quitter, s’éloigner, déloger, calter, se casser, décaniller, se tailler‚ se tirer, se trotter, s’éclipser, riper ■ XIII e se mettre au chemin ■ XIV e prendre congé de • prendre la clef des champs « Il n’eut gueres esté avant que le ventre luy brouilla et grouilla tellement qu’il fut contraint de soy bouter en une vieille masure inhabitable, pour faire ouverture au clistere qui demandoit la clef des champs », Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 e ■ XV tirer pays « Elle s’en vint devers son oncle, qui luy bailla son cheval, et elle monte et puis tire païs », Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 • prendre son sac et ses quilles « les quilles sont prises ici au figuré pour les jambes » (QUIT.) • trousser ses bagues et ses quilles « Si les laissay illecques trousser les bagues et leurs quilles, et m’en alay reposer », e e Les Évangiles des quenouilles, v. 1470 ■ XVI se mettre en chemin ■ m. XVI tirer ses guêtres • vider les e e lieux ■ XVII fausser compagnie « quitter la compagnie, abandonner » (OUD.) ■ d. XVII trousser ses quilles ◪ 1606 faire un trou à la nuit « si aucun part de quelque lieu à la dérobée, sans que personne en sçache rien, et mesmes lors qu’on l’eust le moins soupçonné, on use de ce proverbe, Il a faict un trou à la nuict. C’est une métaphore prise des lieux fermez de murailles, ou autre closture et dont la porte est fermée de nuict, de sorte que ceux qui en voudroyent sortir devant le jour venu, seroient contraincts de faire une bresche ou pertuis à la muraille pour passer. Cela est de mesme à ceux lesquels pour n’estre apperceuz de personne, s’en vont de nuict, comme si la nuict étoit un clos, auquel il faudroit faire un trou, pour passer devant l’arrivée du jour, qui seroit e comme l’ouverture de la porte » (NICOT) ■ m. XVII 1640 faire Jacques déloge « partir précipitamment sans payer son terme ou sans prendre congé de la compagnie » (DELV.) • trousser (plier) bagage • déloger sans trompette s’en aller sans rien dire • les pieds lui démangent il a envie de s’en aller • prendre congé de la compagnie s’en aller sans dire adieu • plier ses chemises • bander sa caisse « s’en aller. Cela est tiré des Tambours qui bandent leur quaisse en partant d’un lieu » (OUD.) • se dérober d’une compagnie en sortir secrètement • faire haut le corps • jeter (prendre) ses jambes à son cou « se mettre en chemin, s’en aller ; d’autres disent pendre, etc. » (OUD.) • trousser (plier) son paquet • sonner la retraite se retirer • sortir de sa tanière « s’enfuir de son lieu. Sortir de sa demeure » (OUD.) • faire vide aquam, l’eau bénite de Pâques « s’en aller, sortir d’un lieu. C’est une sotte allusion à vuider, qui signifie sortir. Le vulgaire prononce, videacan » (OUD.) • se remuer d’un lieu en sortir • faire haut le gigot • montrer les e talons ■ f. XVII 1690 mettre les voiles « Mes chers vieux, Quand les Bobosses ont mis les voiles des tranchées avec tout leur bardin, on a pris le “Saurer” des Galeries Lafayette et sommes à c’t’heure au repos », SAINÉAN, L’Argot des tranchées, 1915 • aller danser un branle de sortie « être prêt à s’en aller de quelque part, ou en être chassé » e (FUR.) • avoir le pied à l’étrier être prêt à partir ■ XVIII tirer sa révérence • lever le camp • lever l’ancre ■ d. XVIII e 1718 décharger le plancher ■ m. XVIII e ficher le camp « D’abord l’oncle des mariés/S’oppose à leur effronterie./– Vous n’êtes d’la copagnie,/Dit-il, fichez l’camp sans fracas… », VADÉ, La Pipe cassée, 1746 ne pas demander son reste ne pas insister, se retirer d’un lieu à la suite d’incidents fâcheux, par crainte de les voir se renouveler. Plaisanterie probable à partir de donner son reste à quelqu’un « il pensoit en lui-même à la scène de Catherine, et tremblant toujours que quelqu’accident ne découvrît ce qui v. 1755 ◪ s’étoit passé, il ne demanda pas son reste, prit congé de son oncle et sortit promptement, fort content de sa journée », CAYLUS, ◪ 1753 battre aux champs « SUZON (mettant la boëte dans sa poche) : Oh ! t’es trop long, je bats aux champs. – NIGAUDET (courant après elle) : Doucement… doucement… comme vous empochez !… ça ne se donne qu’en sinant. Oh ! donnant, donnant », Madame Engueule, e 1754 ■ f. XVIII foutre le camp « Pargué, M. l’Suisse, si j’sommes de trop, j’allons foute le camp », Le Drapeau rouge de e e la mère Duchesne, 1792 ◪ 1798 prendre la porte ■ XIX changer d’air ■ d. XIX brûler la politesse « s’esquiver sans faire la politesse d’un adieu » (LARCH.) « aux approches du Quesnois, je lui brûlai la politesse, et me dirigeai sur Landrecies », VIDOCQ, Mémoires, 1828 • lever un siège ◪ 1827 se donner de l’air « s’en aller de quelque part, non parce qu’on y étouffe, mais parce qu’on s’y ennuie, ou parce qu’il est l’heure de se retirer » (DELV.) ◪ 1828 le coup de l’étrier « Je retrouve ma pièce de cent sous… elle me suffit non-seulement Œuvres badines, 1746 pour satisfaire à toutes ses réclamations, mais encore à offrir à messieurs du corps de garde, je ne dirai pas le coup de l’étrier, mais cette petite goutte que le péquin paie volontiers », VIDOCQ, Mémoires, 1828 • filer son nœud « C’est bon… suivons le cortège… je file en conséquence mon nœud, sans paraître m’inquiéter de ce que je laisse derrière moi », Vidocq, Mémoires, e ■ m. XIX 1846 se déguiser en cerf « se retirer avec plus ou moins d’empressement » (DELV.) ◪ 1856 prendre ses cliques et ses claques « Je vais vendre mes seigles du chemin de Larchant pour être prêt à 1828 racheter mes trois arpents du Petit-Barau quand le sabotier prendra ses cliques et ses claques », H. MURGER, Scènes de e ◪ 1857 à l’anglaise cette formulation a eu au XIX l’acception générale de « brusquement, sournoisement, sans galanterie » – peut-être générée par les usages des Britanniques, interprétés par l’anglomanie, parfois acerbe, de l’époque ; voir, ci-dessous, filer à l’anglaise « Alors je m’esbigne… Qui est-ce qui vient voir la première représentation du drame à Chaumontel ? – Moi. – Et campagne, 1856 moi aussi. – Je me la casse à l’anglaise, autrement dit sans saluer le bourgeois et la bourgeoise, c’est le grand chic », H. MONNIER, Joseph Prudhomme, 1857 ◪ 1866 se barrer « j’en ai eu marre de vivre dans ces conditions. Je me suis barrée 1867 vider le plancher • décamper sans tambour ni trompette « s’en aller discrètement, ou honteusement, selon qu’on est bien élevé ou qu’on a été inconvenant » (DELV.) • pisser à l’anglaise « disparaître sournoisement au moment décisif » (DELV.) de chez moi », Paroles de bandits, 1976 ◪ « une après-midi, sur la place de la Bastille, elle avait demandé à son vieux trois sous pour un petit besoin, et que le vieux • prendre la tangente « s’échapper de l’école, – dans l’argot des Polytechniciens » (DELV.) • se e pousser de l’air s’en aller de quelque part ■ f. XIX mettre les flûtes les flûtes étant les jambes « Tu l’attendait encore. Dans les meilleures compagnies, on appelle ça pisser à l’anglaise », É. Z OLA, L’Assommoir, 1877 sais…, méfie-toi…, l’est moins deux ;/pas d’giries ou… j’te capahute ;/et pis après j’me mets les flûtes,/tant pir’ pour les canards • débarrasser le plancher • filer à l’anglaise l’expression est enregistrée, dans une langue familière de bonne tenue, par le Nouveau Larousse illustré de 1898, boiteux », J. RICTUS, Le Cœur populaire, v. 1900 qui fournit cette explication assez plausible : « Cette locution vient de ce que, dans les bals, les soirées, la coutume était depuis longtemps établie, en Angleterre, de se retirer sans aller saluer le maître ou la maîtresse de la maison, tandis que l’obligation contraire, fort gênante, régnait en France » « Sont-ils bêtes, ces gens-là, dit-elle, un peu contrariée, en haussant les épaules. Si vous voulez, nous allons filer à l’anglaise, et les laisser à leur tapage. Nous nous excuserons demain », REBELL, La Câlineuse, 1898 • faire son balluchon • tourner les talons « Elle n’avait pas plus tôt tourné les talons que j’arrivais de mon côté ! », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ◪ 1872 graisser ses bottes se préparer au départ ◪ 1894 se déguiser en courant d’air • e prendre son cul par l’oreille s’en aller ■ d. XX se faire la valise « C’est mieux que je me fasse la valise, tu vois… Une fois coupé en deux je me sentirai enfin tranquille », F. DARD, 1956 • mettre la clef sous le paillasson • mettre les riquettes « Alors les mecs, ça a tellement bien été, quoi, que les quatre, cinq gars qui étaient là, ils ont été obligés de mettre les riquettes aussi, eux. Comme ça après il n’y avait plus personne, quoi, on était tous là », La Mâle Parole, 1975 • partir sans laisser d’adresse • faire le mur « Mon p’tit pote, me dit Cécel, ici, quand qu’on est un homme, y a jamais d’histoires entre nous. On fait l’mur et on va s’donner ça en douce. Mais ton mec, c’est qu’un fumier. Il est premier jus, rempilé, foireux, trouillard, dégonfleur et empapaouté », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 • entrer par une porte et sortir par l’autre s’éclipser rapidement ◪ 1918 mettre les bouts probablement par abréviation de bouts de bois. Le sens actuel est de « quitter les lieux » plus ou moins définitivement « Elle a cinquante-cinq ans/Quatre gosses qu’ont mis les bouts/Plus d’mari pas d’amant », RENAUD ◪ 1921 e changer de crémerie une crémerie étant un café où l’on servait à manger au XIX et au début du e siècle, et où la clientèle avait ses habitudes « Si seulement Jo voulait m’écouter, on changerait de crémerie », GUÉRIN, La Peau dure, 1948 ◪ 1922 faire la malle s’en aller clandestinement. Peut-être par abréviation de la malle à quatre nœuds (1914), le balluchon « Ce ne sont pas les coups qui l’éloigneront de son homme. XX Cependant, un jour, elle en trouvera un autre, qui la battra aussi, elle le saura avant de le prendre ; mais partira avec lui, sans bruit ; le soir, elle ne reparaîtra pas, elle aura “fait la malle” », G. BERNARD, Les Bouges de Paris, 1922 ◪ 1928 se gicler e s’en aller ■ m. XX tailler la route « Laisse tomber, je conseille à Pierrot, une fois le snack bouclé. Qu’est-ce qu’on en a à foutre de ce merdeux ? On s’est taillé la route, hilares », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 • se tailler ◪ v. 1940 se faire la malle forme réfléchie par attraction de se tailler, se barrer, se la faire, etc. D’abord au sens de « s’évader », en milieu carcéral « J’ai travaillé deux ans à mon compte et puis il y a eu les événements de Mai 68 et j’ai des clients qui se sont fait la malle sans me payer. Pas une thune. Rien, et des impôts à payer. C’est là que j’ai abandonné e l’artisanat », Paroles de bandits, 1976 ■ f. XX s’arracher partir, s’en aller ■ m. XVI faire bande à part « se séparer d’une troupe, d’un parti avec lequel on avait quelque e liaison » (FUR.) ■ m. XVII 1640 il est allé au haut et au loin « on ne sçait où il est allé ; il s’est absenté sans rien dire » (OUD.) • ici et ailleurs fait-il bon « qu’il ne faut pas toujours demeurer en un lieu » (OUD.) • il vaut mieux que vous vous en alliez qu’un muid de vin à un homme qui s’en va • c’est trop mangé d’un pain « qu’il faut changer de lieu ou de maistre » (OUD.) • il ressemble le chien de Jean de Nivelle, il s’enfuit quand on l’appelle « il s’en va lors qu’il est convié » (OUD.) • elle n’y couvera pas longtemps elle n’y demeurera pas • il ne fait guère d’ordure en ce lieu-là il e n’y demeure guère ■ f. XVII 1690 prendre ses jambes sur (à) son cou « se résoudre à partir pour faire quelque message, quelque voyage ; quand on se résout à faire un voyage à pied » (FUR.) • buvez un coup, et haut le pied « à ceux qu’on fait partir brusquement » (FUR.) • adieu jusqu’au e e e revoir jusqu’à la première rencontre ■ XIX fouette cocher ! ■ m. XIX 1842 il n’y a si bonne compagnie qui ne se quitte « on cite ce proverbe lorsque, sous prétexte de quelque affaire, on laisse les personnes avec qui l’on se trouve ; mais on s’expose à entendre quelqu’une d’elles y ajouter ce complément épigrammatique : “Comme disait le roi Dagobert à ses chiens” » (QUIT.) ◪ 1857 en route, mauvaise troupe ! « gracieux dicton que l’on répète lorsqu’on se met en marche avec des amis » (LYON) « à chaque bout de cette corde, ils ont attaché un des deux vagabonds en question – un vieux, hideux comme un type de Callot, et un jeune, horrible comme un héros d’Eugène Sue, tous les deux en loques, bien entendu : Clopin Trouillefou et Tortillard. Puis en route, mauvaise troupe ! », A. DELVAU, Miei Prigioni, 1857 ◪ 1867 aller au sabot e s’embarquer ■ f. XIX 1894 à la revoyure « au revoir. Expression qu’on ne manque jamais e d’employer en se serrant la main au départ » (LYON) ■ d. XX partir, c’est mourir un peu • t’as le e e bonjour d’Alfred ! • être sur le départ on a dit pendant le XVIII et le XIX siècle être sur son départ. Le changement de formulation est peut-être dû au développement des chemins de fer : un train sur le départ ARRIVER atteindre, débouler e e e ■ XVII faire son entrée ■ d. XVII arriver à bon port ■ m. XVII 1640 tâcher de gagner la ville (la maison) d’arriver • mettre le pied en quelque lieu y entrer • planter le piquet s’arrêter quelque e part • je n’ai encore rien vendu je viens d’arriver • entrer en jeu paraître ■ XIX montrer le bout e e de son nez ■ d. XIX regagner ses pénates l’idée est déjà présente au XVII , avec cependant la compréhension des pénates, « dieux domestiques ». Cf. « Nous voici retournés à nos dieux pénates, Madame, qui ne nous garderont pas longtemps, car nous serons à Paris à la fin de novembre, et je pense que nous vous y retrouverons » (SÉVIGNÉ, 1682) « Émilie, ne fût-ce qu’à quatre pattes, aurait pu regagner ses pénates, et alors, pour peu que la langue lui revînt, mes démarches étaient infailliblement divulguées », VIDOCQ, Mémoires, 1828 e ■ m. XIX ficher les pattes « venir. Mot à mot : “mettre les pieds” » (LARCH.) « Si vous vous permettez de fich’ les pattes ici quand j’y serai », GAVARNI ◪ 1867 montrer son nez « faire une courte apparition quelque part, – dans l’argot des employés, qui, après avoir montré leur nez à e leur ministère, ne craignent pas de lui montrer aussitôt les talons » (DELV.) ■ f. XIX arriver comme les carabiniers trop tard. Allusion à une opérette d’Offenbach (Les Brigands, 1869) où un couplet célèbre dit : « Nous sommes les carabiniers […] Nous arrivons toujours trop tard » ; quelquefois, la référence est explicite : « […] avant la venue des gardiens de la paix que l’on accuse bien à tort d’arriver comme les carabiniers d’Offenbach, pour ramasser les blessés quand ce n’est pas malheureusement les morts », E. CORSY, La Médaille de e ■ d. XX sentir l’écurie sursaut d’énergie donné par la sensation d’« arriver au bout » de quelque chose e ■ d. XVII 1606 qui parle du loup en voit la queue « quand quelqu’un arrive dans une compagnie en même temps qu’on parlait de lui ; parce que la présence de celui qui arrive interrompt le discours qu’on tenait de lui, et qu’on dit que celui là se tait qui a vu le loup » (FUR.) mort, 1905 e ■ m. XVII 1640 elle est revenue, Denise « c’est pour dire qu’une fille ou femme qui s’en estoit allée furtivement est de retour » (OUD.) • la foire sera bonne, voici bien des marchands « quand on voit arriver plusieurs personnes en une compagnie » (FUR.) • le reste de mon écu, rien qui vaille « cecy se dit en voyant arriver quelque bon compagnon » (OUD.) • s’il est bien planté, il reviendra « il retournera icy. C’est une allusion au double sens de revenir » (OUD.) • il a bien fait e de venir « je ne le fusse pas aller quérir » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il faut faire une croix à la cheminée « quand on est surpris de la visite d’une personne qui avait négligé longtemps de venir en une maison » (FUR.) • être housé et crotté « comme le sont les voyageurs qui arrivent avec des houseaux » (FUR.) • être crotté et hourdé « quand on revient de ville sale et crotté comme un e messager » (FUR.) ■ m. XVIII face d’homme porte (fait) vertu « ces proverbes signifient que la présence d’un homme sert beaucoup à ses affaires. Ils s’appliquent particulièrement lorsque l’arrivée d’une personne dans une société fait changer de mal en bien les propos qu’on y tenait sur son compte » (QUIT.) FAIM famine, fringale, dalle, creux e ■ XVI crier famine • avoir les dents longues « par Dieu jamais, tous ceux qui estoient à Sagunce n’eurent si grand faim, jamais Enée et ses compagnons n’eurent les dens si longues que le pouvre diable », NOËL DU FAIL, Les Balivernes e m. XVI aiguiser l’appétit donner faim • avoir le ventre creux « n’avoir rien mangé e de long temps » (OUD.) ■ m. XVII 1640 affamé comme un chasseur • mes boyaux crient vengeance • appétit de chien insatiable • il a toujours une aune de boyaux vide « il est toujours prest à manger. Le reste est, pour festoyer ses bons amis » (OUD.) • la gueule me gagne (me rabâte) • je sens mon heure • avoir les dents aussi longues qu’un gril avoir grand faim • une mouche de cuisine un affamé • la mousse lui est crue au gosier « il n’a pas mangé de long temps » (OUD.) • plaider avec le boulanger « avoir faim, n’avoir point de pain » (OUD.) • avoir plus envie de mordre que de ruer • il semble à mon ventre que le diable ait emporté mes dents « il y a long temps que je n’ay mangé » (OUD.) • avoir mal aux dents • les araignées ont fait leur toile e sur nos dents il y a longtemps que nous n’avons mangé ■ f. XVII 1690 être affamé comme un jeune levron « homme qui mange beaucoup ; jeune homme de bon appétit » (FUR.) • le soleil luit e dans son ventre homme qui a grand faim ■ XIX crever de faim « qui en voyant son embonpoint, ses e proportions de mangeur se figurerait que ce gaillard là crève peut-être parfois de faim ! », J. RICTUS, Journal, 1899 ■ m. XIX avoir une faim de loup « BELVAL : Pourvu que le dîner n’en soit pas compromis. – ANDRÉE : Le dîner ! il s’agit bien de ça. – BELVAL : Dis donc, j’ai une faim de loup, moi ! », M. DU VEUZIT et R. NUNÈS, Le Sentier, 1907-08 • avoir l’estomac dans d’Eutrapel, 1548 ■ les talons ◪ 1836 avoir la fringale selon les étymologistes, fringale vient de faim-valle (faim de e e loup), dont la variante faim-calle a vécu jusqu’au XIX siècle. À la fin du XVIII , fringale est encore utilisé dans le sens de « faim extrême », cf. « Avez-vous ou ne pas songer à notre garde-manger, et exposer un million de citoyens à endurer la fringale ? » (HÉBERT, 1791), le sens moins dramatique du mot n’apparaissant que bien après la Révolution : « Fringale, faim subite dont on est saisi hors de l’heure des repas : “avoir la fringale” » (N. LANDAIS, 1836) « Hélas ! mademoiselle, dit Rodolphe quand ils eurent achevé leur repas, grâce à vous, mon estomac est satisfait. Ne satisferiez-vous pas de même la fringale de mon cœur, qui est à jeun depuis si longtemps ? », H. MURGER, Scènes de la bohème, 1851 ◪ 1851 avoir une faim caniche par plaisanterie sur faim canine « J’emprunterai quelques sesterces à un favorisé de la chance, et je rapporterai de quoi arroser une sardine ou un pied de cochon. – Va donc, fit Marcel, j’ai une faim caniche ! je t’attends là », H. MURGER, Scènes de la bohème, 1851 ◪ 1867 passer par l’étamine « souffrir du froid, de la faim et de la soif » (DELV.) • sauter à la perche « ne pas savoir où manger, – dans l’argot des faubouriens, par allusion aux efforts souvent vains des singes des bateleurs pour atteindre les friandises placées à l’extrémité d’un bâton » (DELV.) • rage de dents grosse faim • se coucher bredouille se coucher sans avoir dîné • avoir toujours des boyaux vides avoir toujours faim • avoir une crampe au e e pylore avoir grand appétit ■ f. XIX avoir la dent ■ d. XX manger avec les chevaux de bois « Et merde, j’ai beau rouler, jouer les “modernes”, j’avais mauvaise conscience mais j’avais besoin d’un vrai repas, depuis le temps que je croûtais avec les chevaux de bois et n’éclusais que du Château-la-pompe », A. VERS, Gentil n’a qu’un œil, 1979 la dalle • avoir les crocs • crever « Quentin se leva et la porte s’ouvrit. C’était Petit, suivi d’un noir portant notre soupe. – Chouette, la jafe ! J’avais les crocs, mézigue », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 • claquer du bec ◪ 1914 la sauter « Si vous pouviez m’envoyer un petit paquet, il serait ici le bienvenu car, soit dit en langage poilu : “On la saute un peu.” Mettez-y un peu de charcuterie, du lait condensé, mais pas de chocolat et un peu de confiture », Giono, Lettre du 20 e ■ m. XX avoir la boîte à ragoût qui fait bravo • avoir la dalle par abréviation probable de avoir la dalle en pente, qui signifiait aussi bien avoir envie de manger qu’avoir envie de e boire ■ f. XX avoir un creux abréviation d’avoir un creux à l’estomac « les gigots succèdent aux soufflés, septembre 1917 personne ne m’apporte le moindre canapé, je commence à avoir un creux », B. BLIER, Beau-Père, 1981 e ■ d. XVII ventre affamé n’a point d’oreilles « un homme assiégé ou affamé n’écoute point les remontrances » (FUR.) ; dans Le Tiers Livre (1546), RABELAIS affirme que « le ventre affamé n’a e point d’aureilles » ■ m. XVII 1640 manger des regardeaux « n’avoir rien à manger sur la table et se regarder l’un l’autre, ou bien regarder manger les autres » (OUD.) • humer du vent ne point manger • il n’y a point de meilleure horloge que le ventre « l’appétit fait connoistre quelle heure il est » (OUD.) • mal de tête veut repaître « le mal de tête est souvent un indice du besoin de e l’estomac, et dans ce cas on l’apaise en mangeant » (QUIT.) ■ f. XVII 1690 il n’y a ni pain ni pâte il n’y a rien à manger • aller (venir) faire la guerre au pain « des gens affamés et surtout des valets qui vont en manger beaucoup ; jeunes gens qui reviennent affamés dans une maison » (FUR.) e ■ m. XVIII 1748 bouder contre son ventre refuser de manger malgré la faim « Ma mère, qui avait le cœur bien placé, lui reprocha sa mauvaise humeur pendant le repas ; mon père, qui de temps en temps avait l’esprit juste, lui répondit : “Cela doit vous prouver, madame, que je puis bouder contre mon ventre, sans que celui des autres s’en ressente” », e ■ f. XIX 1872 et du pain ? « as-tu de quoi manger ? Donner des conseils à un malheureux affamé, il vous ramène à la question par ces mots : “Et du pain ?” Gavarni montre un trois masque abordant à l’Opéra un domino femelle, qui l’attend, binocle à l’œil : “Pus qu’ça de lorgnon, dit-il. Et du pain ?” La question déchire d’un seul coup les faux dehors de cette femme élégante qui n’a peut-être pas dîné pour acheter des gants » (LARCH.) ◪ 1894 j’ai une faim, que je la vois courir « quand on voit courir sa faim devant soi, c’est que véritablement CAYLUS, Mémoires des colporteurs, 1748 e on ne saurait s’abuser sur son existence » (LYON) ■ d. XX ça creuse ! Après la découverte d’un cadavre en putréfaction, E. Raynaud raconte : « Jaume avait commandé une avalanche de choucroute […] qu’en tout autre cas, j’aurais qualifiée d’appétissante ; mais nous avions le cœur encore trop soulevé de dégoût pour y prendre plaisir. Ce n’est pas l’envie de nous restaurer qui nous talonnait. On dit que les émotions creusent, mais pas du genre de celles que nous venions d’éprouver. Nous ne nous étions mis à table, mes amis et moi, qu’après une longue station au lavabo et un décrassage effréné » (Souvenirs de police au temps de Ravachol, 1923) PÉNURIE manque, carence, disette, épuisement ■ m. e rien à frire rien à manger « La guerre fut en tous lieux si amère… tellement que plus rien à frire n’entrèrent à Paris », La Juliade, 1651 ◪ 1640 il nous fait chier petites crottes « il ne nous donne gueres à manger » (OUD.) • la cuisine est fort froide il n’y a rien à manger • il n’y a rien de si froid que l’âtre idem • mâcher à vide n’avoir rien à manger • être par-delà le pain n’avoir plus de pain au logis • il n’y en a pas pour sa dent creuse « cela ne suffit pas pour le rassasier » (OUD.) • plaindre les morceaux donner peu à manger • faire manger des oublies « oublier de donner à manger. Allusion » (OUD.) • rogner (tailler) les morceaux « donner peu de chose à manger, retrencher les e viandes » (OUD.) • il soupe dès le matin de peur de chier au lit il n’a guère à manger ■ f. XVII 1690 ronger son râtelier « de celui qui n’a pas d’emploi, ou de quoi manger » (FUR.) • ronger sa litière idem XVII JEÛNE, PRIVATION diète e ■ m. XVII 1640 il est fête au palais « des jours de jeûne ; par une méchante pointe à cause que le palais de la bouche ne travaille point » (FUR.) • prendre paradis pour famine • dîner (souper) e par cœur ne manger point ■ f. XVII faire maigre ne pas manger de viande les jours où l’Église le défend ◪ 1690 jeûner à fer émoulu « observer le jeûne dans toute sa rigueur. Les Turcs en e jeûnant ne mangent rien de tout le jour et se saoulent toute la nuit » (FUR.) ■ d. XIX se la brosser il semble bien que l’on doive comprendre simplement se brosser la panse (être privé de manger), métaphore d’un geste de privation, cruel certes, mais réel chez les affamés, qui consiste à frotter l’estomac dans un mouvement de va-et-vient horizontal de la main, comparable à celui d’une brosse. La formule de refus ça fait brosse, attestée en 1808 par BOISTE, pourrait également être e interprétée ainsi. Se brosser, elliptiquement, n’est attesté que dans la seconde moitié du XIX siècle « Contes que tout cela ! quand on est désargenté on se la brosse, ou l’on prend un litre, et l’on ne va pas se taper un souper à l’œil [à crédit] », VIDOCQ, Mémoires, 1828 • faire la tortue « Non ! et pourtant j’ai eu bien de la misère, allez… j’ai fait la • danser devant le buffet en 1866, l’expression paraît suffisamment connue au sens de « ne pas manger » pour donner lieu à un jeu de mots : « À Nancy, le train s’arrête : il y a buffet ! Monselet tressaille toujours à ce mot tortue quelquefois pendant deux jours, et plus souvent qu’à mon tour », E. SUE, Les Mystères de Paris, 1842 magique, si rassurant pour les estomacs en peine. Daudet et moi, qui sommes de petits mangeurs – surtout lorsque nous avons déjà dîné, – nous dansons devant le buffet pour nous dégourdir les jambes », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 ■ m. e XIX dîner en l’air « je dois le dire, j’avais dîné en l’air pour me rendre plus tôt à l’invitation de monsieur Dervincourt, et je commençais à avoir faim », H. MONNIER, Joseph Prudhomme, 1857 ◪ 1842 le supplice de Tantale « Alors, entourés de gens qui mangeaient, suffoqués par les émanations de nourritures, le comte et la comtesse de Bréville, ainsi que M. et • faire de l’alchimie avec les dents « c’est n’avoir ni pain ni pâte, et mâcher à vide. C’est encore se refuser la nourriture nécessaire, et chercher, comme l’avare, à remplir sa bourse par l’épargne de sa bouche » (QUIT.) ◪ 1867 faire la balle élastique ne pas manger • aller voir défiler les dragons « dîner par cœur, c’est-à-dire ne pas dîner du tout, – dans l’argot du peuple, qui se rappelle le temps où, ne pouvant repaître son ventre, il allait repaître ses yeux, sous la République, des hussards de la guillotine, et, sous l’Empire, des dragons de l’Impératrice. Qui admire, dîne ! » (DELV.) • ne pas chier de grosses crottes avoir mal dîné, ou n’avoir pas dîné du tout • n’avoir rien dans le cornet être à jeun • se brosser le ventre variation d’un hypothétique se brosser la panse (voir ci-dessus) : « Se passer de manger, se coucher sans souper » (DELV.) « les birbes s’emplissent la panse Mme Carré-Lamadon, souffrirent ce supplice odieux qui a gardé le nom de Tantale », MAUPASSANT, Boule-de-Suif, 1880 aux frais des sempiternels dupés qui, eux – toujours roulés ! – continuent à se brosser le ventre », Le Père Peinard, 1897 e ■ f. XIX bouffer des briques du mot brique signifiant miette – s’enfiler des briques (1878). Cependant, l’expression a dès l’origine été comprise comme n’avoir rien à manger, sinon des cailloux. Ainsi les variations d’Émile POUGET dans Le Père Peinard : « les milliers de copains bouffent des cailloux » (1889) ; « il nous faisait bouffer du briche à la terre de brique » (1889) ; « réduits à boulotter des briques à la sauce aux cailloux » (1894) « Vous êtes riches de la mistoufle du populo. Qu’il n’y ait plus de déchards, bouffant des briques, lichant du sirop de grenouille, refilant la comète, six fois par semaine – et vous baisserez le caquet ! », Le Père Peinard, 1892 • se bomber jeûner, se priver. Peut-être une réfection de faire la tortue « les peinards qui n’ont pas un pelot à gaspiller et qui veulent tout de même zyeuter de la peinture, faut qu’ils se bombent, sang dieu ! », Le Père Peinard, 1893 • faire balle être à jeun « Les forçats ne sont pas dégoûtés et quelques taches dans un quart de pain ne sont pas pour faire reculer un fagot de bon appétit et qui fait balle », A. HUMBERT, Mon bagne ◪ 1875 faire ballon ◪ 1883 se serrer d’un cran « se priver de. Se serrer le e ventre, ne pas manger à sa faim » (DICT. LANGUE VERTE) ■ d. XX la sauter à pieds joints reformulation probable de sauter à la perche « Comme j’étais plutôt tête de cochon et que les coups ça me faisait rien, y z’avaient trouvé un moyen de m’avoir. C’était de me fout’ au cachot et de me la faire sauter à pieds joints. Y me laissaient des deux, trois jours sans becqueter », SYLVÈRE (1906-1950) • faire balpeau verlan de peau de balle, rien « Les restes elle les filait dans le parmentier. “Mollo ! elle nous disait, mollo ! Sinon ce soir vous ferez balle-peau !” », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 • se mettre la ceinture subir des privations – de nourriture en particulier « Si j’avais encore ma femme, j’dirais rien ; une femme trouve toujours de quoi faire d’la soupe ; mais moi, avec les gosses, on s’met la ceinture, et on attend que monsieur l’blondin joli-cœur, il s’décide à m’servir mon dû ! », R. BENJAMIN, Les Justices de paix, 1913 ◪ 1906 grève de la faim protestation s’exprimant par le refus de toute nourriture pendant un temps plus ou moins long, et parfois jusqu’à la mort « Mise en prison pour neuf mois, elle [miss Davison] y manifesta encore son ardeur combative en faisant la grève de la faim, en se barricadant dans sa cellule et en tentant de se suicider », L’Illustration, 14 juin 1913 e ■ m. XX casser la croûte sans remuer les dents « Alors là encore j’ai été à la Soupe, là. Alors on n’était pas trop riches, quoi, déjà à ce moment-là, on cassait souvent la croûte sans remuer les dents, • être au régime jockey à un régime frugal, par référence aux jockeys, obligés de surveiller leur alimentation pour garder leur légèreté e ■ m. XVII 1640 se fâcher contre son ventre « ne point manger quand on est en colère, jeusner par dépit » (OUD.) • jeûner entre la mie et la croûte « ironiquement, le jeûne ne l’empêche pas de e manger » (FUR.) ■ f. XVII 1690 double jeûne, double morceau « ironiquement à ceux qui mangent les jours de jeûne plus qu’à l’ordinaire » (FUR.) hein », La Mâle Parole, 1975 LA TABLE e ■ m. XVII 1640 mettre cinq et retirer six prendre quelque chose dans un plat • la place du niais au milieu de la table • pêcher au plat prendre de la viande dans le plat • tenir table demeurer longtemps à table • il n’y a point de sermon « qu’il n’est pas besoin de se haster de e sortir de table » (OUD.) ■ m. XIX 1867 tard-à-la-soupe convive qui se fait attendre LES REPAS déjeuner, dîner, souper, gueuleton e ■ f. XIII 1280 faire belle chère passage du sens de « faire beau visage » à celui de « faire e bombance » « Or faisons trestout bele kiere/Tien che morsel, biaus amis dous », Robin et Marion, 1280 ■ f. XVI chère de commissaire « quand on sert chair et poisson. Ce proverbe n’a commencé que du temps des Huguenots, car il fallait que les repas qu’on donnait les jours maigres aux commissaires des chambres mi-parties fussent servis en chair et en poisson, afin que chacun en mangeât suivant le e e e devoir de sa religion » (FUR.) ■ XVII faire bonne chère bien manger, mais aussi, du XVII au XIX , bien traiter ses invités. Cf. « Un mois durant, je fus traicté/Comme si leur fils j’eusse esté ;/Certes, si par la bonne chere/On e peut soulager sa misère,/Je mangeois là comme un vray loup/Et m’y remplissais jusqu’au cou », SCARRON, 1642 ■ d. XVII entre la poire et le fromage à la fin du repas. La poire et le fromage ont été associés dès le e XIII siècle, dans cet ordre de consommation, comme un régal de fin de repas. Il a symbolisé très tôt ce moment où « les langues se délient » « Nous en parlerons a souppé entre la poire et le fromage », SOREL, e ■ m. XVII 1640 un déjeuner d’écolier un bon déjeuner • entrées de table « certaines viandes que l’on sert au commencement du repas » (OUD.) • un déjeuner de chasseur un bon déjeuner • traiter en commissaire « faire bonne chère, emplir bien les plats » (OUD.) • une collation de moine bonne et ample • un dîner d’avocat « un bon disner, et à l’aise » (OUD.) • le dîner de la brebis « disner sans boire » (OUD.) • le regoubillonnement des chambrières « la collation avant que d’aller coucher » (OUD.) • un souper de marchand un bon souper, et avec repos • un goûter de commères « un bon gouster où l’on cajolle fort » (OUD.) • une carrelure de e ventre un bon repas ■ f. XVII 1690 faire les bignets « faire une collation à l’époque du carnaval, Francion, 1623 l’époque des bignets » (FUR.) • un repas de la cigogne « un repas dont les mets sont tellement e disposés qu’il n’y a que le maître qui en puisse manger » (FUR.) ■ d. XIX 1828 déjeuner à la fourchette « se dit d’un déjeuner composé de mets substantiels et solides, de la viande par exemple » (N. LANDAIS, 1836) ; s’oppose à sur le pouce, en utilisant seulement un couteau « Moi, j’ai déjà pris du café et du thé ; mais je veux déjeuner à la fourchette, c’est meilleur genre… », P. DE KOCK, La Maison blanche, 1828 e ■ f. XIX 1894 un dîner à chier partout « expression élogieuse, usitée dans la meilleure compagnie, pour un très beau dîner » (LYON) e ■ m. XVII 1640 il n’y a pas moyen de sonner si la cornemuse n’est pleine « on ne parle e gueres avant d’avoir bien disné » (OUD.) ■ f. XVIII 1792 piqueur d’assiette « sobriquet injurieux e que l’on donne à un parasite, à un écornifleur de dîner (DHAUTEL) ; on trouve dès la fin du XVII siècle piquer les tables, pour « vivre en parasite » ; à partir du vieux sens de piquer, « attraper (voler) au passage » « Nous connaissons toutes les menées des piqueurs d’assiète de ce vieux tondu », HÉBERT, 1792 e e ■ d. XIX pique-assiette piquer l’assiette se rencontre dès la fin du XVIII siècle, cf. : « pour être loin de son camp, loin de ses ennemis, sous la protection de notre canon, à portée de piquer l’assiette de nos pauvres officiers, et de faire demande sur demande au gouverneur et aux marchands » e (BOUFFLERS, Lettre à Mme de Sabran, 17 avril 1786) ■ m. XIX 1842 la table est l’entremetteuse de l’amitié « à table les haines s’éteignent, les inimitiés cessent et l’amitié se resserre davantage » (QUIT.) • point de mémoire à table • les morceaux caquetés se digèrent mieux « le plaisir de la conversation mêlé à celui de la bonne chère est un préservatif contre l’indigestion, parce qu’en parlant on mange plus lentement, et que les aliments s’imbibent mieux de salive, deux points importants pour les gastronomes qui tiennent à conserver un bon estomac, et qui pensent avec e Brillat-Savarin qu’on ne vit pas de ce qu’on mange, mais de ce qu’on digère » (QUIT.) ■ f. XX on se téléphone, on se fait une bouffe il semble que l’expression ait d’abord été en usage dans un certain milieu snob et parisien – pour lequel il est primordial de toujours rester en contact – comme formule en prenant congé de quelqu’un, sans intention particulière de s’engager à le revoir très vite. L’expression est désormais utilisée de façon parodique, pour abréger des séparations qui ont tendance à s’éterniser LES INGRÉDIENTS assaisonnement e ■ f. XVI banquet de diables « où il n’y a point de sel. Ce mot de diable, se met avec toutes e sortes de noms, et sert à y donner quelque force » (OUD.) ■ m. XVII 1640 souper de sorciers sans sel • j’ai vu le roi « on dit ce mot en prenant du sel dans une salière avec les doigts. Un autre respond, j’ay veu un sot » (OUD.) • voyons si notre hôtesse a bonne tête « si le vinaigre du logis e est bien fort » (OUD.) ■ m. XIX la mort au beurre « se dit des mets dont la préparation demande beaucoup de beurre. Les épinards sont la mort au beurre » (LITTRÉ) • pivois citron vinaigre e e (HALBERT) ■ d. XX emporter la gueule être très épicé ■ m. XX avoir la main lourde mettre trop d’un ingrédient dans un plat LA CUISINE e ■ m. XVII 1640 cuire à la fouée « dans les cendres chaudes, à la cheminée, et non pas au four » (OUD.) • faire mitonner un potage « faire bouillir, et tremper lentement le pain dans le bouillon sur un reschaut » (OUD.) • faire la cuisine « assaisonner les viandes » (OUD.) • couver un mauvais œuf faire une mauvaise nourriture • dresser les viandes « les mettre dans le plat, les ordonner pour les porter sur table » (OUD.) • barder la volaille « la couvrir d’une trenche de lard e au lieu de la larder » (OUD.) • déguiser une viande « l’assaisonner diversement » (OUD.) ■ d. XIX un cordon bleu une excellente cuisinière « Elles eurent bientôt fait les préparatifs de ce premier festin, d’une opulence après laquelle elles avaient si longtemps soupiré ; lorsque le gigot fut cuit à point, Suzanne s’occupa de mettre le couvert… – HENRIETTE : Eh bien ! Frédéric, qu’en dis-tu ? n’arrange-t-elle pas bien ça ? – FRÉDÉRIC : On voit qu’elle s’y entend. – SUZANNE : Quel’on vienne dire encore que nous ne sommes pas des cordons bleus ! », VIDOCQ, Mémoires, 1828 1857 faire la popote ■ m. e XIX « Puis cette fois-ci nous sommes ravitaillés, on peut faire notre popotte ; c’est l’eau qui nous manque ; il faut faire quatre kilomètres pour aller en chercher », SAINÉAN, L’Argot des tranchées, 1915 ◪ 1867 faire sa e tambouille faire sa cuisine ■ f. XIX 1894 fatiguer la salade « l’oucher longtemps et en appuyant, de manière que les feuilles soient un peu flappies. Les Lyonnais l’aiment mieux ainsi » (LYON) e ■ m. XVII 1640 faire un tour en cuisine « reconnoistre si les viandes s’apprestent » (OUD.) • ce bœuf sent sa plume « on l’a mis cuire fort tard, on n’est pas sorty du lit assez matin pour le faire e cuire » (OUD.) ■ f. XIX 1894 cuisinier brandouille « “qui fait la sauce aux grenouilles”, ajoute-t-on souvent » (LYON) LE COUVERT e ■ d. XVII mettre le couvert « couvert, signifie aussi la nappe, la couverture de la table, et encore plus particulièrement ce qui sert à chacun des conviez, comme l’assiette, la serviette, la cuiller, le couteau, et la fourchette. On a mis le couvert dans cette sale » (FUR.) « À quelque temps de là, des officiers masquez et fort bien vestus vinrent mettre le couvert et l’on servit ensuitte le souper », SCARRON, Le Roman comique, 1651 ■ m. XVII e e 1640 un couvert une assiette et ce qui s’ensuit ■ f. XVII 1690 lever la nappe desservir • mettre la nappe « mettre le couvert sur la table pour manger ; quand on reçoit la compagnie chez soi, lorsque les autres apportent de quoi manger et quand on fournit seulement le bois, la chandelle et autres menues nécessités » (FUR.) e ■ m. XVII 1640 servir à plat couvert « servir à la grandeur » (OUD.) • batterie de cuisine e e ■ f. XVII 1690 il serait bon à châtrer un moine méchant couteau ■ f. XIX 1872 bête à cornes « fourchette. Les cornes sont les dents, qui étaient au nombre de deux dans les anciennes fourchettes » (LARCH.) LES METS plats, bouffe, bectance, becte, frichti e e e ■ XVI artillerie de gueule vivres ■ m. XVI munitions de gueule provisions ■ m. XVII 1640 enfants de Dieppe « des harencs, parce qu’on les apporte de ce lieu là » (OUD.) • chapon de Normandie « une crouste de pain dans de la bouillie » (OUD.) • les quatre mendiants des noisettes, des amandes, des figues et des raisins • du sucre volant du miel • viande de commissaire chair et poisson • marchandise du palais quelque chose à manger • du lolo « mot d’enfant, de la bouillie » (OUD.) • œufs à la huguenote « cuits avec du jus d’éclanche [d’épaule de mouton] » (OUD.) • le morceau honteux « le dernier morceau d’un plat, – dans l’argot des bourgeois, qui n’osent pas y toucher, malgré les sollicitations de leur appétit, parce que la “civilité puérile et honnête”, le leur défend » (DELV.) • pâtés d’ermite des noix • un morceau pour boucher la bouteille « un peu de pasté ou d’autre viande après avoir beû, pour oster le goust et la e senteur du vin. Raillerie » (OUD.) ■ f. XVII 1690 un juste-au-corps « la croûte d’un pâté qui enferme le lièvre » (FUR.) • pot pourri « ragoût composé de plusieurs éléments friands qui n’a e e point de nom particulier » (FUR.) ■ XIX quelque chose à se mettre sous la dent on trouve au XVIII la variante mettre quelque chose sur la dent : « On ne vit pas de l’air ; et, en attendant que la besogne aille, faut mettre quelque chose sur la dent » (Dialogue pas mal raisonnable, 1790) e ■ d. XIX lait de poule boisson censée être fortifiante, à base de jaune d’œuf, lait et sucre, et quelquefois aromatisée (muscade, cannelle, etc.). Pour N. LANDAIS (1836), c’est simplement du e « jaune d’œuf délayé dans du lait » ■ m. XIX 1867 connaître le journal « savoir de quoi se compose le dîner auquel on est invité » (DELV.) • cataplasme au gras épinards • faire la trempette déjeuner d’un morceau de pain dans un verre de vin e e ■ XVII à la croque-au-sel sans autre assaisonnement que du sel ■ f. XVII 1690 les merlans sont viandes de laquais, de postillons « ils n’empêchent point de courir pour trop charger e l’estomac » (FUR.) ■ m. XIX 1867 déjeuner de perroquet « biscuit trempé dans du vin, qui permet d’attendre un repas plus substantiel » (DELV.) • naviguer sous le cap Fayot « [quand] l’équipage, e ayant épuisé les provisions fraîches, est bien forcé d’entamer les légumes secs » (DELV.) ■ f. XIX 1872 marcher, marcher tout seul « se dit du fromage et des aliments corrompus où les vers grouillent assez pour donner à cet objet matériel une sorte de vie, au figuré, “pour le faire marcher”. “Cela danse”, indique le plus haut degré de la décomposition, dans le même ordre d’idées » (LARCH.) SOUPE e ■ m. XVII 1640 soupe à la jacobine « avec du fourmage » (OUD.) • soupe à l’ivrogne « du pain trempé dans le vin. D’autres veulent que ce soit de la soupe à l’oignon » (OUD.) • soupes de prime e « souppes avec du fourmage » (OUD.) ■ f. XVII 1690 soupe de vendangeur « soupe qu’on fait avec des choux blancs ou pommés et avec du pain bis dont on nourrit les vendangeurs » (FUR.) • soupe au (de) perroquet du pain trempé dans du vin ■ f. graisse, mot à mot : sans yeux » (LARCH.) e XIX 1872 bouillon aveugle « bouillon sans SUCRE e ■ d. XIX enfant de chœur « pain de sucre (VIDOCQ). Allusion à sa petite taille et à sa robe e blanche » (LARCH.) ■ f. XIX 1872 chien noyé « morceau de sucre trempé dans du café noir. Plus petit et moins trempé, c’est un canard » (LARCH.) VIANDE bidoche, carne, barbaque e e ■ XVI la pièce de bœuf l’ordinaire ■ m. XVII 1640 une perdrix riante une tête de mouton • une langue qui n’a jamais menti « une langue de bœuf, de veau, de mouton, etc. » (OUD.) • des petits pieds « des petits oiseaux à manger, comme des perdrix, des beccasses, des cailles, des allouettes » (OUD.) • des bêtes qui ne pètent point « des petits oiseaux à manger » (OUD.) • pain bénit d’Écosse « du foye de bœuf » (OUD.) • munition de gueule au pluriel, l’expression signifie « provisions » ; OUDIN la spécialise en la définissant comme « de la viande » • un bas de soie « des pieds de pourceau. Les valets de cabaret entendent bien ce mot cy » (OUD.) • un bon Jean « par renversement du mot, un jambon » (OUD.) • du brésil « de la chair de bœuf salée et fumée qui devient rouge et ferme comme du brésil [bois extotique de couleur rouge] » (OUD.) • du nanan « mot enfantin, de la viande » (OUD.) • de la venaison de Poissy du bœuf • un alléluia « par allusion des premières lettres, un Alloyau, pièce de bœuf » (OUD.) • accolade de lapereaux « deux e lapreaux ensemble pour les faire rostir » (OUD.) ■ f. XIX 1872 pièce de résistance « gros morceau de viande sur lequel un maître de maison compte pour satisfaire l’appétit de ses convives » (LARCH.) e ■ m. XVII 1640 viande de gentilhomme, il y a à manger pour lui et pour ses chiens « une teste de veau, ou autre viande pleine d’os » (OUD.) • fesser le gigot « manger d’ordinaire un gigot ou esclanche au soir à la mode des pensionnaires d’un Collège » (OUD.) • c’est Durandal « par e allusion, de la viande bien dure » (OUD.) ■ f. XVII 1690 dure comme la pierre, c’est de la pierre « pour mépriser une viande » (FUR.) PAIN artiche ■ f. XVII e du gros Guillaume « du gros pain destiné dans les maisons de campagne pour la e nourriture des valets de cour » (FUR.) ■ m. XIX 1867 artie de Meulan pain blanc • artie de Grose Guillaume pain noir ■ f. XIX 1872 boule de son « pain de munition. Il contenait autrefois beaucoup de son » (LARCH.) • larton savonné « pain blanc. Mot à mot : aussi blanc que du linge savonné » (LARCH.) • larton brutal « pain noir. Mot à mot : pain brut » (LARCH.) FROMAGE frometon, frogomme e ■ d. XIX boussole de refroidi « fromage de Hollande, dit tête de mort (VIDOCQ). Allusion à la e boule formée par ce fromage. On dit aussi “boussole de singe” » (LARCH.) ■ m. XIX 1867 entrecôte de brodeuse morceau de fromage de Brie • côtelette de perruquier même chose PÂTISSERIE gâteaux e ■ m. XVII de la conserve de four de la pâtisserie • petit métier « des cornets faits de paste et e de sucre » (OUD.) ■ m. XX de l’étouffe-chrétien pâtisserie trop lourde MANGER bouffer, becqueter, avaler, dévorer, grignoter, se nourrir, briffer, croûter, boulotter e e ■ f. XV faire Gaudeamus faire bonne chère ■ m. XVI avoir l’appétit ouvert comme la e gibecière d’un avocat bon appétit • manger un morceau rapidement ou légèrement ■ f. XVI se e torcher le bec de • une lippée un bon repas ■ d. XVII une franche lippée « mon vilain voudra ses lipées e franches jusques à nous amener bien souvent des Escornifleurs », Les Ramoneurs, 1624 ■ m. XVII 1640 carrelure de ventre « réfection plantureuse, – dans l’argot du peuple, qui éprouve souvent le besoin de raccommoder son ventre déchiré par la faim » (DELV.) • amasser ses bribes, mettre ses bribes ensemble manger de compagnie • aller par mer ou par terre manger du poisson ou de la chair • faire dégourdir une viande « la cuire à demy, et la manger » (OUD.) • il s’en lèche encore les doigts « il achève de manger une viande » (OUD.) • ils auront bientôt décrotté cela « ils l’auront bien tost mangé » (OUD.) • cotonner le moule du pourpoint emplir son estomac • nous sommes en beau chemin « en estat de bien manger » (OUD.) • envie de femme grosse volonté de manger quelque chose • manger en loup seul, en son particulier • jeûner entre la mie et la croûte ne pas jeûner • remuer le porte-mors • ruer bien en cuisine « manger fort bien, estre habile mangeur » (OUD.) • rompre le carême « manger des viandes deffendues » (OUD.) • rembourrer le pourpoint • mettre tout à profit • emplir son pourpoint • jouer des orgues de Turquie des dents, manger • il lui passera bien loin des côtes il n’en mangera point • faire tout net manger tout ce qu’il y a • jouer des mâchoires • mâcher de haut manger avec peu d’appétit • manger de haut manger sans appétit • manger en housse « disner avec son manteau sur ses espaules » (OUD.) • se donner de quelque chose par les joues en manger tout son saoul • il fait comme les grives, il vit d’air il mange peu • fripper (le pouce) • manger dans son sac manger seul, en son particulier • tenir bonne table se traiter bien • tirer aux dents (avec les dents) « métaphore, manger quelque chose » (OUD.) • tromper le diable « desjeuner devant que d’aller à la messe » (OUD.) • se donner de quelque chose à travers le corps manger • homme de grande ou petite vie qui mange beaucoup ou peu • manger son avoine en son sac manger seul • écumer la marmite « en tirer une partie de la viande et la manger devant qu’il soit temps de disner » (OUD.) • courir la poule picorer • n’ayez pas peur qu’il fasse tort à son corps « ne doutez pas qu’il ne mange bien, qu’il ne fasse bonne chère » (OUD.) • habile à la soupe « qui n’a point d’autre perfection que de bien manger » (OUD.) • il a toujours dix aunes de boyaux vides pour festoyer ses bons amis il a e toujours bon appétit ■ f. XVII faire honneur à un repas bien manger ◪ 1690 bien se rembourrer le ventre faire un bon repas • manger son pain tout sec « faire mauvaise chère ; n’avoir rien à manger avec son pain » (FUR.) • s’escrimer des armes de Samson « jouer des mâchoires, parce e que Samson défit les Philistins avec une mâchoire d’âne » (FUR.) ■ XVIII faire un gueuleton « C’est aussi-là qu’un beau dimanche,/La Tulipe en chemise blanche,/Jean-Louis en chapeau bordé,/Et Jérôme en toupet cardé,/Chacun d’eux suivi de sa femme,/À l’image de Notre-Dame,/Firent un ample gueuleton », VADÉ, La Pipe cassée, v. 1755 • ne pas avoir la gale aux dents manger beaucoup • casser (une) la croûte « Monsieur Rodolphe… nous entrerions au “Panier Fleuri”… ni moi ni madame nous n’avons déjeuné… Nous parlerions e de nos petites affaires en cassant une croûte », E. SUE, Les Mystères de Paris, 1842 ■ m. XVIII manger comme un e moineau très peu ■ XIX dévorer à belles dents • taper dedans se servir copieusement dans un plat ; sert très familièrement d’invite : allez-y, tapez dedans ! Cette façon de dire est très ancienne et vient des époques où l’on prenait les viandes directement au plat en les piquant avec le couteau ; on la rencontre avec le verbe férir, frapper. Cf. le moine glouton qui, ayant déjà liquidé une langue de bœuf, est mis en présence d’un plat de tripes : « De la il se tire a ces trippes belles et grasses, et fiert dedans comme ung loup dedans les brebis » (Cent Nouvelles Nouvelles, 1467) e ■ d. XIX dire un mot à casser la croûte, s’attaquer à une nourriture « je préfère le coin du feu et une bonne table, chose que l’on trouve difficilement en courant le monde. Mademoiselle, vous serait-il agréable que nous disions un mot au pâté et au saucisson ? », P. DE KOCK, La Pucelle de Belleville, 1834 ■ m. e XIX 1842 manger des perdrix sans orange « le jus de l’orange a été regardé comme la véritable sauce de la perdrix. De là cette expression pour dire : manger quelque chose sans l’apprêt qui lui convient » (QUIT.) ◪ 1866 casser le cou à « Chère belle, ne viendrez-vous pas casser le cou à un fricandeau ce soir ? », LESPÈS, 1866 ◪ 1867 chamailler des dents • se mettre quelque chose dans le cornet • se coller quelque chose dans le tube le tube est l’estomac • déchirer la cartouche • estropier un anchois « manger un morceau pour se mettre en appétit ; faire un déjeuner préparatoire » (DELV.) • jouer des dominos • se coller quelque chose dans le fusil • repiquer sur le rôti en demander une nouvelle tranche • donner un coup de fourchette • jouer des badigoinces • torcher un plat manger ce qu’il contient • se remplir le battant • sucer la fine côtelette déjeuner à la fourchette • se pousser dans le battant boire ou manger, mais surtout boire • jouer des mandibules • se garnir le bocal • se passer par le coco « manger. Comparaison de l’estomac humain à celui du cheval. Le refrain populaire de la Botte à Coco en a donné l’idée à l’armée et au peuple » (LARCH.) • se mettre quelque chose dans e le cadavre • nettoyer un plat manger ce qu’il contient • charger la canonnière ■ f. XIX 1872 tortiller du bec • se fourrer dans le tube • nourrir son cadavre • se caresser l’angoulême « boire et manger. Mot à mot : se caresser le palais, “mettre en gueule”, du vieux mot goule (gueule). Nous avons encore goulu et goulafre (glouton) » (LARCH.) « Il y en a qui ne se sont pas encore caressé l’angoulême depuis la veille », E. D’HERVILLY ◪ 1875 se caler les joues bien manger « Ce que voulait le populo de 1789, c’était vivre mieux que sous l’ancien régime ; il voulait se caler les joues, se remplir la panse, et n’être plus sous la coupe 1883 se passer quelque chose sous le nez • s’en pousser dans le cornet, l’escarcelle, le fusil ◪ 1894 ne faire que tordre et avaler « manger avec une telle faim qu’on ne prend pas le temps de mâcher » (LYON) ◪ 1896 faire un sort à ex. : e faire un sort à un gâteau, ne pas en laisser une miette ■ XX manger le nez dans son assiette sans e regarder personne, sans parler ■ d. XX se taper la cloche taper pour absorber date du milieu du e XVIII siècle. « Se taper (quelque chose), Manger, boire copieusement (1804) [cf. “se taper un souper à l’œil”, Vidocq, 1828]. S’emplir : Se taper le fusil, la tête (et leurs syn.), manger (pop. 1900) » (ESNAULT) « En dehors de ça il fallait tout de même clâper. À condition de savoir nager, on pouvait se taper la cloche confortablement dans l’usine », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • s’en mettre derrière la cravate « Et si seulement ils des nobles, des prêtres et des bourgeois », Le Père Peinard, 1889 ◪ s’étaient contentés d’un simple café au lait, comme lui ! Il leur en fallait des complications. Ils ne pensaient donc qu’à s’en mettre derrière la cravate ? Comme ça, au saut du lit, la plupart d’entre eux se composaient de véritables menus », GUÉRIN, • se caler les amygdales bien manger • s’en foutre plein la lampe la forme s’en mettre semble être apparue en euphémisme « Puis on va becqueter ; comme le cuistot fait de la becquetance maous pépère, on s’en fout plein la lampe », SAINÉAN, L’Argot des tranchées, 1915 • s’expliquer avec manger de, par plaisanterie sur « dire un mot à » « Et puis on s’expliquait avec des ailes de poulet toutes juteuses avec bientôt des haricots verts qui finissaient de mijoter là-bas sur le gaz », J. MECKERT, Les Coups, 1942 ◪ 1903 se taper la cerise « Les L’Apprenti, 1946 copains, eh, les copains, on va toujours se taper la cerise avec une bonne soupe mitonnée ! », R. BENJAMIN, Gaspard, 1915 ◪ 1926 casser la graine l’expression apparaît beaucoup plus tôt dans le Lyonnais au sens de « boire un coup » ; elle est donnée comme une variante (altération ?) de casser la grune en 1894 « Tout à l’heure, pendant le lunch, alors que les rupins casseraient la graine tranquillement, ce serait pour lui la galoperie effrénée entre le rez-de-chaussée et les sous-sols », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ■ m. e XX faire popote manger ensemble. « Popote, Cuisine, – dans l’argot des troupiers, qui ont trouvé là une onomatopée heureuse : le clapotement du bouillon dans le pot-au-feu, des sauces dans les casseroles, etc. Signifie aussi table d’hôte » (DELV.) « Jean est prisonnier… Sa musette pleine de patates chipées à la réserve. Qu’il m’apporte à la baraque. J’en file la moitié à Maria. Le reste, je me l’empiffre avec Paulot Picamilh, nous avons décidé de faire popote pour le meilleur et pour le pire », CAVANNA, Les Russkoffs, 1979 • casser la dalle e e ■ d. XVI à table ! ■ m. XVI 1552 nos chevaux n’en iront que mieux « c’est ce que disent les bons compagnons lors qu’ils sont à table, parce qu’on tient qu’on est plus léger après avoir mangé » (OUD.) « Et ne parlent improprement ceulx qui par long voyage au matin beuvent et desjeunent, puys disent : nos e chevaulx n’en iront que mieulx », Rabelais, Le Quart Livre, 1552 ■ m. XVII 1640 pain coupé n’a point de maître « cecy se dit en prenant le pain d’un autre à table » (OUD.) • je suis de deux paroisses « cecy se dit à table lors que l’on mange des deux costez, que l’on met la main en divers plats » (OUD.) • plaindre les morceaux « n’estre pas content qu’un autre mange » (OUD.) • les dents lui démangent il veut mordre, ou ronger • attendre de la main gauche « manger toujours de la main droite en attendant les absents » (OUD.) • attendre comme les moines font l’abbé « attendre les absents toujours en mangeant » (OUD.) • si vous crevez à la table, je mourrai à vos pieds « je ne vous abandonneray point quand il sera question de manger » (OUD.) • tout fait ventre tout est bon à manger, et principalement à ceux qui ont bon appétit • la viande prie les gens « mangez, ne vous faites point prier » (OUD.) • il va à la messe des trépassés, il y porte pain et vin dicton qu’on emploie en parlant d’un homme qui va à la messe après avoir bien déjeuné • gens de mauvaise vie « par métaphore, gens qui font mauvaise chère » (OUD.) • tripes frites sont écrites au papier des pauvres gens « cela se dit lors que l’on parle de manger des tripes. Le reste dit en mauvaise rime, Aussi sont bien des riches quand ils n’ont point d’argent » (OUD.) • il fourre tout dans son sac il mange tout ce qu’il gagne • Dieu a fait les planètes et nous faisons les planets « allusion à plats nets, nous vuidons les plats » (OUD.) • il fait comme les bons chevaux, il s’échauffe en mangeant e il ne se refroidit point à table • avoir une belle avaloire une grande gorge ou grand gosier ■ f. XVII 1690 faire un prisonnier « manger quelque morceau entre deux verres de vin » (FUR.) • avoir loué son ventre s’être engagé d’aller manger chez quelqu’un • faire gras manger de la viande les jours défendus • vivre à table d’hôte « lorsqu’il y a un prix fixé pour chaque repas et qu’on n’est pas obligé de compter par pièces » (FUR.) • faire un repas de brebis manger beaucoup sans boire • il faut servir Dieu avant sa panse ne pas déjeuner avant d’aller à la messe • être comme la mule du pape, qui ne boit ni ne mange qu’à ses heures « un fantasque qui ne veut pas manger hors de ses repas » (FUR.) • il faut joindre nos bribes ensemble « se dit parmi le peuple : il faut souper ensemble et porter chacun notre souper […] il n’y a tel festin que de gueux, quand toutes les bribes sont ramassées » (FUR.) • boucher la bouteille « prendre un morceau de pain après avoir e bu, de peur de sentir le vin » (FUR.) ■ f. XVIII manger à la gamelle « être à l’ordinaire des soldats et e des matelots » (Acad., 1832-35) ■ m. XIX n’être pas gras à lécher les murs avoir suffisamment à manger ◪ 1842 brebis qui bêle perd sa goulée « il ne faut pas perdre en paroles un temps qu’il importe d’employer à l’action. Ce proverbe s’applique particulièrement pour signifier qu’à table il ne faut pas trop parler, si l’on ne veut pas être dupe de l’avidité des convives » (QUIT.) • mange pour vivre et ne vis pas pour manger mais il est si doux de creuser sa fosse avec les dents ! • on n’a jamais vu chèvre morte de faim « pour signifier qu’il y a de l’avantage à prendre l’habitude de n’être point difficile sur les aliments et de manger de tout » (QUIT.) • qui dort dîne MANGER VITE e ■ m. XVII 1640 travailler à la tâche • aller vite en besogne • il ne lui en faut que montrer • être habile à la soupe • étourdir les morceaux • il gèle, tout se prend « l’on prend tout ce qu’il y a dans les plats, on mange fort viste ; par allusion de prendre à se prendre, qui signifie se congeler » (OUD.) • il n’en a pas fait à demi il l’a mangé promptement • mettre les morceaux en double se hâter de manger • il ne faut point lire la vie de sainte Marguerite, nous avons belle délivrance « cela se dit quand on voit la compagnie manger fort viste ou de bon appétit » (OUD.) e ■ d. XIX 1815 manger sur le pouce manger du pain accompagné de viande que l’on tranche, bouchée après bouchée, sur le pouce. C’est le casse-croûte, qui s’oppose au repas pris à table – e d’où l’idée d’en vitesse, déjà présente au début du XIX « Quels peuvent être les plaisirs de cet homme ? car enfin la nature n’attache l’homme à son existence que par un plaisir. La nourriture ? Il vit de pain et de cervelas ; et il mange e ■ m. XX manger avec un lance-pierres l’image évoque la rapidité avec laquelle les morceaux sont jetés dans la bouche sur le pouce », RASPAIL, Lettres sur les prisons de Paris, 1831 ÊTRE REPU rassasié e ■ m. XVII 1633 les premiers morceaux nuisent aux derniers « quand on a bien mangé on ne sçauroit plus rien manger » (OUD.) ◪ 1640 mangez de nos prunes, nos pourceaux n’en veulent plus « cecy se dit lors qu’on nous présente quelque viande dont on est saoul » (OUD.) • j’en ai jusqu’au goulet « je suis fort saoul, je suis plein jusques au gosier » (OUD.) • il s’en est donné au cœur joie il en a mangé tout son saoul • le ventre lui rit « il a le ventre bien plein, il a bien disné » e (OUD.) ■ m. XIX 1867 en avoir sa claque « avoir assez bu ou assez mangé, c’est-à-dire trop mangé ou trop bu » (DELV.) e ■ m. XVII 1640 nous avons bien dîné, pendu soit-il qui l’a gagné « c’est une allusion de gaigner qui signifie aussi mériter » (OUD.) • il fera bientôt de la toile, il a tout filé « il a tout beu, ou mangé ; il n’a rien de reste » (OUD.) • le compliment du cordelier « un grand mercy après avoir disné » (OUD.) • il a la fièvre de veau, il tremble quand il est saoul « il est poltron ou paresseux e après avoir mangé » (OUD.) ■ f. XVII 1690 après bon vin, bon cheval « on fait plus de diligence, quand on a bien repu » (FUR.) GLOUTONNERIE bâfrer, s’empiffrer, se gaver, se goinfrer e ■ XVI manger à s’en faire crever la panse • avoir les yeux plus grands que le ventre ■ m. XVI e e n’avoir pas la goutte aux dents manger énormément quand l’occasion se présente ■ f. XVI e manger comme un loup dévorer, manger beaucoup ■ m. XVII 1640 dauber des mâchoires manger avidement • manger à crève-sangle excessivement • aller bien vite à l’esteuf manger avidement • il se tient mieux à table qu’à cheval il est friand, il est grand mangeur • il ne fait que tordre et avaler il mange goulûment • faire sa fosse avec ses dents « manger tant que cela fasse mourir » (OUD.) • ne faire qu’un repas par jour « qui dure depuis le matin jusqu’au soir ; il mange sans cesse » (OUD.) • (il ressemble les procureurs) il relève mangerie « recommencer à manger par goinfrerie, après avoir fait un grand repas » (FUR.) • son moulin va toujours il mange sans cesse • il a toujours le morceau au bec il mange sans arrêt • avoir le gosier pavé « manger des viandes trop chaudes sans se brûler ; goinfre qui avale quelque chose de trop chaud » (FUR.) • faire trembler le lard au charnier être grand mangeur • il est dégoûté en fruitage, il aime mieux deux œufs qu’une prune c’est un grand mangeur • avoir plus grands yeux que grande panse « il y a plus de viande sur la table qu’il n’en sçauroit manger, et toutefois il croit de n’en avoir pas assez » e (OUD.) • il nous arracherait volontiers les morceaux de la bouche ■ f. XVII 1690 avoir un estomac d’autruche « homme qui mange beaucoup, ou des viandes difficiles à digérer ; il digérerait le fer, il mange excessivement sans être incommodé » (FUR.) • manger comme un chancre goulu, grand mangeur • il avalerait la mer et les poissons il mange beaucoup, c’est un grand goulu • branler la mâchoire manger goulûment • avoir plus grands yeux que panse « ne pas être content de ce qu’on nous donne à manger, quoiqu’on en ait plus qu’on ne peut digérer ; il se fait servir beaucoup plus qu’il ne lui faut » (FUR.) • il en avalerait autant qu’une truie de lait clair un goinfre qui mange goulûment de quelque chose • être saoul comme une grive (un cochon, un dogue) « avoir mangé à crever ; goinfre » (FUR.) • déjeuner à fond de cuve « à crever, manger comme si on voulait emplir une cuve, un grand vaisseau » (FUR.) • il avalerait la marmite des cordeliers « un goulu gors » (FUR.) • décharger sa colère sur un pâté (un jambon) e « gros mangeur ; manger de bon courage et avidemment » (FUR.) ■ m. XIX 1834 manger comme un ogre ◪ 1842 deux gloutons ne s’accordent point en une assiette « pas plus que deux chiens après un os » (QUIT.) • avaler comme un coucou ◪ 1867 taper sur les vivres se jeter avec avidité sur les plats d’une table, manger gloutonnement • être porté sur sa gueule • n’avoir de courage qu’à la soupe homme doué de plus d’appétit que de courage • être porté sur sa bouche « ne songer qu’à boire et à manger plutôt qu’à travailler » (DELV.) • donner un bon coup de gueule e manger avec appétit ■ f. XIX se taper la tête se goinfrer • s’en fourrer jusque-là ◪ 1883 torcher les plats avoir appétit ◪ 1894 se bourrer le fusil • se taper le fusil « Je sons allés au banquet électorable. Y en avait qui fesiont des discours. Nous, je nous sont tapé le fusil à en faire partir la culasse », Littré de la Grand’Côte, 1894 ■ d. e XX 1902 bouffer comme quatre « Nous nous trouvions en cabinet particulier et il y avait encore, déjeunant avec nous, une manière de moraliste bouffant comme quatre, ainsi qu’un dernier personnage, jésuite en veston ne pipant guère et n’en pensant pas moins », Mémoires de Casque d’Or, 1902 e ■ m. XVII 1640 morceau honteux « le dernier qui demeure dans le plat, qu’on n’ose prendre de peur de passer pour trop goulu » (FUR.) • les mouches ne volent pas en ce temps-ci « pour donner à entendre que la viande n’est pas en danger de se gaster, à un qui en mange excessivement » (OUD.) • il en mangerait autant qu’un évêque en pourrait bénir en grande quantité • il a un trou sous le nez qui lui fait porter mauvais souliers il est gourmand, il mange e tout ■ f. XVII mener une vie de cochon ne penser qu’à manger et dormir ; être gras et goulu ◪ 1690 c’est du grain de mil dans la gueule d’un âne goulu à qui on présente peu de choses à manger • on fait ventre de tout (tout fait ventre), pourvu qu’on puisse entrer « proverbe de goinfre et d’un boute-tout-cuire » (FUR.) • une carrelure de ventre « repas qu’un goinfre ou un parasite ont été faire quelque part et qui ne leur a rien coûté » (FUR.) • jamais Gargantua n’y fit œuvre à un homme qui mange excessivement • vous allez trop vite à l’offrande, vous ferez choir M. le curé « pour reprocher à quelqu’un qu’il mange trop goulûment, qu’il met trop souvent la e main au plat, ou qu’il fait quelque autre importunité » (FUR.) ■ m. XIX 1842 il ne faut pas se déchausser pour manger cela « c’est ce que dit un gaillard de bon appétit, à la vue d’un mets qu’il se flatte d’avaler promptement, sans crainte d’en avoir l’estomac surchargé » (QUIT.) LE GOINFRE glouton, goulu, vorace e ■ m. XVII 1640 un gros crevé un homme qui mange beaucoup • gros boyau un grand mangeur • un gros effondré « homme goulu et fort ventru » (FUR.) • grand’gueule insatiable • un fripesauce « goinfre, boute-tout-cuire, écornifleur » (FUR.) • un avaleur de pois gris « un grand mangeur, un gourmand » (OUD.) • un grand gosier « homme goulu, grand mangeur » (FUR.) • gueule fraîche un bon goulu • gorge chaude un goulu • un gros bouffetripe un grand mangeur • e un engoulevent « un bon avalleur ; un bon beuveur, par allusion d’engouler » (OUD.) ■ f. XVII 1690 boute-tout-cuire « goinfre qui ne trouve rien de mauvais, qui veut manger en une fois tout ce qu’il y a à la maison » (FUR.) • pile-miche grand mangeur, « autrefois », dit Furetière ; piler signifie « bien manger » • un mangeur de viandes apprêtées « un homme qui aime à faire bonne chère et qui d’ailleurs est fainéant, et qui ne se met point en peine de travailler » (FUR.) • un bon dégoûté « bon drôle qui aime la débauche, la bonne chère, tout ce qui est bon, qui ne manque pas e d’appétit » (FUR.) ■ XVIII père Labutte « ami du vin et du plaisir, qui satisfait ses goûts en cachette, afin que rien ne vienne troubler ses jouissances. Le père Labutte est un religieux mendiant [imaginaire] dont le nom a été popularisé par une vieille chanson [mais personne ne la connaît]. Sterne a parlé de ce personnage […] : “Le père Labutte qu’on a tant chanté, qui boit quand personne ne le voit, et qui a bu sans que personne ne l’ait vu” » (QUIT.) ; transformation probable e de il l’a bue (la bouteille, etc.), prononcé l’a butte ■ m. XIX va-de-la-bouche « À ces va de la bouche, tu faisais l’œil et te trouvais heureux », MONSELET • joli coup de fourchette beau mangeur, homme de grand appétit • belle fourchette idem « Nous rentrâmes donc au château et après un petit bout de toilette nous étions bien attablés devant une immense cheminée où brûlaient gaîment des bûches énormes – des bûches de Noël, – mon ami, le curé du village, qui passait encore pour une belle fourchette, malgré ses soixante ans, et deux ou trois jeunes fils des châtelains des environs, camarades du baron de Poullaouen », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 GOURMANDISE e ■ m. XVI 1531 être sur sa bouche sujet à ses appétits « Gulosus gulosa gulosum, Gourmant, goulu, qui est e sur sa bouche », R. ESTIENNE, Dictionarium, 1531 ■ XVII être de l’ordre des coteaux pour désigner de fins e gourmets. Être un « amateur de bons vins » dans BOILEAU ■ m. XVII 1640 du bon bon « mot d’enfant, quelque chose de bon à manger » (OUD.) • un galaffre un gourmand • un gouillafre idem • chatter « estre friand, gourmander, manger des friandises » (OUD.) • la langue me dit vas-y vasy « j’ay grand désir de manger de cette viande là » (OUD.) • les perdrix lui puent il est friand • soldat de Brichanteaux « gourmand et poltron. On y adjouste, qui mange toute nuit » (OUD.) • un gros soupier qui aime fort le potage ou la soupe • un tire-lardon un friand • être sur son ventre parler de manger, être gourmand • du pousse-avant « quelque délicatesse à manger avec son pain » (OUD.) • manger son pain en son sac manger seul comme un gourmand • quelque chose pour dégraisser les dents « du fruit ou quelque délicatesse après le repas » (OUD.) • une lèchee frion une friande ■ m. XVIII être un bon vivant « Ce n’était pas le Doyen d’à-présent ; mais c’était un bon vivant, qui faisait la meilleure chère du monde ; je m’en souviens comme si j’y étais ; il nous donna un dîner excellent », CARMONTELLE, Le Chanoine de Reims, v. 1770 RIPAILLE orgie, surabondance, bombance, noce, gueuleton e ■ f. XIII 1280 faire belle chère passage du sens de « faire beau visage » à celui de « faire e bombance » « Or faisons trestout bele kiere/Tien che morsel, biaus amis dous », Robin et Marion, 1280 ■ XV croquer e la pie faire bonne chère ■ XVI table d’abbé où l’on fait bonne chère • mettre tout par écuelles e « faire grande débauche, manger tout ce qu’on trouve » (FUR.) ■ m. XVI 1531 se traiter bien « Vous e e vous traictés bien, vous vivés bien aise, vous faictes grosse chère », ESTIENNE, 1531 ■ f. XVI 1585 faire ripaille ■ XVII faire bonne chère bien manger, mais aussi, du XVII e au e XIX , bien traiter ses invités. Cf. « Un mois durant, je fus traicté/Comme si leur fils j’eusse esté ;/Certes, si par la bonne chere/On peut soulager sa misère,/Je mangeois là comme un vray loup/Et m’y remplissais jusqu’au cou », SCARRON, 1642 e ■ d. XVII e faire la vie se réjouir, faire la débauche ■ m. XVII 1640 la bedondaine « chanson ou vie de goulu. Proprement l’espace entre le nombril, et le bas du ventre » (OUD.) • jouer de l’épée à deux mains « manger de l’une, et boire de l’autre » (OUD.) • il ne parle que d’enchérir le pain il ne désire que boire et manger • brûler la chandelle par les deux bouts consommer sans discrétion • allé en Angoulême « par allusion d’engouler. Avallé, beu ou mangé » (OUD.) • la Saint-Pansart « carême-prenant. Un jour que l’on fait bonne chère » (OUD.) • se bien traiter le corps faire bonne chère • vie de goulu bonne chère • faire gode chère « bonne. Le mot est corrompu du Flamand » (OUD.) • il n’est point traître à son corps il fait bonne chère • faire ses pois au lard faire bonne chère • faire tuer le veau gras « faire bonne chère pour se réjouir d’un bon succès » (OUD.) • refaire son nez faire bonne chère et e devenir gras ■ f. XVII mener une vie de cochon ne songer qu’à manger et dormir ◪ 1690 boire le petit doigt (le petit coup) gaillard faire une petite débauche entre honnêtes gens • hausser le temps faire bonne chère • aller du lit à la table et de la table au lit « d’une vie débauchée et fainéante » (FUR.) • faire chère lie faire grande chère • faire des rôties de quelque chose « en manger ou en boire avec avidité ou avec profusion » (FUR.) • bien officier à table « boire et manger copieusement, faire bien son devoir de dîner » (FUR.) • avoir les pieds sous la table, les coudes sur la table boire et se réjouir • faire la Saint-Martin « faire bonne chère ce jour-là (on tue le cochon ce jour-là) » (FUR.) • il s’en est calé les joues « un homme qui a mangé son bien en débauche » (FUR.) • être bon frère « bon vivant, bon compagnon qui n’aime qu’à rire et à faire bonne chère » (FUR.) • mettre couteaux sur table se préparer à faire grande chère • branler le menton bien manger, faire débauche • faire un tronçon de chère lie un bon repas • branler la e mâchoire « en débauche, s’exciter à boire et à manger » (FUR.) ■ XVIII casser l’éclanche éclanche : « Épaule de mouton séparée du corps de l’animal. Jusqu’en 1835, l’Académie déclarait, après Furetière, que l’éclanche était la cuisse du mouton séparée de l’animal, autrement dit le gigot » (LITTRÉ) « Mamzelle Giroux s’ajuste,/Met son mantelet :/Bachot y tout s’endimanche,/Prenant Cornichon,/Tous trois vont casser l’éclanche/Au premier bouchon », VADÉ, La Pipe cassée, v. 1755 • se mettre en goguette « Sucer, comme on dit, le cruchon,/Chanter la mère Gaudichon,/S’ébaudir, se mettre en goguettes », Les Porcherons, 1773 • faire bombance e e de bombance, masculin au XVI siècle, ripaille – dérivé de bobant, orgueil, étalage de vanité au XIII . « Fuyez les banquetz et les dances,/Les chaînes d’or, les grands bombances,/Les bagues et les grands atours » (RONSARD, 1553) « Ces hommes, qui profitaient de toutes les occasions pour extorquer l’argent des condamnés, faisaient bombance, et ne se refusaient rien », VIDOCQ, Mémoires, 1828 • faire un gueuleton « C’est aussi-là qu’un beau dimanche,/La Tulipe en chemise blanche,/Jean-Louis en chapeau bordé,/Et Jérôme en toupet cardé,/Chacun d’eux e ■ d. XVIII 1718 se donner une culotte « faire excès de boire ou de manger. Donné déjà par le Dictionnaire de LEROUX, 1718. Synonyme d’un terme fréquemment employé : “S’en donner plein la ceinture” » e (LARCH.) « Un ivrogne ferait bien mieux de s’acheter un pantalon que de se donner une culotte », COMMERSON ■ m. XVIII suivi de sa femme,/À l’image de Notre-Dame,/Firent un ample gueuleton », VADÉ, La Pipe cassée, v. 1755 1740 remplir son jabot bien manger ■ f. XVIII e 1789 être en ribote « Aussi quand on est le dimanche en ribote, faut s’en mettre dans le ventre pour huit jours, au risque de se faire du mal, ou ne pas s’en mêler ; mais, d’un autre côté, quand on a le pied dans les vignes du Seigneur, quand on est soul, adieu les affaires du ménage », Cahier des plaintes et 1799 se faire des bosses faire ripaille « À chaque repas j’nous f’rons des e bosses au ventre », Chanson, 1799, in ESNAULT ■ XIX donner un grand fricot expression québécoise qui signifie « offrir un repas plantureux » ; en France, de « ragoût de viande », le sens de fricot est e passé à « repas » en général ■ d. XIX 1821 en patrouille « Quatre jours en patrouille, pour dire en folies e bachiques », Cabarets de Paris, 1821 ■ m. XIX se donner une bosse se gaver « Ma foi, tant pis, dit Schaunard en lui-même, je vais me donner une bosse et faire un balthazar intime », H. MURGER, Scènes de la bohème, 1851 ◪ 1834 faire la noce « C’que d’mandez, réserviste ? – Mon Colonel, c’est pour une permission… – Les v’là bien, s’crongnieugnieu ! doléances des dames de la Halle, 1789 ◪ 1867 s’en faire péter la sous-ventrière • reprendre du poil de la bête continuer le lendemain les débauches de la veille • être porté sur sa gueule aimer les bons repas et les plantureuses ripailles • s’en faire péter le cylindre « se dit de toute chose faite avec excès, comme de manger, de boire, etc., et qui pourrait faire éclater un homme, – c’est-à-dire le tuer » (DELV.) • faire un extra « faire une petite noce, une petite débauche de table » (DELV.) • s’en faire éclater le péritoine manger ou boire avec e excès ■ f. XIX faire la bombe l’expression apparaît dans les années 1880, en abréviation de bombance – peut-être en cette période d’attentats, par parodie des bombes anarchistes. En tout cas, l’expression était encore fraîche dans le langage populaire de la fin du siècle, comme l’atteste ce curieux conte de G. COUTÉ : « Hier soir à la sortie des ateliers, deux ouvriers se promenaient paisiblement sur le n’pensent qu’à foutre le camp. Faire la noce à Paris, pas vrai ? », C. LEROY, Le Colonel Ramollot, 1883-84 ◪ trottoir, causant entre eux et fumant leurs cigarettes. Soudain l’un d’eux s’écria en s’adressant à son camarade : “Mon vieux, avec Ernesse on a fait une bombe, une bombe à tout casser !” Un bon bourgeois recueillit avec effroi cette bribe de conversation et s’en alla la porter, aussi terrifié que s’il eût porté une marmite à renversement, à un sergent qui dormait à côté d’un bec de gaz. “Ils ont fait une bombe, ceux-là”, fit-il, très pâle, au représentant de l’autorité qui ouvrit les yeux », COUTÉ, « La 1872 être rond comme balle avoir bu et mangé avec excès • être en liche faire bombance ◪ 1883 noce de bâtons de chaise orgie ◪ 1899 se taper le chou bien manger ; synonyme de se taper la tête ; l’expression a été très à la mode dans e les milieux ouvriers à Paris, dans les années 1920-1930, au sens de « faire un gueuleton » ■ d. XX s’en mettre plein la gueule pour pas un rond ◪ 1926 la tournée des grands-ducs allusion aux fastueuses bamboches des grands-ducs de Russie lors de leurs séjours à Paris, à la Belle Époque. Dans les années 1920, les chauffeurs de taxi invitaient leurs clients à la tournée des « établissements de grands-ducs », cabarets et boîtes de nuit de luxe « Les diplomates, le haut personnel Bombe », Revue littéraire et sténographique du Centre, 1898 ◪ des ambassades, et les duchesses douairières, dont s’emplissaient les loges, allaient pouvoir s’encanailler sans dommage. Ça allait être comme une tournée de grands-ducs, une descente dans les bas-fonds de Paris, une petite débauche, faite en bonne compagnie », E. RAYNAUD, La Vie intime des commissariats, 1926 ■ m. e XX 1939 se farcir le chou bien manger et bien boire e ■ m. XVI après la panse vient la danse « on veut avoir les plaisirs de Vénus, après ceux de e Bacchus » (FUR.) ; l’idée existe dès le XV siècle, on la trouve dans VILLON : « la dance vient de la e pance » ■ f. XVI être aises (heureux) comme rats en paille « gens qui se sont rendus maîtres d’une maison, qui y font grande chère avec dissipation des biens du maître ; avoir abondance de e vivres, et les manger en repos » (FUR.) ■ d. XVII entre la poire et le fromage « pendant le dessert, lorsqu’on est entre deux vins, qu’on dit les bons contes et les bons mots ; en parlant de la gaieté e qu’on a à la fin d’un repas » (FUR.) ■ m. XVII 1640 travailler à ses pièces « manger, boire, coucher avec sa femme » (OUD.) • quand fera-t-on un trou à vos chausses ? « quand voulez vous que nous beuvions ensemble, que nous nous réjouissions » (OUD.) • ventre de velours, robe de foin « bonne chère et mauvais habits. Le contraire est, ventre de foin, etc. » (OUD.) • vie de pourceau « bonne et courte ; bonne chère et mourir bien tost » (OUD.) • quand voulez-vous qu’on vous arrache une dent ? « quand boirons nous ensemble, quand nous réjouirons nous » (OUD.) • les fols font les banquets et les sages les mangent « qu’il ne faut point faire de despenses en festins mal à propos » (OUD.) • le saut de l’Allemand du lit à la table • le diable soit chicheté « faisons bonne chère ; cela se dit lors qu’on est en train de se bien traitter » (OUD.) • il vaut autant se dépouiller ici qu’à la taverne « le vulgaire au cabaret use de ces paroles lors qu’il est en train de faire bonne chère » (OUD.) • il est comme les chevaux de trompette, il boit à tout gué « il boit et mange par e tout où il se rencontre, et lors qu’il en est question » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il est bien fou qui s’oublie « de celui qui est dans un grand repas, une bonne occasion de profiter ; fou qui s’abstient de manger, de s’enrichir » (FUR.) • il ne faut pas laisser perdre les bonnes coutumes « en parlant de quelque fête où on se réjouit, où on fait quelque goinfrerie » (FUR.) • il n’y a que la première pinte chère « rien ne coûte quand on est échauffé à la débauche » (FUR.) • payer bien son écot être divertissant à table • enfants de messe de minuit (qui cherchent Dieu à tâtons) « débauchés, qui vont au cabaret sous prétexte d’aller à la messe qui se célèbre le jour de la nuit e de Noël ; débauchés qui se servent de ce jour-là pour favoriser leur débauche » (FUR.) ■ f. XVIII 1793 autant de pris sur l’ennemi « Je commence à dépecer quelques perdrix et je me fous sur la conscience une e bouteille du plus chenu, c’est autant de pris sur l’ennemi », HÉBERT, 1793 ■ m. XIX 1842 vie courte et bonne « on dit presque toujours courte et bonne, en sous-entendant vie. C’est le mot des amis de la joie, pour signifier qu’ils ne tiennent pas à se ménager une longue existence en renonçant à l’abus des plaisirs. Au dicton courte et bonne, les gens sensés répondent par cette remarque qui en est le e corollaire : C’est la vie du cochon » (QUIT.) ■ f. XIX encore un que les Prussiens n’auront pas comme autant de pris sur l’ennemi, qui apparaît un siècle plus tôt, et autant que les Boches n’auront pas, ci-après, cette expression se dit par plaisanterie lorsqu’on se prépare à se délecter e de mets ou de boissons, que l’ennemi, réel ou imaginaire, ne pourra donc nous prendre ■ d. XX autant que les Boches n’auront pas SOIF e ■ XVI cracher blanc « avoir soif, pour s’être enivré trop la veille, – dans l’argot du peuple, qui e employait cette expression du temps de Rabelais » (DELV.) ■ m. XVI la langue me pèle pour dire qu’on a très soif • avoir le gosier sec avoir soif et, plus spécialement, avoir tout le temps envie d’une boisson alcoolisée « ANDRÉE : Vous me comprenez. Ce ne sont pas les femmes, qu’elle vous reproche. (Geste de boire) – LORET : Ah ! la… Quoi ! Ce n’est pas de ma faute. J’ai le gosier sec, moi. – BARDICHON : Souvent. – LORET : Toujours… Ainsi, e ■ m. XVII 1640 avoir des grenouilles dans le ventre • altéré comme un chasseur fort altéré • il n’y a pas de moyen de filer sans mouiller de manger sans boire • le dîner de la brebis « disner sans boire » (OUD.) • c’est trop filé sans mouiller trop mangé sans boire • le feu est à la cheminée « le gosier est altéré, ou e eschauffé pour avoir mangé des espices ; il faut boire » (OUD.) ■ f. XVII 1690 avoir la pépie « avoir soif, maladie des oiseaux, état normal des ivrognes » (DELV.) « Le vin que j’avons demandé,/Morceau d’chien en ce moment, je boirais bien quelque chose », M. DU VEUZIT et R. NUNÈS, Le Sentier, 1907-08 mal accommodé,/Viendra-t’y ?… J’avons la pépie…/Sers-nous donc, z’échappé d’voyerie », Le Goûté des Porcherons, 1749 e ■ m. XIX 1867 cracher du coton • cracher des pièces de dix sous • passer par l’étamine souffrir e e du froid, de la faim et de la soif ■ f. XIX 1872 être à sec n’avoir rien à boire ■ d. XX 1918 l’avoir sec « Tellement que je l’avais sec, j’en crachais blanc comme du coton », M. AYMÉ, La Vouivre, 1943 e ■ m. XVII 1640 faire mourir de la mort Roland de soif • j’ai bien faim de pisser, si vous aimez l’eau chaude « cecy se dit à qui nous demande à boire importunément » (OUD.) BOIRE se désaltérer, pomper, écluser, siffler, picoler, siroter, souffler, lamper e e ■ XV boire un coup ■ m. XV 1460 abattre la rosée « s’éclaircir la vue en buvant » (ESNAULT) e e ■ f. XV 1491 boire à pleins pots beaucoup ■ XVI se rincer le gosier « En rinçant nos gosiers avallons nos miettes », O. BASSELIN ■ m. XVI e boire à longs traits beaucoup et lentement ■ m. XVII e humecter le lampas ◪ 1640 faire rubis sur l’ongle « lorsqu’en débauche on vide si bien un verre, qu’il n’en reste qu’une goutte qu’on verse sur l’ongle et qui est si petite qu’elle ne s’écoule point, quoi qu’on renverse le pouce » (FUR.) • abreuver le mors • hausser le cul « boire ; parce qu’on hausse le cul du verre » (OUD.) • hausser le gobelet • délier brunette « oster le bouchon de la bouteille afin de boire » (OUD.) • boire à même le pot • décoiffer une bouteille « en oster le bouchon et boire » (OUD.) • étancher la soif • boire au grand bassin dans la rivière • hausser le coude • flûter pour le bourgeois • arroser le porte-mors « boire, mouiller la bouche » (OUD.) • souffler à l’encensoir • boire à petits traits peu à la fois et souvent • siffler pour le bourgeois • hausser le godet • plier le coude • boire net boire tout ce qu’il y a dans le verre • hausser le temps • avaler sans corde ou sans poulain « boire, par allusion d’avaller, qui signifie descendre le vin dans la cave » (OUD.) • e envoyer au pays bas ■ f. XVII 1690 le vin de l’étrier « dernier coup qu’on boit, quand on est prêt à e monter à cheval ou à cheval même » (FUR.) ■ XVIII sucer le cruchon « L’artisan […]/Travaillant comme un vrai forçat,/Des six jours se fait un carême/Pour pouvoir le septième/Sucer, comme on dit, le cruchon », Les Porcherons, 1773 ■ m. XVIII e laver sa gueule « Pour ne point paroître bégueule,/Le beau sexe lave sa gueule/Et Pitanche tout aussi ◪ 1754 lever le coude « expression métaphoricobachique, qui signifie être fort adonné au vin » (DHAUTEL) « lorsqu’on se décide à lever le siège, Fontaine, qui e avait un peu levé le coude, était un peu plus qu’en pointe de gaieté », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ f. XVIII 1792 boire (avaler) un canon un canon est un verre de vin d’environ 12,5 cl « Vous autres braves sans-culottes qui, en sec/Que si c’étoit du Romestec », Les Porcherons, 1773 avalant un canon ou en étouffant un enfant de chœur, riez à gorge déboutonnée en lisant mes joies et mes colères », HÉBERT, 1792 e e ■ XIX faire cul sec boire le contenu d’un verre d’un seul trait ■ d. XIX 1828 le coup de l’étrier « Je retrouve ma pièce de cent sous… elle me suffit non-seulement pour satisfaire à toutes ses réclamations, mais encore à offrir à messieurs du corps de garde, je ne dirai pas le coup de l’étrier, mais cette petite goutte que le péquin paie volontiers », e ■ m. XIX se rincer le sifflet « Là, plus d’un buveur venait se rincer le sifflet », Colmance • se rincer le bocal « bocal, estomac (1835) » (ESNAULT) « En m’voyant d’un’ pareill’ purge/M’êtr’ rincé l’bocal,/Ma femme, à mon r’tour, s’insurge :/Y a du pet dans l’bal », J. JEANNIN, Chansons, 1889 ◪ 1836 s’affûter le sifflet « Faut pas VIDOCQ, Mémoires, 1828 ◪ 1867 se passer par le coco avaler, boire, manger • remplir son jabot • avoir le gosier pavé « boire les liqueurs les plus fortes sans sourciller » (DELV.) • se pousser dans le battant « boire ou manger, mais surtout boire » (DELV.) • s’arroser la dalle • à la régalade « boire en renversant la tête en arrière et en élevant la aller chez Paul Niquet/Six fois l’jour, s’affûter le sifflet », P. DURAND, Chansons, 1836 bouteille de façon que les lèvres ne touchent pas celle-ci » (DELV.) • sucer un verre le boire • se rincer le tube • jeter dans le plomb avaler • étouffer (éventrer) une négresse boire une bouteille ; le vin rend la bouteille noire, et la bouteille est toujours comparée à une femme (cf. fillette). On trouve, plus tardivement, le moins violent décoiffer une négresse • se rincer la dalle dalle, synonyme métaphorique de gosier, a pu prendre la place de celui-ci « Quelle chierie ! que se dirent au bout d’un moment les cinq types ; rinçons-nous la dalle, ça tuera le temps. Y en a un qui se détache et va en peinard • s’arroser le jabot • siffler le guindal guindal : « verre, dans l’argot des bouchers » (DELV.) • se coller quelque chose dans le fusil manger ou e boire • jouer des badigoinces boire • casser le cou à une négresse vider une bouteille ■ f. XIX boire en suisse on trouve avec son suisse dans les Mémoires de VIDOCQ (1828), puis faire suisse (1849, in ESNAULT). Boire en suisse est probablement une évolution de ces locutions. Toutes trois signifient « boire seul ». Les libations solitaires des portiers d’immeubles qui s’ennuyaient dans leur loge ont pu motiver l’expression « Le soldat ne peut boire avec son suisse [concierge], puisqu’il n’en a pas, donc il boit seul », LARCHEY ◪ 1872 se rincer le cornet, l’avaloir • se caresser l’angoulême « boire et manger. Mot à mot : se caresser le palais, “mettre en gueule”, du vieux mot goule (gueule). Nous avons encore goulu et goulafre (glouton) » (LARCH.) « Il y en a qui ne se sont pas encore caressé l’angoulême depuis la veille », E. D’HERVILLY ◪ 1883 se passer quelque chose sous le nez • s’en pousser dans le cornet, l’escarcelle, chercher un vieux coup de picton », Le Père Peinard, 1890 le fusil ◪ 1894 casser la graine (la grune) « boire un coup. Quand vous recevez une visite à la campagne, vous devez toujours offrir un verre de quoi que ce soit […] vous devez dire d’un air aimable à votre visiteur ou à votre visiteuse : “Voulez-vous casser une grune avec moi ?” » (LYON) e ■ d. XX s’envoyer (se jeter) derrière la cravate boire, le plus souvent goulûment « […] la femme tronc, dès qu’on l’avait ramenée dans sa loge, courait comme une dératée, jusqu’au premier bistrot où elle “s’envoyait un kil de rouge derrière la cravate” », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 • s’en jeter un contraction de se jeter un verre derrière la cravate e ■ m. XVII 1640 soufflez-moi dans l’œil « cela se dit à un valet qui retourne de la cave, pour sçavoir s’il n’a point beu de vin » (OUD.) • il en boirait autant qu’une truie ferait de lait clair en grande quantité • il n’y a pas charge « le verre n’est pas assez plein pour boire un bon coup » (OUD.) • se laver les tripes « boire, ou humer quelque chose de liquide » (OUD.) • vous prenez de la peine tout plein « par allusion ou équivoque, emplissez le verre » (OUD.) • ce verre n’est pas catholique « le reste est, il ne tient pas la foy, par allusion de foy à fois. Il est trop petit, il ne tient pas assez pour boire une fois » (OUD.) • il ne semble pas qu’une mouche y ait passé « cela se dit quand une personne a beu fort peu d’une liqueur. Item, au contraire, que l’on a vuidé le verre jusques à la dernière goutte » (OUD.) • nous ne mangerons pas tout nous en boirons une partie • il est comme les canes, toujours le bec en l’eau il boit à tout moment • une flûte d’Allemand un grand verre • ce verre n’est pas de jauge il est trop petit • un boit-tout un verre sans pied e • bourrabaquin « un grand verre. Hors d’usage » (OUD.) ■ f. XVII 1690 les salines engendrent la goutte « bassement, elles [les salines : chair ou poisson salés pour les conserver] font boire e beaucoup et jusqu’à la dernière goutte » (FUR.) ■ XIX sobre comme un chameau très sobre e ■ m. XIX 1842 le vin donné aux ouvriers est le plus cher vendu « les travaux corporels augmentent la soif, dit Brillat-Savarin. Aussi les propriétaires ne manquent jamais de fortifier les ouvriers par des boissons, et de là le proverbe, que “le vin qu’on leur donne est toujours le mieux vendu” » (QUIT.) ◪ 1867 ne pas s’en aller sur une jambe « boire un second verre ou une seconde bouteille, – dans l’argot des ouvriers, qui ont une manière à eux de marcher et de faire marcher les gens » (DELV.) BOIRE QUELQUE CHOSE e ■ m. XVII 1640 trousser un verre de vin • prendre patience « boire du vin. Les bonnes femmes appellent ainsi le vin » (OUD.) • mettre de l’huile dans la lampe du vin dans le verre • boire un bon coup un grand verre de vin • avaler le vin sans poulain • mettre son corps en bière « par allusion du mot de bière, boire de la bière » (OUD.) • mettez cela sur votre conscience buvez ce verre de vin « N’est-il pas encore ben endévant de ne pouvoir se mettre sur la conscience un pauve poisson de rogome e ■ f. XVII 1690 boire de e rouges bords « boire des verres tout pleins de vin » (FUR.) ■ m. XVIII sabler un verre de vin de sabler, boire tout d’un trait, fort vite (LITTRÉ), à cause du mouvement vif avec lequel on jetait en sable, c’est-à-dire au moule, le métal en fusion. Ce sens de sabler a été d’un usage courant au e e XVIII siècle et jusqu’à la fin du XIX « nous allâmes souper à notre jardin […] si vous épousez ma sœur Barbiche, je veux sans débourser quatre sous », Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 que ceci soit de la [sic] poison pour moi (dit-elle en sablant une rasade de vin-rosai) si je ne signe le contrat pour elle », CAYLUS, e ■ f. XVIII boire sa goutte une goutte fut d’abord une petite quantité d’alcool, avant de correspondre à un petit verre d’eau-de-vie (et de devenir la goutte) ; dans l’exemple ci-après, il est impossible de déterminer de quel alcool il s’agit : « J’envoie faire foutre tous ces Les Étrennes de la Saint-Jean, 1742 ◪ 1792 étouffer un enfant de chœur boire un verre de vin rouge, par allusion à la robe rouge que e portaient les enfants de chœur ■ d. XIX le coup du milieu l’habitude d’avaler un alcool fort au milieu du repas (cf. plus loin « faire un trou ») s’est répandue chez les gastronomes du premier Empire « Le coup du milieu, d’absynthe, d’eau-de-vie de première qualité, ou d’autres boissons du même genre, était citoyens actifs, et, pour me consoler, je m’en vais boire ma goutte à un petit café du port au bled », HÉBERT, 1791 d’obligation, et lorsqu’un convive tentait de s’y soustraire, M. de La Reynière lui faisait observer qu’il n’était pas là pour son e ■ m. XIX asphyxier le pierrot « boire un verre de vin blanc. Allusion de couleur. Pierrot est blanc » (LARCH.) « J’étais-t-allé à la barrière des Deux-Moulins, histoire d’asphyxier le pierrot », La Correctionnelle, journal • boire la goutte un verre d’eau-de-vie « Voyons, m’sieu Adnot, vous m’donnerez bin deux sous ? C’est pour boire la goutte. Je n’l’ai pas encore bue d’aujourd’hui, parole ! Et ça m’manque ! », A. CIM, Césarin…, 1897 • prendre un bock boire un verre de bière « ANDRÉE : Attendez, Belval va arriver. – LORET : Belval ! Encore lui. On ne peut même pas prendre un bock plaisir, mais qu’on était en séance », FORTIA DE PILES, Nouveau dictionnaire français, 1818 sans la permission de Monsieur Pierre. Et vous voulez qu’il soit sympathique à vos amis, cet écrivassier ? », M. du VEUZIT et 1850 tuer le ver « boire un verre de vin blanc en se levant, – dans l’argot des ouvriers chez qui c’est une tradition sacrée » (DELV.). Pour LARCHEY, boire de l’eau-de-vie R. NUNÈS, Le Sentier, 1907-08 ◪ « Réveillés à trois heures du matin par notre hôte et par la pluie, – l’une battant les carreaux, l’autre grattant à la porte, – nous où bientôt viennent s’installer le bon forgeron et ses deux apprentis. Les ouvriers ont partout les mêmes habitudes : partout ils tuent le ver », A. DELVAU, Du descendons dans la salle commune du cabaret, pont des Arts…, 1866 ◪ 1865 étouffer (étrangler, plumer, asphyxier) un perroquet « “cette locution signifie, dans le langage des ateliers, prendre un verre d’absinthe” (Bayeux). Allusion à la couleur verte du liquide qui teinte le verre dont la main du buveur étrangle le cou. Le perroquet est ordinairement de cette couleur » (LARCH.) « Quelques vieux absinthiers préfèrent courir le risque de plumer un perroquet de plus », La Vie parisienne, 1865 ◪ 1867 s’éclairer le fanal boire un verre de vin ou d’eau-de-vie • fioler le rogome boire de l’eau-de-vie • fesser le champagne boire des bouteilles de vin de champagne • se raboter le sifflet boire un verre d’eau-de-vie ou de vin • faire un trou « boire un verre de cognac ou de madère au milieu d’un repas, afin de pouvoir le continuer avec plus d’appétit » (DELV.) • se laver les yeux « boire un verre de vin blanc le matin en se levant, – dans l’argot du peuple, pour qui c’est une manière d’y voir plus clair » (DELV.) • écraser un grain pour DELVAU (1867) : « boire un canon de vin sur le comptoir du cabaretier ». Pour LARCHEY (1872) : « boire la goutte. Nous croyons cependant cette expression plus applicable à l’alcool, dans lequel on conserve quelques grains de verjus » • coup de gaz coup de vin • chasser l’humidité « boire le vin blanc ou le petit verre du matin » (DELV.) • coup d’arrosoir « verre de vin bu sur le comptoir du cabaretier » (DELV.) • consoler son café « mettre de l’eau-de-vie dedans. Habitude normande, – e très parisienne » (DELV.) ■ f. XIX sabler le champagne boire du champagne pour célébrer une fête, un événement, généralement à plusieurs. Le verbe sabler, dans son sens général de boire vite (cf. ci-dessus), a été de bonne heure associé au champagne, parmi d’autres vins. Ainsi chez VOLTAIRE : « Ce vieux Crésus, en sablant du champagne/Gémit des maux dont souffre la campagne », et MARMONTEL : « [Il] calculait combien une femme de cinquante ans pouvait vivre encore en sablant tous les soirs sa bouteille de champagne » (1787). Pourtant il semble que ce soit e seulement à la toute fin du XIX siècle que la locution sabler le champagne ait formé une e expression isolée, symbole de festivité, telle qu’elle s’est développée au cours du XX . Avant cette époque, le contexte de joyeuse célébration est traduit par d’autres formules, telles que faire sauter le champagne, qui évoque plutôt le bruit du bouchon : « Permettez-nous d’abord de boire à votre santé… allons, morbleu ! fesons [sic] sauter le champagne » (P. DE KOCK, 1837). Ces considérations réduisent à rien les pseudo-explications, trop facilement colportées, selon lesquelles on aurait saupoudré les flûtes de sucre fin, de façon à faire mousser davantage le liquide au moment où il était versé « […] oisifs et jouisseurs, engraissés de la sueur du peuple et sablant le champagne avec des filles de joie », MARTIN DU GARD, 1930, in ROBERT ◪ 1872 se camphrer s’adonner à l’eau-de-vie • étrangler la douleur boire un verre d’eau-de-vie ◪ 1882 faire fondre une chandelle boire une bouteille de vin « La chiffonnière faisait alors un bout de toilette avant d’aller faire fondre une chandelle dans le sous-sol du e père Graindesomme », Le Réveil, 1882 ■ d. XX 1902 se faire une mousse boire une bière « En ce temps, pour oublier ce qu’on disait de moi, je me faisais une mousse, et, vous me croirez si vous voulez, mais à force je n’avais plus un poil de sec : j’étais devenue poivrote », Mémoires de Casque d’Or, 1902 e ■ XV abattre le brouillard pour OUDIN (1640), le sens est simplement celui de « boire le matin ». La variante chasser le brouillard (1833) signifie pour DELVAU (1867) « boire le vin blanc ou e le petit verre du matin » et pour LARCHEY (1872) « boire un verre d’eau-de-vie » ■ m. XVII 1640 pour les trépassés « allusion à traits-passez, pour les verres de vin qu’on a beus » (OUD.) • voulezvous mander quelque chose à la rivière, il s’en va laver les tripes « cela se dit, estant prest d’avaller un verre de vin » (OUD.) • en mettre un en prison « boire trois verres de vin, celuy du milieu est emprisonné entre les deux autres » (OUD.) • faire un prisonnier idem • faire jambe de vin « quand ceux qui vont à pied prennent du vin pour acquérir de nouvelles forces » (FUR.) e ■ f. XVII 1690 allumer la lampe « verser du vin dans un verre à quelqu’un pour l’obliger à boire » (FUR.) BOIRE EN SOCIÉTÉ e ■ m. XVII 1640 boire d’autant « boire l’un à l’autre, et beaucoup » (OUD.) • tope tope « je tiens le coup que vous me portez à la santé d’un tel » (OUD.) • le porter boire à quelqu’un • laissons l’ivrognerie et parlons de boire « beuvons, réjouissons nous » (OUD.) • vidons cette affaire buvons • boire à celui qui a la main plus près du cul à la santé de qui tient le pied du verre e e e ■ XVIII choquer les verres trinquer ■ m. XVIII porter un toast à ■ f. XVIII faire sauter les pintes fêter quelque chose en buvant ensemble ; la pinte est une mesure de liquide (la pinte de Paris valait 0,93 l) et, par métonymie, le récipient (avec ou sans couvercle) contenant cette quantité de liquide ; faire sauter, au sens de « faire sortir une chose du logement dans lequel elle est retenue » e • faire sauter le bouchon « pour dire boire dru et sec, sans se griser » (DHAUTEL) ; au XIX siècle, peut-être sous l’influence de faire sauter les pintes, l’expression a pris le sens de « fêter quelque chose », en particulier avec une bouteille de champagne ou de tout autre vin mousseux, dont le e bouchon saute bruyamment de son logement ■ m. XIX s’en aller sur une jambe ne boire qu’une tournée « Dès l’aube, on s’offre la goutte, on s’offre le canon, on s’offre le rhum, on s’offre l’absinthe ou le bitter, et l’on ne veut jamais s’en aller sur une jambe », LA BÉDOLLIÈRE ◪ 1867 rincer la dalle offrir à boire à quelqu’un • une politesse en vaut une autre « un canon doit succéder à un autre canon », une politesse étant une « offre d’un verre de vin sur le comptoir » (DELV.) • rincer le bec offrir à boire à quelqu’un • rincer le fusil idem • rincer la corne idem • rincer la gargoine idem • offrir une tournée payer à boire • avoir une épingle à son col « avoir un verre de vin, payé d’avance par un camarade, à boire sur le comptoir voisin de l’atelier » (DELV.) • rincer la dent offrir à boire à quelqu’un • marquer le coup e trinquer • rincer la margoulette à quelqu’un lui payer à boire ■ f. XIX vider chopine boire avec d’autres ; s’utilise encore comme invitation plaisante : allons vider chopine ! « L’établissement Milent était ce modeste comptoir, ouvrant rue de la Chapelle, où vidaient chopine, mêlés aux rouliers du gros camionnage, les cochers de fiacre de la station voisine », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Ravachol, 1923 e ■ m. XVII 1640 mouillons, il fait beau sécher buvons • jouer sur nouveaux frais faire apporter du vin après le repas • que le vin ne manque non plus que la parole que nous en ayons en quantité • au bon joueur, la balle vient toujours à la main « l’on porte toujours le verre à e celuy qui boit bien » (OUD.) ■ f. XVII 1690 tromper la calebasse « tromper son compagnon, boire ce qui est dans la calebasse en son absence » (FUR.) • boire aux anges « quand on ne sait plus à la santé de qui boire » (FUR.) • on ne saurait faire boire un âne s’il n’a soif « à ceux qui refusent de e e boire une santé qu’on leur a portée » (FUR.) ■ d. XIX cric-croc « à ta santé » (GRANDVAL) ■ m. XIX 1842 épeler en rasades « boire autant de coups qu’il y a de lettres dans le nom de la personne dont on porte la santé » (QUIT) • vous saurez ma pensée « c’est ce que nous disons à une personne qui boit dans le verre où nous venons de boire, parce que le verre est imprégné d’émanations récentes auxquelles on peut bien supposer quelque influence sympathique » (QUIT.) e ■ d. XX ça s’arrose LES BOISSONS breuvages e e ■ XVI eau bénite de cave vin • de la purée de septembre du vin ■ m. XVII 1640 vin bourru « c’est une sorte de vin blanc, doux et trouble, que l’on ameine de Champagne » (OUD.) • vin chargé « noir, de couleur plus vine » (OUD.) • un trait de vin « un coup, un verre » (OUD.) • de la dépense « du vin d’eau, de l’eau que l’on jette sur le marc après en avoir tiré le vin » (OUD.) • vin de monsieur de la fontaine eau • à six et sept, tout passe par un fosset « le tavernier n’a qu’une sorte de vin, et le fait payer diversement » (OUD.) • il est parent d’un roulier d’Orléans nommé Guinget ce vin est fort petit et mauvais • sirop vignolat vin • la douce torture « du vin ; parce qu’ayant beu on dit tout ce que l’on sçait » (OUD.) • vin de monsieur du puits eau • baptiser le vin mettre de l’eau dedans • c’est du vin à fendre les pierres un vin excellent • vin de deux oreilles mauvais vin • huile de septembre vin • du ginguet « petit vin verd, et fort mauvais » (OUD.) • vin e d’une oreille bon vin • du vin enragé de l’eau ■ f. XVII 1690 boire du bon on sous-entend vin • un juste-au-corps « burlesquement, une bière » (FUR.) • chasse-cousin « mauvais vin dans un e logis » (FUR.) ■ m. XVIII bouteille à quinze bouteille de bon vin « Il nous fit avaler plus de la moitié d’une bouteille à quinze, qui n’en valait pas six, comme c’est la coutume », CAYLUS, Histoire de M. Guillaume, 1740 • sacré chien « eau-de-vie de mauvaise qualité, qui emporte le gosier » (DELV.) « Les voilà parties chez Caplaine où elles e demandent un demi-septier de sacré chien », VADÉ, in LARCHEY ■ f. XVIII 1789 sacré chien tout pur même sens « mais avec tout ça, s’ils mettent le nez sur la marchandise, on vous fait payer une forte amende ; et pour une topette de sacréchien tout pur, vous êtes encofrées aussi – ben que si on avoit trouvé sus-vous la sainte-empoule de Reims », Cahier des plaintes ◪ 1793 parfait amour liqueur parfumée à la violette, à base de citron ou de cédrat, avec de la girofle et de la cannelle, mais aussi d’autres ingrédients qui varient selon la recette : coriandre, géranium, orange, vanille, etc. « Après avoir vidé plusieurs flacons de parfait e amour et de sacré chien tout pur, je demande les papiers », HÉBERT, 1793 ■ d. XIX lait de poule « jaune d’œuf délayé dans du lait » (N. LANDAIS, 1836) « Ce ne sont pas d’affreuses vieilles à qui il ne manque qu’un balai rôti pour et doléances des dames de la Halle, 1789 être des sorcières ; et ce sont des vieux très drôles, qui doivent dormir sous d’immenses bonnets de coton, ayant bu bien chaud ◪ 1808 bouillon d’onze heures breuvage empoisonné. Onze heures étant la « dernière heure » du jour, il s’agit d’un jeu de mots : bouillon de la dernière heure, celui qui annonce – et donne – la mort • un verre de doux « un verre de e liqueur sucrée, par opposition à un verre de liqueur forte ou “rude” » (DHAUTEL) ■ m. XIX bouillon de canard eau « Jamais mon gosier ne se mouille/Avec du bouillon de canard », DALÈS • pousse-café petit verre de cognac pris après le café « Ensuite nous avons pris le café, le pousse-café, le repousse-café », VOIZO • lavement au leur lait de poule », R. BENJAMIN, Les Justices de paix, 1913 verre pilé « verre d’eau-de-vie. L’alcool éraille le gosier comme le verre pilé » (LARCH.) « Todore fait venir deux lavements au verre pilé que nous avalons en douceur », MONSELET • pivois savonné vin blanc (HALBERT) • tord-boyaux eau-de-vie très forte, de mauvaise qualité « Beaucoup de ces avaleurs de tord-boyaux en connaissent le goût depuis un demi-siècle », J. VALLÈS, Le Tableau de Paris, 1882 ◪ 1841 petit homme noir « broc de vin. Allusion à sa couleur noirâtre » (LARCH.) « Bourgeois, ajouta Boizamort, passe-nous un petit homme noir », LADIMIR, 1841 ◪ 1859 bavaroise aux choux verre d’absinthe et d’orgeat ou d’absinthe anisée « Pour ne pas rester en affront, je propose l’absinthe […] Robert nous apporte deux bavaroises aux choux », MONSELET, Le Musée secret ◪ 1867 faux col la mousse d’une chope de bière • ratafia de grenouille eau • cassepoitrine « eau-de-vie poivrée, dans l’argot du peuple » (DELV.) « La casserole s’est rouillée sur le mur, la de Paris, 1859 couronne s’est desséchée. Mais elle tient bon tout de même, embaumée qu’elle est par l’odeur du casse-poitrine et la fumée e ■ f. XIX jus de chaussette café trop léger • bureau arabe « en Afrique, du vin avec du sucre s’appelle un état-major. De l’absinthe mêlée avec de l’orgeat s’appelle un bureau arabe » (LARCH.) • bleu, petit bleu « gros vin dont les gouttes laissent des taches bleues sur la table » (LARCH.) • château-la-pompe expression parodique qui désigne l’eau que l’on boit par nécessité, faute d’avoir du vin d’un bon cru ; cf. château margaux, etc. « Le picton du tabac », J. VALLÈS, Le Tableau de Paris, 1883 qui leur passa par le trou du cou est un poison de la famille du Château-la-Pompe, n’ayant pas deux liards de parenté avec les raisins », Le Père Peinard, 1894 • un blanc-cass du vin blanc avec du cassis, c’est-à-dire un kir • un mêlée cass mélange d’alcool fort (le plus souvent de l’eau-de-vie) et de cassis ■ m. XX du gros rouge qui tache du vin rouge de la plus mauvaise qualité • un petit noir un café, pris le plus souvent le matin au comptoir, avant d’aller travailler ; dans la logique habituelle d’économie de la langue, on a dit d’abord un petit café noir, avant d’abréger ; cf. « J’admirais leur allure aisée, leur poitrine jetée en avant, tandis que la mienne se creusait de plus en plus. Les pans de leur pardessus quand ils marchaient flottaient librement ; sortant du bar où ils étaient allés prendre leur petit café noir, ils laissaient sans l’accompagner de la main la porte automatique se refermer avec bruit derrière eux ; dans un grand élan je souhaitais d’avoir bientôt moi aussi une place », M. ASTRUC, Trois mois payés, 1930 e e ■ XVI la dive bouteille c’est-à-dire divine – expression de RABELAIS ■ m. XVII du vin de Brétigny qui fait danser les chèvres « du vin fort verd » (OUD.) « Eh bien qu’en dis-tu ? Ce vin-là seroit-il pas bon à faire des custodes ? Il est rouge et verd, c’est du vin à deux oreilles, ou du vin de Brétigny, qui fait dancer les chèvres », La 1640 vin de singe « qui fait sauter et rire » (OUD.) • du vin de Nazareth « du vin qui passe à travers du nez, lors qu’on rit en beuvant » (OUD.) • ce vin est bon à faire des rideaux, il est vert et rouge « c’est une allusion à verd, qui signifie aspre » (OUD.) • rouge au soir, blanc au matin/c’est la journée du pèlerin « lorsque le ciel est rougi par le soleil couchant, on peut en conclure qu’il n’y a que des vapeurs légères qui se dissipent au premier souffle de l’air, au lieu de se condenser pour se résoudre en pluie, comme font les nuages noirs, imperméables aux rayons lumineux […] On rappelle en même temps une observation météorologique et un précepte d’hygiène, par une double allusion à la couleur du ciel et à la couleur du vin, qu’on recommande de boire blanc le matin et rouge le soir » (QUIT.) • vin de cerf qui fait pleurer • vin de Lyon « qui rend furieux, ou querelleux » (OUD.) • vin de pie qui rend bavard • vin de porc qui fait vomir • vin de renard « qui rend subtil ou malicieux » (OUD.) • vin trouble ne casse pas les dents « que l’on peut boire du vin bien que trouble » (OUD.) • vin d’âne « qui rend la personne assoupie après avoir trop Comédie des proverbes, 1633 ◪ e e beu » (OUD.) ■ f. XVII 1690 vin sur lait, c’est souhait ; lait sur vin, c’est venin ■ f. XIX 1894 il semble que le bon Dieu vous descend dans le gosier en culottes de velours « locution d’origine ecclésiastique. Ne se dit pas quand on boit du Brindas, mais bien un vin chaud, généreux, velouté, e pénétrant » (LYON) ■ m. XX être au régime sec ne pas boire d’alcool IVROGNERIE alcoolisme, saoulographie, intempérance e e ■ XV croquer la pie boire gaillardement ■ XVI charmer les puces « boire beaucoup ; par ce e moyen nous ne sentons plus les pulces qui nous mordent » (OUD.) ■ m. XVI faire l’amour à une e bouteille ◪ 1534 boire comme un templier beaucoup ■ f. XVI rincer le godet « adonnez à toute espèce de gourmandise & ivrognerie, tesmoin les beaux nez & tant bien illuminez de ces anciens Docteurs, la suffisance desquels ne e ■ m. XVII boire comme un trou ◪ 1640 décoiffer la bouteille « débauche : la vider, la boire » (FUR.) • boire en demoiselle « avaller à grands traits, boire viste et avidemment » (OUD.) • grenouiller boire souvent • boire sec bien boire, « boire de grands coups, sans rien laisser dans son verre » (FUR.) • boire tanquam sponsus beaucoup • boire comme un Suisse beaucoup • mal de pipe ivrognerie • boire à tire-larigot beaucoup • boire comme il faut beaucoup • hausser (plier) le coude « bien hausser le coude, bien boire » (FUR.) • churlupper boire excessivement • boire à ventre déboutonné beaucoup • souffler au bourrabaquin bien boire ; bourrabaquin ou bourraquin, « grand flacon de cuir avec lequel les religieux mendiants faisoient la quête » (Glossaire de la langue romane, 1808) – une e gourde, quoi ! ■ f. XVII 1690 aimer le piot • boire à longs traits « en débauche : de grands coups » e (FUR.) ■ m. XVIII 1754 lever le coude boire à longues rasades « Ça n’a pas d’ordre, ça aime trop à lever le e coude », PRIVAT D’ANGLEMONT ■ m. XIX 1842 boire comme un chantre sans doute par altération de gist qu’à bien rincer le godet », Dialogue d’entre le maheustre et le manant, 1593 chancre • boire comme un sauneur beaucoup ◪ 1867 casser le cou à une négresse vider une bouteille • s’en fourrer dans le gilet boire à tire-larigot • tomber une bouteille la vider, la boire • tordre le cou à une bouteille la boire • faire (fêter) des chapelles « faire des stations chez tous les marchands de vin » (DELV.) • étouffer une bouteille « la boire, la faire disparaître jusqu’à la dernière goutte » (DELV.) e ■ m. XVII 1640 Dieu nous garde de la santé des Allemands et de la maladie des Français « de trop boire et d’avoir la verolle » (OUD.) • prendre du poil de la bête « boire le matin, quand on a trop bu le soir ; se guérir par les mêmes choses qui ont causé le mal ; à celui qui a mal à la tête le lendemain qu’on a fait la débauche : il faut recommencer à boire » (FUR.) • nous ne demeurerons pas derrière, la plus petite de nos bêtes tire bien le moindre de la compagnie boit beaucoup • voilà bien tiré pour une jeune bête « voilà beu un grand coup » (OUD.) • on ne peut filer si l’on ne mouille « proverbe usité parmi les buveurs, pour dire qu’il faut humecter fréquemment le gosier quand on mange ; car de même qu’on ne peut bien tordre la filasse sans la mouiller, de e même on ne peut bien tordre les morceaux sans les arroser » (QUIT.) ■ m. XIX 1867 coup de bouteille « rougeur du visage, coup de sang occasionné par l’ivrognerie » (DELV.) LES IVROGNES alcoolo, poivrot, pochard, soiffard, saoulard ■ m. XV e sac à vin « ivrogne. On dit qu’il est sujet au vin, pris de vin, que le vin lui sort par les e yeux, qu’il cuve son vin, quand il dort ; alors on dit qu’il a un vin de pourceau » (FUR.) ■ m. XVII 1640 rinceur de gobelet un bon buveur • il eût été bon chantre, il entonne bien « c’est une allusion au double sens d’entonner, il boit bien » (OUD.) • une chocaillon « une femme qui boit beaucoup de vin » (OUD.) • Maître Jean l’ivrogne curé de Pomponne • il ressemble à la bonne chambrière, il en boirait un seau sans s’enivrer « il boit excessivement sans se gaster de vin » (OUD.) • il boirait la mer et les poissons • il a le nez comme la sébile d’un pressoir tout rouge à force de boire • pilier de cabaret (de taverne) « un yvroigne, un qui ne bouge du cabaret » (OUD.) • bouchon de cabaret qui ne bouge du cabaret • il a un hérisson dans le ventre, s’il ne boit il le pique « il est grand buveur, il est fort altéré » (OUD.) • il est comme la madeleine, il a toujours la boîte à la e main « il tient le verre ; il boit à toute heure » (OUD.) ■ f. XVII 1690 nez de betterave nez rougi par e l’ivrognerie • nez boutonné • nez bourgeonné • nez enluminé ■ m. XIX 1842 il est de l’ordre de la boisson c’est un franc buveur • faire le métier de la grenouille « c’est boire et babiller ; double occupation des ivrognes » (QUIT.) ◪ 1844 avoir un trou sous le nez être grand buveur « C’n’est pas tout encore, sachez que c’te pécore a z’un trou sous l’nez impossible à combler », Catéchisme poissard, 1844 ◪ 1867 se livrer à la boisson prendre des habitudes d’ivrognerie • nez qui a coûté cher (à mettre en couleur) « nez d’ivrogne, érubescent, plein de bubelettes, qui n’a pu arriver à cet état qu’après de longues années d’un culte assidu à Bacchus » (DELV.) • cousine de vendange « fille ou femme qui fait volontiers débauche au cabaret » (DELV.) • avoir une gueule d’empeigne « avoir le palais assuré contre l’irritation que causerait à tout autre l’absorption de certains liquides frelatés » e (DELV.) • avoir la gueule ferrée idem ■ f. XIX avoir la dalle en pente ◪ 1872 poivreau « ivrogne. De poivre » (LARCH.). On écrit aujourd’hui poivrot « Je me pique trop le nez, je préfère en finir avec mon existence. Ce e sera un poivreau de moins », Le Moniteur, 10 septembre 1872 ■ d. XX avoir une bonne descente • ne pas e avoir une tête à sucer de la glace la métaphore remonte au XIX siècle, cf. « Et Louis, qui ne s’est pas rougi le nez à sucer de la glace le long des gouttières, s’empresse au rendez-vous » (DELVAU, e Les Heures parisiennes, 1865). Cela dit, la glace dans les boissons – une habitude prise au XVIII siècle – n’a pas toujours eu bonne presse auprès des hygiénistes ; témoin cette étonnante réflexion de RASPAIL, cité par LAROUSSE en 1872 : « L’abus de la glace est souvent tout aussi pernicieux que celui des boissons alcooliques » ◪ 1902 n’avoir plus un poil de sec par opposition à être sec, n’avoir rien à boire ; quand on n’a plus un poil de sec, c’est que l’on s’est bien imbibé « En ce temps, pour oublier ce qu’on disait de moi, je me faisais une mousse, et, vous me croirez si vous voulez, mais à force je n’avais plus un poil de sec : j’étais devenue poivrote », Mémoires de Casque d’Or, 1902 e ■ m. XVII 1640 battre la bouteille battre un ivrogne • si tu étais prêcheur, tu ne prêcherais que de boire « tu parles ordinairement d’yvroigner » (OUD.) • ce vin-là n’est pas soutenant c’est quand on voit tomber un ivrogne • visage de pressurier plein de rougeurs à force de boire • se e peindre le nez « boire, et se faire devenir le nez rouge » (OUD.) ■ f. XVII dieu des visages boutonnés Bacchus, d’après SAINT-AMANT ◪ 1690 il a plus bu que je ne lui en ai versé « en voyant un ivrogne » (FUR.) • on voit bien à ses yeux que sa tête n’est pas cuite « d’un ivrogne : que le vin e lui a donné dans la tête, qu’il a bu du casse-tête » (FUR.) ■ f. XVIII 1792 il y a un dieu pour les ivrognes « s’emploie pour évoquer le fait qu’une personne a bien de la chance d’avoir échappé au e sort funeste que lui réservaient son inconscience et ses erreurs » (BIARD) ■ m. XIX 1842 ce que le e sobre tient au cœur est sur la langue du buveur ■ f. XX durillon de comptoir gros ventre acquis à force de boire (de l’alcool, faut-il le préciser) IVRESSE ébriété, saoulerie, biture, cuite e e ■ m. XVII 1640 donner sur le timbre enivrer • donner sur l’oreille idem ■ f. XVII 1690 mal saint Martin « ivresse, à cause qu’autrefois se tenaient des foires pour la vente du vin vers la St e Martin, où on buvait beaucoup » (FUR.) ■ m. XIX 1867 taper sur la cocarde se dit d’un vin trop généreux qui prodigue l’ivresse • taper sur la boule griser, étourdir • gueule de bois ivresse • avoir la Marianne dans l’œil « clignoter des yeux sous l’influence de l’ivresse » (DELV.), la Marianne étant la République e ■ m. XVII 1640 mettre un homme dedans « l’enyvrer. Et luy faire perdre pour toute la e compagnie » (OUD.) ■ m. XIX 1842 le vin entre et la raison sort SE SAOULER s’enivrer, biberonner e ■ XVI charmer les puces boire beaucoup le soir avant de se mettre au lit, « par ce moyen nous ne sentons pas les puces qui nous mordent » (OUD.) « Après avoir embrassé et charmé les puces, il dort toutes e ses deux oreilles », Contes d’Eutrapel, v. 1580 • boire comme une éponge beaucoup ; à la fin du XX siècle, l’idée est inversée, et éponger signifie « manger pour compenser le trop-plein d’alcool absorbé » – e on crée une éponge pour pouvoir boire ! ■ m. XVI 1534 boire comme un templier « s’enivrer, parce que ces chevaliers dans le temps de la décadence de leur ordre buvaient par excès » (FUR.) e ■ m. XVII boire comme un trou boire par excès ◪ 1640 déchausser Bertrand • mettre de la paille dans ses souliers • se coiffer • se brider • charger • s’imprimer • se gâter de vin • coiffer roline e • votre chien m’a mordu « je me suis enyvré de vostre vin » (OUD.) • fesser ses poules ■ f. XVII e 1690 s’enivrer de son vin « boire tout seul et par excès » (FUR.) • mettre pinte sur chopine ■ XVIII se piffer « Au commencement les donzelles/Pour boire font les péronelles,/Puis après les six premiers coups/À leurs grivois e rivent les cloux/On rit, on se piffe, on se gave,/On fait retourner à la cave », Les Porcherons, 1773 ■ f. XVIII 1791 s’en foutre par-dessus les bretelles « […] je me promets de faire sauter les pintes… Je mène avec moi la mère Duchesne ; l’ami Jambart ; […] et l’ivrogne Renaud, chef de mes colporteurs, qui seront aussi de cette fête bachique, et nous allons nous en foutre par-dessus les bretelles », HÉBERT, 1791 • s’en foutre une pile à partir de piler, bien manger, au XVII e e siècle ■ XIX se saouler la gueule « Moi, vous savez, j’suis qu’un boulot,/j’connais qu’mon travail dès l’matin/et si des fois j’me soûle la gueule,/c’est censément qu’dans mon méquier/on fait qu’avaler d’la poussière », J. RICTUS, Le Cœur populaire, e ■ d. XIX se mettre dedans « Quand on trinque avec une fille aimable, il est permis de se mettre dedans », DÉSAUGIERS ◪ 1821 prendre une culotte « Avec mon ami Pied-d’Vigne,/Parfois, sans tintouin,/J’vas prendre un’ culotte v. 1900 indigne/Du côté d’Saint-Ouen », J. JEANNIN, Chansons, 1889 ■ m. e XIX se poivrer ◪ 1859 se rincer la corne se griser, la corne étant l’estomac « Si je me rince la corne quelquefois chez le mastroquet, c’est pour me consoler », MONSELET, Le Musée secret de Paris, 1859 ◪ 1867 être folichon commencer à se griser • se piquer le nez « voilà le principal motif de mes punitions. J’en ai encore quelques-unes pour ivresse. Mon Dieu, oui ! Je me suis piqué le nez • chauffer le four « chauffer le four, d’où cuite, pour ivresse complète, la quantité des liqueurs chauffant l’estomac de l’ivrogne » (SAINÉAN, L’Argot parisien, 1920) « Il me restait encore quatre francs. J’avais chauffé le four depuis samedi », MONSELET • se pocharder quelquefois », G. DARIEN, Biribi, 1888 « s’ivrogner, vivre crapuleusement » (DELV.) • fêter la Saint-Lundi se griser et même se saouler • se saouler « se goinfrer de vin ou d’eau-de-vie à en perdre la raison » (DELV.) • être en train commencer à se griser • se tuiler « s’enivrer ; succomber sous l’ivresse comme sous une averse de tuiles, ou boire à en avoir bientôt le visage érubescent, c’est-à-dire couleur de tuile neuve » (DELV.) • se poisser • se sculpter une gueule de bois commencer à se griser • faire jambe de vin boire à tire-larigot • se culotter le nez • avoir son caillou commencer à se griser • prendre une barbe e ■ f. XIX prendre une cuite « Allons, avancez-moué-z’un verre…/Je veux prend’e eun’ cuite à tout casser/Et l’souer couché dans un foussé », COUTÉ ◪ 1872 s’empoivrer « s’enivrer. Mot à mot : s’empourprer, devenir poivre » (LARCH.) • avoir son extrait de barbe ◪ 1881 prendre une pistache ◪ 1883 prendre une biture biture a eu le sens de « repas copieux » (1825), puis de « forte dose de spiritueux » (1867). e Le sens de « se saouler » s’est répandu à la fin du XIX siècle et surtout pendant la guerre de 14-18, époque où son origine maritime était encore ressentie : « L’expression générale de boire, et surtout de boire à l’excès, est rendue par des images correspondant aux occupations professionnelles : un marin prend sa biture et le typographe prend la barbe ; un cocher, avant de se mettre en route, graisse les roues » (SAINÉAN, L’Argot parisien, 1920) « Au seuil du poste des ÉclusesSaint-Martin, ils s’arrêtèrent pour suivre l’ombre du regard. – Voilà un particulier qui tient une jolie cuite ! fit l’un. – Oui, mince de biture ! répondit l’autre. Et les deux sergots rentrèrent au corps de garde », P. BONNETAIN, Charlot s’amuse, 1883 se piquer la ruche ruche : nez (1899) e ■ m. XX « N’empêche que y s’est pas gêné/M’avait d’jà ruiné la moquette/Dans l’canapé s’est écroulé/Pour s’piquer la ruche à l’anisette », RENAUD, Le Père Noël noir, 1981 ■ f. e XX se faire sauter les plombs « En attendant le retour aux alpages, le vieux il prend son panard comme il peut. Y s’fait sauter les plombs au gros e rouge », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 ■ d. XXI se mettre minable se saouler au dernier degré, se mettre dans un état pitoyable ÊTRE IVRE e e ■ f. XV saoul comme une grive ■ XVI 1552 avoir coiffé son heaume le heaume alourdit la tête et aveugle celui qui en est casqué ; l’image est probablement très ancienne « Car j’ay bien cogneu e au respondre/Que de crainte de se morfondre/Elle avait coiffé son heaume », JODELLE, L’Eugène, 1552 ■ XVII être e pompette dès le XVI siècle, un nez à pompettes est un nez d’ivrogne • être rond • avoir le sac plein • être entre deux vins « Adieu, ma fille, en voilà assez pour des gens entre deux vins », SÉVIGNÉ, 1677 • être pris de vin « Elle dit qu’elle étoit princesse d’un autre pays que la France : mais comme elle n’en étoit jamais sortie que pour aller à Marseille, et qu’elle étoit comme qui diroit un peu prise de vin, elle dit qu’on la nommoit la princesse Très-volontiers », CAYLUS, Les Bals des bois, 1745 ■ d. XVII e e 1611 cuver son vin ■ m. XVII être joli garçon « Un soir néantmoins que j’étois attablé avec le sieur Valvins de Blignac, et eschauffé par la boisson, et qu’il estoit jà tout joli garson […] », Mémoires des 1640 il n’a garde de me manger « c’est pour dire qu’un homme est bien yvre ou bien saoul » (OUD.) • il est si saoul qu’il ne saurait dire deux il est fort ivre • être grec • beau garçon bien ivre • avoir sifflé la linotte « avoir un peu trop bu ; avoir bien bu et quand il y paraît ; être à demi ivre » (FUR.) • avoir sifflé la rôtie idem • être bien arrosé • bridé de vin • ivre comme une soupe « bien ivre ; les gens du nord ne quittent point la table qu’ils ne soient ivres à ne voir goutte, à ne pouvoir se remuer » (FUR.) • enfariné • haut en couleur « rouge de visage pour avoir trop beu » (OUD.) • il n’a garde de tenir à la poêle, il est bien enfariné • il se porte bien • être plein « être ivre – à ne plus pouvoir avaler une goutte, sous peine de répandre tout ce qu’on a e précédemment ingéré » (DELV.) • être (bien) imprimé ■ f. XVII avoir le vin gai ◪ 1690 être gris « avoir bu beaucoup de vin et commencer à être ivre » (FUR.) « Voilà une farce de fort mauvais goût, fit Perdriel entre ses dents. Il est gris ! Sûrement il est gris ! », REBELL, La Câlineuse, 1898 • avoir humé le piot • mettre le pied dans les vignes du Seigneur « mais, d’un autre côté, quand on a le pied dans la vigne du Seigneur, quand on est sou, adieu les affaires du ménage », Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 • il en a dans le casque « il a la cervelle un peu brouillée, soit de vin, soit de folie. En ce sens il est bas » (FUR.) • avoir les dents mêlées « être si ivre qu’on ne peut pas desserrer les dents » (FUR.) e e ■ XVIII être un peu gai ■ d. XVIII 1718 être dans les vignes du Seigneur « lorsque Dubois aspira à devenir bourreaux Sanson, 1693 ◪ cardinal, il n’eut pas grande peine pour faire déchirer son acte de mariage ; il envoya au curé un de ses émissaires, qui n’eut qu’à amener tout doucettement et en conversant de chose et d’autre à table, le bon curé dans les vignes du seigneur, pour faire le coup convenu dans le registre oublié sur une chaise », RASPAIL, Almanach pour l’année 1867 ■ m. XVIII e plein comme un œuf ◪ 1756 être dans les brindezingues être complètement ivre. « Ce terme vient du vieux mot brinde : toast. “Ces grands hommes firent tant de brindes à vostre santé et à la nostre, qu’ils en pissèrent plus de dix fois” (Lettre curieuse envoyée au cardinal Mazarin par ses nièces, e Paris, 1651) » (LARCH.) « Tiens, toi, t’es déjà dans les brindezingues », VADÉ, 1756 ■ f. XVIII être empaffé • être e e dans les vignes • avoir le vin amer • avoir le vin mauvais ■ XIX plein comme une outre ■ d. XIX 1808 avoir un coup de soleil « être à demi gris, avoir une pointe de vin » (DHAUTEL) « Ma foi, ça n’s’ra qu’à la brune qu’finira c’gueuleton sans pareil. En parlant d’ça j’pourrais bien attraper un p’tit coup de soleil… Mais voyons si j’ai encore de la braise », LAMIRAL, Le Savetier en goguette, 1838 ◪ 1821 être paf « Puis l’on se mit à sabler le champagne en l’honneur de Lafayette, du club des refroidis, de la frigorifico-exécution et de l’exposition de 1900 et le lendemain matin les ingénieurs américains et mon pauvre ami étaient paff – avec un s au moins – comme des bourriques », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 e ■ m. XIX avoir un coup de sirop le sirop est très probablement à l’origine du cirage (1915) « le chapelier […] prit tranquillement la porte. Les camarades ne s’aperçurent pas de son départ. Lui, avait déjà un joli coup de sirop. Mais, dehors, il se secoua, il retrouva son aplomb », Z OLA, L’Assommoir, 1877 • être éméché • avoir son casque « Il me demande si je veux m’humecter, je lui dis que j’ai mon casque », MONSELET • poussé de boisson « Quand il y en a un qui est poussé de boisson jusqu’à la troisième capucine, il lui met une adresse sur le dos, et l’emballe dans • avoir son fade • être en riole être en train de s’amuser, être gris • jusqu’à la troisième capucine « complètement ivre. C’est-à-dire qu’il en a par-dessus le menton. La troisième capucine est près de la bouche du fusil » (LARCH.) « Veuillez excuser notre ami, il est gris jusqu’à la troisième capucine », H. MURGER, Scènes de la bohème, 1851 • avoir son (petit) jeune homme pour DELVAU : « être complètement ivre, de façon à se laisser mater et conduire par un enfant » ; pour LARCHEY : « être gris. Mot à mot : avoir bu le broc de quatre litres que les marchands de vin appellent Petit homme noir » « Un individu en blouse qui semblait avoir son petit jeune homme », G. DE NERVAL • avoir sa cocarde « J’y voyais en dedans. Todore ne parlait pas. Robert nous dit : “Vous avez votre cocarde” », MONSELET • avoir son plumet « N’est-ce pas j’dois vous faire l’effet d’avoir c’qui s’appelle un plumet ? Messieurs, c’est le picton ! », VOIZO • être raide comme la justice « être ivre sans vouloir le paraître, se redresser avec un sapin », La Correctionnelle affectation » (LARCH.) « Dis donc, Jules, tu as bien dîné ? – Il est raide comme la justice », MONSELET ◪ 1833 ému, légèrement ému « troublé par les fumées du vin. Le buveur ému est sur le point de s’attendrir » (LARCH.) « Girard et Maret-Bois-trop rentrèrent au quartier légèrement émus, et on ne put les réveiller à l’appel du soir », VIDAL, 1833 ◪ 1839 en avoir dans le toquet « Chez Dénoyer j’entre, un peu dans le toquet », DECOURCELLE, 1839 ◪ 1867 avoir son affaire pour DELVAU : « être presque gris ». Pour LARCHEY : « être ivre-mort » • avoir sa barbe • avoir une culotte être complètement ivre « (Il reste insensible à l’appel de sa fille ; même comme elle le secoue trop fortement, il roule sous la table avec un bafouillage incohérent ; puis il se tait et reste immobile. Maria en le voyant tomber a un mouvement de recul. De loin, elle le contemple avec mépris). MARIA : Ce qu’il est bu !… Il est rien complet ! (Charlot enhardi s’est avancé vers son père et l’examine curieusement). – CHARLOT : Mince ! quelle culotte !!… Il • être bien • être vent dessus, vent dedans • être parti « être gris, parce qu’alors la raison s’en va avec les bouchons des bouteilles vidées » (DELV.) • avoir son panache • avoir une petite pointe avoir bu un verre de trop • avoir un coup de chasselas • rond comme une futaille ivre mort • avoir un sabre • être poivre être abominablement gris • avoir fumé une pipe neuve • avoir sa prune • être parti pour la gloire être saoul • plein comme un boudin • avoir son paquet être complètement ivre • être en goguette « être de bonne humeur, grâce à des libations réitérées » (DELV.) • avoir sa pointe • avoir sa (une) cuite être saoul • avoir son compte • avoir une chique • être allumé « être sur la pente de l’ivresse, soit parce qu’on a bu plus que de raison, soit parce qu’on a trop regardé une jolie fille » (DELV.) • être chargé on peut peut-être rapprocher cette expression de l’aveyronnaise avoir chargé sur un essieu, utilisée à propos d’un homme ivre qui titube comme une charrette au e chargement mal équilibré ■ f. XIX avoir du vent dans les voiles le premier sens est « être gonflé, se sentir décidé après boire (marins, 1835) ». ESNAULT estime d’autre part que « le sens tituber est abusif (sauf ironie), car on peut bien porter la toile, être dur à enivrer (marins, 1833) ». C’est cependant ce sens de tituber qui est compris « Même quand ces messieurs et dames de l’étage avaient du vent en dit pas long en c’moment », M. DU VEUZIT, Le Noël des petits gueux, 1909 dans les voiles et que ça chahutait ferme dans un appartement, même si on ne se gênait pas devant lui, et même si on l’invitait à participer à la beuverie, il n’était pas sûr que sa chanson aurait été bien accueillie », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • être raide • gris comme un Polonais « Il écoute nos histoires, nous distribue du tabac, et, quand il est gris comme un Polonais, nous fait chanter en chœur », G. DARIEN, Biribi, 1888 ◪ 1872 voir en dedans « être en état d’ivresse. S’applique aux ivrognes illuminés qui se tiennent eux-mêmes de longues conversations » (LARCH.) • plein comme un sac • avoir une pente « être ivre à trébucher sur un terrain plat comme sur une pente » (LARCH.) • être dans le brouillard être absorbé par l’ivresse ◪ 1883 partir pour la gloire • en avoir une vraie muffée • être schlass • en avoir une charretée être complètement ivre e ■ d. XX avoir un coup dans l’aile • avoir un verre dans le nez • être saoul comme un cochon • être beurré la locution est mystérieuse. Elle vient peut-être de l’argot des imprimeurs, où l’encre est aussi appelée beurre. Une feuille portant trop d’encre est une page beurrée, c’est-à-dire noircie – à rapprocher de être noir (voir ci-dessous) ◪ 1911 être mûr « Soit, lui dis-je, ma poulette :/Je t’offre un’ mominette !/Nous prîmes six apéros,/Six litr’s de picolo,/De la saucisse et des œufs durs,/Si bien que l’soir nous étions mûrs », XAM et ALCIDE, Pulchérie, 1911 ◪ 1915 être noir « En fait j’aime qu’être bourré, les ailes que ça fait, qu’on croit un peu qu’on les aura toujours… Et là j’étais vraiment noir comme de l’encre et ciré et tout de sorte qu’un bloc de trois tonnes me e ■ m. XX être bourré comme un coing renforce être bourré, plein d’alcool (1935). Mais l’image n’est pas claire. Il s’agit probablement du coin à fendre du bois, sur lequel on frappe – et d’un curieux croisement avec bourré de coups. C’est l’image d’être roué, hébété d’ivresse • être beurré comme un petit LU peut-être sur le modèle de bourré comme un coing. Augmentatif de être beurré. Allusion directe aux petits-beurre de la marque Lefèvre-Utile (fondée en 1886), qui devinrent célèbres sous le sigle LU. Les petits LU, insistait la réclame dans les années 1930, sont faits au beurre « Ils te prennent pour serait tombé dessus j’aurais continué mon chemin comme si de rien… », A. CAHEN, Zig-Zag, 1976 une mère, jouent les petits garçons en se réfugiant dans tes bras en chialant parce qu’ils sont beurrés comme des petits lu ! », • rond comme une queue de pelle il semble que la queue de la pelle ne soit ainsi nommée que dans le cas d’ivresse. Il pourrait y avoir un souvenir de la queue, barrique de 90 litres, dans la formation de l’expression. Rond comme une queue donnant d’une part rond comme une barrique, qui garde l’image, et rond comme une queue de pelle par remotivation d’un e mot oublié ■ f. XX avoir les dents du fond qui baignent image cocasse d’un estomac fortement en crue • ne pas être clair « Alors, pour esquiver les coups, Hamel avait créé un langage qui lui permettait d’entrer BERTEAUT, in CELLARD-REY dans la casbah sans que le daron s’en aperçoive. Les jours où il n’était pas clair, il grattait la porte d’entrée, en miaulant à quatre pattes, pour éviter le judas », R. DJAÏDANI, Boumkœur, 1999 • être raide démâté renforcement de être e raide ; tellement ivre ou drogué que l’on ne tient plus debout. À noter qu’au XIX siècle démâté a eu le sens de « désorienté, décontenancé » e ■ XVII paroissiens de Saint-Jean-le-Rond « de la paroisse saint Jean le rond : yvre. Par allusion de rond, qui signifie la mesme chose » (OUD.) « Car, quand j’devrions tous de guinguois/Nous fichant par terre à-croix-pile,/Retourner et gagner la ville/En bons Paroissiens d’Saint Jean-l’-rond,/Revenant d’fêter leur Patron ;/Nous faut pitancher tant qu’la gueule/Fasse en renaclant la bégueule », Les Porcherons, e 1773 ■ m. XVII 1640 sac plein dresse l’oreille « un homme saoul se réjouit » (OUD.) • faire des SS quand on est ivre « chanceler, marcher de travers » (OUD.) GUEULE DE BOIS e ■ XVI cracher blanc « avoir soif, pour s’être enivré trop la veille, – dans l’argot du peuple, qui e employait cette expression du temps de Rabelais » (DELV.) ■ XVII reprendre du poil de la bête « on dit aussi à celui qui a mal à la tête le lendemain qu’il a fait la débauche, qu’il faut reprendre e du poil de la bête, qu’il faut recommencer à boire » (FUR.) ■ d. XVII 1611 cuver son vin « Hé quoy, n’étrangleray je, ne bruleray je, ne noyeray je point ce detestable yvrogne qui en a fait si mauvaise garde ? Non, il faut attendre qu’il ait cuvé son vin afin qu’il se sente mourir », Les Ramoneurs, 1624 ■ m. e XIX 1867 avoir mal aux cheveux e ■ f. XIX avoir la gueule de bois « Mon cher Will, j’ai, comme tu dis dans ton horrible argot de Paris, la gueule de bois e et cependant je n’ai pas mangé trop de saumon, moi, je n’ai point fait la noce », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 ■ d. XX e 1930 être dans le cirage ■ f. XX avoir le casque c’est-à-dire la tête lourde ; l’image est ancienne, et l’expression a d’abord signifié « être ivre » ; on peut supposer que la remotivation par le casque de moto (qui enserre la tête et la fait paraître plus grosse) a joué dans le glissement de sens VOMIR rendre, dégueuler, gerber, dégobiller e ■ XVI rendre sa gorge « Bien, ma plume, n’en parlez plus… Vous me feriez rendre ma gorge », MAROT, in LITTRÉ • écorcher le renard « Et tous ces bonnes gens rendoient là leurs gorges devant tout le monde, comme s’ilz eussent escorché le regnard, et en mourut dix ou douze de peste », RABELAIS, Pantagruel, 1532 ■ XVII de vomir e avoir mal au cœur envie « J’aimons tant les bravv demoiselles…/Parlez moi d’ça non d’peronnelles/Qui f’sons l’semblant des mal de e ■ m. XVII 1640 rendre compte • jeter du cœur sur le carreau • jeter des lances à feu « rendre gorge après estre yvre » (OUD.) • jeter des fusées idem • tirer du cœur • rendre tripes et boyaux « on dit proverbialement d’un homme qui a beaucoup vomi et avec grand effort qu’il a vomi tripes et boyaux, tripes et boudins » (FUR.) • appeler huet « la voix de celuy qui rend gorge approche du mot ; d’autres disent huguet apporte la e e jatte » (OUD.) ■ XIX avoir le cœur au bord des lèvres envie de vomir ■ m. XIX rendre ses comptes « vomir. Mot à mot : rendre les comptes que vous demande un estomac trop chargé » (LARCH.) « À la dix-huitième canette, le néophyte rendit ses comptes », MICHU ◪ 1833 jeter la cargaison pour sauver le navire cœur/Pour un méchant ver de liqueur », Les Porcherons, 1773 expression soldatesque pour vomir ◪ 1867 lâcher une fusée • jeter son lest « se débarrasser involontairement du déjeuner ou du dîner dont on s’était lesté mal à propos » (DELV.) • revoir la carte « rendre son déjeuner ou son dîner, – ce qui est une façon désagréable de s’assurer de ce e e qu’on a mangé » (DELV.) • piquer un renard • compter ses chemises ■ f. XIX aller au refil ■ d. XX appeler Arthur • aller aux miettes « il y avait un mec qui en avait un bon coup dans les plumes, quoi, là, je dis à une fille : “Il est en train d’appeler Arthur.” Elle me dit : “Où que c’est qu’il est Arthur ?” Alors elle cherchait Arthur. Et pourtant quand t’appelles Arthur c’est quand tu vas aux miettes, quand tu rends, quoi, que t’as des haut-le-cœur. Bon, ben, qu’est-ce que tu veux, il y en a qui comprennent pas », La Mâle Parole, 1975 e ■ m. XX plonger au refil « J’ai mal au cœur, elle dit. On s’arrête. Elle descend respirer un coup d’air frais. Je l’accompagne. Elle chancelle, s’appuie contre la carrosserie… Je l’abrite sous mon imper… Elle tremble, elle a la sueur au front, ça y est : elle se plie en deux, elle plonge au refil en longues giclées e ■ f. XX avoir la gerbe en circulation à partir de 1970 ; de gerber (1925) : vomir – image dégoûtante du vomissement en gerbe brunâtres !… », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 CRACHER mollarder, glaviotter, crachoter, expectorer e ■ m. XVII 1640 une huître « un gros flegme, un gros crachat » (OUD.) • cracher un jacobin « un gros crachat ou flegme » (OUD.) • baveux comme un pot à moutarde un homme qui bave e e fort ■ f. XVII 1694 cracher ses poumons tousser fortement ■ m. XIX 1867 avoir des flumes « être d’un tempérament pituiteux » (DELV.) • faire des huîtres « cracher beaucoup et malproprement » (DELV.) • lâcher son gluau cracher malproprement e ■ m. XVII 1640 j’ai dans la gorge un jacobin qui m’étrangle « en parlant de quelque gros flegme ou crachat, à cause qu’elle est blanche comme l’habit d’un Jacobin » (FUR.) POSTILLONNER e ■ f. XVII 1680 écarter la dragée « parler à quelqu’un de si près que sa salive tombe sur celui à e qui on parle » (FUR.) ■ m. XIX envoyer des postillons « crachotter en parlant » (LARCH.) « Les élèves de M. G. projettent ce qu’on appelle des postillons dans un certain monde », A. MARX ◪ 1867 écarter du fusil « envoyer, en parlant, une pluie de salive au visage de son interlocuteur » (DELV.) ; « se dit des personnes qui ont des dents de devant qui leur manquent, et par ainsi envoient des éclats de salive en éventail » (LYON) CHIER faire caca, déféquer, caguer, déponer e ■ XVI faire caca « le père Duchesne à la tête des braves sans-culottes […] marchera sur le crâne de tous les rois, et e fera caca sur leurs trônes », HÉBERT, 1792 • faire (aller à) ses affaires ■ m. XVI aller du derrière ◪ 1538 aller à la selle la selle étant la chaise percée sur laquelle on accomplissait ce besoin à l’intérieur d’une demeure ◪ 1564 décharger son thomas il s’agit peut-être d’un jeu entre estomac et thomas e e ■ d. XVII lâcher la croupière • faire son cas ■ m. XVII 1640 lâcher l’aiguillette « destacher ses chausses pour descharger son ventre » (OUD.) • aller du corps • aller à la chaire • faire bon pour un autre • le fondement lui échappe • faire son fait • lâcher le ventre • parler à son procureur • il fait tout sous lui « il lasche de la matière fécale » (OUD.) • poser une sentinelle « descharger son ventre en quelque lieu descouvert » (OUD.) • faire une selle • parler à un homme • gâcher du gros « par métaphore tirée des maçons, descharger son ventre » (OUD.) • aller à l’estrade « aller descharger son ventre. Le mot vient de strada Italien » (OUD.) • défoncer • aller où le roi va à pied « aller à ses affaires, – dans l’argot du peuple. C’est précisément pour y avoir été que Henri III e fut blessé mortellement par Jacques Clément, qui le frappa sur sa chaise d’affaires » (DELV.) ■ XIX e poser culotte ■ d. XIX filer la mousse faire ses besoins (GRANDVAL) • vider son sac c’est-à-dire ses e intestins ■ m. XIX mettre flamberge au vent se déculotter dans la nature. Flamberge est alors compris comme le pan de chemise ◪ 1867 aller à flaquada • aller chez Jules • filer le câble de proue • poser un pruneau • faire ronfler le (ronfler du) bourrelet • être sur son trône • aller chez Simon • rendre visite à monsieur du bois • grand tour « résultat de la digestion, – dans l’argot des enfants et des grandes personnes timides » (DELV.) • faire une commission • déposer e une pêche • poser un factionnaire ■ f. XIX 1883 poser une pêche ◪ 1894 faire ses petits besoins e ■ m. XX mouler un bronze e e ■ d. XVII passer par l’arc saint Bernard « se gaster d’ordure » (OUD.) ■ m. XVII 1640 faire comme le crocheteur, décharger à la porte « la salleté de celuy-cy, laisse deviner au lecteur ce que ce peut estre » (OUD.) • faire une omelette (son cas) dans ses chausses « lascher tout e dedans, les emplir de matière fécale » (OUD.) ■ m. XIX 1867 la veuve Thomas la chaise percée • écrire à un juif « se servir de papier, non pour faire une lettre, mais comme aniterge » (DELV.) COLIQUE chiasse, courante, diarrhée, foire e e ■ m. XVI bénéfice de ventre ■ d. XVII 1627 (je n’ai que faire d’avocat) mes affaires sont claires « j’ay le flux de ventre ; c’est une allusion au mot d’affaires, qui signifie aussi l’excrément » (OUD.) « J’ai la foire, je n’ay que faire d’advocat, mes affaires sont claires », D. MARTIN, Les Colloques français et allemands, 1627 ■ m. XVII e 1640 la va-tôt « allusion à va tost, le flux de ventre » (OUD.) • avoir la courante « le e e flux de ventre, parce qu’il fait courir à la garderobe » (OUD.) ■ m. XIX 1867 qui-va-vite ■ f. XIX 1883 perdre sa clef ◪ 1894 avoir la caquerelle « parlant par respect, avoir la vasivite » (LYON) CONSTIPATION e ■ f. XVII chier des carottes « homme constipé qui a de la peine à vider son ventre ; il y a un e proverbe pareil en italien » (FUR.) ■ m. XIX chier (faire) des cordes « aller péniblement à la selle » (LITTRÉ) LA MERDE excréments, caca, crotte e ■ m. XVII 1640 du mortier • du muse bâtard • tarte bourbonnaise un étron • lie de froment • de la plus fine « allusion à la fine moutarde » (LARCH.) • il a trouvé un hasard « un estron en son e chemin » (OUD.) • boue de blé ■ m. XIX 1867 orphelin de muraille « résultat solide de la e digestion » (DELV.) ■ f. XIX 1894 colombine de chrétien « la colombine est la fiente du pigeon. Colombine de chrétien (on dit aussi colombine de personne) est un euphémisme gracieux et délicat, que les gens distingués emploient au lieu d’un vilain mot » (LYON) e ■ m. XVII 1640 un étron volant « enveloppé dans une feuille de papier, et jetté par la fenestre » (OUD.) • un mouchoir sans ourlet « du papier à se torcher le derrière » (OUD.) PISSER faire pipi, uriner e e ■ XVI faire de l’eau ■ m. XVII 1640 vider la vessie • abattre la muraille « pisser contre un mur, e raillerie vulgaire » (OUD.) • tomber de l’eau • faire place à un verre de vin ■ f. XVII 1690 lâcher e e (de) l’eau ■ XVIII lâcher l’écluse « Allons ! il faut lâcher l’écluse du bas rein », Parodie de Zaïre, XVIIIe ■ m. XIX 1867 changer l’eau de ses olives • lâcher les écluses • se soulager • faire pipi • faire le petit tour e • faire pleurer son aveugle ■ f. XIX 1872 faire le petit « uriner. Par opposition à faire le gros qui veut dire… le reste » (LARCH.) ◪ 1894 changer l’eau de son canari « parlant par respect. Euphémisme délicat pour Évacuer le superflu de la boisson. Quoique ça, il est familier » (LYON) e ■ d. XX prendre une ardoise aller pisser dans un urinoir public, pour hommes, de type vespasiennes, dont le fond est fait d’une haute plaque d’ardoise sur laquelle coule de l’eau : les pissotières. L’expression complète était prendre une ardoise à l’eau (1933). La version courante en milieu étudiant à partir de 1955 était se payer une ardoise « Il avait envie de pisser. Une pissotière en vue. Il s’y précipita. Cette eau qui coulait sur l’ardoise, est-ce qu’elle était bonne à boire ? Tu viens prendre une ardoise, disait toujours e Paolo », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ■ m. XX faire pleurer le gosse e ■ m. XVII 1640 avez-vous point peur de tomber, vous vous tenez à peu de chose « cela se dit lors que l’on voit une personne qui pisse, et tient son membre » (OUD.) • cette eau a bien de la peine à venir il lui faut donner vent cela se dit quand une personne pète en pissant PÉTER vesser, prouter e ■ m. XVI un pet de boulanger qui porte son bran « c’est une allusion du mot de bren [c’est-àdire la partie grossière du son] ; un pet accompagné de matière fécale » (OUD.) ; on trouve l’expression dans RABELAIS • un pet de ménage « un pet accompagné de matière fécale. On adjouste, il y a à boire et à manger » (OUD.). Pour LYON, ce pet est au contraire « honnête et e simple » ; l’expression est également utilisée par RABELAIS ■ XVII lâcher un vent ■ d. XVII e 1611 un e pet de maçon (qui porte son mortier) un pet accompagné de matière fécale ■ m. XVII 1640 donner un pet en coque « petter dans sa main et la mettre proche du nez d’un autre » (OUD.) • avoir laissé la porte de derrière ouverte • faire un pet cendrier « petter proche du feu et souffler les cendres » (OUD.) • jouer des soufflets • il a tué son pourceau, il se joue de la vessie • laisser un secret une vesse • avoir le vent à commandement péter quand on veut • un faux-bourdon e au fond de ses chausses un bon gros pet ■ f. XVII 1690 avoir mangé des œufs de fourmi lâcher e beaucoup de vents ■ m. XIX 1836 lâcher son gaz « péter. Allusion à la nature et à l’odeur de l’expulsion » (LARCH.) « D’autres dans un coin, mais sans honte, lâchent le gaz et font des renards », Chansonnier, 1836 ◪ 1867 avoir la peau trop courte « faire, en dormant, des sacrifices au dieu Crépitus, – dans l’argot du peuple, qui croit que le corps humain n’a pas une couverture de chair suffisante, et que lorsque l’hiatus de la bouche se ferme, l’hiatus opposé doit s’ouvrir, d’où l’action de “crepitare” » (DELV.) • tirer le canon • ronfler du bourrelet • faire une incongruité • ouvrir sa tabatière « crepitare sournoisement, sans bruit, mais non sans inconvénient, – dans l’argot du peuple, qui, en parlant de cet inconvénient, ajoute : Drôle de prise ! » (DELV.). L’explication de LARCHEY est inverse : « Péter. Allusion au bruit qu’on faisait en ouvrant les tabatières sans charnière. “Que son ponent te e serv’ de tabatière”, L’Après-Souper de la Halle, xviiie » ■ f. XIX 1872 ouvrir sa cassolette « vesser. Mot à mot : répandre des parfums trop connus » (LARCH.) ◪ 1894 faire des pets comme des coffres « énorme ! se serait écrié Flaubert » (LYON) • des vesses à couper avec un sabre « se dit de gaz très épais » e (LYON) ◪ 1896 lâcher une perle ■ m. XX lâcher une perlouze e ■ m. XVI 1532 péter comme un roussin se dit d’un « homme qui pète souvent, qui est sujet e aux ventosités » (FUR.) ■ m. XVII 1640 prenez garde au compte, il en échappe par-derrière « l’on dit cecy à une personne qui pette » (OUD.) • cette eau a bien de la peine à venir, il lui faut donner vent cela se dit quand une personne pète en pissant • à la barbe du palefrenier qui panse la bête cela se dit quand un homme pète • de la poudre à canon « des naveaux, et autres viandes venteuses. Parce qu’elles font petter » (OUD.) • soufflez, je m’en vais quérir de la paille cela se dit à une personne qui pète • il a été au grenier sans chandelle, il a apporté de la vesse pour du foin e e ■ f. XVII 1690 le sous-chantre « le derrière quand il lâche quelque vent » (FUR.) ■ m. XIX 1867 e prout ! prout ! ■ f. XIX 1894 une petite mouche fait péter un gros âne « (parlant par respect) c’est, sous une forme plus attique, le grain de sable dans l’urètre de Cromwell, dont parle Pascal » (LYON) ROTER éructer e ■ m. XVII 1640 à la barbe du palefrenier qui panse la bête « cecy se dit à une personne qui rotte ou qui pette » (OUD.) • appeau à prendre des truies un rot • un soupir d’Allemand un rot • un étron pour le quêteur cela se dit à une personne qui rote • un courcaillet de truie un rot • n’oubliez pas la confrérie des pourceaux « on se sert de ces mots lors que quelqu’un rotte » e (OUD.) ■ m. XIX 1867 soupir de Bacchus éructation • venir au rapport se dit de tout ce qui e e provoque l’éructation ■ f. XIX 1894 remords d’estomac renvois ■ m. XX ac-crochez les wagons ! souligne un rot sonore PUER sentir mauvais, empester, chlinguer, cocotter, taper, fouetter, renifler e e ■ m. XVI sentir l’épaule de mouton « de ceux qui puent par les aisselles » (FUR.) ■ m. XVII 1640 corner • sentir le gousset « sentir une certaine odeur que rendent les aisselles des rousseaux quand ils sont eschauffez » (OUD.) • sentir l’homme « avoir une mauvaise senteur en soy » (OUD.) e • sentir le pied de ménage ■ f. XVII 1690 sentir le bouquin sentir mauvais ; le bouquin est un vieux bouc • sentir le faguenas chose qui pue • sentir le pied de messager « d’un rousseau qui e pue du fromage trop affiné » (FUR.) ■ XVIII sentir le bouc « Pfff !! Oh ! n’approchez pas si près, Césarin ! s’écrie M. Michaux, en se bouchant les narines. Oh ! le bouc ! Pfff !! Vous sentez !… – Non, m’sieu Michaux. – Comment, non ? Je vous dis que si, moi ! Pfff !! – … mande bien pardon, m’sieu Michaux. J’pue, c’est possible ; mais c’est vous qui sent ! », A. CIM, e ■ f. XVIII 1777 une odeur sui generis « chaque fleur a une odeur sui generis, c’est-àe dire de son espèce, qui lui appartient en propre » (P. LAROUSSE) ■ d. XIX 1801 puer comme une e punaise ■ m. XIX 1867 chlinguer des arpions puer des pieds ; chlinguer (1846) représente la traduction de l’allemand schlagen, « taper » ou « fouetter » en parlant de la pluie – les deux termes signifient « puer » en argot • sentir le lapin « suer abondamment et désagréablement sous e les aisselles » (DELV.) • essence de chaussette sueur des pieds ■ f. XIX 1872 extrait de chaussettes mauvaise odeur provenant des pieds • chlinguer de l’orteil sentir mauvais des pieds • couper la chique à quinze pas se faire sentir de loin Césarin…, 1897 MAUVAISE HALEINE ■ f. e 1690 il ferait bon trompette, il a l’haleine forte il a l’haleine puante et vineuse ■ d. XIX danser tout seul « infecter de la bouche (Grandval). On abrège maintenant en disant danser » (LARCH.) ; l’allusion est probablement qu’une personne qui a très mauvaise haleine a du e mal à trouver un(e) partenaire pour danser ■ m. XIX tuer les mouches au vol hyberbole qui suppose une haleine véritablement « empoisonnée » ; au reste, il semble que la mauvaise haleine e n’ait commencé à incommoder les gens qu’au XIX siècle – peut-être est-ce un signe qu’avant le e XIX l’haleine « forte » allait naturellement de soi « Tiens, Paul s’est lâché du col ;/Est-y fier depuis qu’il promène/Clara, dont la douce haleine/Fait tomber les mouches au vol », COLMANCE • couper la gueule, couper la gueule à quinze pas « avoir une haleine impossible à affronter, même à une distance de quinze pas, – dans l’argot des faubouriens, impitoyables pour les infirmités qu’ils n’ont point » (DELV.) e XVII ◪ 1867 avoir avalé une chaise percée se dit à propos de quiconque a l’haleine homicide • chlinguer du bec • haleine cruelle « c’est-à-dire fétide, – dans l’argot des gens de lettres, qui ne veulent pas dire “haleine homicide” » (DELV.) • remettez donc le couvercle ! « disent les voyous à quelqu’un qui a l’haleine fétide, pour l’empêcher de parler davantage » (DELV.) • clapoter du triangle • vesser du bec « avoir l’haleine pire que cade » (DELV.) • vezouiller du bec « avoir une haleine à la Paixhans » (DELV.) • trouilloter du goulot avoir l’haleine homicide ; trouilloter (1832), « sentir mauvais », dérive du vieux mot rural trouille ou drouille, qui signifiait « colique » • repousser du corridor repousser concrétise l’image de celui qui pue tellement que les gens s’écartent de lui • repousser du tiroir « avoir l’haleine cousine germaine du lac Stymphale » (DELV.) • plomber de la gargoine • danser du bec avoir une haleine douteuse • chlinguer du couloir • plomber de la cassolette « fetidum halitum emittere » (DELV.) • casser du bec avoir une haleine infecte. « Casser a ici le sens de couper, ce qui donne, mot à mot : couper de son bec… celui des autres » (LARCH.) • avoir e laissé le pot de chambre dans la commode • avoir mangé ses pieds puer de la bouche ■ f. XIX 1872 plomber du goulot sentir mauvais de la bouche • repousser du fusil « sentir mauvais de la bouche. Jeu de mots sur les bouches de l’arme et de l’individu, ainsi que sur leur action répulsive » (LARCH.) ◪ 1883 dégringoler de la mansarde sentir mauvais de la bouche • évacuer du couloir idem • repousser du goulot avoir une haleine fétide « on lui tire un peu brutalement les oreilles, le matin, pour « Quand elle a mangé du cerv’las,/Ça vous coup’ la gueule à quinz’ pas », COLMANCE le punir d’avoir, pendant la nuit, abusé de la permission à lui accordée de repousser du goulot », G. DARIEN, Biribi, 1888 CHAUD tiède, brûlant, bouillant, torride, caniculaire e ■ m. XVII 1640 quand ce serait pour la bouche du roi la viande est trop chaude • faire brouer e un peu bouillir • la fraîcheur de M. de Vendôme la plus grande chaleur du jour ■ d. XIX 1826 taper sur la coloquinte coloquinte : tête (1809) « Mais c’était pas tout ça ; il y avait là, comme dit la chanson, un polisson d’soleil, qui vous tapait sur la coloquinte, et qui vous séchait l’béguin d’une rude manière », É. DEBRAUX, Le Passage de e ■ m. XIX 1842 chaud comme une caille « la première fois que j’ai entendu ce dicton, c’était à l’école. Il gelait à pierre fendre, et je me plaignais de ne pouvoir me réchauffer la nuit. Un petit camarade m’expliqua qu’il couchait avec son père et sa mère, et que grâce à l’absence de ventilation ou plutôt grâce à l’excès de ventilation, “i z’équiant chauds comme trois cailles” » (LYON) ◪ 1867 coup de feu • abbaye ruffante four chaud la Bérésina, 1826 SUER transpirer, dégoutter, exsuder e ■ m. XVII 1640 être tout à nage tout mouillé de sueur • tout en eau en sueur • la raie du cul lui sert de gouttière « il sue extrêmement, il dégoutte de sueur » (OUD.) • qu’on a chaud en ce temps-ci, ma commère « les deux premières syllabes font l’équivoque, C.. a chaud ; la chaleur est grande en cette partie là pendant l’Esté » (OUD.) • qu’on sue en ce temps-ci « c’est la mesme e allusion de syllabes. Et ainsi de plusieurs autres qui sonnent de mesme » (OUD.) ■ f. XVII 1682 suer dans son harnais être trop vêtu ◪ 1690 être en nage « en sueur, tout mouillé, soit pour s’être échauffé, soit pour avoir été à la pluie, soit dans une crise de maladie » (FUR.) « Vous voyez bien dans e e quel état est le prince, il est tout en nage », CAYLUS, Les Manteaux, 1746 ■ d. XVIII être en eau ■ f. XVIII trempé comme une soupe être mouillé, de sueur ou par la pluie. En dépit de ce qui a pu être dit sur cette e expression, le fait que la comparaison soit venue en usage à la fin du XVIII siècle seulement – au moment où le mot soupe désigne le potage, et non plus la tranche de pain –, il semble bien qu’il s’agisse d’un jeu de mots sur tremper la soupe. Cf. « Mon cher Spark, si nous ne nous hâtons, nous allons être trempés avant notre soupe… – Tu crois ?… La pluie me répond pour Daudet – à verse » (A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866) « Je m’éveillais, j’étais trempé comme une soupe ; l’eau coulait de mon front, e ■ m. XIX 1867 sentir le lapin « suer abondamment et désagréablement sous les aisselles » (DELV.) • cuire dans son jus avoir très chaud e ■ m. XVII 1640 aller en Suède « aller suer la vérole ; allusion à suer » (OUD.) • aller en Surie « aller suer la vérole » (OUD.) qu’on l’aurait ramassé à la cueillère », VIDOCQ, Mémoires, 1828 SE CHAUFFER e ■ m. XVII 1640 gagner un fagot « s’eschauffer en marchant ou travaillant, et par ce moyen espargner le fagot » (OUD.) • garder les tisons demeurer auprès du feu • se chauffer à l’espagnole « au soleil. Nostre vulgaire le dit d’une autre sorte : mais je le tais à cause de l’impiété » (OUD.) • e se rôtir auprès du feu se chauffer à son aise • se chauffer aux dépens de Dieu au soleil ■ f. XVII e 1690 prendre l’air d’un fagot « se chauffer légèrement et en passant » (FUR.) ■ d. XIX 1828 battre la semelle « Non loin de là, une centaine de gens mal vêtus, hommes et femmes, circulent dans la rue. Ceux-ci battent la semelle ; ceux-là ramènent avec violence leurs deux bras sur la poitrine ; d’autres préfèrent se réchauffer en avalant au cabaret e ■ m. XIX faire un tour de broche « faire un tour de broche, se mettre très près du feu pour se chauffer. Cela ne se dit que dans une compagnie où la politesse défend d’occuper longtemps le foyer ; on dit à celui qui a froid : Faites un tour de broche, c’est-à-dire chauffez-vous de tous les côtés, mais un instant seulement » (LITTRÉ, 1863) ◪ 1842 se chauffer à la cheminée du roi René au soleil ◪ 1867 faire petite chapelle relever une jupe pour se chauffer à un feu de cheminée, « comme ont la pernicieuse habitude de le faire les e femmes du peuple, qui s’exposent ainsi à des maladies variqueuses » (DELV.) ■ f. XIX 1894 bain à la religieuse « c’est quand les femmes, se mettant devant un grand feu, troussent leur cotte par devant et l’agitent pour chasser l’air chaud par dessous » (LYON) voisin un petit verre de consolation », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ f. XVII e 1690 ôtez-vous, je ne veux point d’écran si épais « à celui qui se met devant un e ■ f. XVII 1690 ôtez-vous, je ne veux point d’écran si épais « à celui qui se met devant un autre pour empêcher qu’il ne se chauffe » (FUR.) AVOIR FROID grelotter, (se) cailler, (se) geler, (se) peler, frissonner e e ■ XVII claquer des dents ■ m. XVII 1640 battre le tambour avec les dents trembler de froid • le pays (l’île) de Claquedent lieu où l’on tremble de froid • trembler le grelot « quand on tremble e si fort de froid que les dents font un bruit semblable au grelot » (FUR.) ■ d. XIX avoir la chair de e e poule ■ m. XIX passer par l’étamine « souffrir du froid, de la faim et de la soif » (DELV.) ■ d. XX se e geler le cul ■ m. XX se cailler • se les cailler c’est-à-dire les couilles ou les fesses ; en usage fréquent à partir des années 1950 • se cailler les miches miche a le sens de « fesses » dès la fin du e e XIX , par « image du pain fendu » selon ESNAULT • se les geler ■ f. XX se cailler les meules les fesses • se peler le cul avoir extrêmement froid DROGUES stupéfiants, came e ■ f. XX fumer un joint c’est-à-dire une « cigarette » de haschich (dit plus couramment shit) ou de marijuana (herbe ou beuh), pure ou mélangée à du tabac • fumer un pétard idem « “On va s’fumer un pétard dans la cour pendant que vous causez magouille !” elle lance Badette », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 • être accro être dépendant de la drogue. De accroché : traduction, dans les années 1970, de l’anglais hooked « Si elle est accro elle pourra pas décoller. On d’vient guimauve avec la poudre, tu l’sais bien. Nan, j’vais faire du vent, moi ! Un force 9 ! Y faudra ça pour l’arracher ! », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 • se faire une ligne de cocaïne • se faire un rail idem • se piquer se droguer par voie intraveineuse • se faire un fixe idem • être clean ne plus se droguer • être raide démâté renforcement de être raide ; tellement ivre ou e drogué que l’on ne tient plus debout. À noter qu’au XIX siècle démâté a eu le sens de « désorienté, décontenancé » FUMER cloper e e ■ d. XIX fumer comme une locomotive beaucoup ■ m. XIX 1867 en griller une fumer une e pipe ou une cigarette ■ f. XIX 1872 en brûler une fumer une pipe ◪ 1882 en bourrer une idem « Après déjeuner, M. Cherbuliez revient à son cabinet, et, – détail naturaliste, – allume une pipe ; en bourre une, dirait Zola », e ■ d. XX fumer comme un sapeur beaucoup • fumer comme une cheminée • fumer raide beaucoup « De beaux messieurs, la crème de la population, viennent se recréer un brin de votre compagnie. Vous buvez sec, vous fumez raide », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ◪ 1911 fumer comme un pompier e e ■ m. XIX 1867 se flanquer du terreau dans le tube priser ■ d. XX la cigarette du condamné la e dernière cigarette, traditionnellement accordée au condamné à mort ■ m. XX barreau de chaise gros cigare Événement, 1882 DORMIR reposer, pioncer, roupiller e ■ XIII dormir comme un loir « homme bien endormi, parce que les loirs, les marmottes e dorment dix mois de l’année » (FUR.) ■ XIV gésir grandes matinées « Charnalité si est quant l’en quiert le désir de la chair, comme dormir en bons lits, reposer longuement, gésir grandes matinées, et au matin quant l’en est bien aise l’en oit sonner la messe, l’en n’en tient compte et se tourne-l’en de l’autre costé pour e rendormir », Le Ménagier de Paris, 1393 ■ XV dormir comme un sabot le sabot – ou cibot – est une vieille forme de toupie que l’on fouette. Quand elle tourne très vite, elle produit un « ronflement » et semble immobile • faire dodo « Quant n’ont assez fait dodo/Ces petitz enfanchonnés/Ilz portent soubz leurs bonnés/Visages plains de bobo », C. D’ORLÉANS, Poésie françoise • dormir comme une souche en son lit et e e l’équivalence souche-immobilité date de la fin du XI siècle ■ m. XV 1467 prendre la longue e crastine paresser au lit. De crastine (XIII ) : lendemain, et plus particulièrement lendemain de fête « Chacun jour se levoit une heure ou deux devant jour et laissoit sa femme prendre la longue crastine jusques a VIII ou e ■ f. XV dormir comme une vache profondément • la grasse matinée croisement probable de crastine, lendemain, et de cras, forme ancienne de gras, signifiant à la fois gras et épais. La paresse se fait sentir dans la formulation intermédiaire le cras de la matinée. Cf. « Il a bien pris a son delit [plaisir]/Le cras de ceste matinée/Va le appeler, va, po senée [insensée]/Di qu’il se lieve » (Miracles de Nostre Dame, fin e XV ). L’influence de grande matinée et la valeur agréable de gras, mol et onctueux, ont dû être e déterminantes « Monseigneur Vaille-que…vaille/Juge de grasses matinées », COQUILLART, 1491 ■ XVI dormir la grasse matinée l’expression semble s’être progressivement chargée d’une valeur tendancieuse : IX heures, ou si longuement qu’il lui plasoit », Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 « On dit, qu’une femme dort la grasse matinée, pour dire, qu’elle se lève tard, et qu’elle se tient au lit pour devenir grasse, pour faire du lard », Furetière, 1690 • dormir en chien « au soleil pendant la chaleur. Item, un peu devant le repas » (OUD.) ■ f. XVI dormir sur ses deux oreilles profondément « Ainsi après avoir théologalement e charmé les puces […], il dort sur toutes ses deux aureilles », N. DU FAIL, Œuvres facétieuses, 1585 ■ m. XVII 1640 cogner le clou s’endormir bien fort • coucher comme l’épée du roi dans son fourreau dormir tout vêtu • e e parler à Canabot ■ f. XVII 1690 dormir de lièvre les yeux ouverts ■ XVIII dormir comme une soupe sans doute par altération de dormir comme une souche « notre grande Catin dormoit comme une soupe ; j’avois beau la réveiller, ça vous dormoit comme une pierre », Les Écosseuses, 1739 • faire le tour du cadran e dormir douze heures d’affilée ■ d. XVIII taper de l’œil taper a ici le sens argotique de « boucher » e – de tap : sorte de bouchon de liège « Il y avoit près d’une heure que je tapois de l’œil au mieux, quand je m’entends e réveiller par deux voix qui parloient auprès de moi », CAYLUS, Histoire de M. Guillaume, 1740 ■ m. XVIII ne faire qu’un somme faire sa nuit sans s’éveiller ◪ 1734 dormir comme une marmotte très profondément « Je suis endormie ce soir comme une marmotte ; mais je t’aime comme une bonne femme qui ne pense qu’à son mari depuis le matin jusqu’au soir », MME DE SABRAN, Journal, 28 déc. 1787 ■ e XIX être dans les bras de Morphée ■ d. e XIX dormir à poings fermés profondément « il finit par me trouver sous mon parasol végétal, dormant à poings fermés – comme on dort sur les volcans », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 ◪ 1812 dormir du sommeil du juste e ■ m. XIX tourner l’œil s’assoupir « Trois ou quatre méchantes chopines… et ça tourne l’œil », GAVARNI • jouer de l’orgue « Il prenait toujours une stalle sur le derrière de l’orchestre, afin de ne pas être dérangé. Il s’y installait commodément, et là “il piquait son chien”, comme nous disions au collège ; “il cassait sa canne”, comme nous disions aujourd’hui ; “il jouait de l’orgue”, comme disent les titis ; ou bien “il roupillait”, selon les linguistes », PRIVAT D’ANGLEMONT ◪ 1866 faire la grasse matinée le passage de dormir à faire la grasse matinée, au milieu du e XIX siècle, élargissait le sens de l’expression séculaire à « prendre mollement ses aises », ne pas se lever le matin, même étant éveillé, « se prélasser dans son lit jusqu’à une heure plus avancée que de coutume » (fût-ce pour bavarder, lire ou jouir de quelque autre plaisir) – alors que l’emploi de dormir demeurait attaché, littéralement, au sommeil tardif. Ainsi, à la même date et dans le même texte, Delvau distingue les deux formes : « Pourquoi alors nous as-tu fait réveiller à quatre heures du matin ? J’aurais si volontiers dormi la grasse matinée, moi que la Nature a créé loir et dont la Société a fait un coq ! » (A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866) « Nous faisons la grasse matinée, d’abord pour nous reposer, ensuite pour réfléchir un peu à l’itinéraire que nous allons adopter. L’imprévu, c’est bien ; mais il ne faut pas que, • piquer un chien dormir pendant la journée • casser sa canne ◪ 1867 piquer une romaine au camp • tourner de l’œil s’endormir • boucher ses pruneaux • dormir en chien de fusil « c’est prendre en dormant une posture qui donne au corps la forme d’une S ou du morceau de fer qu’on abat sur le bassinet de certaines e armes à feu lorsqu’on veut tirer » (DELV.) • mettre le chien au cran du repos ■ f. XIX piquer un e roupillon roupiller existe dès la première moitié du XVIII siècle : « Je vais chercher à roupiller un e somme, dans le jardin, à la belle étoile » (Caylus, Histoire de M. Guillaume, 1740). Au XIX , les expressions piquer un… sont courantes pour dormir. Roupillon est attesté dès 1883 (DICT. LANGUE VERTE) ◪ 1872 casser son pif « allusion à la position d’un dormeur dont la tête perd son point d’appui et s’incline brusquement en avant » (LARCH.) ◪ 1883 un coup de traversin par plaisanterie, un somme « Je suis libre comme l’air. Or, le meilleur emploi que je puisse faire de ma liberté, c’est de me rendormir. – sous prétexte d’imprévu, nous nous exposions à retourner sur nos pas », ibid. Donnons-nous encore un bon coup de traversin, ajoute-t-il en employant le style facétieux », MONSELET, Mon dernier-né, 1883 e ■ d. XX dormir comme une bûche remotivation de la souche ◪ 1908 en écraser la force du verbe peut donner lieu à toutes les queues stylistiques qu’on veut : « il en écrasait comme un fer à repasser » ; e « vous en écrasez comme une enclume », A. CAHEN, Zig-Zag, 1976 ■ m. XX faire la planche « quand j’ai travaillé on faisait dix heures par jour, ben, quand t’avais fait dix heures dans le bâtiment, quand t’es môme, que tu revenais le soir, hein, ben là le premier truc que tu faisais, quoi, à huit heures et demie, neuf heures, ben c’était d’aller faire la planche. T’avais pas besoin de te droguer, là, t’avais ton compte », La Mâle Parole, 1975 ■ d. XVII e 1611 faire du lard ceux qui aiment à dormir longtemps font du lard ■ m. XVII e 1640 e e ■ d. XVII 1611 faire du lard ceux qui aiment à dormir longtemps font du lard ■ m. XVII 1640 couché le ventre en haut à l’envers • bailler de l’endormie donner une potion qui endort e ■ f. XVIII la Belle au bois dormant allusion au conte de Perrault, symbole d’un lieu où tout dort profondément « Tout dort autour de moi, comme dans le palais de la Belle au bois dormant », MME DE SABRAN, Journal, 8 e ■ m. XIX ronfler à cri « feindre de dormir » (HALBERT) ◪ 1842 qui dort dîne ◪ 1867 e chauffe la couche homme qui aime ses aises et reste volontiers au lit ■ f. XIX un sommeil de gendarme de celui qui ne dort que d’un œil janvier 1787 RONFLER e ■ m. XVII 1640 compter ses écus « il remue la teste en dormant, il dort et ronfle » (OUD.) • se cochonner « se dit des petits enfans qui font le cochon en dormant » (OUD.) • jouer à la ronfle « quand on dort profondément, et qu’il ronfle ; c’est ainsi qu’on nommait autrefois le point au e piquet » (FUR.) • souffler ses choux ■ f. XVII 1690 souffler des pois « agiter ses lèvres en dormant pour expirer l’air par petits coups secs » (DELV.) AVOIR SOMMEIL sommeiller, somnoler e ■ XV faire des petits yeux avoir très envie de dormir « Chacun rendit graces à Dieu, faisant très petits e yeux, et ne demandant que le lit », COMMYNES, Mémoires sur Louis XI, xve ■ m. XVII 1640 ajournement pour aller coucher (dormir) • le crieur de sablon a passé par ici « cela se dit lors que l’on commence à fermer les yeux, de grand sommeil que l’on a, comme si ce crieur en avoit jetté dedans » (OUD.) • le petit bonhomme me prend le sommeil • assignation de couche quand on bâille d’envie de e dormir • je commence d’avoir de la poudre dans les yeux je m’endors ■ f. XVII 1690 le petit homme lui a jeté du sable dans les yeux « personne qui s’endort ; comme si cela l’obligeait à les e fermer » (FUR.) ■ m. XVIII tomber de sommeil « Mais en voilà bien assez pour aujourd’hui, mon ami : je tombe de e sommeil, et la plume me tombe des mains », Mme de Sabran, Lettre à Boufflers, 29 juin 1786 ■ XIX bâiller comme une e e huître ■ m. XIX 1867 le marchand de sable est passé ■ f. XIX bâiller à se décrocher la mâchoire « Donc, je le rencontrai à l’Exposition, en train de bâiller à se décrocher la mâchoire. – Qu’est-ce que tu as ? – Je m’ennuie formidablement », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 ◪ 1894 le petit homme de Saint-Just c’est lui qui apporte le sommeil « Allons, mon boson, je vois à tes yeux que le petit homme de Saint-Just est arrivé : faut aller au e pucier ! », Lyon, 1894 ■ d. XX piquer du nez • piquer des clous « somnoler en position assise. Par référence aux mouvements de la tête, qui plonge de temps à autre. En ce sens “cogner des clous” est usuel au Québec » (BERNET et RÉZEAU) e ■ m. XIX 1842 un bon bâilleur en fait bâiller deux • étourdi comme le premier coup de matines « c’est-à-dire comme un homme qui est éveillé par le premier coup de matines, et qui, étant encore à moitié endormi, ne sait ce qu’il fait » (QUIT.) SE COUCHER s’allonger, s’étendre, se pieuter, se pager e ■ m. XVII 1640 aller à la halle aux draps • se coucher en chapon « si tost que la nuit est venue » (OUD.) • aller chercher demain • bonsoir mon père et ma mère, les derniers couvrent le feu « bon soir, à Dieu, je me recommande. Raillerie vulgaire » (OUD.) • le saut périlleux « par e raillerie, de la table au lict » (OUD.) ■ f. XVII 1690 faire la méridienne « lorsqu’on se couche après le dîner [c’est-à-dire le repas de midi] ou qu’on prend un peu de repos ; ceux qui se lèvent de e matin en été, peuvent faire honnêtement la méridienne » (FUR.) ■ m. XIX 1863 se coucher comme les poules très tôt ◪ 1867 éteindre son gaz • se fourrer dans la filasse se mettre au lit • aller au e pieu aller se coucher • rouler sa viande dans le torchon ■ f. XIX 1889 se bâcher « On va fermer ! C’est le moment ! V’là la coterie qui défile et la Carcasse aussi ! Faut pas qu’elle aille se bâcher tranquille ! », O. MÉTÉNIER, La e ■ f. XX aller faire téter les puces aller au lit. Variation sur aller au pucier. Création locale du Limousin, par allusion plaisante, en milieu rural, à faire téter les veaux Casserole, 1889 SE LEVER e e ■ f. XVI au saut du lit au réveil ■ m. XVII 1640 se lever dès le soir « dire de se lever le lendemain de fort bonne heure, et n’en rien faire » (OUD.) • se lever matin pour baiser le cul à Martin de peur qu’il n’y ait presse « c’est une raillerie que l’on dit à ceux qui parlent de se lever de bonne heure » (OUD.) • dénicher du lit faire lever, faire sortir du lit • faire honneur au soleil, le e e laisser lever le premier se lever tard ■ d. XX réveil en fanfare ■ f. XX avoir eu une panne d’oreiller ne pas s’être réveillé à l’heure prévue, et donc être en retard ; jeu sur panne de réveil LES COUCHES e ■ XVI coucher sur la dure par terre « Ça me scie le dos, foutre, de voir des ci-devant fermiers-généraux, de gros boutiquiers […] dormir sur le duvet, tandis, foutre, que nos braves volontaires couchent sur la dure et manquent de tout », e ■ m. XVII 1640 il a le cul d’ambre, il enlève la paille il dort ou couche sur la paille • loger à la belle étoile (à l’enseigne de l’étoile) coucher au milieu des champs « Rodolphe vivait depuis HÉBERT, 1793 quelque temps plus errant que les nuages, et perfectionnait de son mieux l’art de se coucher sans souper ou de souper sans se coucher ; son cuisinier s’appelait le Hasard, et il logeait fréquemment à l’auberge de la Belle-Étoile », H. MURGER, Scènes de la bohème, 1850 • paillarder « par allusion, coucher sur la paille » (OUD.) • halle aux draps « le lit, dans e l’argot des faubouriens » (DELV.) ■ f. XVII coucher à la belle étoile « on dit qu’un homme […] couche à la belle étoile, pour dire qu’il n’a point de logement, qu’il couche dehors à la campagne » (FUR.) « Ils trouvent la vie de Bohême une existence pleine de séductions : ne pas dîner tous les jours, coucher à la belle étoile sous les larmes des nuits pluvieuses et s’habiller de nankin dans le mois de décembre leur paraît le paradis de la félicité humaine », H. MURGER, Préface à Scènes de la bohème, 1850 e ■ XVIII autel de plume un lit, apparemment pris e dans son sens érotique ; A. DELVAU cite cette chanson égrillarde du XVIII siècle : « À Damon vous avez tout permis/Pour l’hymen qu’il vous avait promis/ […] Avez-vous pu l’en croire à son e serment ?/Ceux que l’on fait sur un autel de plume/Sont aussitôt emportés par le vent » ■ m. XIX 1867 coucher à la corde « passer la nuit dans un de ces cabarets comme il en existait encore, il y a quelques années, aux alentours des halles, assis et les bras appuyés sur une corde tendue à hauteur de ceinture » (DELV.) • coucher dans le lit aux pois verts coucher dans les champs, à la belle étoile e ■ m. XVII 1640 un licencié « c’est une allusion à lict sans ciel ; un lict où il n’y a point de ciel ou de dessus » (OUD.) • un tour de lit « proprement d’un lict à housse ; l’estoffe qui couvre ou e environne un lict » (OUD.) ■ m. XIX 1867 camp des six bornes « endroit du cimetière où les marbriers font leur sieste aux jours de grande chaleur » (DELV.) INSOMNIES e ■ XIV avoir la puce à l’oreille « être fort éveillé ou inquiet ; ou avoir quelque passion agréable e qui l’empêche de dormir » (FUR.) ■ m. XVI ne pas fermer l’œil ne pas arriver à dormir « Le vent est si fort que ma maison en est ébranlée. Je voudrais qu’il ne m’empêchât pas de dormir, car voilà deux nuits que je n’ai pas fermé l’œil à cause de mon rhume », MME DE SABRAN, Lettre à Boufflers, 8 février 1786 ■ m. XVII e 1640 il ne dort non plus e qu’un jaloux (qu’un lutin) il ne dort point • perdre le repos ne pas dormir ■ f. XVII ne dormir que e d’un œil ■ f. XVIII ne pas fermer l’œil de la nuit être agité par des soucis, ou des douleurs, qui empêchent de dormir ; il semble que le renforcement de la nuit ne soit pas apparu avant la fin du e XVIII siècle « Mais, avec tout cela, je n’ai pourtant pas fermé l’œil de la nuit ; ce charmant sourd n’a pas sorti un instant de e ma cervelle », DESFORGES, Le Sourd, 1790 ■ d. XIX passer une nuit blanche une nuit sans sommeil. e L’expression est relativement tardive, et la légende inventée par QUITARD au XIX siècle, selon e laquelle il s’agirait de la veillée d’armes du chevalier médiéval, ne résiste pas à l’examen. Au XVII , on a appelé nuits blanches, par opposition à une nuit noire, très obscure, les fêtes illuminées par des feux d’artifice données par la duchesse du Maine – telles que les évoque SAINT-SIMON : « Celuici […] se dévoua jusqu’à la dernière indécence à toutes les fantaisies de Mme du Maine. Il y introduisit son frère le chevalier ; ils furent de toutes les fêtes de Sceaux, de toutes les Nuits blanches. » VOLTAIRE indique plus tard : « […] nous avons des nuits blanches comme à Sceaux. » Il semble que ce soit par allusion à ces réjouissances pyrotechniques célèbres, au cours desquelles les gens passaient la nuit pour ne se coucher qu’à l’aube, que l’expression est née – vers la fin du e e XVIII siècle. Elle était déjà bien établie au sens d’une « nuit sans sommeil » dès le début du XIX dans le langage populaire « j’ai des ampoules d’une grosseur… ! si cela continue, je passerai une nuit blanche », VIDOCQ, e Mémoires, 1828 ■ f. XIX dormir en gendarme faire semblant de dormir pour mieux guetter e ■ f. XVII 1690 un mauvais coucheur « un homme qui fait de bruit la nuit, qui découvre son camarade, qui l’empêche de dormir » (FUR.) • donner la malnuit « le peuple croit que l’on peut donner la malnuit, faire des charmes qui empêchent quelqu’un de dormir » (FUR.) SEXE SEXE FÉMININ SEXE MASCULIN SÉDUCTION-DRAGUE Plaire Amants et maîtresses DÉSIR Bander CARESSES Fellation Baisers BAISE Coït masculin Coït féminin CHAUD LAPIN MASTURBATION PLAISIR VIRGINITÉ DÉPUCELAGE IMPUISSANCE HOMOSEXUALITÉ COCUAGE GARCE SEXE FÉMININ vulve, con, chatte, chagatte, minette, motte, moule, cramouille ■ m. XVI e le comment à nom « Le bonhomme Génébrard avait épousé une jeune belle mignonne fille, avec laquelle étant couché, l’ayant baisée, il lui mit la main à son comment à nom », BÉROALDE DE VERVILLE ■ d. XVII e l’entre- deux « Je viens de baiser ma maistresse :/J’ai tant frotté son entre-deux,/Qu’elle s’est escorché la fesse », Chansons folastres et prologues, 1612 • la porte de derrière l’anus, dans un contexte de sodomie « Si par cas fortuit elles veulent e ouvrir la porte de derrière, elles serrent les lèvres », TABARIN, v. 1618 ■ m. XVII 1640 le bas d’une femme • une crevasse une femme • la boutique • le cripsimen « mot fait à plaisir » (OUD.) • écrevisse de muraille « une araignée. Le vulgaire l’entend pour la nature de la femme » (OUD.) • le calibistrix • loger au large « d’une femme qui a grand, etc. » (OUD.) • le mont de Vénus le pénil, la motte • la pièce du milieu • porte cochère « grande nature de femme » (OUD.) • le devant d’une femme • l’abricot d’une femme « la nature, par similitude de la fente » (OUD.) • mesure de saint Denis, plus grande que celle de Paris « grande nature de femme » (OUD.) • le combien • entre-deux de e molue « la pièce entre le ventre et la creste » (OUD.) ■ d. XX 1905 le baba « le sexe de la femme (libertins, 1905) » (ESNAULT). J. CELLARD commente le mot ainsi : « Le transfert de sens joue […] sur l’humidité parfumée commune aux référents ; enfin sur la faible résistance à la pénétration et sur l’idée d’une “dégustation” facile » (DFNC) e ■ m. XVII le beau sexe les femmes ◪ 1640 il n’y a point de pire bête que celles qui ont deux trous sous la queue les femmes sont mauvaises • double trou une femme • elle n’a garde de péter au feu, elle est bien fendue « elle a grand, etc. C’est par similitude des marrons que l’on fend de peur qu’ils ne pettent » (OUD.) • un compagnon (garçon) fendu une fille • les femmes peuvent mieux comprendre que les hommes « l’équivoque s’entend en partageant le mot de comprendre en deux » (OUD.) • cette femme-là est bien connue « par allusion, elle est bien e fournie de nature » (OUD.) ■ f. XVII 1690 la race en est éteinte « ironiquement, en parlant des e bonnes femmes » (FUR.) ■ m. XIX la plus belle moitié « le sexe féminin. Mot à mot : la plus belle moitié du genre humain. On abrège aussi en disant “la belle moitié” » (LARCH.) « Je ne vois pas pourquoi on obligerait “la belle moitié” à vivre avec l’autre », E. VILLEMOT • drogue mauvaise femme • l’éternel féminin les qualités innées et permanentes de « la femme », voire son idéalisation ; il s’agit d’une phrase de GOETHE à la fin du second Faust (1831) : « L’éternel féminin attire vers le ciel » « la part une fois faite à ses manies souvent paradoxales, c’est un observateur remarquable, de l’éternel féminin surtout », E. GOT, Journal, 17 avril 1872 SEXE MASCULIN vit, pénis, phallus, verge, bite, biroute, dard, braquemart, nœud, pine, queue, quéquette, zizi, zob, zigounette, chibre testicules, couilles, roustons, roubignolles, burnes, roupettes, valseuses, coucougnettes ■ XV e parties honteuses ■ m. XVI manche que l’on nomme le laboureur de e le laboureur de nature « Les autres enflaient en longueur par le nature », RABELAIS • avoir un beau membre • être bien emmanchétout ce qu’on porte ◪ 1534 branche de corail « L’une la nommoit ma petite dille, l’aultre ma pine, l’aultre ma branche de coural, l’aultre mon bondon, mon bouchon, mon vibrequin », RABELAIS, Gargantua, 1534 le pot au lait les testicules ■ d. ◪ 1546 e 1627 bâton de mesure « Je porte un baston de mesure,/Dont quinze e poulces de loungueur,/Par les effects de la Nature,/Amortiroit vostre langueur », Ballet des quolibets, 1627 ■ m. XVII 1640 le onzième doigt le membre viril • le bagage • la courte mot enfantin • le courtaud • l’engin • les triquebilles les testicules • le doigt qui n’a point d’ongle « le membre viril » (OUD.) • la marque de la vaisselle même sens • la pièce du milieu • le fourrier de la nature • un cabochon de rubis le prépuce • l’instrument • le lingot d’amour • le manche • le paquet de l’épousée le membre viril • la pine « le membre ; mot enfantin » (OUD.) • la queue • la quine • les dandrilles les génitoires • la verge • le vivandier de nature • le boudin • olives de Poissy des testicules • les trois pièces le membre viril et les testicules • l’outil • frère Jacques le membre viril ; il semble, d’après ce sens, que la fameuse chanson enfantine Frère Jacques puisse avoir une origine moins innocente qu’il n’y paraît, si toutefois elle est ancienne • un beau chasse-mouches un beau membre • la boutique ce terme s’emploie indifféremment pour un homme ou une femme dans l’expression montrer toute sa boutique • le bout le petit bout désigne souvent, en termes e e maternels et enfantins, le pénis d’un petit garçon ■ XVIII bijoux de famille testicules ■ f. XVIII bien e monté qui a un sexe de dimensions généreuses ■ XIX anguille de caleçon e ■ XIV en avoir deux être homme, être viril. Cet euphémisme pour deux couilles paraît vieux e comme le monde ; ce que suggère cette équivoque du XIV siècle (il s’agit de dés) « Si en ai deux, ce XVII n’est pas gas, qui au hocher chieent sor as [aussi j’en ai deux, ce n’est pas une blague, qui au “branler” tombent sur l’as] », in e ■ m. XVII 1640 une fille qui a le bas-ventre fait comme un naveau un garçon • peu de chose fait grand bien « cecy s’entend de plusieurs façons ; mais la raillerie tend au membre viril » (OUD.) • il est bien avitaillé « par allusion, bien fourny de membre viril » (OUD.) • un veau retourné, qui a la queue devant un homme • petit chien belle queue petit homme grand, etc. • un cure-dent d’Auvergne un engin de mulet • ce n’est pas grand cas « pas beaucoup de chose. Il s’applique par raillerie au membre viril » (OUD.) • verges saint Benoît, il n’en faut qu’un brin pour e en faire une poignée jeu de mots égrillard sur verge ■ XIX si ma tante en avait, ce serait mon LITTRÉ oncle réponse que l’on fait à quelqu’un qui échaffaude des projets, des théories, etc., sur des e suppositions gratuites ■ f. XIX 1894 porter à gauche, porter à droite sous-entendu : ses organes sexuels. « Termes de tailleur. Manière particulière, selon les goûts de chacun, de porter le pantalon, dont les tailleurs disposent l’enfourchement en conséquence », dit pudiquement le Littré de la Grand’Côte (LYON, 1894) SÉDUCTION-DRAGUE avances e ■ XVII faire la cour « cageolleries, caresses qu’on fait aux dames pour s’en faire aimer, pour les épouser. Il y a longtemps que ce jeune homme fait la cour à cette veuve, qu’il lui fait les doux yeux. Il fait la cour à cette vieille, il la flatte, pour tâcher d’attraper sa succession » (FUR.) • faire e de l’œil lorgner amoureusement ■ m. XVII 1640 dire le mot « faire des rencontres, dire des gaillardises » (OUD.) • conter goguettes dire des gaillardises • fille de sergent qui a les yeux pleins d’assignations « qui a les yeux amoureux, et attrayans » (OUD.) • muguetter une fille « luy faire l’amour » (OUD.) • faire les doux yeux « courtiser des yeux. Nostre vulgaire dit, faire les doux yeux et les vingt-quatre paupières, faisant sottement allusion de doux à douze » (OUD.) ◪ 1644 courir le e guilledou à partir de courir le guildron, ou guildrou, au XVI siècle, courir l’aventure ou les mauvais lieux « À croire qu’elles le faisaient exprès pour l’exciter. Pas étonnant que le Marin aille courir le guilledou après ça ! Il avait beau dire qu’elles ne l’intéressaient pas, la vue de tous leurs appas devait bien finir par le chatouiller au bon endroit », GUÉRIN, ◪ 1645 courir la prétentaine « prétentaine ou prétantaine. Il n’a guère d’usage que dans cette phrase de style familier : courir la prétantaine ; pour dire aller, venir ; courir çà et là sans sujet, sans dessein. On dit qu’une femme court la prétantaine ; pour dire, qu’elle fait des promenades, des voyages contre la bienséance, ou dans un esprit de libertinage » (TRÉVOUX) e ◪ 1654 conter fleurette de fleurettes ou florettes : bagatelles et balivernes au XVI siècle, plus précisément « certains petits ornements de langage et termes doucereux dont on se sert ordinairement pour cageoller les femmes » (FUR.) « Oh ! mon cher Édouard, tu ne me feras pas accroire que tu L’Apprenti, 1946 aies formé le projet d’épouser cette petite chevrière ! Tu voudrais peut-être me le laisser supposer, pour qu’alors, respectant un amour si pur, je n’allasse plus conter fleurette à la jeune fille !… Cela ne serait pas maladroit !… », P. blanche, 1828 ■ f. XVII e DE KOCK, La Maison faire les yeux doux « Chaque fois qu’elle passait devant l’endroit où je travaillais, elle me faisait les yeux doux », É. DEBRAUX, Mayeux, 1832 ◪ 1690 faire des amitiés caresser quelqu’un pour l’engager à nous aimer • conter des douceurs « cageoller une femme, et absolument : “il lui en conte” : il lui en veut, il en est amoureux » (FUR.) • jouer de la prunelle « coquette qui tâche de s’attirer des amants en ménageant des œillades ; femme qui fait quelques mouvements de l’œil pour donner de l’amour » (FUR.) • faire l’amour « on dit qu’un jeune homme fait l’amour à une fille quand il la recherche en mariage. On le dit aussi odieusement quand il tâche de la suborner. On dit qu’une femme fait l’amour quand elle se laisse aller à quelque galanterie illicite. Il y a aussi des amours brutaux, monstrueux et contre nature » (FUR.) • jeter le mouchoir « distinguer une femme et lui faire agréer ses hommages et son cœur » (DELV.) « Robineau, fêté, adulté, cité, et ne sachant de quel côté jeter le mouchoir, veut cependant rendre, à la société de la ville, les politesses qu’il en reçoit », P. DE KOCK, La Maison blanche, 1828 e ■ XVIII pousser sa pointe « s’avancer dans une affaire quelconque, – mais surtout dans une affaire amoureuse » (DELV.) « Que de projets ma tête avorte tour à tour !/Poussons toujours ma pointe et celle de e ■ m. XVIII battre le briquet « se disait d’un amoureux ou d’un galant qui débitait ses sentiments à l’objet de sa recherche ou de son amour » (NISARD). Afin d’« allumer sa flamme » ? « Allez, allez, belle figure propre à faire du saindoux ; si vous n’battez pas l’briquet mieux qu’ça, l’amadoue ne prenra pas, j’vous en avartis », VADÉ, Les Racoleurs, 1756 ◪ 1739 avoir la fesse tondue « savoir plus d’un tour, avoir l’adresse, l’habileté et la souplesse de conscience d’un roué. Se dit principalement d’un galant, d’un séducteur » (NISARD) « Le grand Cornichon en savoit plus d’une nichée. C’étoit un dru qu’avoit la fesse tondue, beau diseur, ayant la parole en bouche ; il ne donna point de relâche à sa mie qu’il ne lui eût replâtré son méfait », Les Écosseuses, 1739 ◪ 1745 faire des yeux de carpe frite « Un jour, c’étoit pendant le grand chaud de l’été, s’étant retiré dans une grotte qui étoit au bord de ce l’amour », Le Rapatriage, comédie-parade, xviiie, in DELVAU canal, il vit une belle grande carpe, mais grande comme une personne : ce qu’on remarquait encore davantage, c’étoit ses yeux ; jamais on n’en avoit vu de si tendres. C’est de-là qu’on a dit des amans qui regardent tendrement leur belle : qu’ils font e ■ f. XVIII lever une fille « “jeter le mouchoir” à une femme qu’on a remarquée au bal, au théâtre ou sur le trottoir » (DELV.) « La poule en question, il l’a des yeux de carpe frite », CAYLUS, Recueil de ces Messieurs, 1745 peut-être seulement levée tout à l’heure, comme ça, dans la rue, ou en sortant du métro et il n’a pas encore couché avec », GUÉRIN, La Peau dure, 1948 ■ d. e XIX faire fiasco « échouer dans une entreprise amoureuse » (DELV.) e ■ m. XIX faire des mamours cajoler pour séduire ◪ 1834 faire des yeux en coulisses « regard tendre et provocateur » (DELV.) « M. Troupeau se penche vers sa femme et lui dit à l’oreille, en faisant des yeux en coulisses : Je monte dans notre chambre à coucher… suis-moi, j’ai à te parler en tête-à-tête… », P. DE KOCK, La Pucelle de 1842 le coq de la paroisse (du village) « un galant qui courtise toutes les belles du lieu » (QUIT.) • entendre la devise c’est-à-dire les propos galants ◪ 1867 courir la gueuse les filles • lever un homme au souper « s’arranger de façon à se faire inviter à souper par lui » (DELV.) • faire le joli cœur débiter des sornettes aimables aux femmes ; faire des « effets de torse » auprès d’elles « Tournant autour des gross’s poulettes/À seul’ fin de les épater,/Il tir’ ses gants, fait des mirettes,/Y a pas moyen d’lui résister/Il a du chic, de la prestance,/Il fait le coq, le joli cœur », V. DAMIEN, L. MICHAUD, CH. THUILIER FILS, Soldat d’un sou, 1911 • dire des mamours tenir des propos galants, dire des gentillesses • œil en tirelire regard chargé d’amour, provocateur, à demi clos • lever une femme au crachoir « la séduire à force d’esprit ou de bêtises parlées » (DELV.) • chauffer une femme « Toutes ses lettres disent : “je vous aime ! aimez-moi ! sinon je me tue !!!” Répéter cela pendant trois mois, cela s’appelle, dans la langue don juanique, chauffer une femme », E. LEMOINE • coucher en joue une femme « lui faire une cour sur le sens de laquelle elle n’a pas à se e méprendre » (DELV.) ■ f. XIX faire du plat à l’origine, le plat de la langue, c’est-à-dire « le bavardage, les belles paroles » (LITTRÉ) « Julie ne fut pas insensible au plat que lui faisait l’ouvrier. Elle avait passé la trentaine, il fallait se ranger », A. BRUANT, Les Bas-Fonds de Paris, v. 1890 • faire du genou incitation amoureuse à Belleville, 1834 ◪ l’égard de sa voisine (ou de son voisin) de table « Toto, n’oublie pas de mettre Tranchant à côté de la femme de bésange. – As pas peur. – Il faut que ce soir il lui fasse du genou ! – Je sais. J’ai du turbin !… », R. BENJAMIN, Le Palais, 1914 • proposer la botte si l’expression elle-même paraît relativement récente, la botte – acte sexuel – e apparaît dès le début du XIX siècle. Cf. Jean fier à la botte (v. 1830). La forme la (et non une) semble indiquer une abréviation de la botte florentine – les premiers emplois de l’expression fort cavalière ont peut-être eu, en effet, un contexte pédérastique « En se promenant le long de l’oued il avait été suivi par un indigène cossu qui, visiblement, le trouvait girond et mourait d’envie de lui proposer la botte », SYLVÈRE (1906- ◪ 1888 faire des yeux de merlan frit dès 1872, LARCHEY donne « œil de merlan frit, œil pâmé », et cite un texte de 1652 où l’association œil-merlan est déjà présente : « Enfin cet homme de brelan a les yeux faits comme un merlan » (Troisième Suite de Parlement burlesque) e ■ d. XX faire du pied faire des attouchements clandestins sous la table, du bout du pied, dans des intentions libertines. La chose, synthétisée assez tardivement dans une locution particulière, est vieille comme les repas. Cf. « Il prestoit ses yeulx a l’ostesse, sans espergner par dessoubs la table le gracieux jeu de piez » (Cent Nouvelles Nouvelles, 1467) « D’abord, j’aime pas comment y reluque Cécelle. 1950) J’me demande si y fait pas du pied sous la table. Elle a de brusques mouvements de genoux, la Cécelle ! », F. LASAYGUES, Vache • faire du charme ◪ 1901 faire du gringue ◪ 1902 serrer de près tenter d’enlacer ou enlacer une femme « Il venait d’apercevoir que je n’étais plus seule et que j’étais serrée de près par un inconnu », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ◪ 1925 faire du rentre-dedans attitude du « flirt pressant », selon la e définition de G. ESNAULT ■ m. XX les prendre au berceau très jeunes, sous-entendu ses conquêtes e ■ f. XX montrer ses estampes japonaises invitation sans ambiguïté, faisant référence à l’érotisme de ces estampes. On répond ironiquement à qui nous invite à boire un dernier verre, ou autre formule approchante, par cette autre : Tu veux me montrer tes estampes japonaises ? – soulignant ainsi que l’on n’est pas dupe du but fornicateur de l’invitation • vous habitez chez vos parents ? formule rebattue et pourtant toujours utilisée par les dragueurs en guise d’entrée en matière • vous marinez chez vos harengs ? variation burlesque sur la précédente • se prendre un râteau essuyer un échec : voir sa proposition ou son discours ignoré par la ou les personnes auxquelles on s’adresse ; en particulier dans une tentative de drague. Vient plus probablement du râteau, instrument utilisé par les croupiers de casino pour ramasser argent et jetons, que du e râteau agricole ■ d. XXI lâcher l’affaire laisser tomber, renoncer à aller plus loin, en particulier dans une relation amoureuse « Ils tirent la langue, des gouttes de sueur clapotent sur le sol. – T’imagines, si tu veux noire…, 1985 sortir avec Sabrina, c’est encore neuf étages au-dessus… lâche l’affaire, vanne Teddy. – Tu dis ça parce que t’as pas la condition physique… », R. DJAÏDANI, Viscéral, 2007 • tu me donnes ton 06 ? charmante demoiselle, accepteriez-vous de me communiquer votre numéro de téléphone portable ? e ■ m. XVII 1640 ce n’est que du foin, les bêtes s’y amusent « nos filles respondent cecy à qui leur demande ce qu’elles ont sous le linge qui leur cache la gorge » (OUD.) • il n’est pas trop dégoûté « il a raison de demander ce qui est beau et bon. Cela se dit d’un homme qui fait l’amour à une belle fille ; ou qui désire quelque chose qui mérite » (OUD.) • femme qui écoute, et ville qui parlemente est à demi rendue « qu’une honneste femme ne doit point prester l’oreille aux discours des hommes » (OUD.) • la douce chose, accolez ce poteau « nos femmes du commun peuple se servent de ce mot, lors que quelque badin les cajolle » (OUD.) • adressez ailleurs vos offrandes « addressez vous à une autre personne ; response des filles à ceux qu’elles refusent en e amour » (OUD.) ■ f. XVII 1690 les lunettes, les cheveux gris sont des quittances d’amour on ne doit plus songer à la galanterie en cet état • elle a crainte que le tablier se lève fille qui se défend des poursuites amoureuses qu’on lui fait par peur de tomber enceinte • filer le parfait amour « cageoller une femme dans les formes » (FUR.) • l’heure du berger « l’heure favorable aux amants » (FUR.) « MOULÉ (à part) : Enfin nous sommes seuls… voici l’heure du berger […] lorsque j’obtiens enfin un moment de tête-à-tête avec vous, permettez-moi d’en profiter pour vous renouveler le serment d’un amour plus qu’éternel… ah ! Victoire… répondez à ma flamme », P. DE KOCK, Le Pompier et l’Écaillère, 1837 ■ m. e XIX c’est un petit-maître « expression qu’on applique à un jeune homme qui se fait remarquer par une élégance recherchée dans sa parure, par des manières libres et un ton avantageux auprès des femmes » (QUIT.) ◪ 1842 jamais honteux n’eut belle amie « en amour il faut être entreprenant. Les honteux [les timides] ne gagnent rien auprès des femmes ; elles sont comme le paradis, qui veut qu’on lui fasse e violence, suivant l’expression de l’Évangile » (QUIT.) ■ f. XIX 1872 œil marécageux œil langoureux, à demi noyé • œil américain œil séducteur ◪ 1894 chasser à la caille coiffée « se dit du chasseur qui cherche plus les bonnes fortunes que les bonnes chasses. Une caille avec une coiffe, cela e donne l’idée de bien des femmes. Seulement elles ne sont pas toutes aussi grasses » (LYON) ■ d. XX e tableau de chasse nombre de conquêtes amoureuses ■ f. XX casser la cabane réduire à néant les efforts entrepris par quelqu’un d’autre en vue de persuader, de séduire. Particulièrement dans la drague « Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Tu peux me le dire ? J’ai foutu un peu de bière sur la robe de l’invitée. Si tu veux la tirer, c’est quand même pas avec ça que je t’ai cassé la cabane », BERROYER, Je vieillis bien, 1983 ■ e d. XXI y a de la cuisse il y a des filles, on va pouvoir draguer PLAIRE charmer e ■ d. XVII donner dans la vue « PHILIPPES : Plust à Dieu qu’elle fût à disputer entre luy et moy à la pointe de l’épée. – MARTIN : Elle vous a donc bien donné dans la vue », Les Ramoneurs, 1624 ■ m. XVII e homme à bonnes fortunes e ◪ 1640 donner dans la visière donner de l’amour ■ m. XVIII 1755 donner dans l’œil « plaire, – dans l’argot des petites dames, qui l’emploient aussi bien à propos des gens que des choses dont elles ont envie. J’ai trouvé dans Le Tempérament, tragédie-parade de 1755 : “Il m’a donné dans l’œil” » (DELV.) « je craignais, malgré tout ce que tu m’as dit, que cette Tiennette ne te donnât dans l’œil, et que n’allasses e t’en amouracher », RÉTIF, Le Paysan perverti, 1782 ■ m. XIX avoir du chien ◪ 1838 faire des caprices « séduire à première vue, inspirer des caprices » (LARCH.) « J’en fais t’y des caprices ! Aussi, avec une balle comme ça, on peut tout se permettre », LAMIRAL, 1838 ◪ 1867 taper dans l’œil reformulation de donner dans l’œil « Tu pars ? demanda Bleuette. – Oui, j’ai r’fait l’pante qui s’en va. Il a l’sac. – Qui t’a dit ça ? – L’espérience. C’est un pante chic qui vient de province pour acheter des tableaux. J’lui ai tapé dans l’œil. Il a dit qu’il allait à l’hôtel et qu’y m’rejoindrait cette nuit », REBELL, La Câlineuse, 1898 • un bourreau des cœurs le bourreau étant non celui qui tue, mais celui qui « torture » « des brunes, des blondes, des rousses ! Lui aussi aurait atteint le mille e tre de Don Juan e – en moins de temps que Don Juan ! Lui aussi avait été le bourreau des cœurs », DELVAU, Les Lions du jour, 1867 ■ d. XX gueule d’amour homme qui a du succès auprès des femmes ◪ 1925 faire une touche « La jeune femme le regardait. Allait-elle lui parler ? Peu probable. Il souhaita d’ailleurs qu’elle se taise. Il ne saurait pas dominer sa confusion. J’ai fait une touche, aurait dit Palisseau. Ils étaient marrants ! Dès qu’une femme jetait les yeux sur eux, ça y était : e ■ m. XX avoir un ticket ticket, « femme qui suscite le désir de la connaître (1943) » puis « invite galante, marque d’intérêt de la part d’une personne du sexe opposé (1950) » (ESNAULT). Avoir un ticket : plaire à quelqu’un, surtout physiquement « Regardeils avaient fait une touche », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 moi cette blondinette, il soupire, la mort dans l’âme… Putain elle a l’air ferme !… […] Elle doit bien aller la môme, elle doit aimer ça la petite salope… Ça a 20 ans à tout casser… Tiens ! regarde ! on a le ticket je te dis !… », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 e ■ m. XV 1469 un grand abatteur de bois un fanfaron, qui se vante de faire beaucoup plus de e prouesses qu’il n’en fait, surtout en amour ■ XVI c’est un grand dépuceleur de nourrices « pour e se mocquer d’un qui se vante d’estre grandement favorisé des dames » (OUD.) ■ f. XVII 1690 vous êtes un chaud lancier « à un fanfaron qui se vante de beaucoup de choses qu’il peut faire et particulièrement en prouesses d’amour » (FUR.) AMANTS ET MAÎTRESSES e ■ m. XVII 1640 relancer une femme « par métaphore, la suivre de loin pour la joindre en quelque lieu » (OUD.) • une personnière « une garce ou concubine qui tient le lieu d’une femme e mariée » (OUD.) • un ami à gages le mignon d’une femme ■ m. XIX amant (ami) de cœur « les femmes galantes nomment ainsi l’amant qui ne les paye pas ou qui les paye moins que les autres. La Physiologie de l’amant de cœur, par M. Constantin, a été faite en 1842. Au dernier siècle, on disait indifféremment ami de cœur ou greluchon. Ce dernier n’était pas, comme on le croit aujourd’hui, un souteneur. Le greluchon ou ami de cœur n’était et n’est encore qu’un amant en sous-ordre auquel il coûtait parfois beaucoup pour entretenir avec une beauté à la mode de mystérieuses amours. “La demoiselle Sophie Arnould, de l’Opéra, n’a personne. Le seul Lacroix, son friseur, très-aisé dans son état, est devenu l’ami de cœur et le Monsieur” (Rapports des inspecteurs de Sartines, 1762). Ces deux mots avaient de l’avenir. Monsieur est toujours bien porté dans la langue de notre monde galant. L’ami de cœur a détrôné le greluchon ; son seul rival porte aujourd’hui le nom d’Arthur » (LARCH.) • être avec • miché sérieux amant riche et généreux. « Le miché sérieux équivaut à l’entreteneur… Les jeunes gens se disent souvent, comme un mot d’ordre : “Messieurs, ne parlez pas à la petite une telle, elle est ici avec son miché sérieux.” Le même individu se désigne aussi par ce mot : ponteur. Ce dernier mot, pris dans le vocabulaire des jeux, vient du verbe ponter » (CADOL, in LARCHEY) • bonne amie « J’appris dernièrement, vers trois heures de l’après-midi, que ma bonne amie me trompait avec un officier de cavalerie », A. MARX ◪ 1851 faire une femme nouer une intrigue amoureuse avec elle « En attendant, il a fait une femme superbe, dit un autre en voyant Rodolphe s’enfuir avec sa danseuse », H. MURGER, Scènes de la bohème, 1851 ◪ 1867 être sur le sable « n’avoir pas de maîtresse, – dans l’argot des souteneurs, que cela expose à crever de faim » (DELV.) • amant de carton « amant sans conséquence, – dans l’argot des petites dames » (DELV.) • avoir eu les faveurs d’une femme avoir été son amant • avoir quelqu’un avoir un amant « Ce soir-là, la jeune fille, n’ayant personne, voulait avoir quelqu’un. Avoir quelqu’un ! Quelle singulière physionomie ont certains mots accouplés ! Avoir quelqu’un ! N’avoir personne ! Quelqu’un, c’est vous, c’est moi, c’est le premier venu qui passe, et qui a le moyen d’aimer – à la hâte – deux jolis yeux, une jolie bouche, une jolie taille », DELVAU, Les Lions du jour, 1867 DÉSIR ardeur e e ■ f. XV avoir le cul chaud avoir beaucoup d’appétit sexuel ■ XVI faire venir l’eau à la bouche « Le recit que luy avoit fait son amy luy avoit fait venir l’eau à la bouche ; il veut en passer son envie. Sa femme luy dit en e ■ f. XVI 1579 avoir le diable au corps avoir un appétit sexuel dévorant, éprouver un désir violent pour quelqu’un riant : “Seigneur Dieu ! vous estes de belle humeur ce soir” », TALLEMANT DES RÉAUX, Historiettes, v. 1660 « […] celles qui aiment pour le service qu’on tire d’un homme nerveux et robuste le tiennent tant excité qu’en peu de temps elles le réduisent en fumée. Elles sont insatiables et ont le diable au corps », P. DE LARIVEY, Le Fidèle, 1579 e ■ d. XVII donner e dans la vue donner de l’amour ou du désir ■ m. XVII 1640 cela échauffe la caillette • plaider aux consuls « c’est par allusion ou division du mot, lors que les femmes suent en cette partie de leur corps » (OUD.), car le l de consul ne se prononçait pas, non plus que la plupart des consonnes finales • la chair lui démange « il a des ressentiments de luxure » (OUD.) • je voudrais qu’elle m’eût fait un pet aux testicules « je voudrois avoir couché avec elle » (OUD.) • le sang me bout dans le corps « j’ay une extrême envie ou désir » (OUD.) • il en veut à cette femme-là « il a du dessein pour elle » (OUD.) • sécher sur le pied « se consommer d’amour, de désir, ou d’impatience » (OUD.) • donner dans les yeux donner de l’amour ou du désir • y a-t-il moyen d’en découdre ? « c’est demander à une femme si elle veut, etc. » (OUD.) • la coquille lui démange e « elle a des ressentiments de nature. Elle est en aage d’estre mariée » (OUD.) ■ f. XVII 1690 en e valoir la peine « d’une belle femme à qui on fait l’amour » (FUR.) ■ XVIII être porté sur la chose • être appétissante « […] belle brune aux seins blancs et fermes qui, la nuit durant, me raconta sa vie et ses malheurs. Elle était appétissante et m’affirma qu’elle m’avait dans la peau. Pour moi, son corps seul m’intéressait », J. BLANC, Joyeux, fais ton e e ■ m. XVIII être à croquer dès le XVII siècle, croquer une femme, en obtenir les faveurs. Le sens semble avoir toujours été celui de manger, de dévorer, et non de peindre. Cf. « Aussi le bonnet à picot/Monté tout frais en misticot,/Dont la fille atiffe sa tête/Lui fait trouver un air honnête :/Il ne faut après qu’un chignon,/Puis à croquer c’est un trognon » (Les Porcherons, 1773) fourbi, 1947 « Nous avons ensuite parlé de Laurette. – Oh ! la bonne petite créature ! en vérité, elle est à croquer ! », RÉTIF, Le Paysan d’étage. e n’être pas de bois « Elle était une femme, aussi. Et peut-être pas de bois. S’envoyer le garçon e Pourquoi pas ? », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ■ m. XIX porter à la peau « exciter le désir » (L ARCH.) perverti, 1782 ■ XIX ◪ 1867 allumer son pétrole « s’enflammer l’imagination, – dans l’argot des petites dames, qui savent combien l’homme est inflammable. On dit aussi “Allumer son gaz”, – ce qui, en effet, est une manière de prendre feu » (DELV.) • femme ragoûtante qui excite l’appétit des amoureux e ■ f. XIX ne pas s’embêter utilisé au conditionnel, pour dire que quelqu’un est désirable « En matière de plaisanterie, je me mis à émettre – trop haut pour mon malheur ! – l’opinion qu’une femme ne s’embêterait pas avec un ◪ 1872 avoir des idées avoir d’amoureux désirs démon de midi passion amoureuse qui est censée saisir les hommes vers la cinquantaine : beau brin [d’homme] pareil », Mémoires de Casque d’Or, 1902 e ■ d. XX le midi de la vie ◪ 1902 avoir l’œil allumé par le feu du désir « Si de devant comme de derrière la femme répond à leur idéal du moment, ils s’avancent en se dandinant et vous lancent quelque blague inepte ou grossière. Je ne le leur reproche pas. N’est pas spirituel qui veut et l’homme dans ces moments-là ne s’appartient guère. Au reste leur œil allumé parle suffisamment pour eux et il n’y a pas une femme au monde qui ne connaisse cette éloquence-là », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ■ m. e XX mettre flamberge au vent acte d’exhibitionnisme masculin « Dans une foule, même composée en bonne proportion de rigolos et d’exhibitionnistes, c’est la moralité qui l’emporte. Flamberge au vent, mais pruderie en tête », G. CONCHON, L’État sauvage, 1964 • être en retour de caresses être en manque « Et puis cet enflé-là, je ne sais pas ce qu’il avait, quoi, s’il était en retour de caresses ou quoi que ça soit, à chaque coup que tu grattais sur les grandes portes […] d’un seul coup t’entendais gratter, et puis mon Henri qui fonçait là, vroum ! à fond de train, quoi, là, la e ■ f. XX être agaçante « de l’anglais to tease, taquiner, agacer, dont l’un des sens dérivés est “avoir une attitude sexuellement provocante”. Une loute salement agaçante n’est pas autre chose qu’une fille drôlement […] excitante. NB : Ne se masculinise jamais. Un type agaçant reste donc, et sans ambiguïté aucune, un insupportable raymond » (MERLE) • être godillante « se dit d’une femme sexuellement incitative (qui fait goder ou bander). Excitante. “Tu sais qu’t’es mignonne, dans ta petite combinaison ? Tu serais même godillante !…”, dit Gérard Depardieu à Miou-Miou dans le film de Bertrand Blier Tenue de soirée (1986). À la différence d’agaçante, godillante peut s’utiliser au masculin. Un homme pourra donc être jugé godillant par une femme, ou par un gay, bien évidemment ! » (MERLE) • grimper aux rideaux être en état de manque sexuel ou de désir intense, en parlant d’une femme. S’agit-il de grimper aux rideaux pour atteindre la tringle ? • être chaud sur quelqu’un « avoir sexuellement très envie de quelqu’un » (MERLE) • elle est très cul « il émane d’elle, de son attitude et de ses propos, une sensualité débordante » (MERLE) • j’en ferais bien mon quatre-heures cette personne e excite ma gourmandise sexuelle, je la croquerais volontiers ■ d. XXI être chaud bouillant se dit particulièrement quand on est dans un désir sexuel difficilement contrôlable, par amplification de être chaud(e), « donner l’impression d’être insatiable sexuellement parlant » e ■ m. XVII 1640 vous ne seriez pas bon pour couver, vous êtes trop chaud « vous avez trop de haste, ou de désir » (OUD.) • monsieur aime l’entre-deux et madame la queue • il y a plus de goût à un grain de poivre qu’à un muid de chaux « qu’une femme brune ou noire est plus agréable et plus vive qu’une blanche » (OUD.) • de la poudre à grimper « quelque viande qui excite e à luxure » (OUD.) ■ XIX changement d’herbage réjouit les bœufs « Certes, tu es, j’en suis convaincu tête dans la barrière, quoi », La Mâle Parole, 1975 d’avance, mille fois mieux, mille fois plus avenante et appétissante que ta… lingère ; mais tu as le tort irrémédiable d’être l’épouse, c’est-à-dire le devoir, la règle et l’habitude : ta lingère, si laide qu’elle soit, a l’inestimable avantage d’être, elle, la nouveauté, l’inconnu ; le fruit défendu, pour comble ! Voilà pourquoi ton coquin de mari se sent attiré vers elle. Hélas ! oui, ma fille, c’est désolant, mais c’est comme ça. Depuis que le monde est monde, changement d’herbage a réjoui les bœufs ! », A. CIM, Histoire d’un baiser, 1894 BANDER triquer, mouiller, goder érection e ■ d. XVII dresser l’oreille « Mais l’ayme un con estroit dont la bouche vermeille/Donne appétit de foutre, et faict dresser l’oreille/Au courtaut qui le sent et le met en chaleur », Le Cabinet satyrique, 1618 ■ m. XVII e 1640 entrer en rut • la colique cornue l’érection du membre • faire revenir la pâte (la viande) « métaphore, faire l’érection » (OUD.) • sitôt que votre four sera chaud, la pâte sera levée « si tost que vous serez preste nous travaillerons, l’érection sera faite » (OUD.) • la pâte est levée « métaphore ; l’érection est faitte » (OUD.) ■ m. e avoir une crampe d’amour « Le grivois à l’aspect des lieux qu’il envisage,/Où e nichent mille attraits qu’il lorgne tour à tour,/Se sent atteint d’une crampe d’amour », VADÉ, Conte, v. 1750 ■ f. XIX avoir la gaule « Nibé, Môme !… Alorss… t’es ma “neuve” ?/Ben, j’en r’viens pas…, j’en suis comm’ saoul,/j’peux pus cracher…, j’ai e l’sang qui m’bout ;/tu parl’s si pour toi j’ai la gaule ! », J. RICTUS, Le Cœur populaire, v. 1900 • l’avoir en l’air ■ d. XX XVIII e réveil en fanfare l’érection du matin ■ m. XX avoir la trique de triquer, bander, attesté antérieurement « Eh ! Jean-Claude ! je bande pas ! – Ben quoi ? Moi non plus !… Je vois pas pourquoi on banderait ! Elle est pas là, Kiki Caron ! – D’habitude, le matin, j’ai la trique… », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 • bander comme un âne très fort, à la mesure de la taille du membre de l’animal « Je veux vérifier ta température… Je bandais comme un âne et elle continuait de jouer la doctoresse. Quelque chose clochait, elle n’avait pas l’air de plaisanter », R. DJAÏDANI, Mon nerf, 2004 CARESSES attouchements, privautés, pelotage, mamours, câlins, étreinte, tripotage e ■ m. XVII la petite oie ensemble de caresses qui peuvent être, ou non, des préliminaires ; DELVAU dit clairement : « Le travail – attrayant – qui précède le coït ; pelotage des couilles de l’homme par la femme, gamahuchage de la femme par l’homme, etc., etc. La petite oie est moins indigeste – pour la pine – que la grande oie : il y a des gens qui s’en contentent – de peur de vérole » (Dictionnaire érotique moderne, 1864), alors que BALZAC est bien prude : « Suivant la jurisprudence amoureuse de cette époque, Marie de Saint-Vallier octroyait à son amant les droits superficiels de la petite oie. Elle se laissait volontiers baiser les pieds, la robe, les mains, le cou ; elle avouait son amour […] mais elle restait intraitable… » (Maître Cornélius, 1831) « Elle avait déjà laissé prendre la petite oie à un homme qui la cajolait », TALLEMANT DES RÉAUX, v. 1660 ◪ 1640 donner la cotte verte « c’est une liberté de France ; on met de l’herbe sous la juppe d’une fille en se jouant dans un pré e ou autre lieu où il croist de l’herbe » (OUD.) ■ f. XVII 1690 bouillir du lait cette façon de dire « masturber un homme » (à cause du lait désignant traditionnellement le sperme) se déduit de la note suivante de FURETIÈRE : « Il me semble qu’on me bout du lait, on me donne de vains amusements qui ne me satisfont pas. L’origine de ce proverbe est obscène » (1690). Quels autres « vains amusements » pourraient être « obscènes », si ce ne sont, à tout le moins, des caresses érotiques appuyées qui font comme du « lait qui monte » au moment de l’ébullition ? • patiner une femme « lui manier les bras, le sein… Il n’y a que les paysannes et les servantes qui se laissent patiner. Ce n’est point la mode de patiner parmi le beau monde » (FUR.) « Laissez-moi tranquille,/Mon gentil docteur,/Vous êtes habile,/Vous allez au… cœur./Quand on m’patine, ça m’rend nerveuse,/Je suis chatouilleuse », e F. MONTREUIL, La Chatouillée, 1911 ■ m. XIX faire des mamours de m’amour, mon amour, comme m’amie, mon amie (cf. ma mie) • faire patte d’araignée « passer doucement et habilement les quatre doigts et le pouce sur le membre d’un homme, et ses tenants et aboutissants, afin de provoquer une érection qui ne viendrait pas sans cette précaution » (DELVAU, Dictionnaire érotique, 1864) • feuille de rose anulingus ◪ 1844 faire soixante-neuf « c’est faire tête-bêche, les deux chiffres (69) le disant éloquemment » (DELVAU, 1866) « Ça les mettait en joie de voir deux morues, sur un matelas, qui se faisaient e 69 ou une feuille de rose », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ■ f. XIX 1890 mettre la main au panier « Si j’habitais la Maison Meublée comme toi, y a longtemps que je me la serais envoyée, concluait Cambrecis. Tu lui as mis la main au panier, au moins ? Monsieur Hermès rougissait, gêné. Pourquoi les hommes respectaient-ils si peu les femmes ? », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 e ■ m. XX jouer au docteur • jouer au papa et à la maman • jouer à touche-pipi ces trois expressions désignent les attouchements sexuels enfantins ou, par dérision, ceux d’adultes ne passant pas à « l’acte » « et derrière ces portes, et derrière ces murs, des belles mômes qui ne voudraient pas être seules, des pénitentes qui ne l’étaient pas, des épouses suries qui auraient bien voulu l’être, des mal baisées, des bien baisées, des parties de touche-pipi et des parties pas assez touchées », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 e ■ m. XVII 1640 dame touchée, dame jouée « quand une femme se laisse toucher, elle passe outre avec facilité » (OUD.) FELLATION e e ■ m. XIX tailler une plume ■ d. XX faire des pompiers pratiquer la fellation. Autant que l’on puisse se fier à la mémoire extrêmement précise d’Antoine SYLVÈRE, particulièrement en matière e de dialogues, l’expression aurait déjà eu cours à la Légion dans les premières années du XX siècle « Il y a que la nuit que c’est embêtant. On me ferme avec Mohammed qui a tué le juif et avec Ali qui a volé les moutons. Ils sont embêtants. Ils me réveillent quand je dors pour me faire faire… des pompiers », SYLVÈRE (1906e 1950) ■ m. XX faire une pipe l’image est peut-être née de la comparaison avec faire une pipe : une cigarette « Tenté et intimidé, en même temps. Pourtant, il ne serait pas le premier. Elles étaient là pour ça. Et puis, il se ferait faire seulement une pipe. Comme ça, pas de risque ! », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • tailler une pipe par croisement avec tailler une plume « Elle s’est fait un décrochement de mâchoires à force de tailler des pipes ! », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 • brouter la tige BAISERS bises, bisous, bécots e ■ XVI laisser aller le chat au fromage « cecy se dit d’une femme qui se laisse embrasser » e (OUD.) ■ m. XVII 1640 faire capture embrasser une femme • elle a fait la folie elle s’est laissé embrasser • lécher le morveau baiser continuellement • elle a passé par les piques elle a été embrassée • un tour de bec • il lui a fait, vous m’entendez bien il l’a embrassée • une prise de corps embrasser une femme • baiser à la pincette « tenir le menton en baisant » (OUD.) • se ranger au montoir « par métaphore, se laisser embrasser, qui se dit d’une fille » (OUD.) • un coup e de bec ■ d. XIX faire des langues fourrées désigne principalement un baiser lingual « Il se demandait encore si elle n’avait pas été un peu amoureuse de lui, malgré ses airs, et si ce n’était pas pour ça qu’elle avait refusé de coucher. Ces langues fourrées qu’elle lui faisait ! », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ■ m. e XIX 1867 se sucer le trognon s’embrasser, se bécoter • se sucer la pomme « Prenaient tous leurs repas au lit. Se levaient seulement parfois, au milieu de la nuit, en grand tralala et sortaient. Le reste du temps, demeuraient pagés, à se sucer la pomme », GUÉRIN, • se bécoter s’embrasser à chaque instant • se relicher le morivau s’embrasser tendrement • coup de torchon « baiser, – dans l’argot des faubouriens, qui, sans doute, veulent parler de ceux qu’on donne aux femmes maquillées, dont alors les lèvres “essuient” le visage » (DELV.) • baiser en godinette « baiser sur la bouche en pinçant les joues de la personne, – sans e doute comme baisent les grisettes des romans de Paul de Kock » (DELV.) ■ f. XIX fricassée de museaux « La troisième casserole/Prenant la parole/Dit : J’étais dans un jeun’ ménage/Qui s’contentait pour tout L’Apprenti, 1946 potage/Jour et nuit de me mettre au chaud/Pour fair’ des fricassées d’ museau/Et tous les neuf mois, allez donc/Ils y ajoutaient 1894 faire mimi donner un baiser • faire mimi à la pincette « c’est un baiser qui se fait d’une manière aimable en tirant les deux joues de la personne embrassée (pour autant qu’alors on ne peut pas l’embrasser sur les joues) » (LYON) • se passer des saucisses s’embrasser avec la langue « Mossieu l’Comissair’ de Police,/y s’lichaient, s’passaient des saucisses,/t’ene e veux-t’y-t’en-veux-en-voilà », J. RICTUS, Le Cœur populaire, v. 1900 ■ d. XX 1927 rouler un patin ■ m. XX rouler une galoche peut-être à cause du menton en galoche, image crue destinée à casser le romantisme de la chose. Mais aussi par jeu probable sur patin compris comme la chaussure de patinage, avec une recherche de trivialité outrancière • rouler une pelle « (Elle se tourne vers sa copine :) Oh ! Madame est occupée. Pardon. Les deux autres sont encore en train de se rouler des pelles », BERROYER, Je vieillis bien, 1983 • se sucer les amygdales hyperbole qui désigne un baiser très profond e ■ m. XVII 1640 les baisers sont retournés « nos filles du vulgaire usent de ce mot envers ceux qui leur demandent un baiser, on ne baise plus à la bouche, on baise au derrière » (OUD.) • la grande amitié quand un pourceau baise une truie « le vulgaire se sert de ce quolibet voyant un gros valet baiser une servante, ou bien un homme baiser une laideron » (OUD.) • fils de boulanger qui aime la baisure qui aime à baiser • baisez-moi au cul, la bouche est malade « c’est une e response à un importun qui demande un baiser » (OUD.) ■ m. XIX 1867 essuyer les plâtres « se dit […] ironiquement des Gandins qui embrassent des filles trop maquillées » (DELV.) un p’tit lardon », BRIOLET et LELIÈVRE, Les Casseroles, 1905 ◪ BAISE coït, acte vénérien, accouplement, copulation e ■ XV chevaucher sans selle la citation suivante comporte un sous-entendu grivois « Je croy, dist Agnechon la Pelee, que la gavele viengne plus tost de boire trouble vin ou autre beuvrage trouble et especialement de • faire des folies de son corps selon la belle : « Faire des folies de son corps, en parlant des personnes du chevauchier sans selle », Les Évangiles des quenouilles, v. 1470 définition des moines de TRÉVOUX sexe, la même chose que s’abandonner » « Je ne sçay se c’estoit de paour/Qu’il ne feist follye de son corps », COQUILLART, 1491 • faire la bête à deux dos l’une des plus vieilles images de la langue française désignant l’accouplement « Il ne vous fault pas celer que nostre homme, et neuf en fasson et en mariage, du temps de feu son père et sa mère avoit esté bien court tenu ; et en toute rien luy estoit et fut défendu le mestier de la beste à deux dos », e m. XV faire la besogne « Il me dit que pour la mort dieu il oseroit bien entreprendre e de faire la besogne huit ou neuf fois par nuit », Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 ■ XVI frotter son lard employé par RABELAIS (1532) « elle ne devoit pas mesler ses pacquets avec les siens, et frotter son lard de si près au sien », N. DU FAIL, Œuvres facétieuses, 1585 • le faire • planter le cresson • faire l’amour « j’aimerais mieux que tous les laquais de Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 ■ la Cour courussent sur le ventre de ma femme que d’estre abstraint à ne point faire l’amour », Les Caquets de l’accouchée, 1622 ■ d. XVI e faire la chosette « Que Dieu vous envoist huy mal an/Et en mal estraine vous mecte/Pour quoy ne ferons e la chosette/Cest qui tient la paix en maison », Moralité du lymon et de la terre, v. 1525 ■ f. XVI jouer du croupion • e se donner du bon temps « Et cependant elle se donnait du bon temps avec des amis jeunes », BRANTÔME ■ XVII e danser le branle du loup ■ d. XVII tirer un coup l’assimilation du coup sexuel au coup d’arquebuse e s’est opérée dès le début du XVII siècle, dans une image quasi évidente. Cf. « Quand le bon Iean eut tiré ces grands coups/Se démasque, lors le voyant la belle/Et qu’est-cecy mon mary ? (ce ditelle) » (Le Cabinet satyrique, 1618) « J’ai passé vingt et un jours à Valence sans m’ennuyer, mais j’y ai tiré une trentaine de coups. J’avais quatre filles en activité de service, appelées toutes les quatre Vicenta », MÉRIMÉE, Lettre à Stendhal, • la danse du loup (la queue entre les jambes) « Il lui enseigna la danse du loup, la queue entre les jambes », BÉROALDE DE VERVILLE • donner le picotin • jouer au trou madame « Il est très dangereux de jouer au 1833 e ■ m. XVII 1640 de l’andouille après souper • la basse danse • connaître charnellement • frotter la couenne • faire la cricon criquette • manger de la chair crue • dauber des fesses • la vieille danse • juger le procès sur l’étiquette • bailler du foin à la mule • remuer le gigot • haler du dos • le jeu de Cipris • on lui a haussé sa jupe « on l’a embrassée, etc. » (OUD.) • lire dans le livre où l’on tourne les feuillets avec les genoux • danser les matacins • jouer des basses marches • le pain des pauvres gens • faire passer le pas • faire la pauvreté « l’action charnelle. Le vulgaire y adjouste, de quoy les chiens se battent » (OUD.) • ravauder • rembourrer le bas (le bât) • jouer à cul contre pointe • jouer au piquet • danser sur le ventre • mettre Villejuif dans Pontoise • l’un portant l’autre métaphore, l’homme sur la femme • la paix de la maison • branler • exploiter au pays bas • jouer des orgues • les noces des chiens • pêcher des étrons à la ligne être sodomite • ils jouent à la fossette • hocher l’arbre e pour en avoir du fruit • fringuer • fourgonner • fouailler • de l’avoine au point du jour ■ f. XVII 1690 avoir eu quelques libertés avec « homme qui a eu des privautés suspectes avec une e femme » (FUR.) ■ XVIII faire une partie carrée le sens érotique de la « partie de plaisir à quatre » e semble s’être développé dès le XVIII siècle « Une grosse Louise était avec toi, au sortir d’un mauvais lieu. Tu lui as e demandé, si elle ne connaissait pas quelque amie, pour faire partie carrée », RÉTIF, Le Paysan perverti, 1782 ■ m. XVIII 1739 mettre des arrhes au coche donner un acompte amoureux « par ci par là, quelquefois, dans l’occasion trou madame avec elle », TABARIN, 1618 ◪ 1752 donner l’aubade « faire ce qu’un mari fait à son réveil à sa moitié » (LE ROUX) ■ d. XIX effeuiller la e marguerite ■ m. XIX le devoir conjugal « la conjonction charnelle due entre mari et femme » il avoit mis des arrhes au coche, ou, si vous voulez, pris un pain de brasse sur la fournée », Les Écosseuses, 1739 e (LITTRÉ) ◪ 1832 faire une façon bien que rare d’emploi, cette façon de parler paraît avoir ses racines très loin dans la langue populaire. Cf., pour quelqu’un de puceau : « Nostre homme est neuf en fasson et en mariage » (1462) « Un soir, elle vint à ma boutique, m’embrassa, me fit mille agaceries et finit par me dire qu’elle avait bien envie de faire une façon ; je lui dis que j’allais fermer la boutique et que nous ferions ça sur le comptoir », É. DEBRAUX, Mayeux, 1832 ◪ 1867 faire une partie de traversin dormir à deux • partie fine e rendez-vous amoureux dans un cabinet particulier ■ f. XIX 1872 faire des bêtises • faire des horreurs « en venir des paroles à l’action » (LARCH.), les horreurs étant des propos libertins ◪ 1879 faire boum « Il n’ignorait pas comment se pratique cette agréable chose que les petites ouvrières appellent : faire boum ! », HUYSMANS, Les Sœurs Vatard, 1879 ◪ 1889 s’envoyer quelqu’un « Un beau gars, la Terreur ! C’est égal, je me e ■ XX baiser comme un lapin l’expression a d’abord signifié « baiser beaucoup » – ce que l’on supposait être le fait de gens ayant beaucoup d’enfants, une mère de famille nombreuse étant une lapine ; un autre sens, à l’ère de la contraception et e toujours issu de l’observation des lapins, s’est superposé au premier : « baiser très vite » ■ d. XX e sacrifier à Vénus faire l’amour. Le terme sacrifice s’est employé dès le début du XIX pour l’acte vénérien, et la Vénus populaire désignait une prostituée (1864) « Affolée d’avoir sacrifié à Vénus, la veille, elle l’envoierais bien ! », O. MÉTÉNIER, La Casserole, 1889 demande votre secours pour en éviter la conséquence obstétricale. Donnez-lui deux solutions immédiates », Le Canard enchaîné, mai 1982 • faire des galipettes • la danse du ventre « J’arriv’ chez moi et j’trouv’ en ch’mise de nuit,/Faisant la danse du ventr’, ma bonne et mon mari./C’est du joli ! », LÉO LELIÈVRE et PAUL MARINIER, Madame Pipelet au ◪ 1915 aller aux fraises « chercher un lieu écarté propice aux ébats amoureux » (REYCHANT.). Il s’agit en effet de « fraises des bois ». Cf. « Sous les doux parfums du printemps,/Ell’ va, pour charmer son amant,/Le dimanche,/Sous les branches,/Cueillir la p’tit’ frais’ des bois » e (V. WILLEMS, Bécot d’amour, 1911) ■ m. XX partie de jambes en l’air si la partie semble récente, la jambe en l’air continue une vieille image érotique. Cf. « T’as perdu ta roideur la jambe en l’air » (1754), et plus anciennement : « Des jambes son col elle acolle,/Et pendant qu’en branle du cu/Ses pieds passaient la cabriole » (Le Cabinet satyrique, 1618) « Ils avaient dû se déshabiller car l’une des filles avait cinéma, 1911 dit : Moi, je m’en fous, je garde ma chemise. Au moins, elles, elles n’avaient pas fait de résistance ! Après, ç’avait été une fameuse partie de jambes en l’air », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • jouer à zizi-panpan • faire des partouzes « Lily faisant des partouzes avec le maître d’hôtel de sa mère et finissant d’ailleurs par coucher avec sa mère même », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • s’envoyer en l’air c’est l’image de la culbute – équivalent de tomber – croisée avec e celle du septième ciel « Jamais je ne me suis envoyée en l’air comme avec lui », GUÉRIN, La Peau dure, 1948 ■ f. XX c’est un bon coup ! cette personne « est sexuellement douée de ressources et d’imagination » (MERLE) e e ■ d. XVI être tendre du bas de complexion amoureuse ■ f. XVI être réduit en fumée « Celles qui aiment pour le service qu’on tire d’un homme nerveux et robuste le tiennent tant excité qu’en peu de temps elles le réduisent 1584 danser le branle de un dedans et deux dehors figurant dans Les Contens, de O. DE TURNÈBE (1584), cette expression fort expressive quant à la position du sexe masculin a eu un franc succès, sans pour autant, à notre e connaissance, être reprise par d’autres auteurs ■ XVII à qui veut jouir d’aile, il lui faut lever la cuisse jeu sur aile et elle. « C’est par équivoque d’elle, qui veut jouir d’une femme : autrement en fumée. Elles sont insatiables et ont le diable au corps », P. DE LARIVEY, Le Fidèle, 1579 ◪ e pour bien trencher l’aile d’un chapon il faut premierement en lever la cuisse » (OUD.) ■ m. XVII 1640 coucher au grand lit dormir avec le maître ou la maîtresse • la joie du monde « l’action charnelle. Les aveugles appellent ainsi la clarté ; et les chastrez disent que ce sont les testicules » (OUD.) • en amour, les apprentis sont aussi savants que les maîtres on fait l’amour naturellement • la sauce vaut mieux que le poisson « l’ornement vaut mieux que la personne ; l’assaisonnement que la viande. On l’explique ordinairement de l’acte vénérien » (OUD.) • l’homme est le feu, la femme est l’étoupe, et le diable vient qui souffle « qu’il ne faut pas laisser un homme et une femme en particulier à cause de leur fragilité » (OUD.) • il y a de quoi travailler chez les maîtres « il y a force femmes mariées qui nous peuvent faire courtoisie sans nous marier » (OUD.) • un cousin qui apporte du boudin à sa cousine « un qui visite une femme sous prétexte d’estre son parent, avec dessein de coucher avec elle » (OUD.) • l’heure du berger « la vraye occasion de pouvoir obtenir ce qu’on désire, et principalement de jouir d’une femme » (OUD.) • les moines exhortent les dames de donner à leur convent « partagez le mot vous entendrez l’équivoque » e e (OUD.) ■ XIX la chair est faible • faire chambre à part ne plus avoir de relations sexuelles ■ d. XX 1926 la famille tuyau de poêle une famille incestueuse ou un groupe de gens qui vivent ensemble et ont des relations sexuelles « à la ronde » ; l’image est celle des tuyaux qui « s’emmanchent » les e uns dans les autres ■ m. XX le café du pauvre • crac boum hue ! « onomatopée exprimant la fougue dans une relation sexuelle » (BERNET et RÉZEAU). Doit sa popularité au refrain de la chanson Les Play-Boys (1966), interprétée par Jacques Dutronc : « Moi, j’ai un piège à filles, un piège tabou, un joujou extra, qui fait crac boum hue, les filles en tombent à mes genoux… » COÏT MASCULIN e ■ XV rompre une lance « l’un avait rompu trois lances, l’autre quatre, l’autre six », Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 • faire son devoir « Et quand il la cuide accoler et baiser et au surplus faire son devoir », Cent Nouvelles Nouvelles, e e 1467 ■ f. XV donner dedans posséder une femme ■ XVI rompre un bois « Le marié avait envie de rompre e un bois en faveur de sa nouvelle espouse », MONTAIGNE, in LITTRÉ • coureur de bague ■ m. XVI empeser la chemise d’une femme • agiter ses rognons • saigner une femme entre les deux gros orteils e ■ f. XVI foutre un coup c’est le sens propre de l’expression, le coup cristallisant la notion de violence de l’acte sexuel « Je te donne pour tes estreine/Un vit de deux pieds et demy/Qui fout six coups d’une haleine », e Le Cabinet satyrique, 1618 • pousser sa fortune cette fortune-là est un bijou de famille ■ d. XVII enfoncer des portes ouvertes le sens premier consiste en une plaisanterie érotique ; cf. OUDIN : « Coucher avec une nourrice, et croire qu’elle est pucelle » « Notre vieil Belier en ruth vient la Lance en arrest, capable d’enfoncer quelque porte ouverte. Avancez, Monsieur le Docteur, est ce pas vous ? », Les Ramoneurs, 1624 e ■ m. XVII 1640 il a fait la folie la faute • avoir à faire à une femme • s’enivrer de son vin « user trop avec sa propre femme » (OUD.) • mettre la cheville dans le trou • jus d’andouille sperme • cogner une femme • quand l’aiguille est rompue par la pointe, elle travaille du cul l’équivoque est aisée à entendre • mettre une corde à l’épinette • faire faire la culbute renverser une femme • décrotter une femme • se démoeller « habiter par excès avec une femme » (OUD.) • embrocher une femme • huile de reins sperme • tremper son lardon dans la lèchefrite • trouver la jointure le milieu d’une femme • monter une femme • relancer une femme l’embrasser, coucher avec elle • ramoner la cheminée d’une femme • prendre du poil de la bête « On dit aussi il est mort parce qu’il a trop pris du poil de la bête. C’est-à-dire qu’il a trop baisé de femmes », RICHELET, 1680 • abreuver le roussin • saboter une femme • voir une femme • user avec une femme • faire compter les solives à une femme la mettre à l’envers ; faire l’acte vénérien • trousser la jupe à une femme • mettre le diable en enfer • accrocher une femme • se percher par métaphore, se mettre sur une femme • passer sur le ventre à une femme • y tremper son pain • secouer les puces à une femme • faire passer par les piques embrasser une femme, coucher avec elle • monter sur la bête • planter le mai au sens propre (voir « Fêtes »), on « plante le mai » (un arbre) sur la place du village pour fêter à la fois l’arrivée du printemps et les jeunes filles. Le mai est également un symbole des mariages à venir, donc de relations sexuelles • ajuster une femme « maintenant faire l’acte charnel. Et pour ce sujet l’on prend garde à ne pas user de cette phrase, elle est bien ajustée » (OUD.) • habiter avec une femme • grimper une femme monter dessus • dérouiller le braquemart • débarbouiller une femme • enfiler une femme « Si vous ne voulez pas vous laisser enfiler,/Par mon chien aussitôt je vous fais enculer », L. PROTAT • jouer aux dames rabattues • se jucher au cru se coucher sur une femme • abreuver le courtaud • connaître une femme « user avec elle » (OUD.) • avoir la compagnie d’une femme • faire comme le chaudronnier, mettre la pièce auprès du trou « ce mot s’explique de soy mesme à qui veut penser à la malice » (OUD.) • bricoler e e une femme ■ XVIII pousser sa pointe en termes d’escrime, profiter de son avantage ■ d. XIX traiter comme une aiguille c’est-à-dire « enfiler » – l’aiguille étant (elle aussi) pourvue d’un « chas » « Étant à Londres, j’ai traité en aiguille une fille charmante. J’écrivais le lendemain à quelqu’un que cette fille était une beauté telle qu’il ne s’en trouvait nulle part dans la bonne société, mais qu’elle était trop vertueuse pour mon usage, et qu’en la traitant comme une aiguille, il me semblait coucher avec la duchesse de Broglie », Mérimée, Lettre à Stendhal, 1833 ■ m. e XIX chevaucher à l’antique pratiquer la sodomie « Jaquet ignorant la pratique/D’Hypocrate et de Gallien/chevauchait un jour à l’antique/Margot, que chacun connaît bien », THÉOPHILE, in L. de LANDES, Glossaire érotique de la e ■ f. XIX 1872 tirer sa crampe préalablement, on trouve crampe au sens e d’érection dès le XVIII siècle. Cf. « Pendant qu’il médecinait sa crampe/À la Ferme avec Furibond » e (« la Ferme » est un bordel) (Le Coup d’œil purin, 1773) ◪ 1883 tremper sa mouillette ■ m. XX e tremper son biscuit ■ f. XX tremper sa nouille la nouille est le sexe masculin « Mes copines ! Tu sais bien langue française, 1861 que je les connais pas plus que toi ! – Ah, c’est quand même toi qui les as convoquées. Moi, j’t’épaule, c’est tout. – Tu m’épaules ! Arrête ! Tu dis ça, mais tu seras bien content de tremper ta nouille si ça se présente ! », BERROYER, Je vieillis bien, 1983 e ■ d. XVI loger en dépit des fourriers « coucher avec une garce qui est bien fournie de, etc. » e (OUD.) ■ m. XVI emprunter un pain sur la fournée « coucher avec une fille avant que de l’avoir e espousée » (OUD.) ■ m. XVII 1640 être logé au large « coucher avec une garce qui est bien fournie de, etc. » (Oud.) • abuser d’une fille coucher avec elle et la tromper • travailler à ses pièces « manger, boire, coucher avec sa femme » (OUD.) • châtrer une femme « luy oster les testicules du derrière. Il faut par conséquent les y avoir mises auparavant » (OUD.) • (être savetier) travailler en vieux cuir coucher avec une vieille • le mariage de Jean des vignes, chacun prend son paquet le lendemain « coucher avec une femme ou une garce, et s’en aller le matin sans la revoir » (OUD.) • il est fils de fripier, il recoud les vieilles hardes il couche avec une vieille • troubler le lait « coucher avec une nourrice et l’engrosser, ou au moins l’eschauffer » (OUD.) • il est (fils de) charpentier, il veut mettre la cheville dans le trou « il veut commettre le péché de luxure » (OUD.) COÏT FÉMININ e ■ XVI ouvrir l’écaille • laisser aller le chat au fromage « fille qui succombe à la tentation e amoureuse. Forfaire à son honneur » (FUR.) ■ m. XVI voir la feuille à l’envers « faire voir à quelqu’un la feuille à l’envers, la renverser sur l’herbe dans les bois » (FUR.) « Sitôt, par un doux badinage/Il la jeta sur le gazon./– Ne fais pas, dit-il, la sauvage,/Jouis de la belle saison./Pour toi, le tendre amour m’engage/Et pour toi je porte ses fers ;/Ne faut-il pas, dans le jeune âge,/Voir un peu la feuille à l’envers ? », RÉTIF, Contemporaines, in e ■ m. XVII 1640 plaider aux consuls « c’est par allusion ou division du mot, lors que les femmes suent en cette partie de leur corps » (OUD.) • tabourer des fesses • porter en croupe « qui se dit d’une garce, admettre l’homme » (OUD.) • jouer du luth renversé du cul • jouer du serre-croupière « estre garce » (OUD.) • jouer à cul levé • jouer de la croupe « se dit par e e métaphore d’une garce » (OUD.) ■ f. XVII accorder les dernières faveurs ■ f. XIX faire la planche e sens érotique – en jeu de mots avec le sens propre (sur l’eau) qui date du début du XIX « L’soir de sa DELVAU noc’, la p’tit’ Rose,/Au Lac Saint-Fargeau/Au garçon d’honneur propose/Un’ joute en pleine eau/Inquiet d’elle, chacun s’démanche/À fouiller l’local…/On la r’trouv’ fesant la planche :/Y a du pet dans l’bal », J. JEANNIN, Chansons, 1889 e ■ d. XX se faire tringler « Monsieur Hermès se leva. Est-ce que ça la gênait de croûter dans la même pièce où elle s’était fait tringler ? Il n’aurait pas cru qu’elle pouvait être aussi pudique », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ◪ 1906 passer à la casserole c’est-àdire être sauté ; se dit pour tous, hétérosexuels comme homosexuels « Eh, le môme, disait un grand, tu veux y passer à la casserole ? Il lui courait après, la bite à la main. Laisse-le, il a pas douze ans ! », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 e ■ m. XVII 1640 femme couchée et bois debout, on n’en voit jamais le bout « que ces deux choses en une telle disposition conservent toujours leurs forces, et ne se dissipent jamais » (OUD.) • le monde renversé la femme sur l’homme • la peau d’un chrétien est bonne pour échauffer l’estomac d’une fille « il la faut faire coucher avec un homme pour la guérir » (OUD.) • il la faut couvrir de la peau d’un chrétien idem • serrer les jambes comme un homme qui dévale dans un puits « les ouvrir fort larges. Cela se dit d’une mariée » (OUD.) CHAUD LAPIN baiseur e ■ m. XVI fils de boucher, qui aime à tâter la chair « d’un qui touche volontiers la gorge des filles ou des femmes » (OUD.) ◪ 1558 chasser aux conins (conils) « par allusion de conin, courir après les femmes, faire l’amour » (OUD.) « Il trouva façon de s’accorder avec le petit chien qu’ils iraient chasser aux connils chacun à leur tour », BONAVENTURE DES PÉRIERS, Contes et joyeux devis, 1558 ■ m. XVII e 1640 il est de l’abbaye de Lonchamp, il tient des Dames « cela se dit à Paris d’un homme qui aime les femmes » (OUD.) • le coq du quartier « celuy qui couche avec les femmes » (OUD.) • changement de corbillon fait appétit de pain bénit « le changement plaist, et principalement de femmes » (OUD.) • le réveille-matin d’une dame un ruffian • un taureau banal un luxurieux • il a mangé ses cerises (ses guignes), il en est à ses gogues « il est gaillard. Allusion de gogues qui est une sorte de fruit à gogues, qui signifie gaillardise » (OUD.) • gai comme Perrot gaillard • être dru être gaillard • e amoureux des onze mille vierges qui aime toutes les femmes qu’il voit ■ f. XVII 1690 un âne débâté « homme trop abonné aux femmes ; homme dangereux pour les femmes » (FUR.) • vert galant « jeune homme sain et vigoureux, qui est propre à faire l’amour, à rendre aux dames de e bons services » (FUR.) ■ m. XVIII 1759 un homme à ça euphémisme pour « un baiseur », prompt à saisir sa chance « Vous pouvez t’être ensemble et j’en ai peu d’ombrage,/Tu sçais combien je sçai que tu sçais être e sage ;/Et lui de son côté n’est pas t’un homme à ça » TACONET, Jérôme et Fanchonnette, 1759 ■ f. XVIII être de la foire d’empoigne « être porté aux attouchements grossiers à l’égard des femmes » (NISARD) • un chaud de la pince jeu de mots sur chaud lapin. « Homme ardent aux plaisirs vénériens ; bon e fouteur » (DELVAU, 1866) ■ m. XIX 1837 hommes à femmes homme de galante humeur ◪ 1867 vade-la-lance « ami de la gaudriole, en paroles et en action » (DELV.) • faire ses fredaines aimer le cotillon • tromboler les gonzesses « aimer les filles, – dans l’argot des maquignons » (DELV.) e e ■ f. XIX être porté sur la bagatelle la bagatelle désigne, depuis le milieu du XIX siècle, le plaisir vénérien – ce qu’en termes plus génériques on nomme la chose • le coq du village ◪ 1872 porté e (fort) sur l’article luxurieux ■ m. XX être porté sur la question e ■ XVI c’est un grand dépuceleur de nourrices « pour se mocquer d’un qui se vante d’estre grandement favorisé des dames » (OUD.) • il est comme le poireau, il a la tête blanche et la queue verte vieillard vigoureux « Tu me reproches mon poil grisonnant et ne consydere point comment il est de la nature des pourreaux esquelz nous voyons la teste blanche et la queue verte, droicte et vigoureuse », RABELAIS, Pantagruel, e ■ m. XVII 1640 ils sont bossus, les cimetières « c’est pour se mocquer d’un qui croit que toutes les femmes l’aiment, en disant qu’il n’en a gueres fait mourir d’amour » (OUD.) • il a les oreilles bien longues « il est fort abbatu de travail, et principalement de celuy de Vénus » (OUD.) e ■ f. XVII 1690 les boiteux sont de bons mâles et vigoureux en amour « ce proverbe vient d’une réponse que firent les Amazones pour se moquer des Scythes qui voulaient les persuader de se rendre à eux, en leur disant qu’elles ne seraient plus caressées par des boiteux comme étaient tous les mâles de ce pays là, parce qu’elles leur tordaient les jambes en naissant, afin de demeurer toujours les maîtresses. Cette réponse passa d’abord en proverbe chez les Grecs puis chez les autres nations » (FUR.) • un dénicheur de fauvettes « un homme adroit et d’intrigues, qui fait de bonnes découvertes, et surtout en matière de femmes » (FUR.) • être bien découplé « vert galant, jeune homme bien taillé et bien vigoureux : il donnerait bien sur le gibier ». À partir de « découpler, e détacher les chiens couplés deux à deux pour les lâcher après le gibier » (FUR.) ■ m. XVIII 1739 avoir la fesse tondue « savoir plus d’un tour, avoir l’adresse, l’habileté et la souplesse de conscience d’un roué. Se dit principalement d’un galant, d’un séducteur » (NISARD) « Le grand Cornichon 1532 en savoit plus d’une nichée. C’étoit un dru qu’avoit la fesse tondue, beau diseur, ayant la parole en bouche ; il ne donna point de relâche à sa mie qu’il ne lui eût replâtré son méfait », Les Écosseuses, 1739 GARCE baiseuse e ■ m. XVII loger sur le devant être garce ◪ 1640 elle ressemble aux balances d’un boucher, qui pèsent toutes sortes de viandes • une caille coiffée • une coureuse (de rempart) • une bonne commère une femme gaillarde • chienne chaude « injure qui se dit à une femme desbauchée » (OUD.) • ficheuse • une fille de mauvaise garde difficile à garder • une louve « une femme très-luxurieuse, une grande putain » (OUD.) • une linotte coiffée • elle joue volontiers à l’homme elle fait volontiers l’acte charnel • garçonnière « fille qui ne bouge d’avec les garçons » (OUD.) • garçonner « qui se dit des filles. Hanter les garçons » (OUD.) • une galloise • une droüine • une drôlesse • elle en donne aux chiens et aux chats elle s’abandonne à toutes sortes de personnes • une dévergondée « une effrontée, une desreiglée » (OUD.) • jouer des mannequins « estre garce, se prostituer » (OUD.) • fille perdue débauchée • du plâtre au sas « une fort belle garce. Métaphore » (OUD.) • un râtelier à testicules « une grosse garce » (OUD.) • jouer au reversis « se prostituer, se laisser renverser » (OUD.) • avoir les talons courts « tomber facilement à la renverse, se laisser embrasser, se prostituer » (OUD.) • se laisser aller « qui se dit d’une femme, se laisser corrompre, se laisser embrasser » (OUD.) • habillée (faite) en j’en veux « qui a la mine d’une garce » (OUD.) • demander le matou « par métaphore, courir après le masle, avoir des chaleurs qui fassent courir après les hommes » (OUD.) • de la chair fraîche ◪ 1645 courir la prétentaine « prétentaine ou prétantaine. Il n’a guère d’usage que dans cette phrase de style familier : courir la prétantaine ; pour dire aller, venir ; courir ça et là sans sujet, sans dessein. On dit qu’une femme court la prétantaine ; pour dire, qu’elle fait des promenades, des voyages contre e la bienséance, ou dans un esprit de libertinage » (TRÉVOUX) ■ f. XVII 1690 voilà de nos sœurs des coureuses, des filles débauchées • vierge de corps de garde fille facile « Vierge de corps de garde, veuxtu te taire ? tu as fait trois enfants avant de te marier », DU LAURENS, Imirce, ou la Fille de la nature, 1776 • paillasse de corps de garde « femme qui boit de l’eau-de-vie, qui s’abandonne aux soldats, et qui n’a pas besoin de boire de l’eau-de-vie pour s’abandonner au premier venu » (MERCIER, Tableau de Paris) e ■ m. XVIII 1766 amoureuse comme une chatte d’une femme particulièrement lascive « Je ne m’aviserai point de faire le revêche. Je suppose que dans cette occasion la baronne ne la fit point non plus : outre qu’on la disoit amoureuse comme une chatte, je ne lui étois point indifférent », DU LAURENS, Le Compère Matthieu, 1766 ■ f. XVIII e 1789 chaude de la pince « elle étoit naturellement un peu chaude de la pince ; mais dame aussi ce n’est pas sa faute, et si on enfermoit toutes les femmes qui avont cette maladie, je n’en verrions pas beaucoup, nous les premières », Cahier des plaintes e femme de petite vertu • une Marie couche-toi là « femme e facile, – trop facile » (DELV.) ■ m. XIX petite drogue « coureuse. De droguer : attendre » (LARCH.) ◪ 1851 une de plus une fille nouvellement déniaisée et tombée dans le petit monde des grisettes entretenues « Dis donc, murmura l’un des canotiers à l’oreille de son camarade, en lui désignant Marianne, c’est une belle et doléances des dames de la Halle, 1789 ■ XIX fille que cette villageoise. – Oui, répondit l’autre, avec six mois de paresse pour lui blanchir les mains, un brin de pâleur parisienne mêlée à son teint campagnard, et une robe de soie sur le dos au lieu d’un sac, ça en ferait une de plus ! », 1867 belle de nuit « fille qui hante les cafés et les bals » (DELV.) • putain comme chausson extrêmement débauchée • demoiselle du Pont-Neuf « femme banale, dans le cœur de laquelle tout le Paris galant a le droit de circuler » (DELV.) • je ne sais qui femme de mœurs plus que légères • avoir rôti le balai « se dit d’une fille qui a eu de nombreuses aventures galantes, par allusion aux chevauchées sabbatiques des sorcières » (DELV.) • avoir vu des e cavalcades avoir eu de nombreux amants ■ f. XIX avoir la cuisse hospitalière (légère) ◪ 1881 avoir la cuisse gaie être de mœurs faciles « Très gentille avec son petit nez en l’air ; je parie qu’elle a la cuisse gaie, hein ! », La Vie parisienne, 1881 ◪ 1894 une fille qui a les yeux tournés à la fricassée « se dit d’une fille de tempérament amoureux. Ainsi quelqu’un qui a un grand appétit tourne volontiers les yeux du e côté du fricot » (LYON) ■ d. XX mettre du cœur à l’ouvrage apprécier les rapports sexuels ; l’expression a d’abord concerné les prostituées, qui avaient plus ou moins le cœur à l’ouvrage, c’est-à-dire qui étaient plus ou moins vaillantes dans l’exercice de leur métier, cf. « […] Mimile allait et venait, talonnant les paresseuses, tirant du fond du débit où elles s’oubliaient à boire celles qui manquaient de cœur à l’ouvrage, signalant les défaillances à leur seigneur et maître, e chargé du châtiment » (E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Ravachol, 1923) ■ m. XX être portée sur la question « juste je peux vous dire que Nicole sur la question elle était portée pas qu’un peu. Oh, là là, ces H. MURGER, Le Pays latin, 1851 ◪ râles infinis ! Plus de “mon cœur”, une fois au page… mon machin en salut nazi, sans défaillance je m’attaquais à des records de durée », A. BOUDARD, La Cerise, 1963 ■ f. e XX garage à bites fille qui couche avec tous les garçons qui se présentent e ■ XVI avoir la mine d’être tournée à la friandise « fille qui a la mine d’être de complexion e amoureuse ; “n’avoir point le nez tourné à la religion” » (FUR.) ■ m. XVII 1640 l’épousée est e friande « on dit cecy lors qu’il pleut le jour des nopces » (OUD.) ■ f. XVII 1690 aller à la guerre « une fille qu’un homme entretient quand elle va chercher quelque chose à profiter dans une passade » (FUR.) • jouer du manicordion « fille qui a eu quelque amourette secrète qui a duré e longtemps sans faire de bruit. Burlesquement » (FUR.) ■ m. XIX femme du demi-monde « femme née dans un monde distingué dont elle conserve les manières sans en respecter les lois. Le succès d’une pièce de Dumas fils a créé le mot » (LARCH.) • faire un faux pas pour une jeune fille ou une femme, se laisser séduire ; accorder ses faveurs dans des circonstances que la morale et le qu’endira-t-on réprouvent « Je t’avais prévenu de veiller sur ta nièce. – Ah ce bois de Romainville est terrible pour les faux pas ! Je connais ça… », P. DE KOCK, La Pucelle de Belleville, 1834 ◪ 1842 elle a passé le pont de Gournay, elle a honte bue proverbe qu’on appliquait généralement à une femme de mauvaise vie ◪ 1858 biche « lorette. Abréviation de biche d’Alger, synonyme poli de chameau » (LARCH.) « Une biche, il faut bien se servir de cette désignation, puisqu’elle a conquis son droit de cité dans le dictionnaire de la vie parisienne, se trouvait cet été à e Bade », Le Figaro, 1858 ■ f. XIX 1872 forte biche « lorette élégante » (LARCH.) MASTURBATION branlette, onanisme e ■ XVI se branler « Cela me donna l’habitude de me branler et je la conserve encore », É. DEBRAUX, Mayeux, 1832 e ■ d. XVII gratter son devant se disait d’une fille en mal d’amour ◪ 1618 branler la pique « J’aymerois e mieux bransler la pique/Que de foutre en paralytique/Le plaisir gist au remuement », Le Cabinet satyrique, 1618 ■ m. XVII 1640 faites-vous faire des chemises neuves « cela se dit à une fille vieille et laide, afin de s’en e pouvoir frotter le devant » (OUD.) • jouer du poignet « faire le péché de mollesse » (OUD.) ■ XIX faire le poireau d’amour le poireau comme équivalent du sexe masculin est une comparaison qui e remonte au XVII siècle « Dam’ !… j’ai fait l’jacqu’ moi, et par trop,/L’poireau d’amour pour caus’ de dèche/La crèm’ de ma race doit êtr’ sèche/Comm’ la moell’ morte du sureau », J. RICTUS, Les Soliloques du pauvre, 1897 ■ d. e XIX la veuve poignet « quand pour vous achever, elle se met de profil et fait semblant de regarder au loin en se soulevant sur la pointe des pieds, c’en est fini de vous. Faut la douche froide ou la veuve poignet pour vous soulager », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 e e ■ m. XIX mauvaises habitudes ■ f. XIX 1883 jouer au billard anglais • se taper • se la tirer • se coller une douce • se coller un rassis « c’est pas avec ton sou par jour, qu’y te faut rien que pour payer ton savon, que tu pourras te payer des odalisques. T’en seras quitte pour te “coller un rassis” quand ça te démangera trop » SYLVÈRE (1906e ◪ 1888 se taper la colonne on trouve en 1820 se polir la colonne ■ d. XX se taper une pignole « Monsieur Hermès et elle restèrent seuls dans la chambre. Ça l’embêtait un peu, parce que, l’avant-veille, il s’était 1950) justement tapé une pignole. Il avait peur de ne pas être en forme. Heureusement, Totoche avait des principes. Non, pas dès le premier jour ! », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ■ m. e XX se taper une branlette diminutif hypocoristique formé e sur branler et se branler dont l’usage est constant depuis le XVI siècle PLAISIR jouissance, orgasme, volupté e ■ d. XX prendre son fade le fade est la « part » d’un butin (1821, ESNAULT). Prendre son fade est donc « prendre sa part » de plaisir. L’image est la même que dans prendre son pied où pied est également la « part » (1872, ESNAULT). Prendre son pied n’est plus compris comme « part » mais comme « membre », synonyme direct de « plaisir » ; prendre son fade a suivi la même évolution et est de ce fait utilisé en dehors de l’idée de « part » et même de plaisir sexuel « La campagne alentour prenait son fade avec le soleil et ça éclaboussait en myriades de bourgeons », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 • prendre son pied voir ci-dessus ◪ 1928 prendre son panard panard a d’abord eu le sens de « soulier » (1898) puis celui de « pied » (1910) « On avait baisé un bon coup et elle avait pris son panard, crois-moi », BERROYER, Je vieillis e ■ m. XX prendre son pinglot « prépare-toi à prendre ton pinglot ; aujourd’hui, j’ai envie de t’enculer en te tirant les oreilles, je sais que tu adores ça », BERROYER, J’ai beaucoup souffert, 1981 • c’est le pied ! exclamation vedette des années 1968 et suivantes, à partir de prendre son pied, pour exprimer toutes sortes de satisfactions, sexuelles ou non. Un superlatif courant fut le pied d’acier, et même : « Oh ce n’est pas le grand rêve, le pied d’acier bleu » (J.-L. BORY, 1973) • s’envoyer en l’air c’est l’image de la bien, 1983 culbute – équivalent de tomber – croisée avec celle du septième ciel « Jamais je ne me suis envoyée en l’air comme avec lui », GUÉRIN, La Peau dure, 1948 VIRGINITÉ pucelage e ■ XV elle n’a pas encore fait folie de son corps « elle est pucelle. Item, cela se dit des choses e qui n’ont point encore servy » (OUD.) ■ m. XVII 1640 son pucelage se moisit elle est vieille fille • cette fille est mûre « aagée, en estat d’estre mariée » (OUD.) • mourir comme les melons (les e citrouilles), la semence dans le corps mourir vierge ■ XVIII l’être • l’être encore « Je le suis encore, e m’a-t-elle dit en riant », Rétif, 1786 ■ d. XIX être comme une rosière « Par exemple ! vous ?… dit la portière. Vous voulez n’à cette heure me faire accroire que vous n’êtes à votre âge, comme n’une rosière… à d’autres ! », BALZAC, Le Cousin Pons, 1847 e ■ m. XIX 1834 coiffer sainte Catherine « rester vieille fille, – dans l’argot des bourgeois » (DELV.) « Moi, cela me fait grand plaisir pour cette pauvre Adrienne… qui a déjà manqué plusieurs fois de se marier… et qui aurait bien pu… sans vous, rester pour coiffer sainte Catherine. Mais après tout c’est une bonne fille ! », P. DE KOCK, La Pucelle de Belleville, 1834 ◪ 1836 une fleur de Marie « virginité (Vidocq). Allusion à l’Immaculée » (LARCH.) DÉPUCELAGE défloration e ■ XVI laisser aller le chat au fromage « perdre tout droit à porter le bouquet de fleurs d’oranger traditionnel. L’expression est vieille, – comme l’imprudence des jeunes filles. Il y a même à ce propos, un passage charmant d’une lettre écrite par Voltaire à une abbesse qui lui avait fait présent d’un chat : “Je ne le nourris (le chat) que de fromages et de biscuits ; peut-être, madame, qu’il n’était pas si bien traité chez vous ; car je pense que les dames de *** ne laissent pas aller le chat aux fromages et que l’austérité du couvent ne permet pas qu’on leur fasse si e bonne chère” » (DELV.) • ouvrir l’écaille dépuceler une fille • croquer la pomme au XIII siècle déjà, e la pomme représente le « fruit défendu » ■ m. XVI 1558 pucelle de Marolle (à Jean Guérin) une fille qui n’est pas vierge, soit parce que c’est une « garce », soit parce qu’elle est mariée « Les trois e pucelles de marolles se couchent, et les maris après », B. DESPÉRIERS, Contes et joyeux devis, 1558 ■ m. XVII avoir perdu ses gants ◪ 1640 mettre une fille en perce • écrire sur le parchemin vierge • on cuit chez elle « elle sent encore la douleur de la défloration » (OUD.) • elle a payé son boulanger, il ne lui cuit plus « par allusion de cuire. La douleur cuisante de la défloration est passée » (OUD.) • elle n’est pas encore dépucelée « cecy s’applique à toutes sortes de choses, pour dire qu’elles n’ont point e encore servy » (OUD.) ■ f. XVII elle s’est laissé trousser la jupe « elle a fait faux bond à son honneur » (FUR.) ◪ 1690 perdre la plus belle rose de son chapeau « fille qui perd la fleur de sa e virginité » (FUR.) ■ XVIII avoir vu le loup « se dit de toute fille qui est devenue femme sans passer par l’église et par la mairie » (DELV.) « Allons, allons, commandant, ne faites pas l’enfant ; vous savez bien qu’on n’est pas de zinc. Et puis, voulez-vous que je vous dise ? continue-t-il plus bas. J’ai été volé ; elle avait vu le loup », G. DARIEN, e • casser son sabot ■ m. XIX 1867 sauter le pas • y avoir passé « se dit d’une jeune fille qui n’est plus digne de porter à son corsage le bouquet de fleurs d’oranger emblématique » (DELV.) • l’avoir perdu • casser sa cruche • damer une fille « la séduire, – ce qui, du rang de L’Épaulette, 1900 e demoiselle, la fait passer à celui de dame, de “petite dame” » (DELV.) ■ d. XX toucher au capital d’une jeune fille la dévergonder ; par un double jeu de mots sur « toucher » (entamer) et « capital » (ce qui fait sa valeur) « Le gaillard lui réclam’ quéqu’chose,/Comme il frétille Ah ! l’animal/Il veut lui prendre sa rose,/J’vas lui dresser procès-verbal/S’il touche à son capital ! » OUVRARD, Toujours l’amour, 1904 IMPUISSANCE e ■ m. XVI il n’y a plus d’encre au cornet « plus de vigueur ; et plus licencieusement, les vases spermatiques sont vuides » (OUD.) • être de frigidis et maleficiatis de froide nature, impuissant e e ■ f. XVI un Jean qui ne peut « impuissant ; ce qui est un terme de triquetrac » (FUR.) ■ m. XVII 1640 prince de Hongrie un châtré • amoureux de carême, qui n’ose toucher à la chair amoureux froid • il est hongre châtré • un non sunt « un chastré. Le vulgaire le prononce, nonson » (OUD.) • il ressemble les veaux d’un an « il ne voit point les femmes. Le reste dit, il ne… ny tette » (OUD.) • être léger de(s) deux grains être châtré • la petite Hongrie « les chastrez » (OUD.) • c’est une froide queue un impuissant ou de nature fort froide • il est logé à Baffroy « par allusion à bas froid, il est de froide nature, ou impuissant » (OUD.) • être pétri d’eau froide d’humeur ou de nature fort froide • passer de B dur en B mol « perdre la vigueur ou cesser l’érection en l’acte e charnel » (OUD.) ■ f. XVII 1690 vous êtes un chaud lambin « ironiquement, à ceux qu’on veut taxer de froideur » (FUR.) • ses plus grands coups sont rués « d’un vieillard pour dire qu’il devient e impuissant » (FUR.) ■ f. XIX 1867 chanteur de la chapelle Sixtine « homme qui, par vice de conformation ou par suite d’accident, pourrait être engagé en Orient en qualité de “capi-agassi” » e (DELV.) ■ f. XX verge en cou de cygne courbée, et qui ne permet donc pas d’avoir de rapports sexuels e ■ m. XVII 1640 mon devant vit de ses rentes, il ne fait rien « c’est une raillerie dont se servent les femmes, pour dire qu’elles ne sont pas embrassées de leurs maris » (OUD.) • nouer e l’aiguillette « charmer un homme afin qu’il ne puisse user avec sa femme » (OUD.) ■ f. XVII 1690 quand il neige sur les montagnes, il fait bien froid dans les vallées les vieillards sont impuissants • vous êtes un chaud lancier « ironiquement, à ceux qu’on veut taxer de froideur ; à un fanfaron qui se vante de beaucoup de choses qu’il peut faire et particulièrement en prouesses d’amour » (FUR.) HOMOSEXUALITÉ inverti, pédéraste, sodomite, pédale, pédé, tapette, tante, tantouze, lope, lopette, folle lesbienne, gouine, gougnote, gousse bisexualité e ■ m. XVII 1640 garçon fillette un efféminé • tenir de la quenouille être efféminé • pêcher e des étrons à la ligne être sodomite ■ f. XVIII 1789 la botte florentine botte étant pris au sens des escrimeurs. « Enculage d’un homme ou d’une femme – par allusion aux habitudes pédérastiques, vraies ou supposées, des habitants de Florence » (DELVAU, Dictionnaire érotique, 1866) « Elle ne prend aucune précaution contre la botte florentine qui pourrait la menacer », A. DE NERCIAT, Les Aphrodites, 1793 • donner dans la manchette « une vingtaine de chevaliers grimpans pour le moins aussi insolens que leux maîtres, autant de femmes qu’ils entretenont, pour les autres da, car il y a gros qu’ils n’y mettont pas le pouce, et même le bruit courre qu’ils donnent dans la e manchette avec leurs jockais », Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 ■ d. XIX en être « aimer la pédérastie » (VIDOCQ, 1836). « Sur ce terrain honteux, les synonymes pullulent ; ils prouvent la persistance d’un vice qui semble éprouver, dans les deux sexes, le besoin de se cacher à chaque instant derrière un nom nouveau. Nous rappelons ici pour mémoire et sans leur donner ailleurs une place, les mots : pédé, pédéro, tante, tapette, corvette, frégate, jésus, persilleuse, honteuse, rivette, gosselin, emproseur, émile, gousse, gougnotte, chipette, magnusse, etc., etc. » (LARCH.) e e ■ m. XIX 1867 puce travailleuse lesbienne ■ d. XX être de la jaquette le départ de cette expression demeure incertain – cependant une origine lyonnaise paraît possible si l’on tient compte d’une acception particulière du mot, adaptée à une métaphore grivoise : « Jacquette. C’était un tout petit, tout petit triangle de grosse toile qui, aux bèches, remplaçait le caleçon et faisait office de feuille de vigne. À chaque pointe était attachée une sifecelle. Celles de devant s’attachaient autour du corps de manière à former ceinture et celle de derrière, passant entre les cuisses, venait s’attacher aux reins. De mauvais plaisants faisaient semblant de se tromper et mettaient la jacquette par derrière. C’était une source d’inépuisables plaisanteries » (Littré de la Grand’Côte, LYON, 1894) • être à voile et à vapeur être à la fois homosexuel et hétérosexuel, en parlant d’un homme. Les termes de bateau sont liés à l’homosexualité depuis longtemps : « Frégate – jeune pédéraste. Terme des bagnes. Corvette – jeune sodomite. Terme usité au e bagne » (VIDOCQ) ■ m. XX être de la cale deux homosexuel ; expression propre aux marins pour qui la cale 2 désigne l’anus • pédé comme un phoque la comparaison ne semble pas fondée d’un point de vue zoologique. La plaisanterie serait née par l’intermédiaire de souffler comme un phoque, énormément. Mais les suppositions sont nombreuses quant à l’origine de l’expression • bonne bourre ! • petit couple couple d’homosexuel(le)s ◪ 1935 être de la pédale selon certaines sources, l’expression pourrait avoir pris naissance, dans les années 1920, au Vélo-Club de e Levallois, sous la forme les pédales qui craquent (cf. C. DUNETON, La Puce à l’oreille) ■ f. XX bique et bouc homosexuel à la fois passif et actif. Bisexuel • marcher à l’huile et au vinaigre être bisexuel(le) • CD-cassettes bisexuel COCUAGE tromper, coiffer ■ XIV e être cocu être trompé par son conjoint ; le mot cocu a d’abord désigné seulement e e l’oiseau (au XII ), appelé plus tard coucou (XVI ) ; « l’emploi figuré est dû au fait que la femelle du e coucou aime à changer de compagnon » (BLOCH et WARTBURG) ■ m. XVI cocu en herbe « avant que d’estre marié ; qui espouse une putain » (OUD.) • un Jobelin bridé un cornard ; le jobelin est un e sot, un niais, au moins depuis le XV siècle ; si Rabelais a fait de Jobelin Bridé le nom d’un « maistre » sot, l’expression est utilisée par d’autres à la même époque ; cf. « Et voyla trop tost maryé, qui en est Jobelin bridé » (R. DE COLLERYE, 1536) ◪ 1558 cocu en gerbe « cornard après estre e e marié » (OUD.) ■ f. XVI parent de Moïse cornard • les faire porter les cornes ■ d. XVII 1623 la cour des aides « des personnes qui aident à faire un homme cocu » (OUD.), « aller à la cour des aides, se dit d’une femme qui trompe son mari en faveur d’un ou de plusieurs amants » (DELV.) e ■ m. XVII sa femme l’a fait Jean lui a été infidèle, un Jean étant « un sot ; un cornard. Ce mot est tiré de zuane italien, et n’a point d’affinité avec le nom de St Jean » (Oud.) ◪ 1640 il est chair et poisson cocu et maquereau • un bon Jean un cornard • un Jeannin idem • bonhomme cornard • chevalier de Cornouaille idem • double Jean « un double cocu ou cornard » (OUD.) ou « celui dont la femme fait beaucoup de scandale » (FUR.) • donner un coup de fourche faire cornard • voyager en Cornouaille devenir cornard • c’est le plus beau corps nu « l’équivoque sonne, le plus beau cornu » (OUD.) • envoyer en Cornouaille faire un homme cocu ou cornard • avoir peur des cornes « d’estre fait cornard » (OUD.) • la confrérie d’Actéon les cocus ou cornards • aigrettes de e Pan des cornes ■ f. XVII 1690 mettre un beau panache sur la tête de son mari femme infidèle • faire porter le bouquet à son mari être infidèle • être coucou quand la femme fait des infidélités e e conjugales ■ d. XIX faire une (des) queue(s) dès le début du XIX siècle, faire la queue signifie tromper, jouer des mauvais tours à quelqu’un. Cf. « Ce bon roi avait des courtisans qui lui faisaient la queue » (É. DEBRAUX, 1826) « A t’faisait des queues, c’est certain./Mais quoi, c’était-y eun’ raison ?/c’était h’encor e qu’eun’ pauv’ mignarde/qui connaissait pas l’mal du bien », J. RICTUS, Le Cœur populaire, v. 1900 ■ m. XIX aimer avec un jaune d’œuf « tromper. Allusion à la couleur du cocuage » (LARCH.) « Vous murmuriez à l’oreille de madame Cocodès : Je vous adore ! – Avec un jaune d’œuf, vous répond-elle », MONSELET • chauffe la couche « mari trompé et content » (LARCH.) « Les maris qui obtiennent le nom déshonorant de “chauffe la couche” », BALZAC ◪ 1836 l’être « être trompé par sa maîtresse ou par sa femme » (L ARCH.) « C’est notre ◪ 1837 faire des traits « faire des traits à sa femme, la tromper en faveur d’une autre, la “trahir” » (DELV.) « Pompon ! Pompon prenez garde, si j’apprends que vous me faites des traits, je me vengerai d’abord… », P. DE KOCK, Le Pompier et l’Écaillère, 1837 ◪ 1842 porter la cornette « on disait autrefois d’un homme qu’“il portait la cornette” lorsque sa femme “portait la culotte” ; mais aujourd’hui cette expression […] s’emploie dans le même sens que “porter des cornes” » (QUIT.) ◪ 1867 accommoder au safran « faire une infidélité conjugale. Allusion de couleur » (LARCH.) « Je ne suis pas fâché qu’elle ait accommodé au safran ce voltigeur de Louis XIV », E. AUGIER • mari malheureux • se forger des idées « concevoir des soupçons sur la fidélité d’une femme » (DELV.) • en porter « être trompé par sa femme, – dans l’argot du peuple, qui fait allusion aux “cornes” dont la tradition orne depuis si longtemps le front des maris malheureux » (DELV.) • en faire porter tromper son mari • dernier de Paul de Kock « galant homme qui a eu le tort d’épouser une sort… C’en est fait… je le suis », DE PERTHES, 1836 femme galante, – dans l’argot des bourgeoises qui n’osent pas dire Cocu, titre d’un roman de Paul de Kock en vogue il y a trente ans » (DELV.). Ce fut, en effet, la formule qu’employèrent les gens pour réclamer Le Cocu chez les libraires, à sa parution en 1832 : « Avez-vous le dernier de Paul de Kock ? » • confrère de la lune « galant homme qui a eu le tort d’épouser une femme galante » (DELV.) • donner un coup de canif dans le contrat « Et puis ces messieurs, comme ils se gênent pour donner des coups de canif dans le contrat ! La Gazette des tribunaux est pleine de leurs noirceurs, aussi nous sommes trop bonnes », e f. XIX 1883 faire des paillons infidélité commise par une femme à l’égard de son homme (ou du souteneur) ; « on pensera […] à la coutume de l’Est, qui voulait qu’une jeune fille fasse remettre un paillon (une petite corbeille de paille) au prétendant évincé pour lui signifier son congé » (CELLARD) « À mon vieux typ’ j’étais fidèle,/Je n’lui faisais jamais d’paillons ;/J’étais un’ petit’ femme modèle/Car il FESTEAU ■ m’donnait des picaillons », GARNIER et LÉMON, Ça n’te coût’ra rien, 1904 ■ e d. XX aller voir ailleurs « Pour qu’il n’aille pas voir ailleurs,/Si des fois ça s’rait plus meilleur,/Elle s’met en quatr’ pour son chéri,/La p’tit’ femm’ qu’aim’ bien son mari », BRIOLLET et VILAINES, La Petite Femme qui…, 1904 e ■ d. XVII bains de Valentin « voyez le sujet de cecy dans Francion, c’estoit un vieillard qui s’alla baigner de nuit dans le fossé d’un Chasteau pour se rendre habille à coucher avec sa femme, qui e fut pendant cela desbauchée par un autre » (OUD.) ■ m. XVII 1640 la parenté des hannetons, qui s’entretiennent par le cul « gens qui commettent adultère, et se disent parens » (OUD.) • il est bon à faire un arc, il est encorné des deux bouts « il est cornard, et a des cors aux pieds » (OUD.) e • il a l’encolure d’un cornard il en a la mine ■ d. XX il est cocu, le chef de gare rengaine moqueuse, d’origine obscure, qui se chante sur l’air de Il était un petit navire SENTIMENTS AMOUR Être amoureux Être aimé HAINE Antipathie Rivalité AMITIÉ Sympathie Accord DISCORDE Désaccord et disputes CONFIANCE MÉFIANCE COURAGE PEUR Faire peur INQUIÉTUDE Tourments Jalousie COLÈRE Se mettre en colère Mettre en colère MAUVAISE HUMEUR GAIETÉ Bonne humeur Choses drôles TRISTESSE S’amuser Pitreries ÉMOTION RIRE PLEURER Rire forcé Soupirs ENNUI Choses ennuyeuses BONHEUR Satisfaction MALHEUR GOÛT Avoir envie de DÉGOÛT AMOUR affection, attachement, inclination, adoration, passion e ■ m. XVI y tenir comme à (aimer comme) la prunelle de ses yeux • aimer plus que ses yeux e plus que tout ■ XVII élever un enfant dans du coton le gâter de caresses ; l’expression repose sur une pratique concrète : on plaçait dans du coton les nouveau-nés fragiles et particulièrement les prématurés ; ainsi, en mars 1696, le petit Louis du Plessis, futur duc de Richelieu, séducteur et scandaleux maréchal, né deux mois avant terme, fut-il conservé dans une boîte de coton pendant e trois mois (il mourut à 92 ans passés) ■ m. XVII 1640 il s’est jeté dessus comme sur une bête empruntée avec affection • c’est son cœur ce qu’il aime le plus • le jeu de Cipris l’amour • gagner le cœur d’une personne s’acquérir l’affection • vouloir du bien aimer une personne • c’est toute ma vie c’est ce que j’aime le plus • ma petite fressure « mot de mignardise, ma mignonne, mon cœur » (OUD.) • prendre (avoir) à cœur une chose s’y attacher avec affection • bon sang ne peut mentir « que l’on a quelque affection réservée pour ses parens » (OUD.) • mon e tout ce que j’aime le plus • l’heure du berger l’heure, l’occasion favorable aux amants ■ f. XVII voir quelqu’un d’un bon œil le considérer, l’aimer ◪ 1690 mon petit trognon « à un enfant, par manière de caresse » (FUR.) • être pendu au cou de quelqu’un « une mère a toujours ses enfants e pendus à son cou : elle les caresse souvent » (FUR.) ■ m. XVIII chou d’amour terme d’affection ; c’est ainsi que la dauphine Marie-Josèphe appelait son fils aîné, le duc de Bourgogne (1751-1761). Plus tard, la reine Marie-Antoinette employait le même terme envers son fils (futur Louis XVII) e ■ f. XVIII la lune de miel selon REY-CHANTREAU, « calque de l’anglais honeymoon » ◪ 1784 mon e petit chou « Eh, bonjour, mon petit chou ! », L’Écouteur aux portes, 1784 ■ XIX l’âme sœur • à la franche marguerite « l’amant est curieux, inquiet. Il veut pénétrer l’avenir pour lui arracher le secret de sa destinée. […] Lorsqu’il va rêvant dans la prairie, il cueille une marguerite, il en arrache les feuilles l’une après l’autre, en disant tour à tour : “Elle m’aime, pas du tout, un peu, beaucoup, passionnément.” Si la dernière feuille amène “pas du tout”, il gémit, il se désespère ; si elle amène “passionnément”, il s’enivre de joie, il se croit destiné à la félicité ; car la marguerite est trop e franche pour le tromper » (QUIT.) • qui aime bien châtie bien ■ d. XIX se donner corps et âme • e effeuiller la marguerite ■ m. XIX avoir à la bonne avoir de l’amitié ou de l’amour pour quelqu’un • papa, maman gâteau « se dit des parents qui gâtent leurs enfants. Jeux de mots sur le verbe gâter, et sur le gâteau qui le symbolise d’ordinaire » (LARCH.) ◪ 1842 on revient toujours à ses premières amours « parce qu’on espère y trouver un bonheur que ne donnent point les autres » (QUIT.) • l’affection aveugle la raison « on n’aperçoit pas ordinairement les défauts des personnes qu’on aime, et souvent même on prend ces défauts pour des qualités, car l’illusion est un effet nécessaire du sentiment, dont la force se mesure presque toujours par le degré d’aveuglement qu’il produit » (QUIT.) ◪ 1865 ma poule formule câline adressée à une enfant, une jeune fille ; aujourd’hui, on dit plus volontiers ma poulette « Lucinette, va causer là-bas avec monsieur, nous autres, nous nous occupons de choses sérieuses… C’est pas ton affaire ; va, ma poule ! », P. DE KOCK, Une grappe de groseille, 1865 ◪ 1867 se charpenter le bourrichon « s’enflammer à propos de n’importe qui ou de n’importe quoi » e (DELV.) ■ f. XIX 1883 avoir ou n’avoir pas la corde « trouver ou non la note saisissante et e pathétique pour exprimer le sentiment et la passion » (DICT. LANGUE VERTE) ■ d. XX une mère poule l’idée est ancienne : « Elle voit paraître [en songe] ce que Jésus-Christ n’a pas dédaigné de nous donner comme l’image de sa tendresse : une poule devenue mère, empressée autour des petits e qu’elle conduisait » (BOSSUET, Anne de Gonzague, in LITTRÉ) ■ f. XX papa poule on parle de mère poule et non de maman poule ; pour le père, il semble nécessaire d’adoucir la figure traditionnelle d’autorité en utilisant papa e ■ m. XVI être vouée à un autre saint « elle est promise à une autre personne, elle a de e l’inclination pour un autre » (OUD.) ■ f. XVI un clou chasse l’autre une passion chasse l’autre • une truie songe toujours bran une personne songe toujours à ce qu’elle affectionne ◪ 1592 un poulet un billet galant. « Le Duchat pense que la dénomination de poulet donnée aux billets d’amour, est venue de ce que ces sortes de billets étaient pliés en forme de poulets, à la manière dont les officiers de bouche, dit-il, plient les serviettes auxquelles ils savent donner différentes e figures d’animaux » (QUIT.) ■ XVII il n’y a si vieille marmite qui ne trouve son couvercle • billet e doux ■ d. XVII 1606 il n’est nulles laides amours « pour signifier que tout cela qu’on ayme et e qu’on a en affection, on le trouve beau quel qu’il soit » (NICOT) ■ m. XVII 1640 qui m’aime aime mon chien • soleil de mars « qui esmeut et ne résout point ; une femme qui donne de l’amour, et ne permet rien » (OUD.) • le feu le plus couvert est le plus ardent l’amour le plus caché est le plus e e violent • qui aime Bertrand aime son chien ■ XVIII mains froides, cœur chaud ■ XIX loin des e yeux, loin du cœur cf. au XIV siècle : « De ce qu’œil ne voit, cuer ne deult » (J. BRUYANT, 1342) • e qui m’aime me suive ! ■ m. XIX 1835 une chaumière et un cœur un amour simple et naïf. L’expression est tirée d’un vaudeville de SCRIBE (1835) « Peu m’importe où je suis, lui répondis-je, pourvu que tu y sois avec moi ! – Ah ! me dit-il en riant, tu es de l’école une chaumière et un cœur », H. MURGER, Le Pays latin, 1851 ◪ 1842 aime-moi un peu, mais continue « pour dire qu’on préfère une affection modérée mais durable, à une affection excessive qui est sujette à passer promptement » (QUIT.) • il faut connaître avant d’aimer « maxime bonne pour l’amitié, mais inutile pour l’amour, qui n’est jamais déterminé par la réflexion » (QUIT.) • amour et mort, rien n’est plus fort • l’amour et la pauvreté font ensemble mauvais ménage • quand on n’a pas ce que l’on aime, il faut aimer ce que l’on a • l’amour apprend aux ânes à danser l’amour polit le naturel le plus inculte • feindre d’aimer est pire qu’être faux-monnayeur • à battre faut l’amour « les mauvais traitements font cesser l’amour » (QUIT.) • l’amour ne loge point sous le toit de l’avarice • lorsqu’un vieux fait l’amour, la mort e court à l’entour • l’absence est l’ennemie de l’amour ■ d. XX ce n’est pas de l’amour, c’est de la rage • l’amour vache les relations amoureuses qui comportent plus de coups et d’insultes que de caresses et de mots doux ÊTRE AMOUREUX e ■ XVI amoureux de carême timide • se coiffer d’une femme en devenir amoureux • se e coiffer d’amour devenir amoureux ■ m. XVII 1640 il en est amoureux comme un coquin de sa besace il l’aime excessivement • il en meurt il en est extrêmement amoureux • être piqué au jeu • un amoureux transi « un amoureux froid ou sot » (OUD.) • en tenir (pour quelqu’un) « depuis quelques jours j’ai remarqué un nouveau galant… un jeune homme très bien couvert qui vient bien souvent manger des huîtres et causer avec l’écaillère… ou il aime passionnément les huîtres, ou il en tient pour l’écaillère », P. DE KOCK, Le Pompier et • perdre les pieds pour une personne en être extrêmement amoureux • sécher sur le pied « se consommer d’amour, de désir, ou d’impatience » (OUD.) • mourir tout debout être passionnément amoureux • bridé d’amour amoureux passionné • je l’aime comme mes petits e boyaux je l’aime extrêmement « Elle m’aimait ! Autant que ses petits boyaux », Parodie de Zaïre, 1732 ■ f. XVII 1690 venir comme un papillon se brûler à la chandelle devenir fortement amoureux • n’avoir e d’yeux que pour quelqu’un ■ XVIII aimer comme un charme passionnément • amour platonique amour chaste, sans consommation charnelle « Je te prie de ne pas me refuser la prière que je te l’Écaillère, 1837 fais, celle de venir me voir : tu me rendras bien heureuse, sans toutefois penser qu’à l’amour platonique », Mémoires de Jules Léotard, 1860 ■ m. XVIII e 1745 faire des yeux de carpe frite « Un jour, c’étoit pendant le grand chaud de l’été, s’étant retiré dans une grotte qui étoit au bord de ce canal, il vit une belle grande carpe, mais grande comme une personne : ce qu’on remarquait encore davantage, c’étoit ses yeux ; jamais on n’en avoit vu de si tendres. C’est de-là qu’on a dit des amans qui regardent tendrement leur belle : qu’ils font des yeux de carpe frite », CAYLUS, Recueil de ces Messieurs, 1745 ◪ 1746 le coup de foudre « Veuve de très-bonne heure, elle goûtoit à vingt ans avec une parfaite indolence les tristes agrémens d’une liberté dont elle ne sentoit pas le prix ; un de ces coups de foudre, rares à la vérité, mais que l’amour lance de tems-entems pour prouver qu’il porte aussi son tonnerre, causa dans son esprit, dans son cœur, dans son caractère un changement qui e échappa aux yeux même de celui qui l’avoit causé », CAYLUS, Les Manteaux, 1746 ■ d. XIX en pincer pour « Tu perds ton temps. M’sieu n’en pince pas pour toi. – Ah ! c’est bien vilain, ça. – Comment, vilain ? – Dame ! j’suis assez jolie pour qu’on • filer le parfait amour pour QUITARD, « c’est nourrir longtemps un amour tendre et romanesque » ; pour DELVAU, c’est « s’abandonner aux douceurs de l’amour platonique » ; c’est ce sens que l’on retrouve dans la citation de P. DE KOCK ci-après. De nos jours, l’expression signifie « vivre un amour partagé et sans nuages » « J’irai chez elle ce soir… Ce soir, non ; ce m’aime », REBELL, La Câlineuse, 1898 serait trop prompt ! Je me suis promis de ne plus aller si vite en intrigue, de tâcher de connaître d’abord le caractère de celle qui me plaît, de ne point laisser paraître mes sentiments avant d’être sûr des siens, et déjà je prends feu ! je m’enflamme !… je voudrais tout obtenir !… Ah ! je suis incorrigible ! Je ne saurai jamais filer le parfait amour », P. DE KOCK, Mon voisin Raymond, ■ m. e recevoir un coup de soleil tomber amoureux « Mesdemoiselles, nous avons reçu un coup de soleil soigné », VILLARS • vivre d’amour et d’eau fraîche « se dit ironiquement – dans l’argot de Breda1823 XIX Street – de l’amour pur, désintéressé, sincère, celui “Qu’on ne voit que dans les romans/Et dans les nids de tourterelles…” » (DELV.) • avoir un chien pour un homme être folle de lui • se donner des noms d’oiseaux roucouler amoureusement « Nous nous donn’rons des noms d’oiseaux », HARDY ◪ 1841 avoir le béguin réfection tardive sur le vieux verbe s’embéguiner : « Prendre sottement de l’amour » (OUD.), qui est l’idée d’être coiffé de quelqu’un – par le biais de l’ancienne forme avoir le béguin à e l’envers (XVI ), la tête retournée par l’émotion amoureuse « Quand Souris épousa Mlle Mathilde Duval, Leuillet fut surpris et un peu vexé, car il avait pour elle un léger béguin », MAUPASSANT, Boule-de-Suif, 1880 ◪ 1842 en avoir dans l’aile « cette expression est une allusion à l’état d’un oiseau blessé à l’aile, qui ne peut plus voler. Elle s’emploie en parlant d’une personne amoureuse à qui sa passion ne permet plus de voltiger, ou d’une personne qui a éprouvé quelque disgrâce » (QUIT.) ◪ 1855 avoir un cheveu pour un homme être folle de lui « Le seigneur Hildebrand de Coucy-Coucy, mon voisin de château… me fait une cour des plus assidues… Il me lance des coups d’œil que je qualifierai d’américain… Il a une tocade pour moi très prononcée, et moi, de mon côté, je n’en rougis pas… J’ai un cheveu pour lui !… », SIRAUDIN et CHOLER, La Dame de Francboisy, 1855 hanneton pour quelqu’un « J’ai pour toi un furieux hanneton », ◪ 1861 avoir un LEFEBVRE et DESCHAMPS, L’Amour du trapèze, 1861 ◪ 1867 se toquer « s’éprendre subitement d’amour pour un homme ou une femme » (DELV.) • avoir le casque « avoir un caprice pour un homme, – dans l’argot des filles » (DELV.) • avoir un e hanneton dans le plafond être fou de quelqu’un ou de quelque chose ■ f. XIX avoir dans la peau « Vous allez m’dir’que j’aurais pu/la quitter pour en prendre eune aute !/Mais moi d’abord, que voulez-vous,/j’suis pas papillon pour deux sous ;/et pis, pour dir’la vérité,/y avait vraiment qu’ell’ qui m’plaisait ;/c’te femm-là, j’l’avais dans la peau ! », J. RICTUS, Le Cœur populaire, v. 1900 • avoir dans le sang « Je sens qu’ma poitrin’ se détraque ;/Tu m’aimais trop, moi j’t’ai dans l’sang,/Que veux-tu ? I’ fallait qu’ça craque,/Aujourd’hui me voilà su’l’flanc », P. D’AMOR, J’t’ai dans l’sang, 1904 ◪ 1872 se monter le bobéchon « se passionner. Comparaison de la flamme du cœur à celle de la bougie » , dit joliment LARCHEY, se référant à bobèche, « petite pièce mobile et évasée qu’on adapte aux chandeliers » (LITTRÉ). Mais le bobéchon (par jeu de mots sur bobèche) est la « tête » en argot, il s’agit donc tout bêtement de se monter la tête – amoureusement parlant ◪ 1888 faire des e yeux de merlan frit ■ d. XX avoir un pépin pour quelqu’un avoir un caprice, une fantaisie, le béguin ; cf. ESNAULT, « caprice de cœur (filles, 1883) » « Quand on a un pépin pour une dame, on lui suce la pomme et elle vous caresse le citron pendant que vous lorgnez ses oranges », H. TINANT, Nos origines, 1910 • faire tourner la tête rendre amoureux « La p’tit’ lingèr’ du régiment/Est un’ joli’ brunette,/Aux homm’s de tout l’casernement/Ell’ fait tourner la tête », RIMBAULT, Voui mignonne, 1904 • aimer à en crever « je quittais cette ville et les amis que j’y avais sans un adieu, le cœur de plus en plus mordu par le chagrin, tout plein de cette Paquita que j’aimais à en crever… », J. BLANC, Le e ■ f. XX être accro très épris, comme si la personne aimée était une drogue • être love d’abord chez les babas des années 1970, cette expression un peu cucul, il faut le reconnaître, semble être réapparue trente ans plus tard dans les cités de banlieue e ■ m. XVII 1640 rassotté d’amour « qui se dit des vieillards ; fol amoureux » (OUD.) • amoureux des onze mille vierges « on appelle ainsi celui qui devient amoureux de toutes les femmes qui s’offrent à sa vue » (QUIT.) • il n’y a point de belle prison ni de laides amours les e amoureux trouvent toujours beau ce qu’ils chérissent ■ XIX avoir un cœur d’amadou tomber e facilement amoureux ■ m. XIX ver de terre amoureux d’une étoile réplique de Ruy Blas (1838), Temps des hommes, 1948 passée à la postérité pour exprimer l’amour sans espoir d’un pauvre soupirant pour une beauté irrémédiablement inaccessible de par sa situation, sa fortune ou sa célébrité ◪ 1842 il aimerait une chèvre coiffée « expression qu’on emploie en parlant d’un homme qui s’éprend de toutes les femmes quelques laides qu’elles soient » (QUIT.) ◪ 1867 cœur d’artichaut « cœur inconstant, livré à autant de caprices que le cœur de l’artichaut compte de feuilles » (LARCH.) « Ton cœur est un artichaut. Donne-m’en une feuille », Almanach du hanneton, 1867 ÊTRE AIMÉ e ■ d. XVII 1625 être la coqueluche de quelqu’un « c’est être l’objet de ses préférences, de son admiration, l’objet dont il raffole, l’objet dont “il est coiffé”, comme on dit. Cette façon de parler fait allusion à la “coqueluche”, espèce de bonnet autrefois fort à la mode, dont les dames se paraient » (QUIT.) « Il y sut répondre avec tant de grâce, et le démêler avec tant d’esprit, de finesse, de liberté, de e politesse, qu’il devint bientôt la coqueluche de la cour », SAINT-SIMON ■ m. XVII 1640 donner dans les yeux donner de l’amour ou du désir • donner dans la vue idem • carabiner le cœur donner de l’amour e ■ m. XIX 1867 être à la bonne HAINE animosité, aversion, inimitié e ■ m. XIV il me regarde de travers (comme un chien qui emporte un os) il me voit d’un e e mauvais œil ■ m. XVI regarder quelqu’un de côté avec hostilité ■ XVII être amoureux comme un e chardon « point du tout » (OUD.) ■ d. XVII 1606 avoir une dent de lait sur aucun « luy porter haine dès jeunesse » (NICOT) « si elle [Marie-Antoinette] veut que j’oublions ses farces, elle n’a d’autre parti à prendre qu’à ne plus conserver de dent de lait contre lui [Necker] », Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 e ■ m. XVII 1640 il en est amoureux comme un chien d’un bâton il le fuit • porter une dent à quelqu’un • couver une haine la conserver en soi • avoir à contrecœur • tenir son cœur avoir de l’animosité • il lui veut mal de mort il le hait extrêmement • voir de mauvais œil • ennemi e juré • il l’aime comme les choux (il voudrait l’avoir mangé) ■ f. XVII 1680 être à couteaux tirés « ennemis jurés, prêts à se battre, à se nuire l’un à l’autre, à tout moment » (FUR.) « Je vais partir, et je n’ai pas voulu m’en aller sans vous voir. Après avoir vécu ensemble comme nous l’avons fait, ce serait stupide d’être ainsi, à 1690 leurs chiens ne chassent pas ensemble deux ennemis • être prêts à se sauter aux yeux « être extrêmement ennemis, en procès, en querelle, prêts à se dévisager » (FUR.) • être prêts à se manger le blanc des yeux idem • leurs flûtes ne s’accordent e pas ensemble deux personnes qui se veulent du mal ■ m. XVIII prendre quelqu’un en grippe prendre en aversion soudaine, avec l’idée qu’il s’agit d’un caprice d’humeur et que l’hostilité n’est pas justifiée « Entre nous, en le rappelant d’ici on a bien secondé les vues du ministre qui l’avait pris en grippe, et le souhait couteaux tirés… », REBELL, La Câlineuse, 1898 ◪ de nos prétendus amateurs parce qu’il mettait le prix aux bonnes choses qu’ils veulent avoir pour rien. Je suis désolé de son absence », DIDEROT, Lettre à Falconet, mai 1768 ■ f. XVIII e ne pas pouvoir sentir quelqu’un « avoir répugnance à le rencontrer, à lui parler, le haïr enfin » (DELV.) ■ e XIX vouer aux gémonies « C’est embrouiller la question. Ils la brouillent davantage encore lorsqu’ils vouent les anarchistes aux gémonies… Un peu de philologie : Collectivistes ou communistes ? », La Guerre sociale, 1906 • ne pas porter dans son cœur « La baronne, en dépit du surcroît de considération dont elle jouissait en raison du “beau geste” de la Roubelier, ne me portait pas dans son cœur et me préparait un tour à sa façon », J. BLANC, Le Temps des hommes, 1948 ■ d. e XIX avoir quelqu’un dans le nez « c’est le “Ne pouvoir sentir”, de l’argot des bourgeois » (DELV.) « Dans le nez toujours tu auras/Macarons et cabestans » (Tu détesteras toujours les dénonciateurs et officiers de police), VIDOCQ, Les Voleurs, 1836 • avoir dans le pif « Qui aurait dit, il n’y a pas deux mois que je me serais laissé embêter par un calotin ? – Et moi, observa Raoul, tu sais comme je les avais dans le piffe », VIDOCQ, Mémoires, 1828 • la bête noire de quelqu’un provient du e e croisement de l’ancienne expression être la bête de quelqu’un aux XVII et XVIII siècles – « C’était la bête de la nouvelle Dauphine qui ne s’épargnait pas à lui nuire auprès du roi » (SAINT-SIMON) – et de la bête noire, animal fantastique dont on menaçait les petits enfants – qui, en ville, pouvait être le commissaire. Cf. Furetière : « Les artisans qui voyent un commissaire qui va en police, l’appellent la beste noire. » La résolution des deux antipathies paraît presque achevée dans la période révolutionnaire : « Le républicanisme est un mode de gouvernement, par lequel les intrigans remplacent le souverain, pour régner à sa place ; […] pour régner avec sûreté, il faut tromper le peuple, il faut l’égarer, il faut lui faire peur du roi comme de la bête noire » (Dialogue pas mal raisonnable, 1790) « M. Bertrand […] a pris la direction du Journal des chasseurs, un des plus amusants recueils que je connaisse – il n’en est pas moins la bête noire de ces messieurs de la Liste Civile », A. KARR, Les Guêpes, avril 1841 e ■ m. XIX je t’aime avec un jaune d’œuf je ne t’aime pas du tout ◪ 1842 ne pas pouvoir voir quelqu’un en peinture « le haïr, le détester extrêmement » (DELV.) « souvent je rencontre chez elle le soir, un certain comte de N… qui croit avancer ses affaires en faisant ses visites à onze heures, en lui envoyant des bijoux tant qu’elle en veut ; mais elle ne peut pas le voir en peinture. Elle a tout, c’est un garçon très riche », A. DUMAS, La Dame aux camélias, e 1867 il me sort « il m’est insupportable » (LARCH.) • il me sort par le cul ■ f. XIX sortir par les yeux ◪ 1894 craindre comme le feu « se dit de quelque chose ou de quelqu’un pour lequel on ne e nourrit pas une tendresse inépuisable » (LYON) ■ d. XX se mettre quelqu’un à dos avoir un comportement qui vous fasse mépriser ou détester « Il s’est foutu tout le monde à dos !… on l’a pas assez saccagé ce raciste indigne !… dépeçons sa veuve !… », CÉLINE, D’un château l’autre, 1957 • ne pas porter quelqu’un dans son cœur • avoir à la caille de mouscaille, merde « Quand je demandais quéqu’ chos’ à quéqu’un, avant, comment ça se passait, hein ? Y m’avait à la caille du premier coup », SYLVÈRE (1906-1950) • avoir à la crotte ◪ 1914 ne 1848 ◪ e pas pouvoir blairer ■ m. XX avoir la haine éprouver une violente aversion ; cette construction nominale s’est formée à cause de la « faiblesse » du mot haïr – je te hais fait littéraire « C’est vrai que Philippe avait la haine. Il les aurait bouffés… ça se voyait dans ses yeux », Paroles de bandits, 1976 • la gerbe « l’horreur, le dégoût » (MERLE) ; l’attitude d’une personne ou son être même peut nous faire gerber • avoir la e rage la haine ■ d. XXI avoir le seum du mot arabe sèmm, « venin » ; éprouver une colère mêlée de haine e ■ m. XVII 1640 il vaut mieux en terre qu’en pré « vieux avare, homme inutile : on ne perd rien e à sa mort ; en parlant de quelqu’un dont on souhaite la mort » (FUR.) ■ f. XVII 1690 traiter de Turc e à Maure « à la rigueur et en ennemi déclaré » (FUR.) ■ m. XIX 1842 regard de basilic « c’est une ancienne croyance populaire, encore existante chez les paysans, que les vieux coqs pondent quelquefois un œuf qui éclot dans le fumier et produit une espèce particulière de basilic, reptile redoutable auquel on attribue le pouvoir de tuer par son seul regard quiconque s’y trouve exposé, et de se tuer lui-même quand il se voit dans une glace » (QUIT.) ANTIPATHIE ■ m. XVII e battre froid ne plus parler à quelqu’un, ne lui faire aucune amabilité ; signifiait, au e e siècle et encore au début du XVII , « calme, impassible » : « Hé Sainte Nitouche, tant tu te bas froid, encore que ta coquille ne laisse pas de bailler attendant la marée » (Les Ramoneurs, 1624) XVI « Depuis cette aventure, je ne remis de longtemps le pied chez elle, et ailleurs je lui battis si froid, que je lui fis perdre l’habitude de me venir chercher », SAINT-SIMON ◪ (OUD.) ■ m. e XIX 1640 il n’a pas envie de me vendre « il ne me loue ou prise gueres » être en froid avec quelqu’un être en délicatesse « Nous sommes en froid avec ma belle- sœur, mais ma fille, qui a toujours gardé son indépendance, a continué à voir assidûment sa tante », REBELL, La Câlineuse, 1898 ◪ 1867 la donner à la bourbonnaise regarder quelqu’un d’un mauvais œil • se faire à quelqu’un e « perdre de la répugnance qu’on avait eue d’abord à le voir » (DELV.) ■ f. XIX se regarder en chiens de faïence avec une antipathie manifeste, sans se parler, comme des gens qui sont brouillés ou rivaux « J’imagine que la princesse Mathilde et le duc d’Aumale devaient se regarder en chiens de faïence. […] – Il y a pourtant, entre eux, le cadavre du duc d’Enghien », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Félix Faure, 1925 ■ d. e XX regarder quelqu’un comme une bête curieuse RIVALITÉ antagonisme, concurrence e ■ m. XVII 1640 deux loups après une brebis « deux hommes qui prétendent une mesme chose » (OUD.) • il ressemble les grands chiens, il veut pisser contre la muraille « il veut faire comme les grands, il veut faire comparaison avec ceux qui sont plus que luy » (OUD.) • deux e chiens après un os « deux personnes qui prétendent une mesme chose » (OUD.) ■ f. XVII 1690 jouer à boute-hors « être concurrents en faveur, tâcher de se détruire l’un l’autre ; tâcher de débouter son collègue, son rival, son compétiteur » (FUR.) • faire assaut de réputation « quand deux personnes illustres en quelque art ou science, disputent ensemble à qui fera voir le plus de capacité » (FUR.) • courir sur les brisées d’autrui « enchérir sur un autre, vouloir obtenir ce qu’un e autre voulait avoir » (FUR.) ■ m. XIX 1867 faire la pige à défier, se mesurer à, faire concurrence « Depuis quelques semaines, pour faire la pige à l’hippopotame Dupuy, ils ont, eux aussi, changé leur fusil d’épaule », Le Père • couper un effet « distraire les spectateurs en parlant avant son tour, détourner leur e attention à son profit et au préjudice du camarade qui est en train de jouer » (DELV.) ■ f. XIX course au clocher probablement d’après un ancien jeu de fête villageoise ◪ 1886 se tirer la bourre Peinard, 1899 e lutter ■ d. XX se bousculer au portillon vers 1920, et jusqu’aux années 1960, le portillon du métro parisien, qui se fermait automatiquement lors de l’arrivée d’un nouveau train en station, empêchait le flot des voyageurs d’accéder au quai, provoquant des bousculades dans la foule qui essayait de le franchir jusqu’au dernier moment • les places sont chères on ajoute parfois il n’y en aura pas pour tout le monde. Allusion à leur rareté par suite de l’affluence que provoque un événement sensationnel – match de boxe, exécutions capitales (du temps où celles-ci étaient publiques et occasionnaient la location des fenêtres donnant sur la place), etc. ◪ 1905 marcher sur les plates-bandes de « Et je suis sûr que cela doit vous laisser indifférent qu’elle m’ait fait des avances cette nuit. Et voyez combien je suis scrupuleux, je n’ai pas voulu marcher sur vos plates-bandes. – LE CAPORAL : Vous avez eu tort de vous gêner pour moi », M. ARGUILLIÈRE, La Grande Famille, 1905 ■ m. e XX un panier de crabes une équipe de gens qui e cherchent à s’évincer mutuellement pour prendre la direction des affaires ■ f. XX marquer à la culotte « serrer de près un rival. Du vocabulaire des sports, du football notamment » (BERNET et RÉZEAU) e ■ f. XVII tirer au (court) bâton « lorsqu’un plus petit est compétiteur avec un plus grand, qu’il lui conteste quelque avantage ; quand un inférieur conteste la préférence, la prééminence contre e un supérieur » (FUR.) ■ f. XVIII 1798 rompre une (des) lance(s) avec quelqu’un « se mesurer à lui à quelque exercice, à quelque jeu d’adresse, lui disputer un avantage, une supériorité » (QUIT.) e e ■ f. XIX lutte pour la vie traduction de l’anglais struggle for life ■ d. XX loi de la jungle loi du plus fort AMITIÉ tendresse, camaraderie, copinage e ■ f. XVI par dessous le bras cette variante ancienne de bras dessus, bras dessous est toujours e en usage au Québec ■ m. XVII 1640 ils sont bien ensemble • camarades comme cochons « grandement familiers » (OUD.) ; selon certains, cochon serait une déformation de soçon ou sochon, « compagnon, associé, camarade » (GODEFROY) ; le pléonasme serait alors dû soit à un oubli du mot originel, soit à une répétition plaisante pour insister sur le caractère de réelle proximité – cf. le contemporain copains comme copains • être comme les deux doigts de la main • il ne me saurait être plus proche, s’il n’est mon père il est fort proche de moi • frère juré • ce n’est qu’un cul et une chemise « ils sont toujours ensemble, ils ont de grandes intelligences » (OUD.) • ils sont grands cousins • bras dessus, bras dessous « en se saluant, et s’embrassant avec e affection » (OUD.) • frapper sur l’épaule « caresser une personne » (OUD.) ■ f. XVII être cousu avec quelqu’un être toujours avec lui ◪ 1690 se tenir (par le cul) comme des hannetons « plusieurs gens alliés en même famille ; ceux qui sont toujours ensemble, ou s’allient dans leur famille » (FUR.) • suivre quelqu’un comme une ombre, être l’ombre de quelqu’un accompagner toujours quelqu’un • c’est sainte Geneviève et saint Marceau « deux amis inséparables, deux personnes qu’on voit toujours ensemble » (FUR.) ; saint Marceau (ou Marcel), évêque de Paris, patronna sainte Geneviève, future patronne de Paris – selon la légende, tous deux ont sauvé la e ville au V siècle • c’est saint Roch et son chien idem ; selon l’hagiographie, saint Roch, infecté par la peste, se serait réfugié dans une forêt et aurait survécu grâce à un chien qui chaque jour volait un pain pour le lui apporter • être toujours pendu à la ceinture de quelqu’un être toujours avec lui • sauter au cou de quelqu’un le baiser, le caresser, l’embrasser « si vous [Louis XVI] saviez, par exemple, le plaisir que vous nous avez fait quand je vous avons vu la cocarde du Tiers-État, si j’avions osé et si vous n’aviez pas été si pressé pour retourner à Versailles, je vous aurions embrassé et sauté au col », Cahier des plaintes et doléances des dames de la e f. XVIII amis comme cochons « manière basse et triviale de parler, pour exprimer que des personnes qui, naguères, se détestoient, se sont rapprochées par intérêt, et affectent de se e donner réciproquement de grands témoignages d’amitié » (DHAUTEL) ; au cours du XIX siècle, e l’expression a évolué vers le sens de, simplement, « être inséparables » ■ d. XIX avoir des atomes e crochus (avec quelqu’un) ■ m. XIX vieux frère terme d’amitié, d’affection « Les jours n’avaient pas de Halle, 1789 ■ fin. Forn à qui je demandais trois fois l’heure quand nous partions pour Madrid me répondait : T’inquiète pas, vieux frère. ◪ 1835 être à tu et à toi avec quelqu’un « vivre familièrement avec quelqu’un, être son ami, ou seulement son compagnon de débauche » (DELV.) « Chose a pris depuis quelque temps la fâcheuse habitude de le charger de ses corvées. – Cependant, il ne peut refuser e ce service à un ami avec qui il est à tu et à toi », H. MURGER, Propos de ville…, 1858 ■ f. XIX 1872 être dans la Bientôt. On s’en occupe », J. BLANC, Le Temps des hommes, 1948 chemise de quelqu’un ne pas le quitter, être au mieux avec lui ◪ 1894 être cul et chemise se dit e de deux personnes intimement liées ■ d. XX la fine équipe • être pot de colle ◪ 1904 ma vieille e branche peut-être une réfection de mon vieux poteau (fin XIX ) afin d’indiquer que l’on est du même bois ! « [SCHYSTAS] Je vais vous donner connaissance de la lettre qu’il écrit comme excuse, à notre spirituel directeur (il déploie la lettre). – L’AUTEUR, exaspéré : Il ne manquait plus que cela… c’est une infâme cabale !… – SCHYSTAS, lisant au public : “Ma vieille branche…” (à part) C’est peut-être un peu familier… enfin !… (pause) – L’AUTEUR, furieux : Ça, c’est trop fort ! », A. e ■ f. XX claquer la bise ce n’est pas simplement faire la bise pour dire bonjour, c’est manifester de la chaleur et de l’enthousiasme en voyant quelqu’un « Oh, cousin, me salua DOYEN, Bounika et Schystas, 1904 Momo en claquant la bise, ça va, ou quoi ? » A. GUYARD, La Zonzon, 2011 e ■ XVI il faut manger un muid de sel avec quelqu’un pour le connaître un muid de sel vaut 3 e e 2,4 m , c’est dire le temps qu’il faut ! ■ d. XVII 1617 qui bien ayme bien chastie ■ m. XVII 1640 ami de delà l’eau mauvais ami • il faut donner quelque chose à l’amitié « avoir égard, ou souffrir e pour le sujet » (OUD.) ■ f. XVII mettre en ligne de compte prendre en considération « les grâces qu’on reçoit de ses amis, les services qu’on leur rend, suivant qu’on en fait plus ou moins d’état » (FUR.) ◪ 1690 c’est à la mort et à la vie (c’est à la vie et à la mort) « amitié qui doit toujours durer, e ou tout autre engagement » (FUR.) ■ f. XVIII un baiser Lamourette réconciliation éphémère. Allusion à l’abbé Lamourette, député à l’Assemblée législative, qui, en 1792, tenta une réconciliation générale durant laquelle les députés s’embrassèrent les uns les autres. La paix fut de courte durée : Lamourette mourut sur l’échafaud en 1794, et l’on fit des gorges chaudes de ce e baiser de paix • les petits cadeaux entretiennent l’amitié ■ XIX affinités électives • qui aime bien e châtie bien • qui m’aime me suive ! ■ m. XIX mon bon « terme d’amitié. Abréviation de “mon bon ami”. On dit aussi “cher bon”, ce qui est encore plus prétentieux » (LARCH.) • mon bonhomme « mot d’amitié. Il est souvent protecteur » (LARCH.) « Oui, mon bonhomme, s’écria le loup de mer, j’ai fait une fois le tour du monde », A. MARX ◪ 1842 il faut connaître avant d’aimer « maxime bonne pour l’amitié, mais inutile pour l’amour, qui n’est jamais déterminé par la réflexion » (QUIT.) • il faut se dire beaucoup d’amis, et s’en croire peu « parce que, en se disant beaucoup d’amis, on peut obtenir quelque considération, et, en se croyant peu d’amis, on est moins exposé à se laisser tromper par ceux qui abusent de ce titre » (QUIT.) • Dieu me garde de mes amis ! Je me garderai de mes ennemis • les amis de nos amis sont nos amis « c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas nous être indifférents, et qu’ils ont des droits à nos égards » (QUIT.) • il ne faut pas laisser croître l’herbe sur le chemin de l’amitié il ne faut pas négliger ses amis • l’amitié rompue n’est jamais bien soudée « il n’y a guère de réconciliation tout à fait sincère ; la défiance ou la trahison s’y mêlent presque toujours » (QUIT.) • il faut éprouver les amis aux petites occasions et les employer aux grandes • un bon ami vaut mieux que cent parents « ce proverbe a sa raison dans un autre : “Beaucoup de parents et peu d’amis” » (QUIT.) • au besoin on connaît l’ami • qui cesse d’être ami ne l’a jamais été • le faux ami ressemble à l’ombre d’un cadran « cette ombre se montre lorsque le soleil brille, et elle n’est plus visible quand il est voilé par les nuages » (QUIT.) ◪ 1867 cœur d’artichaut « homme à l’amitié banale ; femme à l’amour vénal. On dit : “Il”, ou “Elle a un cœur d’artichaut, il e y en a une feuille pour tout le monde” » (DELV.) ■ m. XX ça n’empêche pas les sentiments ! être lucide ne veut pas dire de ne pas aimer SYMPATHIE e e ■ m. XVI trouver grâce aux yeux de quelqu’un ■ m. XVII 1640 un boute tout cuire un bon e compagnon • un enfant sans souci un bon compagnon ■ XIX être de tout cœur avec quelqu’un e ■ d. XIX 1828 avoir à la bonne éprouver de la sympathie pour quelqu’un, se montrer conciliant en conséquence ou lui accorder de petits avantages auxquels il n’aurait normalement pas droit. e G. ESNAULT y voit une ellipse de à la bonne fois (aimer à la bonne fois est courant au XVIII ) « Je peste contre le quart-d’œil [le commissaire de mon quartier] qui ne m’a pas à la bonne [qui ne m’aime pas] », VIDOCQ, Mémoires, e ■ m. XIX 1835 un bon zigue relevé en 1835 au sens de « camarade » par G. ESNAULT, lequel donne aussi ziguette pour « servante », dans le Beaujolais en 1828. L’étymologie avancée par BLOCH-WARTBURG, selon laquelle il s’agirait d’une altération par zézaiement de gigue, « fille enjouée », demeure plausible si le féminin a précédé « Tu es toujours le bon zigue d’autrefois ? », MAUPASSANT, 1828 1867 être à la bonne inspirer de la sympathie, de l’intérêt, de l’amour • bonne e gueule visage sympathique • être dans les petits papiers de on trouve, dès le XVI siècle (dans BONIVARD, Advis et devis de l’ancienne et nouvelle police de Genève, v. 1562), être dans les papiers L’Ami Patience, 1883 ◪ « Il fut suspendu de ses fonctions de professeur de droit romain pour son plaidoyer dans l’affaire des dragons-Couronnel. Les étudiants le portèrent en triomphe et lui donnèrent une sérénade qui dura trois nuits. Ceci ne pouvait le mettre dans les bonnes e ■ d. XX la cote d’amour favoritisme qui fait noter un élève au-dessus de son niveau et, par extension, le fait de favoriser quelqu’un • petite tête ! exclamation qui exprime la sympathie ; était très à la mode dans les grâces du parquet, ni dans les petits papiers de la préfecture », P. FÉVAL, Bouche de fer, 1862 milieux ouvriers parisiens des années 1930 ACCORD entente, concorde, complicité, alliance e ■ m. XVI faire une cote mal taillée « faire un compte en gros, et s’accorder facilement » e (OUD.) • tomber d’accord ■ XVII avoir affaire à quelqu’un être en rapport avec quelqu’un • s’entendre comme larrons en foire « être en grande intelligence ; mais toujours en mauvaise part » (FUR.) • de concert après s’être « concerté », avoir pris une décision commune « Soit d’hasard, soit de concert, Boufflers alla le même lendemain chez Mme de Maintenon, où les portes lui étoient toujours ouvertes, et y e ■ d. XVII faire bon ménage s’accorder bien ensemble ◪ 1606 tous frappés à un même coin il s’agit du coin (poinçon) dont on frappait les pièces de monnaie e ■ m. XVII 1638 être en bonne intelligence avec ◪ 1640 toucher à quelqu’un « estre allié, appartenir » (OUD.) • dos à dos « qui sont accordez, qui ne plaident plus » (OUD.) • les bons comptes font les bons amis « qu’il faut compter souvent, et s’accorder » (OUD.) • nouer la partie avec quelqu’un conclure, contracter, résoudre • être à pot et à feu (à pot et à rôt) avec quelqu’un « avoir un commerce d’amitié, vivre familièrement avec lui » (DELV.) • ils accordent bien leurs vielles ils sont en intelligence • deux têtes dans un bonnet (chaperon) deux personnes qui s’entendent fort bien entre elles • arrêter un marché conclure • un bon dégoûté « un bon compagnon » (OUD.) • ils accordent bien leurs flûtes ils sont en intelligence • à l’amiable « pacifiquement, doucement » (OUD.) • la paille d’entre-deux d’accord • tenir compagnie trouva le Maréchal de Tessé », SAINT-SIMON e accompagner ■ f. XVII se donner le mot il s’agit à l’origine du « mot du guet », donné chaque soir à la compagnie de garde dans une ville – le mot de passe • comme un seul homme ◪ 1690 être faufilés ensemble « deux personnes qui sont toujours ensemble, et liées d’amitié ou d’intérêt » (FUR.) • les deux font la paire « deux personnes ensemble qui ont les mêmes qualités, et qui sont e bien appariées, mais on n’en use guère qu’en mauvaise part » (FUR.) ■ m. XVIII 1740 se mettre à l’unisson « Quoi qu’il en coûte, on doit se mettre à l’unisson,/Et tout sacrifier pour avoir le bon ton », BOISSY, Les Dehors e f. XVIII 1792 être du même bord « Quelqu’autre jeanfoutre de la Convention […], et qui sera de e leur bord, proposera de revenir au premier chant de matines […] », HÉBERT, 1792 ■ XIX accorder ses violons se mettre d’accord ensemble pour tenir les mêmes propos dans une affaire, coordonner les actions e ■ d. XIX 1821 manger à la même écuelle avoir des intérêts communs • passez-moi la casse, je vous passerai le séné « faisons-nous des concessions mutuelles ; donnons-nous des avantages mutuels » (REY-CHANT.) ; la casse et le séné étaient des éléments particulièrement familiers à l’ancienne pharmacopée, surtout pour la préparation des lavements – il est probable que la e connotation première, et ironique, de cette locution (au XVIII siècle ?) a été « aidons-nous à nous e soulager mutuellement le ventre » ■ m. XIX fumer le calumet de la paix se réconcilier ◪ 1842 être ensemble comme Robin et Marion c’est-à-dire en parfaite intelligence ◪ 1865 se mettre au diapason imiter l’humeur ou les manières de la société dans laquelle on se trouve, pour faire trompeurs, 1740 ■ plaisir ou pour ne pas se faire remarquer. Vient de l’usage du diapason dans les salons où l’on chantait en duo « M. Turq se met à rire aux éclats, sa femme l’imite, et comme cela dure longtemps, les deux jeunes gens jugent convenable d’en faire autant, afin de se mettre au diapason de la famille Turq », P. DE KOCK, Une grappe de groseille, e ■ f. XIX trouver un modus vivendi c’est-à-dire une « manière de vivre », un terrain d’entente provisoire, alors qu’un désaccord subsiste • mettre les choses au point trouver un accord, en précisant certains éléments, en détaillant une façon de procéder, en trouvant une solution à des e divergences, etc. ◪ 1881 être dans la note ■ d. XX faire ami-ami • avoir partie liée avec quelqu’un • être en famille avec des personnes que l’on connaît bien ou dont on partage les intérêts ou les réactions « Je n’ai jamais peur dans nos grandes réunions, comme vous dites. Un lien subtil et invisible 1865 renoue les uns aux autres. Fût-on cinq mille, six mille, on est en famille », SÉVERINE, Causerie à l’Odéon concernant la chanson de Paris, 1905 ◪ 1914 faire bloc « Comme un des trois docteurs s’irrite, Me Atlas se fâche, et, de sa voix de géant qui n’est pas toujours bon, quand son cas s’embarrasse : Le devoir du docteur est de répondre ! Il a ses responsabilités ! L’accusée n’en a ◪ 1920 la paix sociale le bon accord entre les classes, par opposition à La Guerre sociale – titre d’un périodique « subversif » du e début du XX siècle ; cent ans plus tard, il ne s’agit plus d’accord : l’expression est désormais utilisée par les gouvernants et dirigeants pour qualifier l’utilité des aides (stages, formations diverses, etc.) apportées aux plus démunis – « ça ne sert à rien, ça ne leur donne pas de travail, mais ça les occupe ; ça garantit la paix sociale » –, celle-ci étant donc juste devenue l’absence de révolte « Ne pas ! […] Le malheur est que ces trois médecins font bloc », R. BENJAMIN, Le Palais, 1914 vous en faites pas, patron ! dit Amadou. C’est notre intérêt commun et réciproque de ne pas répandre des conversations… qui, e si elles restent entre nous, peuvent aider la paix sociale », R. BENJAMIN, Amadou, bolcheviste, 1920 ■ m. XX c’est OK c’est d’accord • faire copain-copain • passe-moi la moutarde, je te passerai le sel phrase qui symbolise des échanges de bons procédés abusifs entre deux personnes, ou deux partis, qui monopolisent ainsi l’activité, le pouvoir, etc. ; altération dérisoire de passez-moi la casse, je vous passerai le séné e ■ f.XVI qui a compagnon a maître « en une partie un compagnon ne peut rien faire sans e l’adveu de l’autre » (OUD.) ■ m. XVII 1640 le denier à Dieu « une pièce que l’on donne pour arrester un marché » (OUD.) • il faut hurler avec les loups « il se faut accommoder aux personnes e avec lesquelles on se rencontre » (OUD.) ■ f. XVII 1690 aller de conserve « se dit des vaisseaux qui vont en mer de compagnie pour se défendre, s’escorter et se secourir » (FUR.) • qui a bon voisin a e bon matin la tranquillité d’un homme dépend en partie de son voisin ■ m. XIX 1842 les corbeaux ne crèvent pas les yeux aux corbeaux les gens de la même espèce ne se nuisent pas entre eux • il est plus difficile d’accorder les philosophes que les horloges • dis-moi qui tu fréquentes et je te e dirai qui tu es ■ m. XX la trêve des confiseurs l’arrêt momentané des hostilités de la vie politique pendant les fêtes de fin d’année, où les traiteurs et les confiseurs règnent en maîtres sur la vie sociale DISCORDE mésentente, dissension, différend e e ■ XVI être amis comme le chien et le chat ■ d.XVI mettre le feu aux étoupes « allumer de la dissension » (OUD.) « eh ben, c’étoit la robinaille qui envoyoit sa valetaille, sans faire semblant de rien, débaucher nos hommes et nos enfans, et mettre de cette manière le feu aux étoupes », Cahier des plaintes et doléances des dames de la e e ■ m. XVI faire bande à part se séparer des autres ■ f. XVI rompre (briser) la paille « dissoudre l’amitié, rompre la bonne intelligence » (OUD.) • querelle d’Allemand « fondée sur peu de sujet », dit OUDIN, qui développe : « il m’a fait une querelle d’Allemand : il a tasché de se mettre mal avec moy sans occasion ; il a pris un sujet assez léger pour m’offenser » ; mais OUDIN écrit également : « facile à estre appaisée », ce qui ne semble pas être toujours le cas, cf. « un capitaine normand […] fust attaqué d’une querelle d’Alemant par le seigneur Do et les siens, et tué sur le champ » (P. DE L’ESTOILE, Mémoires-Journaux, v. 1575) ; en 1808, DHAUTEL note l’évolution du sens : il s’agit toujours d’une querelle sans sujet, mais déclenchée « sous le seul prétexte de se e débarrasser de quelqu’un qui est à charge » ■ XVII jeter de l’huile sur le feu on trouve « comme e qui jetterait de l’huile dedans un feu » dans Francion (1623) ■ d. XVII il y a du mauvais ménage de la dissension ◪ 1616 semer la zizanie la zizanie étant la mauvaise herbe, l’ivraie des Évangiles, d’où le sens de discorde « Malheureux sont ceux qui sèment la zizanie dans une famille, dans une communauté, parmi les e peuples », FURETIÈRE, 1690 ■ m. XVII 1638 en mauvaise intelligence ◪ 1640 faire deux lits « estre en dissension, ou en divorce » (OUD.) • il me veut mettre mal avec vous « il me veut faire entrer en dissension » (OUD.) • cet homme a chié dans ma malle « j’ai rompu tout commerce avec lui, je ne m’y veux plus fier après ce qu’il m’a fait » (FUR.) • être aux épées et aux couteaux « en grande querelle ou dissension » (OUD.) • ils ont quelque chose à démêler ils ont quelque différend • ils s’accordent comme chiens et chats • il faut mettre une barre entre eux deux comme aux méchants chevaux cela se dit lorsque deux personnes s’accordent mal • semer de l’ivraie de la dissension • rompre avec quelqu’un se séparer • ils font des querelles sur la pointe d’une aiguille pour peu de sujet • des piques des noises ou dissensions • il y a de la merde au bâton « il y a quelque deffaut, quelque mauvaise intelligence, ou action » (OUD.) • c’est un bon apôtre « un bon compagnon, par ironie » (OUD.) • tirer au bâton « disputer une chose avec opiniastreté » (OUD.) • on ne peut durer à lui « on ne se peut accorder avec luy, il est fascheux » (OUD.) • il est e mal avec lui en dissension • être en Castille ■ f. XVII 1690 elles ne mangeront pas un minot de sel ensemble deux personnes de différente humeur qui s’associent ; un minot de Paris représente 3 e environ 0,035 m – c’est dire si ces personnes ne s’aiment pas ! ■ XIX être en bisbille être brouillés • s’entendre comme chien et chat • il aura affaire à moi en guise de menace à l’égard de quelqu’un « Trois mois de prison, je vous demande un peu ! Et dire qu’il a fini son temps et qu’on va le remettre en liberté ! e mais il va avoir affaire à moi ! », A. ALLAIS, L’Affaire Blaireau, 1899 ■ m. XIX 1835 tirer à hue et à dia « Puis, qu’il y ait Halle, 1789 de l’entente, que les uns ne tirent pas à hue, les autres à dia ! D’autant plus que s’il n’y a pas de solidarité entre les bons ◪ 1842 avoir castille avec quelqu’un « dans le langage familier, signifie un différend, une petite querelle » (QUIT.) ◪ 1867 être en délicatesse avec quelqu’un « être presque brouillé avec lui ; l’accueillir avec froideur » e (DELV.) ■ d. XX il y a de l’eau dans le gaz l’atmosphère est à la dispute. L’expression repose sur un incident technique précis dans la distribution du gaz de ville. Le gaz de houille utilisé dans les années 1920 était chargé d’une forte quantité de vapeur d’eau. La condensation créait des poches bougres, c’est eux qui en supportent les conséquences », Le Père Peinard, 1889 d’eau qui obstruaient fréquemment les canalisations en plomb ; chaque immeuble était d’ailleurs muni de siphons permettant de purger les tuyaux lorsque le gaz n’arrivait plus. L’irrégularité dans l’arrivée du gaz aux réchauds des ménagères se traduisait par une flamme orangée, annonciatrice de coupures inopinées. Il y avait de l’eau dans le gaz ! Source de mauvaise humeur, et certainement de disputes dans les ménages lorsque le repas n’avait pu être préparé à temps – d’où la métaphore, qui signifie que « rien de va plus » ! • chercher des noises réfection moderne e de chercher noise, probablement sous l’influence de chercher des crosses ■ m. XX ça va chier des e bulles ! ■ f. XX foutre la zone semer la pagaille • ramasser les morceaux tenter de réparer les dégâts après un vif désaccord, aux conséquences importantes e ■ f. XVI pomme de discorde • ne demander que plaies et « figurément de ces esprits malins e qui ne cherchent qu’à faire naître des querelles » dit Furetière à la fin du XVII siècle, donnant comme expression complète : « il est comme le chirurgien, il ne demande que plaies et bosses » ; e au XVI siècle, l’expression cite plaisamment les barbiers, qui étaient encore chargés de soigner les petites blessures ; cf. : « les gouverneurs des villes et places, tant roiaux qu’autres, qui ne demandoient que plaie et bosse, comme les barbiers » (P. de L’Estoile, Mémoires-Journaux, e v. 1575) ; au XVIII siècle, la tournure de l’expression devient plus couramment ne chercher que e plaies et bosses ■ f. XVII 1690 le diable est bien aux vaches « quand il est arrivé quelque sujet de e querelle qui fait bien du bruit dans la maison » (FUR.) ■ m. XIX faire battre des montagnes semer la discorde là où elle est la plus inattendue ◪ 1842 avocat du diable expression « qu’on applique à quelqu’un qui parle en faveur des vices, qui soutient des opinions contraires aux doctrines de la e foi » (QUIT.) ■ f. XIX 1894 brouille de canailles ne dure pas « c’est ce que me disait ma mère, e quand j’étais brouillé avec le chat » (LYON) ■ m. XX 1945 rideau de fer formule inventée par Churchill (iron curtain), dans un télégramme daté du 12 mai 1945, pour exprimer la coupure qui, selon lui, existe désormais entre l’est et l’ouest de l’Europe DÉSACCORD ET DISPUTES querelle, chamaillerie, conflit, brouille e ■ m. XVI tenir tête « disputer contre une personne avec opiniastreté » (OUD.) • se prendre de e paroles ■ m. XVII chercher noise « cela n’est pas d’une bonne cousine. Si je cherchais noise, vous m’auriez fourni en cet endroit un beau sujet de garder contre vous quelque chose sur mon cœur », SÉVIGNÉ, 1670 • avoir maille à partir « maille, petite monnoye de cuivre valant la moitié d’un denier ». Partir signifie « partager ». Avoir maille à partir signifie donc « un partage difficile, voire impossible, à faire », d’où l’idée de querelle, de désaccord. La première forme était maille à départir « Pourquoi ne serais-tu pas député ? Tu viendrais en aide à ton pays, d’abord, et à ton ami ensuite. Je m’explique. Voici ce qui aura lieu si tu ne te présentes pas. À ta place, le comité mettra un niais avec lequel j’ai déjà eu maille à partir. Je ne puis guère appuyer sa candidature », REBELL, La 1640 nous n’avons garde de nous mordre « nous sommes fort esloignez de nous accorder » (OUD.) • se bander contre quelqu’un se déclarer ennemi ou contraire • je ne me Câlineuse, 1898 ◪ chausse pas à son point « je ne suis pas de mesme humeur, de mesme volonté, de mesme nature » (OUD.) • un chercheur de midi « un impertinent. Item, un larron, un querelleux » (OUD.) • avoir des prises • se manger le blanc des yeux « ils se disputent ou crient à toute heure, ils sont e toujours en dissension » (OUD.) ■ f. XVII 1690 prêter le collet à quelqu’un « lui tenir tête en toutes sortes de disputes et contestations » (FUR.) • être toujours appointés contraires « se contredire toujours, lors qu’on est de différentes opinions et de différents intérêts » (FUR.) • ajustez vos flûtes « se dit à des musiciens dont les instruments ne sont pas d’accord, ou à des gens qui ont ensemble quelque contestation » (FUR.) • l’un veut du mou, l’autre veut du dur gens qui se contrarient • faire la vie à quelqu’un « burlesquement des réprimandes et querelles domestiques qui se font avec grand bruit. Quand cet homme a été au cabaret, sa femme lui a fait une belle vie, une terrible vie » (FUR.) • repousser (renvoyer) l’esteuf « répliquer vertement, repousser une injure qu’on a soufferte, par une plus forte » (FUR.) • avoir de grosses paroles avec quelqu’un se mettre en état de le quereller « Dans le temps que messieurs les procureurs déclamaient devant monsieur le juge la cause de leur partie, monsieur le curé et monsieur Gruvel, procureur fiscal, ont eu ensemble un petit démêlé, de là ils en sont e une bordée d’injures les bordées, par e assimilation aux salves des canons à bord d’un navire, sont, dès la fin du XVII siècle, de belles engueulades « C’étoit le seul homme qui l’eût subjugué, qui ne lui passoit rien, et qui lui lâchoit quelquefois des bordées e effroyables, sans que Monsieur le Duc osât souffler », SAINT-SIMON ■ m. XVIII laver son linge sale en famille se disputer et régler ses différends au sein du groupe, sans mêler aucun témoin extérieur. Napoléon e avait fait sa devise de : « C’est en famille qu’on lave son linge sale » ■ f. XVIII le torchon brûle (à la maison) « se dit de deux amants qui se boudent, ou de deux amis qui sont sur le point de se fâcher » (DELV.). Jeu de mots probable avec torchon, violence : les coups ne sont pas loin ; ils brûlent, au sens « tout près, tout près » ? « Je ne suis plus son Jujule,/Son chou, son rat, son trognon ;/L’torchon e brûle à la maison », DALÈS ■ d. XIX 1828 ne pas l’entendre de cette oreille « J’offre au cabaretier deux francs venus à de grosses paroles », Chronologiette de Pierre Prion, 1754 ■ XVIII cinquante centimes, tout en lui promettant de lui apporter le surplus le lendemain ; mais il ne l’entend pas de cette oreille-là », e VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ m. XIX prise de bec « Entendez-vous son organe ? Elle a une prise de bec avec Angelina », Les 1842 disputer sur la pointe d’une aiguille « c’est-à-dire sur une chose qui n’en vaut pas la peine, sur la moindre bagatelle » (QUIT.) ◪ 1867 marcher sur le pied « chercher querelle à quelqu’un, – une querelle d’Allemand ; saisir le moindre prétexte pour se fâcher » (DELV.) • avoir des mots avec quelqu’un se fâcher avec lui « En rentrant du bal avec ton amant, vous avez eu des mots, et il t’a flanquée à la porte », MONTÉPIN • il y a de l’oignon « on va se fâcher, on est sur le point de se battre, – Étudiants, 1860 ◪ e par conséquent de pleurer » (DELV.) ■ f. XIX se bouffer le nez • ça a chié « J’aime pas me faire rembarrer devant le môme. Je lui ai filé un coup de pied, mais le sien a glissé du frein. On est rentrés dans le cul d’une bagnole qui était devant. Oh, là, j’aime autant te dire que ça a chié ! », BERROYER, Je vieillis bien, 1983 • il y a de l’orage dans l’air ◪ 1881 chercher des crosses chercher la querelle ◪ 1883 avoir des petits pois à écosser e ensemble avoir des démêlés avec quelqu’un. Dans les pièces du théâtre de foire du XVIII siècle, les e poissardes écossant ensemble les pois passent leur temps à se disputer ■ d. XX porter le pet locution précédée de « aller au pet, porter plainte, faire un esclandre (1847) » et de « furer du pet, chercher chicane (1928) » (ESNAULT) « Les voisins portent le pet quand il joue trop avec les poignées des gaz. Les • s’engueuler comme du poisson pourri • je t’en foutrai s’emploie pour marquer son désaccord et son mécontentement, avec une reprise partielle des propos de l’interlocuteur « Il a appelé le vieux : poulets se ramènent, justement la moto c’était de la fauche, ils la cherchaient », BERROYER, J’ai beaucoup souffert, 1981 “Padre ! Padre !” qu’il faisait dans la nuit. Je t’en foutrai, enfant de garce, du padre ! », J. BLANC, Le Temps des hommes, 1948 • s’empailler (sur quelque chose) se disputer fortement ◪ 1904 tourner au vinaigre tourner à la grave dispute ; dans Le Père Duchesne, en 1791, HÉBERT parle de tourner notre vin en vinaigre, pour dire « gâcher la situation » ; par ailleurs, la vinaigrette est une correction « L’autre élève le ton ; ça tourne au vinaigre ; la moutarde nous monte au nez », A. PAJOL, Restaurant fin-de-siècle, 1904 ◪ 1926 faire des étincelles e ■ m. XX il y a de l’électricité dans l’air il y a une tension extrême entre les personnes, une dispute, un éclat peuvent survenir à tout moment – cela risque de faire des étincelles « Laura, assise sagement à l’arrière de la voiture s’agite, mal à l’aise. Quand il y a de l’électricité dans l’air, elle déteste être prise à témoin », M.-F. HANS, Du côté de la vie, 1990 • on ne va pas y passer la nuit pour manifester son impatience face à la lenteur e de quelque chose, en particulier d’une discussion qui se perd en chipotages ■ f. XX too much « en anglais : trop. On dit trop ou too much, indifféremment » (MERLE) Et quand c’est trop, c’est trop… La version anglaise semble déjà hors d’usage ; mais trop est très couramment utilisé • règlement de comptes à OK Corral en référence au western portant ce titre, se dit par plaisanterie quand deux personnes s’engueulent violemment, se disent leurs quatre vérités • se friter s’engueuler violemment ; on est rapidement passé des coups physiques aux coups verbaux e ■ m. XVII 1640 chien hargneux a toujours l’oreille déchirée « il arrive toujours quelque accident aux gens querelleurs » (OUD.) • mettre une personne en tête « opposer une personne e e pour disputer, etc. » (OUD.) ■ f. XVII 1690 avoir la pince bonne chicaneur ■ XIX querelles de clocher au sens propre : entre gens de villages voisins, pour des motifs purement locaux. Se dit de disputes à l’intérieur d’un même parti, d’une même secte, qui ont des causes minimes et de peu e d’intérêt ■ m. XIX 1842 c’est le couplet des procureurs « c’est-à-dire une invective simulée, une gronderie qui n’a rien de sérieux, une plaisanterie d’usage et sans conséquence. Allusion à la conduite des procureurs qui se disputent vivement pour les droits de leurs clients, quand ils sont à l’audience ; mais qui, au sortir de là, ne se souviennent plus de leur feinte colère et se retirent comme de bons amis, en se donnant le bras » (QUIT.) CONFIANCE créance, foi, fiabilité, crédit, assurance e ■ XIV acheter chat en poche c’est-à-dire sans regarder, sans vérifier ; poche avait anciennement le sens de « sac », il a toujours ce sens en Occitanie « je crus ce qu’elle m’en disoit après l’avoir bien regardé ; car la méfiance est la mère de sûreté, et l’on ne doit jamais acheter chat en poche ; enfin elle avoit raison, e ■ f. XV à crédit sur la croyance, la foi de ; en confiance. Cf. « Nous croyons, jugeons, agissons, vivons et e mourrons à crédit, selon que l’usage public nous apprend » (CHARRON, De la sagesse, XVI ). Notons n’y a rien de tel que d’acheter de bonnes marchandises ; quand on paye bien, faut être servie », Les Écosseuses, 1739 que cette phrase, citée par LITTRÉ, a pu donner à CÉLINE l’idée de son titre Mort à crédit « Ceux qui gouvernoient ledit roy appellerent en cour, en authorité et à crédit [en confiance] ledit duc de Lorraine pour en avoir part et aide », COMMYNES, Mémoires sur Louis XI, f. XVe ■ e m. XVI se reposer sur quelqu’un s’appuyer sur lui, lui faire e confiance « reposez-vous-en sur moi : asseurez vous en sur ma parole, j’en auray le soin », OUDIN ■ f. XVI se fier sur une planche pourrie « se fier sur une fortune ou une espérance qui n’est pas trop bien fondée » e (FUR.) ■ f. XVII 1690 faire fonds sur quelqu’un « s’assurer sur sa parole, sur sa bonne foi ; en être assuré » (FUR.) • à yeux clos « aveuglément et sans examiner les choses. Je me confie tant en vous, que je signerai tout ce que vous m’enverrez à yeux clos » (FUR.) • venir la gueule enfarinée « c’est-à-dire dans l’espérance d’obtenir ce qu’on désire, avec une sotte confiance, e inconsidérément » (QUIT.) ■ m. XIX 1857 un vote de confiance une approbation aveugle donnée par avance à un projet dont on ignore les détails, par assimilation aux votes des députés « après un coup d’œil négligent sur la carte, il approuva la commande. C’était ce qu’on appelle un vote de confiance, car il ignorait ◪ 1867 être dans les petits papiers de quelqu’un avoir sa confiance, son affection • sentir le coude à gauche « avoir confiance en e soi et dans l’amitié de ses camarades ; se sentir appuyé, soutenu, encouragé, etc. » (DELV.) ■ f. XIX e les yeux fermés en toute confiance ■ d. XX être en famille avec des personnes que l’on connaît bien ou dont on partage les intérêts ou les réactions « Je n’ai jamais peur dans nos grandes réunions, comme absolument ce qu’il allait manger », H. MURGER, Les Vacances de Camille, 1857 vous dites. Un lien subtil et invisible renoue les uns aux autres. Fût-on cinq mille, six mille, on est en famille », SÉVERINE, Causerie à l’Odéon concernant la chanson de Paris, 1905 ◪ 1916 s’amener comme une fleur sans prévenir, en étant sûr que l’on sera bien reçu e ■ f. XV j’t’en crois pour marquer sa confiance dans ce que dit quelqu’un ou pour approuver e ses propos ■ m. XVII 1640 laissez faire à Georges, c’est un homme d’âge « proverbe fait du temps du cardinal “George” d’Amboise, ministre d’État : quand on parlait des affaires publiques, on disait : “laissez faire à George, c’est un homme d’âge” : il s’en fallait rapporter à sa bonne e conduite et à sa grande intelligence » (FUR.) ■ d. XIX on lui donnerait le bon Dieu sans confession « elles n’avaient que des vertus, il leur aurait donné le bon Dieu sans confession », VIDOCQ, Mémoires, 1828 MÉFIANCE suspicion, défiance, doute e ■ f. XVI comme (de) la peste l’expression se rencontre avec différents verbes : éviter comme la peste, se garder comme de la peste, fuir comme la peste. Il s’agit dans tous les cas de se méfier au plus haut point, se garder d’une personne que l’on estime dangereuse ou nocive ; dans le même ordre d’idées, Hébert, en 1792, donne la variante redouter comme la gale « Bonsoir, mon pauvre ami ; gardons-nous de ces gens-là [les médecins] comme de la peste ; pour moi, je suis bien déterminée à ne mourir que de ma main », MME DE SABRAN, Journal, 1787 • sujet à caution dont il faut se méfier ; « “tout ce qu’il dit est sujet à caution” : grand hâbleur qui ment souvent : ce qui se dit au propre de ceux qui paraissent beaucoup par leur train et leur dépense et qui n’ont aucun bien pour se soutenir, ni pour payer ce qu’ils prennent à crédit ; “homme sujet à caution” : il est sujet à mentir, dérober, tromper » (FUR.) e « Les promesses des amoureux sont trop sujettes à caution pour s’y fier que de bonne sorte », Les Ramoneurs, 1624 ■ XVII être sur le qui-vive « constamment sur le qui-vive, elle n’est pas moins circonspecte dans ses paroles que dans ses e démarches », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ d. XVII ◪ 1606 un averti en vaut deux « un homme qui est sur ses gardes est dangereux à attaquer » (FUR.) « Cependant de peu d’inconvénient, je m’en vais en advertir ces messieurs e qu’ils y prennent garde. Un adverti en vaut deux » C. DE PLAIX, Le Passe-par-tout des Pères Jésuites, 1606 ■ m. XVII 1640 gens de delà l’eau « dangereux, à qui l’on ne se doit pas fier » (OUD.) • il y a de la merde au bâton « il y a quelque deffaut, quelque mauvaise intelligence, ou action » (OUD.) • regarder de près prendre garde fort exactement • prendre garde à « Mme FRANGEOT : Pour moi, je ne m’y fierais pas ; car il y a une de mes amies qui m’a dit qu’il faut bien y prendre garde ; elle prétend qu’il semble qu’ils aient chacun cinq ou six mains, on les trouve toujours partout », CARMONTELLE, Les Voisins et les Voisines, v. 1770 • il y a de l’oignon « il y a quelque mal caché, quelque chose qui ne va pas bien » (OUD.) • je sais de vos nouvelles « je sçay de quelle nature vous estes, je vous connois. J’ay appris les mauvaises actions que vous avez faites » (OUD.) • entrez, il ne vous mangera pas « il n’est pas si mauvais ou si fort en colère que vous le croyez » (OUD.) • il y a bien des si beaucoup de choses à dire ou à considérer • il n’y a point de fiat il ne s’y faut pas fier • il y a anguille sous roche « il y a quelque chose de captieux dans une affaire qu’on e nous propose » (FUR.) ■ f. XVII 1690 je ne prendrai pas de vos almanachs « votre conseil sur l’avenir, vos prédictions ne sont pas sûres » (FUR.) • la mariée est trop belle « quand on se défie e d’une affaire qu’on propose, parce qu’on y voit trop d’avantages » (FUR.) ■ d. XVIII se tenir sur ses gardes « Depuis qu’on savait que j’étais blessé, les soldats étaient continuellement à la quête pour me chercher dans les e métairies. Je ne l’ignorais pas. Aussi me tenais-je sur mes gardes », Journaux camisards, 1730 ■ m. XVIII y regarder à e deux fois il semble que ce soit une forme superlative de y regarder de près ■ XIX se la donner « Pour relever une affaire, par exemple, faut être bien sapé […] si les gens te voient en costume, ils se la donnent pas du tout. Mais si t’es là avec tes cheveux longs, ton blouson et des yeux gros comme ça en train de regarder les bijoux, ils vont dire : Tsss, tsss ! Celui-là, y a quelque chose qui est pas clair », Paroles de bandits, 1976 • trop poli pour être honnête il faut se méfier des gens trop serviables, trop polis, qui cachent peut-être par là de mauvaises intentions e ■ d. XIX se courir « se méfier (Vidocq). De l’ancien verbe se courir : se couvrir, se protéger » (LARCH.) • comme on connaît ses saints, on les honore on se méfie des gens que l’on sait être e fourbes ou dangereux ■ m. XIX pas très catholique « L’assassin avait été arrêté. […] On ne sait plus à qui se fier ! – Il me paraissait pas très catholique, fit Ernest », J. BLANC, Confusion des peines, 1943 ◪ 1842 il y a du gnac « c’est-à-dire quelque chose de suspect dont il faut se défier » (QUIT.) • la défiance est mère de sûreté « c’est-à-dire qu’il faut toujours être sur ses gardes pour éviter d’être trompé » (QUIT.) • il y a là-dessous de la gabegie « c’est-à-dire quelque intrigue, quelque manège, quelque artifice dont il faut se défier » (QUIT.) ◪ 1867 donnez-la ! méfiez-vous • faire des ragoûts « éveiller des soupçons » (DELV.) • se forger des idées « concevoir des soupçons sur la fidélité d’une femme » e (DELV.) ■ f. XIX ne pas savoir si c’est du lard ou du cochon il s’agit peut-être d’une variation parodique et paysanne de ni chair ni poisson, jouant sur l’absurde « Les prolos et les galonnards en étaient e comme des tomates ; ils ne savaient plus si c’était du lard ou du cochon », Le Père Peinard, 1900 ■ f. XX ça craint faut se méfier • pas clair fait ou personne devant inspirer la méfiance • pas net idem • il y a un loup il convient de se méfier car la situation présente un aspect louche, peu clair, quelque chose qui ne convient pas ; vient peut-être du loup qui, au théâtre, signifie « moment de flottement », ou du loup qui, dans l’argot des typographes, signifie « absence de texte, solution de continuité dans la copie » (DELVAU, 1883) e ■ m. XVII 1640 chat échaudé craint l’eau froide « quand on a été attrapé en quelque chose, on craint tout ce qui a l’apparence d’une nouvelle surprise » (QUIT.) • compère, je me fie à vous « l’autre respond compère, c’est folie à vous. Qu’il ne faut pas toujours fier à ceux de sa connoissance » (OUD.) • signez-vous, vous voyez le méchant « vous avez un mauvais compagnon devant vous. L’allusion est au mot de meschant qui signifie le diable parmy le vulgaire » (OUD.) • si je me chargeais de lui, je me chargerais de bois vert « j’entreprendrois un affaire pour un fol » (OUD.) • soufflez-moi dans l’œil « cela se dit à un valet qui retourne de la cave, pour sçavoir s’il e n’a point beu de vin » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il faut se méfier de ces animaux qui ont deux trous sous la queue femelles • il n’y a pire eau que l’eau qui dort « il faut se méfier des sournois et e mélancoliques » (FUR.) • il faut se garder des gens qui n’ont rien à perdre ■ f. XVIII 1781 nage toujours et ne t’y fie pas invite à la méfiance, à ne pas se faire trop d’illusions « Mme du Vivier s’oppose seule à l’exécution de ce projet, mais je ne veux pas la quitter et je crois sans blesser la délicatesse, pouvoir profiter de l’amitié qu’elle a pour moi et j’ose dire qu’elle me doit. Elle m’a promis de m’en donner des marques, sur tout cela, nage toujours et ne e t’y fie pas », FLORIAN, Lettres…, 30 avril 1781 ■ d. XIX l’enfer est pavé de bonnes intentions COURAGE bravoure, cran, énergie, fermeté e e ■ m. XVI à tête baissée courageusement ■ f. XVI 1574 mettre le cœur au ventre à quelqu’un « lui faire prendre courage, l’exciter à faire quelque action vigoureuse » (FUR.). Il ne s’agit pas d’une erreur anatomique : ventre a longtemps désigné l’ensemble thorax et abdomen contenant les entrailles : cœur, poumon, foie, etc. Avoir le cœur au ventre, c’est donc avoir le cœur bien e e placé ■ XVII se battre comme un lion • avoir vu le loup ■ d. XVII 1611 brave comme l’épée qu’il e porte fort vaillant • vaillant comme son épée fort brave ■ m. XVII 1640 reprendre cœur reprendre courage • avoir du sang aux ongles « avoir du courage et bien savoir se défendre » (FUR.) • un richard sans peur un homme hardi • il a monté sur l’ours « il n’est pas homme qui s’espouvente facilement » (OUD.) • avoir le cœur en bon lieu • sentir son cœur avoir du ressentiment et du courage • branler comme la Bastille ne pas avoir peur • le cœur bien assis, la e cervelle bien assise « estre courageux, et judicieux » (OUD.) ■ f. XVII 1690 c’est un diamant sous les marteaux « homme ferme et constant, qui résiste aux persécutions. Par une vieille erreur populaire qui a fait croire qu’un diamant ne peut être brisé par les marteaux ; ce qui est si faux qu’un orfèvre en cassera autant qu’on voudra » (FUR.) • être hardi comme un lion • avoir (mettre) le feu sous le ventre à quelqu’un « lui faire prendre courage, l’exciter à faire quelque action vigoureuse » (FUR.) • marcher (aller) la tête levée « hardiment et sans rien craindre ; il ne e craint aucun reproche » (FUR.) • être un lion brave et courageux ■ XVIII avoir du sang dans les veines « Bande de lâches, vous pouvez nous fusiller, fainéants que vous êtes, mais cela ne nous empêchera pas d’emmener e cette fripouille. Avancez si vous avez encore un peu de sang dans les veines », E. CORSY, La Médaille de mort, 1905 ■ f. XVIII avoir du poil au cul comme souvent, cul reste sous-entendu et est remplacé par un autre mot, cf. « Anglais, craignez tous ce luron,/La faridondaine, la faridondon,/Il aura du poil au… sourcil/Biribi ! » (La Capitulation de YorkTown, 1781) ◪ 1793 être à poil résolu « Des bougres à poil, e e ■ XIX avoir du coffre ■ d. XIX 1808 dur à cuire « homme insensible à la douleur, physique ou morale » (DELV.) « Eh bien ! sergent, qu’avez-vous donc ! je vous croyais un dur à cuire », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ◪ 1826 n’avoir pas froid aux yeux « être courageux. Les lâches déterminés à vivre libres ou mourir », HÉBERT, 1793 e pleurent et le froid fait pleurer » (LARCH.) « Ces gaillards-là n’auront pas froid aux yeux », Rienzi, 1826 ■ m. XIX c’est un bon « c’est un homme solide, à toute épreuve » (LARCH.) « Ce sont des bons. Ils feront désormais le service avec vous », CHENU ◪ 1836 avoir du poil au cœur « avoir du courage. Le poil est un insigne de virilité. Le plus souvent cœur est remplacé par un autre mot qui a la même lettre initiale » (LARCH.) « Quoi ! dit-il, ta valeur lassée !… Popule, as-tu du poil au cœur ? », A. LAGARDE, Le Bonhomme Popule, 1836 ◪ 1867 se monter la tête « se donner un courage factice, soit en buvant, soit en se répétant les outrages qu’on a subis et dont on veut tirer raison » (DELV.) • avoir du poil du courage • être d’attaque « être solide, montrer du sang-froid, du courage, de la résolution dans une affaire » (DELV.) • ne pas se moucher sur sa manche « être hardi, résolu, expérient, “malin” » (DELV.) • bon cheval de e trompette homme qui ne s’effraie pas aisément ■ f. XIX 1875 être à la redresse « des gars bien, un peu retors à la négociation, mais des gars à la redresse, ancienne école, code de l’honneur, Lino Ventura, tout ça… », A. GUYARD, La ◪ 1894 avoir du poil aux dents « se dit d’un brave qui ne commence à trembler que e lorsqu’il voit sa tête à quinze pas devant lui » (LYON) ■ d. XX avoir des couilles au cul • n’écouter que son courage • avoir du cran « Ces grands seigneurs d’autrefois, la plupart morts à la guerre ou en duel, avaient du cran », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Félix Faure, 1925 • serrer les dents se préparer à faire front à une situation douloureuse • avoir le cœur bien accroché e e ■ XII aux armes ! ce que l’on se dit pour se donner du courage ■ XVIII tête froide, cœur e chaud avoir à la fois sang-froid et courage ■ m. XIX 1842 si le diable sortait de l’enfer pour se battre, il se présenterait aussitôt un Français pour accepter le défi Zonzon, 2011 PEUR alarme, effroi, épouvante, frayeur, terreur, affolement, frousse, pétoche, trouille, appréhension, crainte e e ■ XII mourir de peur ■ m. XVI plus mort que vif « L’individu arrêté, plus mort que vif, comprenant que cet instant allait décider de sa vie, se mit à pousser des cris de terreur effrayants », E. CORSY, La Médaille de mort, 1905 • il est e de bas or, il craint la touche « il a peur d’estre battu » (OUD.) ■ m. XVII 1640 on lui boucherait le derrière d’un grain de millet « poltron qui a peur » (FUR.) • battre le tambour avec les dents • chier dans ses chausses de peur « estre extrêmement espouvanté » (OUD.). • il l’a eu belle « il a eu grand’peur » (OUD.) • trembler comme la feuille ou une feuille, les feuilles… être e « extrêmement espouvanté » (OUD.) À partir du XVIII siècle, l’expression signifie toujours le plus souvent trembler de peur, mais le tremblement peut être dû à une autre émotion forte « Le 10 et le 11 dudit mois, les sieurs Champagne, Rébuffat et Jacques, second fils de ce dernier, ont eu ensemble de grands démêlés. Tout le monde, surtout les femmes et filles, tremblaient pire que les feuilles de la forêt de la Garenne. La peur, la crainte et l’effroi a • avoir peur de son ombre s’épouvanter de rien • le cul me fait lappe lappe j’ai grand-peur • le cul lui fait tif taf il a grand peur, il tremble de peur • pisser de peur avoir grand-peur • avoir la fièvre • e les fesses lui font taf taf il tremble de peur • le cœur lui bat ■ f. XVII 1690 il se fourrerait volontiers dans un trou poltron qui a peur • tout lui fait ombre tout lui nuit, tout lui fait peur • on e le ferait cacher dans un trou de souris homme qui a bien peur ■ XVIII avoir chaud aux fesses • trembler comme un lapin la citation de la Chronologiette, ci-dessus, contient peut-être un jeu de mots (les feuilles de la forêt de la Garenne) qui forme donc une double entente entre trembler e comme une feuille et trembler comme un lapin (de Garenne) ■ XVIII ne pas se le faire dire deux e fois ■ d. XVIII battre la générale avec les dents la générale est une batterie de tambour pour annoncer le rassemblement « enfin donc, tant y a que la peur me prit si bien, que je battois la générale avec les dents ; e oh ! dame, on auroit peur à moins, je vous en réponds », Les Écosseuses, 1739 ■ m. XVIII 1751 avoir la venette avoir une grande peur, une vive alarme ; probablement de vener, forme populaire de vesser (selon LAROUSSE), et donc l’équivalent de avoir la foire, la trouille, etc. On peut penser aussi à un mot fantaisiste désignant les allers et venues de celui qui a la colique – même chose que la courante été très grande au moment qu’on a vu mettre les armes blanches au vent », Chronologiette de Pierre Prion, 1749 « et si on vous eût mouché là, dites ! Tous les grivois en avient la venette ; car vous êtes aimé, vous ! Et morguienne, vous, monsigneur, vous équiez-là d’un beau sang-froid, pas vrai ? et tandis que je tremblions tous pour vous », COLLÉ, Journal historique, août 1751 ■ f. XVIII e être pâle comme un navet sous l’effet de la peur « – Dites-moi, Benoît, ce qui vous a fait peur ? – Peur ! Oh ! j’ai pas eu peur, monseigneur !… j’ai seulement été étonné, v’là tout ! – Il ment comme un tireur de dents ! s’écrie mamzelle Cheval ; il avait si ben eu peur, que le lendemain, en nous disant ça, il était encore pâle comme un e e croire sa dernière heure arrivée ■ d. XIX rentrer dans un trou de souris • avoir le trac d’abord sous la forme avoir la tracque (1830) – désigne une peur violente –, probablement de trac, tremblement : « Exprime le bruit d’une chose qui se remue avec e violence » (FUR.). Au XIX siècle, on parle du trac de la guillotine, etc. – cf. BRUANT : « J’veux pas e qu’on dise que j’ai eu l’trac/De la lunette » (v. 1900). À partir des premières années du XX siècle, même si elle continue à être utilisée par tout un chacun – cf. « ANDRÉE : Peut-être ( on sonne). On a sonné. Ce sont eux (elle écoute). – BELVAL : Déjà ! – ANDRÉE : Non, c’est un fournisseur. – BELVAL : Je respire… j’ai eu un trac… » (M. du VEUZIT et R. NUNÈS, Le Sentier, 1907-08) –, l’expression semble s’être spécialisée dans l’appréhension particulière que les comédiens, les chanteurs éprouvent avant d’entrer en scène « LE PIANISTE : Vous n’avez pas le trac, je suppose ? – LOUISE : Je l’ai toujours, le trac, et je crois navet », P. DE KOCK, La Maison blanche, 1828 ■ XIX bien que je l’aurai toute ma vie. Dieu sait si nous devrions être cuirassés, nous autres. Les débuts, ça nous connaît ! Eh bien, non, c’est chaque fois la même frousse ! Tenez, touchez mes mains, croyez-vous qu’elles sont froides ! », M. ARGUILLIÈRE, La Grande Famille, 1905 • avoir la chair de poule « il arrive à Paris une nuée de gens qui, il n’y a pas soixante ans, n’auraient même pas osé parlé de ce terrible voyage sans avoir la chair de poule », VIDOCQ, Le Paravoleur, 1830 • se faire un monstre de « s’effrayer d’une chose qui n’a rien d’effrayant » (LANDAIS) ■ m. e XIX avoir la colique ◪ 1858 avoir la frousse « Leur acte n’est guère qu’une foutaise, eh bien, sacré pétard, il a foutu une frousse du diable à tous les galonnés », Le Père Peinard, 1890 ◪ 1866 ne pas en mener large « avoir peur, se faire humble et petit » (DELV.) « Il n’en mène pas large en ce moment, la barbe rousse ! murmura l’orateur des voyous pour ◪ 1867 avoir froid aux yeux « avoir peur » (DELV.) • avoir le taf • avoir la foire • caner « avoir peur, s’enfuir, faire la e cane ou le chien » (DELV.) ■ f. XIX avoir les grelots sans doute un jeu de mots sur grelotter de e peur ; l’image est ancienne : au XVI siècle, on disait trembler le grelot pour « trembler de froid, de peur » « La première fois qu’on va au feu, il est permis d’avoir les grelots, mais jamais d’en jouer un air [de s’enfuir] », SAINÉAN, 1915 • avoir les colombins « la colombine est la fiente du pigeon » (L YON) • avoir la cagade la cagada, du verbe cagar, chier, est tout simplement la chiasse – avoir la cagade est donc un équivalent exact de avoir la trouille « Qué que ça nous fout que les républicains huppés aient la cagade ? Ce n’est pas leur situation que nous défendons », Le Père Peinard, 1898 • avoir la chiasse « C’est égal, si j’étais un gas qu’a le sac, au lieu d’être cette vieille savate de vieux que je suis, j’aurais rien la chiasse ! », Le Père Peinard, 1892 • se faire un monde qui la gredinerie de Cœurderoy ne faisait pas un pli », A. DELVAU, Le Grand et le Petit Trottoir, 1866 e de ◪ 1872 avoir les foies au début du XIX siècle, on disait avoir les foies blancs « Salaud ! Y tourne des mirettes !/Ah ! on m’y r’prendra eune aut’fois/à voyager comme eun’galette/avec un garçon qu’a les foies ! », J. RICTUS, Le ◪ 1877 avoir une peur bleue ◪ 1891 avoir la trouille « Mais les crapules de richards e commencent à avoir la trouille », Le Père Peinard, 1893 ■ d. XX serrer les miches • les avoir en pince coupante avoir les fesses terriblement serrées par la peur « Le môme il n’était pas fier, quoi, il les avait un peu Cœur populaire, v. 1900 • ne bander que d’une • jouer des castagnettes ◪ 1910 avoir les grolles trembler de peur ◪ 1916 avoir les flubes de fluber, trembler. Équivalent de avoir les grelots. D’abord sous la forme le flub : « De quoi ? de quoi ? Monsieur a le flub ? Monsieur veut se trotter ? » (G. DARIEN, Biribi, 1888), puis le flube : « La fille, pas rassurée, continua : “Si tu l’as décollé, nous allons être emboucanés, j’ai le flube que nous nous fassions épingler ici. Décarrons le plus tôt possible” » (E. CORSY, La Médaille de mort, 1905) • avoir les jetons relevé d’abord dans l’infanterie coloniale ; G. ESNAULT fait dériver l’expression de jeter de la dysenterie (Alger, 1905) au sens où « le cheval jette des crottins » • avoir les chocottes à partir de chocotte, dent (1887). On trouve également : « Chocotter, trembler de peur, “claquer des dents” (1936) » (ESNAULT) « Alors ? en pince coupante », La Mâle Parole, 1975 que je lui ai fait. Qu’est-ce que c’est que cette histoire-là ? Ça me fout les chocottes à la fin. Tu vas bien finir par m’expliquer ce que c’est ? », J. MECKERT, Les Coups, 1942 ◪ 1917 avoir les copeaux « Elle avait un genre plutôt éculé. Une candidate- épave. Fallait voir l’œil crochu que lui faisait l’homme du zinc. À croire qu’il avait les copeaux qu’elle parte sans payer », GUÉRIN, e ■ m. XX perdre les pédales on trouve précédemment : « Quitter les pédales, être décontenancé, perdre son assurance (1911) » (ESNAULT) « On nous apprend à rester calme, à faire le tour des L’Apprenti, 1946 problèmes et à décider vite et juste. Or, dans le cas présent, je perdais complètement les pédales », F. DARD, L’Homme de • avoir la pétoche « Ma meilleure arme pour qu’il se tienne à carreau, c’était la trouille. Je faisais tout pour lui foutre les jetons et ça m’était relativement facile, vu que moi aussi j’avais la pétoche », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 • chier dans son froc • trembler dans sa culotte • avoir le trouillomètre à zéro « Il en est pas encore au l’avenue, 1962 stade du froc souillé. Simplement le trouillomètre à zéro. Jacques estime que c’est insuffisant et lui tire une balle dans le pied », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 • avoir les joyeuses qui font bravo les joyeuses désignent les testicules « Oh ! dis-donc, t’aurais vu mon Jaune d’œuf [surnom d’un camarade], dis-donc, il avait les joyeuses qui faisaient bravo, et tout ça. Il est reparti, il était tout pâle », La Mâle Parole, 1975 • avoir la trouille au cul « Lui ne peut rien faire si elles ne sont pas d’accord. Il enrage, il a la trouille au cul, et il a rudement raison, moi aussi je devrais l’avoir, la trouille au cul, je l’aurais si j’avais un peu plus les pieds sur terre au lieu de planer dans les extases des premières amours », CAVANNA, Les Russkoffs, 1979 e ■ f. XX être une chochotte de l’idée de personne un peu maniérée, qui fait la délicate (et d’homme efféminé, d’homosexuel), on est passé à celle de personne qui s’effraie d’un rien, qui a peur de tout, d’une piqûre comme d’une araignée ; la proximité de son de chocotte a dû jouer dans l’apparition de ce sens dérivé e ■ d. XVII il ne faut jamais trembler qu’on ne voie sa tête à ses pieds « il ne faut point avoir e peur sans sujet » (OUD.) ■ m. XVII 1640 tel menace qui a grand-peur « cecy se dit à un qui est poltron, et qui fait des menaces ou rodomontades » (OUD.) • craindre la harpe avoir peur d’être pris • il faut le faire monter sur l’ours « à un enfant qui a peur ; d’un homme qui a peur, comme e on fait des enfants » (FUR.) ■ f. XVII 1690 tel menace qui tremble « celui qui menace a souvent e plus peur que celui qu’il menace ; à un fanfaron » (FUR.) ■ f. XVIII avoir plus de peur que de mal « Le régisseur du théâtre, témoin de leur accident, s’est empressé de descendre avec un médecin, afin de leur faire donner tous les secours nécessaires ; mais les deux amis avaient eu plus de peur que de mal », P. e DE KOCK, La Pucelle de Belleville, 1834 e ■ XIX la peur donne des ailes ■ m. XIX 1842 il a vu la mariée « expression qu’on applique à quelqu’un qui a été troublé par une fausse alerte. On demande à ceux qui arrivent à la hâte de la découverte en témoignant de la frayeur, “s’ils ont vu la mariée” » (QUIT.) FAIRE PEUR e e ■ m. XVI faire dresser les cheveux en (sur) la tête ■ m. XVII 1640 battre le chien devant le lion « corriger une personne en présence de l’autre, pour luy donner de la crainte » (OUD.) • la donner bien chaude « donner bien de l’appréhension » (OUD.). On peut penser que la désigne la e sueur ■ f. XVII 1675 glacer le sang dans les veines « Vous devez penser, cher monsieur, si tout cela faisait grandir en moi un sentiment de terreur indicible : j’ai pourtant toujours été brave, mais cette fois le sentiment de mon impuissance en face du scalpel scrutateur me figeait le sang dans les veines, c’est le cas de le dire », VIBERT, Pour lire en e ◪ 1690 faire suer un homme faire une grande peur ■ XVIII donner des sueurs e froides ■ f. XVIII faire trembler la volaille par ironie ; l’expression apparaît sous la plume de e Rabelais, mais ne semble pas s’être répandue avant la fin du XVIII siècle « Les volontaires que l’on automobile, 1901 raille,/Lorsqu’ils sont rangés en bataille,/Ont pourtant un air, une taille,/À faire trembler la volaille », Journal de la cour et de la e ville, 1792 ■ d. panique « l’obscurité augmente sa terreur et celle de Baisemon ; le trot mesuré du cheval de Doudoux retentit XIX tourner les sens l’idée est que les sens chavirent sous l’emprise de la peur continuellement à leurs oreilles, et pour leur tourner les sens, Godibert se met à siffler un pas redoublé. – Monsieur, entendezvous le sifflet ? dit Grilloie d’une voix tremblante », P. DE KOCK, La Pucelle de Belleville, 1834 ■ m. e XIX 1867 coquer le e taf • faire une souleur à quelqu’un • coller le taf ■ f. XIX foutre la chiasse « N’importe, c’est un petiot commencement : primo, c’est des bons exemples ; deuxiémo, ça donne de l’espoir aux prolos qui voient qu’on n’est pas tous ça fout la chiasse aux grosses légumes », Le Père Peinard, 1892 • foutre la trouille « Seul’ment ces cris-là m’fout’nt la trouille ;/Ça m’occasionn’ des idées noires », J. RICTUS, Les Soliloques du pauvre, 1897 • avachis ; troisiémo, donner froid aux os « Ces souvenirs donnent froid aux os ; l’on songe avec terreur à cet amas de guenilles humaines qu’on va voir secouées, tout à l’heure, par le vent affreux de la folie », J. VALLÈS, Le Tableau de Paris, 1882 • faire froid dans le dos terrifier au plus haut point ; souvent parce qu’un caractère sadique se manifeste dans e ce qui a été dit ou fait ■ d. XX foutre les jetons « J’te cause pas d’Lenouif ! C’est lui qui me fout les jetons. Y m’espionne. L’espionne tout l’monde. Des yeux d’fouine qu’il a ce mec. Pas franc pour un rond », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 e ■ m. XVII 1640 le filourdi « mot composé de fil ourdy, dont on fait peur aux petits enfans, le commun peuple dit, le filourdy est derrière luy, qui s’entend de la chemise » (OUD.) • faire la peur tout entière « une peur qui est suivie du mal » (OUD.) • on a toujours peur d’une bête « cela se dit à un qui veut nous faire peur » (OUD.) INQUIÉTUDE agitation, angoisse, souci, tourment, émoi, tracas e ■ XVII être sur le qui-vive « constamment sur le qui-vive, elle n’est pas moins circonspecte dans ses paroles que e dans ses démarches », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ m. XVII 1640 être logé chez Guillot le songeur « il a quelque méchante affaire qui le rend pensif, ou sujet de rêver profondément aux moyens d’en sortir » (FUR.) • être en cervelle • on connaît à ses yeux que sa tête n’est pas cuite « qu’il a quelque fascherie, etc. » (OUD.) • il a peur que terre lui faille « il craint sans sujet qu’il luy manque e quelque chose » (OUD.) ■ f. XVII 1690 mettre (tenir) quelqu’un en cervelle « le mettre en peine, en inquiétude, qu’on lui a fait espérer quelque chose dont il attend impatiemment le succès » (FUR.) • sa tête donne bien du mal à ses pieds homme inquiet • aller et venir comme pois en pot e il est inquiet, il fait plusieurs allées et venues ■ d. XVIII rire jaune « [Chamillard était] très entêté, très e opiniâtre, riant jaune avec une douce compassion à qui opposait des raisons aux siennes », SAINT-SIMON ■ m. XVIII 1740 e être sur le gril ■ f. XVIII 1792 manger du fromage « éprouver un dépit secret, s’impatienter, être extrêmement contrarié, sans pouvoir faire éclater son mécontentement » (DHAUTEL) « Quelle joie, quel plaisir de lui voir manger du fromage, lorsqu’on vint lui annoncer que le chef de ses mouchards était arrêté », HÉBERT, 1792 ◪ 1793 se mettre la cervelle à l’envers se tourmenter à propos de quelque chose ; tourner la e e cervelle est fréquent au XVII siècle et on trouve renverser la cervelle au XVIII « Le poètreau qui voulait gagner un habit noir, se mettait la cervelle à l’envers pour rimailler en l’honneur de tous les talons rouges [les nobles] », HÉBERT, e e ■ XIX tourner comme un ours en cage ■ d. XIX être aux cent coups extrêmement inquiet, agité « Hotot n’y était pas, et la rivale de Félicité était aux cent coups, ses yeux s’échappaient de leur orbite, ses lèvres se 1793 couvraient d’écume ; elle pleurait, elle fulminait, c’était une épileptique, une énergumène », VIDOCQ, Mémoires, 1828 e ■ m. XIX être chiffonné inquiet, contrarié ◪ 1867 jeter un froid « commettre une incongruité parlée, dire une inconvenance, faire une proposition ridicule qui arrête la gaieté et met tout le e monde sur ses gardes » (DELV.) ■ f. XIX s’en faire une montagne par allusion probable à une fable de LA FONTAINE où un souriceau prend des taupinières pour des montagnes « il trouvait son petit truc pratique, expéditif !… c’est tout !… comme moi je trouve mon style pratique, expéditif, certes ! c’est tout !… et que j’en démords pas ! tudieu ! qu’il est le très simple, expéditif… oh ! mais que c’est tout !… j’en fais pas pour ça des montagnes ! • se faire des cheveux l’expression ne paraît pas une simple ellipse de cheveux blancs. Le sens s’est j’aurais de quoi vivre, je serais pas forcé, je le garderais pour moi !… pardi !… », CÉLINE, D’un château l’autre, 1957 probablement croisé avec celui de cheveu, tourment. Cf. « Cheveu, Inquiétude, souci aussi tourmentant qu’un cheveu dans le gosier » (LARCH.) « Tous ne prennent pas la chose aussi placidement : y en a qui se font des cheveux, se rongent le sang. Ils ne rêvent qu’à une chose, la liberté ! », Le Père Peinard, 1889 • numéroter ses abattis afin de pouvoir les retrouver après le combat. On trouve les abattis canailles (1867) pour « des pieds et des mains massifs et plébéiens » (DELV.) « À leur place, je ◪ 1883 se faire de la bile faire de la bile est e considéré au XVII siècle comme un signe pathologique, une façon de rendre son sang mauvais. Cf. « Je m’arrête donc à vous conjurer, si je vous suis un peu chère, d’avoir un soin extrême de votre santé. Amusez vous, ne rêvez point creux, ne faites point de bile, conduisez votre grossesse à bon port » (SÉVIGNÉ, 1671). Cependant l’expression actuelle n’apparaît au sens de « se faire du e souci », « s’inquiéter », qu’au dernier tiers du XIX siècle dans le langage familier « Leur république est en numéroterais mes abattis, nom de dieu ! », Le Père Peinard, 1892 péril et ces jean-foutre ne se font pas plus de bile que s’il s’agissait d’un coup d’État en Patagonie », Le Père Peinard, 1898 ◪ 1899 se faire de la mousse « Tu vois mon lingu’ ? N’te fais pas d’mousse ;/avant d’crever ton amoureux,/j’lard’rai ta e bell’ petit’ frimousse ;/comm’ ça… tu f’ras pus d’malheureux ! », J. RICTUS, Le Cœur populaire, v. 1900 ■ d. XX être sur les e e dents de la fin du XVI siècle au début du XX , l’expression signifiait « être fatigué, épuisé, sur les genoux ». Le sens actuel, « agité, actif ou inquiet », ne semble pas antérieur au premier tiers du e XX siècle « Les dimanches où la famille du vétérinaire venait à Claquebue, celle d’Honoré était sur les dents depuis quatre e heures du matin », M. AYMÉ, La Jument verte, 1933 ■ m. XX se mettre la rate au court-bouillon « se tracasser, se faire du mauvais sang, se donner de la peine » (BERNET et RÉZEAU) • s’emmerder la bite en chiant grossièreté qui constitue une simple expansion de s’emmerder, au sens de « rencontrer des difficultés » ou « se tourmenter » ◪ 1948 se faire du mouron réfection de se faire des cheveux ; mouron signifie « poil » dès 1878. Cf., pour la calvitie, il n’a plus de mouron sur la cage « Mais il s’en faisait, Pierrot, il se faisait un mouron du diable. C’est pas qu’il avait peur de mourir, faut tout de même e pas pousser. Non, il paniquait seulement pour ses couilles, et il était furax », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 ■ f. XX flipper dans ses santiags « les choses ne se présentent pas sous les meilleurs auspices » (MERLE). L’expression semble déjà n’être plus usitée. On dit simplement « flipper » – le terme est apparu en France vers 1975, dans le milieu de la drogue (to flip), pour dire « perdre la boule sous l’effet de la drogue » ; il a immédiatement pris le sens plus général d’« être angoissé » • ne pas en mener large dans ses creepers idem ; le sens de l’expression est moins fort que celui contenu dans ne pas en mener large, qui exprime vraiment la peur. Les creepers sont des chaussures à large semelle de crêpe et à boucle e e ■ XV endurer et souffrir tout comme un vieil ours emmuselé ■ XVII à Dieu ne plaise ! e ■ m. XX guerre des nerfs affaissement du moral de l’ennemi par l’attente, l’intimidation, etc. S’est e appliqué à la dernière guerre ■ f. XX t’inquiète ! « abréviation hyperfréquente de ne t’inquiète pas ! T’inquiète, j’assure ! (ne te fais aucun souci, je m’en charge) » (MERLE) TOURMENTS e ■ XIV avoir la puce à l’oreille à l’origine, signifie être tourmenté, torturé par quelque chose : « estre dans quelque appréhension ; avoir quelque affaire qui nous sollicite » (OUD.) « Charles en fist telle joie, ne fist mais la peroille [Charles en conçut une joie jamais égalée] : Mais encore en aura telle puce en l’oroille, Dont il aura peour de perdre corps et terre », GIRART DE ROSSILON, e XIV ■ m. XVI e ronger le sang « COLINET. Vous estiez-vous pas devisé/À présent de melencolie ? – LE MARY. Et c’est je ne sçay quel folye/Qui à la fin le sang me ronge », Farce, in Ancien théâtre français, m. XVI e e ■ XVII mourir à petit feu « Ne me fay plus mourir à petit feu avec des reproches, et me tire e seulement de ce bourbier, si tu veux te tirer de celui de la pauvreté », Les Ramoneurs, 1624 • avoir du tracas ■ m. XVII 1640 il se démène comme un procureur qui se meurt il se remue, il se tourmente fort • être en purgatoire extrêmement tourmenté ou mal traité • faire manger des poires d’angoisse donner de la peine à une personne • ballotter une personne « tourmenter, l’envoyer de l’un à l’autre » e (OUD.) • servir de fléau tourmenter ■ f. XVII 1690 compter les heures « homme qui est dans une grande impatience, une grande affliction, qui souffre beaucoup de douleur » (FUR.) • se gratter l’oreille « avoir quelque chagrin qui inquiète, peine à se souvenir de quelque chose » (FUR.) • j’aimerais autant être en galère (tirer la rame) je suis misérable, je souffre beaucoup • faire son purgatoire en ce monde personne qui a souffert beaucoup de douleurs • avoir du tintouin « tintouin, se dit aussi figurément et bassement, d’une inquiétude d’esprit. La nouvelle de cette banqueroute donne bien du tintouin à ceux qui y sont interessez » (FUR.) • avoir martel en tête « il e a quelque chose qui lui donne du souci, du chagrin, de l’inquiétude, de la jalousie » (FUR.) ■ XVIII se taper la tête contre les murs • se faire du mauvais sang bien qu’attestée seulement au e XVIII siècle dans son sens purement métaphorique, l’expression apparaît très tôt – comme la croyance que le tourment et la colère gâtent le sang. Cf. « Dame, vous m’avez fait trois grans desplaisirs et courroux, se je puis vous ne me ferez mie le quart ; et je sçay bien que ce vous a fait faire mauvais sang : il vous convient saignier » (Le Ménagier de Paris, 1393) « Il attend dix minutes, vingt minutes, une demi-heure, une heure, d’abord il s’impatiente, puis il se fait du mauvais sang, ensuite il s’inquiète, enfin viennent les soupçons et les grandes alarmes », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ d. XVIII e se mettre martel en tête « À la fin, pourtant, cela me mit martel en tête, de sorte que je me suis mis à les espionner pendant longtemps, sans rien voir de ce que disoit mamselle Douceur, que je vis bien qu’elle n’étoit qu’une bavarde », CAYLUS, Histoire de M. Guillaume, 1740 ■ f. XVIII e e manger son sang ■ d. XIX se manger les sangs « Fleuriot se désespérait, il jurait, il tempêtait du matin au soir ; du soir au matin il était dans un véritable accès de rage ; tous les hommes de l’équipage, suivant une expression fort usitée parmi les gens du peuple, se mangeaient les sangs », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ m. e XIX faire tourner les sangs ◪ 1842 le supplice de Tantale « Alors, entourés de gens qui mangeaient, suffoqués par les émanations de nourritures, le comte et la comtesse de Bréville, ainsi que M. et Mme Carré-Lamadon, souffrirent ce supplice odieux qui a gardé le nom de • quand il dort, le diable le berce « mot proverbial dont on se sert en parlant d’un homme inquiet, impatient, malicieux, qui ne songe qu’à tourmenter les autres, et qui se tourmente lui-même » (QUIT.) ◪ 1867 avoir quelque chose dans le casaquin « être inquiet, tourmenté par un projet ou par la maladie » (DELV.) • se faire du potin « se faire du e mauvais sang, s’impatienter à propos de médisance ou d’autre chose » (DELV.) ■ f. XIX se faire un sang d’encre c’est-à-dire « noir » – du mauvais sang • se ronger les sangs variante de se manger e ■ d. XX supplice chinois • en baver « Dans les brancards, je tirais comme un percheron, tout content d’en baver et Tantale », MAUPASSANT, Boule-de-Suif, 1880 e de sentir ma force », CAVANNA, Les Russkoffs, 1979 ■ m. XX en chier, en chier des bulles • en baver des ronds de chapeau sous l’influence de en baver, en chier des bulles, etc., cette métaphore de l’émerveillement a fini par désigner la souffrance d’un effort épuisant e ■ m. XVII 1640 je sais où le soulier me blesse je sens mon mal mieux que personne • il n’y a que l’âne qui sent où le bât le blesse « celuy qui souffre sent son mal ou dommage » (OUD.) JALOUSIE e e ■ XVI jaloux comme un tigre ■ f. XVI 1579 être rongé par le ver (de la jalousie) « Il faut que je croie qu’elle se soit pourvue d’un nouvel amant. Et voilà le ver qui me ronge et me rend très malheureux », LARIVEY, Le Fidèle, e e ■ d. XVII il en est jaloux comme un coquin de sa besace fort jaloux, il l’aime fort ■ m. XVII 1640 la maladie des femmes la jalousie • avoir froid aux pieds « estre jaloux » (OUD.) • avoir mal e à la tête • rabat-joie « un mary jaloux ou de mauvaise humeur » (OUD.) ■ m. XIX 1867 se forger e des idées « concevoir des soupçons sur la fidélité d’une femme » (DELV.) ■ m. XX jaloux comme un pou probablement sur le modèle de fier comme un pou, duquel avaient déjà dérivé vexé comme un pou, moche comme un pou – comme un pou étant ainsi devenu peu à peu équivalent de comme tout, d’une idée de maximum 1579 COLÈRE courroux, emportement, irritation, exaspération, fureur, rage, furie, rogne e e e ■ XII écumer de rage ■ XVI avoir le feu à la tête ■ m. XVI quelle mouche vous a piqué ? e « qui est-ce qui vous choque ? pourquoi vous mettez-vous en colère ? » (FUR.) ■ XVII devenir chèvre • prendre la mouche « On dit aussi, Prendre la mouche ; pour dire, se piquer, se fâcher sans sujet et mal à propos », FURETIÈRE, 1690 • monter sur ses grands chevaux « parler en colère et d’un ton hautain » (FUR.) « Je vous loue, mon cousin, de n’être point monté sur vos grands chevaux pour vous plaindre du maréchal d’Estrées », SÉVIGNÉ, 1681 • hors de ses gonds « J’en dirai un trait, entre mille, qui, parti d’un excellent principe, mit le Roi hors de ses gonds et révolta toute la cour deux ou trois ans auparavant », SAINT-SIMON • faire le diable à quatre « homme e furieux et emporté tant dans sa colère que dans la poursuite de quelque chose » (FUR.) ■ d. XVII froncer le sourcil « tesmoigner de la colère ou du mescontentement, faire une mine rude » (OUD.) e ■ m. XVII 1640 décharger sa colère la passer • crever (dans ses habits) • la couleur lui monte au visage • votre chien mord-il encore ? « estes vous encore mauvais, ou en colère » (OUD.) • la lune est sur bourbon • se donner de la tête contre le mur « estre en une extrême colère ou désespoir » (OUD.) • il rompra tout si on ne le marie « cela se dit en riant d’un homme qui est en colère » (OUD.) • dire les patenôtres du singe « claquer des dents, de colère ou autrement ; gronder, grommeler » (OUD.) • crever dans ses panneaux être en une extrême colère • regarder noir regarder d’un œil plein de colère • se mordre les pouces être fort en colère • se manger les doigts être en grande colère • fumer de colère • moitié figues, moitié raisins « à demy en colère, sans trop tesmoigner son altération » (OUD.) • jeter son feu passer ou décharger sa colère • n’être pas à soi être transporté de colère • s’emporter « se laisser transporter de sa colère ou autre passion » (OUD.) • se mordre les doigts être en grande colère • passer sa colère ◪ 1649 e casser sa pipe crever de rage ■ f. XVII 1690 jeter feu et flamme contre quelqu’un « être fort en colère, invectiver fort contre lui » (FUR.) « Aussi Rebel et Francœur jettent-ils feu et flamme. Ils disent que tout est perdu, qu’ils sont ruinés », DIDEROT, Le Neveu de Rameau, v. 1774 • écumer comme un verrat • monter sur ses ergots (argots) « menacer, être en colère, parler audacieusement aux autres et impétueusement » (FUR.) • prendre le mors (frein) aux dents « faire quelque escapade, il s’est emporté comme font les chevaux qui ne se laissent pas gouverner par la bride ; aussi de ceux qui sont revenus de leur emportement et qui s’appliquent à leur devoir. S’emporter en toute licence : on le dit aussi en un sens contraire et en bonne part : revenir d’un grand emportement et s’appliquer fortement à l’étude, à sa profession » (FUR.) • avoir le cœur gros avoir le cœur plein de dépit ou de colère • le feu lui est monté au visage il s’est mis en colère • se mettre aux champs e s’emporter de colère ■ XVIII se tenir à quatre se contenir tout en enrageant, ne pas oser éclater e ■ f. XVIII lâcher les cataractes • se manger les pouces être en rage « MLLE PATIN : Je ne sais ce qui me fera le plus de plaisir, d’épouser le Chevalier, ou de désespérer Monsieur Serrefort. – LISETTE : La bonne personne ! – MLLE PATIN : Il se mangerait les pouces de rage », DANCOURT, Le Chevalier à la mode, 1778 ◪ 1784 se fâcher tout rouge « Un marchand de bœufs de l’Antakara est venu l’autre jour m’offrir une jolie commission. Je me suis fâché tout rouge », REBELL, La Câlineuse, 1898 ◪ 1794 la barbe lui en fume il est très dépité, « bouillant » de colère « François, l’Autrichien s’aperçoit, mais trop tard, de la faute qu’il a faite, d’avoir tiré sa rapière contre les Républicains ; la barbe lui en fume et à bon droit : il voit ses escadrons enfoncés et poursuivis de toutes parts », Les Casse-Gueules, 1794 ■ m. e XIX voir rouge ■ e XIX la rage au cœur « Ils ont peur de la justice. Puis, la misère rend toujours lâche. Ils ne voient pas rouge, ils rient jaune », J. VALLÈS, Le Tableau de Paris, 1882 • avoir les yeux qui sortent de la tête • la trouver mauvaise ◪ 1842 faire l’olibrius « s’applique assez souvent à quelqu’un qui fait le méchant, le furieux » (QUIT.) ◪ 1867 être à genoux devant sa patience « se contenir tout en enrageant, ne pas oser éclater » (DELV.) • traiter du haut en bas « parler à quelqu’un avec colère, – et même avec mépris » (DELV.) • avoir la chèvre • il n’y a pas de bon Dieu « phrase elliptique de l’argot du peuple, qui ne sent pas le fagot autant qu’on pourrait le croire au premier abord ; elle signifie simplement, dans la bouche de l’homme le plus en colère : “Malgré tout, je ferai ce que je veux faire, rien ne m’arrêtera” » (DELV.) • se manger le blanc des yeux « se dit de deux personnes qui e se regardent avec colère, comme prêtes à se jeter l’une sur l’autre et à se dévorer » (DELV.) ■ f. XIX 1872 avoir son bœuf • colère bleue « colère violente, […] allusion à la teinte que les sentiments excessifs amènent sur les figures sanguines » (LARCH.) « Il les laisserait ! Puis, à Paris, en ne les trouvant plus, colère bleue ; et c’est moi qui aurais tort, moi qui ne m’occuperais de rien !… », R. BENJAMIN, Le Pacha, 1911 ◪ 1894 fumer e (sa pipe) être mécontent, rager en dedans ■ d. XX 1901 se cailler le sang se mettre en colère à s’en faire tourner le sang, in ESNAULT ◪ 1902 je l’aurais bouffé ! quand quelqu’un nous a énervé au plus haut point, a fini par nous mettre en colère « Il venait d’apprendre, je ne sais comment, que j’étais native d’Orléans et il ne tarissait pas […]. Et cela continua un bon quart d’heure. Le mufle était remonté ; toujours il retombait sur la pucelle, toujours il retournait à Orléans. Je l’aurais bouffé ! », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ◪ 1918 l’avoir sec « il sortait pas de sa réflexion… il était assez marrant avec son énorme crâne… mais Laval le trouvait pas si amusant !… même il e 1926 être en pétard ■ m. XX prendre le mors aux dents par attraction de prendre la mouche, le sens de l’expression tend à évoluer vers la susceptibilité, l’agitation sourcilleuse « ADRIANO : Écoutez, franchement, je ne trouve pas… – PAOLA : Comme vous commençait à l’avoir sec ! », CÉLINE, D’un château l’autre, 1957 ◪ prenez le mors aux dents tout de suite ! », A. ROUSSIN, La Coquine, 1961 • piquer sa crise ◪ 1936 se cailler rager, in e ESNAULT ■ f. XX avoir les glandes l’expression désigne les glandes du cou, gonflées par la colère ; elle s’accompagnait à l’origine d’un geste démonstratif • piquer son bœuf piquer sa crise « Belle victoire à retardement pour Yvette, qui a bien eu raison de ne pas piquer son bœuf, car ces messieurs de la famille sont d’un susceptible » Le Canard enchaîné, octobre 1982 • avoir les abeilles « “[…] si tu veux, tu peux m’en parler. Ça te soulagerait.” Et il a posé sa main avec une bagouze en fer-blanc au pouce sur mon épaule. Sa main, sur mon épaule. D’un coup, j’ai eu les abeilles », A. GuYARD, La Zonzon, 2011 ◪ 1985 le glandomètre au maximum « Cécelle sourit jaune. Badette sourit blanche. Et moi j’ai le rat de la colère en travers du larynx. Le glandomètre au maximum. “Arrête tes vannes Mandrax ! j’lance abruptement. (À Cécelle :) Tu vois pas qu’y s’fout de toi. Merde, dis kêk chose !” », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 e ■ XV que diable fais-tu ? que diable veux-tu ? « qui sert d’interrogation estant en colère » e (OUD.) ■ m. XVII 1640 je tuerais un mercier pour un peigne « homme fort emporté de colère, ou en mauvaise humeur » (FUR.) • bran de la bête et de celui qui me l’a vendue « imprécation pour qui nous desplaist ou nous sert mal » (OUD.) • le jeu se tournera en merde après avoir bien joué, on se mettra en colère • cent ans ce n’est guère, mais jamais c’est beaucoup « cela se dit à une personne, qui asseure estant en colère de ne retourner jamais en un lieu » (OUD.) • foin de la bête et de celui qui me l’a vendue « c’est une sorte d’imprécation estant en colère » (OUD.) • le sang lui est monté au visage il a rougi de colère ou de honte • se fâcher contre son ventre ne point manger par colère • si je croyais mon courage « si je me laissois emporter à ma colère ou passion » (OUD.) • la chanson de Montélimar « le reste est assez entendu du vulgaire, il suffit de dire que l’on se sert de ce quolibet estant en colère » (OUD.) ; nous ne connaissons pas « le reste », avis aux lecteurs ! (note des auteurs) • je tuerais un peigne pour un mercier « quolibet renversé, e pour dire que l’on est fort en colère » (OUD.) ■ f. XVII 1690 mettre des armes entre les mains d’un furieux « d’un homme en colère ; figurément de ce qu’on peut fournir à quelqu’un qui peut lui aider à nuire aux autres. Louer un satirique, c’est mettre des armes entre les mains d’un furieux » (FUR.) • je voudrais être au centre de la terre « en colère, je voudrais être bien loin ou bien caché » (FUR.) • apaiser comme les enfants avec une pomme à ceux qui ne tiennent pas leur e e colère ■ XIX la colère est mauvaise conseillère ■ m. XIX 1842 l’eau échauffée prend plus vite la gelée « proverbe employé figurément pour signifier que la trop grande ardeur qu’on met à faire une chose est sujette à se refroidir bien vite, ou que le caractère le plus prompt à se livrer à l’emportement est aussi le plus prompt à en revenir » (QUIT.) • qui se fâche a tort « on n’a recours aux invectives que quand on manque de preuves. Entre deux controversistes, il y a cent à parier contre un que celui qui aura tort se fâchera » (QUIT.) • la colère se passe en disant l’alphabet « la réflexion est le meilleur moyen pour réprimer les premiers mouvements de cette passion impétueuse » (QUIT.) SE METTRE EN COLÈRE e ■ XVI prendre la chèvre « se fâcher, se mettre en colère légèrement » (FUR.) « Prenez que la raison e ■ XVII décharger sa bile • mettre le feu aux poudres se mettre en colère, déclencher un scandale, faire éclater une situation déplaisante « Les clients, il s’en foutait. La Direction, il l’envoyait sur les roses. Il fallait qu’il lui eût mis de l’eau dans son vin ou que son amitié d’autrefois fût fâchée d’avoir pris la chèvre », VADÉ, 1744 éclate. Il attendait seulement que le Petit Père mette le feu aux poudres, tendu, fébrile, agissant dans une sorte d’état second », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • être colère « adjectivation traditionnelle du parler faubourien entrée dans l’usage branché » (MERLE) • décharger sa rate « […] Il faut qu’enfin j’éclate,/Que je lève le masque et décharge ma rate », MOLIÈRE, Les Femmes savantes, 1668 • avoir le sang chaud se mettre facilement en colère e ■ m. XVII 1640 avoir des chaleurs de foie des mouvements de colère, des promptitudes • s’échauffer dans son harnais se mettre en colère • se mettre en colère « se fascher » (OUD.) • combattre son ombre se mettre en colère sans occasion • avoir (la) tête chaude « estre coléric » (OUD.) • avoir la tête près du bonnet « se mettre facilement en colère, s’emporter » (FUR.) • la moutarde me monte au nez « il commence à s’impatienter, à se fâcher » (FÉRAUD) « L’autre élève le ton ; ça tourne au vinaigre ; la moutarde nous monte au nez », A. PAJOL, Restaurant fin-de-siècle, 1904 • se prendre à e son ombre se mettre en colère sans occasion ■ f. XVII 1690 n’être que feu et salpêtre prompt à se mettre en colère, emporté • se mettre en campagne « homme prompt et colère. Quand on lui dit quelque chose qui ne lui plaît pas, il s’échappe, il s’emporte » (FUR.) • être trop fumeux trop prompt, trop sujet à se mettre en colère • ce n’est que fiel (sel) et vinaigre « homme prompt et e colère, peu sociable » (FUR.) ■ m. XIX 1867 se manger les sens s’impatienter, se mettre en colère e ■ f. XIX se foutre en rogne • son sang n’a fait qu’un tour ◪ 1872 soupe au lait « homme colère. e e Le lait bouillant déborde avec rapidité » (LARCH.) ■ d. XX se foutre en bombe ■ m. XX se mettre en boule d’avoir les nerfs en boule ou de l’image du hérisson « Les reproches entraient en lui comme des blessures. Ça bouleversait aussitôt ses traits. C’était cet air de chien battu qui devait foutre ses supérieurs en boule », GUÉRIN, e ■ f. XX faire un caca nerveux râler, se plaindre, se mettre en colère… différents degrés de mécontentement sont possibles • péter un câble se mettre dans une violente colère • péter une durite même sens e ■ f. XVII 1690 mettre de l’eau dans son vin « revenir de son emportement ; être plus modéré, plus adouci, lorsqu’on est revenu de ses emportements » (FUR.) • baptiser son vin idem L’Apprenti, 1946 METTRE EN COLÈRE e e ■ XVI irriter les frelons ■ XVII jeter de l’huile sur le feu animer encore ceux qui sont déjà en e colère ■ d. XVII échauffer les oreilles « Mercy Dieu, luy dit la femme en se courrouçant, si tu m’échauffes une fois les oreilles, je manieray le tien de telle façon que je te l’arracheray et le jetteray aux chiens », SOREL, Francion, 1623 e ◪ v. 1600 mettre le feu sous le ventre à quelqu’un ■ m. XVII 1640 mettre un homme dedans • il me semble que l’on me bout du lait « on me fasche quand on me parle de la sorte, quand on veut me persuader mal à propos » (OUD.) • aigrir une personne • passer la mouche devant les yeux • mettre dans le bateau • mettre quelqu’un aux champs « le provoquer, le mettre en e colère » (OUD.) • faire bigoter ■ f. XVII 1690 sauter aux nues « quand on lui opiniâtre quelque e e chose qui le met fort en colère » (FUR.) ■ XVIII pousser à bout ■ m. XIX 1842 il ne faut pas attiser le feu avec l’épée « maxime symbolique de Pythagore, pour signifier qu’il ne faut pas irriter une personne courroucée. Nous disons dans le même sens : “Il ne faut pas jeter de l’huile sur le feu” » e (QUIT.) ◪ 1867 monter quelqu’un l’exciter contre quelqu’un ■ f. XIX 1894 faire monter quelqu’un à l’échelle « s’amuser à exciter quelqu’un en le mettant sur des sujets où il s’emporte. C’est une e plaisanterie très goûtée » (LYON) ■ m. XX chatouiller les oreilles souvent dans « Il ne faut pas trop lui chatouiller les oreilles. » L’image initiale est celle d’un chien irascible • jouer avec les nerfs de quelqu’un « Cicéron, lui, qui continuait de jouer avec mes nerfs, je le priai un jour (une chaise à la main comme argument) d’avoir à me foutre dorénavant la paix », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 e ■ m. XVII 1640 vous me baisez, vinaigrier « vous me faschez. Le vulgaire dit le quolibet plus salement » (OUD.). Peut-être le vulgaire disait-il « vous me foutez » • vous me fiancez « vous me e faschez. Le vulgaire use d’un mot plus sale » (OUD.) ; même remarque ■ m. XIX 1842 craignez la colère de la colombe « n’irritez pas une personne d’un naturel doux, car son emportement est des plus terribles ; ne provoquez pas le courroux d’une femme, car elle ne connaît point de bornes dans sa fureur » (QUIT.) MAUVAISE HUMEUR e e ■ XVI n’être pas toujours en ses bonnes en bonne humeur ■ XVII rire du bout des dents « faire mauvaise mine, estre fasché, estre en estat de pleurer. Le vulgaire y adjouste, comme saint e Médard » (OUD.) ■ d.XVII froncer le sourcil « tesmoigner de la colère ou du mescontentement, e faire une mine rude » (OUD.) ■ m. XVII 1640 il a vu son cul en se levant • avoir la tête mal faite • il s’est levé le cul le premier • humeur bourrue « fascheuse, extravagante » (OUD.) • un hibou un homme de mauvaise humeur, un mélancolique • un moine bourru « une humeur mélancolique, un homme retiré, et de mauvaise conversation » (OUD.) • rire jaune comme farine « il ne rit pas de bon cœur, il est fasché, il fait mauvaise mine » (OUD.) • une mine à tâter vinaigre « mine rude, visage renfroigné » (OUD.) • il a bu du vinaigre il fait mauvaise mine • être attrayant comme la porte d’une prison désagréable • une pie-grièche « une femme criarde et de mauvaise humeur et qui querelle toujours, à cause du bruit opportun qu’elle fait comme une pie » (FUR.) • une enveloppe « une personne ennuyeuse, incommode, maladroite » (OUD.) • dire les patenôtres du singe « claquer des dents, de colère ou autrement ; gronder, grommeler » (OUD.) • triste comme un bonnet sans coiffe de mauvaise grâce • quand il rit, les chiens se battent il est de très mauvaise humeur • rabat-joie « homme rébarbatif, ou quelques accidents fâcheux qui viennent troubler la joie de ceux qui sont en humeur de se réjouir ; qui vient troubler la jouissance de ceux qui sont en train de se divertir » (FUR.) • humeur noire mélancolique, fâcheuse • un merlan frit une personne de mauvaise grâce • mal de saint Acaire « opiniastreté, humeur acariastre » (OUD.) • faire le groin faire mauvais visage • gratter sa tête être fâché • esprit bourru mal fait, de e mauvaise humeur ■ f. XVII 1690 mettre son bonnet de travers « être chagrin et quereller tout le monde » (FUR.) • n’entendre point raillerie « d’un critique, d’un homme sévère et rébarbatif : il veut faire toutes choses à la rigueur » (FUR.) • être gracieux comme un fagot d’épines « rude, rébarbatif, d’une humeur bourrue » (FUR.) • cela est charmant comme une porte de prison • les e charrettes de la rue lui nuisent un bourru ■ XVIII être de mauvais poil en continuation probable e de changer de poil, d’humeur ■ m. XVIII être d’une humeur massacrante « Tiens ne m’agonie pas de e complimens, car je suis dans mon humeur massacrante », Le Panier de maquereaux, 1764 ■ f. XVIII 1792 manger du fromage « éprouver un dépit secret, s’impatienter, être extrêmement contrarié, sans pouvoir faire éclater son mécontentement » (DHAUTEL) « Quelle joie, quel plaisir de lui voir manger du fromage, lorsqu’on vint lui e annoncer que le chef de ses mouchards était arrêté », HÉBERT, 1792 ■ XIX s’être levé du pied gauche • se retirer sous sa tente allusion à l’épisode d’Achille abandonnant la lutte, dans l’Iliade • être d’une humeur e de chien ■ d. XIX vilain monsieur « un homme difficile à vivre, d’humeur maussade » (LANDAIS) e ◪ 1827 faire le pet (P) « faire mauvaise mine » (GRANDVAL) ■ m. XIX taper sur les nerfs mettre de mauvaise humeur • la trouver (l’avoir) mauvaise « À force de poireauter, il a fini par la trouver mauvaise et par comprendre que ses nouveaux maîtres – malgré leur étiquette républicaine – étaient aussi crapuleux que les dirigeants vieux • faire la tête bouder, être de mauvaise humeur ◪ 1867 sale monsieur « individu d’une moralité équivoque ou d’un caractère insociable » (DELV.) • avoir mangé de l’oseille « être d’un abord désagréable, rébarbatif ; avoir la parole aigre, être “grincheux” » (DELV.) • être dans ses lunes « avoir un accès de mauvaise humeur, de misanthropie » (DELV.) • sale bête • ne pas valoir cher être d’un caractère désagréable • faire sa lippe bouder • avoir sa chique • être comme un crin « être d’abord difficile. Le crin est raide et e piquant » (LARCH.) ■ f. XIX être à cran l’image est probablement celle d’une arme à feu, d’un pistolet dont le chien remonté sur le plus haut cran est ainsi « prêt à partir » « La gradaille est à cran de modèle, impérialistes ou royalistes », Le Père Peinard, 1898 voir le prestige du militarisme couler à l’égout – un bain de sang serait nécessaire pour éviter le fiasco ! », Le Père Peinard, • avoir un pet de travers pet signifie, dès 1867, « embarras, manières » (DELVAU) • jamais le mot pour rire « Et puis jamais le mot pour rire, jamais savoir si on est content du travail ! Faut convenir, patron, que vous n’êtes pas un homme ordinaire », RACHILDE, La Tour d’amour, 1916 • faire la gueule ◪ 1872 avoir son Arnaud 1899 ◪ 1894 regard à couper un clou regard qui manque d’amabilité • faire la bobe « faire une grimace en allongeant les deux lèvres pour marquer la mauvaise humeur : “Tiens, t’as don pas amené ta e bourgeoise ? – Te sais ben, le fait toujours la bobe” » (LYON) ■ d. XX être sur les nerfs • avoir les nerfs en pelote • ne pas être dans un de ses bons jours • pas à prendre avec des pincettes « LE CAPORAL ■ m. : Il n’était pas à prendre avec des pincettes. – BERTRAND : Ah ! là ! là ! », M. ARGUILLIÈRE, La Grande Famille, 1905 e XX être à ressort agité, prêt à bondir – peut-être par influence de à cran « Elles disent que vous partirez d’ici !… vite !… Décidément le cul-de-jatte est à ressort, foutu tronc ! on redescend, on dit pas “au revoir”… nous revoilà dans la grande cour, pas plus avancés… », CÉLINE, Nord, 1960 • faire un nez de trois pieds de long faire la e tête ; on dit aussi de six pieds de long, de dix pieds de long ■ f. XX avoir les boules par évolution de la notion de tristesse vers celle de mauvaise humeur, de déception « Y’a pourtant des rockys/Qu’ont dû avoir les boules/En m’voyant applaudi/Même par les babas cools/Quel panard ! », RENAUD e ■ m. XVII 1640 il tuerait un mercier pour un peigne « homme fort emporté de colère, ou en mauvaise humeur » (FUR.) • la maladie des femmes « mauvaise teste, mauvaise humeur » (OUD.) • marchand qui perd ne peut rire « qui perd ou reçoit du dommage ne peut estre de bonne humeur » (OUD.) • moitié figues, moitié raisins « à demy en colère, sans trop tesmoigner son e altération » (OUD.) ■ f. XVII 1690 sur quelle herbe avez-vous marché ? « en raillerie à un homme e pour lui reprocher la bonne ou mauvaise humeur où il est » (FUR.) ■ f. XVIII avoir marché sur une mauvaise herbe « se dit d’une personne qui est dans son jour de mauvaise humeur » (DHAUTEL) GAIETÉ joie, allégresse, enjouement, jubilation, exultation, hilarité e e ■ m. XVII être en liesse du vieux mot liesse (XIII ), allégresse ◪ 1640 avoir son compte « estre content ; avoir ce que l’on désire ; avoir le visage gay » (OUD.) • se goberger se réjouir • il ne peut tenir dans sa peau « il est dans une extrême joye » (OUD.) • éveillé comme une potée de souris, comme un chat qu’on fouette, etc. « fort gay, fort esveillé » (OUD.) • il me semble que je vole « j’ay un extrême contentement » (OUD.) • il est plus aise qu’un pourceau qui se gratte fort e content • il est gai comme Pierrot ■ f. XVII avoir le vin gai ◪ 1690 être ératé comme une potée de souris jeunesse gaie et éveillée • avoir toujours un pied en l’air « il est allègre, remuant, coureur ; se dit d’une personne gaie » (FUR.) • faire noise « se réjouir, mais maintenant il ne se dit plus qu’en mauvaise part » (FUR.) • il croit tenir Dieu par les pieds il est joyeux du succès de quelque affaire ◪ 1698 être gai comme un pinson « Bonne ouvrièr’, courageuse à l’ouvrage,/Insouciante et gai’ comme un pinson,/De ses chansons, de son joyeux ramage/Et de sa joie, elle emplit la maison », G. SIBRE, Ce qu’elle deviennent, e ■ f. XVIII voir tout couleur de rose c’est-à-dire sous son aspect agréable, avec optimisme ; l’idée de l’illusion de cette façon de voir est présente dès l’époque d’apparition de l’expression, cf. « […] ce n’est point en faisant des motions couleurs de rose, mais en exécutant avec fermeté e les décrets de l’assemblée […] » (HÉBERT, 1791) ■ m. XIX voir tout en rose ◪ 1842 faire une (des) gorge(s) chaude(s) de quelque chose on le dit des personnes qui se réjouissent d’une chose e ■ f. XIX sauter comme un cabri • avoir toujours le mot pour rire la citation ci-après détourne l’expression en petite blague : « Mais la joie du commissariat, c’était le garçon de bureau, un jeune, un débutant lui 1904 aussi. […] Tempérament de débrouillard, de déluré. Même pour le décrochage d’un pendu déjà vert ou la manipulation d’un “macchabée” en décomposition, il avait toujours le “petit mort pour rire” », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de ◪ 1880 se taper le cul par terre jubiler ◪ 1894 ne plus se sentir pisser peut-être à e partir de pisser de rire « Elle est si contente de se marier qu’elle ne se sent plus pisser », LYON, 1894 ■ d. XX ne pas Ravachol, 1923 e se laisser abattre • se taper sur les cuisses ■ m. XX être (tout) jouasse être joyeux, être content e e ■ f. XVII 1690 le tombeau de la mélancolie le vin, les contes pour rire ■ m. XIX 1842 alléluia d’automne « le peuple appelle ainsi, dans quelques endroits du midi de la France, une joie inconvenante et déplacée, comme le serait un “alleluia” chanté à l’office des morts qu’on fait en automne » (QUIT.) • il ne faut pas chômer les fêtes avant qu’elles soient venues « c’est-à-dire, il ne faut pas se réjouir d’avance. Une joie prématurée peut être frustrée dans son attente ; elle n’est bien souvent que le prélude de la douleur. “Tel rit vendredi qui dimanche pleurera” » (QUIT.) BONNE HUMEUR ■ XVI e être en ses bonnes « être bien disposé. Mot à mot : être en ses bonnes heures » (LARCH.) « Vous ne poviez à heure venir plus oportune… Nostre maistre est en des bonnes. Nous ferons tantost bonne chère », e e RABELAIS, Pantagruel, 1532 ■ XVII prendre les choses du bon côté ■ XVIII être de bon poil en e continuation probable de changer de poil, d’humeur ■ m. XIX 1867 être à la fête • être en e goguette « être de bonne humeur, grâce à des libations réitérées » (DELV.) ■ f. XIX être dans un bon jour • avoir le mot pour rire « Alors, le mot pour rire m’arrivait tout naturellement, parce que rien ne sert la e bonne humeur comme le calme de l’esprit », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ■ d. XX s’être levé du bon pied e ■ m. XX 1960 avoir la pêche « Pour qu’elles soient capables de casser, faut qu’elles aient vraiment envie de le faire. Si e c’est simplement par rapport aux mecs, elles peuvent pas avoir la pêche », Paroles de bandits, 1976 ■ f. XX avoir la frite la frite désigne une excellente forme aussi bien physique que morale. Formé sur le modèle avoir la pêche, à partir d’une idée de violence : frite, coup violent ; dans ESNAULT : « Plat de frites, matraquage (1930). » Par ailleurs, au sens de visage : « Tu vois pas la frite que t’as (1953) » « Toi t’as les boules moi j’ai la frite/C’est pas du Bashung non mon pote c’est du Nietzsche », RENAUD • avoir la patate variante due à l’association frite-pomme de terre e ■ f. XVII 1690 sur quelle herbe avez-vous marché ? « en raillerie à un homme pour lui reprocher la bonne ou mauvaise humeur où il est » (FUR.) CHOSES DRÔLES e e ■ m. XVII 1640 c’est une farce une plaisante chose ■ f. XVII 1690 cause grasse « sur un fait inventé, que les Clercs de la Basoche plaidaient autrefois pour se divertir le jour du Mardi Gras, et qu’on a abolie depuis peu, à cause des ordures et libertinages dont elles étaient souvent remplies. Quand on plaide au Palais quelque cause plaisante, on dit encore que c’est une cause grasse » e (FUR.) ■ f. XVIII chose farce chose amusante « À propos de cloches, il me souvient de l’histoire assez farce d’un e bougre de calotin […] », HÉBERT, 1790 ■ m. XIX 1867 rigolo-pain-de-seigle (pain-de-sucre) extrêmement amusant • c’est rigolo c’est plaisant, c’est drôle • être rigolboche être excentrique, amusant, e e drôle • être d’un bon bouchon être singulier, plaisant, cocasse ■ f. XIX à pisser de rire ■ d. XX ça vaut dix ! c’est particulièrement drôle ; dix étant la meilleure note des écoliers • une bien bonne une histoire drôle • ça paye ! • c’est crevant c’est-à-dire à crever de rire « tu sais, voir Leca, qui est un homme superbe, en somme, jouer les rôles de nounou sur un bateau, non ! cela, c’est plus crevant que tout ce qu’on peut e ■ f. XX c’est pas triste ! « euphémisme à l’anglaise pour qualifier quelque chose de proprement hilarant à un degré quelconque » (MERLE) imaginer ! », Mémoires de Casque d’Or, 1902 S’AMUSER e e ■ m. XVII 1640 se donner du bon temps vivre joyeusement ■ m. XVIII 1763 s’en donner prendre d’un plaisir avec excès (DELV.) « LE FIACRE : Vos danseuses me sont connues, j’en ai mené dans plusieurs rues et dans des endroits comme il faut […]. J’en ai voituré deux il y a quelques jours à une noce, où elles s’en sont bien donné », TACONET, L’Impromptu de la Foire, 1763 ■ d. e XIX 1808 se mettre en riole « s’amuser pendant le temps du e travail » (DHAUTEL) ■ m. XIX 1867 se payer une bosse de plaisir s’amuser beaucoup • rigoler à vingt-cinq francs par tête s’amuser beaucoup • se faire des bosses s’amuser énormément e ■ f. XIX se payer une pinte de bon sang rire et s’amuser franchement. Reformulation d’allure littéraire et archaïsante de se faire du bon sang – probablement sous l’influence de la littérature post-romantique « Sa Justice de Paix, c’est sa maison préférée, son plus plaisant théâtre ! Pleine à faire craquer les murs, et c’est à qui s’y paiera la meilleure pinte de bon sang, du juge, des plaideurs, ou des malins derrière, toujours avides de 1872 c’est pour la rigolade c’est histoire de quelque histoire piquante », R. BENJAMIN, Les Justices de paix, 1913 ◪ rire « Il est vrai, qu’au fond, tout cela était bien spéculatif et un peu pour la rigolade, car mes parents m’avaient trop bien élevé pour que je crusse à toutes ces balivernes », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 ◪ 1881 être à la rigolade « Le vieux ronchonnait contre les jeunes gens qui sont trop à la rigolade, et pas assez à l’étude », Réveil du Père Duchêne, 1881 ◪ 1894 se faire la bosse s’amuser, se divertir ■ d. e XX 1902 une partie de rigolade « Dès que neuf heures du soir sonnaient, nous étions dehors toutes les deux et commençaient les bals infâmes, les tournées de vin et les parties e de rigolade », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ■ f. XX s’éclater s’amuser PITRERIES jovialité e ■ XVII un boute-en-train « se dit figurément d’un homme qui anime les autres, soit au plaisir, e soit au travail » (TRÉVOUX) ■ d. XVII défrayer la compagnie défrayer au sens de « fournir » – ici en e bons mots. Faire rire – parfois à ses dépens ■ m. XVII 1640 un enfant sans souci « un bon compagnon » (OUD.) • faire le sibilot le badin, le bouffon • défrayer les autres de rire donner sujet de rire à toute une compagnie • c’est un Roger Bontemps « dénomination proverbiale qu’on applique à un homme qui n’engendre point mélancolie et ne songe qu’à mener joyeuse vie » e (QUIT.) ■ f. XVII 1690 payer bien son écot être divertissant à table • il ferait rire un tas de pierres il est fort plaisant • il n’engendre point la mélancolie homme qui vit sans souci • c’est un bon e gros réjoui « homme gras et en santé, qui ne cherche qu’à rire et à se divertir » (FUR.) ■ XIX faire le pitre • un pince-sans-rire « homme caustique qui dit les choses les plus bouffonnes sans se e e dérider » (DELV.). Pincer sans rire s’est dit dès le XVI siècle ■ d. XIX bon enfant personne brave, simple, facile à vivre « c’était sur elle que je comptais pour obtenir la liste complète de tous les amis de Joubert et de Constantin : comme j’étais bon enfant avec elle, elle me mit promptement en rapport avec eux », VIDOCQ, Mémoires, 1828 e e ■ m. XIX 1867 bon nière bon vivant, bon enfant ■ f. XIX faire le zouave la tenue particulière des zouaves (pantalon bouffant et chéchia) a dû amuser les foules • faire le mariole faire le malin, amuser la compagnie par des tours physiques plutôt que par des traits d’esprit ◪ 1872 il est bon il est amusant, il est comique ◪ 1880 faire le Jacques faire l’imbécile. Expression à la mode dans le parler populaire des années 1890 ; d’abord battre le Jacques (1875). Peut-être à partir de Jacques Bonhomme, surnom du niais, du mal dégourdi « Depuis que j’suis dans c’tte putain d’Afrique/À faire l’Jacqu’ avec un sac su’l’ dos,/Mon vieux frangin, j’suis sec comme un coup d’trique,/J’ai bientôt plus que d’la peau su’ les os », A. BRUANT, Dans la rue, 1889-1909 ◪ 1899 en avoir de bonnes plaisanter, être drôle « D’abord suffoqué jusqu’à l’asphyxie, Blaireau, maintenant, croyait à une farce, à une excellente farce de son avocat. – Vous en avez de bonnes, monsieur Guilloche ! », A. ALLAIS, L’Affaire Blaireau, 1899 e ■ d. XX faire des tours de con « y en a un qui se sera passé la gueule au cirage pour venir sur les rangs, un autre qui se sauvera quand on commandera “Garde à vous !”. Et t’sais, les idées manquent jamais à la Légion quand y faut faire des tours de con. Tu verras ça ! C’est quand même mieux que le civil », SYLVÈRE • déconner à pleins tubes plaisanter sans cesse, être un boute-en-train • faire l’œuf faire le zouave, le zigoto, le con « Je me surpasse !… Je suis théâtre, orchestre, danseuses ! tous les “ensembles” à la fois… moi tout seul !… Je fais l’œuf !… je sautille, je jaillis hors de ma chaise !… », CÉLINE, Bagatelles…, 1938 ◪ 1908 faire le zigoto « faire le zigoteau, faire le malin (pop., 1901). Le zig est énergique et sympathique, le e zigoteau en est la caricature » (ESNAULT) ■ m. XX faire le guignol • faire l’andouille (1906-1950) TRISTESSE affliction, amertume, chagrin, morosité, cafard, nostalgie, peine, abattement, mélancolie e ■ XIII en perdre le boire et le manger « il dient por eus losengier/qu’ils ont perdu boivre et mangier/et je le e voi, les ganfleors/plus gras qu’abez ne que priors », LORRIS, Roman de la Rose, v. 1225 ■ f. XV vouloir être cent pieds e sous terre avoir « quelque chagrin violent qui fait avoir du dégoût pour la vie » (Fur.) ■ XVII avoir le cœur serré « J’ai le cœur serré de ma petite fille ; elle sera au désespoir de vous avoir quittée et d’être, comme vous e e dites, en prison », SÉVIGNÉ, 1676 ■ d. XVII 1606 bonne mine et mauvais yeux ■ m. XVII 1640 avoir un visage d’appelant relever de maladie ou de chagrin • triste comme un bonnet de nuit sans coiffe « de mauvaise grâce, ou mélancolique » (OUD.), la cause en étant, selon FURETIÈRE, « qu’un bonnet en cet état est sans ornement et sans propreté » • avoir la tête mal faite être mélancolique • il semble qu’il ait mis tous ses parents en terre il est extrêmement triste • sécher sur le pied « estre en grande peine ou mélancolie » (OUD.) • la mélancolie le mine le consume • un songecreux un mélancolique • serrer le cœur affliger • le cœur me saigne j’ai un grand regret • se battre les joues se repentir • un hibou « un homme de mauvaise humeur, un mélancolique » e (OUD.) • le cœur me crève ■ f. XVII sécher sur pied « homme qui a un grand sujet de tristesse, qui a du chagrin, de l’affliction, qui se meurt d’ennui » (FUR.) ◪ 1690 avoir les ouïes pâles « homme qui paraît encore à son visage qu’il a été malade, ou quand il s’y voit quelque grande marque de chagrin ou d’affliction, ce qu’on dit par métaphore d’un poisson mort » (FUR.) • compter les heures « homme qui est dans une grande impatience, une grande affliction, qui souffre beaucoup de douleur » (FUR.) • visage d’excommunié « pensif, abattu, morne, mélancolique, pâle, défait » e (FUR.) • on ne sait où le soulier blesse lorsqu’on a quelque mal ou affliction secrète ■ d. XVIII fendre le cœur « Vous me percez l’oreille en me fendant le cœur ;/Finissez, grande Reine,/Finissez des hoquets qui me font trop de peine », BOISSY, Le Triomphe de l’intérêt, 1730 ■ m. XVIII e avoir des idées noires des idées sombres, voire des idées de mort, de suicide « J’ai beau repousser les idées noires qui assiègent mon esprit, j’ai beau retenir les larmes qui me roulent dans les yeux, les idées noires et les larmes reviennent toujours », BOUFFLERS, Lettre à Mme de Sabran, 17 juillet 1786 • donner du noir « Je suis descendu avec elle, elle m’a dit que cette aventure de mariage donnait du chagrin. “Cela vous donne aussi du noir, chevalier, et je me repens de vous l’avoir dit” », CORBERON, Journal intime, 1775 ◪ 1760 triste comme un bonnet de nuit abréviation de triste comme un bonnet de nuit sans coiffe « Son métier est triste comme un bonnet de nuit, lorsqu’elle lève les yeux, elle ne voit plus rien vis-à-vis d’elle qui la comble de satisfaction », MARIE-JOSÈPHE DE SAXE, Lettre du 9 mai 1760 ◪ 1762 voir les choses en noir ◪ 1767 broyer du noir e l’expression fait suite à voir noir et faire du noir, courants au XVIII siècle. Il se pourrait que la notion de broyer soit liée non seulement à la technique des peintres préparant leur couleur (à laquelle on l’associe habituellement) mais aussi à une théorie de la digestion en faveur à l’époque : « Selon une opinion nouvelle, les membranes de l’estomac broyent les aliments que l’on prend, comme une meule, et c’est ainsi que se fait la digestion » (TRÉVOUX, 1771). On pourrait alors comprendre que le cerveau broie, à son tour des idées noires « M. Le Romain […] que sa mélancolie retient dans l’obscurité de sa cahute, où il aime mieux broyer du noir dont il puisse barbouiller toute la cahute », DIDEROT, Lettre à Sophie Volland, 1767 ■ f. XVIII e 1787 faire mal au cœur causer de la peine, du chagrin « et précisément je me suis trouvée à côté de ton ancienne Dulcinée du Tokoso, qui t’écrivait à Spa deux lettres d’un si bon ton qu’elles me faisaient e ■ XIX errer comme une âme en peine se promener tristement, sans but ni raison • mi-figue mi-raisin ne pas avoir le moral. Ce sens est ancien : « Et m’en allay chez le voisin,/Moictié figue, moictié raisin,/N’ayant n’y tristesse, ni ioye » (Le Cabinet satyrique, 1618) • pousser au noir voir les choses sous le jour le plus pessimiste • un crève-cœur mal au cœur », MME DESABRAN, Journal, 12 mai 1787 « Il n’eut, de toute sa vie, que deux gros chagrins, deux gros crève-cœur », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Félix e ■ m. XIX 1842 avoir le cœur gros avoir du chagrin ◪ 1867 bonnet de nuit sans coiffe homme mélancolique • broyeur de noir en chambre « écrivain mélancolique ; personne qui se e suicide à domicile » (DELV.) ■ f. XIX en avoir gros sur le cœur • en avoir gros sur la patate • faire e une tête d’enterrement dès le début du XX siècle, gueule a tendance à remplacer tête ◪ 1872 bonnet de nuit homme triste et silencieux ◪ 1894 avoir le noir « avoir l’esprit tourné aux choses e tristes, le plus souvent sous une influence physique » (LYON) ■ d. XX avoir le cafard apparaît dès 1895 sous la forme avoir un cafard, des idées noires (ESNAULT) « Jamais F.-B. n’a rabattu de ma joie quand Faure, 1925 j’étais optimiste, et il savait trouver le mot qu’il faut pour m’encourager quand j’avais le cafard », J. BLANC, Le Temps des hommes, 1948 • avoir le cœur lourd • avoir du vague à l’âme • se laisser aller être triste, déprimé et être dans l’incapacité de réagir « Dans mon lit, je pleurai encore, si fort que mon voisin de lit me tendit des bonbons, comme à un gosse. – Pleure pas, mon petit, pleure pas ! Tu vas revoir le pays. Faut pas te laisser aller », J. BLANC, Joyeux, fais e ◪ 1915 avoir le bourdon des idées noires, par imitation de cafard ■ m. XX avoir le moral à zéro • avoir une gueule à caler des roues de corbillard développement hyperbolique de la tête d’enterrement • avoir les boules avoir le cafard ; vers 1965, dans le langage des taulards (Fresnes). Les boules désignent les testicules ; peut-être y a-t-il eu allusion à la frustration sexuelle du prisonnier, à l’état dépressif qui en découle, par assimilation avec l’idée du « cœur gros », du e « cœur lourd », expression traditionnelle de la tristesse ■ f. XX avoir le blues « en anglais : cafard, ton fourbi, 1947 vague à l’âme. Entre dans le langage branché via l’univers musicos. “Je me traîne un vieux blues de l’enfer” (je n’ai pas vraiment le moral en ce moment) » (MERLE) • avoir le moral dans les e chaussettes ■ d. XXI être en bad très triste ; origine probable dans le vocabulaire de la drogue : être dans un bad trip, « en descente » e e ■ XVII chevalier à la triste figure cette épithète a été attribuée à Don Quichotte ■ d. XVII chacun sent son mal « en se plaignant de quelque affliction et dont on ne veut pas dire la cause » e e (FUR.) ■ m. XVII 1640 triste qui n’a criste qui n’a point d’argent est mélancolique ■ m. XVIII figure d’accident « figure triste, effarée et rendue telle comme à la nouvelle de quelque fâcheux e e accident » (NISARD) ■ m. XIX triste comme un lendemain de fête ■ d. XX ces messieurs de la famille des gens d’une gravité compassée, dans une attitude de deuil ; utilisation parodique de la phrase rituelle du maître de cérémonie pendant des obsèques : « Ces messieurs de la famille » « (Bettine aperçoit alors que les hommes se sont tous levés, dans une attitude sans doute inaccoutumée :) Quoi ?… Ce protocole ?… Un malheur ?… Barzac ?… (Silence. Sourires contraints.) Ah ! ça, qu’est-ce qu’ils ont tous ?… On dirait ces messieurs de la famille !… (Elle tape du pied sur le tapis.) Bon Dieu, d’Aigleroc, dites donc quelque chose !… », H. KISTEMAECKERS, La nuit est à nous…, 1925 ÉMOTION émoi, trouble e e ■ m. XVI changer de couleur sous l’effet d’une émotion : surprise, inquiétude, joie, etc. ■ XVII avoir le cœur serré « J’ai le cœur serré de ma petite fille ; elle sera au désespoir de vous avoir quittée et d’être, comme e vous dites, en prison », SÉVIGNÉ, 1676 • aller droit au cœur ■ m. XVII avoir les larmes aux yeux ◪ 1632 toucher la grosse corde « quand on parle d’une chose qui doit faire du bruit, ou toucher vivement celui à qui on parle » (TRÉVOUX) ◪ 1640 un feu de paille « émotion qui ne dure pas longtemps, entreprise qu’on n’achèvera point ; d’une colère, d’un amour ou d’une autre passion qui fait e beaucoup de bruit et qu’on juge ne pas devoir durer longtemps » (FUR.) ■ XVIII avoir le cœur sur les lèvres être fortement ému, troublé « J’ons près d’li, tout comm’ dans les fièvres,/La voix dans l’cu, l’cœur sur les e lèvres », Les Porcherons, 1773 • trembler comme une feuille ou la feuille, les feuilles… À partir du XVIII siècle, l’expression signifie le plus souvent, comme avant, trembler de peur, mais le tremblement e peut désormais être dû à une autre émotion forte ■ XIX toucher la corde sensible la corde e comme point sensible, à toucher ou non, est une figure déjà utilisée au XVII siècle (in MOLIÈRE). Cf. « C’étoit une corde que je voulois lui faire toucher le premier, pour sentir, au son qu’il lui donneroit, le ton que je devois prendre à cet égard » (SAINT-SIMON) • à fendre l’âme d’une manière extrêmement touchante, émouvante • il doit se retourner dans sa tombe s’il entendait cela, il e serait très vivement contrarié, choqué ■ d. XIX être aux cent coups « être bouleversé ; ne savoir plus où donner de la tête » (DELV.) « Mme Lefèvre s’aperçut que sa bourse – une antique petite pochette de cuir, en forme de blague à tabac, qu’elle avait toujours soin de glisser sous une pile de draps – avait disparu. Voilà la brave dame aux cent coups ! Elle se précipite hors de chez elle, tombe chez ses voisins et leur conte la chose », A. CIM, Césarin…, 1897 • battre la chamade chamade, à l’origine, « terme de guerre. C’est un certain son de tambour, ou de la trompette, que donne un ennemi pour signal qu’il a quelque proposition à faire » (FUR.) « Quant à lui, il n’avait jamais vu le blocus si complet ; il entendait son estomac battre la chamade, et il trouvait déplacé que le mauvais destin prît sa philosophie par la famine », HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832 • avoir l’air tout chose avoir l’air e bouleversé ■ m. XIX faire tourner les sangs causer une grande émotion ou inquiétude ; tourner signifie « cailler » et le pluriel correspond à une façon de dire rurale • blanc comme un linge très pâle, le plus souvent à cause d’une émotion violente, d’une mauvaise nouvelle apprise brutalement • avoir des larmes dans la voix parler d’une manière très émue, comme quelqu’un qui est près d’éclater en sanglots ◪ 1867 être tout chose « être ému, attendri » (DELV.). Au e e XVIII siècle, signifiait « être dans un état désagréable » ■ f. XIX son sang n’a fait qu’un tour • avoir la gorge serrée • être rouge comme une pivoine ◪ 1894 être tout en dare « être tout agité, tout ému, hors de soi. “La Francine est tout en dare, son pipa veut pas la marier au Jirôme” » e (LYON) ■ d. XX coup au cœur un choc, une émotion vive causée par la surprise • passer par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel éprouver des émotions violentes, peur ou colère ; par allusion hyperbolique aux altérations du visage • faire tout drôle ressentir un sentiment d’étrangeté ou de bizarrerie, un choc émotionnel « Quand je le vis sans sa soutane, en complet de ville, avec une valise à la main, cela me fit tout drôle », J. BLANC, Confusion des peines, 1943 • une voix mouillée où l’émotion est forte et où les larmes ne sont pas loin e ■ f. XVII 1690 un feu caché sous la cendre « amour, colère, vengeance quand elles paraissent e e assoupies » (FUR.) ■ m. XVIII 1741 à froid sans émotion ■ d. XX une sensibilité d’écorché vif • ça creuse ! Après la découverte d’un cadavre en putréfaction, E. RAYNAUD raconte : « Jaume avait commandé une avalanche de choucroute […] qu’en tout autre cas, j’aurais qualifiée d’appétissante ; mais nous avions le cœur encore trop soulevé de dégoût pour y prendre plaisir. Ce n’est pas l’envie de nous restaurer qui nous talonnait. On dit que les émotions creusent, mais pas du genre de celles que nous venions d’éprouver. Nous ne nous étions mis à table, mes amis et moi, qu’après une longue station au lavabo et un décrassage effréné » (Souvenirs de police au e temps de Ravachol, 1923) ■ m. XX faire pleurer dans les chaumières attendrir. Souvent à propos d’articles ou de films visant à faire sensation, à émouvoir – pour nul autre motif que le succès commercial RIRE rigoler, se bidonner, se marrer, se gondoler, se poiler, se tordre e ■ XVI rire à ventre déboutonné « rire de toute sa force. Rabelais pour se moquer de cette phrase y ajoute : car autrefois on se boutonnoit le ventre » (FUR.) • s’éclater de rire formule e redevenue à la mode à la fin du XX siècle. Sous la forme elliptique s’éclater, a le sens plus général e de s’amuser ■ m. XVI rire à gorge déployée signifie « fort ». Cette locution s’est lexicalisée avec e e rire, mais on en trouve du XVI au XVIII siècle d’autres utilisations : « Mais, il faut premier voir un tour là-haut, appellant à gorge déployée : Diane, Diane, ma sœur, ouvrez la chambre » (Les Ramoneurs, 1624) ; « Le vieux Caravas mourut aussi, qui alloit mentir partout à gorge déployée » (SAINT-SIMON) « Le Gentil-homme luy ayant accordé cette petite requette, se mit en apres si fort a penser aux plaisants succès qu’il venoit d’entendre, qu’il le pensa resveiller, en riant à gorge desployée », SOREL, Francion, 1623 • rire si fort e qu’on pourrait lui arracher les dents c’est-à-dire tant sa bouche est largement ouverte ■ XVII rire sous cape sous cape, sans le montrer, en le cachant « L’esprit malin, voyant sa contenance,/Riait sous cape, e alléguait les trois fois », LA FONTAINE, Belphégor, m. XVII • éclater de rire « rire fort » (OUD.) « Il est étrange que pour tous les Français, un homme politique, grand ou petit, c’est surtout un monsieur qui prononce de beaux discours. Peu importe, qu’il ait du jugement. Bismarck et Disraëli firent éclater de rire lorsqu’ils parlèrent pour la première fois en public, cela ne les a pas empêchés, je pense, d’être de grands hommes d’État… », REBELL, La Câlineuse, 1898 • rire aux anges « quand on rit seul et sans sujet » (FUR.). DELVAU donne à cette expression une signification curieuse : « sourire doucement en dormant » « Toutes ces idées lui donnoient une joie qui le faisoit rire, comme l’on dit, e aux anges », CAYLUS, Les Étrennes de la Saint-Jean, 1742 ■ d. XVII 1606 se chatouiller pour rire rire sans raison ; « ceux lesquels à tous propos et souvent sans aucun subjet se forgent des occasions telles quelles pour rire et gaudir, on leur met ce dicton au devant, assavoir qu’ils se chatouillent d’eux mesmes pour se faire rire. C’est à dire sans que d’ailleurs leur en soit donné suffisante e occasion » (NICOT) ■ m. XVII s’épanouir la rate « rire tout son saoul » (OUD.). Les recherches des e chirurgiens de la fin du XVI siècle amenèrent à rendre la rate responsable de bien des maux ; son engorgement provoquant des humeurs mauvaises, il convenait de la décharger, la déboucher, l’épanouir par le rire. À l’inverse, le mal de rate désignait plaisamment la tristesse. Cf. « Quiconque aura le mal de rate/Lisant ces vers gays et joyeux,/Ie veux mourir s’il ne s’esclate/De rire et ne pleure des yeux » (Le Cabinet satyrique, 1618) « La Puisieux s’en est épanoui la rate, Mademoiselle n’osait lever les yeux, et moi j’avais une mine qui ne valait rien », SÉVIGNÉ, 1671 ◪ 1640 crever de rire rire excessivement • rire sous son bonnet (chapeau) « rire secrettement en soy mesme, en présence de la personne dont e e on se mocque sans qu’elle s’en apperçoive » (OUD.) ■ f. XVII 1675 rire aux larmes ■ XVIII rire comme un bossu rire énormément, aux éclats, d’une chose drôle ; « on peut accepter l’idée que l’association bossu-homme gai ou sarcastique représente un thème culturel » (REY-CHANT.) • à e mourir de rire • rire aux éclats ■ d. XVIII rire dans sa barbe « Chamillart, qui, jusque-là, s’était contenté de rire dans sa barbe, ne put s’empêcher de rendre à son tour un lardon au contrôleur général », SAINT-SIMON ◪ 1718 avoir le fou rire un rire involontaire et incontrôlable généralement déclenché par un spectacle incongru e dans une circonstance grave ; on trouve d’abord la forme rire fou (1694) ■ XIX se tenir les côtes e au XVII siècle, on disait se tenir les côtés « Mince de rigolade ! ricane Albert. L’autre jour, en lisant le compte rendu e de la bataille de Gravelotte, je me tenais les côtes. C’est tordant ! », G. DARIEN, L’Épaulette, 1900 ■ d. XIX se désopiler e la rate désopiler au sens de « déboucher » ■ m. XIX rire comme un peigne c’est-à-dire en montrant toutes ses dents ◪ 1842 rire comme un coffre selon QUITARD, le dessus des coffres (meubles de luxe autrefois) était garni de cuir que l’on décorait d’inscriptions, de figures, de « peintures généralement fort drôles, fort joyeuses et fort bizarres » ◪ 1858 se donner une bosse de rire curieuse variation sur rire comme un bossu, peut-être par assimilation à se faire des bosses (1799) ou une bosse (1807) – se régaler, se gaver, s’en mettre plein la lampe ◪ 1867 faire un effet d’ivoire « rire de façon à montrer qu’on a la bouche bien meublée » (DELV.) • rire comme un cul e rire sans desserrer les dents ■ f. XIX s’en payer une bosse de se payer une bosse de rire, comme on peut s’offrir un bon repas « D’autant plus qu’elle était très rigolboche, car histoire de s’en payer une bosse, mes types avaient collé sur les voitures des squelettes anatomiques, méli-mélo avec les ensoutanés de Saint-Lazare », Le Père Peinard, 1889 • s’en payer une tranche « Oh ! ceuss’ là minc’ de rigolade,/On s’en paye eun’ tranch’ chez les • se payer une pinte de bon sang rire et s’amuser franchement. Reformulation d’allure littéraire et archaïsante de se faire du bon sang – probablement sous l’influence de la littérature postromantique « Sa Justice de Paix, c’est sa maison préférée, son plus plaisant théâtre ! Pleine à faire craquer les murs, et c’est chiens :/Museaux dans l’cul en enfilade,/Y fil’nt, y trott’nt, y connaiss’nt rien… » J. RICTUS, Les Soliloques du pauvre, 1897 à qui s’y paiera la meilleure pinte de bon sang, du juge, des plaideurs, ou des malins derrière, toujours avides de quelque histoire piquante », R. BENJAMIN, Les Justices de paix, 1913 • se tordre de rire • rire comme une baleine peutêtre un renouvellement de l’image du peigne, de l’effet d’ivoire, à cause de la représentation caricaturale et populaire du cétacé ; comme une baleine marque l’intensité du rire, puisque l’expression est également utilisée avec se tordre ou se rouler de rire ; cf. « Quand ma mémoire me dira : “Ici, Casque d’Or, souviens-toi : tu t’es tordue comme une baleine !”, j’écrirai sans ambages : “Ici Casque d’Or se roula comme une baleine !” De même, si j’ai pleuré, sans attendre vous le saurez ! » Mémoires de Casque d’Or, 1902 • pisser de rire rire beaucoup ◪ 1880 se taper le e cul par terre hyperbole pour se tordre de rire, jubiler ■ d. XX se fendre la gueule image évidente, e dont on trouve des prémices au XVIII siècle : « Qu’il est gentil. Y s’fâche ! – Y rira : sa bouche commence à s’fendre » (VADÉ, 1755) • sourire en coin • se marrer par antiphrase de se marrer, « s’ennuyer ». Il est remarquable que le mot s’emploie parfois aujourd’hui ironiquement, par une seconde antiphrase, au sens de « s’ennuyer » – ex. : qu’est-ce qu’on se marre ! – reprenant ainsi sa valeur d’origine à l’insu des utilisateurs • être plié en quatre « vous pouviez lui parler !… lui raconter la R.A.F. ! vous le faisiez tordre, plier en quatre ! pouffant saugrenu que vous étiez !… », CÉLINE, D’un château l’autre, 1957 ◪ 1901 se boyauter se tordre, comme sous l’effet d’une colique – mais de rire. Peut provenir d’avoir le boyau de la rigole ouvert – réfection populaire de se désopiler la rate « Pas d’angoisses existentielles pour eux. Motivés, qu’ils sont. Pas descendus pour rien. Sauf que Camille se boyaute sous cape », BERROYER, J’ai e ■ m. XX se fendre la pipe rire ; la pipe désigne la tête • se fendre la pêche e ■ f. XX hurler de rire « quand on ne dérilarynxe pas encore, mais qu’on rigole un bon coup (à ne jamais utiliser, ça fait terriblement plouc), on hurle de rire. Éviter également éclater de rire, qui est un poil ringardos. Un spectacle à hurler de rire, c’est un spectacle comportant des passages amusants. Sans plus » (MERLE) • se fendre la poire « Le flash ! La méga-vision ! (et là, Badette imite l’accent e l’espagnol à se fendre la poire !) », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 ■ d. XXI se taper une barre de rire • se taper des barres avoir le fou rire, se marrer vraiment beaucoup, à en avoir des crispations douloureuses dans le ventre – des « barres à l’estomac » « Quand je repense à ma grand-mère, sa bravoure et ses mseumenes, beaucoup souffert, 1981 ça me ramène à mon enfance. Je me tape des barres tout seul. – Pourquoi tu rigoles ? », R. SANTAKI, Des chiffres et des litres, 2012 e e ■ XVII plus on est de fous, plus on rit ■ m. XVII 1640 qui rit le vendredi pleure le dimanche « proverbe du vulgaire » (OUD.) • je ris de la bouche « c’est une response du vulgaire, à un qui veut savoir de quoy l’on rit » (OUD.) • ris, Jean, on te frit des œufs « pour se mocquer d’un niais qui rit mal à propos » (OUD.) • il y en a encore assez pour vous « c’est ce que dit un homme qui tombe, à celuy qui se rit de sa chute » (OUD.) • je ne suis pas barbier pour me montrer les dents « cela se e dit à une personne qui rit par excès en descouvrant ses dents » (OUD.) ■ XIX pince-sans-rire « homme caustique, qui blesse les gens sans avoir l’air d’y toucher, ou qui dit les choses les plus bouffonnes sans se dérider » (DELV.) RIRE FORCÉ e ■ XVII rire du bout des dents « quand on n’a pas envie et sans force » (FUR.) « Oh dam’, tout le monde ne peut pas en avoir de si belles que mamselle Godiche, dit Babet, en riant du bout des dents, comme Saint-Médard », e ■ m. XVII 1640 ris d’hôtelier « ris qui ne passe pas le nœud de la gorge, ris feint ou intéressé » (OUD.) • rire jaune comme farine pas volontiers • un ris ne passe e pas le nœud de la gorge rire forcé ■ f. XVII 1690 le ris (rire) de saint Médard « mal volontiers ; ris forcé et du bout des dents » (FUR.) ; « saint Médard était invoqué contre les maux de dents. Pour spécifier cette vertu, les artistes le représentaient naïvement la bouche entrouverte pour découvrir ses dents, esquissant un sourire [censé être] encourageant pour les malades qui avaient recours à lui » (L. RÉAU, 1955) • ris sardonien « forcé et amer qui ne passe pas le nœud de la gorge ; c’est un proverbe latin fondé sur ce qu’il y a une herbe venimeuse en Sardaigne, qui fait une telle contraction des muscles du visage de ceux qu’elle tue, qu’ils semblent rire » (FUR.) • rire jaune comme safran « par une antiphrase, pour dire qu’on n’a guère envie de rire » (FUR.) e ■ d. XVIII rire jaune « rire à contre-cœur, quand on voudrait ou pleurer de douleur ou écumer de rage » (DELV.) « [Chamillard était] très entêté, très opiniâtre, riant jaune avec une douce compassion à qui opposait des CAYLUS, Histoire de M. Guillaume, 1740 raisons aux siennes », SAINT-SIMON PLEURER brailler, braire, chialer, pleurnicher, sangloter ■ m. XII e 1165 mener chaudes larmes ■ XIV e pleurer comme une Madeleine « Non mie blanc comme Hélaine,/Non mie plourant com Magdaleine,/Non Argus, mais du tout avugle,/Et aussi pesant comme un bugle », Le e • fondre en larmes pleurer fort ■ XV la larme à l’œil l’envie de pleurer « Parmy e les gens rire la lerme à l’ueil,/Son semblant feindre, souffrir douleur/Et ne s’en oser plaindre », A. CHARTIER, in LITTRÉ ■ m. XV Ménagier de Paris, 1393 e 1464 pleurer à chaudes larmes ■ XVI pleurer comme une vache « sans sujet, et laschement » e (OUD.) ■ f. XVI pleurer comme un veau « La Roine régnante (comme bon sang ne peut mentir) le pleura fort et à bon escient ; la Roine-mère, pour la forme, selon sa coustume ; le cardinal de Bourbon, comme un veau », P. e DE L’ESTOILE, ■ d. XVII chier des yeux pleurer abondamment ; l’expression fut très e courante dans le langage populaire du XVII siècle « En lieu de conté me n’afere,/Fleurenche, je me mis à braire,/ e À viper, à chié des yeux », L. PETIT, La Muse normande, 1658 ◪ 1624 des larmes de crocodile au XVI siècle, on Mémoires-Journaux, v. 1587 trouve la forme larmes de cocodrile. « Larmes d’un hypocrite, une feinte douleur qui ne tend qu’à surprendre quelqu’un. Les pleurs des courtisannes sont des larmes de crocodile ; larmes feintes de ceux qui versent des pleurs sans être véritablement affligés » (FUR.) « BONNE : Vous me faites une telle pitié que vous regardant mes yeux à peine se peuvent tenir de pleurer ; hé ! la pauvre petite menonne. – MARTIN : Bon, voilà des e ■ m. XVII les larmes aux yeux • avoir le don des larmes pleurer facilement • pleurer comme un enfant abondamment, sans pouvoir retenir ses larmes « Tous les gardiens de la paix présents pleuraient comme des larmes de Crocodille qui celebrent les prochaines funérailles d’un pucelage », Les Ramoneurs, 1624 ◪ 1640 faire la lèchefrite « pleurer ou faire la mine d’un pleureur ; parce que la bouche ou la lèvre s’eslargit en forme de lechefritte » (OUD.) • faire la lippe « faire mauvaise mine ; advancer la lèvre en e pleurant » (OUD.) • grand bêleur grand pleureur ■ f. XVII 1690 couper la voix sanglots qui e empêchent de parler ■ d. XIX avoir toujours la larme à l’œil être toujours sur le point de pleurer e ■ m. XIX 1865 y aller de sa larme « ne pas craindre de se montrer ému, au théâtre ou dans la vie, à propos d’un événement touchant, réel ou fictif. Argot des gens de lettres et des faubouriens » (DELV.) « Ah ! comme je croyais bien que tout cela était arrivé ! Comme “j’y allais de ma larme !” Comme je m’attendrissais bien sur les malheurs de la jeune première », DELVAU, Les Heures parisiennes, 1865 ◪ 1867 pleuvoir des châsses • enfants et pourtant ces hommes n’étaient pas des femmelettes », E. CORSY, La Médaille de mort, 1905 lansquiner des châsses • chigner des yeux • châsser des reluits • chier des châsses ■ f. e XIX pleurer toutes les larmes de son corps ◪ 1872 il y a de l’oignon « il y a des gémissements. Allusion aux pleurs que l’oignon fait verser » (LARCH.) « S’prend’ de bec, c’est la mode, et souvent il y a de l’oignon », DUPEUTY, in LARCHEY • lâcher le robinet « pleurer. Mot à mot : lâcher le robinet de la fontaine des larmes » (LARCH.) ◪ 1883 baver des clignots ◪ 1894 baver comme un escargot « pleurer abondamment. “As-te vu la Catiche à son mariage ? Quand i z’ont étendu le panaire sus le e chignon, elle bavait comme n’escargot” » (LYON) ■ d. XX être au bord des larmes très ému, sur le point de pleurer de tristesse ou de joie e ■ f. XVI lâcher la bonde à ses larmes « les laisser couler » (FUR.) ; on trouve dès le milieu du siècle détouper la bonde dans le même type de contexte, cf. « mais à l’instant qu’elle eut getté l’œil sur le cors mort de Rhomeo, elle commença à destoupper la bonde à ses larmes » e (P. BOAISTUAU, Histoires tragiques, 1559) ■ m. XVII 1640 nos souris ont soif « cela se dit lors qu’on e voit pleurer un enfant » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il rit comme on pleure à Paris en se moquant d’un enfant qui pleure • être sur le pont de sainte Larme « ironiquement à un enfant qui témoigne e quelque envie de pleurer » (FUR.) ■ m. XIX 1842 femme rit quand elle peut et pleure quand elle e veut • à toute heure, chien pisse et femme pleure ■ d. XX pleure pas, tu la reverras ta mère ! SOUPIRS e e e ■ m. XVII 1640 jeter des soupirs ■ XIX à fendre l’âme ■ f. XIX 1894 des soupirs comme des pets de vache « “cette jeune personne poussait des soupirs comme des pets de vache” c’est-àdire de très gros soupirs » (LYON) ENNUI ENNUI barbe, monotonie, désœuvrement, emmerdement, lassitude, langueur, spleen e ■ XV mourir sur bout probablement de l’idée d’une fleur qui fane sur sa tige (sèche sur pied) « Helas ! je vous pris, si vous n’en sentez nulles, aiez au moins compassion de moy qui meurs sur bout si je ne voy bien bref ma e e ■ d. XVII 1608 tuer le temps ■ m. XVII 1640 pousser le temps à l’épaule « dilayer, user de delay ; passer le temps avec peine » (OUD.) ■ 1671 sécher sur le pied la locution se rencontre dès 1640, époque à laquelle elle signifie « estre en grande peine ou mélancolie » (OUDIN) ; son sens a ensuite évolué vers « s’ennuyer » « J’ai fort envie de savoir des nouvelles dame », Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 de ce pays-là. Je suis accablée de celles de Paris ; surtout la répétition du mariage de Monsieur me fait sécher sur le pied », e ◪ f. XVII 1690 béer aux corneilles « être oisif, s’ennuyer, ne rien faire. Il y a bien des courtisans qui béent aux corneilles, qui sont longtemps à la Cour sans rien attraper » (FUR.) • SÉVIGNÉ, 1671 e e compter les heures s’ennuyer beaucoup ■ XIX errer comme une âme en peine ■ d. XIX en avoir plein le dos « être assommé d’ennui » (LARCH.) « Tu sais que j’ai de la maison plein le dos ? », DÉSAUGIERS e ■ m. XIX se regarder dans le blanc des yeux n’avoir rien à faire ni rien à dire. S’ennuyer en compagnie de quelqu’un « Vous pensez bien que je ne me résigne pas à cet abandon. Nous ne pouvons pas rester ainsi sans cesse au coin de notre feu à nous regarder dans le blanc des yeux », H. MONNIER, Joseph Prudhomme, 1857 ◪ 1867 se faire vieux avoir hâte de partir « Je me fais vieille sur cette grande route, heureusement déserte à cette heure… J’ai hâte d’arriver à Blois », A. DELVAU, Par un beau soir d’été, 1867 • piler du poivre s’ennuyer à attendre • s’emmerder à vingt-cinq francs par tête s’ennuyer considérablement • faire suer « ennuyer outrageusement par ce qu’on fait ou par ce qu’on dit ; faire lever les épaules de pitié ou de dédain » (DELV.) « Vous me dites mignonne, avec l’accent de l’âme : Tais-toi donc ! tu me fais suer », Almanach du hanneton, 1867 • n’être pas à la noce s’ennuyer • fumer sans pipe et sans tabac s’ennuyer • s’embêter comme une croûte de pain derrière une malle s’ennuyer extrêmement. « Mot à mot : dessécher d’ennui » (LARCH.) « Va dîner avec Monsieur Colomb au restaurant. – Et toi tu te morfondras comme une e croûte de pain derrière une malle ? », R. BENJAMIN, Grandgoujon, 1919 ■ f. XIX s’emmerder à cent sous de l’heure la valeur monétaire de l’ennui mortel peut varier « Dans la nuit de vendredi dernier, quatre pauvres pioupious et un caporal étaient à cet endroit et s’y emmerdaient à vingt francs l’heure », Le Père Peinard, 1890 • s’embêter comme un rat mort ◪ 1883 se marrer s’ennuyer à mourir. De l’espagnol mareo, mal de mer et ennui. Ce sens a peu subsisté après 1900. Cependant : « ANGÈLE (se tournant vers les autres en affectant une gaieté folle) : Eh ben, les enfants ? On se marre quand la Môme pose sa chique [On s’ennuie quand je me tais] ? Qu’est-ce qui me défie de descendre l’escalier avec mon arpion dans la pince ? Elle prend son pied droit dans la main », e d. XX en avoir fait le tour être blasé d’une chose que l’on connaît trop bien, où il n’y a plus rien à découvrir ; métaphore d’un monument que l’on a admiré de tous les côtés « Ce salaud de printemps il m’avait réveillé une belle maladie, nom de Dieu. J’étais plus assez, avec moi seul, j’en avais marre de moi, j’en avais fait le tour », J. MECKERT, Les Coups, 1942 • se faire tartir tartir, « chier » en argot, est utilisé depuis au moins le début du xixe siècle ; l’expression se faire tartir est donc D. LESUEUR, Le Masque d’amour, 1905 ■ probablement plus ancienne que ses attestations écrites ■ m. mort e XX se faire chier comme un rat CHOSES ENNUYEUSES e ■ m. XVII c’est la mer à boire « se dit de toute chose ennuyeuse ou difficile à faire ; et de toute affaire qui traîne en longueur et ne peut aboutir » (DELV.) ◪ 1640 une enveloppe « une personne ennuyeuse, incommode, maladroitte » (OUD.) • long comme un jour sans pain • la e chanson de Robin un discours ennuyeux ■ f. XVII 1690 un robinet d’eau tiède personne aux discours ennuyeux • une longue litanie (kyrielle) « une longue suite de personnes, de titres ou de paroles qui composent un récit ennuyeux » (FUR.) • longue comme un jour de jeûne chose e e ennuyeuse ■ XIX vieille barbe individu ennuyeux ■ m. XIX ennuyeux comme la pluie ◪ 1867 donner la migraine à une tête de bois « être excessivement ennuyeux, – dans l’argot des gens de e lettres. L’expression appartient à Hippolyte Babou » (DELV.) ■ f. XIX être rasoir ennuyeux ; se dit aussi bien de quelqu’un que de quelque chose « L’ÉLÈVE : Ah ! la ferme !… LE PROFESSEUR : Hein ? Qu’est-ce que vous dites ? L’ÉLÈVE : Je dis : la ferme, c’est rasoir ! », MATRAT et VERSE, Premier début, 1904 ■ d. e XX être chiant comme la pluie BONHEUR félicité, enchantement, euphorie, ravissement, extase, contentement, béatitude, aise, bien-être e ■ XV être ravi au troisième ciel c’est-à-dire « emporté au ». Dans la cosmologie de BÈDE, au e XIII siècle, la Terre est entourée de sept cieux sphériques : l’air, l’éther, l’olympe, l’espace enflammé, le firmament des astres, le ciel des anges, le ciel de la Trinité « Il est ravy trop plus hault qu’aux e tiers cieulx/Et prend pour soy tousjours la chose au mieulx », A. CHARTIER, d. XVe ■ m. XVI heureux comme des petits e rois ■ XVII être bien aise • avoir des jours filés d’or et de soie « Je souhaite à Pauline des jours filés d’or et e de soie, mais avec un autre que son amant de Rome », SÉVIGNÉ, 1689 ■ m. XVII être sur un lit de roses les anciens Sybarites, amoureux des voluptés, dont HÉRODOTE raconte qu’ils bannirent les coqs de leur cité par crainte d’être éveillés trop matin, sont traditionnellement représentés allongés sur des lits de roses ◪ 1640 mordre à la grappe « il est ravy, il prend un extrême plaisir » (OUD.) • il est en son lustre « il est fort content, son visage fait paroistre son contentement » (OUD.) • ne pouvoir tenir en sa peau « estre ravy d’aise » (OUD.) • faire revenir le cœur réjouir • je n’en prendrai pas dix écus je suis extrêmement aise de cela • chère entière « bien à soupper, et une femme à coucher la nuit avec soy » (OUD.) • c’est un grand coup (un coup du ciel) un grand bonheur • il nage il est extrêmement aise • être à gogo être à son aise • heureux comme un poisson dans l’eau fort à son aise • il a été tout jeune et joyeux de le faire « il a esté bien heureux ou bien aise, ce luy a e esté une grande faveur » (OUD.) ■ f. XVII ne pas être à plaindre ◪ 1690 être comme un coq en pâte « homme bien couvert et bien chaudement dans son lit, et qui ne montre que la tête », un coq étant « un notable bourgeois » (FUR.) • reposer son humanité « en raillerie, se mettre à son aise, chercher ses commodités » (FUR.) • les mains sous le menton, les coudes sur la table à sa e e commodité ■ m. XVIII être heureux comme un roi ■ f. XVIII voir tout couleur de rose c’est-à-dire sous son aspect agréable, avec optimisme ; l’idée de l’illusion de cette façon de voir est présente dès l’époque d’apparition de l’expression, cf. : « […] ce n’est point en faisant des motions couleurs e de rose, mais en exécutant avec fermeté les décrets de l’assemblée […] » (HÉBERT, 1791) ■ d. XIX être au troisième ciel « MOULÉ : Quel charmant repas !… Je suis au troisième ciel !… – TOUPET (à part) : Oui… oui… mais tu pourras bien descendre à la cave tout-à-l’heure », P. DE KOCK, Le Pompier et l’Écaillère, 1837 • être aux anges comme au paradis. Peut-être sous l’influence de rire aux anges « J’étais aux anges ; je passai une journée délicieuse », e VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ m. XIX voir tout en rose • la couler douce vivre confortablement « Ah ! je ne sais pas quand il se passera, mais j’ai un fier béguin pour toi. Tu la couleras douce avec moi, je t’en réponds », L. DE NEUVILLE ◪ 1842 être dans la gloire de Niquée « c’est-à-dire au comble de la joie, de la satisfaction, de la prospérité, dans l’enivrement des plaisirs et des honneurs » (QUIT.). Qu’est-ce que Niquée ? La princesse Niquée, mère de dom Florisel de Niquée, un des personnages d’Amadis de Gaule ? Florisel lui-même ? L’empire de Niquée ? Amadis de Gaule, roman chevaleresque, a été traduit en e e français au XVI et au XVIII siècle. Il a rencontré un grand succès auprès des personnes cultivées, e mais il est peu probable que l’expression qui y fait référence se soit répandue avant le XIX siècle ◪ 1858 se la passer douce mener une vie tranquille, sans travailler « Jadis fondateur d’une société placée sous le patronage d’un astre qui jouit d’une certaine célébrité, il a amassé dans cette entreprise, qui assurait contre l’un des quatre éléments, une fortune qui lui permet de se la passer douce, comme on dit dans un certain monde », H. MURGER, Propos ◪ 1865 être à la coule par attraction de la couler douce ◪ 1867 la soupe et le bœuf « bonheur conjugal, – c’est-à-dire ordinaire » (DELV.) • ça roule je me porte bien, je fais de bonnes e affaires ■ f. XIX être au septième ciel c’est-à-dire encore plus haut que le troisième ciel, carrément « au paradis ». On trouve la forme huitième ciel chez N. LANDAIS (1836) « Mais, après tout, de ville…, 1858 elle avait peut-être eu une mort épatante. Ne s’était aperçue de rien, sans doute. Ivre morte. Fin saoule. Au septième ciel ! Les 1878 se la faire belle se la couler douce, mener la belle vie. On trouve « je l’ai fait belle pendant huit jours » (1884, in ESNAULT) « Tu te dis : “Les caves, à l’usine, vous allez puer la sueur pendant dix piges, et moi je vais me la faire belle…” », Paroles de bandits, 1976 ◪ 1884 se la couler douce de nombreuses variantes sont possibles autour de cette idée de bonheur : « Honteux d’leur désespoir/D’un’ bisbille amoureuse,/Deux drilles parlaient ce soir/De s’la couler joyeuse… » (J. JEANNIN, Chansons, 1889), ou encore : « LARSÈNE : Et d’ailleurs, quand une affaire réussit, avec qui le mec partage ? Avec sa femme. Quand tu touches, si t’as une copine, tu vas lui acheter des fringues, tu vas la sortir, tu penses qu’à lui faire plaisir, à l’emmener au resto, à lui dire : “Tu vois, on va se la faire douce” » (Paroles de bandits, 1976) ◪ 1894 ne plus se sentir pisser peut-être à e partir de pisser de rire « Elle est si contente de se marier qu’elle ne se sent plus pisser », LYON, 1894 ■ d. XX voir la vie en rose sans doute popularisé par la chanson interprétée par Édith Piaf • prendre son plaisir e où on le trouve ■ m. XX prendre son pied le sens de « vif plaisir » quelconque, sans connotation sexuelle, apparaît dès les années 1930 « Mais c’est la chevelure d’Angélique que Monsieur Hermès sentit soudain pieds devant ! », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ◪ contre sa tempe. Il ne put réprimer un petit geste de recul. Angélique n’allait-elle pas s’en froisser ? Pour se racheter, il la regarda, lui sourit dans l’ombre et pressa plus fortement ses doigts sans bagues. Angélique prenait son pied. Le film lui plaisait. • c’est le pied ! exclamation vedette des années 1968 et suivantes, à partir de prendre son pied, pour exprimer toutes sortes de satisfactions, sexuelles ou non. Le superlatif courant fut le pied d’acier, et même le pied d’acier bleu (J.-L. BORY, 1973) • être sur un nuage être dans un état d’euphorie • être (tout) jouasse être e joyeux, être content ■ f. XX ça baigne ! abréviation de ça baigne dans l’huile « Je fais le vide. Ça Regarde si mon cœur bat, lui murmura-t-elle », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 marche ! J’m’sens fort et tranquille comme une montagne. Océan de l’Énergie. Marée haute. Ça baigne ! », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 • être trop ■ m. XVII e chaud être heureux souper de marchand « un bon souper, et avec repos » (OUD.) • qu’il est heureux e qui n’a point le cul galeux un homme est heureux qui n’a point d’incommodité ■ f. XVII 1690 le dos au feu, le ventre à la table « de ceux qui sont fort à leur aise en hiver » (FUR.) • contentement passe richesse « il vaut mieux vivre satisfait, sans inquiétude, que d’être riche ; ce e ne sont point les biens de fortune qui rendent heureux » (FUR.) ■ d. XVIII tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles « formule optimiste de la Théodicée de Leibniz, moquée e par Voltaire dans Candide » (REY-CHANT.) ■ m. XVIII 1750 tenir la chandelle « être témoin du e bonheur des autres, sans en avoir sa part » (DELV.) ■ XIX le bonheur des uns fait le malheur des autres • les dents du bonheur « léger écartement que présentent parfois les incisives antérieures e de la mâchoire supérieure, réputé porter chance » (BERNET et RÉZEAU) ■ m. XIX 1842 cache ta vie « pour nous apprendre que notre prospérité nous expose aux traits de l’envie, et qu’il est prudent e de cacher nos avantages pour être heureux » (QUIT.) ■ d. XX que demande le peuple ? formule e « populaire » de contentement ; parodie spirituelle des discours électoraux ■ m. XX être bien dans sa peau SATISFACTION assouvissement e e ■ f. XV avoir son content ■ XVI il me gratte où il me démange « il touche justement au point e e où je souhaite, il parle comme je le désire » (OUD.) ■ m. XVI prendre en bonne part ■ d. XVII s’en e donner à cœur joie ■ m. XVII 1640 il s’en trouve bien « il en reçoit du proffit, ou du e soulagement » (OUD.) ■ XVIII se frotter les mains • mettre du baume dans le sang réjouir, faire grand plaisir « Ça nous met du baumm’ dans l’sang quand j’vous voyons, et je m’souviens que Lenflé étoit mon parsonnier, e ainsi j’voulons qu’il le soit encore aujourd’hui. – Ça m’don’ d’la joye au cœur », Le Panier de maquereaux, 1764 ■ d. XX une bonne chose de faite • boire du petit-lait éprouver une vive satisfaction à l’écoute de certaines e nouvelles, de compliments, etc. ; à partir de boire du lait, au XIX siècle. Le petit-lait – résidu de la fabrication du fromage – est une boisson légèrement acide, agréable et rafraîchissante • bicher comme un pou jubiler • faire chaud au cœur faire grand plaisir, réconforter « Finissez, Gaston,/Ça fait froid… Je tremble/Lui, répond vainqueur :/“Ça fait chaud au cœur,/Quand on est ensemble” », TREBISCH, La Neige, 1910 e ■ d. XXI se mettre bien se faire plaisir e e ■ f. XVII 1690 être servi comme le pape bien servi ■ XVIII autant de pris sur l’ennemi se dit d’un petit avantage, d’un petit gain dont on se contente, souvent parce qu’il a été obtenu de façon imprévue « Leur gaieté m’électrise, et je n’ai pas le courage de les ennuyer de ma tristesse ; c’est la seule dissimulation que je me permette avec eux, et le désir de leur plaire et de les rendre heureux me la rend facile. Il est vrai que je finis par y trouver e mon compte, et c’est toujours autant de pris sur l’ennemi », MME DE SABRAN, Lettre du 29 oct. 1787 ■ XIX satisfaire sa curiosité ou son caprice en voir la farce « vous ne savez pas ce que c’est que le grand jeu ? dit solennellement Mme Fontaine. – Non, je ne suis pas n’assez riche pour n’en n’avoir jamais vu la farce ! », BALZAC, Le Cousin Pons, 1847 e e ■ m. XIX on n’est jamais si bien servi que par soi-même ■ d. XX c’est pas dommage ! • c’est e toujours ça de pris ■ m. XX heureux comme un pape très content de sa situation ; comme un pape signifie depuis des siècles « de façon généreuse, de manière très satisfaisante » – être servi comme un pape, se porter comme un pape MALHEUR déplorable, misérable, pitoyable épreuve, infortune e ■ XV poire d’angoisse « J’ai mengié par son second mari mainte dure poire d’angoisse. Il estoit beaulz, jeunes et e gaillars », Les Évangiles des quenouilles, v. 1470 ■ XVII un oiseau de mauvais augure « je meurs de peur que toute votre destinée ne soit malheureuse depuis un bout jusqu’à l’autre. Cependant je ne veux point vous décourager, ni vous paraître un oiseau de mauvais augure », SÉVIGNÉ, 1687 ■ m. XVII e 1640 être heureux comme un chien qui se e noie • la nuée a crevé « le mal-heur est tombé dessus nous » (OUD.) ■ f. XVII 1690 en avoir dans l’aile « on dit d’un homme malheureux, qu’il en a dans l’aile, pour dire qu’il luy est arrivé quelque accident fascheux » (FUR.) • être heureux comme un chien qui se casse le nez par antiphrase • être tout étourdi du bateau « un homme est tout étourdi du bateau : il lui est arrivé depuis peu e quelque infortune qui lui a causé quelque trouble d’esprit » (FUR.) ■ XVIII enfoncer un couteau e dans le cœur rendre quelqu’un malheureux ■ f. XVIII être dans le pétrin « N’empêche, a dit Valérie, que si on n’avait pas des types comme Pinay au gouvernail, on serait dans un beau pétrin », M. AYMÉ, Les Tiroirs de l’inconnu, 1960 ◪ 1792 n’avoir plus que les yeux pour pleurer avoir tout perdu « nous avons passé l’éponge sur les crimes de Louis XVI […] nous lui avons pardonné […] d’avoir livré les finances à des maquereaux et des putains, et de ne nous avoir e laissé que les yeux pour pleurer », HÉBERT, 1792 ■ XIX ne pas être sur un lit de roses euphémisme pour « être e dans une situation désagréable ou douloureuse ». Au XIX siècle, une anecdote passait pour être à l’origine de cette expression, dont elle contribua peut-être à faire le succès. On racontait ainsi (cf. P. LAROUSSE) la fin du dernier empereur des Aztèques, Cuauhtémoc, vaincu par les conquistadors en 1524 : avant de le pendre, Cortès le fit coucher sur des charbons ardents en compagnie de son ministre, dans l’espoir que les deux hommes indiqueraient la cachette du trésor… Le ministre se plaignant du mal que lui causait ce supplice, Cuauhtémoc lui aurait e répondu : « Et moi, suis-je sur un lit de roses ? » ■ d. XIX 1828 malheureux comme les pierres « En double mixte, les jeunes filles se moquaient de lui. Ça le faisait encore jouer plus mal. Il sentait qu’elles n’aimaient pas l’avoir pour partenaire. Il avait passé là des après-midi épouvantables, malheureux comme les pierres », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 e ■ m. XIX 1867 être au trente-sixième dessous augmentation de au troisième dessous – les dessous étant les étages inférieurs de la scène du théâtre à l’italienne classique (les dessus étant e e les cintres). Une pièce tombait au troisième dessous quand elle faisait un four (XIX ) ■ f. XIX traîner son boulet allusion au boulet du forçat « Nous sommes les crève-de-faim/Les va-nu-pieds du grand chemin/Ceux qu’on nomme les sans-patrie/Et qui vont traînant leur boulet/D’infortunes toute la vie », COUTÉ, La Chanson d’un gâs qu’a mal tourné… • être dans la panade « Et piges comme tu as peu de chance, non seulement tu es dans la panade, mais encore tu es peint par un sabot », Le Père Peinard, 1893 • être dans la mélasse ◪ 1872 pas drôle « très-malheureux. Expression singulière, dont le peuple de Paris connaît seul la valeur saisissante. Si quelqu’un est victime d’un accident, on le plaint par ces mots : “Pauvre homme ! ça n’est pas drôle !” Un homme sans ressources dira : “Je ne sais si je mangerai ce soir, et ça n’est pas drôle” » (LARCH.) e ■ d. XX retourner le couteau dans la plaie faire souffrir quelqu’un moralement en lui rappelant, volontairement ou non, une chose ou un événement très désagréable ; on trouve dès le début du e XVII siècle mettre le doigt sur la plaie, pour dire « avoir bien compris où se situe le problème » ; il est resté de cette idée de justesse d’analyse mettre le doigt sur (quelque chose), mettre le doigt dessus, la plaie restant, elle, associée à l’idée de souffrance • c’est pas une vie ! e ■ m. XVII 1640 le diable n’est pas toujours à une porte « le mal-heur ne poursuit pas toujours e une personne » (OUD.) • c’est le réconfort des malheureux avoir des semblables ■ f. XVII 1688 prophète de malheur ◪ 1690 malheureux comme un gibet • le voilà bien chaudement la tête e au ruisseau « en plaignant celui à qui quelque malheur est arrivé » (FUR.) ■ XIX pauvre de moi ! e ■ m. XIX 1842 plus on se découvre, plus on a froid « plus on se dit malheureux, plus on est privé du secours d’autrui » (QUIT.) • plus il gèle, plus il étreint « plus il arrive de maux, plus il est difficile e de les supporter » (QUIT.) ■ f. XIX 1894 lécher le miel sur l’épine « prendre un plaisir dans un e moment critique ou dans le malheur » (LYON) ■ m. XX purée de nous autres ! GOÛT disposition, penchant, attrait, prédilection e e ■ XV y prendre plus de plaisir qu’un galeux qu’on étrille beaucoup de plaisir ■ m. XVI e prendre en bonne part ■ XVII faire ses choux gras de quelque chose en faire ses délices, s’en e arranger • suivre sa pente ■ m. XVII 1640 le cœur vous en dit-il ? avez-vous envie de jouer, de boire, de manger ? etc. • faire métier et marchandise « grande profession d’une chose ; estre fort adonné à un vice » (OUD.) • être porté à avoir de l’inclination ou de la volonté pour • manger ses doigts d’une chose la trouver fort excellente • prendre (avoir) à cœur une chose s’y attacher avec affection • entrer en goût prendre plaisir à une chose • c’est mon élément la chose à laquelle je me plais • il y a presse « tout le monde recherche ou désire ; tout le monde court à cela » (OUD.) • il ne s’en peut tenir il est extrêmement adonné à cela • c’est toute ma vie c’est ce que j’aime le plus • mon tout ce que j’aime le plus • il manquerait plutôt à sa soupe « il n’a garde e de manquer à cela, il est fort adonné à cette chose » (OUD.) ■ f. XVII 1690 appétit (envies) de femme grosse appétit(s) déréglé(s), goûts extravagants • en perdre le boire et le manger « aimer e tant l’étude ou la chasse qu’on s’y adonne entièrement » (FUR.) ◪ 1694 se piquer au jeu ■ m. XVIII 1755 donner dans l’œil « plaire, – dans l’argot des petites dames, qui l’emploient aussi bien à propos des gens que des choses dont elles ont envie. J’ai trouvé dans Le Tempérament, tragédiee parade de 1755 : “Il m’a donné dans l’œil” » (DELV.) ■ XIX un livre de chevet qu’on relit e e régulièrement ■ d. XIX faire fureur • péché mignon ■ m. XIX faire de l’art pour l’art « cultiver les arts ou les lettres sans y chercher de lucre » (LARCH.) « Nous avons connu ces types si étranges, qu’on a peine à croire à leur existence ; ils s’appelaient les disciples de “l’art pour l’art” », H. MURGER, Scènes de la bohème, 1851 • pour l’amour de l’art pour le plaisir ; sans but lucratif ◪ 1842 c’est son dada « dada est un terme emprunté de la langue des enfants, qui l’ont formé par onomatopée de l’allure du cheval, pour désigner cet animal. Dans la locution proverbiale, il signifie une idée qu’on se plaît à caresser, dont on est entiché, à laquelle on revient toujours. C’est le milieu précis entre la passion et la monomanie. On dit dans le même sens : “C’est son califourchon” » (QUIT.) • il souvient toujours à Robin de ses flûtes « on se rappelle volontiers les goûts, les penchants de sa jeunesse ; on revient facilement à d’anciennes habitudes » (QUIT.) ◪ 1867 taper dans l’œil séduire – en parlant des choses et des femmes • ne pas cracher sur quelque chose « Nous étions en noble compagnie/Nana, son homm’, sa bell’-mère, un démon,/Fifine et Louise ainsi qu’la gross’ Ninie,/Enfin tous gens qui n’crach’nt pas sur l’picton », A. • avoir un hanneton dans le plafond être fou de quelqu’un ou de quelque chose • se charpenter le bourrichon « s’enflammer à propos de n’importe qui ou de n’importe quoi » (DELV.) • se toquer s’enthousiasmer pour quelqu’un ou quelque chose • se faire à e quelque chose y prendre goût ■ f. XIX avoir un violon d’Ingres la paternité de cette expression fut revendiquée par le journaliste Émile BERGERAT, gendre de Théophile GAUTIER, qui l’aurait appliquée aux regrets exprimés par le poète vers la fin de sa vie (1872) de ne pas avoir été peintre. « Sur cette déviation des dons innés, à laquelle j’ai le premier appliqué la synecdoque de : “Violon d’Ingres”, je n’étais pas d’accord avec mon maître, au moins pour ce qui le concernait » (É. BERGERAT, Souvenirs d’un enfant de Paris, 1911) « La plupart des locataires de notre hôtel faisaient un peu de fausse monnaie, accessoirement, à moments perdus. C’était leur violon d’Ingres », H. CALET, Le Tout sur le tout, 1948 • avoir dans le sang avoir une disposition naturelle ou un goût prononcé pour quelque chose « Les petites e filles de Charonne ont toutes la danse dans le sang », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ■ d. XX être à son affaire • au e goût du jour à la mode ■ f. XX être accro aimer beaucoup : « Elle est accro au champagne. » « Abréviation de accroché (de l’américain hooked, accroché et dépendant de la drogue). Par extension, toute personne hyperpassionnée par quelque chose est un accro » (MERLE) • c’est l’éclate « l’art et la manière de s’éclater (ou de se défoncer). Synonyme le plus commun : le pied » (MERLE) • s’éclater « se faire plaisir, s’envoyer en l’air au sens le plus large » (MERLE) • se défoncer « se faire plaisir, se rassasier, se régaler de quelque chose qu’on aime ou qu’on apprécie. Ainsi, on peut se défoncer aussi bien à la bière qu’à la colle à rustines, en regardant des films à la cinémathèque ou ailleurs, qu’en faisant du jogging ou tout ce qu’on voudra » (MERLE) • ça m’branche ça m’intéresse, ça me passionne, ça me plaît e ■ XVII de tout mon cœur sincèrement • une épée de chevet « ami brave et prompt à nous servir et à nous défendre en toutes occasions. On le dit aussi des choses qui nous sont familières : e cet homme a toujours son Iliade à la main, c’est son épée de chevet » (FUR.) ■ m. XVII 1640 se tuer de « il se tue de parler, de faire, etc. : il parle avec grande passion ; et ainsi du reste » (OUD.) • il ouvre les yeux comme un chat qui coud dans une gouttière « il regarde avec passion ou GRIMALDI, Une noce burlesque, 1911 estonnement. Le vulgaire use d’un mot que je laisse par honnesteté [qui fout dans une gouttière] » (OUD.) ; Hébert, en 1791, donne la variante rondir des yeux comme un chat qui chie dans une gouttière, pour « apprécier beaucoup quelque chose » • chaque mercier prise ses aiguilles chacun prise ce qui lui appartient • l’un veut du mou, l’autre du dur, et par ainsi tout se mange « pour dire que les gousts des personnes sont différents, toutes les choses se vendent, etc. » (OUD.) e ■ XVIII des goûts et des couleurs on ne discute pas « Mlle MÉRU : Je vous ai vu aimer des ingénuités qui certes ne la valaient pas. – FORNAIS : C’est possible. Des goûts et des couleurs… », H. MONNIER, Joseph Prudhomme, 1857 e ■ XIX tous goûts sont dans la nature « les Yankees n’ont pas voulu réserver le monopole exclusif de ce joli métier [entrepreneur de pompes funèbres] aux seuls Conseils de fabriques catholiques et cette industrie est absolument libre de l’autre côté de l’Atlantique, même pour les Portugais, qui d’ordinaire recherchent des occupations plus folâtres. Mais enfin tous les goûts sont dans la nature », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 ■ f. son inclination de manière prévisible ■ m. publicitaire e XIX e XX 1875 tomber du côté où l’on penche suivre l’essayer, c’est l’adopter à l’origine, formule AVOIR ENVIE DE tentation e ■ m. XV donner jusqu’à sa chemise ce que l’on ferait pour obtenir quelque chose dont on a très envie « Qui porroit trouver, dist Marotte Ridee, l’erbe qui resveille les niches maris, j’en donroie jusques a ma chemise, e et deusse aller pour mon pain », Les Évangiles des quenouilles, v. 1470 ■ XVI faire venir l’eau à la bouche faire naître le désir d’une chose « Embaumeuses ! rien que l’évocation du mot me fait venir l’eau à la bouche et malgré moi, il me semble que je renifle les odeurs les plus suaves et les plus paradisiaques ! », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 • avoir les yeux plus grands que le ventre plus d’appétit, ou de désirs, que l’on est capable d’assouvir (in e e e MONTAIGNE, f. XVI ) ■ m. XVI le sang me bout (dans le corps) j’ai une extrême envie ou désir ■ XVII la gueule enfarinée « avec un grand désir ; avec une grande envie d’attraper quelque chose » e (OUD.) ■ m. XVII 1640 les yeux friands « pleins de mignardise, ou qui tesmoignent la friandise » (OUD.) • ou j’en mourrai à la peine « je feray tous mes efforts pour obtenir ce que je désire » (OUD.) • tirer la langue d’un pied de long « avoir grande envie ou besoin de quelque chose, estre en nécessité » (OUD.) • il est venu la queue levée « avec un extrême désir ou un grand dessein d’attraper quelque chose » (OUD.) • guigner une chose la regarder avec souhait • il fricasse il a un extrême désir • mon enfant en sera marqué « j’ai grand désir de cela ; par métaphore, tirée des femmes enceintes » (OUD.) • on n’en jetterait (quitterait) pas sa part aux chiens « d’une chose e où on a quelque prétention » (FUR.) ■ f. XVII 1690 être gros de avoir une envie très passionnée de • donner dans la visière « visière : vue. […] ce tableau lui a donné dans la visière, il le veut avoir à quelque prix que ce soit » (FUR.) • jeter son coussinet sur quelque chose « avoir envie de e l’acheter, de l’obtenir parce qu’elle accommode fort » (FUR.) ■ m. XIX si cela vous chante si vous en avez envie ◪ 1835 un goût de revenez-y bon, qui donne envie ; par jeu de mots sur l’invitation à se resservir d’un plat. Le revenez-y a d’abord été associé à l’amour « AUGUSTINE, qui s’est délectée à boire : Il est gentil votre vin, monsieur Théodore, il est bien doux. – THÉODORE : Ma foi… Mon verre a filé au galop sans dire gare. (Il tend son verre.) – HIPPOLYTE : Eh bien ! redoublons… – Augustine, tendant le sien : Par la même occasion. – HIPPOLYTE : Il paraît qu’il a un petit goût de revenez-y », ROUGEMONT et COURVILLE, Mon ami Polyte, 1835 ◪ 1867 monter le coco e exciter le désir, solliciter l’imagination ■ f. XIX prendre comme une envie de pisser soudainement e ■ d. XX chauffé à blanc excité, impatient d’agir – image du fer ou d’un four de boulanger ; c’est le zèle que l’on attise, cf. « ils avaient mobilisé toute une armée de manifestants dont ils avaient chauffé le zèle à blanc, par une promesse de haute paye », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Félix Faure, 1925 • mettre en appétit donner envie de connaître la suite « Il jongle avec des poids. Ce n’est là qu’un exercice préliminaire. Ses jeux, bien que témoignant d’une jolie adresse et d’une force peu commune, ne sont que pour mettre le public en appétit », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Ravachol, 1923 • griller d’envie de « mais elle acceptait le premier défi d’amour, parce que, depuis que son amie, la petite Tréguence, de deux ans plus âgée qu’elle, avait fauté, elle grillait d’envie de résister à quelqu’un », RACHILDE, La Tour d’amour, 1916 e • se payer le luxe de ■ f. XX être chaud pour quelque chose avoir envie de faire quelque chose e ■ m. XVII 1640 il n’est pas trop dégoûté « il a raison de demander ce qui est beau et bon. Cela se dit d’un homme qui fait l’amour à une belle fille ; ou qui désire quelque chose qui mérite » (OUD.) • faim « nostre vulgaire se sert du mot de faim, en un estrange sens, j’ay faim de chier ou de pisser ; envie, volonté » (OUD.) • il y a bien des aveugles aux Quinze-Vingts qui le voudraient voir cela se dit à une personne qui désire voir une chose • je voudrais que les fièvres quartaines m’en eussent serré autant « c’est une façon de souhaitter vulgaire lors qu’on entend parler de e quelque grande richesse, ou que l’on void quelque chose qui agrée » (OUD.) ■ f. XVII 1690 en herbe et en gerbe « en parlant d’un côté de l’espérance et d’un autre côté de la jouissance » e (FUR.) ■ XIX mon royaume pour… allusion à la réplique de Richard III de SHAKESPEARE : « Mon royaume pour un cheval ! » « Ici, c’est Benfeld, – une petite ville industrielle qu’enserre le Mühlbach. Comme tous les gens pressés, nous prenons le plus long pour y entrer, nous en faisons le tour avec une sorte de rage. “Une auberge ! une auberge ! son royaume pour une auberge !” tel est le cri de nos e estomacs désespérés », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 ■ m. XIX voir Naples et mourir expression, quelque peu ironique, d’un souhait ardent. A donné lieu à des variantes « La Suisse ! mon rêve de jeunesse ! Voir la Suisse et mourir ! Oui, je disais cela – il y a longtemps. Les rêves ne se réalisent jamais à propos, quand ils se réalisent : les bonheurs arrivent toujours trop tard… », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 ◪ 1842 le plus sûr e moyen de vaincre la tentation, c’est d’y succomber ■ f. XX y a bon Banania ! exclamation devant quelque chose ou quelqu’un qui fait envie ; reprise d’un slogan publicitaire célèbre de la e première moitié du XX siècle DÉGOÛT répugnance, répulsion, horreur, aversion, écœurement e e ■ XVII du bout des dents avec répugnance ■ m. XVII 1640 le coût lui en fait perdre le goût « la cherté de la chose en oste la volonté » (OUD.) • faire dresser les cheveux à la tête « avoir horreur, qui fait hérisser le poil » (OUD.) « car, en vérité de Dieu, on ne les soigne pas plus que si c’étoit des chiens, ça fait entrer en compassion, quand on le voit ; quand Madame Necker y a été, ça lui a fait dresser les cheveux sur la tête, elle n’a pu y tenir, à cause des ordures qui y sont et des villenies qu’on leux fait manger », Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 • cela me revient à la bouche me donne un mauvais goût • le cœur me bondit • faire soulever le cœur • revenir sur le cœur • se rebuter d’une chose se lasser, se saouler • il y e a presse à Maubué « ironie vulgaire, pour dire que personne ne veut d’une chose » (OUD.) ■ f. XVII 1690 cela n’est pas de ma viande « ce que j’aime, mon ragoût, mon appétit » (FUR.) • faire vomir e tripes et boyaux (boudins) « se dit d’une chose fort dégoûtante » (FUR.) ■ m. XVIII 1733 ça fait hideur cela dégoûte, révolte « Ô ! notre bon roi, le dirons-je ?/Ça fait hideur, quand l’on y songe ! », Harangue des e habitants de Sarcelles au roi, 1733 ■ XIX jeter l’anathème excommunication, d’où condamnation, e rejet. Au XVIII siècle, on disait lancer l’anathème « Il est républicain, républicain austère et convaincu, et jette e l’anathème au boulangisme », G. DARIEN, L’Épaulette, 1900 ■ m. XIX en avoir son sac ne plus pouvoir supporter quelqu’un ou quelque chose « Entre nous, le mari d’Emma ! j’en ai mon sac ! », CADOL, La Colonie étrangère • sortir e par les yeux ◪ 1867 cela ne me dit pas je n’ai pas d’appétit, de goût pour cela ■ f. XIX ça ne me dit rien « Je ne sais pas si vous êtes comme moi, je ne peux pas souffrir les femmes maigres. Ça ne me dit rien du tout. Ni à e e ■ d. XX sortir par les trous de nez ■ m. XX ne pas courir après litote pour : détester, être dégoûté par quelque chose • ça me scie exprime l’étonnement, et plus particulièrement l’étonnement choqué, le dégoût • ne pas être emballé ne e pas apprécier ■ f. XX c’est pas mon trip ce n’est pas mon genre, ça ne m’intéresse pas • c’est pas mon truc idem • c’est pas ma tasse de thé calque de l’anglais it is not my cup of tea, équivalent de c’est pas mon blot, c’est pas mon rayon, c’est pas mon truc. L’expression s’est répandue en français au cours des années 1970. Elle est utilisée en euphémisme pour dire « je déteste cette chose, ce goût est à l’opposé du mien ». Variante fréquente : Ce n’est pas vraiment ma tasse de thé • (avoir) la gerbe être profondément dégoûté par quelque chose. Haïr et mépriser en même temps. Cf. « Mais y a longtemps qu’t’as pigé/Qu’y faut jamais travailler/Et jamais marcher au pas/Qu’leur culture nous fait gerber/Qu’on veut pas finir loufiats/Au service de cet État » (RENAUD SÉCHAN, Étudiant-poil-aux-dents, 1981) • donner des boutons être insupportable, dégoûter ; référence aux allergies e ■ m. XVII 1640 on se saoule bien de tartes « les bonnes choses trop fréquentes desplaisent à e e la fin » (OUD.) ■ d. XX si vous n’aimez pas ça, n’en dégoûtez pas les autres ■ f. XX avoir les mains pleines de doigts « pour marquer […] la répugnance que l’on a à être touché par quelqu’un (qu’il s’agisse d’une poignée de main ou d’une “main baladeuse”) » (BERNET et RÉZEAU) vous non plus, n’est-ce pas ? », A. CIM, Histoire d’un baiser, 1894 ESPRIT MÉMOIRE OUBLI SAVOIR Apprendre Expliquer Expérience Être averti IGNORANCE Les ignorants Inexpérience Ne pas être au courant INTELLIGENCE Comprendre BÊTISE Niaiserie Étroitesse d’esprit Les imbéciles RUSE-FINESSE NAÏVETÉ Ruse-adresse SAGESSE Sérieux FOLIE Extravagance Perdre la raison PRUDENCE IMPRÉVOYANCE Prévoyance Tester Étourderie Frivolité ÉTONNEMENT Étonner Faits étonnants ÉVIDENCE OBSCURITÉ JUSTESSE Avoir raison Prouver Logique ERREUR Avoir tort Se tromper Illogique ILLUSIONS DÉCEPTION CERTITUDE Croire DOUTE Ne pas croire Indécision Ne pas se laisser persuader PROJETS CHERCHER Problème TROUVER Deviner Réfléchir Solution CAUSE CONSÉQUENCE FATALITÉ CHANCE MALCHANCE HASARD Choix hasardeux CHOIX MÉMOIRE souvenir, souvenance e ■ m. XVI marquer de craie blanche façon de mémoriser quelque chose ; Henri-Clément Sanson, dernier bourreau de France, explique que, dès le Moyen Âge, l’exécuteur, pour percevoir son droit de havée, procédait ainsi : « Afin de distinguer ceux qui avaient acquitté le droit de ceux qui le devaient encore, l’exécuteur et ses aides marquaient les premiers au bras ou à l’épaule avec de la craie » (Mémoires des bourreaux Sanson, 1862) « plusieurs de la part Françoise, sur le soir, en feirent feuz de joie et marquerent de craye blanche sus leurs calendriers ceste fauste et heureuse journée », RABELAIS, Le Cinquième Livre, e e ■ XVII savoir par cœur ■ m. XVII être à marquer d’une pierre blanche pour un événement particulièrement mémorable ◪ 1640 avoir un chien d’esprit « une chienne de mémoire forte » (OUD.) • remettre une personne « la reconnoistre après avoir esté long temps sans la voir » (OUD.) • savoir une chose sur le bout du doigt « la savoir parfaitement de mémoire » (QUIT.) • mémoire e (cervelle) de lièvre « courte : elle se perd en courant » (OUD.) ■ f. XVII 1690 parler comme un perroquet « enfant qui n’entend point ce qu’il dit, ce dont on lui a chargé la mémoire ; de celui qui a appris quelque chose par cœur qu’il n’entend pas » (FUR.) • mettre une épingle sur sa manche « afin de se faire souvenir de quelque chose, à cause d’une merveilleuse propriété de la mémoire qui fait que quand deux choses y sont entrées ensemble, elles en sortent aussi en même temps et e on n’en saurait voir l’une, qu’elle ne fasse souvenir de l’autre » (FUR.) ■ XVIII noter sur ses e tablettes on disait au XVI siècle mettre en ses tablettes « Il y a quatre jours qu’il n’est venu, lui disoit-elle, je l’ai e marqué sur mes tablettes », CAYLUS, Féeries nouvelles, 1741 ■ f. XVIII 1793 se foutre quelque chose dans la caboche l’apprendre, s’en souvenir « Une fois pour toute, foutez-vous donc dans la caboche que vous n’aurez jamais e de repos tant que vous laisserez vivre les amis de la royauté », HÉBERT, 1793 ■ m. XIX je te retiens ! « se dit ironiquement pour : “Je retiendrai ce que tu dis” ou “ce que tu fais” » (LARCH.) « L’AMIE : Il fallait aller 1552 jouer ailleurs. – I RMA : Où cela ? en province ? Merci !… je te retiens, toi », MONSELET ■ e e f. XIX 1872 faire un cran tenir bonne note ■ d. XX une mémoire d’éléphant la gloire des éléphants s’accrut en France à l’occasion de l’Exposition universelle de 1937 « J’insiste… les points sur les i !… J’ai l’heureuse mémoire d’éléphant… on croit toujours me baiser, mon air abruti… », CÉLINE, D’un château l’autre, 1957 • faire un nœud à son mouchoir afin de ne pas oublier une commission, suivant le processus mental exposé plus haut par FURETIÈRE e ■ d. XVII 1606 il souvient toujours à Robin de ses flûtes « on se souvient toujours de ce qui e touche ou importe » (OUD.) ■ m. XVII 1640 la plaie saigne encore « la mémoire du mal est encore e toute fraische » (OUD.) ■ XIX danser devant les yeux quand il nous semble voir, en mouvement devant nous, le souvenir de mots ou d’un visage « Seulement, à cet instant, la dernière lettre de ma marraine où une fois de plus elle me parlait, au nom de ma mère, de mon indignité, se mit à danser devant mes yeux », J. BLANC, Joyeux, fais ■ m. souvenir » (DELV.) ton fourbi, 1947 e XIX 1867 faire de chic « dessiner ou peindre sans modèle, d’imagination, de OUBLI absence, lacune, trou (de mémoire), amnésie ■ m. XVI e 1549 avoir un nom (un mot) sur le bout de la langue ■ XVII e perdre le fil « La voilà revenue, ma chère, cette lettre du 17. Elle était allée faire un petit tour à Rennes ; on est bien aise de voyager dans la belle saison. Elle remplit le vide qui me faisait perdre le fil de la conversation », SÉVIGNÉ, 1690 • passer l’éponge XVII e au début du siècle, l’expression a d’abord eu le sens concret d’effacer une chose écrite « pour ne parler que de deux faits si importans et si publics. Il n’en restoit plus la moindre trace ; une fatale éponge avoit passé dessus, et, si quelqu’un e ■ m. XVII 1640 faire manger des oublies « oublier de donner à manger. Allusion » (OUD.) • mettre aux péchés oubliés oublier, négliger • mémoire (cervelle) de lièvre « courte : elle se perd en courant » (OUD.) • passer en oreilles d’âne • entrer par une oreille et sortir par l’autre « ne pas demeurer en la mémoire » (OUD.), « de celui qui oublie facilement les choses, ou ne fait pas grand cas de ce qu’on lui dit » (FUR.) • il m’en souvient aussi peu que de ma première chemise il ne m’en souvient point e ■ f. XVII 1690 un panier percé « au figuré d’une mauvaise mémoire qui ne peut rien retenir » (FUR.) • avoir une chose sur le bord des lèvres « avoir de la peine à nommer une chose à un certain moment, qu’on nommera facilement quelque temps après » (FUR.) • se gratter l’oreille « avoir peine à se souvenir de quelque chose » (FUR.) • je ne m’en souviens non plus que de ma première jaquette chose qu’on a tout à fait oubliée • avoir une chose sur les lèvres « le savoir bien, mais avoir quelque distraction, quelque défaut de mémoire qui empêche de l’expliquer dans e le moment où on le voudrait » (FUR.) ■ f. XVIII 1798 tomber dans le puits le puits étant le symbole e de l’oubli (noté par le Dictionnaire de l’Académie en 1798) ■ m. XIX manger la consigne oublier d’exécuter à temps un ordre reçu. Manger évoque l’image d’un messager qui avale un document secret pour l’empêcher de tomber aux mains de l’ennemi, mais il n’est pas certain que ce soit l’origine de l’expression ◪ 1834 mettre aux oubliettes oublier volontairement ◪ 1867 manger le mot d’ordre « ne plus se le rappeler, – dans l’argot des troupiers » (DELV.) • prendre au souffleur e « jouer son rôle le sachant mal, en s’aidant du souffleur » (DELV.) ■ d. XX tourner la page passer à e quelque chose de nouveau, en ayant la volonté d’oublier ce qui précède ■ m. XX être rayé de la carte ne plus tenir compte de quelqu’un ou de quelque chose, faire comme s’il n’avait jamais osoit encore les alléguer, faute de réponse on tournoit le dos », SAINT-SIMON existé. Allusion aux villes entièrement détruites par le pilonnage de l’aviation au cours de la Seconde Guerre mondiale « Et deux jours après y a pas un de ces fils de chienne de Rebelles qui soit venu se rancarder sur mon état physique et mental. À croire qu’y m’ont déjà rayé de la carte », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 e e ■ XIX loin des yeux, loin du cœur dès le XV siècle, on trouve celui qui est loing de l’ueil est e loing du cuer ■ f. XIX quand on n’a pas de tête, il faut avoir des jambes si la mémoire fait défaut, e on est obligé de retourner à l’endroit où l’on a oublié ce que l’on devait y prendre ■ d. XX mets-le dans ta poche avec ton mouchoir dessus oublie-le SAVOIR connaissance, idée, acquis, culture, instruction, érudition e ■ XV être hors de page « estre assez sçavant, et n’avoir plus gueres à peiner en un exercice » (OUD.) • parler latin devant les cordeliers « parler à des gens plus savants que soi » (FUR.) e ■ m. XVII 1640 je sais de quel pied il cloche je connais sa façon de procéder • savoir une chose sur le bout du doigt par cœur • être (avoir été) bercé d’une chose en être entièrement informé • se connaître à une chose la bien entendre • marchand mêlé « un homme qui sçait un peu de plusieurs sciences » (OUD.) • être de tous métiers ne rien ignorer • un homme mêlé qui sait plusieurs choses • il sait chanter au letrin (leutrin, lutrin) il n’est pas tout à fait ignorant • les tenants et les aboutissants « savoir tous les tenants et aboutissants d’une affaire, en connoître parfaitement le secret, en sçavoir le fort et le foible » (FUR.) « quand on est nouveau venu dans une maison, on n’en sait pas le trantran ; cela fit qu’un jour je payai du vin au portier, dont j’avois pris les chevaux, pour afin qu’il m’instruise • vous n’avez pas perdu votre argent, vous l’avez bien employé « vous estes devenu sçavant » (OUD.) • en savoir toute la fusée toutes les dépendances • être grec savant ou habile • être (bien) ferré « habile, sçavant, qui a dequoy respondre et satisfaire » (OUD.) « les médecins de l’établissement, qui, n’étant pas, à ce qu’il paraît, très-ferrés, ne savaient trop qu’en penser », VIDOCQ, Mémoires, 1828 • il entend bien son fait « il est accort. Il sçait sa profession ; il gouverne bien ses affaires » (OUD.) • s’entendre en une chose en connaître la valeur • ne pas se moucher du pied ne pas être ignorant, être habile homme • avoir de belles parties vertus ou sciences • je vous donne quinze j’en sais plus que vous • homme universel e « qui sçait de toutes choses » (OUD.) ■ f. XVII 1673 lire à livre ouvert d’abord « lire couramment » puis « comprendre facilement » ◪ 1690 pot pourri « au figuré, d’un homme qui a beaucoup de lecture, qui sait beaucoup de choses mais confusément, c’est un pot pourri de doctrine » (FUR.) • être ferré à glace « homme extrêmement fort sur la matière sur laquelle on l’attaque ; fort et e difficile à vaincre » (FUR.) • savoir une chose comme son Pater bien, par cœur ■ d. XVIII 1718 puits de science « homme “profond” par son savoir – ou par ses apparences de savoir » (DELV.) e ■ m. XVIII avoir réponse à tout « CRIARDUS : Mais comment nous cacher ? – TROTAS : Dans une tonne à sucre. – de tous les tenans et aboutissans », CAYLUS, Histoire de M. Guillaume, 1740 CRIARDUS : Elle nous contiendrait ? – TROTAS : Je m’y tiens tout debout. – CRIARDUS : On ne peut pas mieux dire ; il a réponse à tout », CARMONTELLE, Criardus et Scandée, v. 1770 ■ e d. XIX 1828 avoir la science infuse tout savoir sans avoir besoin de l’apprendre. Souvent employé de manière ironique « car je vous l’ai dit, on ne m’abuse pas, moi, et je ne crois ni aux innocences qui courent les champs, ni à l’amour platonique, ni à la science infuse », P. de KOCK, La Maison blanche, 1828 e ■ m. XIX connaître comme sa poche « je m’étais esquivé, histoire de prendre un peu l’air, à travers les faubourgs de la ville que je connaissais d’ailleurs comme ma poche, pour les avoir fréquentés à chaque relâche dans l’île », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 • être orfèvre en la matière • être calé savant, instruit – l’expression a eu le sens d’« être riche », financièrement parlant, avant de s’appliquer à la richesse intellectuelle « Le major, s’il n’exhibait pas ses pieds sales, montrait souvent ses ongles endeuillés ; cependant, il avait la réputation d’être calé. D’ailleurs, était-il calé ou cancre, je l’ignore », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 ◪ 1866 être dans les cordes de quelqu’un dans ses possibilités, ses ressources, sa compétence. Il s’agirait d’une métaphore sur les cordes vocales et le registre vocal d’un individu « Ventron n’est pas grand, mais nous boirons dans Ventron. Il est sept heures et demie. Cherchons une auberge dans nos cordes. Un capucin, du haut de son ◪ 1867 savoir où est le cadavre de quelqu’un « connaître son secret, savoir quel est son vice dominant, son “faible” » (DELV.) • savoir ce que quelqu’un a dans le ventre « découvrir ses sentiments, ses projets ; connaître le faible et le fort de son caractère » (DELV.) • entraver bigorne (arguche) comprendre et parler enseigne, nous invite à entrer », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 e e l’argot ■ d. XX connaître la chanson ■ m. XX en connaître un bout ◪ 1947 en connaître un e rayon ■ f. XX ça me parle « cela me dit quelque chose » (MERLE) e ■ XVI il faut manger un muid de sel avec quelqu’un pour le connaître un muid de sel vaut e e 2,4 m3, c’est dire le temps qu’il faut ! ■ XVII connaître quelqu’un par cœur ■ m. XVII en pays de connaissance ◪ 1640 à bon vin ne faut point de bouchon « à un homme habile en son art, il ne faut point d’enseigne, ou de recommandation » (OUD.) • longue barbe, courte science « ceux qui e portent la barbe longue ne sont pas plus sçavants pour cela » (OUD.) ■ f. XVII 1690 avoir des yeux de lynx « prince qui est pénétrant dans les affaires et qui a de bons espions, qui découvre tous les secrets de ses ennemis et tout ce qui se passe dans son état » (FUR.) • j’ai été bercé de tels comptes « il y a longtemps que je fais cela, je l’ai appris de ma nourrice en me berçant » (FUR.) ; compte est pris ici dans le sens de « récit » (ex. : rendre compte d’un voyage) • en avoir le cœur e net s’éclaircir d’une chose qu’on ne savait pas ■ XIX les règles de l’art la technique, le savoir-faire e pour réaliser un ouvrage, une œuvre • on apprend à tout âge ■ d. XX connaître quelqu’un e e comme si on l’avait fait ■ m. XX je ne connais que ça ! ■ f. XX ne pas mourir idiot savoir ce qu’il faut savoir pour être « comme tout le monde », souvent dans un contexte moderniste et « libéré », voire pour être à la mode du jour. La formule est reprise de la célèbre pièce de Georges WOLINSKI et Claude CONFORTÈS présentée à l’automne 1968, Je ne veux pas mourir idiot APPRENDRE étude, initiation e e ■ XII (être) à bonne école ■ XV il en est à la croix de par Dieu « il n’est gueres advancé en e cette science, il ne fait que commencer à apprendre » (OUD.) ■ m. XVII 1640 prendre la teinture de quelque science quelque commencement • apprendre par cœur • il fait bon vivre et ne rien savoir, on apprend toujours quelque chose « c’est quand on nous enseigne ou monstre quelque chose dont nous n’avons jamais ouy parler auparavant. D’autres disent, il fait bon estre jeune, e etc. » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il apprend l’ABC il commence à connaître ses lettres • ce n’est pas tout de prêcher, il faut faire la quête « il faut que nos études soient utiles » (FUR.) • être encore à l’alphabet « étudier le petit livre qu’on donne aux enfants pour apprendre les lettres » (FUR.) • e c’est une doctrine qu’on a sucée avec le lait de ce qu’on a appris en bas âge ■ XIX le B. A. BA le début, les premiers rudiments d’un savoir, d’une profession. Vient des anciennes méthodes de lecture dans les écoles « Ça ne connaissait pas le béaba de la vie, ça n’avait jamais médité sur les passions humaines », e M. AYMÉ, Les Tiroirs de l’inconnu, 1960 ■ m. XIX 1842 ce qu’on apprend au berceau dure jusqu’au tombeau « ou “ce qui s’apprend au ber dure jusqu’au ver” » (QUIT.) EXPLIQUER enseigner, inculquer, instruire, exposer e e e ■ XVI rendre compte de ■ d. XVI ôter les écailles des yeux faire voir la vérité ■ m. XVII 1640 recorder la leçon à une personne la bien instruire de ce qu’elle doit faire • faire d’une buse un épervier d’un lourdaud un habile homme • emboucher une personne l’instruire de ce qu’elle doit dire • je lui montrerai à tourner court je lui apprendrai à procéder • faire le bec à quelqu’un l’instruire bien en ce qu’il doit dire • dresser une personne l’instruire • donner de la tablature e « enseigner, instruire. Métaphore » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il faut aider à la lettre « il ne faut pas expliquer une chose à la rigueur, mais y ajouter quelque chose du sien qui en facilite e e l’intelligence » (FUR.) ■ m. XIX 1867 montrer le courant initier quelqu’un à quelque chose ■ f. XIX 1873 éclairer la lanterne « vos instructions étant pour moi le trait de génie qui éclairait ma lanterne », VIBERT, Pour lire e ■ d. XX enfoncer quelque chose dans le crâne • tu veux que je te fasse un dessin ? se dit ironiquement à quelqu’un qui ne comprend pas « Quoi ! Tu ne comprends donc rien ? Il faut que je te fasse un dessin ! », J. MECKERT, Les Coups, 1942 • mettre les choses au point expliquer la façon de procéder, avec souvent l’idée d’explication nécessaire vis-à-vis de quelqu’un qui ne comprend rien e ■ m. XX pas besoin de faire un dessin il n’y a pas besoin d’explication, la chose est simple à comprendre • tu vois le topo ? e ■ m. XVII 1640 un gâte-métier « un homme qui enseigne pour peu de chose » (OUD.) en automobile, 1901 EXPÉRIENCE e e ■ XVII avoir vu le loup ■ d. XVII 1606 il n’est chasse que de vieux chiens les vieillards ont de l’expérience • savoir ce qu’en vaut l’aune se dit de quelque chose dont on a fait l’expérience à ses dépens. « Il se peut aussi appliquer à ceux lesquels ayant déjà passé par quelques difficultez ou dangers, se donnent garde après d’y retomber, ou bien y estans, s’en sçavent mieux desvelopper » e (NICOT) ■ m. XVII 1640 il est nourri de brouet d’andouille « pour dire qu’un homme a de l’expérience ; le reste est, il sçait tout » (OUD.) • il entend le numéro il est expert, il n’est pas ignorant • un gruyer « par métaphore, un habile homme, un homme plein d’expérience, un vieux gruyer » (OUD.) • avoir mangé de la vache enragée « avoir expérimenté la fatigue, s’estre trouvé dans les dangers de la guerre » (OUD.), « on a bien souffert de la disette et la fatigue ; on a beaucoup pâti, on a appris à travailler, à être sage » (FUR.) • il entend le jars, il a mené les oies c’est un homme expert • un habile homme savant, expert • se dépayser « se rendre expert ; sortir de son païs pour se rendre habile » (OUD.) • il sait mieux que son pain manger il a quelque expérience • rompu en une chose expert • avoir rôti le balai « avoir couru le pays, avoir de l’expérience » (OUD.) • un vieux routier un homme expérimenté • nous avons passé par là nous en avons fait l’expérience • il n’est chasse que de vieux loup un vieillard est mieux expérimenté e qu’un jeune ■ f. XVII 1690 il a mangé plus que son pain, il sait plus que son pain manger « homme habile qui a été de plusieurs conditions, qui a voyagé » (FUR.) • à forger, on devient e forgeron à force de faire un métier, on l’apprend ■ f. XVIII 1788 savoir le numéro (voir entendre le numéro, sous-thème « Comprendre ») « Les escrocs disent d’une personne qu’ils n’ont pu duper : Celui-là sait le e e numéro, il n’y a rien à faire », Les Numéros parisiens, 1788 ■ XIX n’être pas né de la dernière couvée ■ d. XIX e ne pas être né d’hier dès le milieu du XVI siècle, on trouve l’expression inverse, n’être né que e d’hier, pour dire « manquer d’expérience » ■ m. XIX un vieux de la vieille c’est-à-dire à l’origine un ancien de la « vieille garde » de Napoléon « Mme Cibot parle pendant une demi-heure sans que l’agent d’affaires se permît la moindre interruption ; il avait l’air curieux d’un jeune soldat écoutant un vieux de la vieille », BALZAC, Le Cousin ◪ 1835 être payé pour le savoir souvent dans le sens d’une expérience malheureuse ◪ 1842 c’est un vieux reître • la pomme est pour le vieux singe l’avantage est pour celui qui a le plus d’expérience • les affaires font les hommes « pour signifier qu’une personne peu habile peut le devenir beaucoup à force de pratiquer les affaires » (QUIT.) ◪ 1866 être du bâtiment appartenir à la profession ◪ 1867 avoir vécu « avoir expérimenté la vie » (LARCH.) • connaître le numéro « avoir de l’habileté, de l’expérience, – dans l’argot du peuple, qui ne se doute pas que l’expression e a appartenu à l’argot des chevaliers d’industrie » (DELV.) ■ f. XIX connaître les ficelles la façon la plus efficace d’agir pour arriver au résultat voulu « Aussi, de sa voix chaude, le juge grasseye : “Carottier ! Hé ! le Pons, 1847 carottier ! Sacré carottier !” L’homme, même s’il ne carotte pas, en pouffe de rire. Un copain, ce juge-là, qui connaît les 1880 connaître la musique ◪ 1883 la connaître dans les coins « c’est la variante de l’expression citée par DELVAU : “Connaître le numéro” » (DICT. LANGUE e VERTE) ■ d. XX ne pas être tombé (né) de la dernière pluie • en prendre de la graine « là sur le palier, ficelles ! », R. BENJAMIN, Les Justices de paix, 1913 ◪ comme il était, le nez contre le linoléum, personne avait rien à faire qu’à prendre un petit peu de la graine ! cadenas ?… certes, e ■ m. XX comprendre sa douleur subir une expérience extrêmement pénible, souvent accompagnée d’une vive souffrance physique • toucher sa bille venue du billard puis propagée par le football dans les années 1950. Désigne aussi bien le savoir-faire que la compétence intellectuelle « Mandrax, toujours aussi sympa avec les copines : y avait le cadenas !… », CÉLINE, D’un château l’autre, 1957 “Ça ! Y a pas besoin d’être prémonitoire pour voir que tu touches pas ta bille. R’garde-moi la coupe que tu t’payes ! T’appelles ça d’la coiffure ?!” », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 • être vacciné le vaccin est une « expérience » de la maladie qui permet de ne plus rien craindre « Te presse pas mon gros père ! Vas-y tant que tu veux je suis vaccinée ! Préviens-moi quand on sera à Dijon c’est tout ce que je te demande ! », B. BLIER, Les Valseuses, 1972 e ■ f. XVI si jeunesse savait et vieillesse pouvait « on ne rencontre pas l’expérience, la sagesse e avec la force et vigueur ; si on pouvait joindre la force et l’expérience » (FUR.) ■ m. XVII 1640 la barbe lui croît devant l’entendement comme aux chèvres de Brie « il a de la barbe fort jeune, et devant qu’il ait de l’expérience » (OUD.) • apprenti n’est pas maître « un qui commence e d’apprendre ne fait pas si bien que celuy qui a beaucoup exercé » (OUD.) ■ f. XVII 1690 laissez faire e à Georges, il est homme d’âge ■ m. XIX on n’apprend pas à un vieux singe à faire la grimace ◪ 1842 marchand d’oignons se connaît en ciboules • expérience passe science « c’est-à-dire e que les leçons de l’expérience valent mieux que celles de tous les maîtres » (QUIT.) ■ d. XX ça te passera avant que ça me reprenne remarque blasée qui se dit pour rabattre l’ardeur et l’enthousiasme de quelqu’un ÊTRE AVERTI e e e ■ XV savoir à quoi s’en tenir ■ m. XV avoir vent ■ f. XV il n’aura pas les gants « quand un homme apporte une nouvelle qu’on sait déjà » (FUR.), les gants étant « la paraguante, le présent e qu’on donne aux messagers qui apportent quelque bonne nouvelle » ■ XVI être un bureau d’adresse « femme qui sait beaucoup de nouvelles et va les débiter çà et là : une gazette » (FUR.), le bureau d’adresse étant le lieu où l’on va donner et prendre des avis pour les choses dont on a er besoin. Voir les Essais de MONTAIGNE, 1 Dessein • faire l’entendu sembler être au courant. Utilisé e souvent de manière ironique ■ XVII connaître (savoir) la carte c’est-à-dire « les intrigues d’une Cour, le train des affaires d’un État, des détours d’une maison, les connaissances, les habitudes, les secrets d’une famille, d’un quartier » (FUR.). Peut-être une allusion à la « carte de Tendre » « de tirer de justes conjectures de la vérité de ces premiers élans dont on est si rarement maître, et qui, par là, à qui connaît la carte et les gens, deviennent des indications sûres des liaisons et des sentiments les moins visibles en tout autre temps rassis », SAINTe • connaître l’envers de la tapisserie ■ m. XVII savoir le trantran des affaires « en connaître la conduite, il en sait le fond ou la fin », à partir de trantran, « mot indéclinable et populaire, qui se dit du secret d’un négoce, de l’exercice d’une charge, des cabales des artisans et généralement du cours de toutes les affaires. On ne peut s’enrichir dans une profession qu’on n’en sache le tran tran, les gains licites ou illicites qu’on y peut faire. Ce mot s’est dit proprement du son du cor des chasseurs ; de sorte que c’est une métaphore tirée de la conduite de la chasse » (FUR.) ◪ 1640 je sais de vos nouvelles « je sçay de quelle nature vous estes, je vous connois. J’ay appris les mauvaises actions que vous avez faites » (OUD.) • avoir le mot être averti • savoir le court et le e long d’une affaire en savoir toutes les particularités ■ f. XVII 1690 savoir les longues et les brèves de quelque chose en savoir toutes les particularités • savoir le pair et la praise des affaires en connaître la conduite, en savoir le fin ou le fond • en tenir registre « à ceux qui savent e toutes les nouvelles d’un quartier, de ce qui se passe dans le monde » (FUR.) ■ XVIII en e connaissance de cause ■ m. XVIII ne m’en parlez pas ! « MME TUBLEU : Ma voisine, ne trouvez-vous pas les SIMON hommes bien insupportables ? ils se moquent de nous quand nous ne savons pas quelque chose, et ils ne veulent pas nous l’apprendre quand nous leur demandons de nous l’expliquer. – MME LE NOIR : Ah ! ne m’en parlez pas. Parlons plutôt de la belle voix de monsieur », CARMONTELLE, Les Voisins et les Voisines, v. 1770 • savoir de quoi il retourne « connaître l’état financier d’une maison, la situation morale d’une famille ; être au courant des affaires politiques et littéraires et savoir quel journal ce gros homme va fonder et quel ambassadeur on va envoyer en Prusse » (DELV.) « Le public n’est pas un aveugle des rues, il voit bien de quoi il retourne, et que ça se fait pour lui attraper deux liards par ci par là », Les Écosseuses, 1739 • savoir l’allure « Votre nouveau Visir me paroît un fort joli homme, et il ne l’entend pas trop mal : je m’étois bien douté (car je sçais un peu l’allure) que les femmes l’avoient porté, car e ■ m. XIX 1867 connaître le courant savoir de quoi il s’agit • connaître la manique connaître à fond une affaire • connaître le journal e « être au courant d’une chose ; savoir à quoi s’en tenir sur quelqu’un » (DELV.) ■ d. XX être à la coule être au courant, averti, dans la confidence « Or pourquoi siffler, pourquoi huer, alors qu’on n’a pas d’opinion, mieux vaut faire comme ceux qui vous entourent, d’autant qu’ils ont l’air d’être “à la coule” », Libertad, 1908 • être dans le secret des dieux peut-être à partir du proverbe : « Secret de deux, secret de Dieu ; secret de trois, secret de tous » ◪ 1914 être à la page au courant « ALAIN : Cette école m’a coûté mon saintc’est tout de même chez nous », CAYLUS, Les Étrennes de la Saint-Jean, 1739 frusquin. Je rentre après quatre ans de bourlingue, mais j’ai appris l’anglais, il me reste de quoi vivre quelques semaines et je ne suis pas un souteneur. À présent tu es à la page. – BARZAC (très embêté) : À la page… À la page !… Tu connais l’auto ? », e H. Kistemaeckers, La nuit est à nous…, 1925 ■ m. XX 1953 être au parfum « Une chose est certaine enfin : Bérégovoy était parfaitement au parfum, si son patron ne l’était pas, de l’imminence de la signature », Le Canard enchaîné, janvier 1982 ■ d. XXI e avoir un dossier sur quelqu’un connaître ses défauts, ses vices, etc., et s’en méfier « Ah ouais, il est flippant avec les meufs. Y avait un dossier sur lui à la cité », R. SANTAKI, Les anges s’habillent en caillera, 2011 IGNORANCE méconnaissance, incompétence, lacune e e ■ XVI faire un pas de clerc « faire une faute par ignorance » (FUR.) ■ XVII jeter sa langue aux chiens ignorer la réponse, renoncer à deviner « Il est vrai que j’aurais jeté ma langue aux chiens mille fois, [plutôt] e que de deviner que vous eussiez appelé La Garde votre petit cœur », SÉVIGNÉ, 1676 ■ m. XVII ce n’est pas un grand clerc « ce n’est pas un habile homme. Autrefois on disait “clerc” pour savant, “mauclerc” pour ignorant, et “clergie” pour science, parce qu’il n’y avait un peu d’instruction que parmi le clergé, les nobles tenant à honte de savoir quelque chose » (QUIT.) ◪ 1640 il est savant jusqu’aux dents, il a mangé son bréviaire • je suis encore à en voir la première pièce je n’en ai encore rien vu • il n’est bon à rien • j’en casse je ne sais pas • n’y entendre que le haut allemand « celui qui n’entend point une langue, une science » (FUR.) • ne voir goutte en une affaire « ne la connoistre ou ne l’entendre aucunement » (OUD.) • il ne saurait pas tourner un œuf « il est fort ignorant, et mal adroit » (OUD.) • vous ne pêchez guère avant « vous ne pénétrez pas bien avant dans la science » (OUD.) • vous n’avez garde de le perdre, vous ne l’avez pas trouvé « vous n’entendez pas l’affaire, vous n’avez pas treuvé le poinct » (OUD.) • il ne s’y entend non plus qu’une truie en épices il est ignorant en cela • il est comme les tétons rognés « sans lettres ; sans science, ignorant » (OUD.) • il s’y entend comme à faire un coffre il ne s’y entend point du tout • il s’y entend comme à ramer des choux « c’est-à-dire, il ne s’y entend pas du tout, il n’a pas la moindre connaissance de la chose dont il veut se mêler. Ramer signifie soutenir des plantes grimpantes avec des rames, petits branchages qu’on fiche en terre. On rame les pois, dont les tiges ont besoin de support parce qu’elles s’élèvent à une certaine hauteur ; mais on ne rame point les choux » (QUIT.) • qui lui piquerait la peau, il n’en sortirait que du vent « il est tout plein de vanité ou d’ignorance » (OUD.) • il ressemble à Messire Jean, qui ne peut lire quand on le regarde un homme peu adroit, ignorant • il ressemble à Messire Jean, qui ne saurait lire dans son bréviaire idem • parler à tâtons sans fermeté, sans science • il ne sait pas son pain manger • il n’entend ni à dia ni à hurhaut il est grossier ou ignorant • il en parle comme un clerc d’armes « ignoramment » (OUD.) • il a fait son cours à Asnières « il est ignorant. C’est une allusion du nom propre de lieu au mot d’Asne » (OUD.) • il est comme le rognon « au milieu de la science, et est ignorant » (OUD.) • en taille douce « qui ne paroist point, que l’on ne voit jamais ; ignorant, e comme docteur en taille douce, et ainsi des autres » (OUD.) ■ f. XVII 1690 ne savoir ni A ni B ne pas savoir lire • ne pas être grand Grec • une ignorance crasse « extrême, profonde ; auteur qui ignore les principes de la matière dont il traite » (FUR.) • ne savoir ni grec ni latin • tomber des nues « être dans un pays inconnu ; être sans connaissance et sans profession » (FUR.) • il ne sait pas son Pater • il ne sait pas toutes les foires de Champagne « homme qui ignore beaucoup de choses qui se trouvent à son préjudice » (FUR.) • c’est un grand docteur, c’est un docteur en soupe salée « ironiquement, à contresens, des ignorants » (FUR.) • il ne saurait faire une panse d’A il ne sait pas écrire • elle ne sait pas ficher un point d’aiguille elle est ignorante • vous me prenez pour un Ostrogot « un barbare, un ignorant qui vient d’un pays fort éloigné » (FUR.) e ■ m. XVIII 1752 ne connaître quelqu’un ni d’Ève ni d’Adam « Mais quand un vieux lapin comme ça, s’en viendra me dire qu’un tas de gens foutre, qu’on n’connoît ni d’Ève ni d’Adam, voulont ben s’arranger avec nos princes, i faut e e ■ f. XVIII avoir des donner sa langue au chat avouer que j’l’i dise dret son fait, c’est pus fort que moi », Le Drapeau rouge de la mère Duchesne, 1792 oreilles d’âne « être d’une lourde ignorance » (DHAUTEL) ■ XIX son ignorance totale « Mariée, peut-être ? – Non, Monsieur ! – Collée ? – Oh ! le vilain mot ! – Alors, je donne ma langue e au chat ! », TOCIHC, Aventure singulière, 1910 ■ m. XIX parce que ! réponse laconique qui est soit un signe d’ignorance, soit un refus de répondre. Cette exclamation est beaucoup employée par les enfants « Au fait, j’y songe : les Grecs avaient leur mont Taygète, les Chinois ont leur fleuve Jaune… Pourquoi les Vosgiens n’ont-ils rien 1842 les armes de Bourges « on dit d’un ignorant assis dans un fauteuil, qu’“il représente les armes de Bourges” » (QUIT.) • nous verrons, dit l’aveugle « dicton qui trouve son application lorsqu’une personne ignorante, ou sans connaissance de la chose dont il s’agit, s’ingère de donner des avis » (QUIT.) • c’est un aveugle qui juge des couleurs « on appliquera toujours très bien le proverbe à un homme qui juge des choses sans les connaître » (QUIT.) • passez, c’est du grec « c’est-à-dire, ne vous occupez pas, ne vous du même genre ?… Pourquoi ? Parce que ! », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 ◪ e mêlez pas de cela, car vous n’y entendez rien » (QUIT.) ■ d. XX être dépassé ignorer ou ne pas comprendre certaines choses « moi, je n’étais pas comme le Toulousain – ni forte tête, ni si habile à discuter de choses e qui me dépassaient », J. BLANC, Confusion des peines, 1943 ■ m. XX ce n’est pas son rayon « Je vois. Monsieur veut jouer les durs. J’aime autant te le dire, ce n’est pas mon rayon et je n’ai pas ça non plus dans mes relations », M. AYMÉ, Le Vin • ne connaître quelqu’un ni des lèvres ni des dents altération cocasse et récente, mais assez usitée, de ni d’Ève ni d’Adam e ■ m. XVII 1640 il ne sait pas le champ, il ne portera pas à manger aux laboureurs « c’est une allusion de chant à champ, pour dire qu’une personne ne sçait pas l’air d’une chanson » (OUD.) • vous ne savez ce que c’est que manger merde, votre père n’était pas pourceau vous êtes ignorant • il fait bon vivre et ne rien savoir, on apprend toujours quelque chose « c’est quand on nous enseigne ou monstre quelque chose dont nous n’avons jamais ouy parler auparavant. D’autres disent, il fait bon estre jeune, etc. » (OUD.) • avec les chiens, on ne gagne que des puces « il n’y a rien à proffiter avec les incivils ou ignorants » (OUD.) • quand le soleil est couché, il y a bien des bêtes à l’ombre « il y a bien des ignorants au monde » (OUD.) • les oisons veulent mener paître leur mère « les ignorants veulent instruire les doctes » (OUD.) • la fin du monde (le jugement) approche, les bêtes parlent latin « cela se dit, lors qu’un ignorant prononce du latin mal à propos » (OUD.) • chantez à l’âne, il vous fera des pets « un ignorant n’aime point la musique » (OUD.) • au royaume des aveugles, les borgnes sont rois « parmy les ignorans ceux qui ont un peu de capacité passent pour habiles » (OUD.) • vous y êtes, laissez-vous choir « par ironie, vous ne sçavez pas bien la chose » (OUD.) • fouillez-moi plutôt « sotte façon de parler vulgaire, de Paris, 1947 e pour dire qu’on ignore une chose » (OUD.) ■ f. XVII 1690 c’est du latin de bréviaire « à un ecclésiastique ignorant qui dit quelques mots de latin, pour lui reprocher de ne pas savoir d’autre latin que celui qu’il a appris en disant son office » (FUR.) • pont aux ânes « une difficulté qui arrête les ignorants ; ou le moyen qu’on donne aux ignorants de passer par dessus une difficulté qui les e arrête » (FUR.) ■ m. XIX à coups de dictionnaire sans grâce – pour un écrit un peu lourd, rédigé d’une manière peu inventive, qui sent le labeur, ou une traduction faite sans vraie connaissance de la langue –, cf. à coups de pioche « Aussi, le premier Italien guidant ses bœufs dans la campagne romaine en sait-il plus long dans vingt-cinq mesures que tous les symphonistes d’outre-Rhin, qui font de la musique avec le traité du contre-point, ◪ 1842 les gueux ne sont jamais hors de leur chemin « parce que les gueux n’ont point de demeure fixe. Il en est de même de ceux qui disputent sans avoir de notions déterminées ; et ce proverbe leur est justement appliqué » (QUIT.) • c’est une virgule dans l’Encyclopédie « expression dont on se sert en parlant d’une personne qui ne marque point par son esprit ou son érudition » (QUIT.) • l’admiration est la fille de l’ignorance « c’est-à-dire que les ignorants sont grands admirateurs. On allonge quelquefois le proverbe en disant : “L’admiration est la fille de l’ignorance et la mère des merveilles” » (QUIT.) • les plus grands clercs ne sont pas les plus fins « les savants, toujours trop occupés de leurs travaux pour attacher beaucoup d’importance aux détails vulgaires, sont souvent dans une profonde ignorance des choses de la société. Ils ne paraissent guère dans un cercle sans se faire remarquer par leurs distractions ou leurs gaucheries, et c’est ce qui a donné lieu à cet autre proverbe : “Que les gens d’esprit sont bêtes !” par lequel la médiocrité de l’homme du e monde se console de leur supériorité » (QUIT.) ■ f. XIX 1872 non, c’est que je me mouche (que je e tousse) « réponse ironique à celui qui demande une chose qu’il devrait savoir » (LARCH.) ■ d. XX il est dans sa chemise « réponse ironique à la question “Où est telle personne ?” pour dissimuler comme les faux poëtes, qui font leurs vers à coups de dictionnaire », H. MURGER, Les Vacances de Camille, 1857 son ignorance ou pour manifester son refus de répondre » (BERNET et RÉZEAU) LES IGNORANTS inculte, ignare e ■ XVI gens de delà l’eau « grossiers et mal instruits des nouvelles et des affaires du temps » e (FUR.) ■ m. XVII 1640 âne à courtes oreilles (qui ne mange point de chardons) • cerveaux à bourrelet « ignorans et estourdis » (OUD.) • bête chaussée c’est-à-dire animal habillé (de chausses) • docteur en toute lourdise « ignorant. C’est une sotte allusion du commun peuple de toute lourdise à Théologie » (OUD.) • tête d’âne ignorant • docteur de quandoque ignorant • barbe de chèvre « un qui a une grande barbe et est réputé ignorant » (OUD.) • médecin d’eau e douce médecin ignorant ■ m. XIX 1831 fruit sec « jeune homme qui sort bredouille du collège ou d’une école spéciale » (DELV.) ◪ 1842 un rossignol d’Arcadie un ignorant INEXPÉRIENCE e ■ XV il en est à la croix de par Dieu « il n’est gueres advancé en cette science, il ne fait que e commencer à apprendre » (OUD.) ■ m. XVI n’être pas encore hors de la coque être encore fort e jeune et sans expérience ■ f. XVI 1584 une jeune barbe « un jeune homme sans expérience ; un jeune sot » (OUD.) « Et on ne sçauroit trop apprendre, principalement des vieilles gens, qui, pour avoir long temps vescu, e ■ m. XVII 1640 il n’a jamais bougé du coin de son feu « il n’a rien veû, il n’est point expérimenté, il n’est point sorti de son païs » (OUD.) • il a bien vu du pays par le trou d’une bouteille « par ironie, il n’a jamais rien veu, il n’est jamais sorty de son lieu » (OUD.) • il s’entend à babines de vache, son père était boucher pour dire qu’un homme n’a pas beaucoup d’expérience • montrer son béjaune « on dit que “quelqu’un a montré son béjaune”, ou qu’on “lui a fait voir son béjaune”, pour signifier qu’il a montré ou qu’on lui a fait voir son inexpérience, son ineptie. “Béjaune” est une altération de “bec jaune”, terme de fauconnerie par lequel on désigne, en prenant la partie pour le tout, un jeune oiseau qui n’est pas encore sorti du nid et qui a réellement le bec jaune. Comme cet oiseau ne sait rien faire, sa dénomination a été appliquée aux personnes novices et peu habiles. Dans le Roman de la Rose, la vieille dit à Belaccueil : “Si n’en savez quartier ne aulne,/Car vous avez le bec trop jaune” » (QUIT.) • si on lui tordait le nez, il en sortirait du lait il est jeune et sans expérience • il est bien neuf, il servira (durera) longtemps il n’a point d’expérience • nourri dans une bouteille sans e expérience ■ f. XVII 1690 il est encore jeune, il en apprendra • jeter sa gourme « figurément, on dit des jeunes qui entrent dans le monde, et qui ne savent pas encore vivre, qu’ils n’ont pas encore jeté leur gourme », la gourme étant une « mauvaise humeur et corrompue qui sort du corps des enfants. Ce n’est pas un mauvais signe, quand les enfants sont galeux, il faut qu’ils jettent leur gourme » (FUR.) • vous avez la barbe trop jeune « à celui qui veut reprendre un plus vieux que sont plus fines et ont plus d’expérience que les jeunes barbes », O. DE TURNÈBE, LES CONTENS, 1584 lui » (FUR.) • ce laquais est neuf, il durera longtemps « il est sot et ignorant, il n’a pas encore appris à servir » (FUR.) • une table rase « figurément de l’esprit d’un jeune homme capable de recevoir telle doctrine qu’on voudra, n’ayant reçu d’ailleurs aucunes autres impressions » (FUR.) e ■ XVIII un blanc-bec « Vous êtes encore des blancs-becs et vous n’avez pas connu Belle-Rose ; c’est celui-là qui avait le e truque », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ■ d. XIX 1811 marin d’eau douce peut-être sous l’influence de e médecin d’eau douce (XVII ). Marin d’eau douce s’utilise, dans la langue moderne, hors de tout contexte maritime, simplement pour exprimer l’inaptitude de quelqu’un à réaliser quelque chose e ■ m. XIX 1867 avoir encore son pucelage « être un peu neuf dans une affaire ; n’avoir pas encore e la rouerie nécessaire dans un métier » (DELV.) ■ f. XIX 1872 trop jeune « dépourvu de l’expérience. Cela peut se dire à un octogénaire » (LARCH.) ◪ 1894 une oie blanche jeune fille un peu niaise, à cause de son inexpérience. LITTRÉ dit déjà « c’est une oie, se dit d’une personne très sotte » « LA DUCHESSE (écœurée) : Et ça s’appelle un oiseau ! Moi j’appelle ça une oie blanche. Avec ses grands yeux bleus… c’est vraiment e ■ d. XX ne pas être de la classe ne pas être près d’y arriver, manquer d’expérience • avoir peu de planches être comédien débutant « Une nouvelle étoile qui se lèvre au dégoûtant », PRÉVERT, La Pluie, 1955 firmament du music-hall, et que nous applaudirons souvent sur nos scènes parisiennes, Geneviève Williams, malgré son air provocant et sa démarche assurée, n’a que très peu de planches, comme nous disons dans notre argot spécial », Paris qui chante, 1911 NE PAS ÊTRE AU COURANT e e être à cent lieues de… ■ m. XVII 1640 je n’en ai eu ni vent ni voix aucune nouvelle e ■ f. XVII n’avoir jamais été déjeuné d’une affaire n’en avoir jamais entendu parler ◪ 1690 s’en être allé à tous les diables on ne sait pas ce qu’il est devenu • hé ! de quel pays venez-vous ? « à e celui qui ignore une nouvelle qui est connue de tout le monde » (FUR.) ■ f. XVIII arriver du Congo même sens « Est-ce que vous revenez de Congo, foutre, pour me faire une pareille question ? », HÉBERT, 1793 ◪ 1789 la première nouvelle un fait qui surprend et que l’on ignorait complètement « Je me hâte de vous rassurer ■ XVII sur les ridicules bruits qui ont couru de la séparation de biens de M. et Mme la duchesse d’Orléans. La princesse que j’ai vue ce matin même, chez qui j’ai déjeuné et lu un chant de Gonzalve, aurait été bien étonnée si je lui en avais parlé ; c’eût été pour elle la première nouvelle », FLORIAN, Lettres…, 1789 e ■ m. XIX 1867 être sous le lit « n’être pas au courant d’un e métier ou au fait d’une chose » (DELV.) ■ f. XIX Dieu sait comme sous-entendu : moi je ne sais pas ◪ 1888 inconnu au bataillon ! je n’en ai jamais entendu parler. Par allusion à l’appel des recrues à e l’armée ■ d. XX illustre inconnu • va savoir ! il est possible que cela soit, je n’ai aucun moyen de e le vérifier • être hors du coup • descendre de la Lune ■ m. XX ne pas être dans la course ne pas être au courant des choses, être tenu à l’écart des événements. Origine probable dans le cyclisme e ■ f. XX débarquer de la planète Mars ignorer des faits récents connus de tous ; renforcement de e débarquer, même sens ; débarqué au sens de « nouveau venu » existe depuis la fin du XVII siècle INTELLIGENCE entendement, discernement, capacité, clairvoyance, pénétration, perspicacité, compréhension e ■ m. XVI être un phénix être unique, extrêmement brillant intellectuellement, par allusion à l’oiseau fabuleux de la mythologie, seul de son genre et supérieur aux autres « Nous reçûmes, ma sœur et moi, une bonne éducation. Nous en profitâmes assez bien, surtout ma sœur qui est naturellement douée, aimable, bonne, et qui ne cherchait qu’à satisfaire ses maîtres et à prouver à notre mère sa tendresse et son obéissance. Moi, je ne suis pas un phénix, mais je n’ai pas non plus de grands défauts », P. de KOCK, Mon voisin Raymond, 1828 ■ f. XVI e homme de e cervelle habile homme, homme d’esprit ■ d. XVII avoir de l’esprit comme quatre • à bon entendeur, peu de paroles « qu’il ne faut pas user de beaucoup de discours à un homme e intelligent » (OUD.) ; l’idée s’exprime en locution dès le début du XV siècle (à bon entendeur il ne e e fault que demi mot) mais ne semble s’être figée sous cette forme qu’au début du XVII ■ m. XVII 1640 esprit fort savant, habile • il n’est pas grue il n’est pas sot • éveillé comme une potée de souris « fort gaillard, fort esveillé » (OUD.), potée signifiant « grand nombre » • entendre le grimoire être habile, savant • avoir un chien d’esprit « un esprit inventif, ou bien malicieux » e (OUD.) ■ f. XVII 1678 il ne lui manque que la parole cet animal est très intelligent « Je salue au passage le souvenir de ce chien pisteur admirablement dressé et auquel il ne manquait que la parole », VIBERT, Pour lire en automobile, ◪ 1690 avoir des yeux de lynx « prince qui est pénétrant dans les affaires et qui a de bons espions, qui découvre tous les secrets de ses ennemis et tout ce qui se passe dans son état » (FUR.) 1901 e • à revendre « être fort spirituel » (FUR.) ■ d. XIX avoir la bosse de… être naturellement doué pour… Allusion à la célèbre théorie phrénologique de GALLET et SPURZHEIM qui fit fureur sous le premier Empire et au début de la Restauration. « Vous avez la bosse de l’amour » (BALZAC, 1845). e Se dit surtout pour les maths ou le commerce • avoir toute sa raison ■ m. XIX tête à X « tête organisée pour le calcul. Calembour sur la formule (“théta X”) employée en mathématiques » e (LARCH.) « L’ancien est évidemment une tête à X », LA BÉDOLLIÈRE ◪ 1850 fort en thème au XIX siècle, locution très courante pour qualifier un jeune homme qui obtient de brillants succès dans ses études, l’exercice du thème (traduction du français au latin ou au grec) étant réputé le plus difficile . Ce fut le titre d’un roman d’Alphonse KARR, qui parut d’abord en feuilleton dans Le Siècle en 1850 ◪ 1867 e avoir dans son sac posséder, être pourvu de ou doué pour, le sac étant la tête ■ f. XIX 1872 il a de ça « il a de l’originalité, du talent, ou du génie » (LARCH.) ◪ 1894 avoir (une) bonne tête « ne signifie pas pour nous avoir un visage agréable, mais beaucoup de capacité. “Quand on n’a pas e bonne tête il faut avoir bonnes jambes” » (LYON) ■ m. XX toucher sa bille venue du billard puis propagée par le football dans les années 1950. Désigne aussi bien le savoir-faire que la e compétence intellectuelle • c’est pas la moitié d’un con c’est quelqu’un de très intelligent ■ f. XX en avoir sous la pédale métaphore cycliste pour dire « avoir des réserves », qu’elles concernent la force physique ou les ressources intellectuelles e ■ XVI tomber en quenouille « lorsqu’on parle d’une famille où les filles ont plus d’esprit que les garçons, on dit que l’esprit y est “tombé en quenouille” » (QUIT.) ; dans son Dictionnaire, e FURETIÈRE donne comme exemple : « L’esprit des Muses est tombé en quenouille » ■ m. XVII 1640 il a couché au cimetière, il a de l’esprit « c’est un quolibet du vulgaire, pour dire qu’une personne e est habile ou spirituelle » (OUD.) ■ f. XVII folle du logis « on donne ce nom très-bien trouvé à l’imagination et aussi à la poésie » (LARCH.) « L’imagination, cette folle du logis, a remplacé les lois naturelles par des lois arbitraires », MISMER ■ m. XVIII e 1752 la lame use le fourreau « la vivacité de l’esprit use le e corps » (QUIT.) ■ m. XIX 1842 il a trop d’esprit, il ne vivra pas « c’est ce qu’on dit d’un enfant trop précoce, parce que les trop grands développements de l’esprit, surtout dans un âge tendre, nuisent à ceux du corps et peuvent causer une maladie mortelle. Il y a pourtant bon nombre de ces petits prodiges de collège, de ces génies en herbe, même parmi les lauréats de l’Université de Paris, qui ne meurent que de vieillesse ; mais il faut dire que, craignant sans doute les suites d’un pareil horoscope, à mesure qu’ils grandissent, ils se corrigent si bien de leur précocité, qu’ils tombent dans l’excès contraire » (QUIT.) COMPRENDRE piger, entraver, saisir e entendre l’heure qu’il est comprendre de quoi il s’agit « la bonne fille entendit tantost quelle e heure il estoit », Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 ■ d. XVI voir venir quelqu’un « découvrir quel est son dessein » (LANDAIS) ; on trouve comme variante voir venir de loin « Mais est-elle bien sûre de cette histoire■ XV là ? interrompit l’un des paysans pris soudainement d’un doute. – Laisse donc aller M. Julien, reprit l’autre qui, plus rusé que son compagnon, voyait sans doute venir le clerc », H. MURGER, Scènes de campagne, 1856 ■ e e m. XVI entendre à demi mot sans qu’il soit besoin de tout dire explicitement ■ m. XVII 1640 prendre le cas (le fait) entendre, comprendre • je vous entends venir, vous avez des sabots chaussés « je comprens ce que vous avez dessein de me dire » (OUD.) • vous y êtes, laissez-vous choir vous entendez l’affaire • connaître mouche en lait entendre bien la différence des choses • vous y êtes sans chausse-pied vous entendez le point de l’affaire, vous comprenez • avoir trouvé la cache avoir bien entendu e l’affaire ■ f. XVII 1690 il entend bien chat sans qu’on dise minon « homme habile, qui entend à demi-mot, sans qu’on explique nettement la chose » (FUR.) • entendre le numéro « se dit des gens fort intelligents en affaires. C’est un proverbe tiré des marchands qui ont le prix de leurs marchandises marqué sous certain numéro qu’il n’y a qu’eux qui entendent ; il sait découvrir le prix secret des marchands ; et figurément, il pénètre dans le secret de tout autre affaire où il s’agit de e compte ou de profit » (FUR.) ■ m. XIX voir venir quelqu’un avec ses gros sabots « se dit de quelqu’un qui est deviné avant d’avoir parlé ou agi, par son inhabileté ou sa gaucherie » (DELV.) e e ■ d. XX ne pas être aveugle comprendre parfaitement ce qui se passe ■ m. XX faire tilt comprendre brusquement – par allusion au tilt soudain et bruyant du billard électrique ou flipper • e pas besoin de faire un dessin facile à comprendre ■ f. XX deuxième degré expression apparue durant les années 1960. « C’est l’art et la manière de saisir les choses au-delà de leur apparence e pour en sentir la substantifique dérision » (MERLE) ■ d. XXI t’as vu ? tu comprends, tu saisis ? BÊTISE BÊTISE idiotie, sottise, imbécillité, stupidité, ineptie, ânerie ■ d. XVI e gros veau personne sans énergie et stupide ■ XVII e ce n’est pas une lumière « Le Président déjà n’est pas une lumière. Au lieu d’interroger, selon l’habitude il accuse : “Hum !… Il n’y a pas de fumée sans e ■ m. XVII c’est un sot en trois lettres ◪ 1640 tu es un oison, tu te laisses mener comme un oison « par injure, c’est un sot, qui ne sait pas se conduire, qui n’agit que par l’organe d’autrui » (FUR.) • avoir l’esprit pointu (aiguisé) comme une boule « se dit de quelqu’un qui n’a pas l’esprit très aiguisé » (LYON) • son esprit ne va pas si loin « ne s’estend pas » (OUD.) • il est bon à jouer au brelan, il a un ase dans son pourpoint « c’est une allusion d’un as aux cartes, et ase qui signifie un asne ou ignorant » (OUD.) • avoir l’esprit cruche « estre grossier, avoir peu de jugement, estre extravagant » (OUD.) • il lui faut fendre les pieds et l’envoyer paître « pour dire qu’une personne est beste, grossière » (OUD.) • le mal Thibaut mitaine la bêtise • il a les oreilles bien longues c’est un âne ou ignorant • vous êtes un plaisant Robin « un niais, un sot, un mal habile homme » (OUD.) • faire le veau le sot, le badin • il n’y a point de Martin qu’il n’y ait de l’âne « celuy-cy s’explique de soy mesme » (OUD.) • il a plutôt fait un tour que deux il est lourdaud • n’y entendre que le haut allemand rien du tout • avoir la tête bien dure « estre difficile à instruire ; esprit mal propre pour apprendre quelque chose » (OUD.) • faire baiser la cremillée faire passer pour un badin • la caillette le tient il est sot • être du quatorzième Bénédicté « faire partie du régiment, – ou plutôt de l’armée des imbéciles » (DELV.) • il a encore son premier béguin il est innocent ou simple ; le béguin est un petit bonnet que portent les bébés et les très jeunes enfants • pardonnez-lui, il ne sait ce qu’il fait il est simple, il est sot, il est innocent • sot comme un panier percé « un grand badin » (OUD.) • vous me prenez pour un Allemand « pour un ignorant qui se laisse facilement attrapper : c’est parce que nos Marchands surprenoient autrefois les Estrangers » (OUD.) • grosse tête peu de sens « qui a la teste bien grosse a peu de jugement » (OUD.) • plus sot qu’un jeune chien extrêmement sot • il est si grassot « c’est par allusion de gras ou grasset, le mot couppé fait gras sot » (OUD.) • il a les genoux gros, il profitera « c’est une raillerie pour dire qu’une personne est grossière, et qu’elle pourra profitter si le hazard le donne » (OUD.) • c’est un boucher, il habille tous les jours un veau « c’est une allusion au mot d’habiller, qui signifie aussi tuer et accommoder un veau ; e pour dire qu’un homme est sot, ou veau, qui a la mesme signification » (OUD.) ■ f. XVII 1690 être sot à triple étage excessivement, au dernier point • avoir l’esprit bouché « être peu intelligent, avoir la conception dure et tardive » (FUR.) • on lui fait accroire que les nues sont poêles d’airain et que des vessies sont des lanternes « homme sot et crédule » (FUR.) • être chargé de ganaches « homme grossier et qui a l’esprit lourd » (FUR.) • ne pas avoir une once de sens commun d’esprit, de jugement • avoir l’esprit aux talons « avoir fait une faute par bêtise » (FUR.) • sot comme un prunier « on dit proverbialement “il est sot comme un prunier”, sans qu’on voye le fondement de ce proverbe » (FUR.) • sot comme un panier « bien bête. Cette comparaison n’a pas grand fondement, si ce n’est qu’elle vienne de “panier percé”, car un homme est fort sot, feu…” », R. BENJAMIN, Le Palais, 1914 lorsqu’il est gueux et qu’il ne peut rien retenir de ce qu’on lui dit » (FUR.) • ne pas avoir un grain d’esprit de bon sens, de jugement • c’est un bon as de pique « par injure à un homme stupide » e e (FUR.) ■ d. XVIII bête comme un panier ■ f. XVIII raisonner comme une pantoufle très mal • n’avoir ni bouche ni éperon « se dit d’un homme qui manque de tête, d’esprit et de cœur » e (DHAUTEL) ■ XIX il est sorcier comme une vache il ne sait rien prévoir ni deviner • bête comme une oie • le plus âne des trois n’est pas celui qu’on pense allusion à un vers de la fable de e LA FONTAINE, Le Meunier, son fils et l’âne (m. XVII ) • faire la bête faire semblant d’être bête en vue d’un certain résultat • crétin des Alpes le crétinisme, qui empêche une croissance physique et mentale normale, est une maladie liée au manque d’iode, Conjugué à l’endogamie, il était très courant dans les régions montagneuses • crétin des Pyrénées LÉON BLOY (écrivain catholique mystique) ne portait pas le grand Émile Zola dans son cœur ; ainsi il le traitait de « messie de la e tinette et du torche-cul », « vieille truelle à merde » et « crétin des Pyrénées » ■ m. XIX 1842 raisonner comme une huître fort mal, en dépit du bon sens • avoir l’esprit enfoncé dans la matière « expression dont on se sert pour désigner un esprit épais » (QUIT.) • il a mangé du saucisson de Martigues « locution dont on se sert en Provence, en parlant de quelqu’un qu’on veut taxer de bêtise » (QUIT.) • il n’est pas grand astrologue « il manque d’esprit, de prévoyance, d’habileté » (QUIT.) • c’est une cruche sans anse « un sot difficile à manier, et sur lequel la raison n’a point de prise, “un animal indécrottable” » (QUIT.) • raisonner comme une coquecigrue d’une personne qui raisonne de travers ◪ 1867 c’est toc ce n’est pas spirituel • valoir son pesant d’or « se dit de toute bêtise un peu forte, de tout mensonge un peu violent » (DELV.) • bête comme (un) chou « extrêmement bête, – dans l’argot des bourgeois, qui calomnient cette crucifère » (DELV.) • n’avoir rien dans son sac « n’avoir pas de ressources d’esprit ; être sans imagination, sans talent » (DELV.) • bêtise pommée « une très forte bêtise. Analogie avec les choux, les laitues qui n’ont leur plein développement que lorsqu’ils sont pommés » (LYON) • bête comme ses pieds « Foutez-d’moi ? L’drapeau dans le fumier ! S’pèc’ d’andouille !… Internationale !… Comprenez pas ! Bêt’ comm’ vos pieds. Nom de Dieu ! quoi ! La Guerre sociale ! », COUTÉ, La Chanson d’un gâs qu’a mal tourné… très bête ■ f. e XIX • bête comme ma pantoufle en avoir une dose • être bouché à l’émeri « Mais, mille marmites, si nous n’étions pas bouchés à l’émeri, la tuerie de la Martinique suffirait à guérir les plus enragés étatistes de leur espoir en la conquête des pouvoirs publics », Le Père Peinard, 1900 • ne pas être un aigle « C’est évidemment à ce sujet que le commissaire désirait m’entretenir et je devinais sa perplexité, car ce vieux magistrat n’avait jamais passé pour un aigle ni en savoir ni en jugement, et le peu qu’il en avait s’oblitérait de jour en jour sous l’influence de l’âge et des infirmités », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Félix Faure, 1925 • triple andouille ! • être lent à la comprenette ◪ 1875 être bas de plafond ◪ 1883 en avoir une tranche • en avoir une pochetée avoir la compréhension difficile • en avoir une couche on dit maintenant plus fréquemment en tenir une couche « Eh bien, j’en aurais une couche, comme on dit, d’être plus chevaleresque que tout le monde. D’abord, pourquoi ? Ma propre opinion ? Elle m’absout », G. DARIEN, L’Épaulette, 1900 • n’avoir rien déboulonné « n’avoir pas l’esprit inventif ; ne pas être ingénieux » (DICT. LANGUE VERTE) ◪ 1894 il y a de quoi faire suer la volaille « se dit de quelque chose d’extraordinairement sot ou ridicule » (LYON) • bête comme tout « cette expression est bête ellemême, car au fond elle ne signifie rien. Elle est cependant très répandue. Chose assez singulière, les Anglais en ont le pendant dans It sticks as any thing, cela colle comme quoi que ce soit » (LYON) • bouché comme un escargot par le grand sec « ne se dit pas de quelqu’un qui a la comprenette e bien déliée » (LYON) ■ d. XX l’air bête et la vue basse « Au coin de la rue de Constantinople, il tâta du pied le rebord du trottoir. Paraît que les chats y voient mieux la nuit. C’était pas son cas. L’air bête et la vue basse. Un taxi le frôla », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • dur à la détente qui comprend difficilement ou lentement ce qu’on lui dit • con comme la lune « “C’est pas mal !” que je disais, ou bien : “C’est moche ! C’est con comme la lune !” et ça renfermait toute l’analyse, tous mes mots alors comprimés comme dans une bourriche d’huîtres », J. MECKERT, Les Coups, 1942 • fin comme du gros sel obtus, pas fin du tout. Par ironie et parodie de fin comme l’ambre • être gaga e gâteux, sans que cela soit forcément lié à l’âge ■ m. XX avoir du retard à l’allumage allusion à la distribution électrique des anciens moteurs automobiles ; selon le réglage, ils avaient de l’avance ou du retard. Lorsqu’ils avaient du retard à l’allumage, ils démarraient plus difficilement • ne pas sortir de Polytechnique • les cons volent bas peut-être par allusion aux escadrilles de bombardiers pendant la guerre 39-45 • ce n’est pas un génie ! • avoir un petit pois dans la tête • être à la masse terme de mécanique automobile : lorsqu’un fil est à la masse, il touche la carrosserie et provoque un court-circuit. Le rapprochement avec l’expression en tenir une couche (variante : c’est pas une couche, c’est un building) fait ressentir masse comme « quantité de matière » • l’air con et la vue basse • ne pas faire dans la dentelle ne pas être fin ◪ 1937 qu’este ce qu’il trimbale ! ■ f. XX être stoppé • avoir un pois chiche (écrasé) dans la tête • c’est pas la moitié d’un con du sens de « il est très intelligent », on est passé au sens contraire : c’est pas la moitié d’un con, c’en est un entier • c’est pas une flèche son esprit n’est pas rapide « Momo n’était pas une flèche. Les nombreux ramponneaux qu’il s’était pris dans le chou lui avaient un peu trop secoué la cervelle », A. GUYARD, La Zonzon, 2011 • brute épaisse renforcement de brute – l’aspect proche de l’animal s’entend du point de vue physique comme du point de vue de l’intelligence • ne rien capter ne rien comprendre, soit de façon générale, soit d’un propos particulier – à partir de capter, recevoir une émission par l’intermédiaire d’un appareil radiophonique ; l’usage intensif des téléphones portables, qui captent ou ne captent pas, a renforcé l’usage du mot « Il a tenté trente-six fois, pas peu fier, de m’expliquer son système et comment grosso merdo fonctionnait son entreprise (des fois qu’y ait moyen de le concurrencer) mais j’ai jamais rien capté », RIP, Moleskine, 2012 • ne pas être fini être un peu bête, être un peu lent à la comprenette « À ton avis ? Qu’est-ce que les stups du Val-d’Oise préparent dans un appartement où il y a du cannabis ? Peut-être qu’ils sont venus le fumer ? T’es vraiment pas fini, gamin », R. SANTAKI, Des chiffres et des litres, 2012 • faire le kéké faire l’idiot, l’imbécile, avec un côté vantard un peu ridicule • avoir été bercé trop près du mur être stupide ; image d’un bébé qui aurait pris tant de coups sur la tête que cela aurait nui au e bon développement de son cerveau ■ d. XXI être à la rue à l’origine, ne plus avoir de domicile, ne pas savoir où aller ; c’est probablement à partir de cette dernière acception que se sont formés les sens récents : « être perdu » (dans la vie), « être en retard » (dans un travail à rendre, par exemple), eux-mêmes ayant probablement généré celui d’« être stupide » e ■ XVI brides à veaux « raisons qui persuadent les sots, et dont se moquent les gens éclairés » e (FUR.) ■ m. XVII on ne saurait faire d’une buse un épervier d’un sot un habile homme ◪ 1640 parlez à cet âne, il vous répondra des pets « parlez à un ignorant vous n’en tirerez point de raison » (OUD.) • laissons les chardons aux ânes « laissons les pensées basses aux faibles esprits » (OUD.) • le pont aux ânes « la raison mal fondée d’un ignorant, un quia » (OUD.) • femme sotte se connaît à la cotte « on connoist la sottise d’une femme à son habit » (OUD.) • il est fin, il regarde de près « allusion du vulgaire, pour dire qu’une personne a la veue courte » (OUD.) • à laver la tête d’un âne, on n’y perd que la lessive « on perd sa peine à instruire un homme bête, stupide ou opiniâtre » (FUR.) • un aveugle mène l’autre « un ignorant ou absurde conduit ou abuse l’autre » e (OUD.) ■ f. XVII 1690 il est bien âne de nature, qui ne saurait lire son écriture • il ne faut pas prêcher sept ans pour un carême « il ne faut pas répéter sans cesse et sottement la même chose. Ce proverbe a été imaginé par allusion à cet autre : “Si le carême durait sept ans, tu serais un habile homme à Pâques.” C’est-à-dire, si tu avais l’instruction que peuvent donner les sermons prononcés dans le carême pendant sept ans, tu cesserais après ce temps d’être compté parmi les imbéciles » (QUIT.) • il est des sots de tous pays « dans les lieux les plus polis, il se trouve des gens e e qui n’ont guère d’esprit » (FUR.) ■ XVIII bonnet d’âne ■ m. XIX 1842 quand la maison est trop haute, il n’y a rien au grenier « quand une personne a la taille trop élevée, elle a la tête vide. C’est une opinion fort ancienne et fort répandue que la nature développe le corps outre mesure aux dépens de l’esprit, et que ce qu’elle ajoute au premier elle le retranche au second » (QUIT.) • un sot ne fait point d’hérésie « ce proverbe est, dans l’application qu’on en fait, une critique déguisée sous la forme de la louange, une manière ironique d’excuser la sottise » (QUIT.) • l’âne au milieu des singes « on désigne ainsi un imbécile qui se trouve parmi des gens malins auxquels il sert de jouet » (QUIT.) • c’est un grand astrologue, il devine les fêtes quand elles sont venues « expression ironique, en parlant de quelqu’un qui manque de perspicacité » (QUIT.) • c’est un bon enfant, il ne mange pas des bouts de chandelle « on sous-entend : “mais il sait où l’on en vend” ; et c’est pour cela que cette locution populaire, qui paraît vouloir dire, “il n’est pas bête”, signifie le contraire. Elle fait allusion à un ancien usage de galanterie, qui consistait à avaler des bouts de e chandelle allumés, pour l’amour de sa maîtresse » (QUIT.) ■ d. XX quand on est bête, c’est pour longtemps « Ne savent-ils pas que le pape a au moins une compagnie de soldats, qu’il a eu même tout un régiment – mieux, qu’il a été guerrier lui-même. Quand on est bête, c’est pour longtemps. Le pape est incapable de faire cesser la guerre », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 NIAISERIE benêt, nigaud, cornichon e e ■ m. XII 1160 être lourd dès le XII siècle, signifie « idiot, stupide, niais ». Cette acception première a continué jusqu’à nos jours. Il est remarquable que sous cette forme, mais aussi sous la forme un lourd (déjà en 1640) et être un peu lourd, le mot connaisse depuis les années 1980 un e regain de popularité ; s’utilise aussi en verlan : un relou ■ f. XVI se moucher sur sa manche être niais, c’est-à-dire manquer d’expérience, être gauche ◪ 1585 ne pas voir plus loin que le bout de e son nez ■ XVII il n’a pas inventé la poudre (à canon) « il n’a rien fait d’extraordinaire, il est tout à fait nul. Quand on veut faire entendre, sans avoir l’air de blesser la politesse, qu’“un homme n’a pas inventé la poudre”, on dit qu’“on a tiré le canon” ou “un beau feu d’artifice à sa naissance” » e (QUIT.) ■ d. XVII 1611 être bien de son pays « à celui qui se laisse tromper : vous n’êtes guère e encore déniaisé » (FUR.) ■ m. XVII 1640 courtaud de boutique un niais, un badin • un dadifle un badin, un niais • fin (subtil) comme une dague de (en) plomb grossier, lourd, niais • un grand dandin • Jean Ridou, marguillier de Saint-Cloud un badin, un niais • le grand dandin qui a mordu sa mère au tétin le grand sot, le grand niais • fiacre du coin un badin, un niais • il ne sait pas seulement troubler l’eau « homme sans esprit et sans malice » (FUR.) • chanter la péronnelle dire des sottises, niaiser • lanterner autour du pot niaiser • il joue à deviner « il n’entend point du tout ce qu’on luy propose, ou ce qu’il lit » (OUD.) • un dadais • être de son village « estre simple, estre niais » (OUD.) • il tient sa gravité comme un âne qu’on étrille « il est superbe, par ironie d’un e lourdaut qui fait le grave » (OUD.) ■ f. XVII 1690 se laisser mener par le nez comme un buffle « on dit qu’un homme est un vrai buffle : qu’il est stupide ; qu’il se laisse mener par le nez comme un buffle : il est aisé à tromper, on le mène comme on veut ; souffrir l’empire ou les volontés e d’autrui » (FUR.) ■ XVIII un lustucru « terme burlesque qui est formé des mots “l’eusses-tu cru”, et qui s’emploie pour suppléer à un mot qu’on a oublié, quand on ne veut marquer aucune considération pour la personne qui porte ce nom. Le Roux dit qu’on traite de “lustucru” un benêt, e un sot, un mari trompé » (QUIT.) ■ XIX trou du cul « imbécile, homme incapable » (DELV.). Au sens concret, le syntagme est ancien. Il a toujours été dépréciatif. Cf. « Oui, grosse bête : tu dois bin parler d’zautres, avec tes yeux pas plus grands que l’trou du cul d’une mouche à miel, qui e n’pleurent que d’la cire » (Le Panier de maquereaux, 1764) ■ m. XIX 1842 écouter l’herbe lever « expression dont on se sert quelquefois pour indiquer une attention scrupuleuse et niaise, comme le serait celle d’une personne qui prêterait l’oreille au bruit de la végétation » (QUIT.) • on fait dire aux cloches tout ce qu’on veut « ce dicton s’applique aux personnes qui ne parlent ordinairement que d’après les idées qu’on leur suggère et qui font écho aux paroles des autres » (QUIT.) • il n’est pas cause que les grenouilles n’ont point de queue « pour signifier qu’un homme ne fait rien d’extraordinaire, qu’il n’a pas la moindre intelligence » (QUIT.) • c’est un Nicodème c’est un homme simple et borné, un niais • c’est un grand flandrin « sobriquet appliqué aux hommes élancés, fluets, de mauvaise contenance et même un peu niais » (QUIT.) • avoir l’air de revenir de Pontoise « ou “conter une chose comme en revenant de Pontoise”, en parlant des gens dont les idées sont un peu troublées et confuses, embrouillées, même un peu niaises » (QUIT.) • faire la grue « c’est-à-dire regarder en l’air, parce que la grue est un oiseau à long cou qui a la tête et les yeux dirigés en l’air. Le peuple, qui est toujours disposé à chercher des merveilles en l’air, est appelé le peuple grue. Dans cette dernière expression, grue se prend pour bête, imbécile, comme dans le proverbe suivant : “Maître Gonin est mort, le monde n’est plus grue” » (QUIT.) • c’est un Jean-Farine « c’est un niais, un benêt. Ce terme populaire est venu des farces enfarinées, où l’acteur qui fesait le personnage d’un imbécile avait la figure saupoudrée de farine et le nom de Jean-Farine. C’est ce qu’on a nommé depuis le Gilles ou le Pierrot » (QUIT.) • c’est un Jean-Lorgne un sot, un benêt, un badaud • être bien Claude « expression proverbiale, qu’on applique à un niais, à un idiot » (QUIT.) ◪ 1867 dire des foutaises dire des niaiseries • faire son jojo faire l’enfant, la bête • être gogotte être un peu niais, faire l’enfant • n’avoir pas inventé le fil à couper le beurre « être simple d’esprit, – et même niais » (DELV.) • être de la paroisse de Nigaudaie être un peu e trop simple d’esprit ■ f. XIX couillon comme la lune « Mais nom de dieu, faudrait pas se borner à la grève toute pure. C’est une blague infecte, qui ne procure que davantage de mistoufle, si au bout d’un mois ou deux, il faut rentrer couillons comme la lune, dans le bagne patronal », Le Père Peinard, 1889 • vieille noix • c’est fin ! antiphrase « Toi qui ne joues jamais, fit une jeune femme furieuse, à son amant tout penaud, avais-tu besoin de jouer ce cheval-là ? Ah ! c’est fin ! », ◪ 1894 une oie blanche jeune fille un peu niaise, à cause de son dit déjà : « C’est une oie, se dit d’une personne très sotte » « LA DUCHESSE REBELL, La Câlineuse, 1898 inexpérience. LITTRÉ (écœurée) : Et ça s’appelle un oiseau ! Moi j’appelle ça une oie blanche. Avec ses grands yeux bleus… c’est vraiment dégoûtant », PRÉVERT, La Pluie, 1955 praline • un grand dada (dadais) « un grand nigaud » (LYON) ■ d. e XX cucu la « Même qu’il prenait soin d’éviter les kiosques où tout le monde pouvait voir ce qu’on choisissait. Préférait les marchands installés en boutique. Entrait quand c’était vide. Ça faisait un peu cucu la praline, un peu midinette, d’acheter Mon ciné. Pas du tout intellectuel », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 • avoir l’air fin par antiphrase, avoir l’air bête • cucu la rainette « Tous les regards s’étaient tournés vers lui et le public se mit à rire gaiement, du reste sans hostilité. On le trouvait simplement cornichon, cucul la rainette, ratapoil et rantanplan. Patriote quoi », M. AYMÉ, Travelingue, 1941 e ■ m. XX n’avoir pas inventé l’eau chaude on a pu lire ce titre à la « une » de Libération dans les années 1980 après un discours jugé sans intérêt : « Chirac invente l’eau tiède » • il a encore perdu l’occasion de se taire il a dit des bêtises • imbécile heureux personne gentille et un peu simple e ■ f. XX être (avoir l’air) gol un peu niais, pas très malin ; de mongol, lui-même abréviation de mongolien – dans le langage cruel des enfants ; on dit aussi gogol e ■ m. XVII 1640 c’est à faire à des niais « il faudroit estre niais pour faire cela » (OUD.) • e couvrez-vous, bagotier « cela se dit à un niais qui tient son chapeau à la main » (OUD.) ■ m. XIX 1842 il est fin comme Gribouille qui se cache dans l’eau, de peur de la pluie « on trouve dans le recueil de Philippe Garnier : “Il est aussi sot que Dorie, qui se cache dans l’eau, de peur de la pluie.” “Gribouille” et “Dorie” sont des êtres imaginaires, des types de la sottise de certaines gens qui, pour éviter un inconvénient, se jettent dans un autre inconvénient encore plus grand. On dit e aussi, “c’est un gribouille”, pour un sot, un imbécile, un niais » (QUIT.) ■ f. XIX de l’eau de rose une histoire naïve et simplette comme le sont souvent celles que l’on raconte aux enfants « Mais encore, l’histoire du tailleur, c’est de l’eau de rose, à côté des prétentions du médecin ! », R. BENJAMIN, Les Justices de paix, 1913 e ■ f. XX tirer sur une ambulance attaquer verbalement quelqu’un de trop gentil, trop faible ou trop niais pour se défendre ÉTROITESSE D’ESPRIT connerie e ■ d. XIX bête et méchant désigne le comportement odieux de personnes peu recommandables. L’association des deux termes est suffisamment traditionnelle pour avoir fourni la formule restrictive, en manière d’excuse, plus bête que méchant. Devise de Hara Kiri, « journal bête et méchant », dès la fin des années 1960, l’expression est également devenue synonyme d’humour noir « [Il s’agit d’une résurgence passagère du choléra] néanmoins quelques-uns en meurent, et beaucoup en sont fort malades. À d’autres cela produit un effet meilleur pour eux, mais plus fâcheux, ils deviennent bêtes et méchants, de ■ m. e pot-au-feu « casanier, arriéré » (LARCH.) « Ce n’est pas cet imbécile qui m’aurait éclairée… il est d’ailleurs bien trop pot-au-feu », BALZAC • voir quelque bons et spirituels qu’ils étaient », A. KARR, Les Guêpes, mai 1841 XIX chose par le petit bout de la lorgnette manquer de largeur de vue ◪ 1863 un vieux schnock « vous ne le direz pas, car vous avez peur d’avoir l’air d’un vieux schnock ou d’un réactionnaire, et vous avez tellement envie d’être à e ■ d. XX con comme un balai • avoir des œillères étroitesse de vue, d’esprit, comme le cheval que les œillères empêchent de voir sur les côtés • con comme une valise jeu probable sur ballot • avoir plutôt l’air d’un con que d’un moulin à vent à l’origine, jeu dérisoire qui consiste à marcher en moulinant les bras, et en disant : « J’ai plutôt l’air d’un con que d’un moulin à vent. » Brimade courante dans les anciens bizutages e • le roi des cons ■ m. XX des théories de café du Commerce c’est-à-dire simplistes • mon cul sur la commode titre symboliquement parodique d’un ouvrage extrêmement facile et vulgaire « Car quelque superbe que soit ce Hamlet, il est d’un accès plus difficile que Mon cul sur la commode, ai-je e besoin de vous le préciser », Le Canard enchaîné, janvier 1983 ■ f. XX un Dupont la Joie Dupont étant considéré comme le nom du Français moyen, il est la personnalisation même du beauf. Notons la facilité de transformer Dupont en Ducon • c’est hyper-déb déb, abréviation de débile ; cela n’a pas de sens • au ras des pâquerettes signe de bêtise. Un raisonnement au ras des pâquerettes « ne vole pas haut » la page, d’être dans le vent », F. PARTURIER, Lettre ouverte aux hommes, 1977 LES IMBÉCILES e ■ m. XVI pauvre d’esprit • un Jobelin bridé le jobelin est un sot, un niais, au moins depuis le e XV siècle ; si Rabelais a fait de Jobelin Bridé le nom d’un « maistre » sot, l’expression est utilisée par d’autres à la même époque ; cf. « Et voyla trop tost maryé, qui en est Jobelin bridé » (R. DE COLLERYE, 1536) • un gentil perroquet un plaisant badin, c’est-à-dire un sot ridicule ; il ne sait e que répéter ■ m. XVII 1640 un gros buffle un lourdaud • cervelle à double rebras obstiné, sot, impertinent • être cruche « estre grossier, avoir peu de jugement, estre extravagant » (OUD.) • cheval de bagage ignorant, grossier, lourdaud • mon compère l’entendu « un sot, un badin, qui fait l’habile homme » (OUD.) • Jean fichu l’aîné un badin • Jocrisse qui mène les poules pisser un niais, un badin • un jeune luron un badin, un jeune sot • un gros limier « un païsan, un gros lourdaut » (OUD.) • tête de linotte « une petite teste, et qui par conséquent a peu de cervelle, ou d’esprit » (OUD.) • un tâte-poule un badin, un sot • un veau de dîme « gros lourdaut, veau par excellence, gros veau digne d’être choisi pour donner à la dixme » (FUR.) • un révérend boudinier un badin • cheval de carosse « homme sans esprit, à qui on ne peut rien apprendre » (FUR.) • une (bonne) pièce de chair « grosse personne stupide » (FUR.) • un tiercelet d’éléphant un gros lourdaud • un gros matou de gouttière « un gros garçon, un bon lourdaut » (OUD.) • un franc taupin « un païsan armé ; un badin, un mal fait » (OUD.) • un bon violon un sot, un impertinent • un gros vacher un lourdaud • une lourde une femme lourdaude • tailleurs de pourpoints à vaches badins, ignorants • Maître Antitus des Cressonnières un badin • esprit pesant lent • un (gros) pique-bœuf un lourdaud, un homme grossier de corps et d’esprit • un petit mion un petit badin, un jeune sot • un oison bridé un sot • le sieur de Nigaudis (de la Nigaudière) un sot, un badin • une mijaurée une badine, une sotte • un maroufle un gros badin, un gros sot • un maître sot un grand sot • Maître Jean Jeudi un sot • une lime sourde un lourdaud • un limier d’attache idem • Guillemin croque-folle carleur de sabots un badin, un mal fait • un vendeur d’épinards sauvages un badin • une buse un ignorant, un homme sans esprit • une (grosse) bûche un lourdaud, un homme stupide • bourgeois sot ou niais • un bon gros garçon • un veau un grand e sot, un homme fainéant • gros bœuf gros lourdaud ■ f. XVII 1690 un plaisant ouvrier « un plaisant homme, qui n’entend rien à l’affaire dont on lui parle » (FUR.) • mâchoire pesante (d’âne) homme grossier, esprit lourd • un petit saint en bois « un hypocrite ou un homme simple et innocent, il ne paraît pas qu’il (ironiquement) soit capable de faire du mal » (FUR.) • cheval de charrue homme grossier et stupide • un sot à vingt-quatre carats • être sot en cramoisi « être sot au tout dernier degré ; sa sottise est telle qu’elle ne s’effacera point, quoi qu’il arrive » (FUR.), car « rien n’est plus durable que le cramoisi, qui est moins une couleur particulière que la perfection de quelque couleur que ce soit » (QUIT.) • cheval de bât, gros cheval homme fort stupide • un gros fin « par une contre-vérité, celui qui croit être bien fin et qui ne l’est guère » (FUR.) • un pauvre homme un sot, un idiot, un homme que l’on plaint • âne bâté ignorant e ■ f. XVIII une tête à perruque « cette expression par laquelle on désigne un homme à routine, un homme de très peu d’esprit, équivaut à tête de bois, tête incapable de penser, tête qui n’est bonne qu’à porter perruque. L’accessoire est pris pour le principal » (QUIT.) « Ce n’est que quand on est à l’agonie, prêts à souhaiter le bonsoir à ce monde, que vient un chevalier de la lancette et une autre tête à perruque de médecin pour e ■ XIX triple buse ! • bête à manger du foin • bête à pleurer se dit autant des choses que des personnes e ■ d. XIX être un C « être un imbécile (Grandval). Le mot se dit encore très-souvent soit seul, soit avec les deux lettres qui le complètent. Au Moyen Âge, on disait conard dans le même sens. V. le Dictionnaire du vieux langage, de Lacombe. Connerie, stupidité, et contois, niais, en dérivent également » (LARCH.) ◪ 1808 vieille mâchoire « personne sans capacité, ignorant, sot » (DHAUTEL) e ■ m. XIX 1842 une huître à l’écaille pour désigner une personne fort stupide • un Allobroge « un original, un sot, un rustre […] Les Allobroges étaient un ancien peuple établi dans la partie des Gaules qu’on appelle aujourd’hui le Dauphiné et la Savoie, pays montagneux » (QUIT.) ◪ 1867 ahuri de Chaillot « imbécile, homme un peu “braque”. Argot des faubouriens » (DELV.) • paroissien de Saint-Pierre aux bœufs « imbécile, – dans l’argot du peuple, qui sait que ce saint est le “patron des e grosses bêtes” » (DELV.) ■ f. XIX 1872 pantre argoté imbécile, le pantre étant une dupe ◪ 1894 e estropié de cervelle « se dit de quelqu’un qui n’a pas le cerveau d’un Archimède » (LYON) ■ d. XX gueule de raie « les raclées aux bonnes plus mes piqûres hormonales, plus les gardes du corps, la maintenaient en de ces vifs désirs !… ardeurs !… moi je faisais exprès la gueule de raie… nigaud… je voyais rien… », CÉLINE, D’un château l’autre, 1957 • drogailler votre mal maugré vents et marées », Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 e tête de nœud ! ◪ 1911 fleur de nave imbécile ◪ 1915 crâne de piaf ! ■ m. XX cervelle de e moineau ■ f. XX une tache un abruti • crâne d’œuf il s’agit sans doute d’un passage du petit oiseau, qu’on l’appelle linotte, piaf ou moineau, à l’œuf e ■ m. XVI voilà un beau mâtin, s’il voulait mordre voilà un bon gros paysan, un bon gros e lourdaud ■ m. XVII 1640 il est bien heureux d’être fait, on n’en fait plus de si sots « il est grandement badin, c’est un très-grand sot » (OUD.) • vache de Barbarie qui ne reconnaît que ses e propres veaux une personne fort simple ■ f. XVII 1690 c’est une belle image « femme qui ne parle guère, qui est sans action, sans esprit » (FUR.) • veau d’or homme riche qui n’a point d’esprit e e ■ d. XX au bout du quai les ballots ! ■ m. XX 1936 quand les andouilles voleront, tu seras chef d’escadrille refrain d’une chanson de Georgins, célèbre chanteur de l’entre-deux-guerres RUSE-FINESSE adresse, astuce, habileté, malice, roublardise, subtilité e ■ d. XIII il sait bien comme le bœuf marche il sait comment il faut s’y prendre, il connaît son monde ; l’image a pu être à l’origine d’« entendre le trantan » « Atant est venuz Jouglez lors/qui set mout bien com las bués marge : “Ne contez pas vostre lignage,/mes parlez d’armes et d’amors,/car de lundi en .xv. jors/iert li tornois a Sainteron” », JEAN RENART, Guillaume de Dôle, 1228 ■ XV e une fine mouche une mouche étant un espion e (devenu plus tard mouchard) ■ m. XV 1467 savoir le tour de son bâton être subtil, ingénieux ; sorte d’équivalent ancien de la connaître dans les coins « Le clerc, sachant le tour de son baston, s’en fist beaucop prier, et a tresgrand crainte par semblant, et a grand abundance de larmes a volunté se laisse ferrer », Cent Nouvelles e e ■ f. XVI découvrir la mèche « descouvrir la malice ou finesse » (Oud.) ■ XVII avoir e bon pied bon œil « être vigilant et dispos, entendre bien ses intérêts » (FUR.) ■ d. XVII avoir du Nouvelles, 1467 e nez « flairer les bonnes affaires, deviner les bonnes occasions » (DELV.) ■ m. XVII 1640 s’aiguiser l’esprit • venir d’aguet avec ruse et subtilité • le renard cache sa queue « les gens adroits cachent leurs finesses » (FUR.) • éveillé comme un chat qu’on fouette • un bon chaland « un bon compagnon, un finet » (OUD.) • homme (esprit) délié • c’est une bonne bête « un rusé, un finet, un malicieux. Le reste est, c’est dommage qu’elle n’a du laict » (OUD.) • un bon bâton un rusé • un dessalé • érater une personne la rendre fine ou subtile • il est guéri du sot il est sage, il est rusé • un déniaisé • avoir bon nez « il sent ; il connoist, il s’apperçoit facilement, il est fin » (OUD.) • entendre le pair et la prèze « estre habile, estre subtil ou rusé » (OUD.) • un fin renard un homme rusé • il entend le trantran il n’est pas ignorant, il est fin ou habile • plus fin que lui n’est pas bête il est fort rusé • un vieux loup un vieillard malicieux • un vieux renard idem • être grec « les Grecs ayant de l’instruction, quand les autres peuples étaient dans l’ignorance, ont dû nécessairement passer pour habiles. De là cette expression qu’on applique à un homme fin, adroit, subtil, rusé, et même perfide » (QUIT.) • il entend le grimoire il est habile, il est savant, il est rusé • il entend le tu autem « il sçait le nœud de l’affaire. Item, il est expert » (OUD.) • un songe malice un malicieux • être plus malicieux qu’un vieux singe très malicieux • un preneur de taupes « un finet, un rusé » (OUD.) • un bon pèlerin « un finet, un malicieux » (OUD.) • une fausse pecque une malicieuse personne • être normand dans Le Père Duchesne (1792), HÉBERT parle ainsi de ses compatriotes : « Les Normands ne s’embarquent pas étourdiement pour aller là où il y a tout à risquer et rien à gagner » • un Maître Gonin « un subtil, un finet » (OUD.) • un guetteur de taupes un rusé • esprit friand subtil • jouer au fin procéder avec finesse • un espiègle « un rusé. Ce mot est corrompu de l’allemand Eulenspiegel ; qui signifie le miroir des hiboux, ou des songeards » (OUD.) • homme entendu habile • un diable d’homme « un estrange homme ; un subtil ; un rusé ; un fascheux » (OUD.) • un Maître Mouche « un homme qui a de la finesse, de l’habileté, pour attraper les autres ; maître mouche parce qu’un nommé Mouche était autrefois un excellent joueur de gobelets et de passe-passe » (FUR.) • une fine (fausse) femelle « femme rusée ; en e raillerie. Hors de là, on le dit peu des femmes » (FUR.) ■ f. XVII 1690 avoir bien de la malice sous son cabasset avoir bien du bon sens • être fin comme moutarde fort rusé • aller au-devant parderrière « parvenir à ses fins par quelque détour ; prévoir les objections » (FUR.) • fines gens se mêlent de ses affaires en parlant d’un homme habile • voilà un étrange pèlerin un rusé, matois • une fine (bonne, méchante) pièce personne rusée et maligne • s’il m’attrape, je lui pardonne je suis plus fin que lui • n’être pas manchot « être habile, savoir bien défendre sa personne et ses intérêts ; on ne peut surprendre cet homme aisément » (FUR.) • il faudra se lever de bon matin pour l’attraper on a affaire à un homme bien fin • entendre le jars être fin, subtil • une fine épice • un fin merle homme fort rusé • être fin à dorer « extrêmement fin et adroit ; allusion à l’or qui doit être bien fin pour être propre à dorer » (FUR.) • une bonne (fine) lame « personne fine et adroite ; et ne se dit qu’en mauvaise part, principalement quand on dit d’un ton admiratif “la bonne lame !” » (FUR.) • il ne se mouche pas du pied « homme habile et difficile à surprendre, fin » (FUR.) • entendre la rubrique « être fort intelligent dans les affaires, savoir comme il les faut conduire dans l’ordre » (FUR.) • rusé et adroit comme un singe « il est subtil et allègre comme sont les singes ; ironiquement » (FUR.) • il aime mieux deux œufs qu’une prune « il n’est pas niais, il entend bien ses intérêts » (FUR.) • un dénicheur de fauvettes « un homme adroit et d’intrigues, e qui fait de bonnes découvertes, et surtout en matière de femmes » (FUR.) ■ XVIII malin comme un singe • lire entre les lignes comprendre ce qui est implicite. Il est possible que des pratiques épistolaires concrètes soient à l’origine de cette façon de dire ; cf. « Il faut, père Dauphin, que nous puissions correspondre librement sans donner de soupçons ici ni au château de ce que je puis vous écrire. – Il y a un moyen, dit le père Dauphin, un moyen que j’avais imaginé quand j’étais écrivain public, et qui a porté bien des consolations dans bien des cœurs. – Voyons votre moyen. – Il est bien simple : vous m’écrivez une lettre ordinaire, parlant de tout ou de rien, à votre choix, de la pluie, du beau temps, de ce que vous voulez. Cette lettre-là, je la montre si je veux. Quand votre lettre est terminée et séchée, entre les lignes vous écrivez ce que vous avez à me dire, avec une plume trempée dans du jus de citron ; vous laissez sécher sans approcher du feu ; ça s’efface complètement ; vous pliez votre lettre et vous me l’envoyez » (A. KARR, Agathe et Cécile, 1853) • avoir le nez fin a d’abord été employé par les chasseurs pour qualifier un chien, « lorsqu’il chasse e bien dans les chaleurs et dans le poussier [poudre d’artillerie] » (FUR.) ■ d. XVIII entendre la e tablature ■ m. XVIII 1739 avoir la fesse tondue « savoir plus d’un tour, avoir l’adresse, l’habileté et la souplesse de conscience d’un roué. Se dit principalement d’un galant, d’un séducteur » (NISARD) « Le grand Cornichon en savoit plus d’une nichée. C’étoit un dru qu’avoit la fesse tondue, beau diseur, ayant la e parole en bouche ; il ne donna point de relâche à sa mie qu’il ne lui eût replâtré son méfait », Les Écosseuses, 1739 ■ f. XVIII jouer serré ◪ 1782 pas si bête ! « GIGOT : Payé ? Vous ne m’avez pas donné d’argent. – NICOMÈDE : De l’argent ? Pas si bête ! – GIGOT : Faut pourtant… » GUILLEMAIN, Le Faux Talisman, 1782 ◪ 1789 avoir le truc « le peuple dit, à Paris, “avoir le truc”, être fin, subtil, délié, comme il dit “se blouser”, pour être gauche, étourdi, mal avisé. Les gens qui ont le truc sont ceux qui blousent les autres » (QUIT.). Le truc était, au e commencement du XVIII siècle, un billard particulier, plus long que les autres, et, pour y jouer proprement, il fallait en connaître le secret « Vous êtes encore des blancs-becs et vous n’avez pas connu BelleRose ; c’est celui-là qui avait le truque. Tel que vous me voyez, je n’étais pas trop niolle, et cependant il m’emmaillota le mieux du monde », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ◪ 1792 connaître le truc connaître le secret d’une chose « Maintenant que nous connaissons le truc, nous ferons nous-mêmes nos affaires », HÉBERT, 1792 ■ e XIX avoir le nez creux « être malin, perspicace. Les nez creux ont plus de capacité que les autres » (LARCH.) • être fin comme e l’ambre ■ d. XIX n’être pas trop niolle être adroit, dégourdi « Tel que vous me voyez, je n’étais pas trop niolle, et cependant il m’emmaillota le mieux du monde », VIDOCQ, Mémoires, 1828 ◪ 1828 ne pas perdre le nord ne pas se laisser désorienter facilement « Ne t’inquiète pas, il ne perd pas le nord, Duffailli », VIDOCQ, Mémoires, 1828 e ■ m. XIX avoir du vice être malin, rusé, avoir de l’aplomb ◪ 1835 plaider le faux pour savoir le vrai ◪ 1842 il a les quatre poils du diable « pour désigner un rusé fripon qui vient à bout de tout ce qu’il entreprend, comme s’il avait fait pacte avec l’esprit infernal » (QUIT.) • l’art est de cacher l’art « le grand art de l’homme fin, dit Montaigne, est de ne le point paraître : où est l’apparence de la finesse, l’effet n’y est plus » (QUIT.) • fin comme un merle ◪ 1851 vouloir jouer au plus fin essayer de se montrer plus malin que tout le monde « Et nous ne pouvons plus nous quitter, ajouta Musette. – Alors, mes enfants, votre affaire est claire. Vous avez voulu jouer au plus fin et vous avez perdu tous les deux », H. MURGER, 1867 ne pas se moucher sur sa manche « être expérient, malin » (DELV.) ; e on est passé de l’idée de simple expérience due au temps de la pratique, dès la fin du XVI siècle, à celle d’ingéniosité, voire de roublardise • il l’a chaud c’est un malin qui entend bien ses intérêts • avoir du vice dans la toupie « être très malin, savoir se tirer d’affaire » (DELV.) • avoir du truc avoir un caractère ingénieux • connaître le tour être habile, malin, ne pas se laisser tromper • connaître le joint « savoir de quelle façon se sortir d’embarras ; connaître le point capital d’une affaire » (DELV.) • connaître le fourbi être malin • connaître le godan « savoir de quoi il s’agit ; ne e pas se laisser prendre à un mensonge » (DELV.) ■ f. XIX connaître les ficelles les ruses, les tours et les secrets particuliers pour tromper le monde « Aussi, de sa voix chaude, le juge grasseye : “Carottier ! Hé ! le Scènes de la bohème, 1851 ◪ carottier ! Sacré carottier !” L’homme, même s’il ne carotte pas, en pouffe de rire. Un copain, ce juge-là, qui connaît les ficelles ! », R. BENJAMIN, Les Justices de paix, 1913 ◪ 1872 c’est un marlou c’est un malin • homme d’affût malin, roué ◪ 1883 la connaître dans les coins « Quel roublard, cet officier du génie ! – Il la connaît dans les coins, e dit Bras-Court en hochant la tête », G. DARIEN, Biribi, 1888 ■ d. XX ménager ses effets terme de théâtre : savoir e placer ses effets en observant une pause avant de lancer la réplique ■ m. XX connaître la coupure e la solution d’un problème • pas folle, la guêpe ! ■ f. XX la jouer fine allusion probable à une boule de billard – peut-être de billard électrique ; « bien, comme il faut, sans faute, habilement. “Bravo, tu l’as jouée fine, là !” (bien que cela ne fût pas facile, tu t’en es merveilleusement tiré) » (MERLE) e ■ f. XV il ne faut pas clocher devant les boiteux « il ne faut pas user de finesse devant les e meschans ou rusez » (OUD.) ■ m. XVII le troisième larron celui à qui profite un différend opposant deux personnes • il n’y a plus d’enfants ! on commence à avoir de la malice de bonne heure ◪ 1640 finesses cousues de fil blanc « grossières et aisées à découvrir ; ruse grossière dont tout le monde s’aperçoit » (FUR.) • fin contre fin n’est pas bon à faire doublure « deux rusez ou malicieux ne s’accordent pas » (OUD.) • à d’autres, nous sommes du métier « adressez vous à quelque autre, nous sommes trop fins pour nous laisser tromper » (OUD.) • il a couché au cimetière, il a de l’esprit « c’est un quolibet du vulgaire, pour dire qu’une personne est habile ou spirituelle » (OUD.) • ce n’est pas vivre en bête quand on en sait bien le compte « cela se dit d’une personne qui sçait bien son fait » (OUD.) • il faudrait être plus fin que Maître Mouche il e faudrait être bien habile ou rusé ■ f. XVII 1690 à trompeur, trompeur et demi il est permis de tromper celui qui veut nous tromper ; on sera encore plus fin que lui • il faut coudre la peau du renard à celle du lion « joindre la prudence à la valeur, à la force ; user de finesse pour vaincre un ennemi plus fort » (FUR.) • il entend bien chat sans qu’on dise minon « homme habile, qui entend e à demi-mot, sans qu’on explique nettement la chose » (FUR.) ■ f. XVIII on prend plus de mouches e avec du miel (du sucre) qu’avec du vinaigre ■ m. XIX 1842 de jeune ange vieux diable « on a observé que les caractères pleins de douceur dans le premier âge ont, en général, beaucoup de e e vivacité et de malice dans un autre âge » (QUIT.) ■ f. XIX à malin, malin et demi ■ XX on ne prend e pas les mouches avec du vinaigre ■ m. XX fusil à tirer dans les coins arme imaginaire permettant d’atteindre les adversaires les mieux dissimulés, de prévenir ou de détruire les objections les plus e tenaces ■ f. XX petit jeu sous la forme de à quel petit jeu joues-tu ?, par exemple, signifie : « Qu’es-tu encore en train de manigancer ? » RUSE-ADRESSE e ■ XVI tirer les vers du nez à quelqu’un « Nostre pilot tiroit les vers du nez à ses matelotz », RABELAIS, Le Quart Livre, 1552 e ■ XVII amuser le tapis terme de jeu de cartes : amuser ses partenaires avec des petites mises « Voltaire, ainsi placé entre ses convictions et ses appréhensions, usait de faux-fuyants, amusait le tapis avec toutes les ressources de son esprit, discutait les conditions, prenait du temps jusqu’au retour de Wagnières », RASPAIL, Almanach pour l’année 1867 • faire un tour de passe-passe « Pour moi, je crois qu’il n’en a point et que ce prélat a trop d’intérêt à conserver, dans cette maison, la réputation de sincérité et d’une haute probité qu’il s’y est miraculeusement acquise, pour y e ■ m. XVII 1640 il a toujours quelque arrière-boutique « quelque malice ou subtilité pour la fin » (OUD.) • niais (fou) de Sologne qui s’abuse à son profit « homme rusé qui fait tout à son advantage » (OUD.), « homme adroit et alerte sur ce qui regarde son intérêt, et qui contrefait le simple » (Acad., 1832-35) • il serait bon à vendre vache foireuse il est subtil, il parle ou persuade bien • ménager bien l’esprit d’une e personne s’y accommoder avec adresse ■ f. XVII un innocent fourré de malice un petit rusé. Au e XVII siècle, où malice avait un sens fort, l’expression désignait un dangereux hypocrite ◪ 1690 endormeur de mulots « homme fin et adroit qui amuse les gens de belles espérances qui n’ont point d’effets » (FUR.) • entendre le numéro « avoir de l’intelligence, de la finesse ; faire preuve d’habileté dans le commerce dont on se mêle, et savoir mettre à profit cette habileté » (QUIT.) faire un tour de passe-passe aussi grossier que serait celui-là », SÉVIGNÉ, 1675 « Entamer un pot, une tinette de beurre, un panier de marée, une caque de harengs, l’on assure qu’elle est bien entendue. Elle en entend parfaitement le numéro », Chronologiette de Pierre Prion, 1748 ■ d. XVIII e changer ses batteries ses plans d’attaque « Cela fit changer de batterie aux Jésuites parce que cela affichait le criminel usage qu’ils voulaient faire de cette bulle », SAINT-SIMON ■ f. XVIII e 1786 faire le câlin « c’est cacher la finesse sous un air niais, indolent, et prendre un ton doucereux pour se ménager l’esprit d’une personne dont on veut obtenir quelque chose » (QUIT.) « L’AMOUR, d’un ton affectueux : Je veux votre bonheur… – JEANNETTE, embarrassée : T’nai ; vot’ p’tit air malin…/Oui, gnia dans ces yeux-là tout plein d’supercherie ;… – L’AMOUR, d’un petit air hypocrite : De la supercherie ?… Ah !!… – JEANNETTE, au public : Comme i’fait l’câlin !… I’vient là tortiller… préparer queuq’ fourberie… », BEFFROY DE REIGNY, Les e e ■ d. XIX avoir plus d’un tour dans son sac ■ d. XX jouer sur deux (tous les) tableaux il s’agit des tableaux sur lesquels on dépose sa mise • mettre quelqu’un dans son jeu convaincre quelqu’un par la ruse « Il en voulait aux Juifs, aux femmes, aux habitants des villes. Le jour que Marthe vint Ailes de l’Amour, 1786 le trouver pour le mettre dans son jeu, il était malheureusement dans ces dispositions », M. AYMÉ, Gustalin, 1938 e ■ f. XVII 1690 un bon renard ne mange jamais les poules de son voisin « quand on veut faire e quelque chose de mal, il ne faut pas être en pays de connaissance » (FUR.) ■ m. XIX 1842 à d’autres, dénicheur de merles « expression dont on se sert pour faire entendre à une personne qu’on pénètre sa malice déguisée, et qu’on ne s’y laissera pas prendre » (QUIT.) NAÏVETÉ candeur, ingénuité, crédulité, innocence e e ■ XVI ne pas y entendre malice ■ f. XVI ne pas y entendre finesse ◪ 1587 prendre quelque chose pour argent comptant « se dit en raillant la crédulité d’une personne » (FUR.) « On ne doit pas toujours prendre pour argent contant tout ce qui est escrit aux histoires », F. DE LA NOUE, Discours politique et militaire, 1587 e ■ XVII venir la gueule enfarinée « c’est-à-dire dans l’espérance d’obtenir ce qu’on désire, avec une sotte confiance, inconsidérément » (QUIT.) « Montgobert m’a fait rire du respect qu’elle a eu pour M. de Grignan. Elle avait mis qu’il vint à ce bal la gueule enfarinée ; tout d’un coup elle s’est reprise, elle a effacé la gueule, et a mis la bouche, tellement que c’est la bouche enfarinée », SÉVIGNÉ, 1680 • s’en e laisser conter croire tout ce qu’on nous dit ■ d. XVII 1606 mener par le nez « et cela se dit des personnes esquels y a si peu d’entendement et de resistence, qu’ils se laissent persuader, ou dissuader ce qu’on veut ; Tout ainsi qu’un buffle ayant une boucle au travers du nez » (NICOT) ◪ 1611 être bien de son pays « avoir de la naïveté, s’étonner de tout et de rien, se fâcher au lieu de rire » (DELV.). « L’expression “il est bien de son pays” fait le sel de l’épigramme suivante de Ménage contre l’imprimeur Journel, qui avait refusé de mettre sous presse un passage des Origines de la langue française, relatif aux badauds de Paris : “De peur d’offenser sa patrie,/Journel, mon imprimeur, digne enfant de Paris,/Ne veut rien imprimer sur la badauderie./Journel est bien de son pays” » (QUIT.) « Diable m’emporte, M. Doublet, vous êtes ben encore d’vot’ pays, de croire ça », Étrennes de la mère Duchesne, e 1792 ■ m. XVII 1640 être de son village « estre simple, estre niais » (OUD.) • il est sorcier comme une vache, il a les ongles noirs « il n’y a point d’enchantement à son fait, il est naïf » (OUD.) • de légère croyance facile à persuader • il n’a pas encore la coquille hors du cul il est fort jeune, et e sans expérience ■ f. XVII 1690 on lui fait accroire que les nues sont poêles d’airain et que des vessies sont des lanternes « homme sot et crédule ; crédule à qui on fait accroire ce qu’on veut » (FUR.) • être fait (vivre bien) à la bonne foi « être bien niais de croire aux apparences, ou à ceux e qui lui donnent des paroles, qui croit tout ce qu’on lui dit » (FUR.) ■ f. XVIII 1792 croyez ça et buvez de l’eau « terme en usage pour se moquer des gens crédules » (LARCH.) « Oui, foutre, croyez toutes ces e balivernes-là, et buvez d’l’eau, vous n’salirez pas vos dents », Le Drapeau rouge de la mère Duchesne, 1792 ■ XIX enfant e e de Marie ■ d. XIX comme un enfant qui vient de naître ■ m. XIX une petite dinde une jeune fille un peu sotte, très naïve « Voici donc mon histoire. Appelons-la, si vous voulez bien, l’histoire d’une petite dinde », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ◪ 1842 un bon israélite « homme plein de candeur et même un peu simple » (QUIT.) • être du bon chrême « c’est être fort crédule. Mauvaise allusion au saintchrême, dont l’évêque oint le front de ceux qu’il confirme dans la foi » (QUIT.) ◪ 1866 croire que c’est arrivé « Voilà Trépignette qui croit que c’est arrivé ! dit en riant Rosalba, tout en rendant à Duperron le baiser que celui-ci avait voulu la forcer d’accepter », A. DELVAU, Le Grand et le Petit Trottoir, 1866 ◪ 1867 manquer de nez n’être e pas habile en affaires ■ f. XIX une bonne poire • de l’eau de rose une histoire naïve et simplette comme le sont souvent celles que l’on raconte aux enfants « Mais encore, l’histoire du tailleur, c’est de l’eau de rose, à côté des prétentions du médecin ! », R. BENJAMIN, Les Justices de paix, 1913 ◪ 1878 avaler une couleuvre « croire une calembredaine » (ESNAULT) ◪ 1894 un couyon de la lune « benoît, mollasse, couâme, cogne-vit, etc. Ce mot (couyon) n’a absolument rien chez nous du caractère déhonnête qu’on attribue, paraît-il, au français coïon » (LYON) • une oie blanche jeune fille un peu niaise, à cause de son inexpérience. LITTRÉ dit déjà : « C’est une oie, se dit d’une personne très sotte » « LA DUCHESSE (écœurée) : Et ça s’appelle un oiseau ! Moi j’appelle ça une oie blanche. Avec ses grands yeux bleus… c’est vraiment e ■ d. XX marcher comme un aiguiseur expression de Savoie qui exprime une crédulité extrême • être fleur bleue « Il avait le tort de les juger d’après lui. Tantôt les imaginant plus garces que nature et tantôt trop fleur bleue », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ◪ 1916 s’amener comme une fleur avec toute la candeur possible e ■ f. XVII 1690 jeter sa gourme « figurément, on dit des jeunes qui entrent dans le monde, et qui ne savent pas encore vivre, qu’ils n’ont pas encore jeté leur gourme », la gourme étant une « mauvaise humeur et corrompue qui sort du corps des enfants. Ce n’est pas un mauvais signe, e quand les enfants sont galeux, il faut qu’ils jettent leur gourme » (FUR.) ■ XVIII Belle au bois e dormant qui croit encore au Prince Charmant ■ m. XIX 1835 une chaumière et un cœur un amour simple et naïf. L’expression est tirée d’un vaudeville de SCRIBE (1835) « Peu m’importe où je suis, lui dégoûtant », PRÉVERT, La Pluie, 1955 répondis-je, pourvu que tu y sois avec moi ! – Ah ! me dit-il en riant, tu es de l’école une chaumière et un cœur », H. MURGER, Le Pays latin, 1851 SAGESSE circonspection, modération raisonnable e ■ XVII avoir du plomb dans la tête « sage, sérieux, il ne fait rien à la légère » (FUR.) • (bien) conduire sa barque « conduire sagement sa fortune ; savoir bien ménager sa fortune » (FUR.) « Je conduis pourtant toujours très sagement ma barque, et si je m’égarais, il n’y aurait qu’à me crier : rhumatisme ! », SÉVIGNÉ, e ■ d. XVII 1606 selon le bras, la saignée • à petit mercier, petit panier « asçavoir que chacun se doit mesurer, pour ne rien entreprendre qui passe la mesure » (NICOT) • laisser son enfant morveux plutôt que lui arracher le nez • la nuit porte conseil le sommeil permet de voir les e choses de façon plus posée quand on se réveille ■ m. XVII 1640 raison fait maison « la raison establit toutes les choses » (OUD.) • cela s’entend il faut que cela soit ainsi, il est raisonnable • cervelle bien timbrée homme de jugement • du pays de sapience « Normand ; parce qu’ils sont e fins en ce païs-là » (OUD.) • de sens rassis de bon sens, avec raison, sans se moquer ■ f. XVII 1690 là où la vache est attachée, il faut qu’elle broute il faut se tenir à la condition à laquelle on est attaché • jouer au (plus) fin suivre le meilleur conseil • de deux maux, il faut éviter le pire il faut souffrir une petite perte pour en éviter une plus grande • toute la sagesse n’est pas enfermée e e dans une tête il faut que les plus habiles prennent conseil ■ XVIII entendre raison ■ m. XIX faire sa Sophie « se donner des airs de sagesse » (LARCH.) « À quoi ça m’aurait avancé de faire ma Sophie ? », MONSELET ◪ 1842 à chaque jour suffit sa peine • bouche en cœur au sage, cœur en bouche au fou « la démangeaison de parler emporte le fou ; la circonspection mesure toutes les paroles du sage. L’un s’échauffe en discourant, et s’engage ; l’autre pèse tout dans une balance juste, et ne dit que ce qu’il veut » (BOSSUET, in QUITARD) • qui ne sait être fou n’est pas sage • prends le premier conseil d’une femme et non le second « les femmes jugent mieux d’instinct que de réflexion : “elles ont l’esprit primesautier”, suivant l’expression de Montaigne » (QUIT.) • il vaut mieux être fou avec tous que sage tout seul • il vaut mieux être mûrier qu’amandier « il y a plus de profit à être sage que fou. L’amandier est considéré comme le symbole de l’imprudence, parce que sa floraison trop hâtive l’expose aux gelées du printemps ; et le mûrier comme celui de la prudence, parce qu’il fleurit à une époque où il ne peut éprouver aucun dommage » (QUIT.) • écoute les e conseils de tous et prends celui qui te convient ■ d. XX avoir la tête sur les épaules • prendre du recul 1676 SÉRIEUX e ■ m. XVI mettre la main sur sa conscience « considérer consciencieusement ce que l’on fait e ou dit » (OUD.) ■ m. XVII 1640 faire le réformé le sérieux • il ressemble le perroquet de Maître Guillaume, il n’en pense pas moins « encore qu’il se taise il ne laisse pas de considérer, ou penser plus loin » (OUD.) • qui tard arrive mal loge « qu’il faut user de diligence pour bien faire ses e affaires » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il n’entend point raillerie « d’un critique, d’un homme sévère et rébarbatif : il veut faire toutes choses à la rigueur » (FUR.) • être bon à vendre vache foireuse « ne point rire et dire sérieusement des choses plaisantes ; homme sérieux qui ne rit point » (FUR.) • prendre le mors (frein) aux dents « revenir d’un grand emportement et s’appliquer fortement à l’étude, à sa profession » (FUR.) • raillerie à part parlons sérieusement ◪ 1694 plaisanterie à part e ■ m. XIX blague à part sérieusement ◪ 1861 blague dans le coin variation de blague à part – mise de côté ◪ 1867 blague sous les aisselles ! « expression de l’argot des ouvriers, pour signifier qu’ils cessent de plaisanter, qu’ils vont parler sérieusement, et pour inviter les interlocuteurs à en faire autant » (DELV.) • faire des affaires de rien « faire beaucoup de bruit pour rien, exagérer e l’importance des gens et la gravité des choses » (DELV.) ■ f. XIX 1894 tenir son sérieux à pleines mains « il est évident que celui qui tient son sérieux à pleines mains le tient mieux que celui qui se e e contente de le tenir, sans plus » (LYON) ■ d. XX sans déconner sans blague ■ m. XX être majeur et e vacciné considérer que l’on est suffisamment grand pour savoir ce qu’on a à faire ■ f. XX (poser) à plat « examiner froidement, clairement et sans passion partisane les axes essentiels d’une idée, d’un discours, pour ne pas se perdre dans les détails et rater l’essentiel » (MERLE) • sans déc’ apocope de sans déconner, sérieusement FOLIE déraison, insanité, égarement, divagation, hallucination, vision, chimère follingue, cinglé, dingue, barge, toqué, timbré, tapé, frappé, fada, givré, jeté, louf, maboul, marteau, piqué, sonné, zinzin, siphonné e e ■ m. XVI avoir la tête mal faite « estre un peu fol » (OUD.) ■ XVII fou à lier c’est-à-dire « à attacher » « Mon jeune ami était bien pondéré, sérieux, intelligent et cependant il nous avait paru à tous fou à lier pendant e cette inoubliable matinée passée dans l’étroit canal du pont du Gard », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 ■ d. XVII fol à e vingt-quatre carats ■ m. XVII il a besoin de deux grains d’ellébore « il est fou ; parce qu’on se servait autrefois d’ellébore pour guérir la folie » (FUR.) ◪ 1640 un cheval échappé un homme sans raison ou retenue • fol à marotte grand fou • avoir la cervelle (l’esprit) en écharpe être un peu fou • fol en cramoisi grand fou • avoir des chambres vides dans le cerveau (dans la tête) « fou, extravagant, avoir peu de cervelle, la tête légère, être un peu fou ; tête verte, mal timbrée, démontée » (FUR.) • avoir une (des) chambre(s) à louer « être un peu fou, et en tout cas très excentrique, – dans l’argot du peuple, qui suppose que la déraison peut être produite chez l’homme par la vacuité de l’un des compartiments du cerveau, à moins qu’il ne veuille faire allusion au “déménagement” du bon sens » (DELV.) • avoir le cerveau gaillard • un grain de folie un peu • porter la marotte • fou outré grand fou • avoir des saillies des humeurs ou moments de folie • tête verte « un fol, ou estourdy » (OUD.) • avoir du vif-argent dans la tête « homme qui extravague. Son esprit s’évapore comme du vif-argent » (FUR.) • estropié de la cervelle • cerveau mal timbré • fol à grand ressort entièrement fou • avoir l’esprit renversé être un peu fou • avoir des places vides dans le cerveau idem • avoir du mercure dans la tête « il est un peu fol » (OUD.) • mal saint Mathurin la folie • avoir un coup de hache « estre un peu fol » (OUD.) • être hors de gamme hors de mesure, hors de raison • fou de (à) haute gamme extrêmement fou • cerveau creux • avoir des horloges dans la tête « estre fantasque » (OUD.) • avoir des moucherons en e tête idem • avoir des grillons dans la tête « estre un peu fol, ou extravagant » (OUD.) ■ f. XVII être toqué ◪ 1690 courir les champs (les rues) être fou • il en a dans le casque « il a la cervelle un peu brouillée, soit de vin, soit de folie. En ce sens il est bas » (FUR.) • avoir la cervelle démontée « un esprit qui ne fait pas bien ses fonctions » (FUR.) • être léger d’un grain un peu fou • avoir la lune (un quartier de lune) dans la tête un peu folle ou légère • un homme encastelé « qui a le crâne étroit, et qu’on accuse d’un peu de folie » (FUR.) • avoir la tête fêlée « être un peu fou, homme dont la raison commence à s’altérer » (FUR.) • avoir un coup de giblet on sous-entend : à la tête. Le giblet est la vrille avec laquelle on perce les barriques pour donner de l’air. Le geste de tourner l’index sur sa tempe est accordé au coup de giblet • il lui manque (il lui faut) un clou « sous e entendu à son armet ; être un peu fou » (FUR.) • avoir le cerveau vide être un peu fou ■ XVIII e e échappé de Bicêtre fou ; aux XVII et XVIII siècles, on enferma à l’hôpital de Bicêtre tous les e indésirables de la société : indigents, malades mentaux, criminels… ■ m. XVIII 1740 avoir un grain de grain, subdivision de l’once, unité de poids (environ 60 milligrammes). « Être un peu fou, ou seulement maniaque » (DELV.) ◪ 1750 avoir une légion de lutins dans la tête « il a paru à Calvisson, se disant très entendu dans les opérations alchimiques, entre autres pour la fixation du mercure, l’imprégnation et la transmutation des métaux. [Il] avait une légion de lutins dans la tête. Il prophétisait que le grand seigneur et le pape seraient bons protestants en 1759 », Chronologiette de Pierre Prion, 1750 ■ f. XVIII e 1789 être un peu timbré peut-être par altération de cerveau mal timbré « puis elle nous étala ben lisiblement l’histoire ; pourquoi elle étoit un peu timbrée », Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 • avoir un coup de marteau être un peu fou, un peu maniaque « J’avions donc été, par curiosité, dans la salle où l’on tient les femmes qui sont lunatiques du e cerveau ou qui aviont un coup de marteau dans la tête », Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 ■ XIX être bon pour Charenton où se trouve un célèbre hôpital psychiatrique • avoir une case en e moins allusion aux trente-trois cases de la phrénologie de GALL, célèbre au XIX siècle • avoir une e case vide idem ■ m. XIX être piqué de la tarentule ◪ 1842 il est de Lunel (il a une chambre à Lunel) il est timbré, il est fou ◪ 1867 avoir une écrevisse dans le vol-au-vent « Ce fils de propriétaire a une écrevisse dans le vol-au-vent », Almanach du hanneton, 1867 • avoir des trichines au plafond déraisonner « T’as trop de trichines au plafond », Almanach du hanneton, 1867 • avoir une araignée dans le plafond « être fou, maniaque, distrait » (DELV.) « Je regardais le prince, convaincu qu’il était fou. Il était cependant fort calme et l’air souriant, jouissant de ma stupéfaction et de mon ahurissement. – Hein ! vous vous demandez si je • chier dans ses bas « donner des preuves d’insanité d’esprit » (DELV.) • avoir une trichine dans le jambonneau être un peu fou, un peu maniaque • perdre ses bas « ne plus savoir ce que l’on fait, par distraction naturelle ou par suite d’une préoccupation grave » (DELV.) • avoir une écrevisse dans la tourte « être fou, non à lier, mais à éviter » (DELV.) • avoir une hirondelle dans le soliveau e idem • avoir un moustique dans la boîte au sel être un peu fou, un peu maniaque ■ f. XIX être marteau « Pauve pochetée ! D’où que tu sors ? T’es échappé d’un vase de Chine ? – J’suis pas pus bête equ’toi, mon gars ! – C’est pas que t’es bête, c’est que t’es marteau ! », R. BENJAMIN, Gaspard, 1915 • être un peu branquignol ◪ 1872 avoir une fissure être un peu fou • être fêlé « être un peu fou. Mot à mot : avoir le cerveau fêlé. C’est plus que toqué, c’est moins que avoir une fissure » (LARCH.) ◪ 1899 être piqué « À moi ! Ah !… n’ai point une araignée dans le plafond, comme vous dites en France », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 j’étouffe,/j’suis piqué, j’suis loufe,/on veut m’faire au quique ;/c’est chacun son tour », J. RICTUS, Le Cœur populaire, v. 1900 e ■ d. XX être un peu cinglé • avoir des papillons dans le compteur « Vous avouerez qu’il faut avoir de l’eau dans le gaz et des papillons dans l’compteur pour être restée trois ans avec un type pareil », ARLETTY, dans Le jour se lève, de MARCEL CARNÉ, 1936 ◪ 1919 avoir le coup de bambou « Il ne restait qu’une chose à faire, et, sans souci de mes malades, […] sans un regard pour le médecin (qui le lendemain s’informait de mon coup de bambou) je partais dans la direction du Nord, la tête prise dans l’étau qui surgit souvent d’un rêve brisé », J. BLANC, Joyeux, fais ton fourbi, 1947 ■ m. e XX yoyoter de la touffe • travailler du chapeau « Félix continuait à se gargariser. Encore plus chimérique que lui ! Et finissant par les prendre tout à fait au sérieux, les discours qu’il lui débitait. Non ? Sans blagues ! Il travaillait un peu du e • marcher à côté de ses pompes ■ f. XX avoir un petit vélo dans la tête • onduler de la toiture toiture apparaît dès 1867 au sens de « chapeau », mais il ne semble pas qu’il y ait eu continuité. Il s’agit probablement ici d’une réinvention d’image • pédaler dans la choucroute (dans la semoule) « ne plus savoir ce que l’on fait ou ce que l’on dit » (MERLE) • être secoué du carafon croisement entre être secoué et avoir un coup dans le carafon, le carafon e étant « la tête » depuis au moins le début du XX siècle e ■ m. XVII 1640 à laver la tête d’un âne, on ne perd que la lessive « on perd son temps à reprendre un homme sans raison » (OUD.) • gager sa tête « c’est la gageure d’un fol » (OUD.) • à la e fraise on connaît le veau « le fol est conneu par ses actions » (OUD.) ■ f. XVII à chaque fou sa e marotte ◪ 1690 une tête de fou ne blanchit jamais ■ m. XIX 1842 il n’y a point de génie sans un grain de folie • tous les fous ne portent pas la marotte « proverbe qui a le même sens que cet autre : “Tous les fous ne sont pas aux Petites-Maisons” » (QUIT.) chapeau », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 EXTRAVAGANCE délire, bizarrerie, dada, lubie, marotte, manie e ■ m. XVII 1640 avertin (mal saint Avertin) « mauvaise teste, fantastiquerie » (OUD.) • se chatouiller pour se faire rire « se former des imaginations » (OUD.) • tête creuse (cerveau creux) « fol, fantastique, resveur » (OUD.) • les fèves sont en fleur, les femmes sont folles « qui se dit à une personne qui fait une extravagance » (OUD.) • fantaisies musquées extravagances • il est sujet à la quinte il est fantasque • vous n’êtes pas rassis vous n’êtes pas sage • fantasque comme une mule extravagant • il a son ver coquin « il a son humeur fascheuses ou bigearre » (OUD.) • être quinteux fantasque • avoir ses quintes idem • tenir de la lune idem • vous êtes mal fondé vous avez peu de raison • il est extrême en ses actions « il est excessif, ou extravagant, il passe l’ordinaire » (OUD.) • il ressemble à la mule du pape, il ne boit qu’à ses heures il est fantasque • cheval aux quatre pieds blancs « un extravagant. Item, un grand prometteur » (OUD.) • vous nous en contez de belles « vous nous dites des extravagances, des choses sans raison » e (OUD.) ■ f. XVII l’imagination est la folle du logis « l’imagination est de toutes les facultés intellectuelles la plus sujette à s’égarer quand la raison ne lui sert pas de guide ; elle est la cause de beaucoup d’écarts, de beaucoup de folies » (QUIT.) ◪ 1690 n’avoir pas la tête bien cuite « être un peu extravagant, ne pas être assez mûr » (FUR.) • se moquer de la barbouillée « se dit d’une personne qui débite des choses absurdes et ridicules, qui fait des propositions exagérées et e extravagantes » (QUIT.) ■ f. XVIII cerveau brûlé personne qui a « une imagination ardente et déréglée » (FÉRAUD) « Voilà pourtant les châteaux en Espagne que bâtit le viédaze en son bougre de cerveau brûlé », e HÉBERT, 1791 ■ m. XIX faire les cent coups « commettre des actes de folie, de désespoir » (L ARCH.) • tête brûlée personne extravagante, indisciplinée, aimant vivre dangereusement ◪ 1842 faire des almanachs « s’emploie aujourd’hui le plus souvent pour signifier faire des pronostics en l’air, se e remplir la tête d’idées fausses, d’imaginations extravagantes » (QUIT.) ; dès le XVI siècle, on appelait faiseur d’almanachs celui qui prétendait prévoir des événements sur lesquels il n’avait en réalité aucune prise ni connaissance • voilà un plaisant célestin ! « pour désigner un homme dont l’esprit est un peu aliéné, un bouffon arrogant, un original qui n’observe pas les convenances » e (QUIT.) ■ d. XX déconner à pleins tubes c’est-à-dire ne pas fonctionner normalement. Soit affirmer des choses idiotes, soit avoir un comportement bizarre et désagréable parce qu’imprévisible • être un numéro « Celui-là, encore, était un type peu ordinaire, un numéro comme on dit », E. e RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Ravachol, 1923 ■ m. XX ça va pas la tête ? • être complètement branque • il faut te faire soigner ! • c’est un cas ! un énergumène, un exemple rare et remarquable, une exception à la règle commune, dans l’entêtement, la bêtise, l’extravagance, etc., par extension du langage médical qui désigne par là un malade au comportement singulier et e atypique ■ f. XX être allumé « fou furieux, obsédé… Avec une nuance de sympathie : C’est l’allumé total au niveau baise (la tactique qu’il emploie avec les femmes peut être considérée comme proche du harcèlement sexuel) » (MERLE) • être naze « cassé, foutu. Pour une personne : fêlé, allumé » (MERLE) ; le sens le plus courant désormais est « être fatigué, épuisé » • être (avoir) déjanté « littéralement : sorti de ses jantes, donc des normes. Un gus déjanté total : un marginal » (MERLE) • être barré c’est-à-dire parti – dans son monde, ailleurs • avoir fumé la moquette dire des choses étranges, voire des inepties, avoir un comportement bizarre ; plaisanterie sur avoir fumé (un joint) PERDRE LA RAISON débloquer, déconner, déménager, dérailler e ■ m. XVII perdre la tramontane « tramontane signifie aussi l’étoile du Nord qui sert à conduire les vaisseaux sur la mer : ce qui fait qu’on dit figurément qu’un homme a perdu la tramontane ; pour dire qu’il est déconcerté ; qu’il ne sçait où il en est, ni ce qu’il fait ; qu’il a perdu le jugement, et la raison » (FUR.) • retomber en enfance devenir sénile ◪ 1640 n’avoir ni envers ni endroit point de raison • il a l’esprit tourné il est devenu fou • avoir des tranchées (de) saint Mathurin des moments de folie, des « accès de folie, parce qu’on a coutume d’évoquer St Mathurin pour la guérison des fous » (FUR.) • sa tête lui donne bien de la peine « il a des volontez ou humeurs estranges, qui luy causent bien du mal » (OUD.) • pèlerin saint Mathurin un fou • courir les rues • en tenir • colique saint Mathurin • passer de B dur en B mol perdre e carrément les pédales, avoir le cerveau qui ramollit ■ f. XVII 1680 perdre la raison ◪ 1690 être en bredouille « lorsque ses affaires sont en désordre et que cela lui a altéré l’esprit ou la liberté de la parole, qu’il ne sait plus ce qu’il fait ou ce qu’il dit » (FUR.) • un homme est tout étourdi du bateau « il lui est arrivé depuis peu quelque infortune qui lui a causé quelque trouble d’esprit » (FUR.) • être fou à courir les rues être tout à fait hors de son sens • quand on lui parle d’une telle chose, il n’y a plus personne au logis « d’un fou qui a de bons intervalles ; sa raison s’égare, il entre en fureur » (FUR.) • être fou à triple étage excessivement, au dernier point • se forger des chimères « avoir des visions creuses, faire des desseins imaginaires, avoir des terreurs paniques » (FUR.) e ■ XVIII perdre la carte « se troubler, perdre la tête, ne plus savoir ce qu’on dit, ce qu’on fait » (LITTRÉ) « vous oubliez le mot de la fin et ce que répondit la dame au gentilhomme qui éternuait et pestait, prouvant ainsi e qu’elle n’avait pas perdu la carte pour si peu », E. RAYNAUD, Souvenirs de police au temps de Félix Faure, 1925 ■ f. XVIII 1789 battre la campagne « J’avions donc été, par curiosité, dans la salle où l’on tient les femmes qui sont lunatiques du cerveau ou qui aviont un coup de marteau dans la tête ; j’y vîmes une jeunesse de dix-neuf ans, qu’on venoit de saigner, jusqu’au blanc des yeux, pour afin de lui faire passer sa folie, comme on l’avoit attachée sans raison, et qu’on la tourmentoit de tous côtés pour la saigner encore et la mettre dans l’eau par-dessus le crâne ; ça vous lui fit battre la campagne de manière qu’elle en dégueula [des paroles], et du long et du large, contre la sœur qui la servoit ; elle lui dit comme ça : […] », Cahier des e ■ d. XIX battre la breloque délirer, extravaguer. LARCHEY (1872) donne l’explication suivante : « Allusion aux sons brisés de la batterie de tambour dite breloque, qui est particulièrement saccadée « Ciel ! papa bat la breloque », Rienzi, 1826 • perdre la e boussole la boussole a symbolisé dès le XVIII siècle ce qui guide la pensée. « Le célèbre Abbé de la Trappe a été une boussole là dessus comme sur bien d’autres choses » (SAINT-SIMON). La perdre, c’est ne plus savoir se conduire – perdre ses idées « afin de ne pas perdre la boussole, ils cessèrent insensiblement de faire de leur bouche un entonnoir », VIDOCQ, Mémoires, 1828 • perdre le nord « se troubler ; s’égarer ; dire des sottises ou des folies, – dans l’argot du peuple, qui n’a pas inventé pour rien le mot “boussole” » (DELV.) ◪ 1829 perdre la boule « perdre la tête, devenir fou » (CAILLOT, 1829) e « Tout ça n’est pas dans ton rôle ; tu perds la boule, mon ami… », P. DE KOCK, Le Pompier et l’Écaillère, 1837 ■ m. XIX 1867 paumer la Sorbonne devenir fou, perdre la tête • passer au dixième « devenir fou. Terme usité par les officiers d’armes spéciales. Frappés du nombre de camarades que leur enlevaient des atteintes d’aliénation mentale, ils disent : “Il est passé au dixième (régiment)”, pour montrer combien ils sont décimés par des pertes, sur lesquelles l’étude des sciences ne serait pas, dit-on, e e sans influence » (LARCH.) ■ m. XX paumer ses boulons ■ f. XX péter les plombs image du courtcircuit ; l’expression est utilisée autant pour parler d’un coup de colère que pour signifier la folie la plus complète • péter un câble l’image est soit électrique, soit automobile • péter une durite • partir en vrille à l’origine, expression de l’aviation, utilisée lorsqu’on perd le contrôle de l’avion et que celui-ci part en vrille ; au figuré, déraisonner, avoir un comportement ingérable, imprévisible • t’as fumé ou quoi ? ce qu’on dit à quelqu’un qui dit n’importe quoi, qui déraisonne, la substance fumée ne faisant pas partie des substances légales… • être à l’ouest être déconnecté de la réalité, à cause de son caractère, de la fatigue ou d’une substance illicite « “Tu crois qu’il va te calculer. Il a pas que e ça à faire, t’es vraiment à l’ouest toi !” balance l’autre rageux de Fouad », R. SANTAKI, Des chiffres et des litres, 2012 ■ d. XXI être perché être déconnecté de la réalité, être un peu fou ; vient du vocabulaire de la drogue e ■ m. XVII 1640 mettre (envoyer) aux Petites-Maisons faire passer pour fou, « à cause qu’il y a à Paris un hôpital de ce nom où on enferme les foux » (FUR.) • envoyer à saint Mathurin faire plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 e passer pour fou ■ f. XVII 1690 qui perd son bien, perd son sens jugement PRUDENCE précaution, circonspection e ■ XIV nager entre deux eaux nager a ici son sens ancien de « naviguer » et eau, de « courant ». « Procéder avec médiocrité » (OUD.) « Pourtant attention, telle grimace qui plaît à telle partie du e public déplaît à telle autre. Il faut nager entre deux eaux, contenter la chèvre et le chou », Libertad, 1908 ■ f. XV en la queue gît le venin le danger réside souvent à la fin d’une opération ; le dernier moment peut être fatal • il ne faut pas clocher devant les boiteux « il ne faut pas user de finesse devant les e meschans ou rusez » (OUD.) ■ XVI il ne faut pas vendre la peau de l’ours… la forme la plus courante est : Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Cependant, à la fin du e XV siècle, on disait : « […] que jamais je ne marchandasse de la peau de l’ours jusques à ce que la e beste fust morte » (COMMYNES) ; et au XVII siècle : « Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait mis par terre » (LA FONTAINE), ou encore : « Il ne faut pas vendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait pris » (FURETIÈRE) « et si je vis encore seulement trente à quarante ans, ce qui est possible, car je n’ai que trente-sept ans, j’aurai trouvé… Mais à quoi bon vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ? », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 • il ne faut pas réveiller le chat qui dort « renouveller une querelle assoupie, un mauvais procès e pendu au croc » (FUR.) ■ m. XVI par acquit de conscience pour soulager sa conscience, mais aussi par mesure de prudence, pour pallier toute éventualité ◪ 1532 je ne voudrais pas mettre le doigt e au feu « je ne voudrois pas asseurer, ny mesmes nier cet affaire là » (OUD.) ■ f. XVI prendre garde e à la vaisselle avoir soin de ses affaires ■ XVII il faut attendre le boiteux « il faut attendre la confirmation d’une nouvelle avant d’y croire » (QUIT.) • ménager la chèvre et le chou ne vouloir e rien perdre ni hasarder ; on trouve dès le XVI sauver la chèvre et les choux « Et si, en tournant le feuillet, ils veulent dire le contraire pour ménager la chèvre et les choux, ils auront sur cela la destinée à mon égard de ces ménageurs politiques, et ils ne me feront pas changer », SÉVIGNÉ, 1680 • être sur le qui-vive « constamment sur le qui-vive, elle n’est e ■ d. XVII 1606 avoir du nez « quand on veut donner ce los à quelqu’un d’estre bien advisé, accort, entendu et prévoyant de loin tous accidents » (NICOT) • à trop acheter n’y a que revendre « asçavoir qu’en toutes choses on se doit garder d’employer de son temps et labeur, plus qu’il n’y a d’apparence d’en retirer en fin d’utilité et de proffit » (NICOT) • il faut reculer pour mieux sauter « il faut différer une entreprise, quand on ne voit pas des conjonctures favorables pour la faire réussir et attendre un autre temps » (FUR.) • il vaut mieux laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez « se e contenter d’un petit mal que de s’en procurer un plus grand » (OUD.) ■ m. XVII être terre à terre excessivement prudent • il ne faut pas courir deux lièvres à la fois ◪ 1640 il ne faut pas se jouer à son maître « attaquer, choquer un plus puissant que soi » (FUR.) • n’y aller qu’à bonnes enseignes « qu’avec asseurance, et considération » (OUD.) • prendre garde « s’appercevoir. Item, songer à soy, avoir soin » (OUD.) « MME FRANGEOT : Pour moi, je ne m’y fierais pas ; car il y a une de mes amies qui m’a pas moins circonspecte dans ses paroles que dans ses démarches », VIDOCQ, Mémoires, 1828 dit qu’il faut bien y prendre garde ; elle prétend qu’il semble qu’ils aient chacun cinq ou six mains, on les trouve toujours • être sur ses gardes prendre garde à son fait • gagner du temps le ménager • c’est toujours pour passer l’eau « qu’il ne faut point négliger peu de chose » (OUD.) • gare la heurt « donnez vous de garde du danger si vous entreprenez inconsidérément » (OUD.) • aller en pas de larron (de loup) doucement, sans bruit • il vaut mieux plier que de rompre « il est plus à propos de s’accommoder, que de recevoir du dommage » (OUD.) • il vaut mieux être poltron et vivre plus longtemps « il ne faut pas hazarder facilement » (OUD.) • ce n’est pas tout que de courir il ne faut pas précipiter une affaire • prendre bien son temps choisir bien l’occasion • prendre pied à une chose « s’arrester, se fonder, s’asseurer » (OUD.) • il a bon pied bon œil il prend bien garde à son fait • avoir un œil aux champs et l’autre à la ville prendre garde à deux choses en un même temps • tenir la main à quelque affaire la soigner, y prendre garde • il ne faut de rien jurer « la chose peut arriver avec le temps ou par hazard » (OUD.) • jouer au fin (au plus fin) pourvoir bien à son fait • faire la guerre à l’œil « estre présent à ses affaires, y prendre garde sans s’escarter » (OUD.) • il ne faut pas jouer avec les chats e « il ne faut pas se jouer, ou familiariser avec ceux qui nous peuvent faire du mal » (OUD.) ■ f. XVII 1690 prendre la balle au bond « prendre le temps, l’occasion favorable de faire, d’obtenir quelque chose » (FUR.) • prendre la balle entre bond et volée idem • qui chasse deux lièvres n’en prend pas un • il faut attendre que la poire soit mûre pour la cueillir « attendre les occasions favorables, ne point précipiter les affaires » (FUR.) • sot qui s’y fie il faut prendre ses précautions • savoir le pays savoir se conduire prudemment • savoir la carte idem • n’agir (ne marcher) qu’avec règle et compas homme prudent et circonspect • avoir l’œil au bois « c’est être sur ses gardes, agir avec précaution ; parce que les voyageurs en passant près d’un bois y regardent toujours, afin de ne pas se laisser surprendre par les voleurs qui peuvent en sortir » (QUIT.) • marcher sur des précipices « aller lentement et avec circonspection en des affaires délicates et dangereuses » (FUR.) • marcher sur des œufs idem • marcher sur des épines idem • il ne faut pas mettre le doigt entre le bois et l’écorce se commettre entre deux autorités • il faut aller dans e une affaire bride en main « avec prudence, et retenue, sans précipitation » (FUR.) ■ XVIII prendre e du champ prendre du recul afin d’être plus objectif ■ d. XVIII se tenir sur ses gardes « Depuis qu’on partout », CARMONTELLE, Les Voisins et les Voisines, v. 1770 savait que j’étais blessé, les soldats étaient continuellement à la quête pour me chercher dans les métairies. Je ne l’ignorais pas. e ■ m. XVIII 1755 en douceur doucement, e prudemment, avec précaution ■ f. XVIII 1791 prendre des gants « prendre des précautions pour dire ou faire une chose, – dans l’argot du peuple, qui emploie cette expression avec ironie » (DELV.) Aussi me tenais-je sur mes gardes », Journaux camisards, 1730 « Il ne va pas falloir prendre des gants pour engager la conversation avec toute cette clique, dit Moindrot à voix basse. Tenezvous prêt à intervenir énergiquement dès que je vous ferai signe », E. CORSY, La Médaille de mort, 1905 • prendre des e mitaines même sens « je m’en fous, je ne prendrai pas de mitaines pour leur parler », HÉBERT, 1793 ■ d. XIX aller son petit bonhomme de chemin « aller doucement ; se conduire prudemment – pour aller e longtemps » (DELV.) • tourner sept fois sa langue dans sa bouche (avant de parler) ■ m. XIX 1842 il vaut mieux se fier à ses yeux qu’à ses oreilles • il ne faut pas courroucer la fée « c’est-à-dire, il ne faut pas irriter une personne puissante dont le ressentiment est redoutable » (QUIT.) • il ne faut pas dire : Fontaine, je ne boirai pas de ton eau « il ne faut pas assurer qu’on n’aura pas besoin de telle personne ou de telle chose » (QUIT.) ◪ 1866 garé des voitures « prudent, rangé. Allusion aux dangers de la circulation parisienne » (LARCH.) « Je suis honnête homme maintenant… un bourgeois garé des voitures », Madame Ratazzi, 1866 ◪ 1867 rester sur le rôti « agir prudemment, en n’allant pas plus loin dans une affaire sur l’issue de laquelle on a des doutes » (DELV.). On peut supposer que la métaphore s’est plutôt créée en cuisine qu’à table : ne pas cesser de tourner la broche, ne pas s’endormir ni relâcher sa surveillance par crainte de faire brûler le rôti • se garder à carreau « s’arranger de façon à n’être pas surpris par une réclamation, par un désaveu, par une attaque, e etc. » (DELV.) • il ne faut pas s’endormir sur le rôti « il faut veiller au grain » (LYON) ■ d. XX avoir la tête sur les épaules • se garder une porte de sortie mesure de prudence, échappatoire ultime e lorsque la situation se resserre. Au XVII siècle, la porte de derrière était « un moyen d’échapper ou fuir » (OUD.). En 1690, l’expression a déjà acquis son sens figuré : « On dit aussi d’un trompeur, qu’il a toujours quelque porte de derrière, quelque invention pour ne s’engager qu’autant qu’il voudra » (FUR.) ◪ 1902 se tenir à carreau « Plus je me tiens à carreau, plus je suis engueulée, plus je suis bien gentille, plus ils écrivent : “Fille publique ! Belle de trottoirs !” », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ◪ 1911 marcher sur des rasoirs ◪ 1926 faire gaffe faire attention. À partir de faire la gaffe, « monter la garde » (1916) – d’un vieux mot d’argot : gaffe ou gaffre (déjà en 1455) « Faire gaf aux Maîtres d’Hôtel. Ne jamais rester à leur e portée », GUÉRIN, L’Apprenti, 1946 ■ d. XXI faire bellek faire attention « Tiens, du cash. Mais fais attention à toi. T’es infernal. Regarde dans quoi tu t’es retrouvé… Barre-toi et reste tranquille. – T’inquiète. – Je vais prévenir ton frère, il te rejoindra au café juste là. – Dis-lui qu’il prenne mes papiers et de quoi me changer. – Je fonce, fais bellek ! », R. SANTAKI, Les anges s’habillent en caillera, 2011 e ■ f. XII plus on remue la merde, plus elle pue « il ne faut point approfondir une affaire où il y e a du crime, de l’ordure, de la déshonnêteté » (FUR.) ■ XV trop gratter cuit, trop parler nuit il ne e e faut rien dire sans considération ■ f. XV qui vivra verra ■ f. XVI qui choisit et prend le pire est e maudit de l’Évangile « qu’il faut choisir avec prudence et promptement » (OUD.) ■ d. XVII 1606 à e qui est l’âne le tienne par la queue « que chacun prenne garde à son fait » (OUD.) ■ m. XVII 1640 il ne se faut point moquer des chiens que l’on ne soit hors du village « il ne faut point rire que l’on ne soit sorty du danger » (OUD.) • il vaut mieux un tiens que deux tu auras une chose présente que des promesses • les fols font les banquets et les sages les mangent « qu’il ne faut point faire de despenses en festins mal à propos » (OUD.) • il ne faut pas aller au bois qui a peur des feuilles « qui a peur du danger ne doit pas aller où il y en a » (OUD.) • toujours pêche qui en prend un « qu’il faut toujours prendre ce qui se présente pour peu que ce soit, qu’il ne faut rien négliger » (OUD.) • l’œil du maître engraisse le cheval « qu’il faut prendre garde soy mesme à ses affaires » (OUD.) • chat échaudé craint l’eau froide « qui a souffert un dommage craint d’y e retomber » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il ne faut qu’une étincelle pour allumer un grand incendie « ce proverbe est vrai au figuré comme au propre, et il n’importe pas moins de prendre garde à l’étincelle qui peut mettre le feu à la cervelle d’un homme, qu’à l’étincelle qui peut mettre le feu à sa maison » (QUIT.) • il faut faire un pont d’or à ses ennemis « leur faciliter la retraite et ne pas les mettre au désespoir » (FUR.) • quatre yeux voient plus que deux « des affaires sont mieux examinées par plusieurs personnes que par une seule » (FUR.) • tournez la médaille (le feuillet) « examinez la chose de l’autre côté ; après avoir vu le bon, considérez le mauvais ; examinez les objections qu’on peut faire pour soutenir le parti contraire » (FUR.) • demain il fera jour • il ne e faut pas attaquer un homme sur son fumier chez lui, où il peut avoir du secours ■ XVIII dans le e doute, abstiens-toi ■ d. XVIII la méfiance est la mère de sûreté « Je crus ce qu’elle m’en disoit après l’avoir e ■ m. XIX mieux vaut tenir que courir ◪ 1842 brebis comptées, le loup les mange « les précautions ne garantissent pas toujours d’être trompé, et même l’excès de précaution expose quelquefois à l’être » (QUIT.) • n’approchez pas des haies « ne fréquentez pas les gens qui peuvent vous faire du mal ; éloignez-vous de la société des méchants » (QUIT.) • plus d’un âne à la foire s’appelle Martin « il ne faut pas affirmer une chose d’après un simple indice » (QUIT.) • un homme averti en vaut deux • il n’est pas nécessaire de montrer le méchant au chien « il n’est pas besoin de signaler à un homme habile et vigilant les e pièges qu’il doit éviter » (QUIT.) ◪ 1869 prudence est mère de sûreté ■ f. XIX qui va piano va sano bien regardée ; car la méfiance est la mère de sûreté », Les Écosseuses, 1739 PRÉVOYANCE préparation e ■ XIV à l’enfourner, on fait les pains cornus « c’est à dire qu’il faut bien dresser et projetter e les commencemens de tous affaires » (NICOT) ■ XV de longue main en faisant venir les choses de loin, avec l’idée d’une préparation prudente « ilz se couchèrent. Le mary, qui estoit subtil, interroga sa femme de e longue main, si les aultres de la ville ne payoient pas aussi bien ce disme qu’elle fait », Cent Nouvelles Nouvelles, 1467 ■ f. XVI e à tout hasard à toutes fins utiles ■ d. XVII 1606 la nuit porte conseil « il faut prendre du temps pour songer à une affaire avant que de l’entreprendre » (FUR.) • ce n’est pas tout de courir, il faut partir à temps « en toutes nos besongnes, non seulement la diligence est nécessaire en travaillant, mais aussi qu’il faut commencer de bonne heure et à propos » (NICOT) • savoir ce qu’en vaut l’aune se dit de quelque chose dont on a fait l’expérience à ses dépens. « Il se peut aussi appliquer à ceux lesquels ayant déjà passé par quelques difficultez ou dangers, se donnent garde après d’y e retomber, ou bien y estans, s’en sçavent mieux desvelopper » (NICOT) ■ m. XVII 1640 il faut que le notaire y passe « il faut asseurer l’affaire par un contract » (OUD.) • garder une poire pour la soif « conserver quelque chose pour sa nécessité » (OUD.) « Quoique je n’ayons pas étudié le latin, il nous semble à nous, sauf meilleur avis, qu’il seroit à propos de chiper au moins les trois quarts des grandes richesses des gros Bénéficiers, d’en mettre de côté une grande partie, pour se réserver une poire pour la soif, une autre pour des Écoles de charité, où nos enfans puissiont aller, quand ce ne seroit que pour apprendre ce qu’on appelle un petit mot d’arithmétique, et autres choses qui • fourni de fil et e d’aiguille préparé à tout • il y a bien des si beaucoup de choses à dire ou à considérer ■ f. XVII 1690 gagner les devants « au figuré, prévenir, préoccuper les gens dont on a besoin en quelque affaire et s’assurer d’eux pour avoir leur suffrage, ou pour donner l’exclusion au compétiteur » (FUR.) • il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier « toute sa marchandise dans un vaisseau, risquer tout son bien à la fois, il faut le mettre en plusieurs endroits » (FUR.) • couper la broche « prévenir des maux, par allusion à la broche d’un muid qui, étant coupée, ne laisse plus puissiont leux servir au besoin », Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 tirer le vin » (FUR.) • il a bon nez, il sent de loin « il est prudent, il prévoit les choses ; avoir e beaucoup de sagacité, prévoir de loin les événements d’une affaire » (FUR.) ■ XVIII prendre les devants « on dit […] prendre les devants ; non-seulement au propre, pour dire, Prendre le pas, ou e partir devant un autre : mais encore au figuré, Prévenir et se précautionner » (TRÉVOUX) ■ d. XX e mettre tous les atouts dans son jeu ■ f. XX assurer ses arrières préparer son avenir, « se ménager une position de repli en cas de difficulté » (ROBERT), sans doute à partir de la locution militaire protéger ses arrières « Tu sais, Saïd, tu vas pas faire long feu. T’es jeune, faut que t’assures tes arrières », R. SANTAKI, Des chiffres et des litres, 2012 ■ f. XVII e 1690 quand la poire est mûre, elle tombe « il faut faire ses affaires en temps et e lieux ; il ne faut pas les laisser dépérir par négligence » (FUR.) ■ XIX il ne faut pas (jamais) remettre au lendemain ce que l’on peut faire le jour même « parce que les délais peuvent compromettre e les meilleures affaires » (QUIT.) ■ m. XIX 1842 les paroles s’envolent, les écrits restent • vin versé n’est pas avalé « il ne faut pas compter sur l’avenir, car les espérances les mieux fondées peuvent être déconcertées à l’instant même où elles commencent à se réaliser » (QUIT.) TESTER ■ XVII e mettre dans la balance ■ d. XVII e tâter le pouls de quelqu’un le sonder, l’éprouver e ■ m. XVII 1640 sonder une personne « la tenter, tascher de sçavoir son dessein » (OUD.) • voyons ce qu’il a dans le ventre « ce qu’il sçait, ce qu’il peut. Item, ce qu’une chose contient, ce qu’il y a dans un vase » (OUD.) • jeter la plume au vent « consulter d’une chose pour prendre résolution » e (OUD.) ■ f. XVII tâter le terrain ◪ 1690 sonder le gué d’une affaire « tâcher de découvrir adroitement les sentiments de ceux dont on a besoin pour la faire réussir ; pressentir l’avis d’une compagnie, voir s’il fait sûr de faire quelque proposition, si une affaire peut réussir » (FUR.) • secouer (hocher) la bride à quelqu’un « sonder ses sentiments, ses intentions pour savoir s’il voudrait faire quelque chose qu’on ne lui a pas demandé ; l’exciter à faire quelque entreprise ou e sonder et pressentir ce qu’il en pense » (FUR.) ■ m. XIX prendre le vent ◪ 1867 aller en sondeur « s’informer avant d’entreprendre une chose, écouter une conversation avant de s’y mêler » e (DELV.) ■ m. XX 1940 prendre la température « se renseigner sur les dangers ambiants » (ESNAULT) IMPRÉVOYANCE imprudence, inadvertance irréfléchi e ■ XIV acheter chat en poche c’est-à-dire sans regarder, sans vérifier ; poche avait anciennement le sens de « sac », il a toujours ce sens en Occitanie « je crus ce qu’elle m’en disoit après l’avoir bien regardé ; car la méfiance est la mère de sûreté, et l’on ne doit jamais acheter chat en poche ; enfin elle avoit raison, e ■ XV éveiller le chat qui dort « ramentevoir un affaire qui est fascheux, et qui nous peut porter du n’y a rien de tel que d’acheter de bonnes marchandises ; quand on paye bien, faut être servie », Les Écosseuses, 1739 e dommage » (OUD.) ■ f. XVI se fier sur une planche pourrie « se fier sur une fortune ou une espérance qui n’est pas trop bien fondée » (FUR.) ◪ 1585 ne pas voir (regarder, songer) plus loin que (le bout de) son nez « Les Culottins, qui n’y voient pas plus loin que leux nez, les prennont pour des petits jeunesgens ben sages, ben dévots, et leur font faire leux chemin », Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 ◪ 1587 s’embarquer sans biscuit « s’engager imprudemment en quelque affaire sans avoir la force de la soutenir ; entreprendre une affaire sans en avoir les moyens, les papiers et les provisions nécessaires » (FUR.) ; le biscuit ou biscuit de mer (du pain très dur et sec) était la nourriture de base des marins. Aucun navire n’appareillait sans sa provision de biscuit, cf. « Ne voilà-t-il pas que cette abominable Compagnie, qui peut seule nous fournir du biscuit, nous fait un refus presque formel, en sorte que nous ne savons où donner de la tête pour l’expédition de notre pauvre Rossignol » (BOUFFLERS, Lettre à Mme de Sabran, 5 juin 1786) « On pourra dire que ce seroit donner temps aux ennemis de se préparer que les menacer de si loing, mais quand j’ay bien tout balancé, je trouve qu’il y auroit plus d’inconvénient à s’embarquer (comme on dit) sans biscuit », F. DE LA NOUE, Discours politique et militaire, 1587 e ■ d. XVII 1606 aller aux mûres sans crochet « entreprendre une chose sans prévoyance, sans e estre pourveu de ce qui est nécessaire » (OUD.) ■ m. XVII 1640 manger son blé en vert (en herbe) « manger son bien ou revenu avant que de l’avoir receu » (OUD.) • il veut voler sans ailes « il entreprend outre ses forces et sans aucun moyen » (OUD.) • il ne s’enquête pas que vaut le blé au marché « il n’a point de soin ou de prévoyance » (OUD.) • il ne se soucie pas que le pain enchérisse « il n’a point de soin de l’advenir » (OUD.) • autant de bond que de volée inconsidérément • sans songer ni à ceci ni à cela sans aucune considération • avoir la vue plus courte que le nez n’avoir point de prévoyance • jouer à tout rompre « faire une chose sans considération, se mettre en danger de renverser un affaire » (OUD.) • s’entretailler des mâchoires « parler inconsidérement contre soy » (OUD.) • il s’est venu brûler à la chandelle « il est venu se e faire prendre prisonnier ; ou bien, il s’est jetté dans le danger » (OUD.) ■ f. XVII 1690 mettre des armes entre les mains d’un furieux « d’un homme en colère ; figurément de ce qu’on peut fournir à quelqu’un qui peut lui aider à nuire aux autres. Louer un satirique, c’est mettre des armes entre les mains d’un furieux » (FUR.) • donner à tort et à travers dans une affaire « il entreprend aveuglément, sans examiner si elle est juste ou injuste, bonne ou mauvaise » (FUR.) • donner des brebis à garder aux loups « mettre une chose en une main infidèle » (FUR.) • se confesser au renard « découvrir son secret à celui qui en tire avantage, ou qui a intérêt d’empêcher l’affaire » (FUR.) • juger à boule vue « au hasard et sans considération » (FUR.) • aller (bien) vite en besogne « être étourdi, imprudent » (FUR.) • il est allé au bois sans cognée « allé faire une affaire et il n’a e pas porté les choses nécessaires pour réussir » (FUR.) ■ XIX se noyer dans un verre d’eau être e incapable de faire face à la plus petite difficulté ■ m. XIX 1842 aller aux congres sans crochet entreprendre une affaire sans avoir les moyens de l’exécuter • tourner la truie au foin « c’est agir inconsidérément comme un homme qui chercherait à éloigner la truie du gland dont elle veut se repaître, pour la mettre au foin dont elle n’a que faire » (QUIT.) ◪ 1867 s’endormir sur le rôti « se relâcher de son activité, ou de sa surveillance ; se contenter d’un premier avantage ou d’un e premier succès, sans profiter de ce qui peut venir après » (DELV.) ■ f. XIX jouer avec le feu prendre e des risques sans bien en mesurer les conséquences possibles ■ d. XX au petit bonheur la chance au hasard, sans aucune réflexion ni méthode. Malgré sa forme archaïsante, cette expression qui e prolonge au petit bonheur ne semble pas antérieure au début du XX siècle • se jeter dans la gueule du loup ne pas réfléchir avant d’agir « Car notre pauvre lieutenant Cupidon s’est, comme on dit, jeté dans e la gueule du loup », Paris qui chante, 1910 ■ m. XX foncer dans le brouillard agir impétueusement sans se soucier des conséquences. Probablement par allusion à la conduite automobile ou à l’aviation e ■ m. XVII 1640 si je me chargeais de lui, je me chargerais de bois vert « j’entreprendrois un affaire pour un fol » (OUD.) • vous ne savez qui vous pousse « le vulgaire dit cecy, lors qu’il voit quelqu’un se jouer avec une espée ou autre chose dangereuse » (OUD.) • vous parlez bien à votre aise « vous croyez que l’affaire soit bien facile, vous ne trouvez gueres d’incommodité à ce que e vous vous imaginez » (OUD.) ■ f. XVII 1690 il n’y a que le bec à ourler, et c’est une cane « pour se moquer de ceux qui croient que les affaires se font facilement » (FUR.) ÉTOURDERIE distraction, gaffe ■ XVI e se couper de son couteau « lâcher quelques paroles qui ensuite portent un grand e préjudice » (FUR.) ■ d. XVII étourdi comme un hanneton fort étourdi ; il semble qu’il y ait rapidement eu confusion puis glissement entre étourdi, « étourdissement (dû à un choc physique ou moral) », et étourdi, « étourderie » ; cf. « le berger sortit de dedans, estourdy comme un haneton, qui demanda quelle heure il estoit ? » (P. d’ALCRIPE, La Nouvelle Fabrique des excellents traicts de vérité, v. 1579) et « Plus estourdy de peur que n’est un hanneton » (M. e RÉGNIER, 1609) ■ m. XVII 1640 il a du foin aux cornes « il est étourdy, et dangereux » (OUD.) • une tête à l’évent un étourdi ; « esprit léger, indiscret, éventé ; qui a la tête légère, qui est emporté, évaporé, imprudent. Les Français dans leur jeunesse sont bien éventés » (FUR.) • laisser échapper une parole « dire quelque chose inconsidérement » (OUD.) • vous n’êtes pas en bon état « vous resvez, vous ne songez pas à ce que vous dites » (OUD.) • être éventé comme le cul d’un couvreur « fort estourdy, fort escervelé » (OUD.) • hurlu berlu « à l’estourdie, sans considération » (OUD.) • cerveaux à bourrelet « ignorans et estourdis » (OUD.) • il est logé chez Guillot le songeur il est tout pensif • (tout) à travers des choux « faire quelque chose étourdiment et sans considération » (FUR.) • avoir du vif-argent dans la tête • tête verte « un fol, ou estourdy » (OUD.) • il est entré sans dire ni qui a perdu ni qui a gagné inconsidérément, à l’étourdie • plus étourdi que le premier coup de matines extrêmement étourdi • tête mal cuite « estourdie, follastre » (OUD.) • avoir la cervelle aux talons • parler à boulevue inconsidérément e ■ f. XVII 1690 un songe-creux « un rêveur, mélancolique, qui s’applique profondément à la méditation. Les philosophes, les inventeurs des arts et des machines sont des songe-creux, des gens fort distraits » (FUR.) • tête folle « étourdi qui fait les choses sans bien les examiner ou qui a des plaisanteries inconsidérées » (FUR.) • se couper la gorge « lâcher quelque parole qui ensuite porte un grand préjudice » (FUR.) • c’est un homme hurlubrelu « qui agit étourdiment et sans connaissance, qui ne prend point garde à ce qu’il fait. Hurlubrelu : terme populaire qui signifie “brusquement, inconsidérément” » (FUR.) • étourdi comme un jeune levron « en parlant de celui e qui fait les choses brusquement, à la hâte, et sans bien les considérer » (FUR.) ■ XVIII avoir une absence être distrait • faire une bévue « De peur néanmoins de faire une bévue, j’ai répondu vaguement », RÉTIF, VIDOCQ, Mémoires, e ■ d. XIX n’en faire jamais d’autres « Voilà comme tu es, tu n’en fais jamais d’autres », e 1828 ■ f. XIX être dans les nuages être distrait, rêveur. L’assimilation des idées Le Paysan perverti, 1782 e e obscures aux nuages est présente dès le XVII siècle • être dans la lune ■ d. XX 1925 ne pas avoir e les yeux en face des trous être mal réveillé, pas tout à fait dans la réalité ■ f. XX être à côté de la plaque « Je me rappelle quand j’étais môme j’avais déjà l’impression de ne pas être comme les autres, de jamais dire ce qu’on attendait que je dise. À côté de la plaque, comme on dit », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 • être à côté de ses pompes distrait e ■ m. XVII il dit d’or, il a le bec jaune « pour faire entendre que l’on dit avec bien de la facilité, e et sans considération » (OUD.) ■ m. XIX 1842 bouche en cœur au sage, cœur en bouche au fou « La démangeaison de parler emporte le fou ; la circonspection mesure toutes les paroles du sage. L’un s’échauffe en discourant, et s’engage ; l’autre pèse tout dans une balance juste, et ne dit que ce qu’il veut », BOSSUET, in QUITARD FRIVOLITÉ légèreté, futilité e ■ XVII battre la campagne « on dit figurément, qu’un Orateur, qu’un Auteur bat la campagne, quant il dit beaucoup de choses inutiles, qui ne prouvent rien, et qui ne viennent point à son sujet » (FUR.) « Vous savez tout cela, ma chère Comtesse. Si j’avais reçu votre lettre, j’y répondrais, et ne m’amuserais pas ainsi à battre ridiculement la campagne », SÉVIGNÉ, 1689 • raconter des sornettes diminutif de sorne, moquerie, et sorner, railler. Cf. « Car ilz sont si grands farseurs que s’ils scevent que j’aye esté malade, ilz ne m’en feront que sorner » (Cent Nouvelles Nouvelles, 1467) « Adieu, Madame. J’aurais encore cherché quelques sornettes à vous dire si un petit fermier n’entrait dans ce moment dans ma chambre avec un petit sac », SÉVIGNÉ, 1682 e ■ m. XVII 1640 il a l’esprit arrêté comme l’aiguille d’un cadran « il est volage ou inconstant » (OUD.) • mion de Gonesse petit jeune homme, petit badin • faire l’enfant • esprit léger « inconstant, follastre » (OUD.) • faire de belles équipées « des escapades, des actions inconsidérées » (OUD.) • avoir des lunes des fantaisies, des boutades • perdre la volée pour le bond perdre une occasion en s’amusant • il n’y songe non plus qu’à sa première chemise il n’y e pense plus ◪ 1668 à la légère ■ f. XVII 1690 n’avoir pas la tête bien cuite « être un peu extravagant, ne pas être assez mûr » (FUR.) • courir après les papillons « s’amuser à des bagatelles » (FUR.) • il ne faut qu’une mouche qui lui passe devant les yeux pour l’arrêter pour taxer un homme de légèreté • fou comme un jeune chien qui folâtre • tourner comme une girouette homme inconstant et léger • c’est une girouette qui tourne à tous vents idem • s’amuser à la moutarde « s’arrêter à des choses légères et ne pas venir aux solides ; faire de petites affaires, alors qu’on néglige les grandes » (FUR.), « se laisser distraire de son devoir ou de sa besogne par des niaiseries, des frivolités, – dans l’argot du peuple, qui trouve sans doute que la vie pourrait se passer de ces condiments » (DELV.) • faire (dire) une chose à la volée « légèrement, e e imprudemment ou peu sérieusement » (FUR.) ■ XVIII être (…) comme un jeune chien ■ XIX c’est un petit-maître « expression qu’on applique à un jeune homme qui se fait remarquer par une élégance recherchée dans sa parure, par des manières libres et un ton avantageux auprès des e femmes » (QUIT.). La catégorie des petits-maîtres est apparue au commencement du XVIII siècle, désignant une classe d’individus très fats, versés principalement dans la frivolité et le papillonnage, que l’on appelait aussi, déjà, des merveilleux. Ils furent symbolisés par l’ordre de la Frivolité, o présidé à partir de 1758 par le chevalier de Muscoloris, et dont l’article n 1 des statuts disait : « Les chevaliers vivent répandus dans tout Paris pour y entretenir le goût des modes, l’étendre et le perfectionner ; et ils ont des députés qui vont annuellement dans les provinces annoncer les nouvelles manières de parler, de s’habiller, de se friser et de marcher » (in J. HERVEZ, Les Sociétés e e d’amour au XVIII siècle, 1906) ■ m. XIX venir la gueule enfarinée « c’est-à-dire dans l’espérance d’obtenir ce qu’on désire, avec une sotte confiance, inconsidérément » (QUIT.) • un freluquet « un homme léger, frivole, un damoiseau qui n’a d’autre mérite que sa parure » (QUIT.) ◪ 1867 à e lurelure au hasard, sans dessein, sans réflexion surtout ■ f. XX chichi-gratin ex. : « Le Paris chichigratin : le Tout-Paris futile et salonnard » (MERLE) • être fun « c’est être un peu (ou même beaucoup) adepte du n’importe quoi, partant du principe de base que plus il y a de choses disparates, mieux c’est. Que ce soit dans les tenues vestimentaires, dans le mode de pensée ou de raisonnement, ou les deux à la fois » (MERLE) e ■ m. XVII 1640 faire comme l’on fait à Paris laisser pleuvoir • tarare pompon « c’est un mot qui sert à dénoter que l’on ne se soucie de rien, que l’on se mocque des advertissements e d’autruy » (OUD.) ■ f. XVII 1690 fantaisies musquées « bizarreries de personnes de condition qu’on n’ose condamner ; toutes sortes de petits bijoux inutiles qui ne servent qu’à la propreté ou à la curiosité, qui sont entre les mains de gens, de curieux ; pensées ou imaginations qui viennent dans l’esprit, qui n’ont aucune solidité ni utilité » (FUR.) • je ne me soucie pas qui fera les vignes e après ma mort libertin, homme sans souci ■ f. XVIII 1789 après moi le déluge expression d’insouciance frivole attribuée à l’une des favorites de Louis XV, sinon au roi lui-même, et mise en e circulation pendant la Révolution ■ m. XIX 1842 martyr du diable « pour désigner un homme livré à l’“ensorcellement des niaiseries, fascinationi nugarum”, et continuellement tourmenté dans des agitations pleines de l’esprit du monde mais vides de l’esprit de Dieu. Elle pourrait s’appliquer très bien à ces petits-maîtres et à ces petites-maîtresses qui mettent leurs corps à la torture pour paraître avec plus d’éclat sous les livrées de la mode, ainsi qu’à ces êtres blasés qui poursuivent si laborieusement de coupables voluptés, et qui portent presque toujours la peine de leurs plaisirs » (QUIT.) ÉTONNEMENT surprise, consternation, stupéfaction, ébahissement, stupeur e ■ XVI étonné comme un fondeur de cloches l’étonnement légendaire de cet artisan pourrait bien n’avoir existé que dans la locution elle-même, d’une interprétation malaisée. « En fait, il doit y avoir un double jeu de mots, sur étonner, “étourdir, assommer”, associé aux cloches et à leur e son (cf. le sens familier de sonner) et sur fondre qui signifie au XVI siècle “renverser, démolir” et, comme verbe intransitif, “s’effondrer” (ainsi le jeu du cheval fondu, chez Rabelais, signifie “cheval démoli, effondré”). Fondeur de cloches, syntagme effectivement emprunté à la technologie, vaut alors pour “celui qui fait (ou voit) s’effondrer les cloches” et qui en est physiquement estonné, ou, e e métaphoriquement, ahuri » (REY-CHANT.) ■ m. XVI demeurer camus ■ XVII tomber de son haut (de sa hauteur) « voir quelque chose dont on est surpris, étonné » (FUR.) « Je ne me serais pas mis sur la chaise, près de la vieille, que je serais tombé tout de mon haut. Ça me pinça le cœur à m’en faire jurer », RACHILDE, La Tour • crier au miracle • hausser les épaules « faire l’estonné d’une chose » (OUD.) ■ m. XVII 1640 faire la croix à la cheminée « estre estonné d’une chose qui n’a pas de coustume d’arriver » (OUD.) • les cornes me sont venues à la tête « homme surpris de quelque accident » (FUR.) • jouer à l’ébahi « faire l’estonné. Paroistre estonné » (OUD.) • penaud comme un chat qu’on châtie étonné • penaud comme un chat qu’on châtre fort étonné • il ouvre les yeux comme un chat qui coud dans une gouttière « il regarde avec passion ou estonnement. Le vulgaire use d’un mot que je laisse par honnesteté [qui fout dans une gouttière] » (OUD.) • il est attrapé comme un preneur de taupes fort étonné • tomber des nues être « fort estonné. Item, sans aucun connaissance de personne » (OUD.) • ouvrir les yeux grands d’étonnement « estre fort estonné » (OUD.) • ouvrir les yeux grands comme une salière • se saisir de… être surpris par… • avoir un pied de nez « estre ou demeurer fort estonné » (OUD.) • être déferré (des quatre pieds) « ne sçavoir plus que respondre, estre fort estonné » (OUD.) • être tout étourdi du bateau d’amour, 1916 e e ■ f. XVII 1690 tomber à la renverse « tomber d’étonnement, d’admiration. Les femmes sont e e sujettes à tomber à la renverse » (FUR.) ■ m. XVIII les bras m’en tombent ■ f. XVIII ouvrir le bec d’une aune « Les quatre-vingt-dix moutons de la Champagne, devant lesquels je ferai ce grand miracle, ouvriront le bec d’une aune », HÉBERT, 1793 • ne pas en croire ses yeux la version « positive » en croire ses yeux se e rencontre déjà au XII siècle • rester interdit immobile, sous l’effet de la stupeur « “[…] Hors de chez moi, je fais ce que je veux, mais on ne m’a jamais vu vendre bassement mon opinion à la fortune.” À cela point de réponse : le procureur général est resté interdit et la bouche ouverte », MME DE SABRAN, Lettre à Boufflers, 1er juin 1786 ◪ 1789 la première nouvelle un fait qui surprend et que l’on ignorait complètement « Je me hâte de vous rassurer sur les ridicules bruits qui ont couru de la séparation de biens de M. et Mme la duchesse d’Orléans. La princesse que j’ai vue ce matin même, chez qui j’ai déjeuné et lu un chant de Gonzalve, aurait été bien étonnée si je lui en avais parlé ; c’eût été pour elle la première nouvelle », FLORIAN, Lettres…, 1789 e ■ XIX tomber de haut ■ d. e XIX ah ! par exemple ! pour réagir à une surprise désagréable « Je gage que tu ne te couches pas sans avoir roulé tes cheveux !… – Ah ! par exemple !… – Oh ! je te connais… », P. de KOCK, La Maison blanche, 1828 ◪ 1808 rester baba très étonné. On trouve préalablement rester comme baba (1790), puis comme baba la bouche ouverte (1807) – in ESNAULT – sans pouvoir déterminer s’il s’agit d’une imitation de l’ébahissement enfantin ou d’une e allusion à un personnage de comédie quelconque. Les premiers emplois, début XIX , semblent traduire un étonnement admiratif « Ah ! il me semble voir les autres rester tous baba : j’aurais voulu m’y trouver pour voir l’effet de la pièce… », É. DEBRAUX, Les Barricades, 1830 ◪ 1830 étonné comme une poule qui a trouvé un couteau « fort étonné. Je me demande si le couteau ne serait pas encore plus étonné, si c’était lui qui avait trouvé la poule » (LYON) « “C’est elle !” répéta-t-il extatiquement, avec je ne sais quel mélange indescriptible d’étonnement joyeux et de joie étonnée. Mais il faudrait avoir vu, pour en juger, une pintade qui a retourné dans sa mangeoire un bracelet de rubis, ou une de nos poules qui vient de trouver un couteau à manche de nacre », C. NODIER, Histoire du roi de e ■ m. XIX première nouvelle ! ellipse exclamative de la première nouvelle • ne pas en croire ses yeux • ne pas en revenir « Le lendemain matin, elle descendait chez Mme Jeandien, la concierge, à Bohême, 1830 propos de bottes, elle lui faisait une scène abominable et flanquait congé pour le samedi suivant… Assurément, Mme Jeandien n’était pas encore revenue de cette sortie ridicule, que je rencontrai, moi, au coin de la rue Dénoyez et de la rue Ramponeau, 1867 la trouver raide être étonné de quelque chose • en être bleu « être stupéfait d’une chose, n’en pas revenir, “se congestionner” en apprenant une e nouvelle » (DELV.) • être tout chose « être interdit, ému, attendri » (DELV.). Au XVIII siècle, signifiait e « être dans un état désagréable » ■ f. XIX tomber de la lune • ouvrir de grands yeux être très étonné « Un attelage de huit chevaux venait d’amener le matériel de je ne sais qui, et les pauvres bêtes soufflaient, tant elles Bouchon », Mémoires de Casque d’Or, 1902 ◪ avaient eu du mal à traîner cette fortune montée sur roues, et la foule ouvrait de grands yeux, en face de ce formidable ◪ 1872 bâiller tout bleu rester stupéfait ◪ 1886 rester bouche bée cette expression d’allure ancienne est un faux archaïsme. Ignorée de tous les lexiques e jusqu’en 1928, bouche bée n’apparaît qu’au dernier tiers du XIX siècle. Elle résulte du croisement e entre bouche béante et la vieille locution, constante depuis le XIII siècle, gueule bée – grande ouverte. Rester bouche bée, attestée seulement chez les contemporains, a probablement été forgée par imitation de rester baba ; le Nouveau Larousse illustré l’enregistre en 1928 : « Rester bouche bée devant un spectacle étrange » « Une folie ? Non même, une marotte, moins encore, un instinct, mais déménagement », J. VALLÈS, Le Tableau de Paris, 1882 exaspéré, mais absurde, mais féroce, qui imageait ses rêves, et la jetait, par à-coups, en des courses terribles au travers des rues, rien que dans l’unique, l’âpre besoin de s’extasier, bouchée bée et les dents à l’air, devant une vitrine de modiste », M. STÉPHANE, L’Arriviste, 1895 ◪ 1894 rester comme une carpe qui perd l’eau « rester bouche bée, sans e savoir que dire » (LYON) ■ d. XX regarder quelqu’un comme une bête curieuse • en avoir le souffle coupé • ça me tue ! forme hyperbolique qui traduit la surprise navrée : « J’en suis atterré » « Madame s’élançait hors chez elle, me traitant de “fumier” et de “choléra” ! Monsieur le juge m’escusera de répéter… – Oh ! monsieur, je suis habitué ! Mais quand même, chaque fois ça me tue ! », R. BENJAMIN, Les Justices de paix, 1913 • en tomber sur le cul • ouvrir des yeux comme des soucoupes • vous m’en direz tant ! « ALAIN : Sa ressemblance est extraordinaire avec quelqu’un qu’on rencontrait beaucoup, autrefois, au Cercle des Étrangers de MonteCarlo… – BETTINE : Le prince Alexeï Yvanovitch ? – ALAIN : Ah ! vous avez remarqué ? C’est frappant. – BETTINE : C’est frappant, parce que c’est lui. – ALAIN : Vous m’en direz tant », H. KISTEMAECKERS, La nuit est à nous…, 1925 • si je m’attendais à celle-là ! ◪ 1901 rester comme deux ronds de flan en dépit des hypothèses agitées autour de cette expression, il semble que l’on puisse raisonnablement y voir une alternative de rester baba – e ce mot étant compris comme désignant la pâtisserie. À la fin du XIX siècle, le baba est devenu un gâteau assez élaboré, contenant des raisins de Corinthe, du muscat de Malaga, du cèdre, du safran, de la crème, etc., et qui est présenté sous deux ou trois formes différentes – le baba au rhum actuel n’en représentant qu’une variété tardive. Il s’agit par conséquent d’une friandise recherchée, mais bien moins accessible aux pauvres qu’un morceau de flan, modeste et vieille gâterie populaire. Par ailleurs, deux ronds doit probablement être compris comme pour deux sous de, quantité ordinaire, une part de – formulation très à la mode dans la langue populaire à la fin e du XIX : « Deux ronds d’perlot [tabac], trois sous d’liqueur, deux sous d’mensonge, deux ronds d’musique et un sou d’songe… Y s’contente de rien, populo ! » (J. RICTUS, Les Soliloques du pauvre, 1897). Populo peut aussi se contenter de rester comme deux ronds de flan, au lieu du baba des rupins « Et vous allez tous rester comme/Deux ronds d’flan en apprenant ça :/Aristide est un “honnête homme”/Aïaï ma ◪ 1915 en baver des ronds de chapeau renforcement de en baver d’admiration. Exprime la stupéfaction ravie. Semble parodier l’émerveillement d’un petit enfant qui bave de surprise, laissant couler des gros ronds de salive mère, aïaï papa ! », COUTÉ, La Chanson d’un gâs qu’a mal tourné…, 1910 « Ah ! alors !… Gaspard, qui pourtant s’épate pas, il en bavait des ronds de chapeau !… parce que… v’s savez pas combien qu’il le paiera : dites voir un peu… – Combien ? dit Bibiche, dont la respiration s’arrêtait. – Trois cents francs par mois ! », e R. BENJAMIN, Gaspard, 1915 ■ m. XX être K.-O. • être scié (à la base) grandement étonné. Par hyperbole d’être renversé, d’en avoir les jambes coupées, etc. • ça me scie exprime l’étonnement, et plus particulièrement l’étonnement choqué • ça me ferait mal aux seins j’en serais à la fois étonné et contrarié, je ne le permettrai jamais, etc. • ça me scie (le cul) • sauter au plafond sous l’effet de e la surprise, mauvaise le plus souvent ■ f. XX se retrouver comme un con fort étonné face à un événement imprévu • rester comme deux ronds de frite • (en) tomber de sa chaise être fort étonné ; l’idée est déjà présente au début du xxe siècle, l’étonnement est alors mêlé d’admiration, cf. « Puis, sans savoir s’il écrit bien, il écrit, et c’est beau. Et chaque fois qu’il a terminé une page, tous les scribes d’alentour retombent leur derrière dans leur chaise ! » (Mémoires de Casque d’Or, e 1902) ■ d. XXI tomber de l’armoire être très étonné en apprenant une nouvelle ; moins haut que les nues, plus haut que la chaise e e ■ f. XVI que c’est pourtant ! ■ f. XVII en voilà bien d’un autre ! exclamation face à une e e e mauvaise surprise ■ XIX c’est pas Dieu possible ! ■ m. XIX ma parole ! ■ d. XX c’est un monde ! • tu te rends compte ! • tu me la copieras ! • tu me la copieras sur du papier de soie ! expansion de la précédente à la mode à Paris dans les années 1920. Outre la rime, le papier de soie est une e allusion au torche-cul • (eh ben) mon cochon ! ■ m. XX tu ne manques pas d’air ! • c’est pas vrai ! ÉTONNER e e ■ XVII prendre de court ■ m. XVII 1640 prendre entre la haie et le blé surprendre une e personne à l’improviste ■ f. XVII 1690 jeter de la poudre aux yeux de quelqu’un « l’éblouir, le e e surprendre » (FUR.) ■ m. XVIII 1740 couper le sifflet ■ d. XIX 1808 couper la chique « interdire, dérouter » (LARCH.) « ça m’a coupé la chique, je dois le dire, mais je lui ai répondu tout de suite qu’il avait raison, qu’est-ce e que ça fout ? », G. DARIEN, L’Épaulette, 1900 ■ f. XIX couper bras et jambes • en boucher un coin « Ah ! le sacré nom de dieu de chouette môme. Ce qu’il leur en a bouché un coin ! Ils en rotaient, les clients. Parfaitement ! Parfaitement ! qu’il leur gueulait. Je me fous de vous comme d’une merde. Sacré loupiot, va ! », Le Père Peinard, 1892 ■ d. e XX 1915 en boucher une surface sorte d’« expansion » du coin « Tu crois que je ne suis pas au courant ? Ça t’en bouche une surface ! Ils étaient bien trop contents de me raconter ça, tes beaux cousins qui ne battent pas leur femme ! », J. MECKERT, Les Coups, 1942 FAITS ÉTONNANTS e e ■ m. XVII 1647 avoir le cul rond et faire des étrons carrés ■ f. XVII 1690 coup de foudre au sens physique de l’orage : « qui abat, qui étourdit, étonnement » (FUR.) • coup de massue idem e ■ m. XVIII fort de café « étonnant, inouï, incroyable, dans l’argot du peuple, qui dit cela à propos de tout ce qui lui semble amer ou difficile à avaler » (DELV.) « M. GOURSAIN : Ah, oui, c’est le plus beau creux du monde ! N’est-ce pas comme cela qu’il faut dire ? – M. RENARD : Oui, mais pas devant des dames ; il ne faut pas parler de corde dans la maison d’un pendu. (Il rit.) Ah, ah, ah, ah. – M. MORANDAL : Celui-là est un peu fort de café, mesdames, qu’en dites-vous ? – MME GOURSAIN : Allons, allonsnous-en », CARMONTELLE, Les Secondes Loges de l’Opéra, le dimanche, v. 1770 • être impayable e très drôle, très bizarre ■ XIX je vous le donne en mille surenchère de le donner en cent. Cf. « Je ne puis me résoudre à la dire. Devinez-la ; je vous le donne en trois. Jetez-vous votre langue aux chiens ? Eh bien ! il faut donc vous la dire : M. de Lauzun épouse dimanche au Louvre, devinez qui ? Je vous le donne en quatre, je vous le donne en dix ; je vous le donne en cent » (SÉVIGNÉ, 1670) « je me trouvai en face de deux superbes momies de jeunes fillettes d’une dizaine d’années – les enfants du couple royal – tenant dans leurs bras… quoi ? Je vous le donne en mille… chacune une superbe poupée égyptienne », VIBERT, Pour lire en automobile, 1901 • le pavé dans la mare « Maintenant, les bons bougres, vous saisissez le pourquoi de l’opportunité de la grève des conscrits ? Quel pavé dans la mare aux grenouilles patriotardes si, au tirage au sort, nos fistons manifestaient e ■ d. XIX 1808 ça te la coupe ! « cela te déconcerte. Abréviation de ça te coupe la chique, cela te contrarie, te e déroute » (DHAUTEL) ■ m. XIX 1835 le plus beau de l’histoire ◪ 1860 c’est plus fort que de jouer au bouchon c’est très étonnant, déroutant. L’expression a son origine dans un refrain célèbre sous le second Empire, dû au chansonnier de goguettes Alexis DALÈS – dont la forme complète : avec un noyau de cerise, explique le caractère étonnant : « Voir un corbeau jouer du piston,/Un chat fair’ leur haine de la guerre en s’abstenant de puiser leurs numéros dans la tinette », Le Père Peinard, 1899 l’exercice,/Ou bien, sur un fil de laiton,/Danser une écrevisse,/Voir un’ puce en bonnet d’coton,/Un lapin prendre un’ 1867 fort de moka « étonnant, inouï, incroyable, dans l’argot du peuple, qui dit cela à propos de tout ce qui lui semble e e amer ou difficile à avaler » (DELV.) • fort de chicorée idem ■ d. XX c’est à se les mordre ■ m. XX 1950 c’est à s’tap’ raccourci de à se taper le cul par terre ou sur une fourchette. Expression à la e mode chez les étudiants des années 1950 ■ f. XX assieds-toi (reste assis) j’ai une nouvelle étonnante à t’annoncer prise…/C’est plus fort que d’jouer au bouchon,/Avec un noyau d’c’rise », A. DALÈS, Gaudriole, 1860 ◪ ÉVIDENCE truisme, lapalissade, limpidité, clarté, patence indubitable, palpable, incontestable, manifeste, criant, éclatant e à vue d’œil fort sensiblement « Il les avoit trouvez en petit nombre, lequel croissoit à vue d’œil », e COMMYNES, f. xve ■ XVI parler français clairement, intelligiblement « CLAUDE : Monsieur, j’entends toutes sortes de ■ XV langues, pourvû qu’on parle François, depeschons de vuider d’affaires. Mais votre nom s’il vous plaît ? », Les Ramoneurs, 1624 • mettre au clair ■ m. XVI e 1532 le pont aux ânes « Ô qui pourra maintenant racompter comment se porta Pantagruel contre les troys cens géans ! Ô ma muse, ma Calliope, ma Thalye, inspire moy à ceste heure, restaure-moy mes espritz : car voicy le pont aux asnes de logicque ; voicy le tresbuchet, voicy la difficulté de pouvoir exprimer l’horrible bataille qui fut faicte », RABELAIS, Pantagruel, 1532 ◪ e 1538 sans aller chercher plus loin ■ f. XVI un aveugle y mordrait e l’affaire est apparente ■ XVII sauter aux yeux « chose claire et si évidente qu’il est impossible qu’on ne la voie » (FUR.) « [l’habit] est tout neuf, vous dis-je, et cela saute aux yeux », DONNEAU DE VISÉ, La Veuve à la mode, 1667 • comme deux et deux font quatre « Cela est certain comme deux et deux font (ou e sont) quatre » (FUR.) ■ d. XVII et pour cause pour des motifs évidents qu’il est inutile de préciser « Or, de la prendre maintenant à partie, il ne faut pas, et pour cause ; mais bien trouver mon maistre […] », Les Ramoneurs, e ■ m. XVII couler de source ◪ 1640 crever les yeux « chose claire et si évidente qu’il est impossible qu’on ne la voie » (FUR.) « j’croyons pourtant ben qu’j’avons jugé dans l’vrai, et qu’ça crève les yeux », Grand Jugement de la mère Duchesne, 1792 • finesses cousues de fil blanc « finesses grossières, farces qui sont facilement devinées, trahisons qui sont facilement éventées » (DELV.) • chose voyante « qui a de l’apparence, que l’on descouvre de loin » (OUD.) • à la barbe « en la présence : en despit d’une personne » (OUD.) « Je voudrions ben encore, pour faire d’une pierre deux coups, que vous fissiez empaler les sacrées v. 1624 vieilles Marchandes de chair humaine qui venont nous enlever nos filles à notre barbe », Cahier des plaintes et doléances des • je lui ai mis le doigt dessus « je luy ay fait connoistre clairement » (OUD.) • voir clair en une affaire l’entendre bien « ils [la robinaille] nous gueuliont dans ces espèces de placarts qu’ils dames de la Halle, 1789 vouliont notre bien ; mais des livres ben dictés, nous ont donné des lunettes, pour y voir clair à présent », Cahier des plaintes et • à nu clairement • cela va sans dire « il est de raison, il faut que cela se fasse » (OUD.) ■ f. XVII tomber sous le sens • les écailles lui tombent des yeux ◪ 1690 cela paraît comme le nez au visage « une chose est claire et évidente » (FUR.) • frapper les yeux « chose claire et si évidente qu’il est impossible qu’on ne la voie » (FUR.) • c’est comme le doléances des dames de la Halle, 1789 e e e bréviaire de Messire Jean cela va sans dire ■ XVIII tirer au clair on trouve dès le XV siècle traire e claire eau pour « tirer des éclaircissements » ■ f. XVIII enfoncer des portes ouvertes le sens de l’expression a rapidement évolué de « se vanter de faire une chose facile comme si elle était difficile » à « montrer beaucoup de conviction pour démontrer une chose évidente » « l’un des passants, libre penseur dès son enfance, en haussa les épaules en disant : “ils ne seront donc jamais que des enfonceurs de portes ouvertes” ; et il passa son chemin », RASPAIL, Des générations spontanées, 1864 e ■ XIX une vérité de La Palice e popularisé par une chanson goguenarde du XVIII siècle, le personnage du marquis de La Palice, er e capitaine de François I , était déjà en vogue dérisoire au milieu du XVI . Cf. « Voire, voire, dist frere Jan ; vous en parlez comme sainct Jan de la Palisse » (RABELAIS, 1552) • aller de soi • clair comme e e le jour on trouve dès le XVI siècle clair comme le soleil en plein midi ■ d. XIX 1808 comme de juste e ■ m. XIX 1866 je vois cela d’ici j’imagine aisément « Cet homme-modèle a tout modèle : une femme-modèle, un chien-modèle, des habits-modèles, une fille-modèle, toute modèle enfin, – jusqu’à des allumettes-modèles qui mettent le feu à la ferme-modèle où périssent étouffés le fermier-modèle et son chien-modèle, sa femme-modèle et son ami-modèle, etc. Je vois cela d’ici !… », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 e ■ f. XIX clair comme de l’eau de roche • comme il se e doit ■ d. XX noir sur blanc « mettre du noir sur du blanc, écrire, composer » (N. LANDAIS, 1836) • e gros comme une maison ■ d. XX sentir à plein nez être le signe fort visible de, ressortir de façon évidente « il est de fait que M. Boissenaud se piquait peu de scrupules et qu’il sentait le roussi à plein nez », E. RAYNAUD, e ■ m. XX sauter aux yeux comme un coup de pied au cul • élémentaire, mon cher Watson ! « c’est évident, cela va de soi. Par référence à la formule de Sherlock Holmes s’adressant à son compagnon, le docteur Watson, qui termine ses célèbres déductions. Selon M. Vidal et J.-C. Glasser (Histoire des plus célèbres répliques du cinéma, Paris, 1989), cette formule “n’apparaît nulle part dans les écrits de Conan Doyle” ; elle aurait été introduite plus tardivement. On la trouve par exemple, en anglais, dans The Return of Sherlock Holmes (1929) de Basil Dean » (BERNET et RÉZEAU) • avoir de la merde dans les yeux ne pas voir l’évidence • y a pas photo « la chose est claire, c’est indiscutable, on ne peut même pas composer » ; l’expression est la négation de Y a photo !, qui s’emploie sur les champs de course lorsque plusieurs chevaux ont passé la ligne d’arrivée si près l’un de l’autre que l’on ne peut dire, à l’œil nu, lequel a gagné. Les résultats sont différés, le temps que les juges consultent la photo d’arrivée permettant de déterminer le cheval gagnant. Par opposition, si l’ordre d’arrivée est clair, évident, il n’y a pas photo. Seule la forme négative s’est lexicalisée métaphoriquement, vers 1960, sous cette assertion raccourcie e ■ f. XVII 1690 il faut aider à la lettre « il ne faut pas expliquer une chose à la rigueur, mais y ajouter quelque chose du sien qui en facilite l’intelligence » (FUR.) • cette année, les maladies ne sont pas saines « en se moquant de ceux qui s’efforcent de prouver une chose claire et e e constante » (FUR.) ■ f. XVIII 1787 le bout de la rue fait le coin ■ m. XIX 1842 l’œuf de Christophe Colomb symbole de ce qui est évident et simple après qu’on a trouvé la solution. Comment faire tenir un œuf debout sur sa « pointe » ? En le frappant légèrement, de sorte que la coquille s’écrase et lui fasse une base – démonstration attribuée à Christophe Colomb, disant : « Il suffisait d’y e penser » ■ d. XX que voulez-vous que je vous dise ! • comme de bien entendu ! Souvenirs de police au temps de Ravachol, 1923 OBSCURITÉ confusion, embrouillamini, ambiguïté, imbroglio, embarras, incompréhension e ■ m. XVII c’est de l’hébreu ◪ 1640 ablativo tout en un tas confusément • il joue à deviner « il n’entend point du tout ce qu’on luy propose, ou ce qu’il lit » (OUD.) • je n’y vois point de jour « je ne le comprens pas. Item, je n’y voy point de moyen de le faire » (OUD.) • parler ab hoc et ab hac confusément et sans distinction • mêler les fusées confondre les choses • avoir l’esprit en Castille embrouillé • n’y entendre que le haut allemand rien du tout • ne voir goutte en une affaire « ne la connoistre ou ne l’entendre aucunement » (OUD.). Goutte, négation de l’ancienne e langue – comme point, pas ou miette –, particulièrement usuelle au XV siècle. Le sens propre de e l’expression – « ne rien voir » – est apparu au XIII siècle « Je ne vois goutte dans votre cœur », SÉVIGNÉ, 1671 • vous n’avez garde de le perdre, vous ne l’avez pas trouvé « vous n’entendez pas l’affaire, vous n’avez pas treuvé le poinct » (OUD.) • être en bredouille « en confusion, embrouillé d’affaires » (OUD.) • il y a du mic mac de la malice, de la confusion « Je ne comprends pas madame. On règle entre soi ses comptes, sans mettre ces gens-là [la police] dans ses mic-mac », REBELL, La Câlineuse, 1898 • il m’a dit par-ci par-là « il m’a parlé confusément et sans suite » (OUD.) • il n’y a ni rime ni raison on n’y entend rien, on n’y comprend rien • le vent lui ôte « il n’entend ou comprend pas ce qu’on luy dit » (OUD.) • il n’y va qu’à tâtons il ne pénètre pas dans l’affaire • discours bourru « impertinent et embrouillé » (OUD.) e ■ f. XVII 1690 c’est de l’algèbre « on n’entend rien à quelque chose qu’on lit ou qu’on écoute » (FUR.) • c’est un plaisant ouvrier « un plaisant homme, qui n’entend rien à l’affaire dont on lui parle » (FUR.) • c’est du bas breton pour moi « un discours ou une langue qu’on ne comprend pas » (FUR.) • il n’y a ni fond ni rive « d’un mystère impénétrable, d’une affaire fort embrouillée » e (FUR.) ■ f. XVIII 1771 clair comme une bouteille à encre « cela est clair comme une bouteille à encre ; ce qui se dit, au figuré, d’une explication obscure » (TRÉVOUX, 1771) ◪ 1789 y perdre son latin n’y rien comprendre « J’avons aussi appris qu’ils [la robinaille, la finance, les calotins et les talons rouges] étoient venus à bout de faire au Roi un pas de clerc, par mille ruses d’enfer où le diable perdroit son latin », Cahier des plaintes et doléances des dames de la Halle, 1789 • c’est la bouteille à l’encre une situation confuse ou obscure « Après tous leurs bavardages dans les comités ou à la tribune, c’est toujours la bouteille à l’encre. Jugera-t-on Louis XVI ? Oui disent les uns, non pas disent les autres », HÉBERT, 1793 ■ e XIX c’est de l’iroquois • compte d’apothicaire excessivement compliqué « – Vous partirez quand vous m’aurez réglé vos dettes pour frais de nourriture et le reste. – Faudra d’abord éplucher vos comptes d’apothicaire… Pour ce qui est de la voiture, bernique ! », E. RAYNAUD, Souvenirs de e police au temps de Félix Faure, 1925 ■ d. XIX 1808 ni vu ni connu, j’t’embrouille ! la permanence de cette locution figée depuis la fin du XVIII siècle est surprenante. DELVAU définit ainsi son usage en 1867 : « Exclamation de l’argot du peuple qui signifie : Cherchez, il n’y a plus rien. » Il cite aussi : « Nicolas-j’t’embrouille ! Exclamation de défi, dans l’argot des écoliers » « Dédé intervient, sa grande e gueule fendue dans le sens de la largeur : “Ni vu ni connu j’t’embrouille. Et on y rend après qu’on ait déchargé le matoss à la planque” », F. LASAYGUES, Vache noire…, 1985 ■ m. e XIX faire une (…) salade le plus souvent sous la forme une drôle de salade « Imagine l’Hamlet de Shakespeare ou le Faust de Goethe joués sur le théâtre Saint-Marcel, a répondu Daudet. J’imagine : Goethe et Shakespeare feraient en effet une singulière salade dans la cervelle des braves ouvriers du faubourg souffrant… », A. DELVAU, Du pont des Arts…, 1866 ◪ 1842 raisonnement biscornu « c’est un mauvais dilemme, et par extension, un raisonnement faux, baroque » (QUIT.) ◪ 1867 entraver nibergue (niente) n’y entendre rien • faire de la bouillabaisse « arranger confusément des choses e ou des idées » (DELV.) • n’y entendre que du vent n’y rien entendre ■ f. XIX une drôle d’emmanche une affaire douteuse et mal fichue, une drôle de combine. Probablement à partir de e emmancher une affaire, « l’entamer, la commencer » (1867) – notion qui date du XVII siècle : « Que dites-vous de cette affaire ? Comment vous paraît-elle emmanchée ? » (SÉVIGNÉ, 1682) • clair comme du jus de chique par contradiction de clair comme de l’eau de roche « Turellement, j’ai pas besoin de dire que les torche-culs bourgeois ont prouvé clair comme du jus de chique que le contre-coup mouché est un riche fieu – tandis qu’ils agonisent le justicier de sottises. Ils font leur métier, nom de dieu ! Y a qu’à les laisser dire et se boucher le nez », Le Père Peinard, 1892 • n’entraver que pouic • n’entraver que dalle ne rien comprendre « L’Prolétariat, le Patronat,/La Mazurka et caetera…/Viendrez-vous à mon prochain bal ?/Cotillon et question social’/J’n’entrave que pouic et dall’/ah ! ah ! », COUTÉ, Les Pièces sociales de M. Paul Bourget, 1911 ■ d. e XX n’y comprendre goutte construction archaïsante à partir de n’y voir goutte au sens figuré • un combat de nègres dans un tunnel une affaire tellement obscure qu’on n’y comprend rien • c’est du chinois • noyer le poisson déguiser ses véritables intentions, en embrouillant les choses, afin de créer une confusion suffisante pour que les autres oublient de protester. « En fait, la locution a originellement un sens technique très précis, propre au vocabulaire de la pêche : “épuiser un poisson pris à l’hameçon en le plongeant et en lui maintenant alternativement la tête dans l’eau et hors de l’eau”, mais la métaphore initiale, “fatiguer l’adversaire”, n’est plus perçue » (REY-CHANT.) « Au moins, Hyacinthe, vous n’essayez pas de noyer le poisson… comme Victor. Mais peut-être craignez-vous qu’une pareille initiative ne paraisse singulière aux gens du pays », M. AYMÉ, Gustalin, 1938 e e ■ m. XVII 1640 tara bara bredi breda « mots pour dénoter une confusion » (OUD.) ■ f. XVII 1690 c’est de la glose d’Orléans (plus obscure que le texte) « méchant commentaire, plus obscur que le texte ; à force de commenter les lois, on les rend plus obscures qu’auparavant » (FUR.) • le je ne sais quoi « d’un certain agrément qu’on ne saurait bien exprimer, dont le père Bouhours a fai