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IMPERATIF SPIRITUEL ET MATERIALISME IMPERATIF - SATISH KUMAR

IMPÉRATIF SPIRITUEL ET
MATÉRIALIME IMPÉRATIF
SATISH KUMAR
La matière et l’Esprit sont deux côtés de la même pièce. Ce que nous
mesurons, c’est la matière ; ce que nous ressentons, c’est l’Esprit. La matière
représente la quantité et l’Esprit la qualité. L’Esprit se manifeste via la matière ; la
matière vient à la vie via l’Esprit. L’Esprit donne du sens à la matière ; la matière
donne une forme à l’Esprit. Sans l’Esprit, la matière manque de vie. Nous
sommes simultanément le corps humain et l’Esprit. Un arbre aussi possède le
corps et l’Esprit. Même des pierres qui semblent inertes contiennent l’Esprit. Il
n’y a pas de dichotomie, de dualisme, de séparation entre la matière et l’Esprit.
Le problème, ce n’est pas la matière, mais le matérialisme. De même, il n’y a
aucun problème avec l’Esprit, mais le spiritualisme est problématique. A partir
du moment où nous encapsulons une idée ou une pensée dans un ‘’isme’’,
nous posons les fondations de la pensée dualiste. L’univers – uni-vers – n’est
qu’un seul chant, un seul poème. Il contient des formes infinies qui dansent
ensemble dans l’harmonie, qui chantent ensemble de concert, qui s’équilibrent
dans la gravité, qui se transforment dans l’évolution et pourtant, l’univers
conserve son intégrité et son ordre implicite. L’obscurité et la lumière, le haut et
le bas, la gauche et la droite, les mots et leur sens, la matière et l’Esprit se
complémentent, à l’aise dans leur étreinte mutuelle. Où est la contradiction ? Où
est le conflit ?
La vie nourrit la vie, la matière nourrit la matière, l’Esprit nourrit l’Esprit. La vie
nourrit la matière, la matière nourrit la vie et l’Esprit nourrit à la fois la matière et
la vie. La réciprocité est totale. C’est la vision du monde orientale. C’est une
vision du monde ancienne que l’on retrouve dans les traditions tribales des
cultures préindustrielles où nature et Esprit, terre et ciel, soleil et lune sont
éternellement dans la réciprocité, l’échange et l’harmonie.
Les cultures dualistes modernes considèrent que la nature est sanguinaire,
avec les plus forts et les plus doués qui survivent et les plus faibles et les plus
doux qui disparaissent, le conflit et la compétition étant la seule et unique vraie
réalité. De cette vision du monde ressort la notion d’une division entre le mental
et la matière. Une fois que le mental et la matière sont scindés, il s’ensuit alors
un débat pour savoir si le mental est supérieur à la matière ou si la matière est
supérieure au mental.
Cette vision du monde du clivage, de la rupture, du conflit, de la compétition, de
la séparation et du dualisme a également produit l’idée de la séparation entre le
monde humain et le monde naturel. Une fois la séparation entérinée, les
humains se considèrent comme l’espèce supérieure et ils se préoccupent du
contrôle et de la manipulation de la nature à leur profit. Dans cette vision du
monde, la nature existe pour le bénéfice des humains qui peuvent la posséder
et se l’approprier, et si la nature est protégée et conservée, le but n’est que le
bénéfice humain. Le monde naturel – les plantes, les animaux, les rivières, les
océans, les montagnes et le ciel – est dénué de la Conscience. Si l’Esprit existe,
Il se limite à l’âme humaine et même cela est contestable. Dans cette vision du
monde, on considère que les humains ne sont rien de plus qu’une formation de
matière, de molécules, de gènes et d’éléments. Le mental est considéré comme
une fonction du cerveau et le cerveau est un organe dans la tête et c’est tout.
LA CONSCIENCE ET LES AFFAIRES
On peut décrire cette notion d’existence sans âme comme étant du
matérialisme. Tout est matériel : la terre, le bois, la nourriture, l’eau, la main
d’œuvre, la littérature, l’art sont des marchandises qui s’achètent et qui se
vendent sur le marché – le marché mondial, le marché boursier, le soi-disant
marché ‘’libre’’. C’est un marché de compétition, un marché impitoyable, un
marché où la survie du plus fort est l’impératif majeur – les forts font
concurrence aux faibles et emportent les plus grosses parts du marché. Des
monopoles s’établissent au nom de la libre concurrence. Cinq chaînes de
supermarchés contrôlent 80 % de la nourriture vendue au Royaume-Uni. Quatre
ou cinq multinationales géantes, comme Monsanto et Cargill contrôlent 80 %
du commerce alimentaire international. Les petites fermes et les fermes
familiales ne peuvent pas concurrencer les acteurs majeurs et sont forcées de
se retirer. Voilà le monde où la Conscience a été chassée. Le commerce sans
conscience, les affaires sans compassion, l’industrie sans écologie, la finance
sans probité, l’économie sans équité ne peuvent qu’entraîner la dégradation de
la société et la destruction du monde naturel. C’est seulement si l’âme et les
affaires coopèrent que l’humanité peut trouver une finalité cohérente.
LA CONSCIENCE ET LA POLITIQUE
Tout comme le matérialisme dirige l’économie, il dirige aussi la politique. A la
place de voir les nations, les régions et les cultures du monde comme une
seule communauté humaine, le monde est vu comme un champ de bataille de
nations qui se concurrencent les unes les autres pour le pouvoir, l’influence et le
contrôle des esprits, des marchés et des ressources naturelles. L’intérêt d’une
nation est vu comme s’opposant à l’intérêt d’une autre nation. L’intérêt national
de l’Inde s’oppose à l’intérêt national du Pakistan, l’intérêt national palestinien à
l’intérêt national israélien, l’intérêt national américain à l’intérêt national irakien,
l’intérêt national tchétchène à l’intérêt national russe, etc., etc. La liste est
longue ! Nous avons donc ainsi la polarisation de la politique : Le ‘’si vous n’êtes
pas avec nous, vous êtes contre nous !’’ est devenu l’état d’esprit dominant. Et si
vous n’êtes pas avec nous, non seulement vous êtes contre nous, mais vous
faites partie de l’axe du mal…
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C’est de la politique sans âme ni conscience. Que peut-on attendre d’autre
d’une telle politique, sinon des rivalités, des conflits, la course aux armements, le
terrorisme et la guerre ? Les politiciens parlent de démocratie et de liberté, mais
ils poursuivent la voie de l’hégémonie et de l’intérêt personnel. Comment une
perspective particulière de la démocratie et de la liberté pourrait-elle convenir à
tout le monde ? Il ne peut y avoir ni démocratie, ni liberté sans compassion ni
sans révérence et respect vis-à-vis de la diversité, de la différence et du
pluralisme. La compassion, la révérence et le respect sont des qualités
spirituelles – mais la politique qui s’assied sur le matérialisme considère que les
valeurs spirituelles sont vagues, nébuleuses, utopiques, idéalistes, irréalistes et
irrationnelles. Mais où nous a conduits la politique du pouvoir, du contrôle et de
l’intérêt personnel ? A la Première Guerre Mondiale, la Seconde Guerre
Mondiale, la Guerre Froide, la guerre du Vietnam, la guerre au Cachemire, la
guerre en Irak, l’attaque sur les tours jumelles de New York…A nouveau, la liste
est longue ! La politique dénuée de spiritualité s’est avérée être un échec
retentissant et il est donc temps de réunir à nouveau la politique et la spiritualité.
LA SPIRITUALITÉ ET LA RELIGION
On confond parfois les termes ‘’spiritualité’’’ et ‘’religion’’, mais la spiritualité et la
religion, ce n’est pas la même chose. La politique devrait être libre des
contraintes de la religion, mais non dénuée de valeurs spirituelles. Le mot
‘’religion’’ provient de la racine latine religio qui veut dire lier ensemble par le lien
de certaines croyances. Un groupe de gens se réunit, ils partagent un système
de croyances, adhèrent et se soutiennent. La religion vous lie, tandis que le
sens profond de l’Esprit est associé au souffle, à l’air. Nous pouvons tous être
1
L’article a été rédigé en 2004 et a été publié pour la première fois dans le magazine ‘’Resurgence’’
(www.resurgence.org)
des esprits libres, respirer librement. La spiritualité transcende les croyances.
L’Esprit émeut, inspire, touche nos cœurs, Il rafraîchit nos âmes.
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Lorsqu’une pièce est restée fermée, avec les portes et les fenêtres fermées et
les tentures tirées, cela commence à sentir le renfermé. Quand nous entrons
dans cette pièce après quelques jours, nous trouvons qu’il y fait étouffant et
nous ouvrons toutes les portes et les fenêtres pour faire entrer l’air frais.
Similairement, lorsque les esprits sont fermés pendant trop longtemps, il nous
faut un Avatar ou un prophète radical pour ouvrir les fenêtres de nos esprits
vieux jeu et pour que nos pensées éculées s’aèrent. Un Bouddha, un Jésus, un
Gandhi, une Mère Teresa, un Rumi, une Hildegarde de Bingen apparaît et
chasse les toiles d’araignées des esprits obtus. Bien entendu, nous n’avons pas
besoin d’attendre de tels prophètes : nous pouvons être notre propre prophète,
déverrouiller notre propre cœur et notre propre esprit et permettre à l’air frais de
la compassion, de la générosité, de la divinité et du sacré de souffler dans notre
vie.
Les groupes et les traditions religieuses ont un rôle important à jouer. Ils nous
initient à une discipline de pensée et à la pratique ; ils nous fournissent un
cadre ; ils nous offrent un sentiment de communauté, de solidarité, de soutien.
Un jeune plant a besoin d’un pot et d’un tuteur pour le soutenir pendant les
premiers stades de son développement, peut-être même d’une serre fermée
pour le protéger du gel et des vents froids. Mais une fois qu’il est assez fort, il
doit être replacé à l’extérieur pour pouvoir développer ses propres racines et
devenir un arbre adulte. Similairement, les ordres religieux sont comme des
nurseries pour les âmes en quête du salut. Ultimement, nous devons chacun
développer nos propres racines et trouver la divinité à notre manière.
Il y a beaucoup de bonnes religions, de bonnes philosophies et de bonnes
traditions. Nous devrions toutes les accepter, accepter que des traditions
religieuses différentes rencontrent les besoins de personnes différentes à des
époques différentes, dans différents cadres et différents contextes. Un tel esprit
de générosité, d’inclusivité et de reconnaissance est une qualité spirituelle et
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J’ajouterais qu’il est difficile de trouver une terminologie qui satisfait tout le monde, puisque des termes
comme ‘’esprit’’, ‘’âme’’, ‘’conscience’’ – avec une minuscule ou une majuscule – ont des connotations parfois
différentes selon les religions, les philosophies, les différents systèmes psychologiques et métaphysiques et les
auteurs, NDT.
chaque fois qu’un ordre religieux perd cette qualité, il se transforme en un genre
de secte qui protège ses intérêts privés.
A l’heure actuelle, les religions institutionnalisées sont tombées dans ce piège.
Pour elles, conserver les institutions est devenu plus important qu’aider leurs
membres à grandir, à se développer et à découvrir leur propre Conscience libre.
Quand des ordres religieux sont accaparés par le maintien de leurs avoirs et de
leur réputation, ils perdent leur spiritualité et deviennent eux aussi comme un
business sans âme. Tout comme il est nécessaire de restaurer la conscience
dans les affaires et dans la politique, il faut aussi restaurer la conscience dans la
religion. Ceci peut paraître une drôle de proposition, puisque la raison d’être
même de toute religion est de rechercher l’Esprit, la Conscience et d’établir
l’amour universel. La réalité est cependant toute autre. Les religions ont fait
beaucoup de bien, mais elles ont aussi fait beaucoup de mal et nous pouvons
voir tout autour de nous que les tensions entre chrétiens, musulmans, hindous
et juifs sont des sources majeures de conflits, de guerres et de désaccords.
La rivalité entre les religions cesserait, si celles-ci réalisaient que les différentes
fois religieuses sont comme des rivières qui se jettent dans le même vaste
océan de la spiritualité. Même si différentes rivières qui portent des noms
différents alimentent différentes régions et différents peuples, elles proposent
toutes une qualité comparable d’étanchement de la soif. Entre les rivières, il n’y
a pas de conflit, alors pourquoi les religions devraient-elles être conflictuelles ?
Leurs théologies ou leurs croyances peuvent différer, mais la spiritualité est
identique. C’est cette spiritualité qui est la plus importante. Respecter la diversité
et la variété des croyances est un impératif spirituel.
LA SPIRITUALITÉ ET LE CHANGEMENT SOCIAL
Tout comme il est nécessaire que le commerce, la politique et les institutions
religieuses retournent à leurs racines spirituelles, il est nécessaire que les
mouvements environnementaux et de justice sociale embrassent une
dimension spirituelle. Actuellement, la majorité des mouvements de
changement social se concentrent sur des campagnes négatives. Ils présentent
des scénarios alarmistes et pessimistes et deviennent des reflets des
institutions qu’ils critiquent.
L’élan réel qui soutient l’écologie durable et la justice sociale émane d’une
vision éthique, esthétique et spirituelle. Mais ce focus se perd, quand les
activistes se laissent prendre par des faux buts, comme leur désir d’attirer
l’attention des médias ou leur besoin de trouver davantage de membres pour
leurs associations. Ces préoccupations deviennent des fins en elles-mêmes et
on oublie la présentation d’une vision holistique, inclusive et constructive.
L’amour de la nature et la valeur intrinsèque de toute vie, humaine ou autre, est
le substrat essentiel dans lequel les mouvements environnementaux et de
justice sociale doivent s’enraciner. La base de tout activisme sera le respect de
la vie et c’est une base spirituelle. Il n’y a pas de contradiction entre une
campagne pragmatique et une vision spirituelle globale. Le programme
politique du Mahatma Gandhi se fondait sur des valeurs spirituelles. Le
Mouvement des Droits Civiques de Martin Luther King s’enracinait dans une
vision spirituelle. Les mouvements environnementaux et de justice sociale
actuels requièrent aussi une telle vision du monde plutôt que d’être limités à la
science de l’écologie et aux sciences sociales.
LA SPIRITUALITÉ ET LA SCIENCE
On croit souvent que la science et la spiritualité sont comme l’huile et l’eau et
qu’elles ne peuvent pas se mélanger. Cette notion est erronée. La science a
besoin de la spiritualité et la spiritualité a besoin de la science.
Quand la science délaisse les contraintes des dimensions morales, éthiques et
spirituelles et quand elle s’efforce de concevoir tout ce qu’il est possible de
concevoir en expérimentant avec tout au mépris des conséquences, alors la
science aboutit aux technologies des armes nucléaires, du génie génétique, du
clonage humain et animal et à des produits empoisonnés qui polluent la terre,
l’eau et l’air. Il est dangereux de donner carte blanche à la science pour qu’elle
domine l’intelligence humaine et pour qu’elle contrôle le monde matériel. La
science moderne a acquis un tel statut de supériorité qu’elle force actuellement
l’adhésion totale de l’industrie, du commerce, de l’enseignement et de la
politique. Certaines de ses expériences sont devenues si crues et cruelles
qu’elles dépassent les limites de la civilisation. Des valeurs éthiques, morales et
spirituelles sont indispensables pour tempérer le pouvoir de la science.
De même que la science a besoin de la spiritualité, la spiritualité a aussi besoin
de la science. Sans un certain degré d’aptitudes rationnelles, analytiques et
intellectuelles, la spiritualité peut facilement se transformer en une quête
sectaire et égoïste. J’ai été moine durant neuf ans et je poursuivais ma propre
purification et mon propre salut. Je considérais le monde comme un piège et la
spiritualité comme une voie pour me libérer du monde. Et puis, je suis tombé
sur les écrits du Mahatma Gandhi qui disait qu’il n’y a pas de dualisme entre le
monde et l’Esprit. La spiritualité n’est pas destinée qu’aux saints. Elle ne se
cantonne pas aux ordres monastiques et n’est pas confinée dans des grottes
dans la montagne. La spiritualité imprègne la vie quotidienne depuis la culture
des denrées alimentaires, jusqu’à la cuisine, aux repas, au ménage, à la
construction d’une maison, à la confection de vêtements et aux relations avec
les voisins. Nous devons introduire la spiritualité dans tous les secteurs de nos
vies : dans la politique, dans les affaires, dans l’agriculture et dans l’éducation. Et
nous devons le faire avec une approche scientifique.
C’était tellement inspirant que j’ai décidé de quitter l’ordre monastique et de
retourner dans le monde ordinaire.
RENCONTRER SES BESOINS SPIRITUELS
En tant qu’êtres humains, nous avons des besoins physiques, tout comme nous
avons aussi des besoins spirituels. La nourriture, l’eau, un logement, de la
chaleur, du travail, l’éducation et la santé constituent nos besoins
fondamentaux. Nous devons nous engager dans des activités économiques
pour satisfaire ces besoins. Mais une fois que ces besoins ont été satisfaits,
nous devons pouvoir trouver un sentiment de contentement et de satisfaction
pour pouvoir être heureux et comblés. Nous devons avoir la sagesse de savoir
quand assez, c’est assez. Si nous poursuivons encore et toujours des activités
économiques, une fois que nos besoins fondamentaux ont été satisfaits, nous
devenons alors des victimes de l’avidité et des désirs. Beaucoup de nos crises
sociales, politiques et environnementales sont liées aux désirs.
Ceux qui profitent d’activités économiques sans limites font des efforts énormes
pour nous convaincre que c’est en disposant de plus de biens matériels que
nous serons heureux. Mais le bonheur n’émane pas que des choses
matérielles. Nous avons aussi des besoins sociaux et spirituels : besoin de la
communauté, besoin d’amour, besoin d’amitié, besoin de beauté, besoin d'art
et de musique. Nous avons besoin d’utiliser notre imagination et notre créativité.
Il nous faut des opportunités pour réaliser des choses avec nos propres mains.
Il nous faut du temps pour être tranquille et pour méditer. On ne peut pas
satisfaire de tels besoins spirituels en nous transformant en consommateurs de
biens fournis par des sociétés qui font de plantureux bénéfices au détriment de
l’environnement et de l’éthique et des générations futures. Le matérialisme est
devenu leur nouvelle religion et elles veulent que tout le monde s’y convertisse
et deviennent des membres loyaux et fidèles de leur foi.
Cette religion du matérialisme est manifestement non viable. Si les six milliards
de citoyens du monde devaient vivre conformément au mode de vie des
consommateurs occidentaux et utiliser l’énergie des combustibles fossiles, il
nous faudrait cinq planètes et nous n’en avons qu’une seule. Par conséquent, il
nous faut inventer un mode de vie de simplicité élégante où les dons de la Terre
sont équitablement partagés entre tous les êtres humains sans compromettre
les besoins de la planète ni ceux des générations futures. Cette simplicité
élégante est la voie de la découverte de la spiritualité. Nous embrassons la
simplicité, pas uniquement parce que le mode de vie consumériste est abusif,
injuste et non viable, mais aussi parce qu’il provoque le mécontentement,
l’insatisfaction, la discordance, la dépression, la maladie et la division. Même
sans les problèmes de réchauffement global, de pénurie de ressources, de
pollution et de gaspillage, nous devrions tout de même choisir un mode de vie
plus simple qui soit propice et en accord avec la spiritualité, car un mode de vie
simple, un mode de vie qui n’est pas encombré par le fardeau de possessions
superflues est un mode de vie qui peut nous offrir l’opportunité d’explorer
l’univers de la conscience et de découvrir une joie infinie dans cet univers.
Le Bouddha était un prince qui possédait des palais, des éléphants, des
chevaux, des terres et des trésors en argent et en or, mais il réalisa que toutes
ses richesses le retenaient, que la richesse l’enchaînait à l’avidité, au désir, aux
envies, à l’orgueil, à l’ego, à la peur et à la colère. L’idée que la richesse et que le
pouvoir le rendaient heureux était une illusion et la joie des possessions
matérielles était un mirage. C’est ainsi qu’il embrassa une vie de pauvreté noble
impliquant l’acceptation volontaire de limites. Il n’y avait pas d’explosion
démographique à l’époque, le Bouddha n’était confronté à aucune pénurie de
matières premières ou de ressources naturelles, il n’y avait aucun problème de
réchauffement global et pourtant, il a préféré la voie de la spiritualité et de la
simplicité, parce que c’est la voie qui rencontre les besoins de l’âme et du corps.
LA SPIRITUALITÉ ET LA CIVILISATION
‘’Ma terre, ma maison, mes biens, mon pouvoir, ma richesse’’ sont les
aspirations d’un petit esprit. La spiritualité nous en délivre et nous libère du petit
moi, de l’identification égoïste. Grâce à la spiritualité, nous sommes capables
d’ouvrir toutes grandes les portes de l’esprit et du cœur et le partage, l’amour et
la compassion deviennent de vraies réalités. La vie n’existe que par le don
d’autres vies : toute vie est interdépendante. L’existence est un réseau
étroitement lié de relations complexes. Nous partageons le souffle de vie et
sommes ainsi reliés. Que nous soyons riches ou pauvres, noirs ou blancs,
jeunes ou vieux, des hommes ou des animaux, des poissons ou des oiseaux,
des arbres ou des pierres, tout est soutenu par le même air, le même soleil, la
même eau, la même terre. Il n’y a ni limite, ni frontière, ni séparation, ni division,
ni dualité ; tout est la danse de la vie éternelle où l’Esprit et la matière dansent
ensemble. Le jour et la nuit, la terre et le ciel dansent ensemble et là où l’on
danse, il y a joie et beauté.
La religion du matérialisme et la culture du consumérisme promus par la
civilisation occidentale obstruent l’écoulement de la joie et de la beauté. On
demanda une fois au Mahatma Gandhi : ‘’M. Gandhi, que pensez-vous de la
civilisation occidentale ?’’ Il répondit : ‘’Ce serait là une excellente idée !’’ Oui,
parce que toute société qui abandonne ses valeurs spirituelles et qui se bat
pour des biens matériels, qui fait la guerre pour contrôler le pétrole et qui
produit des armes nucléaires pour maintenir son pouvoir politique ne mérite
pas le nom de civilisation. On ne peut pas considérer comme civilisée cette
culture moderne consumériste érigée sur des institutions économiques
abusives, injustes et non viables. La vraie caractéristique de la civilisation, c’est
préserver un équilibre entre le progrès matériel et l’intégrité spirituelle.
Comment pouvons-nous dire que nous sommes civilisés, si nous ne savons
pas comment vivre ensemble harmonieusement ni comment vivre sur la Terre
sans la détruire ? Nous avons développé des technologies pour aller jusque sur
la lune, mais pas la sagesse pour vivre avec nos voisins, ni des mécanismes
pour partager la nourriture et l’eau avec nos semblables. Une civilisation qui n’a
pas de fondements spirituels n’est pas du tout une civilisation.
La manière dont nous traitons les animaux est un exemple évident de notre
manque de civilisation. Les vaches, les cochons et les poulets vivent comme
des prisonniers dans des exploitations industrielles. Les souris, les singes et les
lapins sont traités comme des esclaves et comme s’ils ne ressentaient aucune
douleur, tout cela, en vertu de l’avidité et de l’arrogance humaine. La civilisation
occidentale paraît croire que toute vie est sacrifiable pour servir le désir de
l’homme. On a relevé le défi du racisme, du nationalisme, du sexisme et de
l’âgisme et on a entamé leur éradication, mais l’humanisme régit toujours nos
esprits. Nous considérons donc que l’espèce humaine est supérieure aux
autres espèces. Cet humanisme est un genre de spécisme. Si nous voulons
devenir civilisés, nous devrons changer notre philosophie, notre vision du
monde et notre conduite. Nous devrons entrer dans un nouveau paradigme où
tous les êtres sont interdépendants, en corrélations et étroitement liés.
LA SPIRITUALITÉ DÉBUTE PAR SOI ET CHEZ SOI
Où commençons-nous cette révolution spirituelle ? Nous commençons par
nous-mêmes. La transformation personnelle est la première étape qui conduit à
la transformation sociale, politique et religieuse. Toutes les transformations
partent de la base pour grandir et inclure le monde plus vaste. C’est la loi du
monde naturel. Un grand chêne puissant part d’un gland planté dans le sol.
Ensuite, durant quelques semaines ou quelques mois, nul ne sait si le gland est
vivant ou mort ou s’il percera jamais dans le monde. Mais cette transformation
invisible sous la surface du sol permettra au gland de sortir de terre sous la
forme d’une tendre pousse, encore petite et insignifiante, mais c’est à partir de
tels débuts insignifiants que débute le processus qui engendrera finalement un
chêne puissant.
Ma mère disait : ‘’Il vaut mieux allumer une chandelle que maudire l’obscurité,
mais avant que tu ne puisses allumer d’autres chandelles, tu dois d’abord
allumer ta propre chandelle. Sois ta propre lumière. Tu pourras ensuite t’offrir
pour aider les autres. Comment peux-tu rendre quelqu’un d’autre heureux, si toimême, tu n’es pas heureux ? Mais ton bonheur provient de ta bonté pour
autrui.’’
Ainsi, les transformations personnelles, sociales et politiques vont de pair, car,
lorsque nous sommes affranchis de la peur et de l’inquiétude et à l’aise avec
nous-mêmes, nous pouvons alors nous engager dans la communauté et la
société en général pour y introduire des changements sociaux et politiques
destinés à améliorer la vie de tous. Un tel acte désintéressé d’altruisme nous
conférera alors un sentiment d’accomplissement, de satisfaction et de bonheur
plus grand. Donc, le personnel et le politique interagissent.
TROIS ÉTAPES PRATIQUES QUI CONDUISENT À LA
SPIRITUALITÉ : LA CONFIANCE, LA PARTICIPATION ET LA
GRATITUDE
LA CONFIANCE
Explorons donc quelques domaines de la spiritualité. Prioritairement, il y a
d’abord la suppression de la peur et la culture de la confiance. Après analyse,
nous réaliserons que beaucoup de nos difficultés psychologiques sont les fruits
de la peur. Le sentiment d’insécurité, l’ambition de réussir, le désir de nous
prouver quelque chose, les efforts pour impressionner les autres, la soif de
pouvoir, la soif de contrôle, l’addiction au shopping, à la consommation et à la
possession sont tous reliés à la peur, en fin de compte. Cette crainte individuelle
se transforme en insécurité sociale et politique et donc, la première étape vers
le renouveau spirituel, c’est d’étudier le phénomène de la peur dans nos vies et
de réaliser qu’une bonne partie de cette peur est aggravée par encore plus de
peur. La peur produit la peur et la peur est dirigée par la peur. Nous nous
donnons beaucoup de peine pour ériger des barrières psychologiques et
construire des remparts physiques, mais ceux-ci ne font qu’accroître encore
notre peur. Même quand nous avons des armes nucléaires pour nous protéger,
nous ne sommes toujours pas à l’abri de la peur.
L’histoire a prouvé que les armes nucléaires ne constituent pas une défense et
n’apportent aucune sécurité. L’attaque sur les tours jumelles du World Trade
Center à New York a démontré qu’en fin de compte, toutes les défenses sont
vaines. Des agresseurs peuvent attaquer avec un couteau ou une lame de
rasoir, alors comment justifier de dépenser tant d’efforts, de temps et de
ressources pour construire des têtes nucléaires qui ne constituent ni une
défense, ni une sécurité ? Le pays le plus puissant du monde, les Etats-Unis, est
aussi le pays le moins sûr du monde. Paradoxalement, plus nous érigeons des
défenses et moins nous nous sentons sûrs. Les sociétés occidentales semblent
obsédées par la sûreté et par la sécurité et elles se donnent beaucoup de mal
pour s’assurer contre toutes les éventualités. Une telle obsession a un impact
paralysant.
La première étape dans le domaine spirituel, c’est de comprendre la peur et de
cultiver la confiance. Faites-vous confiance. Vous incarnez une étincelle divine,
un élan créatif, un pouvoir spirituel qui vous accompagnera et qui vous
protégera toujours. Et faites confiance aux autres qui se trouvent dans le même
bateau que vous. Ils aspirent tout autant à l’amour que vous. Ce n’est qu’en
relation avec les autres que vous vous épanouirez. Vous êtes, parce que les
autres sont et les autres sont, parce que vous êtes. Tous, nous existons, nous
nous développons et nous nous épanouissons dans cette mutualité, dans cette
réciprocité et dans cette unité. Donnez de l’amour et on vous rendra de l’amour
en retour. Semez la peur et on vous la resservira. Si vous semez une graine de
chardon, vous récolterez des centaines de chardons épineux. Si vous semez
une graine de camélia, vous aurez des centaines de fleurs de camélias. Vous
récoltez ce que vous semez, telle est l’ancienne sagesse. Et pourtant, nous ne
l’avons toujours pas apprise.
Puis, faites confiance à la providence de l’univers. Le soleil est là pour nourrir
toute vie. L’eau est là pour étancher la soif. La terre est là pour faire pousser de
la nourriture. Les arbres sont là pour porter des fruits. Quand un enfant naît, les
seins de sa mère sont remplis de lait. Les modalités de l’univers s’inscrivent
dans un système de soutien mutuel. La providence mystérieuse de l’univers
alimente, abreuve, abrite et prend soin de centaines de millions d’espèces,
faites-lui confiance. Comme le disait Julienne de Norwich : ‘’Tout ira bien, tout
ira bien pour tout le monde.’’
LA PARTICIPATION
La deuxième qualité spirituelle, c’est la participation. Participez au processus
magique de la vie ! La vie est un miracle que nous ne pouvons pas expliquer,
que nous ne pouvons pas connaître dans son entièreté, mais nous pouvons
participer activement et consciemment sans essayer de la contrôler, de la
manipuler et de la soumettre.
La participation est facile et simple. Nous avons reçu deux mains pour cultiver
la terre et pour faire pousser nos aliments. Travailler la terre du jardin satisfait
les besoins du corps et de l’esprit. L’exploitation industrielle nous a ôté notre
droit de naissance à participer à la culture des aliments. L’agriculture
mécanisée, industrialisée à large échelle est issue de notre désir de dominer.
L’agriculture naturelle et locale sur une petite surface et mieux encore, le
jardinage, sont des moyens de participer au rythme des saisons. L’Angleterre
devrait être jardinée et non pas exploitée. Les animaux devraient être libérés
des prisons de l’élevage industriel. La culture des aliments est un exemple du
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principe de participation. La cuisson du pain et des aliments, le partage du
repas avec la famille, les amis et les invités peuvent tout autant être des
activités spirituelles que des activités sociales et économiques. La culture fastfood nous a privés de l’activité participative essentielle du rituel et exercice
quotidien que constitue le repas physique et spirituel. Il est merveilleux de voir
que des gens de toute l’Europe soient inspirés par le mouvement italien du
Slow Food. Le Slow Food est spirituel, le fast-food est profanateur.
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Ne manquez pas le film ‘’Ces vaches viennent d’échapper à l’abattoir’’ sur YouTube, aux images plus
éloquentes que tout le bla-bla du monde. Si vous voulez voir des vaches extatiques DANSER de joie…(NDT)
La lenteur est une qualité spirituelle. Si nous voulons restaurer notre spiritualité,
nous devons ralentir. Paradoxalement, c’est seulement si nous ralentissons que
nous pouvons aller plus loin. Faire moins, moins consommer et moins produire
nous permettra d’être plus, de célébrer plus et de plus nous réjouir. Ce qui rend
les choses parfaites, c’est le temps. Donnez-vous du temps pour faire les
choses et pour être. C’est dans la danse du faire et de l’être que la spiritualité
doit être découverte.
Une fois, l’empereur de Perse s’adressa à un maître soufi : ‘’Je vous prie de me
conseiller : que devrais-je faire pour restaurer mon âme, raviver mon esprit et
rafraichir ma conscience pour être heureux en moi-même et efficace au
travail ?’’ Le maître soufi répondit : ‘’Seigneur, je vous suggère de dormir autant
que possible !’’ Cette réponse étonna et dérouta l’’empereur qui dit : ‘’Dormir ? Je
n’ai pas beaucoup de temps pour dormir ! Je dois rendre la justice, promulguer
des lois, recevoir des ambassadeurs et diriger mon armée. Comment pourraisje alors dormir avec autant à faire ?’’ Et le maître soufi de répondre : ‘’Seigneur,
plus vous dormez, moins vous opprimez…’’ L’empereur en resta sans voix, mais
il saisit l’allusion du sage soufi et même si celui-ci avait été plutôt franc, il avait
raison.
Les pays occidentaux se trouvent dans une situation similaire à celle de
l’empereur de Perse. Plus nous travaillons et plus nous consommons : nous
conduisons nos voitures, nous prenons l’avion, nous brûlons de l’électricité,
nous faisons les magasins et nous produisons des déchets. Plus nous
accomplissons en vitesse toutes ces activités et plus nous infligeons des
dommages à l’environnement, aux pauvres et à notre propre paix mentale. Et
donc, la vraie participation, c’est vivre et agir en harmonie avec nous-mêmes,
avec nos semblables et avec le monde naturel. La participation n’est pas affaire
de vitesse ou de rendement, mais plutôt une question d’harmonie, d’équilibre et
d’adéquation de l’action.
LA GRATITUDE
La troisième qualité spirituelle est le sentiment de gratitude. Dans la culture
occidentale, on se plaint de tout. S’il pleut, alors on dit : ‘’Quel temps affreux ! ‘’ Et
quand il fait beau, on se plaint encore. ‘’Pfff ! Quelle chaleur épouvantable !’’ Les
médias pullulent de doléances et de critiques en tous genres. Les débats du
Parlement se concentrent surtout sur les aspects négatifs des politiques
gouvernementales. L’opposition accuse le gouvernement et le gouvernement
blâme l’opposition. Cette culture nationale de l’accusation et du blâme
imprègne tout, même la vie de famille et le lieu de travail. Et grâce à la
suprématie d’une culture de la condamnation, nous apprenons également à
nous condamner. ‘’Je ne suis pas bon assez !’’, est un sentiment fort répandu.
Nous n’aimons pas ce que nous faisons. Nous pensons que nous devrions faire
autre chose, quelque chose de différent, quelque chose de mieux. Et ce que les
autres font, nous n’apprenons pas non plus à l’apprécier. ‘’J’ai eu une enfance
terrible et malheureuse !’’, nous plaignons-nous. ‘’Mes études ont été
merdiques’’, songeons-nous. ‘’Mes collègues ne m’apprécient guère’’, grognonsnous et cette litanie de critiques se poursuit inlassablement.
Pour nous développer spirituellement, nous devons équilibrer notre sens
critique et notre faculté d’appréciation et de gratitude. Nous devons nous
entraîner à adapter notre esprit et à reconnaître les dons que nous avons reçus
de nos ancêtres, de nos parents, de nos professeurs, de nos collègues et de la
société en général. Nous devons aussi exprimer notre reconnaissance pour les
dons de la Terre. Quel merveilleux système, le système gaïen dont nous faisons
partie ! Il régule le climat, organise les saisons et procure une abondance de
nourriture, de beauté et de plaisir sensoriel à toutes les créatures. Admiratifs et
émerveillés par le fonctionnement de notre Terre sacrée, nous ne pouvons que
nous sentir bénis et reconnaissants. Pendant que le repas est servi, nous
sommes remplis d’un sentiment de gratitude. Nous remercions le cuisinier et le
jardinier, mais aussi la terre, la pluie et le soleil. Nous exprimons même notre
reconnaissance aux vers de terre qui ont travaillé jour et nuit pour garder le sol
friable et fertile. Peu importe à quel point le jardinier a la main verte, sans les
vers, il n’y aurait pas de nourriture. Et donc, louons les vers : ‘’Longue vie aux
vers !’’ Et nous nous unissons encore au poète Gerard Manley Hopkins pour
dire : ‘’Longue vie aux espaces naturels !’’, car c’est la beauté sauvage qui
alimente notre âme, tandis que les fruits de la terre alimentent nos corps.
La générosité et l’amour inconditionnel de la Terre pour toutes ses créatures
sont incommensurables. Nous plantons un pépin dans le sol et ce pépin
deviendra un arbre en quelques années, qui produira des milliers de pommes,
année après année. Et tout cela à partir d’un pépin qui s’est peut-être planté luimême. Quand en automne, les pommes mûrissent avec leur chair parfumée,
juteuse et croquante, nous les dégustons à volonté. L’arbre ne fait pas de
discrimination, il ne pose aucune question. Que vous soyez pauvre ou riche,
saint ou pécheur, sot ou philosophe, guêpe ou oiseau, tout un chacun reçoit
librement ses fruits. Que pouvons-nous ressentir d’autre pour l’arbre sinon de la
gratitude ? Et l’humilité est le fruit de la gratitude, comme l’arrogance est celui
des blâmes et des critiques. Si nous critiquons la nature, nous parvenons à la
conclusion qu’elle n’est pas suffisamment bonne, qu’elle est imparfaite et qu’elle
n’est pas digne de confiance. La nature a besoin de notre technologie et de
notre génie, aussi remuons-nous ciel et terre pour l’améliorer et nous finissons
par la détruire. Avec la gratitude, nous accompagnons la nature, nous
travaillons en harmonie avec elle et nous apprécions ses qualités miraculeuses.
En résumé, l’idée que je souhaite faire passer, c’est qu’il n’y a pas de dualisme,
pas de séparation entre la matière et l’Esprit. L’Esprit est dans la matière et la
matière est dans l’Esprit, mais nous les avons séparés, nous avons fait de
l’Esprit une question privée et nous avons permis à la seule matière de dominer
notre vie publique. Il est urgent de guérir cette fracture, car sans cette guérison,
le monde matériel, la Terre elle-même continuera de subir des conséquences
catastrophiques et les idées spirituelles et la sagesse continueront d’être vues
comme des pratiques idéalistes, ésotériques et éthérées totalement sans
rapport avec notre existence quotidienne.
Lorsque nous serons en mesure de guérir cette fracture, nous pourrons insuffler
l’Esprit dans les affaires, dans le commerce et dans l’économie. Nous pourrons
créer une politique qui œuvre pour tout le monde. Nos religions ne seront plus
créatrices de divisions ; au contraire, elles deviendront une source de guérison
et de solutions pour les conflits. Les mouvements militant pour la protection de
l’environnement et la justice sociale inspireront, plutôt qu’ils ne causeront de
l’agitation et individuellement, les êtres humains seront à l’aise avec eux-mêmes
et avec le monde qui les entoure. Le mariage entre la matière et l’Esprit, le
commerce et l’Esprit, la politique et l’Esprit, la religion et l’Esprit et l’activisme et
l’Esprit est la plus grande union nécessaire à notre époque.
Les gens ont faim d’être nourris spirituellement et cette faim ne peut pas être
assouvie par des moyens matériels. Par conséquent, notre plus grand travail,
c’est de créer de l’espace et du temps pour que les gens puissent découvrir leur
spiritualité et la spiritualité d’autrui.
Pour moi, il devrait être inutile d’argumenter en faveur de la spiritualité, mais en
raison du fait que durant ces derniers siècles, la culture occidentale a baigné
dans le déni de l’Esprit et s’est activée à élever le statut de la matière, notre
société et notre culture ont perdu leur équilibre et leur intégrité. C’est pour
restaurer cet équilibre que j’insiste sur l’importance de l’Esprit. Dans un monde
idéal, les gens reconnaîtraient que l’Esprit est toujours inhérent à la matière.
Traditionnellement, Il l’a toujours été. Les gens partaient en pèlerinage vers des
montagnes saintes et des rivières sacrées ; la vie était considérée comme
sacrée et inviolable. Nous reconnaissions la dimension métaphysique des
arbres. L’Arbre qui parle, l’Arbre de la Connaissance et l’Arbre de Vie expriment
la qualité spirituelle implicite de l’arbre. Retrouver cette sagesse éternelle est le
plus grand impératif de la vie.
Source : spiritualecology.org