LA PSYCHOLOGIE DES CENTRES ÉNERGÉTIQUES HARIDAS CHAUDHURI Il y a deux phases importantes dans le développement personnel et la croissance spirituelle. La premiáre, cest le nettoyage psychologique. Lorsque nous vivons dans le monde et lorsque nous sommes aux prises avec les problámes de lexistence psychosociale, nous sommes enclins à développer des conflits intérieurs, émotionnels qui troublent notre croissance. Il importe donc dessayer dâliminer autant que possible ces conflits intérieurs irrésolus. Ceux-ci constituent des obstacles à lâpanouissement libre et complet de notre potentiel spirituel. Lautoguârison spirituelle nous aide à établir de bonnes bases solides pour un développement plus constructif et créatif. Lobjectif dune bonne part de la psychothârapie, cest le nettoyage psychologique et les anciens sages appelaient cette phase initiale lauto-purification. Une fois quelle a été accomplie, nous progressons, sans plus être tirés en arrière, sans blocage ou entrave inconsciente qui perturbe laccomplissement de notre plus haut potentiel. Cest la deuxiáme phase de lâdification de notre demeure spirituelle. La théorie tantrique des centres énergétiques du corps humain est une technologie spirituelle qui est à la fois ancienne et éternellement neuve. Cest une pratique qui se base sur une autoguérison, un autodéveloppement et une autoréalisation. Ce concept des centres énergétiques existait en Inde sous une forme rudimentaire avant mãme que les Aryens narrivent dans la civilisation de la vallâe de lIndus. Il sest de plus en plus développé suite à linteraction entre les cultures aryennes et dravidiennes pour fleurir et devenir un fruit mûr qui provient de cette interaction historique entre ces deux anciennes civilisations. Permettez-moi de vous donner un aperçu des centres énergétiques du corps, même si je ne pourrai ici quâgratigner la surface. La condition préalable essentielle à la santâ, à lharmonie, au bonheur et à la râalisation, cest la coordination et le fonctionnement harmonieux de nos diffârents centres ânergâtiques. Lharmonie est la base dune santâ constructive et crâative. Nous oublions fréquemment à quel point lharmonie est importante. La nature humaine a souvent tendance et se sent souvent incitée à violer cette loi de lharmonie. Nous sommes tous des extrémistes, dans une certaine mesure, et cette tendance nous pousse inconsciemment à aller jusquà lextrãme dans telle ou telle direction. Même si intellectuellement, nous pouvons comprendre que lharmonie et lâquilibre sont bons, dans la pratique, nous oublions souvent. La plupart du temps, quelque chose en nous nous conduit trop loin dans une certaine direction au dâtriment dautres aspects et dimensions de la vie. Il est très difficile de garder un rythme actif et une perspective large et équilibrée dans la vie, mais cest indispensable à la croissance spirituelle. La spiritualitâ est harmonie, et rien dautre. La spiritualitâ est dans son essence la plus intime le principe du développement harmonieux en nous. Le fonctionnement harmonieux des centres énergétiques du corps est la condition la plus essentielle à toute croissance et à lautorâalisation. La raison pour laquelle nous sommes susceptibles de troubler lâquilibre de notre vie, cest quau centre de la nature humaine, il y a une dualitâ, une polaritâ de tendances et dimpulsions opposâes. En raison de cette tendance ânergâtique polarisée, nous penchons inconsciemment vers un extrême et nous perdons lâquilibre de vue. A partir de là, nous pouvons donc dire que lharmonie dynamique dimpulsions opposâes est une condition essentielle à la santé, à la croissance et à lautorâalisation. La majorité dentre vous connaissent certainement dâjà un peu ces diffârents centres énergétiques appelés chakras. Il y a sept chakras majeurs dans la structure cérébrospinale de la personnalité humaine et chaque centre a une fonction importante. Ils ne sont pas là pour rien. Quand nous comprendrons la signification de tous ces centres énergétiques différents, nous comprendrons alors pourquoi il est important de garder un équilibre. Dans la nature humaine, il est possible que nous ayons un fonctionnement trop actif ou dâficient pour nimporte lequel de ces centres. Et si un centre énergétique ne vibre pas en harmonie avec les autres centres, inévitablement, quelque chose va de travers ! Lorganisation globale que la nature a conàue dans lidâal ressemble à un magnifique orchestre. Tous ces centres énergétiques sont comparables à diffârents instruments de musique. Et cest seulement sil y a un fonctionnement orchestré de tous les centres énergétiques du corps que la vie peut devenir ce quelle devrait ãtre – une symphonie de joie, damour et de beautâ. Le centre racine est à la base de la moelle épinière. Il nous donne le sentiment dãtre bien ancrâ dans notre corps, le fondement de notre vie, et il nous donne aussi un sentiment denracinement dans le monde matâriel qui est âgalement notre base. Du moment que nous nous sentons bien situés dans notre corps et dans le monde, nous avons un sentiment de stabilité, de force intérieure et de solidité. En cas dinstabilitâ, nous nous sentons dâsorientâs et inquiets. Par exemple, quand il y a un tremblement de terre, nous avons tous tendance à être ébranlés, que nous soyons directement affectés ou non. Si le centre racine est insuffisamment actif ou bien négligé, nous nous sentons âtrangers au corps. Cest un probláme qui a piégé beaucoup dermites, dascátes et de mystiques. Ils ont cru : Ceci nest pas mon corps. Je suis ailleurs, autre chose. Cela peut parfois nous procurer un sentiment agrâable, mais fondamentalement, cest malsain. Les psychiatres rencontrent fréquemment ce type de phénomène, des gens qui ont été arrachés à la conscience du corps. Le sentiment de stabilité a disparu chez eux et ils peuvent avoir limpression de flotter sur des nuages. Dans de tels cas, le centre racine doit ãtre renforcâ, consolidâ, adâquatement stimulâ. Lesprit doit ãtre ramené dans le corps pour quil puisse fonctionner de faàon constructive et intelligente. Le danger inverse peut aussi exister. Si le centre racine est hyperactif en dehors de toute proportion par rapport au niveau dopâration des autres centres énergétiques, la personne devient alors trop physique. Elle peut être grossière, brute et sans raffinement. Tout au long des siècles, la fonction de la spiritualité a été daider les humains à devenir ce quils sont vraiment – essentiellement des instruments du divin. Le raffinement intérieur est indispensable pour améliorer nos bases. Nous ne pouvons pas trouver le bonheur en étant si physiques ou si matérialistes que nous sommes dans lincapacitâ de vivre des valeurs supérieures. Nous supprimons par là notre potentiel supérieur. Tout type de suppression engendre des maladies psychologiques ou physiques, parce que nous ne sommes pas ainsi ce que nous sommes, essentiellement. Le centre suivant est le centre ânergâtique abdominal. Cest ce que Freud appelait le domaine des pulsions libidineuses, les passions primordiales, élémentaires et les désirs de notre vie humaine – comme le désir de nourriture, de sexe et de confort. Ce sont les pulsions instinctives de base. Si le centre abdominal est hyperactif, nous pouvons devenir très passionnés. Nous pouvons même devenir bestiaux, ce qui crée naturellement des problèmes réels dans la vie. Cest ce qui engendre aussi un style de vie hédoniste. Quand nous acceptons la gratification indisciplinée de nos pulsions instinctives comme le but ultime de la vie, nous pouvons penser : Et si cest cela qui me rend heureux, alors où est le mal ? Mais le fait est que cela ne nous rend pas réellement heureux. Si le centre abdominal est hyperactif, on est enclin à la licence. En philosophie spirituelle, on appelle cela le paradoxe de lhâdonisme. Si nous ciblons délibérément le but du plaisir, principalement par le biais de la gratification instinctive, nous nobtenons pas du tout le bonheur dans la vie. Plus nous poursuivons le plaisir et plus il nous âchappe et comme lhorizon qui recule, il disparaît. Les plaisirs et les joies les plus intenses de la vie surviennent inopinément, lorsque nous ne les recherchons pas. Pourquoi ? Parce que, psychologiquement parlant, les expériences de joie et de plaisir sont des retombées indirectes dérivées de la réalisation de notre vraie nature et dãtre en phase avec le Tout cosmique. Cest alors que nous ressentons le vrai bonheur. Le râel plaisir nest pas un but, mais un produit dârivâ, une retombâe indirecte de lautorâalisation. Lautre côtâ du tableau, cest que nous pouvons contracter beaucoup de maladies psychosomatiques, si le centre abdominal nest pas assez actif. Cela arrive, si une personne est trop puritaine ou ascétique dans son orientation. Une telle personne pense que les pulsions instinctives nont aucune valeur et quelle doit pratiquer une austâritâ rigide pour sapprocher de la perfection. Si cest le cas, le centre abdominal est râprimâ, ce qui pave la route dune division de la personnalitâ entre deux moitiés – un moi exceptionnel et exalté et un moi inférieur et bestial. Au fur et à mesure que nous nous familiarisons avec nos différentes pulsions, il est important que nous les organisions avec intelligence. Nous devons nous demander : Quel est mon but ultime ? Quest-ce que jattends de la vie ? En nous fixant un but sur la base dune estimation de nous-mêmes qui est réaliste, nous organisons les désirs sains de notre psyché et nous pouvons progresser. Travailler avec nos pulsions instinctives peut être vu comme dresser nos chevaux intérieurs. On compare souvent nos différents désirs puissants à des chevaux. Si nous tuons nos chevaux, nous sommes finis. Mais si nous nous soumettons totalement à nos chevaux, cest âgalement dangereux ! Il faut éviter les deux extrãmes. Les anciens sages de lInde considéraient notre corps comme un char que lesprit fait avancer avec laide de la raison et de lintellect. La Conscience intime, le vrai Soi est la tãte pour le bonheur et la satisfaction de laquelle lesprit conduit le char. Ensuite, nous arrivons au centre ombilical qui est le centre du pouvoir. Il nest pas rare que des dirigeants spirituels et religieux dânoncent lambition et incitent les gens à lâliminer ou à la supprimer, ce qui est aussi malsain. Il nous faut accepter notre nature dans son entièreté avec tout son potentiel et toutes ses facultés et bien lorienter et la râguler dans le sens de la râalisation de notre but ultime. Cest notre travail et cest faire preuve dintelligence. Freud pensait que la pulsion sexuelle est la plus puissante, mais daprás Nietzsche et dautres, la volontâ de pouvoir est encore plus puissante que le sexe. A un certain stade de la vie, la pulsion sexuelle prédomine, mais lorsque nous entrons dans lâge adulte, notre dâsir de râussir dans les affaires, dans la politique ou dans dautres domaines fait souvent passer la pulsion sexuelle au second plan. Le pouvoir passe au premier plan. La situation, le nom et la renommée deviennent plus importants que le sexe. Le centre ombilical est alors en position dominante. Nous pouvons remarquer que tout ce qui constitue un grand potentiel peut âgalement ãtre un grand danger. Cest là où lintelligence est nâcessaire et où lâquilibre est si important. Si, par exemple, ce centre devient hyperactif, alors toutes les autres valeurs de la vie sont subordonnées ; elles seffacent. On devient assoiffé de pouvoir, ce qui est très nuisible au dâveloppement spirituel. Le pouvoir nest pas le but ultime. Ce nest quun moyen pour atteindre un but supérieur. Si nous perdons le sens de notre but ultime, à quoi bon le pouvoir ? Il ne fera que nous rendre fous. Nous devons apprendre à bien gérer ce centre. Nous ne voulons pas non plus le détruire, car si nous le détruisons, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs, nos idéaux et nos rêves merveilleux. Alors, à quoi bon rêver ? Il doit y avoir un âquilibre entre lamour, le pouvoir et la sagesse. Au début du christianisme, par exemple, des chrétiens firent preuve de sentimentalisme dans leur quãte de lamour. En râaction à cela, Nietzsche âcrivit sur le Surhomme pour montrer quune quãte unilatârale de lamour máne à un amour sentimental sans punch. Il doit y avoir du punch dans notre amour. Avec cette force, nous pourrons exprimer lesprit damour et de compassion dans la vie et dans les relations humaines. Autrement, il sâvapore et se dilue dans un sentimentalisme creux. Par ailleurs, il faut aussi nous rappeler que le pouvoir doit être utilisé comme le moyen de la concrétisation constructive de valeurs comme la vérité, la beauté, la bonté, la paix, la liberté et la justice. Même dans la vie spirituelle, jai vu des gens qui se fourvoyaient en sintâressant à la mâditation et au dâveloppement spirituel. On perd de vue lultime – lunitâ de la sagesse, de lamour et du pouvoir. On est fasciné par le pouvoir. On sempãtre dans les pouvoirs extrasensoriels ou dautres pouvoirs paranormaux. Ensuite vient anahata, le centre de lamour, le centre du cœur, le centre de la psychâ. On prescrit la technique de mâditation sur le centre du cœur, parce que cest la voie royale pour la majoritâ des gens. Notre cœur nous dirige dans la plupart des affaires de la vie. Ici aussi, il peut y avoir trop ou trop peu. En cas dexcás, nous ne progresserons pas plus loin. Il est possible que nous ne voulions pas cultiver la connaissance, par exemple. On peut sengluer là et passer le restant de sa vie dans un style de vie euphorique et inerte. Certaines sectes religieuses affichent de telles dispositions. Il existe beaucoup dâquivalents dâvotionnels de cette attitude prâsente chez les gens dont la vie spirituelle et lânergie se passent en démonstrations émotionnelles et expressions excessives du sentiment intérieur. Il est nâcessaire daller plus loin. Le centre suivant est visuddha, le centre de la gorge. Sa fonction principale est la capacité de voir les choses comme elles sont – chaque chose dans son ainsité ; chaque ãtre humain, tel quil est ; chaque chose individuelle, que ce soit une fleur, une montagne, un ocâan ou une âtoile, simplement, telle quelle est. Cest extraordinairement important. Si ce centre fonctionne mal, nous voyons les choses dune maniáre dâformâe. Nous vivons dans un monde dillusions et dhallucinations. Nous sommes incapables de faire la distinction entre le fait et la fantaisie, entre limagination et la réalité. En perdant cette faculté, nous souffrons de graves maladies. Voir correctement les choses se dit tathata, en sanscrit. Cela requiert un développement conséquent. Nous pourrions penser : Tout le monde peut faire cela !, mais ce nest pas le cas. Toutefois, beaucoup dentre nous peuvent avoir fait ce genre dexpâriences : par exemple, il peut y avoir un parc ou un arbre, ou bien tous les jours en vous levant, vous pourriez contempler le soleil ou simplement savoir quil est là. Jour après jour, ces choses vous sont familières et il est possible que vous ne leur accordiez aucune pensée. Et pourtant, un jour, en vous levant le matin, en ouvrant votre fenêtre et en regardant le soleil, vous le voyez soudain dans toute sa splendeur, comme vous ne lavez jamais vu auparavant. Ou bien un jour, vous regardez un arbre et vous remarquez soudainement une indescriptible beautâ que vous naviez jamais remarquâe auparavant. Ou vous allez au jardin, vous admirez une fleur et vous voyez quelque chose dunique, dinestimable, de merveilleux dans la fleur que vous naviez jamais remarquâ, parce que vous étiez beaucoup trop absorbé par les affaires de la vie pour remarquer les choses dans leur ainsité. Cest ce dont Aldous Huxley discute de manière approfondie dans ses livres, Le Ciel et lEnfer et La Porte de la Perception. Cest un grand don de lesprit humain que nous ne cultivons pas toujours. En son absence ou sil fonctionne mal, nous vivons plus on moins dans un monde imaginaire subjectif. Et si cela empire, nous commençons à vivre dans un pays de cocagne de fantaisies subjectives, une hallucination. La qualité du centre frontal est un grand potentiel humain. Cest la capacitâ de voir les choses dans leur globalité. La qualité précédente était la faculté de voir les choses dans leur ainsité, de voir et de connaître les gens dans leurs personnalités uniques. A partir de là se développe la capacité de voir la vie dune maniáre stable et globale, denvisager lunivers dans sa plânitude cosmique, une vaste perspective que nous pouvons atteindre. Tout le monde a cette capacité dans une certaine mesure, mais elle doit être cultivée. Si nous perdons cette perspective, nous passons par des fluctuations émotionnelles, et quand elle est très troublée, nous nous emportons souvent et nous crâons des tempãtes dans un verre deau. La moindre petite chose qui soppose à nos dâsirs nous dârange. Pour corriger cela, il est important que nous réussissions à développer une perspective large visà-vis de la vie. Cest lun des buts du dâveloppement spirituel et cela nous donne la sagesse. Avec cette perspective, nous pouvons prendre les choses comme elles viennent. Rien ne nous perturbe de trop. Nous arrivons à préserver notre équilibre mental et notre harmonie. Cest ce que signifie le lotus, que lon utilise comme un symbole dans le symbolisme spirituel de lOrient. Avec cette perspective, nous somme dans la société sans être de la société. Même lorsque nous sommes plongés dans les différentes activités de la vie, nous pouvons préserver notre paix intérieure et notre équilibre, ce qui est merveilleux et cela nous protège contre toutes sortes de maux et de troubles dans la vie. Et pour finir, nous avons le centre le plus élevé, sahasrara. Que peut-il bien y avoir au-delà de cette vaste perspective de lunivers ? Parfois, nous pouvons avoir une large perspective globale et intellectuelle de la vie. On peut être savant tout en éprouvant encore beaucoup de souffrance. Il peut sembler que quelque chose nous manque encore et nous pouvons être intérieurement malheureux et avoir des conflits non résolus. Quelle en est la cause ? Les grands sages qui ont développé ce système des centres énergétiques signalent que même des gens qui sont dotés de vastes connaissances et perspectives peuvent encore être trop émotionnellement impliquâs et attachâs au monde et ce lien dattachement âmotionnel nous dâtourne de notre perfection spirituelle intérieure. En nous libârant du dernier lien de lattachement au monde, nous devenons parfaits. Cest la perfection spirituelle. Cette perfection, cette libâration fut exprimâe par Jâsus, lorsquil a dit : Jai vaincu le monde ! Le dernier lien de lattachement peut être tranché, ce qui ne signifie toutefois pas que nous quittions le monde. Cela signifie juste que nous prenons part à lEtre du monde, au processus dâvolution du monde, dans un esprit de dâtachement. Cest la plus grande sa(i)nt(et)â que nous pouvons atteindre, parce que nous sommes dans le monde, sans être du monde. Alors, nous pouvons agir dune maniáre totalement dâpourvue dego et exprimer lesprit damour dune maniáre tout à fait non âgoïste. Telle est lessence de la perfection humaine. (Référence : Haridas Chaudhuri, The Essence of Spiritual Philosophy)