LES STADES DU DÉVELOPPEMENT SPIRITUEL (COLLECTIF) Je suis le serviteur de celui qui ne s’imagine pas à chaque étape être arrivé au terme de son objectif. Il faut laisser derrière soi beaucoup d’étapes avant que le voyageur n’atteigne sa destination. Rumi MÉTAPHORES ET ANALOGIES On utilise certaines métaphores et analogies dans diverses traditions ésotériques et spirituelles pour montrer le processus de la croissance et du développement intérieur, dont l’entretien d’un jardin ; la transmutation et la purification de l’or ; la digestion et l’assimilation de la nourriture ; les graines, la germination et la floraison ; la mort et la renaissance ; et l’évolution consciente. Dans ses écrits, Rumi décrivit les stades du développement humain en termes d’évolution : Quelles sont la réalité et l’analogie des stades par lesquels la conscience doit passer pour atteindre la compréhension du soufi ? Rumi resitue la progression en ce qu’on appelle aujourd’hui des termes d’évolution en insistant sur une évolution via l’effort et la compréhension : ‘’Je suis mort au royaume minéral pour devenir une plante ; Je suis mort à la nature végétale pour devenir un animal ; Je suis mort à l’animalité pour devenir un être humain ; Puis, je mourrai à la nature humaine pour m’élever parmi les anges Puis, je laisserai la nature angélique pour devenir ce que vous ne pouvez pas imaginer.’’ En fait, les expériences intérieures du mystique soufi sont comparables à cette évolution de la conscience et de l’être.1 (1) Idries Shah “Introduction” in E.H. Whinfield Teachings of Rumi (London: Octagon Press, 1979), p. xvii. 1 Les soufis comparent la progression d’un chercheur à un voyageur qui emprunte la voie en utilisant la métaphore du voyage ou de la quête pour décrire le processus de la croissance spirituelle : ‘’Il y a des étapes sur la voie, comme il y a des haltes dans n’importe quel voyage pour que le voyageur atteigne son objectif et comme dans n’importe quel voyage, il y a des dangers sur la voie. Gurdjieff a évoqué la transformation intérieure via les termes de l’émergence et de la métamorphose de la chrysalide en papillon : Notre développement ressemble à celui d’un papillon. Nous devons ‘’mourir et renaître’’, comme l’œuf meurt pour devenir une chenille, comme la chenille meurt pour devenir une chrysalide, comme la chrysalide meurt pour devenir un papillon. C’est un long processus et le papillon ne vit qu’un jour ou deux. Mais le dessein cosmique s’accomplit. C’est la même chose pour l’homme : nous devons détruire nos tampons. Les enfants n’en n’ont pas, c’est pourquoi nous devons devenir comme des petits enfants.2 Gurdjieff fait aussi allusion à un ancien enseignement ésotérique qui utilise l’analogie d’une maison à quatre pièces pour décrire les possibilités humaines : Certains enseignements comparent l’homme a une maison qui a quatre pièces. L’homme vit dans une pièce, la plus petite et la plus pauvre, et à moins qu’on ne le lui dise, il ne soupçonne même pas l’existence d’autres pièces remplies de trésors. Quand il l’apprend, il se met à chercher les clés de ces pièces, spécialement la quatrième, la plus importante. Ce n’est qu’une fois que l’homme est parvenu à pénétrer à l’intérieur de cette pièce qu’il devient réellement le maître de maison, parce que c’est seulement alors que la maison lui appartient totalement et pour toujours. La quatrième pièce offre à l’homme l’immortalité et tous les enseignements religieux s’efforcent d’en indiquer le chemin. Il y a beaucoup de voies, certaines étant plus courtes et d’autres plus longues, certaines étant plus difficiles et d’autres (2) G.I. Gurdjieff Views From the Real World: Early Talks of Gurdjieff (New York: E.P. Dutton, 1973), p. 40. 2 plus faciles, mais toutes, sans exception, conduisent ou s’efforcent de conduire dans une seule direction, c’est-à-dire l’immortalité.3 La transformation d’eau liquide en d’autres états de la matière a également été utilisée pour illustrer le raffinement successif de la conscience humaine dans le voyage qui conduit à l’Illumination. Ainsi, la tradition de l’advaita vedanta nous dit : ‘’Tout comme la glace devient de l’eau et l’eau de la vapeur et la vapeur se dissout dans l’air et disparaît dans l’espace, similairement, le corps se dissout dans la pure Conscience et puis dans l’Etre pur qui se situe au-delà de l’existence et de la non-existence.’’ Le bouddhisme zen propose une métaphore tirée du monde naturel pour illustrer le processus du développement spirituel : On pourrait diviser le processus de la pratique de diverses manières et on pourrait simplifier l’analyse à l’aide d’une analogie : premièrement, il y a le substrat qui est tout ce que nous sommes à cet instant précis dans le temps. Ce sol peut être argileux ou sablonneux ou riche en limon et en compost. Il peut attirer ou non des vers de terre, suivant sa richesse. Le sol n’est ni bon ni mauvais, mais il est ce qu’on nous a donné pour travailler avec, puisque nous n’avons pratiquement aucun contrôle sur ce que nos parents nous ont donné en termes d’hérédité et de conditionnement. Nous ne pouvons pas être autre chose que ce que nous sommes en ce moment précis. Nous pratiquons simplement avec ce que nous sommes. C’est le sol. Travailler avec le sol – cultiver - recouvre ce que j’ai appelé les stades deux à quatre. Nous travaillons avec notre sol – les semences, le compost, les vers de terre…, nous désherbons, nous émondons et nous utilisons des méthodes naturelles pour produire une bonne récolte. A partir du sol et de sa culture suivra la récolte qui commence à être particulièrement évidente au quatrième stade et qui augmente par la suite. Cette récolte est la joie et la paix. Une vie joyeuse ne signifie pas que nous sommes toujours béatement (3) P.D. Ouspensky In Search of the Miraculous (New York: Harcourt, 2001), p. 44. 3 heureux. Elle signifie seulement que la vie est riche et intéressante. On ne doit plus combattre la vie.4 Idries Shah nous avise que les expressions symboliques et analogiques du développement spirituel ne sont utiles que jusqu’à un certain point et qu’elles doivent être finalement dépassées : Dans la littérature soufie, le thème de la quête ou du voyage est une tradition coutumière, que ce soit sous la forme d’une caravane d’âmes, de l’amant ou du chercheur de Vérité. Dans le cadre des écoles soufies, ces matériaux sont eux-mêmes dépassés au fur et à mesure que l’aspirant va au-delà du sens symbolique qui peut aider, mais qui peut par la suite gêner, si on s’y attache trop longtemps. Le système est donc très semblable à une situation où vous pouvez marcher jusqu’à un point qui est visible pour aller en ligne droite, que vous n’abandonnez que lorsqu’il a rempli sa fonction pour en choisir un autre et si nécessaire encore un autre jusqu’à ce que l’objectif soit atteint.5 LA NATURE DES STADES DU DÉVELOPPEMENT Les stades du développement spirituel ont été décrits avec précision dans beaucoup d’enseignements ésotériques et de nombreuses traditions spirituelles. ‘’Chaque pèlerin doit passer par les mêmes étapes du voyage spirituel et ces étapes sont facilement reconnaissables grâce aux descriptions détaillées que tous les maîtres en ont donné unanimement. Les points de repère et les pièges sont décrits similairement jusque dans les moindres détails.’’ A tous les stades du développement survient un nouveau changement dans la perception, le comportement et la compréhension, et c’est l’expérience (4) Charlotte Beck Nothing Special: Living Zen (San Francisco: Harper, 1993), pp. 191-192. 5 (5) Idries Shah A Perfumed Scorpion (London: Octagon Press, 1983), pp. 151152. 4 elle-même qui marque l’acquis d’un certain stade : ‘’L’acquis des différents stades est définitif. Jusqu’à ce que l’on ait atteint un de ces stades, la plaque photographique peut bien avoir été exposée et développée, pour ainsi dire, mais non encore fixée et l’expérience réelle est le produit qui fixe.’’ Des expériences indiscutables marquent certains niveaux de progrès et celles-ci offrent à l’individu simultanément la preuve de ses progrès et la force pour continuer jusqu’à l’étape suivante. A moins qu’il ne reçoive ces éclairages au cours d’une séquence adéquate, il demeurera à un niveau de conscience partielle ou de pouvoir de concentration occasionnel. Un des résultats les moins souhaitables de progrès désordonné est le candidat qui n’est pas sevré de sa dépendance à l’égard de son instructeur.6 Chaque stade du développement intérieur met en lumière et stimule différents aspects du caractère et de la perception de l’aspirant. Une indication du progrès spirituel, c’est le développement de la compréhension cognitive des choses et des processus en termes de qualité et de raffinement. Pour utiliser une analogie, plus l’enfant grandit et plus vaste devient l’éventail de son discernement entre formes, tailles et poids variés. Le développement se poursuit pas à pas. Thomas de Hartmann relate cette conversation qu’il a eue avec son Maître, Gurdjieff : ‘’Il y avait une échelle dans le coin. M. Gurdjieff y a fait référence et il a dit : ‘’Si vous entreprenez de monter pas à pas, alors une fois que vous aurez atteint le sommet, jamais plus vous ne chuterez. C’est pareil pour votre développement. Vous devez y aller pas à pas et ne pas croire que vous pouvez immédiatement vous retrouver au sommet de l’échelle.’’ Menée à bien correctement, l’activité spirituelle suit un ordre spécifique ou une séquence appropriée, puisque chaque niveau prépare le suivant. On ne devrait pas vouloir, approcher ni tenter une partie du processus d’étude avant d’en avoir terminé avec succès avec la partie précédente. Il y a une gradation dans l’étude, de sorte qu’une fois qu’un objectif est atteint, celui-ci 6 (6) Idries Shah The Sufis (London: Octagon Press, 1984), p. 304. doit être oublié ou remplacé et l’attention se dirige alors vers le nouvel objectif : ‘’Il y a une succession d’expériences qui constituent ensemble la maturation éducative et développementale de l’étudiant. Ceux qui pensent que chaque acquis est le but même se figeront à chaque niveau et ne pourront apprendre par l’entremise de leçons successives.’’ On ne peut apprendre que si l’on est prêt à apprendre et si l’activité spirituelle adéquate est bien en rapport avec le niveau actuel du développement. Le principe du progrès par phases est bien résumé par cette phrase : ‘’Vous rampez avant de marcher et vous marchez avant de courir.’’ Les étudiants doivent progresser étape par étape et peuvent avoir besoin d’informations basiques ou plus poussées avant qu’il ne soit possible pour eux d’atteindre des expériences supérieures. Et il est possible que le sens des études et des expériences ne devienne évident qu’ultérieurement. On ne peut passer d’un stade à l’autre avant d’être prêt et dans un état adapté et adéquat pour tirer profit d’études supérieures : ‘’Le fait d’être prêt est une marque de valeur, de mérite qui ne dépend pas de critères mineurs, comme le temps qu’il aura fallu ou l’ancienneté.’’ Il faut avoir développé certaines perceptions, une certaine compréhension et l’évolution ultérieure dépendra de ces bases ou de ces fondations : ‘’Ceux qui suivent la voie soufie commencent vite à apprendre d’une manière nouvelle pour eux. C’est le processus d’apprentissage même plutôt que ce que l’on apprend factuellement qui commence à les changer, à changer leur façon de penser et de percevoir le monde. Longtemps avant que la voie soufie ne devienne une discipline purement mystique, elle opère au niveau de l’intellect et de l’imagination. Ses premiers stades sont conçus pour préparer aux expériences ultérieures, de sorte que l’on ne se méprend pas sur leur nature. Correctement guidé par un Maître qui comprend quels sont ses besoins personnels, le disciple n’arrivera à l’extase recherchée qui est au centre du mysticisme que quand il sera tout à fait prêt pour cela. Alors, loin de le submerger, celle-ci le parachèvera. Le processus d’apprentissage est le processus de découverte de ce qui existe réellement. Pour y parvenir, le néophyte doit être persuadé d’utiliser ses sens, son intelligence et son imagination d’une manière nouvelle. On doit l’aider à atteindre un nouveau type et un nouveau niveau de conscience.’’7 En raison des différences individuelles en termes d’antécédents, de structure de l’ego, de préparation, de détermination et de faculté de compréhension, la vitesse du développement varie. Par conséquent, aucun moment n’est fixé pour le passage d’un stade à l’autre, tout dépendra des progrès de l’individu. Et tout le monde n’atteint pas tous les niveaux de développement. Il n’y a pas un seul modèle linéaire de développement typique ou qui caractérise l’expérience réelle de chaque individu, car le processus de la transformation intérieure se produit simultanément dans des dimensions distinctes. Au bout du compte, les états spirituels d’une personne évoluent conformément à ‘’des degrés infinis de vérité et d’objectivité’’ et on ne peut les étiqueter spécifiquement comme des états ou comme des stades universels qui sont fixés. Le progrès spirituel d’une personne peut ne pas toujours être évident ou manifeste pour les autres et il y a un adage qui dit qu’une personne qui voyage dans l’obscurité voyage… Il y en a qui évoluent plus vite que d’autres. Le disciple apprend, même s’il ne sait pas qu’il apprend et par conséquent, il est possible qu’il s’énerve ou qu’il s’impatiente. Rumi nous rappelle qu’en hiver, un arbre recueille des nutriments. Certains peuvent bien penser qu’il dort, puisqu’ils ne voient rien qui se passe, mais au printemps, ils voient les bourgeons. Maintenant, il est actif, pensent-ils. Il y a un temps pour recueillir des nutriments et un temps pour produire. Ce qui ramène le sujet à l’enseignement suivant lequel l’Illumination doit s’opérer progressivement, sinon nous serions éblouis par elle.’’ 8 (7) Peter Brent “The Classical Masters” in Idries Shah (ed.) The World of the Sufi (London: Octagon Press, 1979), p. 17. 8 (8) Idries Shah The Sufis (London: Octagon Press, 1984), pp. 123-124. 7 Se focaliser sur ses progrès sur la voie spirituelle peut s’avérer en fait contreproductif, puisque cela entraîne une fixation malsaine sur de futurs résultats au détriment de la pratique qui s’enracine dans la réalité de l’instant présent. Le Maître zen, Shunryu Suzuki : ‘’Quand vous aurez un peu pratiqué, vous comprendrez qu’il n’est pas possible de faire des progrès rapides et extraordinaires. Même si vous essayez très très fort, les progrès que vous réalisez se font toujours petit à petit. Ce n’est pas comme sortir sous une averse, quand vous savez quand vous êtes mouillé. Par temps de brouillard, vous ne savez pas que vous devenez mouillé, mais au fur et à mesure que vous avancez, vous devenez peu à peu mouillé. Si votre mental entretient des idées de progrès, vous pourriez dire ‘’Quel rythme calamiteux !’’, mais en fait, ce n’est pas le cas. Dans le brouillard, si vous devenez mouillé, il est très difficile de vous sécher, aussi n’y a-t-il pas besoin de vous tracasser par rapport à vos progrès. C’est comme apprendre une langue étrangère. Vous ne pouvez pas y arriver d’un coup, mais en répétant encore et toujours, vous la maîtriserez… Nous pouvons affirmer que nous progressons petit à petit ou que nous ne nous attendons même pas à faire des progrès. Simplement être sincère et produire pleinement notre effort à chaque instant suffit. Il n’y a pas de Nirvana en dehors de notre pratique.’’9 Depuis la perspective suprême, l’autoréalisation n’est pas une question de temps. Nisargadatta Maharaj : ‘’Toute attente est vaine et futile. Dépendre du temps pour résoudre nos problèmes, c’est s’auto-illusionner. Le futur laissé à lui-même répète simplement le passé. Le changement ne peut survenir que maintenant, jamais dans le futur.’’ Que le progrès paraisse lent ou rapide n’a aucune importance : Q : Que signifie l’échec dans le yoga ? (9) Shunryu Suzuki Zen Mind, Beginner’s Mind (New York: Weatherhill, 1973), p. 46. 9 R : La question est mal posée. Il n’est pas question d’échec, ni à court, ni à long terme. C’est comme de voyager le long d’une route longue et pénible dans un pays inconnu. De tous les innombrables pas que l’on fait, seul le dernier nous amène à destination. Malgré ça, vous ne considérez pas que tous les pas précédents étaient des échecs. Chacun d’entre eux vous a rapproché du but, même si parfois vous avez dû revenir en arrière pour contourner un obstacle. En réalité, chaque pas vous a rapproché du but parce que votre éternel destin est d’aller toujours de l’avant, d’apprendre, de découvrir, de dévoiler. Vivre est la seule raison de la vie. Le Soi ne s’identifie ni au succès ni à l’échec - l’idée-même de devenir ceci ou cela lui est inconcevable. Le Soi sait que succès et échec sont relatifs et connexes, que l’un et l’autre sont la chaine et la trame de la vie. Que les deux vous soient un enseignement, puis allez au-delà…Jamais personne n’échoue en yoga. Ce n’est qu’une question de rythme de progression. Le progrès est lent au début, il s’accélère à la fin. Quand on arrive à complète maturation, la réalisation est explosive. Elle se produit soit spontanément, soit sous la moindre poussée. La voie rapide n’est pas meilleure que la voie lente. Le lent mûrissement et la floraison rapide alternent. Ils sont, l’un et l’autre, naturels et justes.10 LES CATALYSEURS DU DÉVELOPPEMENT SPIRITUEL Les enseignements spirituels traditionnels ont échafaudé des méthodes variées ou des ‘’moyens habiles’’ pour faciliter le processus du développement intérieur. Ramana Maharshi recommande quatre approches, conformes aux capacités et au tempérament de l’aspirant pour entreprendre le voyage spirituel vers l’Illumination définitive : (1) Le pranayama – contrôle et régulation de la respiration et mantra, la répétition de sons sacrés ; (10) Sri Nisargadatta Maharaj I Am That (Durham, North Carolina: Acorn Press, 1982), pp. 112-113. 10 (2) La bhakti – dévotion à l’égard d’un idéal, comme ‘’Dieu, le guru, l’humanité en général, des lois éthiques ou même l’idée de Beauté’' (3) Le karma yoga – bonnes actions et service altruiste ; (4) Le vichara – méthode introspective et analytique de la recherche du Soi – Qui suis-je ? La première étape sur la voie de l’autoréalisation est particulièrement importante, car elle est à la base de tout le développement subséquent. A moins que nous ne reconnaissions que notre expérience de la vie tourne autour de notre ego et de notre image personnelle, aucune transformation essentielle n’est possible. Le développement réel commence quand nous observons objectivement le fonctionnement de notre mental et quand nous renonçons ensuite à notre perspective égocentrique pour que notre vrai Soi puisse apparaître comme le Témoin impersonnel de la vie qu’Il est réellement : Les expériences de ma vie paraissent être centrées autour d’un ‘’je’’. ‘’Je’’ vois, ‘’j’’ ‘entends, ‘’je’’ ressens, ‘’je’’ pense, ‘’je’’ suis d’avis que…Nous remettons rarement en cause ce ‘’je’’, mais dans l’état d’Illumination, il n’y a plus de ‘’je’’, il y a juste la Vie elle-même, une pulsation d’Energie intemporelle dont la nature même inclut – ou est – toutes choses. La pratique, c’est de commencer à voir pourquoi nous ne réalisons pas notre vraie nature et c’est toujours en raison de notre identification exclusive avec notre propre mental et notre propre corps, le ‘’je’’. Pour réaliser l’état naturel de l’Illumination, il faut se rendre compte de cette erreur et l’éliminer. Le chemin de la pratique, c’est de s’opposer résolument au mode de vie ordinaire obnubilé par un moi. La première étape de la pratique est de voir que ma vie est complètement centrée sur moimême…Puis l’étape suivante (et ce stade peut durer pendant des années), c’est d’observer ce que nous faisons avec toutes ces pensées, ces fantasmes et ces émotions – c’est-à-dire, habituellement nous accrocher à eux et à elles et croire que nous serions misérables et perdus sans eux et sans elles. Si nous exigeons que la vie se passe d’une certaine manière, nous souffrons inévitablement, car la vie est toujours comme elle est et elle n’est pas toujours ‘’belle’’ ni agréable. La vie n’est pas particulièrement comme nous voulons qu’elle soit, elle est juste comme elle est.11 Appliquer notre attention et la pleine conscience aux circuits habituels de nos pensées, de nos émotions, de nos sensations et de nos perceptions aboutit à un changement et à une maturation réels. Observer les fluctuations toujours changeantes du mental et des émotions révèle un état d’être plus profond qui est notre droit de naissance légitime et naturel. ‘’Pour réellement faire face à la vie, vous devez lui faire face dans l’ouverture, aussi faut-il lâcher ce qui est déjà connu. Vous devez faire face à la vie, l’esprit complètement ouvert, vide, sans aucune représentation. Alors, vous parvenez à la compréhension de la vie et vous en faites aussi un bon usage.’’ On devrait être disponible, se remettre toujours en cause en observant sans passion son propre comportement. Une nouvelle perspective, non subjective, pourra alors progressivement prévaloir et nous pourrons en arriver à comprendre que nous ne sommes pas l’ego. Avec une conscience totalement neuve, nous pourrons alors goûter la saveur inattendue de ces moments d’absence de désir qui nous seront révélés sous forme de plénitude, de silence et de paix. Cette saveur qui initialement est seulement fugitive deviendra plus constante et s’intensifiera jusqu’au moment où elle nous apparaîtra comme une réalité qui nous porte, qui nous enveloppe et qui est notre substance même. La Félicité alors expérimentée est tout à fait différente par rapport à ce que nous appelons généralement le bonheur…L’essence d’une telle attention pure implique l’élimination totale de tous les éléments du passé, ce qui permet alors à la pureté authentique du présent d’être parfaitement saisie. Nous devons tout oublier et attendre, tout en n’attendant rien. Ceci engendre un état de réceptivité parfaite qui capte et qui est ouvert à la nouveauté totale, éternelle et parfaite de chaque instant.12 (11) Charlotte Beck Everyday Zen (San Francisco: Harper, 1989), pp. 173174. 12 (12) Jean Klein Be Who You Are (Dorset, England: Element Books, 1989), pp. 20-21. 11 Au moment où l’enseignement de la transformation consciente s’actualise, il y a un déploiement naturel du potentiel humain depuis les ténèbres vers la lumière et depuis la manifestation inconsciente jusqu’à la pureté de l’état d’éveil, d’Illumination. On présente parfois le processus, comme un raffinement de la conscience humaine via une série d’étapes consécutives : (1) La conscience de la majorité des êtres humains est l’état d’attachement subjectif ordinaire et d’identification ordinaire aux habitudes conditionnées de pensée, de sentiment et de sensation. (2) Si l’on entreprend de suivre la voie de la connaissance de soi en s’observant et en s’étudiant, la nature de l’ego est identifiée et parfaitement comprise, ce qui permet un degré de détachement qui ‘’ouvre la porte à des facultés de perception subtiles qui sont généralement latentes derrière la façade plus bruyante et plus colorée des pensées, des imaginations et des idées’’. (3) Si l’attention est soutenue et si le fonctionnement du corps, du mental et des émotions est observé sans jugement, supputation et interprétation, le sentiment pur du ‘’Je suis’’ se manifeste et se stabilise dans la conscience. (4) Le fait de reposer dans le ‘’Je suis’’, sans mots ni pensées, s’étend finalement à l’expérience de l’Etre pur et pure Conscience silencieuse. Dans cet état de non-dualité, les distinctions entre observateur et observé et sujet et objet disparaissent dans la perception directe de l’ainséité ou l’être de la réalité objective ou du Soi. (5) Le stade ultime de l’Illumination, c’est l’actualisation de la pratique spirituelle dans nos vies et nos activités quotidiennes. On peut alors se mouvoir librement et avec équanimité, tout en percevant la nature ultime de l’existence. On peut désormais être dans le monde, sans être du monde. ‘’Avec l’Illumination parfaite, nous comprenons que notre conception du monde est erronée. Une fois que ceci est réalisé, le monde de l’unité, de l’harmonie et de la paix véritable se révèle’’. Même si pour quelques individus, les progrès sur la Voie peuvent se faire sans l’intervention d’un Maître, la connaissance d’un Maître est généralement nécessaire pour guider l’aspirant d’un niveau à l’autre. C’est la responsabilité du Maître de transmettre les instructions spirituelles qui font en sorte que l’étudiant puisse passer d’un stade à l’autre et dans le même temps, c’est aussi la responsabilité du Maître de relier les progrès individuels de l’étudiant aux besoins globaux de l’humanité. Le rôle du Maître s’exprime parfois de manière métaphorique : Le stade de ‘’l’eau’’ qui symbolise aussi la purification dans certaines traditions survient lorsque le Maître est en mesure d’amalgamer les éléments liquides (c’est-à-dire les éléments mobiles et purifiés) du postulant dans un nouveau sens. Cette ‘’eau’’-ci est une substance plus raffinée, d’un type spirituel qui relève de la nature d’une énergie. En termes de procédure, cela veut dire le stade où les éléments supérieurs de l’esprit et de l’individualité sont connectés par l’entremise du Maître.13 Un Maître authentique peut guider un aspirant dans tous les stades de la pratique spirituelle en l’orientant habilement au fil des nombreux et multiples défis auxquels il pourra être confronté et en soutenant ses efforts et ses aspirations à grandir et à se développer d’une manière correcte et appropriée pour aboutir à la réalisation de sa véritable nature : L‘établissement dans notre véritable nature se fait par l‘élimination radicale du monde des objets. L‘élimination authentique ne peut procéder que de la manière suivante : il faut d‘abord, aidé par l‘Instructeur, comprendre que tous les objets n‘ont absolument aucune réalité propre et ne sont rien d‘autre que des projections du désir. Cette vérité, lorsqu‘elle est parfaitement assimilée, produit une retombée du désir sur lui-même, c‘est-àdire une mise en repos, en équilibre, de toute l‘énergie investie dans le monde des objets. Cette retombée produit l‘arrêt du mental et par conséquent le surgissement de la Conscience du Soi. Cette expérience du Suprême qui est alors découvert comme tréfonds de notre être, constitue (13) Idries Shah Sufi Thought and Action (London: Octagon Press, 1990), p. 17. 13 l‘essentiel de la Réalisation. Ensuite, toujours sous la direction de l‘Instructeur, il n‘y a plus qu‘à s‘y établir d‘une manière permanente, ce qui n‘est qu‘une question de temps. Comme nous l‘avons précisé à maintes reprises, il ne s‘agit pas ici d‘un état temporaire mais d‘un établissement définitif dans notre nature véritable, dans un ‘’état d‘Être’’ que nous n‘avons d‘ailleurs jamais quitté qu‘en apparence et qui n‘est donc pas à atteindre. Le disciple trouve alors en Soi (c‘est-à-dire vraiment en lui-même) toute joie et ne la cherche plus dans les objets qui, il le sait maintenant, n‘ont aucune existence indépendante.14 Après la première expérience d’Illumination, le voyage se poursuit avec de nouveaux niveaux de raffinement de la conscience, tandis que des domaines d’existence plus subtils sont explorés et s’actualisent. LES DÉFIS ET LES OBSTACLES Les gens ont tendance à gêner leur développement spirituel en nourrissant des attentes irréalistes. Dans leurs pratiques spirituelles, ils veulent se dépêcher, se presser et trop en faire en raison de leur impatience et de leur désir de progresser trop vite – le syndrome de ‘’la course contre le temps’’. Le désir même d’évolution et de progrès peut s’avérer être un redoutable obstacle à la croissance réelle. Toni Packer : ‘’Sans souvenir et sans comparaison, il y aurait juste ce qui se passe maintenant, sans comparaison avec ce qu’il y avait un instant plus tôt ou il y a dix ans, mais juste ce qu’il y a maintenant. Il n’y aurait aucune possibilité de parler de changement. Il y aurait juste le fait de vivre cet instant, tel qu’il est.’’ L’expérience de l’Illumination peut être excessive, quand elle n’est pas correctement intégrée ou si la personne n’est pas bien préparée. C’est pour cette raison que certaines connaissances, certains enseignements ou bien (14) Jean Klein Be Who You Are (Dorset, England: Element Books, 1989), p. 70. 14 encore certains exercices ne sont parfois pas divulgués à quelqu’un pour ne pas perturber la séquence d’apprentissage et de développement la plus appropriée. Idries Shah explique ce point : ‘’On peut parler de ‘’secret’’, si une chose n’est pas prête à être révélée ou si elle est ‘’dissimulée’’ à quelqu’un, à un moment donné, pour une bonne raison et cette raison peut ne pas être davantage que l’efficacité de l’opération pour s’assurer du progrès. Beaucoup de choses prétendument ‘’secrètes’’ sont simplement des choses qui ne sont pas divulguées aux gens avant qu’ils ne puissent vraiment les comprendre ou les expérimenter.’’ Si une expérience spirituelle survient prématurément ou hasardeusement, celle-ci peut entraîner des conséquences négatives graves pour le pratiquant : ‘’Pour celui qui est étroit ou limité, l’univers ressemble à un minuscule point de lumière et si vous lui montrez une lumière aussi éclatante que le soleil, la personne peut devenir folle, ce qui arrive parfois.’’ Pour être réellement effective et significative, une expérience d’Illumination doit toucher une personne parfaitement intégrée et psychologiquement équilibrée : Pour ceux qui sont prêts, cette expérience est la plus merveilleuse chose au monde. Ils la pressentent avant de l’avoir et ils sont prêts à l’accueillir. Mais pour ceux qui ne le sont pas, elle peut être dangereuse et elle ne produira pas de bons résultats. En réalité, ce pourrait même être l’inverse…Il faut faire très attention, car une expérience d’Illumination prématurée n’est pas nécessairement bonne. Avoir une telle expérience, c’est réaliser que nous ne sommes rien (en tant qu’ego) et qu’il n’y a rien dans l’univers, à part le changement. Nous faisons face à cette immense Puissance essentielle que nous sommes. Réaliser ceci quand nous sommes prêts est libérateur, mais pour celui qui ne l’est pas, c’est l’anéantissement. Et même celui qui est prêt pour une telle expérience pourra passer de nombreuses années à pratiquer avec les niveaux de maturation qu’il aura contournés afin de les clarifier.15 15 (15) Charlotte Beck Everyday Zen (San Francisco: Harper, 1989), pp. 36-37. L’aveuglement, le manque de sincérité et le pouvoir de l’ego se réaffirment à chaque stade du voyage spirituel. A tous les stades du développement, un travail intérieur est nécessaire pour surmonter les obstacles qui sont créés par les attachements, par les fixations, par les illusions et par les conditionnements du passé : L’entraînement zen continue indéfiniment. On se rend compte que le petit ego mesquin dont on pensait s’être débarrassé se réinsinue furtivement dans son esprit. Une habitude de conscience longue et chronique a enraciné des impulsions négatives si solidement dans notre esprit qu’elles nous hantent en permanence et il est impossible pour nous de les neutraliser avant qu’elles ne surgissent. Mais, plus nous nous entraînons, plus nous nous libérons de l’ego mesquin. Quand l’ego mesquin fait son apparition, ne vous en préoccupez pas. Ignorez-le simplement.16 Il peut y avoir de la crainte et de l’incertitude, quand notre ancienne vision du monde et notre image personnelle apparemment solides se révèlent être, par l’entremise d’une pratique spirituelle sincère, insubstantielles, relatives et globalement fictives. Notre pratique est simplement ceci, toute notre vie durant : à tout moment, nous entretenons un point de vue ou une attitude rigide à l’égard de la vie, qui comprend certaines choses et qui en exclut d’autres. Au moment où nous commençons à remettre en question notre point de vue, nous pourrons ressentir de la lutte et de la contrariété en essayant de composer avec cette nouvelle perspective dans notre vie et pendant longtemps, nous pourrons nous opposer à elle et lutter contre elle. Ceci fait partie de la pratique. Mais finalement, nous serons prêts à expérimenter notre souffrance plutôt que de nous y opposer et alors, notre point de vue et notre vision de la vie changent abruptement…C’est comme escalader une montagne. A chaque niveau que nous atteignons, nous voyons mieux et cette vision ne refuse rien de ce qu’il y a en dessous – elle l’inclut – et elle s’élargit avec chaque cycle d’escalade (16) Katsuki Sekida Zen Training: Methods and Philosophy (New York: Weatherhill, 1981), p. 35. 16 et de lutte. Plus nous voyons, plus notre vision s’élargit et plus nous savons quoi faire et comment agir.17 Avant de pouvoir atteindre des états de conscience supérieurs et l’Illumination, nous devons travailler avec les éléments inférieurs de la psyché humaine pour assurer une base de stabilité psychologique : La première chose qui doit se produire – après beaucoup d’étapes, de chemins détournés et d’embûches – c’est l’intégration de nous-mêmes en tant qu’êtres humains, de sorte que l’esprit et le corps deviennent unis et pour beaucoup, cette entreprise peut prendre toute une vie. Quand l’esprit et le corps sont unis, on n’est plus perpétuellement tiraillé çà et là, en tous sens et de tous côtés. Aussi longtemps que nous sommes contrôlés par nos émotions égocentriques (et la plupart d’entre nous entretiennent des milliers de ces illusions), nous n’aurons pas franchi cette étape. Prendre une personne qui n’a pas encore intégré son corps et son esprit et la pousser à travers la porte étroite de l’Illumination peut sûrement générer une expérience puissante, mais la personne ne saura pas quoi en faire. Découvrir momentanément le miracle de l’univers ne signifie pas nécessairement que nos vies seront plus libres. La chose importante est qui nous sommes, à chaque instant, et comment nous gérons ce que la vie nous apporte. Au fur et à mesure que nous intégrons mieux notre corps et notre esprit, le travail se simplifie, paradoxalement. Notre job est de nous intégrer dans le monde entier. Comme l’a dit Bouddha : ‘’Le monde entier est ma progéniture.’’ Une fois que nous sommes relativement en paix avec nous-mêmes, l’intégration dans le reste du monde est facilitée.18 Au fur et à mesure que l’étudiant progresse sur la voie spirituelle, les défis, les questions et les mésaventures deviennent plus subtiles, moins évidents : ‘’Nous passons par de nombreux doutes, par de nombreuses ouvertures jusqu’à ce qu’il ait finalement suffisamment de stabilité et que la confiance et (17) Charlotte Beck Everyday Zen (San Francisco: Harper, 1989), pp. 108109. 18 (18) Charlotte Beck Nothing Special: Living Zen (San Francisco: Harper,1993), pp. 94-95. 17 la foi soient suffisamment bien-fondées pour franchir le dernier obstacle, la dernière porte. Bien entendu, même après, nous pouvons nous embourber dans la réalisation même qu’il n’y a rien à atteindre.’’ Même si l’on expérimente un éveil profond, l’inertie des habitudes subsiste encore et celles-ci ne peuvent pas s’éliminer d’un coup. Le progrès spirituel n’a rien d’un processus linéaire. En fait, il y a des hauts et des bas, des succès et des échecs, des acquisitions et des faux pas. ‘’Le premier stade de la pratique, c’est devenir conscient de nos sentiments et de nos réactions internes. Nous devons d’abord prendre conscience de nos réactions émotionnelles et de nos tensions physiques, de la manière dont nous critiquons tout dans la vie, même si nous masquons nos réactions.’’ La pratique réelle commence d’instant en instant, juste faire face à l’instant. Notre mental n’est plus aussi turbulent et ne nous domine plus. Le renoncement authentique à notre programme personnel débute, même s’il peut être interrompu par toutes sortes d’épisodes compliqués. La voie n’est jamais directe et lisse. En fait, plus le chemin est difficile, mieux c’est. L’ego a besoin de difficultés qui le mettent au défi. En progressant dans la pratique, nous nous rendons compte que les difficultés du parcours ne sont pas aussi dures qu’elles l’auraient été autrefois. Nous n’avons plus le même programme qu’auparavant, ni le même désir d’être important ou de critiquer…Le processus est une lente érosion – il ne s’agit pas d’obtenir des vertus, mais de gagner en compréhension.19 SÉQUENCE ET PROGRESSION DES NIVEAUX Généralement et traditionnellement, on conceptualise le développement intérieur comme le raffinement de la conscience depuis l’immersion dans le monde de la forme jusqu’à la perception de niveaux plus subtils de réalité. Ramana Maharshi a décrit le voyage spirituel comme un mouvement qui (19) Charlotte Beck Nothing Special: Living Zen (San Francisco: Harper, 1993), pp. 95-96. 19 s’éloigne de l’identification au corps/mental et du sentiment d’être un moi séparé et distinct jusqu’à la perception directe du Soi : Il y a un stade au début où vous vous identifiez au corps, où vous avez toujours la conscience du corps. A ce stade, vous avez le sentiment d’être différent de la réalité de Dieu. Puis, vous songez à vous-même comme à un fidèle de Dieu ou comme à un serviteur ou à un amoureux de Dieu. C’est (toujours) le premier stade. Le deuxième stade, c’est quand vous songez à vous-même comme à une étincelle du feu divin ou comme à un rayon du soleil divin. Même alors, il y a encore ce sentiment de différence et la conscience du corps. Le troisième stade survient lorsque toutes ces différences cessent d’exister et lorsque vous réalisez que seul le Soi existe.20 Similairement, Nisargadatta Maharaj décrit un raffinement progressif des stades, depuis celui où l’on s’accroche à la notion d’un moi distinct et séparé ou ego, à un stade intermédiaire où l’on s’attarde au sentiment du ‘’Je suis’’ , jusqu’au stade le plus élevé de la réalisation du Soi ou de l’Illumination : Actuellement, vous vous identifiez au corps et au mental. Par conséquent, à ce stade initial de votre pratique spirituelle, vous devriez rejeter cette identification en intégrant le principe que ‘’Je suis’’ est seulement le souffle vital et la Conscience et non le corps ni le mental. Dans les stades ultérieurs, le souffle vital et la Conscience se fondent dans notre nature ultime…Lorsque vous réaliserez que vous n’êtes ni le corps, ni le mental, vous ne serez plus affecté par aucune modification mentale. Dans cet état, vous êtes la Conscience universelle dynamique. Vous devriez demeurer dans cet état.21 La Maître zen, Charlotte Beck, exprime en termes psychologiques la transformation qui se produit par l’entremise de la pratique spirituelle : (20) Devaraja Mudaliar Day by Day with Bhagavan (Tiruvannamalai, India: Sri Ramanasramam,1977), p. 297. 21 (21) Sri Nisargadatta Maharaj The Nectar of the Lord’s Feet (Dorset, England: Element Books,1987), p. 116. 20 La première, c’est passer de l’insatisfaction relative au bonheur relatif. Au mieux, c’est un accomplissement fragile qui peut facilement être bouleversé. Mais on doit avoir un certain niveau ou un certain degré de bonheur et de stabilité relative pour pouvoir s’investir dans une pratique sérieuse. Ensuite, on peut tenter le stade suivant : la filtration intelligente et constante des diverses et multiples caractéristiques du mental et du corps via la méditation. Nous commençons à voir alors nos dispositions, nos désirs, nos besoins, ce qui motive notre ego et nous commençons à réaliser que ces dispositions, ces désirs et ces addictions sont ce que nous appellons le moi. Notre pratique se développe et nous commençons à comprendre le vide et l’impermanence de ces dispositions et nous découvrons que nous pouvons y renoncer. Nous n’avons pas à nous forcer à y renoncer, puisqu’elles s’étiolent simplement lentement, car quand la lumière de la Conscience éclaire quelque chose, cela réduit l’éclat de ce qui est faux et augmente l’éclat de ce qui est vrai et rien ne fait autant briller cette lumière que la méditation intelligente…Quand ces dispositions s’atrophient, le non-moi – qui est toujours présent – peut commencer à se montrer, avec l’intensification de la paix et de la joie qui l’accompagnent.22 Il existe une similitude frappante dans la délimitation des stades spécifiques du développement intérieur parmi de nombreux enseignements spirituels du monde. GURDJIEFF ET LA QUATRIÈME VOIE23 24 1er stade : l’homme n°1, 2, 3 (je multiple) L’humanité endormie Des je multiples qui changent Des centres psychiques pas en équilibre (22) Charlotte Beck Everyday Zen (San Francisco: Harper, 1989), pp. 43-44. (23) P.D. Ouspensky In Search of the Miraculous (New York: Harcourt, 2001). 24 (24) P.D. Ouspensky The Psychology of Man’s Possible Evolution (New York: Vintage Books,1974). 22 23 2ème stade : l’homme n°4 (un seul je) Le stade intermédiaire Un centre de gravité permanent – l’enseignement ou la voie Les centres s’équilibrent 3ème stade : l’homme n°5 (plus de je) Unité et conscience de soi Centre émotionnel supérieur ouvert Fonctions et capacités que n’ont pas les gens ordinaires 4ème stade : l’homme n°6 (vide) Conscience objective Le centre intellectuel supérieur s’ouvre Plus de facultés et de capacités qui dépassent la compréhension de l’homme ordinaire Certains acquis ne sont pas encore permanents et peuvent être perdus 5ème stade : l’homme n°7 (Soi) Développement complet pour un être humain ‘’Je’’ permanent, Conscience, libre arbitre et individualité La connaissance ne peut plus être enlevée ; c’est une connaissance objective et pratique de la Totalité Immortel dans les limites du système solaire LE SOUFISME25 26 27 1er stade : le sommeil (l’humanité) Nature et comportement de l’humanité ordinaire Des modèles de pensée, de sentiment et de sensation conditionnés Condition statique, inflexible et subjective Stade d’immobilisme (25) Idries Shah Oriental Magic (New York: Arkana Books, 1993). (26) Idries Shah The Sufis (London: Octagon Press, 1984). 27 (27) Idries Shah Sufi Thought and Action (London: Octagon Press, 1990). 25 26 2ème stade : tariqat (état du disciple) Le chemin ou la voie Contact avec un Maître Purification et régénération du soi inférieur Stade d’apprentissage, de préparation et de potentialité 3ème stade : arif (perception) Connaissances et capacités supérieures Perception et sensibilité plus fines Stade de progrès intérieur et d’acquis réels 4ème stade : fana (l’anéantissement) Gnose, conscience de la Vérité Unification de la conscience et de la Réalité objective Harmonisation avec le Divin Stade de l’amour 5ème stade : baqa (la permanence) Stabilisation de la connaissance objective et de l’être Complétude et accomplissement de l’homme Stade de celui qui retourne au monde pour guider les autres, sainteté LE BOUDDHISME 28 29 30 1er stade : le samsara Le monde des phénomènes conditionnés, de l’impermanence, le cycle des naissances et des morts Le royaume de dukkha – la peine, la souffrance, l’insatisfaction Le sentiment illusoire de soi-même en tant qu’ego ou moi distinctif et séparé (28) Walpola Rahula What the Buddha Taught (New York: Grove Press, 1974). (29) D.T. Suzuki Essays in Zen Buddhism (New York: Grove Press, 1961). 30 (30) Philip Kapleau The Three Pillars of Zen (New York: Anchor Books, 1989). 28 29 2ème stade : le dharma L’enseignement du Bouddha Les quatre nobles vérités – il y a souffrance ; la cause de la souffrance est le désir et l’attachement égocentriques ; l’expérience de la souffrance peut être transcendée ; il y a une voie que l’on peut suivre pour y parvenir La voie octuple – la compréhension juste, la pensée juste, le langage juste, l’action juste, les moyens d’existence justes, l’effort juste, la vigilance juste, la concentration juste 3ème stade : le samadhi ou jhana L’absorption méditative La concentration de l’esprit en un seul point L’état d’attention et de vigilance sans effort 4ème stade : le satori ou kensho L’autoréalisation, l’ouverture de l’œil de l’esprit Voir dans sa vraie nature L’Eveil ou l’Illumination La paix intérieure et la liberté, la libération de la souffrance 5ème stade : le nirvana L’union avec la Réalité ultime et la Vérité absolue L’état non-duel au-delà de la vie et de la mort Sunyata ou le vide, la vacuité, le substrat de l’Etre Le retour au monde de la forme pour guider les autres êtres humains vers l’Illumination L’ADVAITA VEDANTA 31 32 33 (31) David Godman (ed.) The Teachings of Sri Ramana Maharshi (Boston: Arkana Books, 1985). 32 (32) Sri Nisargadatta Maharaj I Am That (Durham, North Carolina: Acorn Press, 1982). 33 (33) Jean Klein I Am (Santa Barbara: Third Millennium Publications, 1989). 31 1er stade : maya L’identification erronée au corps et au mental L’image d’un je, l’ego, la personnalité L’ignorance du vrai Soi L’état d’illusion et de servitude, le cycle du plaisir et de la peine 2ème stade : la sadhana La pratique spirituelle La relation Maître-disciple La purification du corps et de l’esprit La recherche de notre nature réelle, l’introspection et la connaissance de soi L’effort et la discipline, la dévotion et le renoncement 3ème stade : le savikalpa samadhi Etat de concentration avancé Attention et vigilance non dirigées Etat contemplatif du témoin Conscience sans choix et discernement 4ème stade : le nirvikalpa samadhi Expérience de la pure Conscience universelle et de l’Etre pur Conscience du Soi et Présence sans effort Perception de la Lumière qui donne la vie à tous les phénomènes Tranquillité, silence 5ème stade : le sahaja samadhi La Libération, l’Illumination, l’autoréalisation Notre état d’être naturel, primordial et éternel La perception directe de la Réalité ultime et de la source du Tout L’élimination complète et finale de l’ego Demeurer dans le Soi tout en étant capable de fonctionner normalement dans le monde LE STADE FINAL : L’ILLUMINATION Le stade de l’autoréalisation ou de l’Illumination est l’aboutissement du voyage spirituel. Ce stade se caractérise par une stabilisation sans effort dans le Soi, indépendamment des circonstances ou des vicissitudes de la vie. Historiquement, il a été question d’une distinction philosophique dans certaines traditions spirituelles ou écoles de pensée entre ceux qui mettent l’accent sur le processus (réalisme) et ceux qui se focalisent sur la finalité (l’idéalisme absolu). Ainsi par exemple, dans le bouddhisme, l’Ecole du Nord du zen se fondait sur le pragmatisme et sur le développement graduel, alors que l’Ecole du Sud était plus intuitive et instantanée. D.T. Suzuki : ‘’La raison pour laquelle l’Ecole du Sud est connue comme ‘’abrupte’’ ou ‘’instantanée’’ par opposition à l’Ecole graduelle du Nord, c’est parce qu’elle soutient que la venue de l’Illumination est instantanée et ne permet aucune gradation, puisqu’il n’y a pas en elle de stades de progression, alors que l’Ecole du Nord insiste elle sur le processus pour parvenir à l’Illumination qui est naturellement progressif et qui nécessite beaucoup de temps et de concentration.’’ L’accomplissement de la bouddhéité ou la réalisation de l’Illumination est ce qui est visé par tous les bouddhistes et le zen, en tant que l’une des écoles du mahayana enseigne aussi que tous nos efforts doivent être focalisés sur cet objectif suprême. Alors que la majorité des autres écoles distinguent tellement de stades de développement spirituels et qu’elles insistent sur le fait de parcourir successivement tous les échelons pour parvenir à l’aboutissement de la discipline bouddhiste, le zen les ignore et il déclare hardiment que quand on voit dans la nature la plus intime et profonde de son propre être, on devient instantanément un Bouddha et qu’il n’y a aucune nécessité de gravir chaque échelon vers la perfection. Le fait de voir dans sa nature est un acte instantané. Il ne peut pas y avoir là-dedans de processus que l’on peut échelonner ou des stades de développement.34 (34) D.T. Suzuki Essays in Zen Buddhism (New York: Grove Press, 1961), p. 363. 34 D’un certain point de vue, l’Illumination est à la fois graduelle et soudaine. ‘’Il y a des étapes dans l’élimination, mais aucune dans la réalisation. La Réalité se situe au-delà du devenir et tout à fait en dehors du cadre du temps, de l’espace et de la cause à effet. Ce qui est éternel ne mûrit pas dans le temps.’’ L’Illumination est instantanée, mais l’esprit devient graduellement plus clair. La clarté de l’esprit provoque une détente par rapport aux vieux schémas et libère l’énergie qui à son tour stimule la clairvoyance, la lucidité. Cela nous amène à vivre une vie qui est libre de toute lutte pour parvenir à quelque chose et de toute tension suscitée par l’attente que quelque chose se produise.35 La nature graduelle et soudaine de l’Illumination s’exprime aussi après l’éveil au fur et à mesure que l’expérience s’intègre lentement dans la vie quotidienne. Les êtres illuminés rayonnent d’un calme profond, la sérénité, la sagesse et la compassion. L’Eveil authentique est ‘’une réalisation qui ramène solidement quelqu’un sur terre dans le monde laborieux qui lutte. Même après un kensho, quand vous percevez que tout est un et que vous n’êtes plus confronté à un monde extérieur, vous ne pouvez pas encore vivre dans et via cette expérience. Quoi qu’il en soit, vous ne cessez de revenir à l’état d’esprit qui précède. Mais si vous continuez à travailler, cette expérience se réaffirme et vous retournez au monde de la non-dualité avec une plus grande clarté. Graduellement, la clarté et la faculté de vivre dans ce monde de l’unité s’améliorent. Donc, il y a à la fois soudaineté et progression dans l’entraînement zen. L’expérience de l’Eveil est soudaine, mais l’intégration de l’expérience dans votre vie est graduelle. S’éveiller rapidement n’est pas nécessairement un avantage et que cela prenne du temps n’est pas nécessairement un désavantage. En pratiquant (35) Jean Klein I Am (Santa Barbara: Third Millennium Publications, 1989), p. 83. 35 sérieusement quotidiennement, vous actualisez dans votre vie les aspects de l’unité.36 L’Illumination est un état d’être non-duel qui se distingue par une vie basée sur l’expérience dans l’instant présent sans conceptualisation, intellectualisme ou émotivité. Jean Klein : ‘’Dans la lumière magnétique de l’Etre pur, l’individualité, le sentiment d’être l’auteur et la mémoire psychologique disparaissent pour ne plus jamais revenir et vous vous stabilisez dans le silence de la Présence sans plus l’idée d’un devenir. Après l’Eveil, il n’y a plus rien à gagner ni à perdre.’’ L’obtention de l’Illumination supprime tous les besoins et toutes les tentatives de captation humaines pour les remplacer par la sagesse, par de la compassion et pas un sentiment d’unité avec tout ce qui existe. ‘’En nous identifiant avec de moins en moins, nous pouvons inclure de plus en plus dans nos vies.’’ L’autoréalisation est un coup mortel pour l’ego subjectif qui est éliminé pour toujours. Dans le zen, on appelle cela ‘’la grande Mort’’ où l’on transcende la vie et la mort pour parvenir à la liberté totale. Le maître zen Bunan : ‘’Mourez de votre vivant et soyez parfaitement mort. Puis, faites ce que vous voulez et tout ira bien.’’ On décrit parfois l’état ultime en termes de pauvreté spirituelle. Nisargadatta Maharaj : ‘’On ne veut rien – ni des autres, ni de soi-même. On meurt à tout et on devient le Tout. Voir l’univers qui apparaît et qui se retire dans son cœur est un émerveillement.’’ L’Illumination surgit naturellement quand l’attention s’ouvre à une Conscience panoramique et à l’Etre intemporel. Avec la pure Conscience, on est simultanément conscient de son environnement et d’être conscient. Il n’y a plus la dualité d’une relation sujet/objet. ‘’Quand vous vous familiarisez avec l’attention sans aucune attente en laissant simplement l’attention être attentive, il y a un déploiement dans la vigilance et l’intelligence jusqu’à ce qu’il aboutisse à ce que nous appelons la Conscience.’’ (36) Philip Kapleau The Three Pillars of Zen (New York: Anchor Books, 1989), 63. 36 Q : Vous avez dit que l’attention pure est au seuil de la Conscience. Quel est alors la différence entre l’attention et la Conscience ? R : L’attention est encore une fonction du cerveau, quoique libre d’interférence psychologique. A mesure que l’attention s’étend, la fonction cérébrale ralentit et l’attention s’écoule dans la Conscience. L’attention totalement sans limites et la Conscience sont une seule et même chose. Q : Cette Conscience est-elle notre vraie nature ? R : Dans la Conscience, il n’y a pas de limitation due à la fonction cérébrale, mais encore dualité conceptuelle : ‘’Je suis conscient de quelque chose.’’ Ce quelque chose est le fonctionnement global, énergie non contaminée par la structure cérébrale et les sens. Ici, vous vous trouvez au seuil de votre Etre éternel. Vous êtes dans la proximité de votre nature réelle où personne n’est conscient de rien. C’est l’arrière-plan de toute fonction. Q : Comment passe-t-on du seuil à la tranquillité au-delà de tout mouvement ? R : Vous ne pouvez pas passer le seuil à l’aide d’une activité. Demeurez seulement là et vous serez pris spontanément. Q : Quelle est la nature de cette attente ? R : C’est ‘’attendre sans attendre’’, pour citer Heidegger, un état d’ouverture sans but ni motivation. Elle s’apparente à l’émerveillement, à l’admiration sans objet. En vivant l’ouverture inconditionnelle, vous êtes pris par votre Etre essentiel. Mais vous devez attendre d’être pris. Il n’y a pas à ‘’aller’’. Q : N’y a-t-il aucun sentiment après un événement aussi capital ? R : Sur le plan phénoménal, il y a un sentiment proche de la gratitude. La gratitude pour elle-même, car il n’y a plus personne pour donner ou pour recevoir des remerciements. C’est une offrande. L’amour pur.37 L’autoréalisation se situe au-delà de l’expérience limitée et temporelle et elle transcende le monde phénoménal. L’Illumination, c’est l’Etre pur ou une Présence silencieuse, sans direction. ‘’Il n’y a que Plénitude. C’est un nonétat. Ensuite, si une action est requise, l’action apparaît ; si une parole est nécessaire, le son apparaît ; et un mouvement se produit, si le mouvement est nécessaire. Vous utilisez vos facultés et vos organes sensoriels, lorsque c’est nécessaire. Chaque chose, chaque percept, concept, sensation, émotion vient de la totalité de votre Etre.’’ La réalisation n’est pas une nouvelle expérience. C’est la découverte du facteur intemporel de toute expérience. C’est la Conscience qui rend possible l’expérience. De même que dans toutes les couleurs, la lumière est le facteur incolore, dans chaque expérience, la Conscience est présente, mais ce n’est pas une expérience. Q : Si la Conscience n’est pas une expérience, comment peut-elle être réalisée ? R : La Conscience est toujours là. Elle n’a pas besoin d’être réalisée. Ouvrez les volets de votre esprit et celui-ci sera inondé de lumière. Q : Y a-t-il des niveaux de conscience ? R : Il y a des niveaux de conscience, mais il n’y en a pas dans l’Eveil. Il est monolithique, homogène. Il se reflète dans l’esprit par l’amour et par la compréhension. Il y a des niveaux de clarté dans la compréhension et d’intensité dans l’amour, mais pas dans leur Source. La Source est simple et (37) Jean Klein Who Am I? (Dorset, England: Element Books, 1989), pp. 8384. 37 unique, mais ses dons sont infinis. Simplement, ne prenez pas les dons pour la Source. Réalisez que vous êtes la Source ultime, c’est tout.38 i i Complémentairement à cet article et sur le même thème, le lecteur pourra lire aussi avec intérêt l’article intitulé ‘’Je suis dans la Lumière, la Lumière est en moi, moi et la Lumière nous sommes un’’ de William Miller qui enseigne à l’Université Sri Sathya Sai à Prasanthi Nilayam, en Inde, NDT. RÉFÉRENCES (1) Idries Shah “Introduction” in E.H. Whinfield Teachings of Rumi (London: Octagon Press,1979), p. xvii. (2) G.I. Gurdjieff Views From the Real World: Early Talks of Gurdjieff (New York: E.P. Dutton,1973), p. 40. (3) P.D. Ouspensky In Search of the Miraculous (New York: Harcourt, 2001), p. 44. (4) Charlotte Beck Nothing Special: Living Zen (San Francisco: Harper, 1993), pp. 191-192. (5) Idries Shah A Perfumed Scorpion (London: Octagon Press, 1983), pp. 151152. (6) Idries Shah The Sufis (London: Octagon Press, 1984), p. 304. (7) Peter Brent “The Classical Masters” in Idries Shah (ed.) The World of the Sufi (London: Octagon Press, 1979), p. 17. (8) Idries Shah The Sufis (London: Octagon Press, 1984), pp. 123-124. (9) Shunryu Suzuki Zen Mind, Beginner’s Mind (New York: Weatherhill, 1973), p. 46. (10) Sri Nisargadatta Maharaj I Am That (Durham, North Carolina: Acorn Press, 1982), pp. 112-113. (11) Charlotte Beck Everyday Zen (San Francisco: Harper, 1989), pp. 173174. (12) Jean Klein Be Who You Are (Dorset, England: Element Books, 1989), pp. 20-21. (13) Idries Shah Sufi Thought and Action (London: Octagon Press, 1990), p. 17. (14) Jean Klein Be Who You Are (Dorset, England: Element Books, 1989), p. 70. (15) Charlotte Beck Everyday Zen (San Francisco: Harper, 1989), pp. 36-37. (16) Katsuki Sekida Zen Training: Methods and Philosophy (New York: Weatherhill, 1981),p. 35. (38) Sri Nisargadatta Maharaj I Am That (Durham, North Carolina: Acorn Press, 1982), p. 403. 38 (17) Charlotte Beck Everyday Zen (San Francisco: Harper, 1989), pp. 108109. (18) Charlotte Beck Nothing Special: Living Zen (San Francisco: Harper, 1993), pp. 94-95. (19) Charlotte Beck Nothing Special: Living Zen (San Francisco: Harper, 1993), pp. 95-96. (20) Devaraja Mudaliar Day by Day with Bhagavan (Tiruvannamalai, India: Sri Ramanasramam,1977), p. 297. (21) Sri Nisargadatta Maharaj The Nectar of the Lord’s Feet (Dorset, England: Element Books,1987), p. 116. (22) Charlotte Beck Everyday Zen (San Francisco: Harper, 1989), pp. 43-44. (23) P.D. Ouspensky In Search of the Miraculous (New York: Harcourt, 2001). (24) P.D. Ouspensky The Psychology of Man’s Possible Evolution (New York: Vintage Books,1974). (25) Idries Shah Oriental Magic (New York: Arkana Books, 1993). (26) Idries Shah The Sufis (London: Octagon Press, 1984). (27) Idries Shah Sufi Thought and Action (London: Octagon Press, 1990). (28) Walpola Rahula What the Buddha Taught (New York: Grove Press, 1974). (29) D.T. Suzuki Essays in Zen Buddhism (New York: Grove Press, 1961). (30) Philip Kapleau The Three Pillars of Zen (New York: Anchor Books, 1989). (31) David Godman (ed.) The Teachings of Sri Ramana Maharshi (Boston: Arkana Books, 1985). (32) Sri Nisargadatta Maharaj I Am That (Durham, North Carolina: Acorn Press, 1982). (33) Jean Klein I Am (Santa Barbara: Third Millennium Publications, 1989). (34) D.T. Suzuki Essays in Zen Buddhism (New York: Grove Press, 1961), p. 363. (35) Jean Klein I Am (Santa Barbara: Third Millennium Publications, 1989), p. 83. (36) Philip Kapleau The Three Pillars of Zen (New York: Anchor Books, 1989), 63. (37) Jean Klein Who Am I? (Dorset, England: Element Books, 1989), pp. 8384. (38) Sri Nisargadatta Maharaj I Am That (Durham, North Carolina: Acorn Press, 1982), p. 403