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CHAQUE SAINT A UN PASSÉ ET CHAQUE PÉCHEUR UN AVENIR... - ARAVIND BALASUBRAMANYA

CHAQUE SAINT A UN PASSÉ,
ET CHAQUE PÉCHEUR (OU PÊCHEUR !) UN AVENIR…
ARAVIND BALASUBRAMANYA
1ÈRE PARTIE
C’est Oscar Wilde qui a dit : ‘’Chaque saint a un passé, et chaque pécheur un avenir.’’
Pendant longtemps, c’est l’histoire de Kalpagiri1 qui témoigna pour moi de la véracité de
cette déclaration. Pendant mes études à l’Institut d’Enseignement Supérieur Sri Sathya Sai,
j’ai pris connaissance de beaucoup d’histoires similaires. Parmi les centaines d’histoires qui
concernent la grâce et l’amour de Swami que j’avais entendues au cours de ces études, une
histoire s’est ancrée dans mon cœur pour son unicité. Et cette histoire a éclairé d’un jour
nouveau la citation d’Oscar Wilde. Elle démontre qu’il existe des exemples où même un
pécheur peut avoir un passé glorieux, mais ce passé glorieux est oublié, lorsqu’on se
complaît totalement dans le monde. L’âme se met à commettre des impairs et à patauger
dans la vie jusqu’à ce que la compassion de Dieu ne descende et ne lui révèle la vérité.
J’ai pour la première fois entendu parler de cette expérience en présence de Swami à Trayee
Brindavan2. Elle nous avait été narrée par le Prof. Sri Sanjay Sahni qui dirige actuellement le
campus de Whitefield de l’Institut d’Enseignement Supérieur Sri Sathya Sai.
Le Prof. Sanjay Sahni prenant la parole en présence de Sathya Sai Baba, à Whitefield
1
Voir l’article intitulé ‘’De l’importance d’être un citoyen exemplaire sur la voie spirituelle’’ (Sanathana Sarathi,
juin 1989)
2
La résidence de Sathya Sai Baba dans Son ashram de Whitefield, tout près de Bangalore
Ecouter cet incident et voir Baba littéralement captivé furent aussi une expérience en soi.
Quelques années plus tard, j’ai à nouveau entendu parler de cet épisode et cette fois-ci, il
nous fut raconté à Prasanthi Nilayam par le Prof. Sri Ruchir Desai. Son exposé ne dura qu’un
quart d’heure et il n’entra pas dans les détails, comme M. Sahni l’avait fait dans son exposé
de 45 minutes, mais depuis lors, cet épisode est resté gravé en moi et quelle merveilleuse
opportunité ce fut par la suite d’en entendre parler par un témoin protagoniste en
personne ! La narration de toute première main de M. Prithviraj est sans aucun doute une
histoire aux dimensions himalayennes…
M. Prithviraj était un avocat prospère originaire de l’Etat d’Orissa et il était rapidement entré
en fonction à la Cour Suprême de l’Inde. En tant qu’avocat à la Cour Suprême de l’Inde, il
menait une vie très occupée et très satisfaisante. Néanmoins, le plus gratifiant émanait de sa
dévotion à l’égard de son Dieu et maître spirituel, Bhagavan Sri Sathya Sai Baba et de
pouvoir servir annuellement à Prasanthi Nilayam. C’est au cours d’une telle visite à la
Demeure de Paix Suprême (c’est la traduction de ‘’Prasanthi Nilayam’’) en tant que membre
des sevadals (volontaires, bénévoles de l’Organisation Sathya Sai) qu’il a été confronté à
l’histoire la plus fantastique et la plus palpitante de sa vie.
En 1989, comme à l’accoutumée, il était de service à la cantine sud de l’ashram de Prasanthi
Nilayam et il fut accosté avec beaucoup de familiarité par un homme vêtu de blanc.
‘’Sairam, Monsieur ! Vous vous souvenez de moi ?’’, demanda-t-il avec un léger sourire.
‘’Vous m’aviez offert un thé !’’
Prendre le thé avec des étrangers afin de leur soutirer leur histoire avec Swami était quelque
chose de banal pour Prithviraj, et il était dans l’incapacité de se rappeler ce visage.
‘’Je suis Mohammad…Vous vous souvenez ? Les cigarettes ! ‘’
En un éclair, tout lui revint en mémoire. Une plongée rapide dans ses souvenirs du passé lui
ramena à l’esprit tout ce qui concernait Mohammad et sa vie extraordinaire. Cela s’était
passé il y a cinq ans, en 1984.
MOHAMMAD VIOLE LES RÈGLES DE L’ASHRAM
A l’époque, Prithviraj faisait du seva au
même endroit. Il sortait de la cantine sud
après avoir pris son déjeuner, quand il
entendit du tapage à l’entrée nord de
l’ashram appelée ‘’Gopuram Gate’’. Etant
donné qu’il était coordinateur des sevadals,
il accourut sur place pour voir ce qui se
passait et il fut choqué par ce qu’il vit.
Un musulman brandissait une cigarette et
avec son autre main, il repoussait un
sevadal qui faisait apparemment de son mieux pour se saisir de cet insultant cylindre de
papier fumant. Tous ceux qui connaissent un tant soit peu Prasanthi Nilayam savent très
bien que fumer, boire de l’alcool et manger de la viande sont strictement interdits ici. Mais
les querelles et les bagarres le sont tout autant ! Prithviraj s’interposa et il s’adressa
aimablement et gentiment à l’homme et l’emmena rapidement à l’extérieur.
‘’Je sais bien qu’ici, le seul patron, c’est la personne à la tignasse bouclée ! C’est Swami qui
m’a donné cette cigarette et j’ignore pourquoi vous ne comprenez pas…’’protesta l’homme
repoussé à l’extérieur.
Le ‘’patron à la tignasse bouclée’’, Sathya Sai Baba…
En ce qui concerne Prithviraj, il pouvait fumer tant qu’il le voulait à l’extérieur de l’ashram. Il
s’était assuré que le contrevenant n’avait pas fumé dans l’enceinte de l’ashram. Mais
l’allusion du musulman à Swami, son Seigneur, piqua sa curiosité et suscita son intérêt pour
l’histoire de cet homme.
‘’Aimeriez-vous prendre le thé avec moi ?’’, demanda Prithviraj en espérant qu’il lui
consacrerait un peu de temps. L’homme s’appelait Mohammad et il accepta son invitation et
tous les deux sirotèrent bientôt un thé bouillant. Il était incroyable que cet homme à
l’apparence de voyou l’ait aujourd’hui salué d’une manière aussi aimable dans une tenue
aussi sobre !
‘’Swami vous a-t-Il réellement donné cette cigarette ? Je trouve particulièrement difficile à
croire que…’’
‘’Non, non, pas une seule cigarette, Il m’en a donné trois ! Que puis-je dire ? Les cigarettes
sont encore le moins difficile à croire. Je suis moi-même stupéfait. Vous avez un peu de
temps ?’’
‘’Oh oui !’’, répondit Prithviraj et il décida de prêter une oreille attentive à Mohammad qui
commença son récit.
‘’Je viens de Calicut (aujourd’hui Kozhikode) et j’ai vécu les instants les plus merveilleux de
ma vie, quand j’ai involontairement accepté d’introduire clandestinement de la drogue à
Bombay’’, dit Mohammad en prenant beaucoup de plaisir en observant la tête de Prithviraj.
‘’C’est arrivé très simplement. J’ai été approché par trois hommes qui m’ont dit que si j’étais
prêt à effectuer le transfert d’une caisse vers Bombay, ils me paieraient 50 000 roupies sur le
champ et ils m’ont encore promis 50 000 roupies supplémentaires après la livraison à
Bombay. Cela m’a étonné, car je n’avais même pas de bateau à moteur. Ramer de Calicut
jusqu’à Bombay, ce n’était pas vraiment de la petite bière, mais il y avait tellement d’argent
à gagner et j’ai accepté de faire ce qu’ils me demandaient. Ils m’ont même offert de l’aide,
mais j’ai refusé en disant que je travaillais seul et que je n’avais pas besoin qu’on m’aide.’’
L’histoire se poursuivit à
partir de là et Prithviraj
n’avait aucune idée des
curieux méandres qu’elle
emprunterait, mais il était
certain que Mohammad
devrait faire partie de
l’équipe indienne d’aviron
aux prochains Jeux
Olympiques, s’il entreprenait
réellement ce périple !
Probablement le type de bateau que Mohammad devait mener à bon port…
LE HASARD D’UNE RENCONTRE FORTUITE ET ‘’CHANCEUSE’’…
Mohammad chargea et prépara son bateau pour son énorme périple vers Bombay. Il
mourait d’envie de savoir ce qu’il y avait dans les paquets qui lui avaient été remis et il ouvrit
l’un d’eux et c’est alors qu’il réalisa que leur contenu consistait en de la drogue illégale. Un
soupçon de peur pénétra à l’intérieur de son cœur, mais il fut vite submergé par l’appât du
gain. Il décida d’effectuer le voyage et d’empocher rapidement l’argent supplémentaire.
(Dans les années 80, 50 000 roupies représentaient un joli pactole, particulièrement pour
une personne ordinaire comme Mohammad.) Les préparatifs étaient plutôt élaborés et ils
prirent un certain temps. Il suivit les conseils que ses trois commanditaires lui avaient
donnés. Il étala d’abord une couche de sable dans le bateau sur laquelle il disposa la
centaine de paquets de haschich. Il ajouta ensuite une couche de sable pour recouvrir la
drogue et puis une couche de feuilles de coco pour amortir. Enfin, il remit une nouvelle
couche de sable avant la touche finale, une dernière couche de noix de cocos. Et certaines
de ces noix de coco avaient été transformées en bombes et pourraient être utilisées au cas
où les choses tourneraient mal avec les garde-côtes. Bien sûr, il avait aussi pris quelques
denrées alimentaires. Satisfait que les choses étaient bien en ordre, Mohammad monta dans
son bateau et après avoir adressé une prière à Allah, il se lança dans son périple. Il ignorait
alors qu’Allah avait décidé de lui répondre et de sauver son âme.
Le voyage se déroulait tranquillement et après quelques jours où il rama comme un forcené
ou un forçat, Mohammad atteignit la côte de Goa. Maintenant, il ne lui restait plus que la
dernière partie du voyage, parce que Goa est la petite voisine du Maharashtra dont Bombay
est la capitale. C’est alors que les problèmes commencèrent. Il remarqua au loin, près du
littoral, que les garde-côtes rassemblaient plusieurs patrouilleurs et ce n’était qu’une
question de temps avant qu’une équipe de recherche ne monte à son bord. Mohammad se
hâta de préparer les noix de coco qui seraient sa seule chance de pouvoir fuir. C’est alors
qu’un autre gros bateau, un bateau à moteur, s’approcha de lui en vrombissant et
Mohammad eut alors une des visions les plus étranges de sa vie. A l’arrière du bateau, il y
avait un grand fakir qui lui faisait signe. Le bateau à moteur vint se placer tout près de son
bateau et le fakir s’adressa ainsi à lui :
‘’Je sais bien ce qu’il y a dans ton bateau ! Tu es dans une situation désespérée et ce n’est
qu’en prenant refuge en Moi que tu pourras être sauvé !’’
La voix du fakir était calme, mais ferme. Il y avait quelque chose d’apaisant chez lui qui
tranquillisa Mohammad et qui détourna momentanément son esprit de la patrouille des
garde-côtes.
‘’Tu ignores que tous tes parrains à Bombay sont actuellement derrière les barreaux. Ils sont
dans l’incapacité de t’aider et tu ne recevras rien, même si tu arrives à Bombay !’’
Instinctivement, Mohammad savait que cette personne n’était assurément pas liée à la
police, en aucune manière. Il continua d’écouter tout ce qu’il avait à dire et ce qu’il déclara
ensuite abasourdit complètement Mohammad :
‘’Tu tues des enfants avec ce que tu transportes. C’est la raison pour laquelle tu n’as toimême pas d’enfants !’’
Mohammad était sous le choc. Comment ce grand étranger en savait-il autant sur lui ? Il
répondit au fakir par cette question :
‘’Je vous prie de me dire comment vous pourriez me sauver…’’
‘’Nous n’avons pas le temps pour cela ! Ecoute-Moi simplement. Monte dans Mon bateau et
Je prendrai le tien et tout ira bien, fais-Moi confiance.’’
Le fakir, Sai Baba de Shirdi
Des moments surviennent dans la vie, quand une décision doit être prise en une fraction de
seconde et la façon dont le restant de la vie se déroule indique si la décision prise était la
bonne ou non. La décision purement instinctive que prit Mohammad fut de sauter dans le
bateau de l’étranger et de lui permettre de prendre en charge sa précieuse cargaison. Les
garde-côtes encerclèrent rapidement les deux embarcations et Mohammad eut tout le loisir
de contempler ce qui se passa sur son ancien bateau. Brusquement, le fakir fit une chose
étrange.
Des patrouilleurs étaient montés dans l’embarcation en état d’alerte. Après avoir extrait une
mangue verte du sac qu’il tenait en bandoulière et avoir fait apparaître un couteau de nulle
part, le fakir la découpa en tranches. Puis, il creusa sous les couches de noix de coco et de
sable et il remonta un paquet de haschich. Il l’entailla avec son couteau, il prit un peu de
poudre blanche et il en saupoudra les tranches de mangue.
‘’Voudriez-vous une tranche de mangue verte avec un peu de sel ? Ces mangues proviennent
du Kerala. Allez ! N’hésitez pas, c’est délicieux !’’
Les patrouilleurs étaient plutôt perplexes, parce que cette poudre blanche était bel et bien
du sel, effectivement. Pourquoi devrait-on transporter du sel jusqu’à Bombay qui avait accès
à la grande Mer d’Arabie ? A l’évidence, on avait ajouté quelques paquets remplis de sel
dans l’espoir de les berner. Les patrouilleurs décidèrent alors de passer toute la cargaison au
peigne fin et d’examiner chaque paquet. Le fakir lui souriait simplement de leur perplexité.
Et Mohammed était encore plus perplexe que tous les patrouilleurs réunis ! En effet, il avait
personnellement supervisé l’empaquetage et le chargement du haschich et si les
patrouilleurs étaient convaincus que c’était du sel, alors il devait s’agir de sel. Il put constater
que les garde-côtes prirent congé après une conversation animée avec le fakir.
ON FAIT UN MARCHÉ ?
Soulagé de l’avoir échappé belle, Mohammad retourna dans son bateau. A l’aide de ses
pouvoirs magiques, le fakir avait manifestement transformé la drogue en sel. Comme
dernière faveur, peut-être pourrait-il lui demander de la métamorphoser à nouveau en sa
cargaison précieuse ? Ou mieux encore, ne serait-il pas merveilleux de conclure un genre de
marché à long terme avec lui ?
‘’J’aimerais parler affaires avec vous !’’, dit-il. ‘’Je m’occuperai de tout le travail pénible et
vous n’aurez qu’à superviser avec vos pouvoirs. Nous ferons de grands bénéfices ! Et on
partage 50/50. Qu’en dites-vous ?’’
‘’Je ne M’occupe pas de ce genre d’affaires. Je M’intéresse au business du cœur. Êtes-vous
prêt pour cela ?’’
Mohammad se mit à réfléchir frénétiquement. ‘’Ainsi cet homme fait de la contrebande
d’organes !’’ C’était un business nettement plus risqué, mais avec le type de pouvoirs
magiques que le fakir possédait, n’importe quel business marcherait.
‘’Je suis prêt pour n’importe quelle entreprise. Dites-moi juste comment procéder !’’, dit-il
tout haut.
‘’Eh bien, c’est très simple : vous Me donnez votre cœur et Je vous donnerai le Mien !’’, dit
l’étranger.
‘’Mais nous allons tous les deux mourir alors, non ?’’
Le fakir s’esclaffa. ‘’Ce n’est pas du tout comme vous le pensez. Vous donnez votre cœur en
aimant quelqu’un, en aimant Dieu, voyez-vous. Etes-vous prêt ?’’
La question plongea Mohammad dans le silence. Ce fakir semblait aussi avoir un genre de
sagesse ésotérique pour la vie !
‘’Maintenant, écoutez-Moi !’’
Mohammad était toute ouïe. L’étranger entreprit de jeter tous les paquets dans la Mer
d’Arabie, puis il dit :
‘’Rentrez chez vous, maintenant ! Personne ne vous attend à Bombay. Prenez Mon bateau et
lancez-vous dans la pêche pour vivre. Ne menez pas ce genre de vie.’’
Mohammad n’arrivait pas à en croire ses oreilles. En plus de l’avance de 50 000 roupies qu’il
avait toujours avec lui, il avait aussi reçu un bateau à moteur, neuf ! Et son bienfaiteur était
sur le point de disparaître à la rame.
‘’Attendez !’’, lui cria-t-il. ‘’Puis-je avoir votre adresse, s’il vous plaît ?’’
Le fakir tendit un morceau de papier à Mohammad. C’était une carte de visite avec une
adresse à Bombay. Puis, il disparut en deux temps trois mouvements, comme il était arrivé.
Comment pouvait-on ramer aussi vite ? Mohammad ne comprenait pas. Mais il y avait tant
de choses à propos du vieil homme qu’il ne comprenait pas… C’est à bord de son tout
nouveau bateau à moteur qu’il entreprit de rentrer chez lui.
2ÈME PARTIE
L’INSATISFACTION EST LA NATURE DU MONDE
Après être entré dans les détails de cette journée capitale, historique et unique dans la vie
de Mohammad dans la 1ère partie du récit, j’éviterai les détails terre-à-terre des trois mois
qui suivirent, mais il y a cependant un détail qu’il me faut prendre en considération, car il est
de nature à nous intéresser et car il transmet aussi une leçon : le fait que durant ces trois
mois, Mohammad pensa souvent à son bienfaiteur de la Mer d’Arabie. Et plus il pensait à lui
et à cet étrange épisode et plus il réalisait qu’il n’y avait ni paix ni joie authentique dans le
monde qu’il connaissait.
Même s’il avait commencé à mener une vie décente en pêchant dans son nouveau bateau à
moteur, son monde intérieur était en pleine turbulence et il se mit à fumer encore plus en
quête d’échappatoire par rapport à son existence terre-à-terre (ou mer à mer !). Mais quoi
qu’il fit, un étrange sentiment d’insatisfaction le poursuivait. Son ami le fakir le hantait
tellement qu’il était tenaillé par le désir irrépressible de le revoir et il décida alors
d’entreprendre un nouveau périple vers Bombay pour partir à sa recherche.
Quand on procède à un examen approfondi, on s’aperçoit qu’à un moment donné de la vie
de toute personne, un sentiment d’insatisfaction s’installe. L’époque peut certes varier, mais
celle-ci survient assurément, indépendamment de la richesse, du statut, de la situation
relationnelle et de l’âge de la personne. C’est une insatisfaction qui ne peut être ‘’guérie’’
que par des moyens spirituels, car il n’y a de bonheur véritable que dans l’union avec Dieu.
Et cette union ne pourra se faire que si on lâche prise par rapport à ses désirs et si l’on
renonce à son sentiment d’identification erroné avec son corps. C’est précisément la raison
pour laquelle lorsque quelqu’un disait à Bhagavan Sri Sathya Sai Baba, ‘’Je veux la paix !’’, Il
répondait ceci : ‘’Supprimez le ‘’je’’ et supprimez le ‘’veux’’ et vous avez la paix,
automatiquement !’’
L’adresse que le fakir avait donnée conduisit Mohammad jusqu’à un temple de Bombay. Ne
trouvant aucune maison, il entreprit de localiser le fakir. Il regrettait beaucoup de ne pas
avoir demandé son nom au fakir, ce qui compliquait fort la tâche de le découvrir et il fit un
peu le tour en décrivant aux gens comment il était. Pour finir, quelqu’un le dirigea à
l’intérieur du temple. (M. Venkatesh Prithviraj, le narrateur et le témoin à qui Mohammad a
raconté sa remarquable histoire a personnellement visité ce temple consacré à Shirdi Sai
Baba, ultérieurement.) Mohammad n’était jamais entré dans un temple de toute sa vie, mais
aujourd’hui, rien ni personne n’aurait pu l’en empêcher. Et chose curieuse, personne ne
sembla être surpris de voir un musulman entrer dans un temple. Cela paraissait tout à fait
normal ! Une fois entré, Mohammad eut le choc de sa vie. Il tomba à genoux et se mit à
pleurer d’une manière incontrôlable.
Un monsieur aimable s’approcha alors de lui pour le réconforter et lui demanda quel était le
problème.
‘’C’est mon ami ! Il y a quelques mois, j’ai rencontré cet ami fakir, lorsque j’étais en mer, la
Mer d’Arabie, pour être précis et aujourd’hui, je me rends compte que je ne le reverrai plus
jamais ! Quand ceci est-il arrivé ?’’, continua-t-il à sangloter.
A présent, c’était au tour du gentleman consolateur d’avoir les larmes aux yeux ! Nous étions
en 1984 et l’homme semblait ignorer que Shirdi Baba avait quitté le plan physique en 1918.
‘’Vous êtes manifestement béni, Monsieur ! Cet ‘’ami’’ dont vous parlez, c’est notre Baba,
notre Dieu. Il vivait à Shirdi, quand Il a laissé Son corps, en 1918. Je peux donc vous assurer
que si vous L’avez vu, il y a quelques mois, vous avez toutes les chances de pouvoir Le
revoir !’’
Les yeux de Mohammad s’agrandirent de stupeur et il brûlait maintenant d’en savoir plus
sur Shirdi Baba et Ses merveilleuses leelas. Il réalisa que le fakir qui l’avait sauvé, il y a
quelque temps, pouvait aussi le sauver de la vie terre à terre qu’il menait et l’aider à trouver
le sens de la vie. Il s’essuya les larmes, s’approcha de l’idole de Baba pour prier, puis il quitta
le temple, récupéra son bateau et prit le chemin du retour vers le Kerala.
Un temple consacré à Shirdi Baba semblable à celui que Mohammad a visité
L’ODYSSÉE FINALE
Onam est une fête très spéciale du Kerala et les Kératites croient que leur roi et dieu
légendaire leur rend visite pendant ces trois jours de fête. Pour les fidèles de Bhagavan Sri
Sathya Sai Baba de cet Etat, c’est l’époque où ils accomplissent leur pèlerinage annuel à
Puttaparthi. Du Kerala, la terre de Dieu, ils rendent visite à la maison de Dieu, Prasanthi
Nilayam. Deux ou trois semaines avant Onam, Mohammad remarqua une procession qui
passait sur la route.
Il vit une photographie de son ami le fakir, Shirdi Baba, qui défilait sur un palanquin. Et il vit
aussi une autre photographie, juste à côté de celle de Shirdi Baba. L’homme avait une
épaisse tignasse de cheveux bouclés et portait une robe safran, contrairement à la robe
blanche de Shirdi Baba. Curieux, il s’approcha de la procession et il demanda : ‘’Qui est ce
petit bonhomme ?’’
Une révélation s’ensuivit, lorsque Mohammad apprit que Sri Sathya Sai Baba était considéré
comme la deuxième dans la série des incarnations de Sai. On souligna aussi beaucoup l’unité
des deux Babas. Mohammad était fasciné et il entreprit de faire des recherches. Ses efforts
l’amenèrent à réserver une place dans l’un des cars qui feraient partie du pèlerinage d’Onam
à Puttaparthi. Durant le trajet, on l’initia aux règles et au règlement de l’ashram. C’est alors
qu’il se rendit compte que Sathya Sai et Shirdi Sai semblaient bien différents, car fumer et
manger de la viande étaient strictement prohibés à Puttaparthi et comme il fumait comme
un dragon, Mohammad se demandait bien comment il allait pouvoir tenir. Il fut contraint de
jeter toutes ses cigarettes. Tout en appréhendant ce que le sort avait encore en réserve pour
lui, il arriva bientôt à Puttaparthi.
Sathya Sai Baba à l’intérieur du mandir entre deux représentations de Shirdi Sai (en orange !) et de Lui-même
Mohammad se retrouva sur les lieux du darshan à Prasanthi Nilayam. Il observa avec
beaucoup d’admiration respectueuse la dévotion et la vénération de la foule rassemblée là à
l’égard de la silhouette vêtue d’orange de leur Swami, Bhagavan Baba. Le groupe du Kerala
allait recevoir un traitement spécial, puisque Swami appela les pèlerins séparément pour les
bénir et pour leur parler. Et parmi ces milliers de personnes pieuses venues du Kerala, Swami
fit signe à Mohammad d’entrer dans la pièce réservée aux entrevues.
UNE ENTREVUE INOUBLIABLE
Dans la pièce, Mohammad s’installa tout près de Swami qui était assis dans un fauteuil.
Swami le regarda droit dans les yeux et lui dit :
‘’Vous fumez de trop ! C’est la raison pour laquelle vous n’avez pas d’enfant.’’
Ces paroles touchèrent leur cible et Mohammad sut qu’il avait déjà entendu quelque chose
de similaire dans le passé, mais la raison alors imputée était la drogue dont il faisait le trafic
et maintenant, on lui disait que le tabac était la raison pour laquelle il n’avait pas d’enfant.
‘’Si tu arrêtes de fumer, tu auras des enfants. Je t’aiderai !’’
Swami se rapprocha alors de Mohammad et Il plongea Son regard dans le sien et lui
demanda : ‘’Me reconnais-tu ?’’
Mohammad regardait fixement Swami. Non, il n’avait aucun souvenir d’avoir jamais
rencontré ce Baba aux cheveux crépus auparavant. En souriant, Swami plaça Sa main gauche
sur la tête de Mohammad, à l’emplacement du troisième œil et en un clin d’œil, il fut
transporté dans un autre espace-temps. Il se trouvait dans le corps d’une personne qui
battait la campagne à la recherche de sa jument égarée. Tout à coup, il entendit une voix qui
l’appelait :
‘’Chand ! Mon cher Chand ! Tu as perdu ta jument et tu es tracassé, pas vrai ?’’
‘’Oui, Monsieur !’’, répondit-il au fakir en se demandant comment il pouvait bien connaître
son nom. ‘’Elle a filé quelque part ce matin et je n’arrive pas à la localiser.’’ C’est à ce
moment-là qu’il réalisa qu’il avait déjà vu le fakir quelque part ailleurs – sur son bateau, en
l’occurrence. Mais n’était-ce pas une autre vie ?
‘’Elle se trouve juste derrière la colline ! Elle est en sécurité et elle t’attend.’’
Il courut de l’autre côté de la colline, repéra sa jument, puis retourna exprimer sa
reconnaissance au fakir.
Le fakir dit : ‘’Approche-toi et fume avec moi.’’ Il saisit alors une tige métallique qu’il projeta
par terre et de l’eau se mit à sourdre avec laquelle il humidifia son chillum (un genre de
pipe). Puis à nouveau, il frappa le sol avec la tige métallique et des braises ardentes
apparurent à l’aide desquelles il alluma son chillum. Le fakir et lui-même savourèrent
ensemble leur pipe et il invita le fakir pour le mariage de sa fille.
La scène commença à s’estomper et à la place de Shirdi Baba reparut le Baba crépu ! Avant
que Mohammad ne comprenne que la vision avait disparu, ses yeux grands ouverts fixaient
maintenant les yeux de Swami et c’est alors que surgit la réalisation : Mohammad reconnut
son association avec Shirdi Baba et vit comment son Maître l’avait cherché et guidé au fil des
vies.
Le samadhi (tombeau) de Chand Patil situé à Dhoop Kheda
En dépit de ses errances, celui-ci l’avait de nouveau guidé vers le rivage de la paix et de la
tranquillité tandis qu’il se débattait éperdument dans les eaux troubles, saumâtres et agitées
de la vie matérielle.
COMME AU BON VIEUX TEMPS, AU NOM DU BON VIEUX TEMPS…
Mohammad regardait Swami. Il avait les larmes aux yeux. Sans perdre un moment de plus, il
saisit Ses pieds et s’écria : ‘’Swami ! Comme j’ai failli ! Comme je me suis éloigné de Vous ! Je
Vous supplie de bien me garder, comme Vous l’avez fait jusqu’à présent. Je veux me
réformer, je veux changer ! Je ne veux pas rester pris dans la fange dans laquelle je me
complais depuis si longtemps. Je Vous prie, mon cher Seigneur, mon Allah, de me garder
avec Vous !’’
Ah ! Voilà l’instant pour lequel l’insatisfaction semblait avoir été instillée en Mohammad –
l’instant qui lui offrit la réalisation de la véritable source de paix et de bonheur ! Au moment
même où il fit cette prière, Mohammad put sentir toute son insatisfaction qui s’évaporait et
il éprouva le jaillissement de la joie dans la découverte de son propre Soi. Quels que soient
ses accomplissements dans la vie, l’homme ne trouvera jamais ni la paix ni la joie avant de
réaliser son rapport unique avec Dieu – le rapport de l’unité !
Swami fit maintenant quelque
chose qui cimenta leur ancienne
relation. C’est en fumant que Shirdi
Baba avait établi un lien avec Chand
et maintenant, Swami remua la
paume de Sa main et à la grande
surprise de Mohammad, Il
matérialisa…trois cigarettes !!! En
les lui tendant, Swami le bénit et Il
dit : ‘’Trois cigarettes et tout ira
bien ! Par l’entremise de ces trois
cigarettes, Je t’accorde les trois
dons supérieurs de Karma, Jnana et
Bhakti’’3
IL Y A AUTANT DE VOIES QUI MÈNENT À DIEU QUE DE GENS SUR LA TERRE…
‘’C’est la troisième et la dernière de ces cigarettes que je viens d’achever maintenant. Si la
sommité du lieu, Sai Baba, m’a autorisé à fumer, qui sont ces gens pour m’arrêter ?’’, conclut
Mohammad.
C’est un Prithviraj sidéré qui régla la note, puis le duo sortit du Kumar Vilas Hotel (qui
n’existe plus aujourd’hui). Il avait appris qu’il y a autant de voies qui mènent à Dieu que de
gens sur la Terre, mais ceci dépassait tout ce qu’il aurait pu imaginer. La vérité est en effet
plus étrange que la fiction !
Et à présent, c’était ce même Mohammad qui le saluait à la cantine. Il avait
incontestablement tourné une nouvelle page.
‘’Comment allez-vous, Mohammad ? Cela me fait bien plaisir de vous voir !’’
‘’Je suis un sevadal régulier, maintenant. Quand je vous ai vu, je me suis souvenu que vous
aviez été la seule personne qui m’avait laissé fumer, ce jour-là. Je ne pourrai jamais vous
oublier ni le thé que nous avons pris ensemble.’’
Et est-ce que votre consommation de cigarettes a diminué, depuis lors ?’’, demanda
avidement Prithviraj.
3
Les trois grands yogas, les trois grandes voies de la philosophie indienne traditionnelle : l’action, la
connaissance et la dévotion.
‘’Diminué ? Je suis devenu allergique aux cigarettes ! La cigarette de la bhakti (dévotion) que
j’ai fumée en votre présence a été la toute dernière de ma vie. Depuis lors, je suis incapable
de supporter l’odeur ou même simplement la vue d’une cigarette. C’est la leela (jeu divin) de
Swami !’’
‘’Quatre ans sans fumer, c’est fantastique ! C’est vraiment la grâce de Swami ! Et êtes-vous
un père heureux, maintenant ?’’
‘’Que puis-je dire ? Chaque année, au cours des quatre dernières années, j’ai eu un enfant !
‘’Si j’ai encore une entrevue cette fois-ci, je dirai à Swami que cela suffit ! Je n’en veux plus !’’
Prithviraj était émerveillé. Quel scénario le Seigneur avait écrit ! Il aurait tant voulu avoir
ramassé le mégot de la cigarette de la bhakti que Mohammad avait jeté pour en tirer une
bouffée ! Mais bon, ce n’était plus possible, maintenant.
Soudain, une certaine agitation se mit à régner. Mohammad disparut et tout le monde
semblait pressé. ‘’Swami arrive à la cantine !’’, murmurait-on maintenant. Quelques minutes
plus tard, Sa belle silhouette glissa à l’intérieur de la cantine et parmi d’autres choses, il
s’adressa à Prithviraj, lorsqu’Il passa tout près de lui :
‘’C’est vous qui voulez fumer pour acquérir de la dévotion ? Il n’y a pas de raccourci, c’était
uniquement pour lui !’’
Et Swami s’éloigna. Prithviraj comprit
que dans Son amour et Sa grâce
infinis, Swami avait créé une nouvelle
voie unique pour qu’un fidèle puisse
L’atteindre, via trois cigarettes !
Source :
aravind1982.blogspot.in