IMPERATIF SPIRITUEL ET MATERIALISME IMPERATIF - SATISH KUMAR

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IMPÉRATIF SPIRITUEL ET
MATÉRIALIME IMPÉRATIF
SATISH KUMAR
La matière et l’Esprit sont deux côtés de la même pièce. Ce que nous
mesurons, c’est la matière ; ce que nous ressentons, c’est l’Esprit. La matière
représente la quantité et l’Esprit la qualité. L’Esprit se manifeste via la matière ; la
matière vient à la vie via l’Esprit. L’Esprit donne du sens à la matière ; la matière
donne une forme à l’Esprit. Sans l’Esprit, la matière manque de vie. Nous
sommes simultanément le corps humain et l’Esprit. Un arbre aussi possède le
corps et l’Esprit. Même des pierres qui semblent inertes contiennent l’Esprit. Il
n’y a pas de dichotomie, de dualisme, de séparation entre la matière et l’Esprit.
Le problème, ce n’est pas la matière, mais le matérialisme. De même, il n’y a
aucun problème avec l’Esprit, mais le spiritualisme est problématique. A partir
du moment où nous encapsulons une idée ou une pensée dans un ‘’isme’’,
nous posons les fondations de la pensée dualiste. L’univers – uni-vers n’est
qu’un seul chant, un seul poème. Il contient des formes infinies qui dansent
ensemble dans l’harmonie, qui chantent ensemble de concert, qui s’équilibrent
dans la gravité, qui se transforment dans l’évolution et pourtant, l’univers
conserve son intégrité et son ordre implicite. L’obscurité et la lumière, le haut et
le bas, la gauche et la droite, les mots et leur sens, la matière et l’Esprit se
complémentent, à l’aise dans leur étreinte mutuelle. Où est la contradiction ? Où
est le conflit ?
La vie nourrit la vie, la matière nourrit la matière, l’Esprit nourrit l’Esprit. La vie
nourrit la matière, la matière nourrit la vie et l’Esprit nourrit à la fois la matière et
la vie. La réciprocité est totale. C’est la vision du monde orientale. C’est une
vision du monde ancienne que l’on retrouve dans les traditions tribales des
cultures préindustrielles où nature et Esprit, terre et ciel, soleil et lune sont
éternellement dans la réciprocité, l’échange et l’harmonie.
Les cultures dualistes modernes considèrent que la nature est sanguinaire,
avec les plus forts et les plus doués qui survivent et les plus faibles et les plus
doux qui disparaissent, le conflit et la compétition étant la seule et unique vraie
réalité. De cette vision du monde ressort la notion d’une division entre le mental
et la matière. Une fois que le mental et la matière sont scindés, il s’ensuit alors
un débat pour savoir si le mental est supérieur à la matière ou si la matière est
supérieure au mental.
Cette vision du monde du clivage, de la rupture, du conflit, de la compétition, de
la séparation et du dualisme a également produit l’idée de la séparation entre le
monde humain et le monde naturel. Une fois la séparation entérinée, les
humains se considèrent comme l’espèce supérieure et ils se préoccupent du
contrôle et de la manipulation de la nature à leur profit. Dans cette vision du
monde, la nature existe pour le bénéfice des humains qui peuvent la posséder
et se l’approprier, et si la nature est protégée et conservée, le but n’est que le
bénéfice humain. Le monde naturel les plantes, les animaux, les rivières, les
océans, les montagnes et le ciel est dénué de la Conscience. Si l’Esprit existe,
Il se limite à l’âme humaine et même cela est contestable. Dans cette vision du
monde, on considère que les humains ne sont rien de plus qu’une formation de
matière, de molécules, de gènes et d’éléments. Le mental est considéré comme
une fonction du cerveau et le cerveau est un organe dans la tête et c’est tout.
LA CONSCIENCE ET LES AFFAIRES
On peut décrire cette notion d’existence sans âme comme étant du
matérialisme. Tout est matériel : la terre, le bois, la nourriture, l’eau, la main
d’œuvre, la littérature, l’art sont des marchandises qui s’achètent et qui se
vendent sur le marché le marché mondial, le marché boursier, le soi-disant
marché ‘’libre’’. C’est un marché de compétition, un marché impitoyable, un
marché où la survie du plus fort est l’impératif majeur les forts font
concurrence aux faibles et emportent les plus grosses parts du marché. Des
monopoles s’établissent au nom de la libre concurrence. Cinq chaînes de
supermarchés contrôlent 80 % de la nourriture vendue au Royaume-Uni. Quatre
ou cinq multinationales géantes, comme Monsanto et Cargill contrôlent 80 %
du commerce alimentaire international. Les petites fermes et les fermes
familiales ne peuvent pas concurrencer les acteurs majeurs et sont forcées de
se retirer. Voilà le monde où la Conscience a été chassée. Le commerce sans
conscience, les affaires sans compassion, l’industrie sans écologie, la finance
sans probité, l’économie sans équité ne peuvent qu’entraîner la dégradation de
la société et la destruction du monde naturel. C’est seulement si l’âme et les
affaires coopèrent que l’humanité peut trouver une finalité cohérente.
LA CONSCIENCE ET LA POLITIQUE
Tout comme le matérialisme dirige l’économie, il dirige aussi la politique. A la
place de voir les nations, les régions et les cultures du monde comme une
seule communauté humaine, le monde est vu comme un champ de bataille de
nations qui se concurrencent les unes les autres pour le pouvoir, l’influence et le
contrôle des esprits, des marchés et des ressources naturelles. L’intérêt d’une
nation est vu comme s’opposant à l’intérêt d’une autre nation. L’intérêt national
de l’Inde s’oppose à l’intérêt national du Pakistan, l’intérêt national palestinien à
l’intérêt national israélien, l’intérêt national américain à l’intérêt national irakien,
l’intérêt national tchétchène à l’intérêt national russe, etc., etc. La liste est
longue ! Nous avons donc ainsi la polarisation de la politique : Le ‘’si vous n’êtes
pas avec nous, vous êtes contre nous !’’ est devenu l’état d’esprit dominant. Et si
vous n’êtes pas avec nous, non seulement vous êtes contre nous, mais vous
faites partie de l’axe du mal…
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C’est de la politique sans âme ni conscience. Que peut-on attendre d’autre
d’une telle politique, sinon des rivalités, des conflits, la course aux armements, le
terrorisme et la guerre ? Les politiciens parlent de démocratie et de liberté, mais
ils poursuivent la voie de l’hégémonie et de l’intérêt personnel. Comment une
perspective particulière de la démocratie et de la liberté pourrait-elle convenir à
tout le monde ? Il ne peut y avoir ni démocratie, ni liberté sans compassion ni
sans révérence et respect vis-à-vis de la diversité, de la différence et du
pluralisme. La compassion, la révérence et le respect sont des qualités
spirituelles mais la politique qui s’assied sur le matérialisme considère que les
valeurs spirituelles sont vagues, nébuleuses, utopiques, idéalistes, irréalistes et
irrationnelles. Mais où nous a conduits la politique du pouvoir, du contrôle et de
l’intérêt personnel ? A la Première Guerre Mondiale, la Seconde Guerre
Mondiale, la Guerre Froide, la guerre du Vietnam, la guerre au Cachemire, la
guerre en Irak, l’attaque sur les tours jumelles de New York…A nouveau, la liste
est longue ! La politique nuée de spiritualité s’est avérée être un échec
retentissant et il est donc temps de réunir à nouveau la politique et la spiritualité.
LA SPIRITUALITÉ ET LA RELIGION
On confond parfois les termes ‘’spiritualité’’’ et ‘’religion’’, mais la spiritualité et la
religion, ce n’est pas la même chose. La politique devrait être libre des
contraintes de la religion, mais non dénuée de valeurs spirituelles. Le mot
‘’religion’’ provient de la racine latine
religio
qui veut dire lier ensemble par le lien
de certaines croyances. Un groupe de gens se réunit, ils partagent un système
de croyances, adhèrent et se soutiennent. La religion vous lie, tandis que le
sens profond de l’Esprit est associé au souffle, à l’air. Nous pouvons tous être
1
L’article a été rédigé en 2004 et a été publié pour la première fois dans le magazine ‘’Resurgence’’
(www.resurgence.org)
des esprits libres, respirer librement. La spiritualité transcende les croyances.
L’Esprit émeut, inspire, touche nos cœurs, Il rafraîchit nos âmes.
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Lorsqu’une pièce est restée fermée, avec les portes et les fenêtres fermées et
les tentures tirées, cela commence à sentir le renfermé. Quand nous entrons
dans cette pièce après quelques jours, nous trouvons qu’il y fait étouffant et
nous ouvrons toutes les portes et les fenêtres pour faire entrer l’air frais.
Similairement, lorsque les esprits sont fermés pendant trop longtemps, il nous
faut un
Avatar
ou un prophète radical pour ouvrir les fenêtres de nos esprits
vieux jeu et pour que nos pensées éculées s’aèrent. Un Bouddha, un Jésus, un
Gandhi, une Mère Teresa, un Rumi, une Hildegarde de Bingen apparaît et
chasse les toiles d’araignées des esprits obtus. Bien entendu, nous n’avons pas
besoin d’attendre de tels prophètes : nous pouvons être notre propre prophète,
déverrouiller notre propre cœur et notre propre esprit et permettre à l’air frais de
la compassion, de la générosité, de la divinité et du sacré de souffler dans notre
vie.
Les groupes et les traditions religieuses ont un rôle important à jouer. Ils nous
initient à une discipline de pensée et à la pratique ; ils nous fournissent un
cadre ; ils nous offrent un sentiment de communauté, de solidarité, de soutien.
Un jeune plant a besoin d’un pot et d’un tuteur pour le soutenir pendant les
premiers stades de son développement, peut-être même d’une serre fermée
pour le protéger du gel et des vents froids. Mais une fois qu’il est assez fort, il
doit être replacé à l’extérieur pour pouvoir développer ses propres racines et
devenir un arbre adulte. Similairement, les ordres religieux sont comme des
nurseries pour les âmes en quête du salut. Ultimement, nous devons chacun
développer nos propres racines et trouver la divinité à notre manière.
Il y a beaucoup de bonnes religions, de bonnes philosophies et de bonnes
traditions. Nous devrions toutes les accepter, accepter que des traditions
religieuses différentes rencontrent les besoins de personnes différentes à des
époques différentes, dans différents cadres et différents contextes. Un tel esprit
de générosité, d’inclusivité et de reconnaissance est une qualité spirituelle et
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J’ajouterais qu’il est difficile de trouver une terminologie qui satisfait tout le monde, puisque des termes
comme ‘’esprit’’, ‘’âme’’, ‘’conscience’’ – avec une minuscule ou une majuscule ont des connotations parfois
différentes selon les religions, les philosophies, les différents systèmes psychologiques et métaphysiques et les
auteurs, NDT.
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