Ê T R E E N S E I G N A N T A U C O L L È G E E N H I S T O I R E G É O G R A P H I E JEAN-JACQUES CL AUDE L AURENCE MARION M A Î T R I S E R ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGR APHIE ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈG E EN HISTOIRE GÉOGR APHIE JEAN-JACQUES CL AUDE L AURENCE MARION M A Î T R I S E R LES AUTEURS Directeur de publication Gilles Lasplacettes Après avoir suivi un double cursus de Lettres modernes (CAPES) et d’Histoire (agrégation), JeanJacques Claude a exercé aussi bien en collège qu’en lycée. Il a également été en poste à l’Université et formateur dans un IUFM, avant d’occuper des postes d’encadrement, qui l’ont notamment conduit à superviser des dispositifs de diffusion des usages du numérique à l’école. Il enseigne actuellement dans l’académie de Toulouse. Il a codirigé un manuel de terminale publié chez Magnard en 2013. irectrice de l’édition transmédia D Stéphanie Laforge Laurence Marion est diplômée en Histoire. D’abord conseillère principale d’éducation et formatrice, puis adjointe au délégué académique à la formation des personnels (DAFPEN) de l’académie de Montpellier, elle est aujourd’hui personnel de direction. Elle est l’auteur de plusieurs articles et ouvrages relatifs à la vie scolaire, dont « Accompagner les délégués » (en collaboration avec Olivier Briffaut, Canopé, 2014). Avertissement Les numéros entre crochets dans le texte renvoient à la numérotation de la bibliographie. Directeur artistique Samuel Baluret Suivi éditorial Corinne Bernardeau ise en pages M Stéphane Guerzeder Conception graphique DES SIGNES studio Muchir et Desclouds ISSN : 2416-6448 ISBN : 978-2-240-04509-6 © Réseau Canopé, 2017 (établissement public à caractère administratif) Téléport 1 – Bât. @ 4 1, avenue du Futuroscope CS 80158 86961 Futuroscope Cedex Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L.122-4 et L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ». Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris) constitueraient donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. SOMMAIRE 7 INTRODUCTION 11 S’APPROPRIER LES VALEURS ET LE FONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC D’ÉDUCATION 31 45 71 13 Exercer les missions et les responsabilités de l’enseignant 15 Les missions et le référentiel de compétences 17 Faire vivre les valeurs et les principes du système éducatif 23 Connaître les objectifs des politiques d’éducation 25 Savoir se repérer dans l’organisation du service public d’éducation 29 Comprendre les démarches de suivi et d’évaluation de l’école PENSER SON ACTION DANS LE CADRE DE L’ÉPLE 33 Prendre la mesure de l’ÉPLE comme environnement professionnel 35 Intégrer les choix politiques de l’établissement 37 Collaborer à la mise en œuvre des nouveaux dispositifs 39 Coopérer au sein de différentes équipes 43 Prendre en compte les usages numériques de son établissement PRÉPARER SON ENSEIGNEMENT 47 Conforter son expertise disciplinaire 53 Définir et organiser ce que l’on veut faire acquérir aux élèves 57 Penser les connexions interdisciplinaires 63 Choisir les supports documentaires 67 Intégrer le numérique FAIRE TRAVAILLER ET PROGRESSER LES ÉLÈVES 73 Construire la relation pédagogique 77 Problématiser 79 Varier les modalités de mise en activité des élèves 85 Travailler l’expression orale et écrite 89 Évaluer pour faire progresser les élèves 6 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE 93 INTERAGIR AVEC LES PARTENAIRES DE L’ÉCOLE ET LES PARENTS 107 95 Enrichir son enseignement par des interventions extérieures 99 Connaître les droits des parents d’élèves 101 Œuvrer à la construction d’une relation de confiance avec les parents 105 Communiquer sur la progression dans les apprentissages DÉVELOPPER SES COMPÉTENCES PAR UNE POSTURE PROFESSIONNELLE RÉFLEXIVE 109 Formaliser son enseignement 111 Observer et analyser les pratiques 115 Organiser une veille professionnelle 117 Expérimenter et innover 119 Se former tout au long de sa carrière 121 CONCLUSION 123 BIBLIOGRAPHIE 126 SITOGRAPHIE INTRODUCTION S’inscrivant dans la lignée de la Loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République [23], la réforme du collège se veut globale et entend actionner tous les leviers pour réformer en profondeur notre système éducatif, jusque dans les classes et dans l’expérience scolaire des élèves. Elle vise donc en particulier un changement des pratiques des enseignants. Et si l’arrêté du 16 juin 2017 en assouplit les modalités de mise en œuvre, il n’en remet pas fondamentalement en cause les grands principes. Cette volonté de réforme est née des résultats convergents de plusieurs enquêtes qui font ressortir le caractère inégalitaire du système éducatif français 1. Ces inégalités constituent aussi une injustice sociale, puisqu’elles frappent davantage les jeunes Français issus des milieux les plus défavorisés, l’échec scolaire venant alors notamment renforcer la pauvreté ou les difficultés d’intégration. Ainsi a-t-on pu constater que les performances des élèves de troisième varient selon leur origine sociale. Presque un tiers des enfants d’origine sociale défavorisée figurent en effet parmi les élèves qui réussissent le moins bien, alors que leur proportion n’est plus que de dix pour cent chez ceux qui sont issus de milieux très favorisés. Les performances dépendent également de l’environnement culturel : une corrélation a été établie entre la réussite scolaire et le nombre de livres disponibles au domicile. Enfin, les élèves en retard dès la sixième sont aussi les plus faibles en fin de classe de troisième, ce qui tend à montrer que le collège ne parvient pas à corriger ces tendances [8]. L’objectif de la Loi de refondation de l’école de la République, et de tous les textes qui viennent la décliner, est donc de faire évoluer l’ensemble du système éducatif pour l’amener à mieux prendre en charge la difficulté scolaire et à œuvrer à la « réussite pour tous ». Il n’est pas anodin qu’elle ait introduit cet objectif dans le premier article du Code de l’éducation, qui pose les principes généraux que se donne la nation dans ce domaine. Pour autant, l’entreprise de refondation ne fait pas table rase de l’existant, de l’histoire et des réussites du service public d’éducation. Sur certains points, elle vient renforcer ou infléchir des textes antérieurs ou des évolutions déjà en cours. C’est par exemple le cas du référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation, rénové – et non créé – en 2013 pour prendre en compte à la fois des changements institutionnels (modification des concours de recrutement, création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation – ESPE) et des évolutions avérées des attentes et des pratiques. Ce référentiel explicite ce qui doit fonder le métier d’enseignant en début de carrière et également sur le long terme. 1L’une des plus connue est PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), qui s’intéresse aux acquis des élèves en fin de scolarité obligatoire dans une perspective comparative au sein de l’OCDE. Elle tend à montrer que, si la France est en capacité de produire de l’excellence scolaire, les écarts de résultats se sont creusés entre 2003 et 2012. À titre d’exemple, en 2012, les scores moyens en mathématiques des élèves accédant à la seconde générale étaient parmi les meilleurs, alors que ceux des élèves restés avec du retard en troisième équivalaient aux performances d’élèves issus de pays nettement moins favorisés, tels que le Mexique. Même si les conclusions de PISA font l’objet de discussions et de critiques, d’autres indicateurs internes, qui croisent résultats aux examens et catégories socioprofessionnelles, vont dans le même sens. SOMMAIRE 8 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE La réforme du collège introduit néanmoins des évolutions majeures [11]. Tout d’abord, sur les contenus enseignés : nouveaux programmes [6] adossés au socle commun (lui-même redéfini [16]), progressions par cycles pour renforcer la continuité des apprentissages (avec un cycle 3 constituant un véritable pont entre le premier et le second degré), introduction d’une logique curriculaire (les parcours [3, 5, 9 et 10]) qui met l’accent sur des compétences construites dans le temps et modifie le rapport aux évaluations sommatives habituelles. Ensuite, la réforme insiste sur la nécessité d’offrir une diversification pédagogique. L’accompagnement personnalisé (AP) concerne tous les élèves et rompt avec la logique de « soutien » qui prévalait jusque-là dans le traitement de la difficulté scolaire. Elle met en avant non pas une remédiation fondée sur la répétition ou le renforcement de l’horaire en groupe restreint et homogène, mais des approches alternatives, permettant à tous les élèves de progresser à leur rythme, tout en garantissant le respect de la mixité dont on connaît aujourd’hui les bénéfices en termes de cohésion sociale 2. Enfin, la réforme introduit une obligation d’interdisciplinarité, et ceci sous plusieurs formes : les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) mais aussi la contribution des différentes disciplines aux quatre parcours (« avenir », « citoyen », « d’éducation artistique et culturelle » et « éducatif de santé ») et aux enseignements transversaux (enseignement moral et civique, éducation aux médias et à l’information, éducation au développement durable, par exemple). Contrairement à ce qu’une représentation hâtive pourrait laisser croire, elle recentre ainsi l’activité sur la discipline enseignée puisque l’accompagnement personnalisé et les enseignements pratiques interdisciplinaires s’inscrivent dans l’horaire disciplinaire et ne s’y ajoutent pas. Elle invite donc non pas à la négation de la discipline, mais à son intégration dans un projet pédagogique et éducatif commun, de nature à lui conférer la légitimité d’un savoir ou de compétences que l’on peut réinvestir dans des situations multiples. Il nous a semblé dès lors que la réforme du collège était l’occasion de réinterroger la pratique du métier d’enseignant aujourd’hui, et en l’occurrence celle du professeur du second degré, celui-ci demeurant le spécialiste d’une discipline et déployant son action dans le cadre de la transmission de savoirs définis. Cependant, il nous a paru également pertinent de tirer pleinement les conséquences des évolutions de la profession, et de la décrire en abordant sa complexité et son aspect multidimensionnel (les géographes diraient ici « multiscalaire »). Plus que jamais, la réforme du collège invite le professeur à ne pas traiter l’heure de cours comme une unité close et à considérer ses missions comme participant d’un véritable processus, lui-même inscrit dans un système. Ce dernier repose aujourd’hui sur trois niveaux, ceux de l’État (le ministère), de l’académie (le rectorat) et de l’établissement public local d’enseignement (EPLE), terme générique désignant aussi bien les collèges que les lycées, et qui renvoie à un cadre juridique particulier dans la fonction publique, notamment en termes d’autonomie. Cette organisation détermine en fait directement l’action de l’enseignant dans la classe. Mais, au-delà de la commande institutionnelle, nous pensons que les professeurs ont tout intérêt à se saisir de l’occasion que leur donnent les évolutions en cours pour déployer une pratique plus aboutie. Tout d’abord, la réforme offre une opportunité intellectuellement stimulante, y compris et surtout d’un point de vue disciplinaire. Elle s’accompagne en effet d’une refonte des programmes qui ouvrent des perspectives nouvelles. Non seulement les contenus enseignés continuent de s’adosser aux renouvellements de la recherche, mais ils sont clairement articulés avec les objectifs du socle commun, lui-même redéfini. Sur le plan didactique, outre la place qu’elles réservent au numérique et à ses potentialités encore largement sous-exploitées, les directives ministérielles introduisent l’opportunité de 2Nous renvoyons ici aux travaux du Conseil national de l’évaluation du système scolaire sur la mixité sociale à l’école, accessibles depuis son site [135] SOMMAIRE 9 INTRODUCTION renouveler les démarches pédagogiques, en sollicitant la créativité des enseignants tout en réservant un rôle accru aux élèves dans la construction de leurs connaissances et de leurs compétences. Elles affirment la nécessité, lorsque le besoin s’en fait sentir, de différencier les rythmes comme les objectifs d’apprentissages, et elles invitent à concevoir une partie des enseignements dans le cadre de projets dont les élèves sont pleinement porteurs. Il s’agit de rendre visibles les interactions multiples qui existent entre les différents champs disciplinaires, et de favoriser la construction d’une culture et de savoir-faire en phase avec un monde complexe aux connexions sans cesse élargies. La réforme prend par ailleurs acte de ce qui se dessine dans la fonction publique depuis deux décennies : la nécessité de s’appuyer sur les acteurs pour faire changer les organisations. Le succès se mesure autant aux modifications des pratiques qu’à la lecture des résultats et plus personne ne pense qu’il est possible de piloter une institution aussi complexe que l’Éducation nationale à seuls coups de textes réglementaires. Autrement dit, non seulement la réforme ne se fera pas sans les enseignants, mais elle ne se fera que par les enseignants. La reconnaissance de leur rôle décisif se lit dans l’appel à leur mobilisation. Enfin, nous sommes convaincus que réduire la pratique professionnelle à une transmission traditionnelle de connaissances au sein de la classe, sans placer résolument le public accueilli au centre des préoccupations pédagogiques ni bénéficier de l’éclairage que la communauté scolaire peut apporter à une meilleure prise en charge des élèves, condamne l’enseignant à une solitude difficile et l’enferme dans une impasse. Le choix d’une approche globale du métier d’enseignant est donc loin de proposer une dispersion des missions. Au contraire, la prise en compte de la complexité nous semble la meilleure voie pour réunir les moyens nécessaires à la réussite dans l’exercice du cœur de métier et au rayonnement de la discipline enseignée. Il nous a donc paru évident qu’il était indispensable de ne pas nous limiter à une présentation du métier d’enseignant centrée sur la didactique, complétée à la marge par une évocation de l’institution qui l’abrite. C’est pourquoi le lecteur ne s’étonnera pas de ce que les parties consacrées à la préparation de son enseignement (partie III) et à sa mise en œuvre (partie IV) soient précédées par celles qui concernent les valeurs et le fonctionnement du service public d’éducation (partie I) ainsi que le cadre de référence pour l’exercice du métier que constitue l’ÉPLE (partie II), puis que l’on revienne sur les interactions avec les parents (partie V). Les pratiques professionnelles et la posture réflexive qui en est inséparable (partie VI) restent cependant au cœur de notre propos. Cet ouvrage s’attache à mettre en évidence les liens, les effets de système, en leur restituant le caractère concret qu’ils prennent pour un professeur dans sa classe, tout en inscrivant le geste d’enseigner dans un projet plus global. Des encadrés proposent régulièrement des illustrations ou des approfondissements, qui renforcent sa dimension pratique. Nous avons également fait le choix d’une approche conjointe à partir de deux fonctions distinctes : celle d’un professeur et celle d’un personnel de direction. La complémentarité de ces regards nous a semblé répondre à l’esprit de la réforme, qui confirme l’autonomie des établissements dans le domaine pédagogique et confère de fait un rôle majeur aux professeurs dans la mise en œuvre locale d’orientations nationales. Elle nous paraît en effet de nature à modifier la façon dont les fonctions de pilotage et d’enseignement s’articulent sur le terrain, en offrant des occasions de collaboration nettement moins bureaucratiques et beaucoup plus proches d’un fonctionnement par projet, dans lequel les objectifs sont communs et les contributions de chacun, avec ses compétences spécifiques, nécessaires. Nous avons donc tenté dans ces pages de restituer la réalité d’un dialogue qui s’instaure entre deux professionnels – chacun conservant sa place, ses missions et ses compétences spécifiques – quand ils sont confrontés aux mêmes questions, aux mêmes difficultés, aux SOMMAIRE 10 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE mêmes objectifs, aux mêmes défis, aux mêmes réussites aussi. C’est que nous sommes animés par la conviction que les mutations introduites par la réforme du collège supposent une évolution profonde de notre culture professionnelle et que l’institution éducative ne sera en mesure de répondre à l’obligation de résultat qui lui est assignée qu’à cette condition, dans laquelle nous voyons un enrichissement du métier de professeur. SOMMAIRE S’APPROPRIER LES VALEURS ET LE FONCTIONNEMENT DU SERVICE PUBLIC D’ÉDUCATION L AURENCE MARION SOMMAIRE 12 TITRE OUVRAGE Nombre d’enseignants gardent un souvenir mitigé de la partie dite « transversale » de leur formation initiale, jugée trop abstraite, manquant d’intérêt et coupée de la réalité du métier. Il se peut en effet que les professeurs débutants, très préoccupés par la préparation de leurs cours et les premières confrontations avec les élèves, ne trouvent pas dans leur quotidien immédiat un ancrage à une vision plus large de leur mission. Par ailleurs, c’est souvent la « perte de sens » qui est évoquée par les enseignants chevronnés comme l’un des risques du métier. Or ce sens ne se construit pas uniquement dans la relation pédagogique ; il s’alimente aussi d’une participation à un projet collectif, d’ambition nationale. C’est pourquoi les pages qui suivent visent à revisiter le cadre d’exercice au sens large, la réforme du collège s’inscrivant – et devant se comprendre – dans une politique d’éducation globale. Elles ne prétendent pas à l’exhaustivité, mais les choix effectués s’efforcent d’établir des liens avec les gestes professionnels quotidiens des enseignants ou des questionnements qui se posent nécessairement à eux. Partir des principes, des missions et du cadre institutionnel pour aller vers les pratiques professionnelles peut paraître une gageure tant tout ce qui est assimilé à « l’administration » est souvent perçu comme essentiellement préoccupé de politique, de réglementation, de gestion, et assez peu en prise avec ceux qui exercent le métier et considèrent encore souvent que leur « véritable » mission est la transmission de savoirs nécessaires à la construction d’une vie d’adulte. Il est vrai que le ministère de l’Éducation nationale est une énorme machine de plus de un million de fonctionnaires (c’est le plus gros employeur de France) et que cela n’est pas sans conséquences. Le choix de la centralisation1 amène inévitablement une division du travail – car tout le monde ne peut pas s’occuper de tout – et une structure à relais, chacun ne pouvant à tout instant dialoguer avec l’ensemble des parties prenantes. Cette organisation accroît cependant le risque, en bout de chaîne, d’une déperdition du sens de l’action et d’un sentiment distendu de concourir à une mission commune. Pour autant, l’enseignant tire sa légitimité de son statut de fonctionnaire de l’État. Il est placé auprès des élèves pour exercer une mission qui dépasse sa personne, commune à l’ensemble de ses collègues, et portée par une institution. L’exercice plein et entier de son métier passe donc par une appropriation des objectifs assignés par la nation au système éducatif et par une insertion au sein de l’organisation qui concrétise leur mise en œuvre, à savoir l’établissement scolaire. 1C’est celui qui est fait en France pour la plupart des grandes administrations d’État. Il en garantit le caractère national. SOMMAIRE EXERCER LES MISSIONS ET LES RESPONSABILITÉS DE L’ENSEIGNANT DES DROITS ET DES OBLIGATIONS L’enseignant exerce son métier dans un cadre réglementaire plus complexe qu’il n’y paraît. En tant que titulaire de la fonction publique d’État, il est bien sûr tenu par tout ce qui relève de la loi, bien au-delà du strict champ éducatif. Il se retrouve ainsi – mais il n’est pas une exception en la matière – au croisement d’un maillage de dispositions qui peuvent également relever, pour ne citer que quelques exemples, du droit administratif au sens large, de la protection de l’enfant ou de la propriété intellectuelle. Maîtriser toute cette matière est certes difficile. C’est pourquoi le professeur gagnera à s’informer le plus régulièrement possible, mais aussi à s’appuyer sur les autres professionnels qu’il côtoie dans l’établissement, et dont les compétences spécifiques viennent compléter les siennes. droits et les obligations, les évolutions de carrière. Les seconds renvoient davantage aux contenus de l’activité professionnelle. Comme la plupart des fonctionnaires, les enseignants bénéficient d’un statut régi par plusieurs textes définissant un tronc commun et des parties spécifiques. Ces dernières figurent dans le Code de l’éducation. Paradoxalement, c’est souvent le statut général des fonctionnaires (le tronc commun) qui est le plus méconnu des professeurs, et c’est pourquoi nous nous y arrêterons ici. Il est défini par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (titre Ier) et par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d’État (titre II). Dans le tableau ci-dessous, nous reprenons succinctement les principales dispositions en matière d’obligations et de droits, que nous illustrons en les reliant à la pratique du professeur. Dans cette perspective, la consultation des textes officiels prend toute son utilité. Leur mise en ligne a rendu cette opération beaucoup plus commode qu’auparavant. L’ensemble des textes spécifiques à l’éducation est désormais regroupé dans le Code de l’éducation, accessible depuis le site Légifrance [139]. Ce code comprend une partie législative (textes référencés L-…) et une partie réglementaire (référencés D- ou R-). Les textes de la première partie ont une portée supérieure. À l’intérieur de chacune de ces subdivisions, un classement thématique permet de se repérer aisément ; il est identique pour chacune des parties. Mais, pour suivre l’actualité réglementaire, le plus simple pour le professeur est encore de s’abonner en ligne au Bulletin officiel, avec une adresse électronique professionnelle à laquelle le sommaire est envoyé chaque semaine. Il suffit ensuite de suivre les liens actifs dans ce document pour accéder aux sujets voulus. Le métier d’enseignant est lui-même encadré par une série de textes qui précisent à la fois son statut et ses missions. Le premier fixe les conditions d’exercice, les SOMMAIRE 14 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE OBLIGATIONS Exercer sa fonction et s’y consacrer Le cumul d’emplois – même occasionnel – doit faire l’objet d’une déclaration par l’agent et d’une autorisation par la hiérarchie (sous couvert du chef d’établissement). Obéissance Elle reste primordiale dans une structure hiérarchisée. L’on ne peut s’y soustraire que dans le cas d’un ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (les deux conditions sont cumulatives). Mais la contestation est possible après coup, si cet ordre contrevient par exemple aux droits ou au statut de l’agent. Loyauté Elle comporte une dimension plus morale et repose sur une confiance réciproque. Elle s’exerce surtout envers l’institution que l’on sert. Respect, correction et dignité Elle concerne les rapports avec la hiérarchie, les collègues, les élèves et les usagers-citoyens. En principe, elle va de soi. Discrétion ou secret professionnel Elle protège les données personnelles que l’administration détient sur ses usagers. Cependant, l’article 40 du Code de procédure pénale en délie l’agent, qui doit obligatoirement signaler tout crime ou délit dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions (cas de maltraitance, par exemple). L’agent est également tenu de coopérer avec la justice si celle-ci lui en fait la demande. Information du public Il faut obligatoirement communiquer (les résultats des élèves, les punitions prononcées à leur encontre, les copies d’examen, les données faisant l’objet de la constitution d’un fichier informatisé) et motiver ses décisions par écrit. Neutralité et laïcité Voir page 17 « Faire vivre les valeurs et les principes du système éducatif ». Rémunération du service fait Le paiement par anticipation (d’heures supplémentaires, par exemple) n’est pas possible. Protection fonctionnelle Elle est accordée au fonctionnaire victime de violences, voies de fait, injures, diffamations à l’occasion de ses fonctions. Cela signifie, par exemple, qu’elle protège un enseignant quand bien même les faits se seraient déroulés hors de l’établissement et du temps de service, à condition qu’ils soient bien reliés à sa qualité. Cette protection fonctionnelle couvre aussi le fonctionnaire en cas de poursuite civile à son encontre, du moment qu’aucune faute personnelle ne peut lui être attribuée. Dans les deux cas, ce soutien n’a rien d’automatique : il faut en faire la demande. Transparence sur son dossier Le professeur peut accéder à son dossier administratif s’il en fait la demande, en compagnie d’une personne de son choix. Les pièces qu’on lui présente doivent être numérotées et classées. Opinion et expression Ces droits s’exercent sous réserve des obligations de discrétion et de neutralité dans les relations avec les usagers. Ils renvoient notamment à la possibilité pour le fonctionnaire de se syndiquer et de s’exprimer librement vis-à-vis de sa hiérarchie, notamment sur ses conditions de travail. Formation La formation professionnelle continue est un droit, mais celui-ci reste soumis à la « nécessité de service ». Un chef d’établissement peut donc ponctuellement reporter son exercice. DROITS ET LIBERTÉS Ces obligations sont certes nombreuses mais l’enseignant ne doit jamais oublier que, en dépit de la diminution du prestige social attaché à son métier, il continue à représenter une institution dotée d’une portée symbolique d’autant plus forte qu’elle touche au savoir, à la compétence et qu’elle concerne l’ensemble de la société, dont elle contribue à porter les valeurs et à forger l’avenir. Le statut général vient nous rappeler que les liens qu’il crée entre les agents et leur administration dépassent le cadre d’un contrat de travail. Ils sont d’une autre nature. Parce qu’il participe à une entreprise collective qui se construit en accord avec les choix de la nation, le fonctionnaire SOMMAIRE n’est pas un simple salarié 1 entretenant avec son travail une relation exclusivement économique. Il s’engage dans un projet d’ensemble reposant sur des valeurs. 1Il ne perçoit d’ailleurs pas un salaire, mais un traitement. LES MISSIONS ET LE RÉFÉRENTIEL DE COMPÉTENCES Les missions de l’enseignant sont définies aujourd’hui par la circulaire n° 2015-057 du 29 avril 2015, « Missions et obligations réglementaires de service des enseignants des établissements publics d’enseignement du second degré » [14]. Celle-ci distingue clairement le service d’enseignement (correspondant aux heures devant les élèves, et précisément contingenté en fonction du statut de chacun) et les « missions liées », à savoir « les travaux de préparation et de recherches nécessaires à la réalisation des heures d’enseignement, l’aide et le suivi du travail personnel des élèves, leur évaluation, le conseil aux élèves dans le choix de leur projet d’orientation en collaboration avec les personnels d’éducation et d’orientation, les relations avec les parents d’élèves, le travail au sein d’équipes pédagogiques constituées d’enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupes d’élèves, ou exerçant dans le même champ disciplinaire ». La circulaire énonce également les « missions particulières », activités acceptées ouvrant droit à un complément de traitement, les indemnités pour mission particulière (IMP), telles que, par exemple, celle de référent TICE ou de référent culture. Ce texte présente l’intérêt de reconnaître un ensemble d’activités, prises en charge de fait et de longue date par les enseignants, comme participant de leur mission. Si certains y ont vu un risque d’alourdissement de la charge de travail sans compensation, on peut aussi penser que cet éclaircissement devrait contribuer à faire évoluer dans l’esprit du public les représentations du métier, trop souvent ramené à « dix-huit heures de travail par semaine ». Aux textes dédiés particulièrement aux missions des enseignants il convient d’ajouter ceux qui organisent la mise en œuvre des politiques pédagogiques et éducatives, et qui précisent le cadre dans lequel s’inscrit l’action du professeur, notamment en termes de buts et d’esprit. Sur ces deux derniers points, la référence aux textes est d’autant plus importante qu’il s’agit d’éléments susceptibles de variations dans le temps, et que les adaptations réalisées dans le cadre de l’établissement éloignent parfois de l’esprit originel et du sens premier. Pour être correctement exercées, les missions doivent s’appuyer sur un référentiel de compétences qui permet à chacun de mieux cerner les savoirs et savoir-faire à mobiliser. Pour les enseignants, le texte en vigueur est issu de l’arrêté du 1er juillet 2013 [21]. Il s’applique aux professeurs, professeurs documentalistes et conseillers principaux d’éducation, et se présente comme un tronc commun complété par des déclinaisons spécifiques. Il ne concerne pas seulement les stagiaires en phase de titularisation. Il dresse bien la liste des compétences que les professeurs « doivent maîtriser pour l’exercice de leur métier » et qui sont donc exigibles. Ces dernières sont décrites selon une organisation thématique ; il n’est sans doute pas anodin que les deux premiers thèmes situent la pratique professionnelle bien au-delà de la salle de classe et du champ disciplinaire : « 1- Faire partager les valeurs de la République ; 2- Inscrire son action dans le cadre des principes fondamentaux du système éducatif et dans le cadre réglementaire de l’école ». Le référentiel déploie donc une série de compétences attendues, qui balaie l’ensemble des activités du professeur, depuis la maîtrise de son enseignement disciplinaire jusqu’à la relation avec les parents d’élèves, en passant par la conduite de la classe. Nous nous arrêterons sur le sixième item, « agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques », qui renvoie explicitement à une dimension morale et dépasse la portée d’un texte réglementaire. On peut y voir une autre référence aux valeurs de la République, qu’il ne s’agit plus seulement de « faire partager » mais de faire vivre, de mettre en actes dans les gestes professionnels, pensés dans toute leur profondeur et leurs implications en termes éducatifs. De façon générale, l’ensemble de la fonction publique est actuellement traversé par des questions d’éthique, les citoyens étant devenus plus exigeants sur le plan de la probité, de l’impartialité, de l’exemplarité et de la transparence. Le statut général des fonctionnaires a SOMMAIRE 16 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE d’ailleurs été récemment complété par la loi n° 2016483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (Journal officiel n° 0094 du 21 avril 2016). Certains se sont interrogés sur l’intérêt que présenterait l’élaboration d’une déontologie propre à la profession d’enseignant et il peut être intéressant de connaître ces recherches [67]. Car le métier n’est pas exempt de conflits de valeurs. L’un des principaux s’articule, par exemple, autour de l’opposition que peut prendre le respect des droits individuels des élèves, et la conscience de l’intérêt du collectif (exclure un élève pour préserver une classe, renoncer à faire modestement progresser un autre pour délivrer les savoirs que la majorité est en capacité d’acquérir…). La justice scolaire est également le lieu de dilemmes (préférer l’impunité à la sanction sans preuve, etc.). Rappelons enfin que les professeurs sont des cadres de catégorie A qui, dans la fonction publique, renvoie à un niveau de diplôme, certes, mais aussi de responsabilité, où l’autonomie et l’initiative doivent pleinement jouer, à l’opposé de pratiques répétitives ou procédurales qui ne nécessiteraient pas le même degré de qualification. C’est donc à chacun de construire un positionnement réfléchi, de s’interroger régulièrement, de vérifier la cohérence de son action au sein d’un projet collectif adossé à un système de valeurs et de principes. Contribution de sa discipline aux différentes missions : un fil conducteur Les enseignants, qui ont souvent choisi leur métier par goût de la transmission de leur discipline, sont parfois décontenancés face à certaines missions qui leur paraissent ne pas en relever directement, et qu’ils vivent comme concurrentielles, notamment en termes de partage de temps. Il n’est pourtant pas attendu du professeur qu’il s’égare dans l’exercice d’un métier qui ne serait pas le sien. C’est de sa place, avec ses compétences particulières, qu’il participe à une démarche globale d’éducation. Les tensions qui pourraient surgir à la lecture du référentiel sont en effet considérablement réduites si l’on aborde ces missions additionnées en s’interrogeant du point de vue de sa discipline. Que puis-je apporter à tel ou tel objectif ? Comment peut-il se traduire dans mon enseignement ? C’est ce que nous entendons ici par le mot « contribution ». SOMMAIRE L’enseignement du professeur d’histoire-géographie, par exemple, renvoie souvent à des situations concrètes de la vie des élèves (la conquête et l’exercice de droits, l’existence d’aires culturelles, les questions d’urbanisme, etc.). Les savoirs dispensés rejoignent alors les missions d’éducation à la citoyenneté ou au développement durable ainsi que l’éducation culturelle. Mais ils peuvent aussi alimenter le « parcours avenir » (découverte de métiers particuliers, de branches économiques). Le travail sur documents, quant à lui, permet d’aborder des points fondamentaux de l’éducation aux médias et à l’information. Enfin, l’enseignant d’histoiregéographie contribue à la maîtrise de la langue par l’acquisition d’un vocabulaire spécifique, mais aussi par l’exigence qu’il porte lors des phases de rédaction (de la trace écrite pendant le cours, de la réponse en évaluation) ou de formalisation orale. On pourrait proposer de même des connexions pour les enseignements de lettres ou de langues vivantes. Ces deux disciplines peuvent par exemple s’emparer aisément de la « semaine de la presse » pour réaliser un travail s’inscrivant dans leurs programmes respectifs et contribuer tout à la fois à l’éducation aux médias. Tout en poursuivant leurs objectifs propres, elles sont en capacité de travailler les stéréotypes de genre, à travers la littérature, ou dans d’autres cultures. De nombreuses activités réalisées dans leur cadre trouveront à s’insérer dans le « parcours culturel », etc. Jusque dans la relation avec les parents, la référence à la discipline peut rester présente : en quoi présente-t-elle de l’intérêt pour la formation de leur enfant, dans quelles activités est-il en réussite ou plus en difficulté ? Les résultats obtenus dans la discipline sont-ils en adéquation avec le projet d’orientation ? Concevoir sa mission de façon élargie ne se traduit donc pas nécessairement par de l’activité supplémentaire mais conduit à repenser son action quotidienne au sein de son enseignement disciplinaire, de façon à l’inscrire dans les objectifs confiés à l’ensemble des acteurs du système éducatif. FAIRE VIVRE LES VALEURS ET LES PRINCIPES DU SYSTÈME ÉDUCATIF Le préambule de notre constitution pose que « la Nation garantit l’égal accès […] à l’instruction, à la formation et à la culture ; l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïc […] est un devoir de l’État ». C’est dire le lien fort qui existe entre notre société et son système éducatif. L’éducation est donc un droit, garanti par un service public qui obéit à des principes fondamentaux conformes aux valeurs de la République telles que la liberté, l’égalité, la neutralité, la laïcité, auxquelles il faut ajouter le respect du droit. Le premier article du Code de l’éducation rappelle également que « le service public de l’éducation […] reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser ». Et plus loin : « Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l’éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves. Dans l’exercice de leurs fonctions, les personnels mettent en œuvre ces valeurs ». Mais, comme tout ce qui est posé a priori, valeurs et principes sont parfois difficiles à faire vivre à l’épreuve de certaines réalités comme la relativisation ou la contestation dans un monde multiculturel, la montée de l’individualisme ou la prégnance de considérations économiques. Le risque est grand, en effet, de glisser vers un enseignement pensé comme une prestation de service ou de former des individus et non des citoyens, c’est-à-dire de délaisser l’apprentissage des comportements et des principes partagés qui fondent notre société parce qu’ils entrent en tension avec les forces centrifuges des aspirations de chacun à être reconnu dans sa particularité. Il s’agit donc, périodiquement, de revisiter les valeurs de la République. LIBERTÉ, OBLIGATION ET GRATUITÉ Il peut paraître paradoxal de partir du droit à l’éducation pour arriver à l’obligation d’instruction. Ce glissement peut s’expliquer par l’intérêt reconnu pour une nation – y compris sur le plan économique - d’élever le niveau de compétences de ses citoyens. Mais l’obligation s’impose aussi aux responsables légaux de l’enfant, de façon à lui garantir le plein usage de ce droit et à contenir les abus qui adviendraient d’un exercice mal compris de l’autorité parentale. L’instruction est donc obligatoire pour tous les enfants présents sur le territoire, français et étrangers, entre six et seize ans. L’instruction, et non la scolarisation. Les modalités d’instruction des enfants relèvent en effet de la liberté des familles, qui peuvent opter pour l’enseignement public, privé, ou pour la scolarisation à domicile. Même si la formule peut paraître choquante en empruntant à l’univers économique, les établissements scolaires publics ne sont donc pas en situation de « monopole » et une offre alternative existe bien dans le domaine de l’éducation. Cet état de fait ne doit pas effrayer mais plutôt aiguillonner le désir d’innover, y compris et surtout dans le secteur public. Les familles doivent cependant faire connaître officiellement leur choix et se soumettre aux contrôles de la réalité de l’instruction lorsqu’elle ne s’effectue pas dans un établissement scolaire (public ou privé). Cette vérification relève des services de l’État et des enseignants peuvent donc être mobilisés pour y participer. Dès lors qu’un enfant est inscrit dans un collège, l’obligation d’assiduité se déduit de celle d’instruction [37]. Celle-ci est contrôlée par la remontée systématique et précise des appels, qui incombe aux enseignants ; la responsabilité de ces derniers est d’ailleurs engagée dès lors que des élèves leur sont confiés [24]. Cette vérification ne doit pas être vécue comme l’exigence d’une administration tatillonne ; elle sert en SOMMAIRE 18 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE fait l’intérêt de chacun, l’assiduité constituant l’une des clés de la réussite scolaire. La présence en cours ne va pourtant plus forcément de soi, notamment pour certaines familles qui développent des comportements consuméristes (prévalence de l’organisation familiale sur l’organisation scolaire, stratégies d’absence aux évaluations pour conserver l’entier bénéfice des premières bonnes notes, etc.). La question de l’absentéisme et du décrochage est d’ailleurs bien souvent, dans les collèges, un objet privilégié du travail en équipe. Il s’agit d’échanger des informations et de ne pas passer à côté des premiers signes d’alerte, mais aussi de réfléchir collectivement au lien entre absentéisme et motivation, à la façon dont le cours peut recréer de l’envie ou aux dispositifs internes qui peuvent, avec l’appui de partenaires et l’accord des familles, offrir aux élèves fragiles des activités qui les remobilisent (emplois du temps aménagés, prolongation d’une période de stage, valorisation de la participation aux activités périscolaires…). Le principe de gratuité, enfin, est au cœur de la notion de service public. En collège, il s’applique notamment au matériel pédagogique à usage collectif (manuels scolaires), aux photocopies distribuées aux élèves et aux frais de correspondance avec les familles. Restent à la charge de ces dernières les fournitures à usage individuel et surtout les sorties, voyages et échanges scolaires quand ils revêtent un caractère facultatif. Cette distinction doit entrer en ligne de compte lors de l’élaboration des projets, les inégalités sociales pouvant alors devenir des facteurs de sélection particulièrement injustes. Une analyse objective des inscriptions aux voyages facultatifs le démontre aisément et le fossé se creuse d’autant plus que le coût restant à la charge des familles est élevé. Dans ces conditions, ne vaut-il pas mieux, par exemple, faire profiter l’ensemble d’une classe ou d’un niveau de l’exploration du patrimoine local plutôt que d’organiser le déplacement de quelques-uns sur des destinations plus éloignées, qui seraient plus prestigieuses mais qui ne garantissent pas une exploitation pédagogique nécessairement plus riche ? On s’aperçoit, là aussi, que la mise en œuvre de valeurs auxquelles nous nous rallierions sans conteste dans l’absolu vient parfois compliquer nos pratiques. Il faut pourtant bien veiller alors à ce que l’affirmation de ces valeurs ne se limite pas à la posture, et ne pas hésiter à privilégier les décisions les plus conformes à l’éthique. SOMMAIRE L’ÉGALITÉ : UN COMBAT PERMANENT Héritage historique de la Révolution française, le principe d’égalité est fondamental en France. Les usagers sont particulièrement sensibles à son respect dans leurs relations avec les administrations, qui s’illustre dans « l’égalité de traitement ». Dans l’Éducation nationale, il concerne par exemple l’inscription dans un établissement scolaire ou aux examens, l’orientation, mais aussi la gestion des personnels et l’information aux parents. Cependant, les déterminismes socioculturels agissent fortement en matière d’éducation et c’est pourquoi est apparue la nécessité de les contrebalancer, à travers notamment l’éducation prioritaire, que la Loi de refondation pour l’école de la République prévoit de renforcer. Celle-ci est née dans les années 1980 d’une conception nouvelle du principe d’égalité. Il s’agissait alors, selon une formule qui a perduré, de « donner plus à ceux qui ont moins ». L’article inaugural du Code de l’éducation (L. 111-1) précise que « la répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique et sociale ». Il justifie également l’attribution de bourses. Il est à noter que le Conseil constitutionnel, pourtant très attentif aux ruptures du principe d’égalité, a validé dans certaines de ses décisions la possibilité pour le législateur de régler « de façon différente des situations différentes » (voir, par exemple, la décision du 28 avril 2005). On aurait tort cependant d’imaginer que le principe d’égalité est tenu pour acquis, de même que les valeurs de fraternité et de solidarité qui le soustendent. Le sociologue François Dubet [54] montre que le recul des comportements solidaires, qui nous pousseraient à souhaiter l’égalité sociale et pas seulement l’égalité de droit, ne sont pas seulement la conséquence de nos difficultés économiques. Ils sont plutôt dus au délitement social qui ne nous permet plus de nous reconnaître dans les concitoyens que nous croisons. Nous sommes entrés dans des systèmes où la compétition puis la défense de la place acquise prennent le pas sur l’aspiration au sentiment du « juste ». De plus – nous l’avons dit en introduction –, le système scolaire français reste, malgré les principes, l’un des plus inégalitaires au monde. C’est pourquoi la Loi de refondation de l’école insiste beaucoup sur la question de la mixité sociale et scolaire. Cependant, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), dans une enquête publiée en 2015 [61], montre combien la ségrégation s’approprier les valeurs et le fonctionnement du service public d’éducation scolaire joue fortement, notamment au collège, par le simple regroupement des élèves selon leurs options 1. Ces pratiques ne sont pas toujours suffisamment combattues par les équipes ou les conseils d’administration. Les textes sont pourtant clairs : il reviendra à chaque acteur de soutenir les politiques d’amélioration de la mixité qui seront mises en œuvre dans son établissement. Grande avancée sur la déclinaison du principe d’égalité dans notre société, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées [33] est, quant à elle, traversée par la logique de compensation. Ce texte a produit dans le cadre scolaire des conséquences considérables. C’est lui, en effet, qui pose les principes de l’inclusion en classe ordinaire des enfants à besoins éducatifs particuliers et des mesures d’accompagnement mises en œuvre, en lien avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Un important bouleversement des pratiques s’est ensuivi (même si des progrès restent encore à faire), qui a vu notamment l’entrée dans la classe d’un matériel adapté ou d’un adulte supplémentaire (les auxiliaires de vie scolaire ou AVS), mais aussi la prise en compte pédagogique de ce nouveau public par des démarches adaptées 2. Dans les faits, l’inclusion a encouragé le développement de la différenciation pédagogique. Enfin, les politiques éducatives contribuent à l’affirmation de l’égalité femmes-hommes, à travers notamment une lutte contre les stéréotypes de genre et une attention particulière portée à l’ambition scolaire des filles [140]. 1Sur cette question, on se reportera utilement aux travaux de Marie Duru-Bellat et Alain Mingat [57]. 2Le certificat complémentaire pour l’adaptation scolaire et la scolarisation des élèves handicapés (2CA-SH) a d’ailleurs été créé pour valider l’engagement d’enseignants volontaires dans ce champ. Il repose sur le suivi d’une formation d’environ cent cinquante heures et s’obtient par un examen consistant en la réalisation d’une séance devant un public comprenant des élèves à besoins particuliers et en la soutenance d’un mémoire professionnel. Plusieurs options correspondent à l’intégration d’élèves sourds ou malentendants (A), aveugles ou malvoyants (B), présentant une déficience motrice grave ou un trouble de la santé évoluant sur une longue période et/ou invalidant (C), présentant des troubles importants des fonctions cognitives (D), et enfin (option F) à l’enseignement en établissements régionaux d’enseignement adapté (EREA) et des sections d’enseignement général et professionnel adapté (SEGPA). Le 2CA-SH ouvre l’accès à des postes à profil, notamment en unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS). 19 LA NEUTRALITÉ ET LA LAÏCITÉ Le principe de neutralité vise le respect des opinions de tous. Il se traduit dans la fonction publique par l’interdiction faite aux personnels de divulguer leurs choix politiques, philosophiques ou religieux. Il s’agit même pour le fonctionnaire, au-delà de l’abstention dans le discours, de veiller à ce que ses convictions d’individu n’interfèrent pas dans ses actes d’une manière qui contreviendrait à l’esprit ou à la lettre de sa mission. Pour les élèves, si la liberté d’expression est un droit [37], elle doit cependant ne s’accompagner d’aucune démarche prosélyte et respecter les obligations inhérentes à son usage (notamment par rapport à la diffamation, l’injure, l’apologie des crimes contre l’humanité ou du terrorisme, etc.). S’astreindre à une stricte neutralité est plus ou moins facile selon les postes que l’on occupe. De nombreux champs disciplinaires sont traversés par une dimension politique – même au sens le plus neutre du mot. Certains professeurs sont donc plus exposés que d’autres à laisser transparaître des convictions personnelles. L’objectivité inhérente à leur démarche scientifique, jointe à leur sens de l’éthique, doit cependant leur permettre de respecter les réserves qui s’imposent à eux. Peut-on présenter la laïcité comme une simple déclinaison du principe de neutralité appliqué à la religion ? Sans doute serait-ce réduire la portée de cette valeur fondatrice et spécifique de la République française, que l’actualité récente a mise en lumière de manière crue. Sont ainsi apparues également les contestations dont elle fait l’objet, au nom de la liberté de croyance. Il n’est en effet pas toujours facile de faire comprendre à des élèves ou à leurs parents que la laïcité, en rejetant les questions de foi dans la sphère privée et hors de l’espace public, représente la meilleure garantie de la liberté religieuse, et ne permet pas qu’une confession domine l’autre sur le plan du droit. La difficulté est encore redoublée du fait que l’école est sans doute l’espace le plus laïcisé de la société. La loi du 15 mars 2004 a en effet clarifié la question du port de signes religieux à l’école, du moins pour les élèves. Rappelons que les parents ne sont pas concernés par les interdictions qu’elle énonce, mais que les pratiques religieuses des familles ne sauraient entrer en concurrence avec l’obligation d’assiduité. La liste des fêtes confessionnelles donnant droit à une autorisation d’absence ponctuelle est limitative. La France a fait ainsi le choix d’une application particulièrement stricte des principes de la laïcité à l’école, afin de garantir aux élèves SOMMAIRE 20 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE qui la fréquentent une construction de leurs choix philosophiques futurs dans le climat le plus neutre et apaisé possible, le plus protégé des influences militantes ou familiales, le plus respectueux de leur liberté de conscience et de l’exercice de leur esprit critique en formation. travaillé son propre argumentaire 4 et de ne jamais omettre de rappeler que parler d’une loi, l’expliquer, ne lui retire pas son caractère incontournable.5 Cependant, face à la montée de certaines remises en cause et à la difficulté, parfois, à transmettre une valeur qui n’a pas d’équivalent dans certaines cultures, le ministère a souhaité renforcer l’outillage des enseignants, et plus généralement de l’ensemble des personnels. La Charte de la laïcité [19], qui doit être affichée dans les établissements et, si possible, annexée au règlement intérieur, permet ainsi de réaffirmer les principes tout en encourageant le dialogue et l’explication. Elle décline en particulier les implications de l’application de la laïcité à l’école. Des ressources pédagogiques ont également été produites 3 et des formations développées. Le sujet reste cependant délicat, et les débats se rouvrent régulièrement (assimilation du port d’une jupe longue à un signe d’appartenance religieuse, participation de mères « voilées » aux sorties scolaires en tant qu’accompagnatrices, par exemple). Là encore les professeurs, amenés à évoquer cette question à travers les sujets d’actualité qu’ils traitent, sont particulièrement exposés. En formation initiale et continue, on assiste à une multiplication des questions sur ce qu’il est « légal » de faire ou d’exiger, sur la « réalité » de la présence de telle ou telle prescription dans les textes fondateurs des religions révélées, sur les stratégies de contournement possibles pour maintenir un climat acceptable dans la classe, sur l’intérêt de la coercition, sur la façon de dialoguer avec des parents se réclamant de telle ou telle doctrine, etc. Il n’y a pas de réponse simple à l’ensemble de ces interrogations. Nous pensons cependant qu’il est de la responsabilité de chacun de ne pas refuser l’obstacle et de prendre le risque de la discussion, à condition d’avoir bien Contrairement aux universités du Moyen Âge, les collèges n’ont pas de statut juridique exorbitant du droit public. La loi s’y applique comme en tout point du territoire 5. Cette affirmation qui peut sembler évidente entraîne cependant des conséquences en matière de règlement intérieur, et impose notamment que les élèves soient traités dans le respect d’un certain nombre de principes. 3Certaines ressources sont accessibles sur Eduscol [136], en entrant simplement le mot « laïcité » dans le moteur de recherche du site ; d’autres sont regroupées sur le site de Réseau Canopé consacré à la Grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République (www.reseau-canope.fr/lesvaleurs-de-la-republique). SOMMAIRE Les principes de l’État de droit en matière de justice scolaire Ceux-ci garantissent l’équité des décisions, favorisent leur acceptation par les élèves et leur famille et affirment la dimension éducative de toute sanction susceptible d’être prononcée. Leur application systématique participe ainsi d’un climat scolaire de qualité. Il s’agit notamment du respect : – de la légalité des fautes et des sanctions (qui doivent être mentionnées dans le règlement intérieur) ; – du non bis in idem (pas de double sanction pour les mêmes faits) ; – du contradictoire (l’élève incriminé doit être entendu et peut être défendu) ; – de la proportionnalité et de l’individualisation qui imposent d’examiner chaque situation de manière particulière et d’y répondre de même, ce qui entre parfois en conflit avec des pratiques reliant systématiquement des comportements répréhensibles à telle ou telle sanction (même le Code pénal s’exprime en termes de « fourchettes » !). 4Au besoin, on pourra tout d’abord s’appuyer sur l’anthologie de textes fondateurs sur le sujet dressée par Henri Pena-Ruiz [65]. Pour une mise en perspective historique, on se tournera vers les travaux de Jean Baubérot [75]. L’abécédaire commis par Patrick Cabanel [44] fournira un complément judicieux à ces deux premières références. Notons enfin l’existence de l’Observatoire de la laïcité. Il a pour mission d’assister le gouvernement dans son action visant au respect du principe sur le sol français et propose une documentation fournie (guides, rapports, etc.) accessible en ligne [142]. 5Les forces de police ou de gendarmerie peuvent y intervenir si le contexte le nécessite (enquête diligentée, par exemple), même si une concertation avec le chef d’établissement doit avoir lieu sur les modalités de cette intervention. s’approprier les valeurs et le fonctionnement du service public d’éducation 21 Quels que soient la gravité des faits commis et leur retentissement émotionnel, individuel ou collectif, ces principes de droit doivent être respectés, parce qu’il en va de la cohérence de toute action éducative. Comment enseigner certains principes si nous nous montrons incapables de les appliquer ? Il convient aussi de rappeler que les sanctions sont des actes administratifs susceptibles de recours. Leur motivation écrite est donc obligatoire. Cela explique en particulier la nécessité pour les chefs d’établissement de disposer de « rapports d’incidents » de la part des adultes qui en sont les témoins. Cependant, comme tous les principes que nous venons d’évoquer, ceux qui président à l’exercice d’une justice scolaire conforme aux lois de la République ne sont pas toujours faciles à appliquer. On peut mentionner ici, par exemple, le cas toujours délicat de l’absence de preuve et d’aveu qu’il faut prendre en considération, quand bien même elle irait contre une conviction intime. Depuis plusieurs années, le site sur le climat scolaire hébergé par le réseau Canopé (www.reseau-canope.fr/climatscolaire) propose des ressources, y compris sur les apports de la recherche, afin d’améliorer les pratiques en établissement. Certaines sont exploitables dans le cadre de l’enseignement moral et civique (EMC). Le respect des règles de droit dans les établissements contribue en effet grandement à l’amélioration du climat scolaire, qui constitue, rappelons-le, l’un des objectifs de la Loi de refondation de l’école de la République. Les liens entre la qualité des apprentissages et les conditions dans lesquelles ils s’effectuent ne sont plus à démontrer, et ces questions ne sont nullement l’objet exclusif de spécialistes hors de la classe mais bien l’affaire de tous les membres de la communauté éducative. SOMMAIRE CONNAÎTRE LES OBJECTIFS DES POLITIQUES D’ÉDUCATION Aujourd’hui, les finalités du système éducatif, telles que définies dans le premier article du Code de l’éducation sont les suivantes : « Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté. […] L’école garantit à tous les élèves l’apprentissage et la maîtrise de la langue française. L’acquisition d’une culture générale et d’une qualification reconnue est assurée à tous les jeunes, quelle que soit leur origine sociale, culturelle ou géographique ». Les politiques d’éducation élaborées entendent donc préciser les conditions de la mise en œuvre de ces finalités. Elles sont décrites dans des textes officiels, en une architecture parfois complexe, visant tantôt la définition d’objectifs (lois et décrets), tantôt leur mise en œuvre (circulaires le plus souvent). Nous en dressons ci-dessous un panorama d’ensemble qui va du général (loi d’orientation, décret instituant le socle commun) au particulier (dispositifs développant des politiques spécifiques). La Constitution, dans son article 34, stipule que c’est la loi qui détermine les principes fondamentaux de l’enseignement. Il s’agit donc d’une compétence du législateur, exprimant les choix de la nation. S’agissant d’objets de portée générale, le recours à des lois dites « d’orientation » s’est développé. Celle qui est actuellement en vigueur est la Loi pour la refondation de l’école de la République [23], dont l’idée maîtresse est la lutte contre les inégalités de réussite scolaire. La priorité donnée à l’école primaire où s’installent aussi de nouveaux rythmes scolaires, la rénovation des programmes, la lutte contre le décrochage, le renforcement de l’éducation prioritaire, le développement d’une stratégie du numérique, l’amélioration du climat scolaire, la modernisation des métiers et la formation des enseignants (avec la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation ou ESPE) constituent les axes forts de ce texte. La réforme du collège en est une émanation directe. Si la loi fixe des objectifs généraux de nature politique, les contenus d’enseignement sont souvent déterminés par décret. Il en va ainsi du « socle commun de connaissances, de compétences et de culture », qui vient d’être redéfini [16] en même temps que les programmes et l’organisation des différents cycles. Cinq grands domaines regroupent les acquisitions en jeu : les langages pour penser et communiquer, les méthodes et outils pour apprendre, la formation de la personne et du citoyen, les systèmes naturels et les systèmes techniques, enfin les représentations du monde et de l’activité humaine. Mais la nouveauté consiste aussi dans la façon dont s’articulent ces différentes composantes : pour la première fois en effet, le socle commun précède les programmes. Les contenus sont donc placés, pour chaque discipline, au service de l’acquisition d’un ensemble plus vaste organisé autour de la notion de compétence. Cette approche représente l’un des changements majeurs introduits par les réformes en cours et va faire considérablement évoluer les modes d’évaluation des élèves. Parallèlement aux grandes orientations que nous venons de rappeler, le ministère élabore également des politiques éducatives plus particulières, précisant des axes de la loi d’orientation ou – toujours en cohérence avec elle – développant des orientations correspondant à des besoins sociaux repérés, souvent dans une logique interministérielle. Ces politiques font généralement l’objet de circulaires paraissant au Bulletin officiel. On peut prendre l’exemple de la promotion de l’égalité femmes-hommes, de la lutte contre le harcèlement en milieu scolaire, mais aussi de la mise en place des différents parcours (avenir, citoyen) ou de la lutte contre l’illettrisme. Ces dispositifs spécifiques traduisent la confiance de la société dans le processus éducatif pour former des citoyens plus éclairés. Ils constituent également un lien entre des savoirs scolaires et le monde dans lequel ils devront être mobilisés. À ce titre, l’enseignement moral et civique (EMC) ainsi que les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) peuvent devenir les espaces privilégiés du déploiement de certaines de ces politiques publiques, SOMMAIRE 24 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE caractérisées par leur transversalité. Un exemple de déclinaison en établissement d’un axe de politique éducative est présenté dans la deuxième partie [voir encadré page 36].1 2 Un exemple de politique éducative : La grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République Suite aux attentats perpétrés en janvier 2015 et à la mobilisation citoyenne qui s’est ensuivie, le ministère a souhaité relancer la transmission des valeurs républicaines au sein des établissements scolaires. Onze mesures ont été annoncées en février 2015. Il ne s’agit pas ici d’en détailler l’ensemble, aisément accessible sur le site ministériel, mais plutôt de voir comment les acteurs peuvent se les approprier. Cette mobilisation intéresse l’ensemble des enseignants. Mais il n’est pas question d’ajouter de nouveaux contenus à transmettre. Il s’agit plutôt d’intégrer cette préoccupation à un enseignement régulier, en choisissant les modalités de travail les plus adaptées au public et à l’établissement concerné. Il n’est pas anodin que le ministère ait choisi de ne pas passer par la voie d’une circulaire – les dispositifs permettant la mise en œuvre existant déjà –, mais plutôt par celle d’un dossier rassemblant les propositions pour des déclinaisons locales 1. Relance de la formation continue sur la laïcité et l’enseignement laïque du fait religieux, travail en direction des parents d’élèves, poursuite des partenariats avec les collectivités locales pour la réussite éducative, développement du lien avec les associations agréées de lutte contre le racisme, dynamisation des conseils de la vie collégienne 2, intensification des mesures de lutte contre le décrochage scolaire, de prise en compte de la grande pauvreté et en faveur de la mixité sociale à l’école : on le voit, la commande consiste à mettre des savoir-faire déjà éprouvés au service d’un objectif d’éducation à la citoyenneté et de renforcement de la cohésion nationale. 1Un site regroupe des ressources pour accompagner cette déclinaison en établissement : www.reseau-canope.fr/les valeurs-de-la-republique. 2Ces conseils sont institués par le décret n°2016-1631 du 29 novembre 2016. Leurs attributions, composition et fonctionnement sont précisés par la circulaire n°2016-190 du 7 décembre 2016 (B.O. n° 45 du 8 décembre 2016). Il est prévu que deux représentants au moins des personnels y siègent, dont un enseignant. SOMMAIRE Cette mobilisation se traduit aussi par la mise en œuvre du parcours citoyen. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais la notion de parcours est très emblématique de cette nouvelle approche de l’acquisition des savoirs et des compétences, préconisée par la réforme du collège, c’est-àdire la formalisation par l’élève de ses acquis sur des objets, qui ne sont pas des matières d’enseignement mais se construisent progressivement, à travers elles, mais aussi en dehors. L’institutionnalisation de temps forts et symboliques doit également être soulignée : journée de la laïcité (9 décembre), participation accrue aux opérations mémorielles existantes (semaine d’éducation et d’actions contre le racisme et l’antisémitisme – autour du 21 mars –, journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité – le 27 janvier –, etc.), cérémonie républicaine de remise des diplômes du DNB à partir de la rentrée 2016 [voir encadré page 27]. Il s’agit ici de remettre à l’ordre du jour des rituels propres à développer le sentiment d’appartenance à une communauté de culture et de valeurs. Citons enfin le développement d’une « réserve citoyenne », c’est-à-dire d’un vivier de bénévoles agréés par les autorités académiques, disponibles à la demande des enseignants, et dont le parcours antérieur les prédispose à intervenir en milieu scolaire [voir encadré page 96]. L’ensemble de ces dispositions visent donc à renforcer les valeurs républicaines au sein de l’École, en complétant les savoirs déjà inscrits dans les programmes (de l’éducation morale et civique notamment) par des dispositifs pouvant concerner tous les membres de la communauté éducative et visant à donner de ces valeurs des illustrations « en actes », capables d’en démontrer le caractère vivant et opérationnel pour notre société démocratique. SAVOIR SE REPÉRER DANS L’ORGANISATION DU SERVICE PUBLIC D’ÉDUCATION Le système éducatif articule trois modes d’organisation : la centralisation, la déconcentration et la décentralisation. Cette combinaison répond à des objectifs d’efficacité : si l’éducation reste une affaire nationale, les évolutions dans les différentes administrations, en France comme à l’étranger, montrent qu’on peut attendre de la proximité et de la capacité d’initiative des acteurs une amélioration du service rendu. LE MINISTÈRE L’Éducation nationale demeure une organisation très hiérarchisée. À sa tête, le ministère conserve des compétences qui garantissent l’unité et la cohérence des politiques d’éducation conduites sur le territoire et en particulier la définition et la mise en œuvre des objectifs, la détermination des programmes d’enseignement, l’organisation des examens et la délivrance des diplômes, le recrutement, l’organisation de la carrière des personnels (hors certains personnels techniques et de service), et leur formation. La Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) regroupe les services centraux. C’est le centre névralgique du système, d’où partent les instructions et où remontent les résultats. Son champ d’action est vaste, puisqu’il couvre aussi bien, et entre autres, le dialogue de performance avec les académies (qui fixe les objectifs et les moyens alloués en conséquence), le pilotage des examens, la personnalisation des parcours scolaires, la recherche et l’innovation dans le domaine éducatif, que la vie lycéenne et collégienne, la prévention de la lutte contre la violence, ou le numérique pour l’éducation. Les deux inspections générales, l’une de l’Éducation nationale (IGEN), l’autre de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche (IGAENR), forment un autre pilier de l’administration centrale. La première est organisée en groupes disciplinaires (histoiregéographie, lettres, etc.) et thématiques (Premier degré, Établissements et vie scolaire, etc.). Elle a pour mission « d’assurer le suivi des méthodes pédagogiques et des politiques éducatives. Elle évalue également leurs résultats pour l’enseignement primaire et secondaire ». Elle accompagne à ce titre les inspections territoriales (inspections pédagogiques régionales et inspections de circonscription du primaire) et peut programmer des visites dans les classes pour observer des pratiques innovantes, ou statuer sur la candidature d’un enseignant à un poste en classe préparatoire. La seconde, divisée en groupes territoriaux, « a compétence sur tous les aspects administratifs du système éducatif, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle suit la mise en œuvre des politiques éducatives et leur impact général 1 ». Les inspections générales peuvent travailler conjointement. Leur programme de travail est arrêté par le ministre, mais elles sont indépendantes quant à leurs conclusions, ce qui en fait des organes de conseil très précieux. Leurs rapports sont publics et accessibles en ligne ; ils constituent pour les enseignants une source d’information et de réflexion très stimulante. Le ministère s’appuie également sur des organismes rattachés (comme le Conseil national des programmes, qui possède des fonctions de propositions et d’avis) ou des établissements publics sous tutelle qui remplissent des missions particulières. Ils sont généralement bien connus des enseignants : le Centre national d’enseignement à distance (CNED), le Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’information (CLEMI), Canopé (ex-CNDP ou Centre national de documentation pédagogique), l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ou l’Institut français de l’éducation (IFE, ex-INRP ou Institut national de recherche pédagogique). 1Source : site du ministère. SOMMAIRE 26 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE LE PREMIER ÉCHELON DE LA DÉCONCENTRATION : L’ACADÉMIE L’Éducation nationale bénéficie de circonscriptions administratives propres : les académies dirigées par des recteurs nommés en conseil des ministres. Le rectorat est le premier niveau de la déconcentration, c’est-à-dire de cette organisation en pyramide qui permet à une administration d’être représentée sur l’ensemble du territoire, au plus près de ses usagers, sans pour autant renoncer à ses compétences. Les rectorats gèrent donc à peu près les mêmes domaines que le ministère, mais à un échelon plus limité. Les enseignants sont en relation régulière avec l’administration académique, ou avec ses services départementaux, les anciennes « inspections académiques » appelées aujourd’hui directions des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN). C’est là que se réalisent les opérations de gestion les concernant : paye, mutations pour les phases intraacadémiques, avancement, évaluation, remplacement, formation, et toute mise à jour de leur situation personnelle. L’ouverture du service à distance I-prof a représenté une amélioration nette dans le dialogue entre les services académiques et les agents, qui peuvent par cet intermédiaire communiquer directement avec la personne en charge de leur dossier sans même connaître son nom (de fait, il y a beaucoup de rotation sur les postes en rectorat). La consultation de l’organigramme de son rectorat, disponible sur tous les sites académiques, peut constituer une aide pour mieux comprendre l’organisation d’ensemble et repérer les différents services ainsi que leurs champs de compétences. Le rectorat gère également les moyens alloués, suite au dialogue de performance 2 qu’il conduit avec le ministère. C’est donc à ce niveau que se répartissent les dotations horaires globales (DHG) – pour assurer les enseignements prévus par les textes –, mais aussi les indemnités pour missions particulières (IMP) et différents crédits de soutien à l’activité pédagogique et éducative. On retrouve, entre le rectorat et les établissements scolaires, des fonctionnements similaires à ceux qui existent entre le ministère et l’académie : déclinaison des politiques nationales 2On désigne par dialogue de performance, les échanges entre le Ministère et les rectorats qui aboutissent à l’attribution des moyens annuels, en fonction des projets académiques et des engagements pris pour la réalisation des objectifs définis en commun. SOMMAIRE en fonction du contexte spécifique au territoire (les besoins ne sont effectivement pas les mêmes en milieu rural ou en centre-ville ou encore en zone d’éducation prioritaire), dialogue de gestion et de performance débouchant sur un contrat d’objectifs passé entre le recteur et les chefs d’établissements, évaluation conjointe des résultats. Si le rectorat lui paraît parfois bien lointain, le professeur exerce en réalité dans un environnement quotidien largement conditionné par des décisions qui y sont négociées (avec les organisations syndicales, ou avec les personnels de direction) ou simplement arrêtées. Or pour prendre des décisions éclairées, les services académiques ont besoin d’informations ; c’est pourquoi il est entré dans la culture professionnelle de formaliser – en particulier des projets – et d’évaluer les coûts et les retombées attendues des actions conduites pour échanger aussi sur des éléments quantitatifs et qualitatifs. Le rectorat exerce enfin des missions de conseil aux établissements et aux personnels, notamment sur le plan juridique. Cela peut prendre la forme de ce que l’on appelle un « contrôle de légalité », lorsque les services académiques vérifient par exemple qu’aucune disposition d’un règlement intérieur récemment modifié ne contrevient à la loi. Il peut également s’agir de la mise en œuvre de la protection juridique dont bénéficie, sur simple demande, tout enseignant victime de violences dans l’exercice de ses fonctions [voir tableau p. 14]. Le conseil peut également déboucher sur l’accompagnement ; nous pensons ici au rôle du service social des personnels, des médecins de prévention ou plus largement des services d’aide aux personnels en difficulté, qui existent sous des formes variées dans les différents rectorats. Enfin, un médiateur académique peut intervenir pour accompagner des parties en conflit vers une issue acceptée par tous. LA DÉCENTRALISATION DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF Les grandes lois de décentralisation 3 ont progressivement accordé des compétences aux collectivités territoriales dans le domaine éducatif. C’est le conseil départemental qui intervient pour les collèges. Ses 3Lois Defferre en 1982-1983, puis loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, et loi n° 20101563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales. s’approprier les valeurs et le fonctionnement du service public d’éducation prérogatives portent sur la construction, l’équipement et l’entretien des établissements (une subvention de fonctionnement est allouée chaque année), la mise à disposition des personnels de service et de certains personnels techniques, la restauration scolaire pour les élèves (c’est notamment lui qui fixe le prix des repas facturés aux familles), la carte scolaire (secteurs de recrutement des élèves). Les relations avec le conseil départemental passent beaucoup par l’adjoint-gestionnaire, qui veille à toutes les questions matérielles au sein du collège. Cette collectivité territoriale peut intervenir également sur des dimensions éducatives, notamment à travers des politiques publiques qui ont un fort ancrage territorial (numérique éducatif, réussite éducative, politiques de prévention dans le domaine de la santé, etc.). Le conseil départemental dispose d’ailleurs de représentants au conseil d’administration des collèges. C’est aussi le cas de la commune d’implantation de l’établissement, avec laquelle des synergies existent également (partenariats avec les structures culturelles locales, par exemple). Les lois de décentralisation ont conduit à donner, dès 1985, un nouveau statut aux établissements scolaires du second degré, devenus établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Les collèges disposent de ce fait d’une certaine autonomie, notamment sur leur organisation et sur une déclinaison des objectifs nationaux adaptée à la spécificité de leur public. Cependant, leur positionnement dans l’organisation du service public d’éducation les place précisément au confluent des trois modes d’organisation que nous évoquions plus haut, et qui viennent s’y articuler. Les compétences du chef d’établissement illustrent bien la complexité de ce montage, puisque celui-ci est à la fois le représentant de l’État dans l’établissement, son directeur, le président de son conseil d’administration, mais aussi le responsable fonctionnel de personnels mis à sa disposition (agents de service, auxiliaires de vie scolaire). Y A-T-IL ENCORE UNE ÉDUCATION NATIONALE ? Dans ce schéma d’ensemble, peut-on alors encore parler d’une éducation « nationale » ? Oui, car l’État conserve les compétences majeures que constituent le choix des programmes, la définition et la délivrance des diplômes, ainsi que le recrutement, la rémunération et la formation des enseignants. En 27 collège, c’est également lui qui subventionne l’achat des manuels scolaires choisis par les équipes, et qui seront prêtés aux élèves. L’État garde donc la main sur tout ce qui touche aux contenus, aux objectifs, et aux modalités d’enseignement et d’évaluation. Ainsi, quels que soient le point du territoire et les modes d’organisation retenus, les élèves sont assurés de recevoir un enseignement dont le socle commun reste indiscutable. Le diplôme national du brevet Le diplôme national du brevet (DNB) est le premier examen que les élèves rencontrent dans leur scolarité. Il a été totalement rénové pour la session 2017 [4]. Il continue cependant à conjuguer contrôle continu et contrôle final, selon la configuration du tableau page suivante. Les évolutions vont plus loin que la simple redéfinition des épreuves. Certaines disciplines entrent désormais dans le contrôle final. Les épreuves écrites reposent sur une combinaison de disciplines articulées autour d’un thème en fil rouge. En durée cumulée, les exercices sont plus longs. L’épreuve orale porte sur un projet choisi par l’élève, qu’il aura mené dans le cadre des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) ou de l’un des parcours qu’il aura suivis. Enfin, ce sont les compétences du socle commun qui fourniront les points du contrôle continu, et non les moyennes obtenues dans les différentes disciplines. Ces nouveautés imposent une concertation importante dans les établissements, qu’il s’agisse de déterminer la meilleure façon de préparer les élèves aux épreuves, de s’entendre sur ce que peuvent recouvrir les différents niveaux de compétence dans une perspective interdisciplinaire ou de la façon d’évaluer l’épreuve orale. Dernière nouveauté que nous avons déjà mentionnée : l’instauration d’une cérémonie républicaine de remise des diplômes [2] qui doit avoir lieu de préférence dans la quinzaine précédant les vacances de Toussaint, dans l’établissement d’origine. Il s’agit de donner une certaine solennité à l’obtention de ce premier examen national, et peut-être aussi de réintroduire une forme de rite de passage à l’achèvement de la scolarité obligatoire et commune à toute une classe d’âge. Les établissements sont invités à donner une large assise à ce temps de la vie de l’établissement, en y associant par exemple des SOMMAIRE 28 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE élus et des partenaires de l’école. La mise en œuvre de cette disposition est intervenue à la rentrée 2016 pour les lauréats de la session 2016. À compter de la session 2017, la remise devrait être accompagnée de celle du « livret citoyen » qui « associera aux textes fondateurs de leur vie de citoyen toutes les formes d’engagement qu’ils auront prises durant leur scolarité obligatoire, en faisant référence à leur espace personnel dans l’application Folios 4 » 4 CONTRÔLE CONTINU SUR 400 POINTS Évaluation des compétences dans : Pour chacun des champs de compétence décrits ci-contre : – Les quatre sous-domaines du domaine 1 : langue française, langues vivantes étrangères ou régionales, langages mathématiques, scientifiques et informatiques, langage des arts et du corps – 10 points pour « maîtrise insuffisante » – Les quatre autres domaines : méthodes et outils pour apprendre, formation de la personne et du citoyen, systèmes naturels et systèmes techniques, représentations du monde et de l’activité humaine. – 25 points pour « maîtrise fragile » – 40 points pour « maîtrise satisfaisante » – 50 points pour « très bonne maîtrise ». CONTRÔLE FINAL – Épreuve écrite de français, histoire-géographie et enseignement moral et civique (3 heures + 2 heures). – Épreuve écrite de mathématiques, SVT, physique-chimie et technologie (2 heures + une heure). – Épreuve orale de présentation d’un projet interdisciplinaire conduit dans le cadre des EPI ou des parcours (5 minutes d’exposé environ et 10 minutes d’entretien avec le jury). SUR 300 POINTS – Sur 100 points. – Sur 100 points. –S ur 100 points (50 pour la maîtrise de l’expression orale et 50 pour celle du sujet présenté). 4« Folios » est une application de type porte-folio ou classeur numérique, créée par l’ONISEP pour accueillir les travaux réalisés dans le cadre du parcours Avenir. Elle est accessible depuis le site de cet organisme [138]. Les établissements sont invités à s’en servir également pour compiler les productions des élèves sur les autres parcours. Cette application présente l’avantage d’un outil national : l’élève pourra ainsi revenir à son espace personnel quel que soit son lieu de scolarisation. Elle dispose d’une ergonomie simple, et permet à l’enseignant d’accéder aux documents déposés par ses élèves. Les référents TICE de chaque établissement sont en principe formés pour accompagner le déploiement de cet outil. SOMMAIRE COMPRENDRE LES DÉMARCHES DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DE L’ÉCOLE La culture de l’évaluation a été lente à pénétrer dans l’Éducation nationale mais, si des progrès restent encore à accomplir, son développement sur les vingt dernières années est indéniable. Contrairement à une idée reçue, l’évaluation des politiques publiques en général, et des politiques éducatives en particulier constitue un espace toujours ouvert de recherche 1, et elle ne se préoccupe pas seulement de statistiques et de données quantitatives, loin s’en faut. Par ailleurs, les exigences constitutionnelles en matière de finances publiques 2 rejoignent aujourd’hui celles du contribuable. Il est devenu normal de rendre compte, surtout lorsque l’on bénéficie du premier budget de l’État en volume (65 milliards d’euros environ en 2015, hors enseignement supérieur et recherche) et de pouvoir décrire l’utilisation des crédits. La Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), votée en 2001, a donné à la représentation nationale un outil de contrôle plus conforme à une démocratie avancée, en lui permettant de relier les budgets alloués aux politiques mises en œuvre, et en disposant de moyens pour vérifier leur emploi. Organisant la façon dont doivent s’élaborer les budgets prévisionnels et se présenter les lois de règlement (rendu des comptes après dépenses), elle fonctionne selon un schéma de définition d’objectifs, de moyens attribués, d’indicateurs de réussite et de remontée des résultats. C’est également avec la LOLF que sont apparues des nuances entre l’efficacité (ai-je atteint mon objectif ?), l’efficience (ai-je bien utilisé les moyens mis à ma disposition pour atteindre mon 1C’est ce que montre notamment Xavier Pons, dans une synthèse très accessible sur l’évaluation des politiques éducatives [66] 2Faut-il d’ailleurs rappeler que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 stipule en son article 15 que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » ? objectif ?) et la performance qui combine efficacité, efficience et qualité du service rendu. Entrer dans une démarche d’évaluation constitue aussi un accélérateur de la réflexion sur son métier. Il ne faut pas non plus négliger l’usage qui peut en être fait dans le domaine de la communication : l’effort de formalisation et de transparence qu’elle suppose est généralement apprécié par les interlocuteurs. Enfin, mettre en place une évaluation interne de ses pratiques professionnelles permet de compléter voire de nuancer celles qui sont produites par des observateurs externes. Ainsi le ministère a réussi, par le biais d’enquêtes statistiques réalisées en son sein, à relativiser dans l’esprit du public la notion de « classement des lycées » en apportant d’autres éléments que le simple taux de réussite au baccalauréat : valeur ajoutée en mesurant les écarts entre résultats obtenus et résultats attendus (en fonction notamment des catégories socioprofessionnelles et du retard scolaire), taux de réussite des cohortes valorisant les efforts des établissements gardant tous leurs élèves, etc. Ces informations ont permis à l’opinion publique (et aux journalistes) de comprendre que la notion de réussite devait également prendre en compte le public accueilli. Dans les établissements scolaires, on retrouve d’ailleurs cette complémentarité entre évaluations internes (prévues dès l’élaboration des projets) et externes (suivi et analyse d’indicateurs fixes fournis par les rectorats, par exemple). La comparaison des données de l’EPLE avec celles qui sont produites sur le plan national, par exemple, fournit des repères et vient éclairer des données brutes, qui en elles-mêmes ne sont pas toujours signifiantes. Le souci de mieux cerner les évolutions du système éducatif et de les objectiver se lit dans le développement, au cours des dernières décennies, de l’activité des principaux acteurs ministériels de l’évaluation. SOMMAIRE 30 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) édite par exemple des notes d’analyse statistique très synthétiques (quatre à six pages comprenant des graphiques), des dossiers 3, ainsi que des études récurrentes, ce qui permet de dégager des tendances dans le temps (L’état de l’école, par exemple, qui paraît tous les ans)4. Le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), ensuite, a été créé par la Loi pour la refondation de l’école de la République et installé le 28 janvier 2014. « Il assure un triple rôle : un rôle de production d’évaluations et de synthèses d’évaluations, notamment dans une perspective internationale, un rôle d’expertise méthodologique des évaluations existantes et un rôle de promotion de la culture de l’évaluation en direction des professionnels de l’éducation et du grand public 5 ». Les deux inspections générales, enfin, agissent dans ce domaine en fonction d’un programme arrêté par le ministère. Elles produisent notamment des rapports qui présentent de l’intérêt pour les enseignants. Ils sont généralement bâtis sur le même plan : le rappel de la commande ministérielle, une introduction qui constitue bien souvent un résumé du rapport, une explicitation de la démarche et du panel d’enquête retenus, une description des phénomènes observés, leur interprétation et des préconisations, qui peuvent être présentées au fil du texte mais sont généralement récapitulées en fin de volume. Les méthodes utilisées sont très diverses et se veulent volontairement complémentaires : recours à des données statistiques existantes, analyse de la réglementation en vigueur, interviews des acteurs impliqués aux différents échelons concernés, études de situations à partir de grilles communes, apport de la recherche. Ce choix, qui est bien éloigné d’une entrée exclusive par les chiffres, montre assez la volonté de disposer d’évaluations qualitatives portant aussi bien sur des pratiques, des processus, des organisations que sur des résultats, en un mot : sur des politiques. Signalons enfin que, toujours dans un souci de mise en perspective, les évaluations produites par le ministère sont régulièrement croisées avec les résultats des études internationales, menées notamment au sein 3Par exemple : « Lecture sur support numérique en fin de collège : un peu plus d’un élève sur deux est capable de développer des stratégies d’appropriation de l’information » (note n° 43, novembre 2015). 4Ces productions sont téléchargeables depuis le site du ministère (onglet « Études & Stats » de la page d’accueil). 5Source : site du ministère. SOMMAIRE de l’OCDE (comme l’enquête PISA, déjà évoquée dans notre introduction) ou avec toutes les formes d’évaluation externes auxquelles sont soumis les services publics : rapports de la Cour des comptes, rapports d’enquête parlementaire, par exemple. PENSER SON ACTION DANS LE CADRE DE L’ÉPLE L AURENCE MARION SOMMAIRE La classe reste dans de nombreux esprits ce « sanctuaire » où la transmission des savoirs doit se dérouler dans les meilleures conditions, le lieu le plus symboliquement attaché au métier d’enseignant. Et, de fait, l’établissement scolaire continue à mobiliser la majeure partie des processus et des compétences qu’il met en œuvre, en particulier chez les non-enseignants, au service de ce moment particulier qu’est le face-à-face pédagogique. Cependant, les évolutions des savoirs pédagogiques et didactiques, des missions des professeurs et même des attentes sociales envers l’école amènent à considérer le cours différemment : de temps et espace clos, il devient un moment et un lieu ouverts aux influences externes. Et c’est à l’enseignant d’établir le lien entre l’intérieur et l’extérieur, à penser les apports, les échanges, les transitions. C’est pourquoi l’établissement scolaire, interface vers laquelle convergent les problématiques sociales et les commandes institutionnelles, et qu’il traduit en modalités d’organisation des apprentissages, est devenu le véritable cadre d’exercice pour le métier d’enseignant. Par ailleurs, la réforme du collège insiste sur la nécessité pour le professeur de donner du sens aux apprentissages en ouvrant des perspectives plus larges que celles de son enseignement disciplinaire et même du cadre scolaire. Il va donc inscrire sa pratique, plus encore qu’auparavant, dans des démarches collectives, ou du moins partagées. En réalité, il n’avait déjà que rarement le monopole de la relation avec ses élèves, y compris sur le plan didactique, puisque ceux-ci sont souvent confiés, pour une même discipline, à des enseignants différents chaque année. La réforme va probablement amplifier ce phénomène et complexifier les rapports pédagogiques au sein de la classe. Enfin, les enseignants ressentent souvent la nécessité de prises de position communes, notamment sur le plan éducatif (pourquoi faire respecter telle ou telle interdiction dans mon cours si ce n’est pas le cas dans le cours suivant ?). Mais ils sont parfois démunis pour trouver les outils qui garantissent une certaine homogénéité des attitudes tout en laissant à chacun la liberté de conduire sa classe comme il l’entend. Nous pensons que l’établissement scolaire peut être le lieu de cette cohérence. En s’appropriant les problématiques d’ensemble qui traversent le collège, les enseignants peuvent ainsi rompre la solitude professionnelle, source potentielle de difficultés. Réussir la réforme du collège suppose des échanges nourris entre les professeurs, mais aussi le développement d’un sens du collectif qui permettra de s’accorder sur des axes de travail pour lesquels chacun se sente engagé (repères de progressivité dans une discipline, par exemple, compétences à traiter prioritairement en accompagnement personnalisé dans une classe, contribution des disciplines aux différents parcours, etc.). L’établissement doit être alors un cadre professionnel rassurant, qui permette le débat sans le jugement, la confrontation au réel sans la peur, la synthèse sans la frustration. La bonne connaissance de son fonctionnement et des personnes qu’on y côtoie, le respect des missions et des compétences de chacun contribuent très certainement à créer le climat de confiance, de soutien, voire d’émulation, nécessaire tant à un développement professionnel harmonieux qu’à la mise en œuvre de nouveaux dispositifs ou à l’amélioration des résultats des élèves. SOMMAIRE PRENDRE LA MESURE DE L’ÉPLE COMME ENVIRONNEMENT PROFESSIONNEL C’est au sein de l’établissement que se développe l’espace relationnel immédiat de l’enseignant. Une approche naïve et incantatoire de la notion de « travail en équipe » a parfois laissé penser qu’un groupe est nécessairement plus efficace et plus « confortable » dans les situations de travail, ce qui ne reste vrai qu’à certaines conditions, notamment d’adhésion et de compréhension mutuelle. On peut observer dans les faits deux formes de travail collectif. L’un est contraint par les exigences de l’organisation : le professeur se trouve ainsi automatiquement membre des équipes pédagogiques des classes dans lesquelles il enseigne ainsi que d’une équipe disciplinaire. L’autre relève davantage de groupes d’affinités, qui se constituent souvent au gré de sensibilités pédagogiques proches, peuvent fonctionner de façon informelle et se retrouvent souvent à l’origine des projets. Ces deux formes ne s’excluent évidemment pas et l’enseignant doit savoir travailler dans ces différents contextes. La réussite d’une équipe tient en réalité à sa capacité à rester concentrée sur les objets et les objectifs, ainsi qu’à tenir à bonne distance les divergences et les questions « de personnes ». L’activité de l’enseignant au sein de son établissement est également de nature à influencer son quotidien professionnel. En participant à l’élaboration des décisions qui y sont prises, il peut en effet contribuer à modifier les conditions matérielles dans lesquelles il exerce ses fonctions, mais aussi peser sur des choix de politique pédagogique et éducative qui impacteront jusqu’aux contenus de son enseignement. C’est que l’établissement public local d’enseignement (EPLE) est une structure administrative autonome, personne morale décisionnaire sur des points aussi fondamentaux que ses finances, son organisation, la déclinaison locale des objectifs académiques et nationaux, ou les partenaires dont elle souhaite s’entourer. Cette autonomie se concrétise dans trois grands documents : le budget prévisionnel, le règlement intérieur et surtout le projet d’établissement. Nous reviendrons sur les deux derniers. Or les textes qui encadrent le statut juridique de l’EPLE 1 prévoient que cette autonomie soit utilisée et régulée par différentes instances ; certaines sont décisionnelles, d’autres consultatives, mais les enseignants y sont toujours représentés. Il s’agit du conseil d’administration, du conseil pédagogique, des conseils d’enseignement et des conseils de classe, mais aussi du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) et du conseil de la vie collégienne (CVC). Les professeurs ont tout intérêt à ce que l’un des leurs y siège, car leurs compétences portent notamment sur les questions éducatives et recoupent souvent des problématiques irriguant les cours, telles que l’enseignement moral et civique, l’éducation aux médias et à l’information, l’ouverture culturelle ou les relations avec le monde économique. Le CESC, par exemple, analyse les besoins, arrête un certain nombre d’opérations qui peuvent être conduites sur des temps d’enseignement ou articulées à eux, et construit à cet effet des politiques partenariales (avec les représentants de la justice, de la police, de la sécurité civile ou des pompiers, de certains services des collectivités territoriales – des conseils municipaux de jeunes existent par exemple dans certaines communes – mais aussi d’institutions culturelles ou d’associations de prévention) [1]. Quant au conseil de 1Le premier de ces textes a suivi de près les lois de décentralisation, puisqu’il s’agit du décret n° 85-924 du 30 août 1985. De nombreux autres ont suivi ; ils sont regroupés dans le Code de l’éducation, dans la deuxième partie, au titre IV – Les établissements scolaires. Il s’agit d’un corpus volumineux dont la présentation et le commentaire ne trouveraient pas leur place ici. Nous faisons donc le choix d’évoquer les dispositions qui concernent plus directement les enseignants et donnent un peu mieux à saisir, nous l’espérons, l’architecture d’ensemble. SOMMAIRE 34 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE la vie collégienne, de création récente 2, il est l’occasion pour les élèves d’un apprentissage concret de l’autonomie, de la citoyenneté et de la démocratie, puisqu’il est force de proposition pour toute question ayant trait à la vie scolaire dans l’établissement. Il est important que les jeunes soient accompagnés par des adultes dans ces démarches, et pas seulement par des personnels spécialisés, pour éviter que ne s’installe une fracture dommageable entre la classe et « le monde ». Plus directement lié aux préoccupations premières des enseignants, le conseil pédagogique a été institué par la loi d’orientation de 2005 [32]. Il s’agit d’une instance très souple, tant dans sa composition ou ses objets de travail que dans ses modalités de fonctionnement, qui demeurent à la main du chef d’établissement qui le préside. Consultatif, il accueille en général a minima le coordinateur de chaque discipline et un représentant des professeurs principaux de chaque niveau, un professeur-documentaliste et un CPE. Il peut être élargi, notamment aux différents professeurs référents (culture, TICE…). Les débats et les propositions qui en ressortent, exclusivement consacrés aux questions pédagogiques, intéressent directement l’ensemble des professeurs de l’établissement : on peut donner comme exemple le bilan pédagogique annuel 3, l’utilisation des indemnités pour missions particulières (IMP) [15], la politique de formation de l’établissement, l’organisation d’examens blancs ou de devoirs communs, la mise en œuvre des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), la construction des parcours, etc. Les avis émis par le conseil pédagogique permettent souvent d’éclairer les débats en conseil d’administration. Les enseignants ont donc tout intérêt à investir cet espace, ou à en alimenter la réflexion par leurs échanges avec leurs représentants. 2Le décret n° 2016-1631 du 29 novembre 2016 instituant les conseils de la vie collégienne est paru au Journal officiel n° 0279 du 1er décembre 2016. 3Celui-ci doit être présenté au conseil d’administration qui en vote l’approbation. Présenté par le chef d’établissement qui en choisit l’organisation, il porte, entre autres, sur les résultats de l’établissement (examens, passages, orientations), les choix en matière de politique éducative, la mise en œuvre des objectifs du projet d’établissement et des différents dispositifs prévus par les textes, les bilans des sorties pédagogiques et des associations hébergées (association sportive, foyer socio-éducatif). Il est transmis, comme tous les actes faisant l’objet d’un vote au conseil d’administration, à la direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN). SOMMAIRE Les collèges sont fortement marqués par une organisation reposant sur une forme de division du travail, avec des grands « pôles » d’activité que l’on peut regrouper autour de la pédagogie, la vie scolaire, l’administration et le conseil (nous pensons ici à ces acteurs que sont le psychologue de l’Éducation nationale, l’assistant social ou le médecin scolaire, qui exercent à la fois dans l’établissement et en dehors). Cependant, si la facilitation de l’acte d’enseignement entre dans les missions de la plupart des personnels présents dans l’établissement, ceux-ci ont aussi des activités spécifiques dont il appartient en retour à l’enseignant de faciliter le déroulement. La qualité de la « remontée » des appels, par exemple, conditionne le travail du service vie scolaire dans la lutte contre l’absentéisme ; la précision des références sur un bon de commande va améliorer la réactivité du service d’intendance, et le respect des calendriers annoncés l’efficacité du secrétariat. Il y va donc de l’intérêt de tous que de connaître et respecter les missions et les compétences présentes dans son environnement professionnel immédiat. INTÉGRER LES CHOIX POLITIQUES DE L’ÉTABLISSEMENT Les modalités de pilotage préconisées aujourd’hui invitent les chefs d’établissement à faire une large place aux démarches reposant sur la participation et la collaboration des enseignants, dans le domaine des politiques conduites au sein du collège. Il s’agit d’offrir des espaces leur permettant de porter des propositions, à charge pour eux de s’en emparer. Les choix pédagogiques et éducatifs de l’établissement s’expriment dans deux documents majeurs, que tout professeur doit connaître : le règlement intérieur et le projet d’établissement. La présence du règlement intérieur ici peut surprendre. Pourtant, sa présentation et son organisation reflètent bien les choix éducatifs de l’établissement. De quelles valeurs souhaitons-nous faire particulièrement la promotion et comment ? Quelle philosophie applique-t-on à la gestion des transgressions ? Par quoi sont motivées les différentes dispositions prises ? Comment le règlement est-il présenté pour être le plus accessible possible ? Bien conçu, il devient un véritable outil au service de l’action éducative, d’autant que son élaboration devrait associer l’ensemble de la communauté scolaire. Il participe alors pleinement à l’amélioration du climat scolaire, voulue par la Loi de refondation de l’école de la République. La qualité de ce texte ne relève pas, bien évidemment, de la mission des professeurs, mais ils peuvent soutenir les initiatives qui seraient prises dans le sens d’un progrès ou être force de proposition. Pour jouer pleinement son rôle éducatif, le règlement intérieur doit régulièrement évoluer, non pas pour faire varier son degré de permissivité, mais pour s’adapter aux différents changements qui affectent les établissements et conserver sa pleine actualité. Quant au projet d’établissement, il s’agit du document de référence qui expose et articule les différentes activités au collège, en précisant la manière dont celles-ci déclinent les directives nationales et académiques et contribuent à l’atteinte des objectifs fixés. Nous n’ignorons pas que, là aussi, une grande disparité existe entre établissements en ce qui concerne la qualité, la cohérence et la pertinence de ce texte. Celui-ci souffre parfois également de contretemps dans son élaboration ou sa révision par rapport à la mise en œuvre des réformes. Rappelons néanmoins qu’il est obligatoire depuis 1990 [38]. Pluriannuel, approuvé par le conseil d’administration, il engage la communauté éducative dans son ensemble et sert de base à la négociation du contrat d’objectifs passé entre le chef d’établissement et les services académiques. Il se construit dans le cadre général de ce que l’on nomme d’ailleurs « la démarche de projet ». Après une phase de diagnostic partagé, des objectifs hiérarchisés sont définis auxquels sont rattachées les actions conduites par les équipes. Les résultats attendus sont explicités et les modalités d’évaluation précisées. Il s’agit ainsi de donner aux différents professionnels présents dans l’établissement une feuille de route commune, d’éviter l’éparpillement et d’expliciter la contribution de chacun. Il permet aussi d’estimer à l’interne les progrès accomplis et les difficultés persistantes. Les différents parcours prévus par la réforme du collège doivent y figurer, au moins en annexe. Le projet d’établissement n’interdit pas, bien sûr, de conduire des activités qui ne figureraient pas dans le programme qu’il décrit. Au demeurant, il vaut mieux éviter les effets de catalogue que produit souvent le désir de tout mentionner. Mais, expression d’une volonté commune, il explicite les objectifs considérés comme prioritaires par rapport aux besoins identifiés. Déclinaison d’un axe politique : l’exemple de la difficulté scolaire Voici un tableau synthétique qui présente une façon (et non un modèle) de s’emparer de la difficulté scolaire telle qu’elle se présente dans un collège donné. Il s’agit ici d’illustrer le caractère global du traitement du problème. Dans la pratique, cette synthèse serait certainement accompagnée d’une fiche détaillant chaque action. SOMMAIRE 36 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE PRIORITÉ : FAIRE RÉUSSIR TOUS LES ÉLÈVES / AXE N° 2 : LUTTER CONTRE LA DIFFICULTÉ SCOLAIRE DIAGNOSTIC 14 % des élèves sont en difficulté scolaire, c’est-à-dire :que leurs résultats ne leur permettront pas d’obtenir le DNB ; que leurs chances d’obtenir en fin de 3e une affectation en premier vœu sont compromises. Pour 10 %, ils sont entrés en 6e avec un an de retard. Pour 2 %, ils présentent des risques de décrochage (absentéisme élevé à plus de 12 %). Pour 9 %, la difficulté est cumulée avec une difficulté d’ordre social (chômage des parents, séparation conflictuelle, parent en prison ou décédé récemment, pauvreté, surendettement, etc.). Pour 4 % la difficulté est cumulée avec des difficultés psychologiques (se traduisant par une démotivation ou des problèmes de comportement). Le traitement de cette difficulté passe essentiellement par le recours à des dispositifs externes (orientation en SEGPA, en 3e prépa pro, passage en classe relais) ; mais le faible nombre de places ne permet pas de s’en tenir à cette seule solution. Les principales difficultés repérées sont : une maîtrise très insuffisante de la langue ; une grande difficulté à saisir et comprendre les informations dans un texte (dans toutes les disciplines) ; t rès peu d’autonomie. ACTIONS Nature Mesurer Description Qui ? 1/ Réaliser des diagnostics communs sur les compétences dans le courant du premier mois pour affiner la connaissance de la difficulté, puis en vue de chaque conseil de classe. 2/ Consacrer un temps à chaque conseil pédagogique pour travailler les résultats des diagnostics. Les enseignants de lettres, mathématiques, histoire-géographie et SVT (tous niveaux). Prévenir Améliorer la connaissance du public accueilli en 6e par une meilleure transmission d’informations. Les membres du conseil école-collège. Remédier 1/ Programmer l’accompagnement personnalisé en fonction des besoins repérés dans chaque classe. Fonctionner par groupes de besoins quand les emplois du temps le permettent. 2/ Proposer de sessions d’observation en entreprises plus nombreuses en 4e et 3e pour quelques élèves repérés. Prioritairement : professeurs disposant de moyens dédiés (exemple : barrettes en histoire-géographie en 3e) – Professeur-documentaliste – Assistants d’éducation Groupe interne de lutte contre le décrochage (dont professeurs de technologie) – Appui de la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) 3/ Veiller à la mise en œuvre des actions prévues dans le parcours avenir (bilans réguliers). Coordinateur du parcours Conseil pédagogique 4/ Utiliser les enseignements artistiques et les activités culturelles pour remotiver les élèves, en instaurant des temps de concertation spécifique au sujet des élèves en difficulté. Référent culture Professeurs principaux Professeurs des matières artistiques et professeurs impliqués dans les EPI Accompagner Faire fonctionner la cellule de veille. CPE – Infirmière – Assistante sociale – Gestionnaire – Médecin scolaire – Psychologue de l’Éducation nationale – Principal-adjoint. Innover Réaliser des observations croisées et échanges de pratiques interdegrés sur l’accompagnement personnalisé au cycle 3. Équipe innovante. Se former Monter un stage d’établissement de deux jours sur la lecture et la compréhension des consignes (octobre). Un professeur par discipline. Le conseil pédagogique. RÉSULTATS ATTENDUS Diminution du nombre d’élèves non affectés à l’issue du premier tour des procédures d’orientation en fin de 3e. Diminution du nombre d’élèves non affectés en premier vœu dans la voie professionnelle. Augmentation générale du niveau d’ambition scolaire. Augmentation du taux de passage en 2de générale et technologique. Augmentation des résultats au DNB. INDICATEURS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION Taux de passage sur l’ensemble des niveaux. Résultats des élèves à l’issue de la classe de 2de (toutes voies). Résultats au DNB. Évolution des vœux d’orientation en fin de 4e et de 3e. Diminution du nombre des élèves passant par la classe relais. SOMMAIRE COLLABORER À LA MISE EN ŒUVRE DES NOUVEAUX DISPOSITIFS La réforme du collège impose une réflexion collective sur de nombreux objets (progression de cycle, enseignements pratiques interdisciplinaires, accompagnement personnalisé, parcours, enseignements transdisciplinaires tels que l’enseignement moral et civique ou l’éducation aux médias et à l’information). Il s’agit incontestablement pour les professeurs d’un déplacement de la charge de travail voire – comme souvent lors de l’introduction de nouveautés – d’un accroissement au moins dans un premier temps, même si l’on peut espérer qu’à terme la cohérence profite à tous (on pense ici aux repères de progressivité dans une discipline, qui intègrent la logique spiralaire, par exemple). Ce faisant, la réforme introduit cependant une dynamique qui renforce la capacité d’initiative du professeur, et l’amène à entrer dans des élaborations collectives. Ces dernières peuvent requérir, pour éviter la lassitude et la démobilisation, quelques points de méthode et de vigilance. Nous en proposons ci-dessous quelques-uns à l’usage des enseignants qui prendraient la coordination de groupes de travail, s’ils ne leur sont pas préalablement fournis 1. 1/ Le cadrage du travail est indispensable, formulé en termes d’objectifs, de production attendue, de délais, de participants 2, de méthode voire d’esprit. Le choix d’un coordinateur est préférable. représentée par différents professeurs au sein des divers groupes de travail. Cependant, ceux-ci doivent s’astreindre à tenir leurs collègues informés des avancées de chaque projet. 3/ Il ne faut pas faire l’économie d’une réflexion sur les modalités de travail, et notamment sur l’aménagement de temps pour l’élaboration individuelle et sur la possibilité d’échanges à distance. 4/ La formalisation est inévitable. Elle permettra, le moment venu, de faire connaître aisément les travaux du groupe. Elle facilite la régulation. Cependant, elle n’a pas besoin d’être particulièrement volumineuse ni élaborée. 5/ Des moments d’échanges et de régulation (avec les autres groupes de travail, avec l’équipe de direction ou avec des instances comme le conseil pédagogique) doivent être programmés afin de s’assurer que l’équipe répond bien à la commande initiale. 6/ Tout projet doit comporter dès sa conception les modalités retenues pour son évaluation. 2/ La répartition de l’effort est toujours souhaitable. Aussi vaut-il mieux qu’une même discipline soit 1Il est évident que l’impulsion et l’organisation d’ensemble de ce travail collectif revient en principe aux équipes de direction. Cependant, pour aller au bout de l’esprit d’une réforme qui laisse une large place à la créativité des enseignants, nous pensons qu’il faut laisser aux acteurs les plus grandes marges de manœuvre possible, y compris dans l’organisation et le cadrage de leur réflexion. 2 On sera particulièrement attentif à ce point quand les objets de travail ne concernent pas seulement les temps d’enseignement ; le parcours citoyen, par exemple, doit pouvoir intégrer des activités périscolaires. Il s’agit alors de s’assurer des collaborations nécessaires, même occasionnelles, au sein même du groupe. SOMMAIRE COOPÉRER AU SEIN DE DIFFÉRENTES ÉQUIPES Nous l’avons vu, le collège abrite différents professionnels avec lesquels l’enseignant est amené à coopérer pour remplir l'ensemble de ses différentes missions et obligations. S’il est vrai que l’on ne choisit pas ses collègues, les attitudes a priori positives que l’on peut développer à leur égard garantissent généralement un meilleur climat de travail. Nous supposerons donc ici la compétence de chacun dans son domaine et nous nous intéresserons aux collaborations possibles sous l’angle de la complémentarité plutôt que de la concurrence ou de l’incompatibilité. On parle généralement d’équipe pédagogique pour désigner l’ensemble des enseignants intervenant dans la même classe, et d’équipe éducative pour décrire ces mêmes équipes élargies aux non-enseignants. Dans les faits, les équipes répondent à des géométries variables en fonction des contextes et de la nature des problèmes rencontrés. Des savoir-faire en matière de coopération sont donc à mobiliser. Ils s’avèrent particulièrement indispensables pour exercer les missions de professeur principal 1. Il paraît important de nous arrêter sur un acteur particulier des établissements scolaires (et qui n’a quasiment pas d’homologue dans les systèmes éducatifs étrangers) : il s’agit du conseiller principal d’éducation (CPE). S’il est toujours identifié, la perception de ses missions est souvent approximative et souffre encore, plus de quarante ans après son apparition, d’une assimilation à celles du surveillant général auquel il s’est substitué. Associé à l’équipe de direction, membre des différentes équipes pédagogiques (d’où sa présence aux conseils de classe), responsable d’un service (celui de la vie scolaire), il exerce un métier devenu complexe par les savoirs et les compétences exigés. Il s’est progressivement imposé comme un acteur incontournable pour traiter des questions d’absentéisme ou de décrochage, pour gérer les problèmes éducatifs et comportementaux 1Il n’est pas possible, dans le format d’un tel ouvrage, d’aborder cette dimension du métier qui concerne de nombreux enseignants. Nous renvoyons donc à la circulaire sur le rôle du professeur principal [36]. qui peuvent se présenter – y compris dans la classe – pour améliorer le dialogue avec les familles, pour faire vivre la démocratie scolaire, pour organiser des dispositifs à l’échelle de l’établissement et l’appui que les assistants d’éducation peuvent y apporter. Il est malheureusement encore trop souvent sollicité pour des actions visant exclusivement l’application d’une certaine forme de discipline. La nouvelle circulaire qui définit ses missions [7] est sur ce point très claire : « Les CPE ont également un rôle dans la prévention et la gestion des conflits. Ils agissent en privilégiant le dialogue et la médiation dans une perspective éducative. Ils promeuvent une approche réparatrice des sanctions ». Bien pensée, la coopération avec le conseiller principal d’éducation peut donc s’avérer précieuse pour les enseignants dans la prise en charge des élèves en grande difficulté. La collaboration avec les professeurs-documentalistes est d’autant plus aisée à construire qu’elle rencontre des attentes fortes de la part de ces acteurs aux compétences spécifiques. Le documentaliste est souvent un pourvoyeur d’idées et de ressources. Il connaît généralement l’offre patrimoniale locale, s’implique très souvent dans les partenariats extérieurs et maîtrise les TICE. Formé à la pédagogie, il peut coconstruire des séquences ou des séances et prendre des groupes d’élèves en charge. Il fait enfin évoluer son fonds, imprimé ou dématérialisé, en fonction de la demande. Cette palette de savoir-faire légitime totalement sa participation aux enseignements pratiques interdisciplinaires ou à l’accompagnement personnalisé. La coopération entre enseignants et non-enseignants, quant à elle, va s’avérer nécessaire dans la prise en charge des difficultés individuelles des élèves, qu’elles soient scolaires, sociales, psychologiques, médicales ou autres. La logique d’inclusion qui prévaut désormais et qui impose l’intégration de tous les élèves à l’école demande aux enseignants des efforts non négligeables d’adaptation et de compréhension. Ils ne doivent pas hésiter alors à s’appuyer sur les savoirfaire et les conseils des professionnels qu’ils côtoient SOMMAIRE 40 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE 2 et qui auront à cœur, dans la plupart des cas, de les aider à rechercher des solutions opérationnelles visant à faire progresser les élèves. Parfois, l’équipe au sein de laquelle l’enseignant aura à œuvrer est aussi constituée de collègues qui exercent en dehors de l’établissement. Il s’agit bien sûr des professeurs des écoles du secteur, avec lesquels il va falloir construire les contenus du cycle 3. La concrétisation de ce travail d’équipe pourra revêtir plusieurs formes. L’une d’entre elles est prévue par les textes : il s’agit du conseil écolecollège, qui réunit des représentants des premier et second degrés [20]. Cette instance peut s’emparer de tout objet de travail commun : repères de progressivité, développement des usages numériques, évaluation des acquis des élèves, mise en œuvre de l’accompagnement personnalisé… Elle peut s’organiser en commissions qui travaillent parallèlement. Il est souhaitable qu’un représentant de chaque discipline enseignée en sixième y soit présent. Mais la coopération entre enseignants des deux degrés peut également se traduire par des projets communs ou par des observations croisées des pratiques professionnelles de chacun. L’objectif de ce rapprochement, outre l’échange de compétences qu’il permet, est d’assurer une forme de continuité des apprentissages pour les élèves. Pour finir, on ne saurait oublier que les enseignants ont aussi à inscrire leurs pratiques dans un cadre matériel, réglementaire et parfois financier. Sur tous ces points, l’adjoint-gestionnaire est leur interlocuteur privilégié. Il faut savoir que ce professionnel est soumis à des contraintes procédurales fortes ; ainsi la réforme récente du plan comptable des établissements impose-t-elle par exemple de relier les dépenses à des axes du projet de l’établissement, pour une présentation budgétaire qui reprend l’esprit de la LOLF. C’est pourquoi il peut être demandé aux professeurs de préciser la destination des dépenses qu’ils souhaitent voir engager. Enfin, sous la responsabilité du chef d’établissement, l’adjoint-gestionnaire est souvent chargé de l’organisation de la sécurité dans l’établissement, dimension qui a pris une importance sans précédent ces dernières années (intrusions, catastrophes climatiques, etc.). Dans ce domaine, la France accusait un certain retard dans l’éducation des populations et le contexte a entraîné une plus grande implication de l’École sur ces questions ; les exercices de prévention, durant lesquels les enseignants encadrent leurs élèves, ont été multipliés et diversifiés à cette fin. SOMMAIRE Concevoir et mettre en œuvre un plan d’accueil personnalisé La différenciation a conduit à la mise en place de dispositifs distincts pour les élèves en situation de handicap (les plans personnalisés de scolarisation ou PPS), ceux qui sont atteints de pathologies chroniques ou d’allergies (les protocoles d’accueil individualisé ou PAI), et ceux qui souffrent de troubles modérés des apprentissages (les plans d’accompagnement personnalisé ou PAP). L’initiative de la mise en place d’un PAP peut venir de l’équipe pédagogique ou de la famille, qui doit dans tous les cas en faire la demande au chef d’établissement. Destinataire des bilans psychologiques ou paramédicaux concernant l’élève, le médecin scolaire évalue la pertinence de cette demande. Il formule un premier état de la difficulté sur la page de garde d’un document 2 qui va ensuite suivre l’élève tout au long de sa scolarité. Ce constat ne vise pas à dicter des consignes aux enseignants mais plutôt à leur proposer une traduction des bilans dressés par des spécialistes en termes de difficultés d’apprentissage. L’élaboration du PAP est ensuite coordonnée par le professeur principal, qui sollicite les membres de l’équipe pédagogique pour proposer des aménagements répondant aux besoins. Le formulaire comporte un certain nombre de propositions que les enseignants choisissent ou non de retenir. Outre un tronc commun (qui peut par exemple porter sur le temps majoré en évaluation ou sur l’explicitation du vocabulaire spécialisé), des items spécifiques sont proposés pour les différentes disciplines, dont voici quelques exemples : – utiliser les affiches et tableaux chronologiques présents dans la salle (histoire-géographie) ; – proposer à l’élève une lecture oralisée (enseignant ou autre élève) ou une écoute audio des textes supports de la séance (lettres) ; – adapter les quantités d’écrit (dictées à trous, à choix multiples, etc.) ; – u tiliser un enseignement multisensoriel : entendre, lire, voir (images), écrire (langues vivantes). 2Le formulaire est fourni en annexe de la circulaire n° 2015016 [17]. penser son action dans le cadre de l’Éple 41 Des aménagements qui ne figurent pas dans la liste sont possibles. Une fois rempli, le formulaire est signé par les parents et par le chef d’établissement. Il est diffusé de telle manière que les professeurs de l’élève puissent s’y reporter. En principe, le plan est révisé tous les ans, sur le même document. Il ne constitue pas à lui seul l’outil magique de remédiation aux difficultés de l’élève ; la démarche n’a de sens que si les familles entreprennent par ailleurs les suivis médicaux ou paramédicaux nécessaires au traitement des troubles (orthophonie, ergothérapie…). Les aménagements, au fil des ans, ont vocation à devenir moins nombreux, voire inutiles. Chez certains élèves, les troubles des apprentissages sont suffisamment sévères pour justifier une reconnaissance de handicap. C’est alors un PPS qui est mis en place, et qui peut déboucher sur des aménagements aux épreuves du DNB, en accord avec le service médical académique. Les enseignants jouent donc un rôle essentiel dans le repérage de la difficulté puis dans sa prise en compte (les aménagements inscrits dans le PAP les engagent). Mais le dépassement de cette dernière est le fruit d’un travail collectif, qui implique différentes équipes, notamment médicales, ainsi que les parents. Il s’agit bien de conjuguer des compétences dans l’intérêt des élèves. SOMMAIRE PRENDRE EN COMPTE LES USAGES NUMÉRIQUES DE SON ÉTABLISSEMENT Le développement des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE) ne concerne pas seulement les usages pédagogiques. Elles se sont propagées à l’ensemble des activités menées dans les établissements. Amenant des gains considérables de temps et de fiabilité dans les opérations administratives (exploitation des bases de données des élèves, contrôle de l’assiduité et alerte des familles en temps réel, échanges avec les échelons nationaux et académiques, organisation des examens, etc.), elles ont également introduit des impératifs de maîtrise, de sécurité et de formation sans précédent. La prolifération des applications en réseau impose de plus une harmonisation des pratiques et une discipline chez les utilisateurs, afin que le partage quasi instantané d’informations ne se retrouve pas rapidement bloqué par des manipulations malencontreuses. En principe, les référents numériques des établissements ne s’occupent pas d’informatique « administrative », plutôt gérée par des services spécialisés du rectorat. Cependant la mise en place d’environnements numériques de travail (ENT) et le développement de logiciels de vie scolaire (gérant également les résultats des élèves et la communication avec les familles) rendent certaines frontières plus poreuses, et doivent amener chacun à redoubler de vigilance quand il se connecte au réseau de l’établissement. Dans toutes les organisations qui se veulent efficaces, les usages informatiques sont strictement encadrés. Les référents numériques élaborent en principe une politique numérique et un document de référence sur les usages dans l’établissement, présenté et validé en conseil d’administration, qui s’adresse à tous, y compris aux parents. Chacun doit ensuite se conformer aux procédures arrêtées et se servir des applications préconisées, l’efficacité des outils étant largement conditionnée dans ce domaine par la généralisation de leur usage. L’harmonisation des usages doit en particulier s’appliquer à la communication interne ; dans tel établissement on va choisir par exemple de distinguer l’utilisation de la messagerie académique pour les correspondances habituelles de personne à personne, le recours à une messagerie instantanée interne pour les situations d’urgence, et la diffusion via les casiers numériques de toutes les notes de service. Autre situation où le respect des usages détermine le bon fonctionnement du service : le signalement des pannes au service compétent, et selon les règles énoncées, pour que les réparations interviennent dans les meilleurs délais. La complexité des opérations de maintenance et la disponibilité maximale du matériel, y compris pédagogique, dépendent en partie de cette « autodiscipline » collective, moyennant quoi l’apport des technologies numériques peut s’avérer bénéfique à la pratique professionnelle des enseignants. Parmi les avantages repérés, soulignons : la rapidité de l’information des parents, la communication instantanée à l’intérieur de l’établissement, la possibilité d’archiver et de retrouver aisément tous les documents dont on peut être destinataire, l’amélioration du suivi individuel des élèves, le partage de documents (voir ci-dessous), la valorisation du travail des classes sur le site internet de l’établissement ou sur des blogs dédiés. Cependant, outre le respect de consignes techniques, l’usage des TICE suppose aussi une vigilance quant au respect de certaines règles de droit, notamment de la propriété intellectuelle et du droit à l’image, mais aussi de celles qui encadrent la liberté d’expression. Des formations sur ces sujets, dont les enseignants ne sont généralement pas spécialistes, peuvent être dispensées par le référent numérique parfois, mais également par les équipes du CLEMI. En dernier ressort, c’est le chef d’établissement qui est directeur de publication des différents espaces numériques associés au collège. Il est donc normal qu’il soit sensible au respect de sa responsabilité, et que sa validation soit nécessaire à la mise en ligne de certains contenus. SOMMAIRE 44 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE Utiliser un espace de travail collaboratif Les espaces de travail collaboratif permettent notamment de stocker et de rendre disponibles des fichiers qui peuvent intéresser l'ensemble d'une communauté, mais aussi, en utilisant des fonctionnalités plus complexes, d'échanger sur des documents collaboratifs et de travailler en équipe à distance. De nombreuses solutions sont proposées par des applications « grand public ». Cependant, on peut préférer les outils dédiés, fermés et sécurisés, inclus généralement dans les ENT proposés aux établissements, ou, pour les documents issus de formations, sur la plateforme M@gistère, gérée par les niveaux ministériels et académiques. L'application Folios, administrée par l’ONISEP, propose également ce type de service, mais il n'est pas forcément souhaitable de mélanger les genres en retenant une plateforme recommandée par ailleurs pour servir de support aux parcours des élèves. Quel que soit l'espace choisi, il s'agit bien de mutualiser des ressources et de permettre ainsi leur meilleure diffusion, dans des établissements où il est impossible que chacun participe à tous les groupes de réflexion ou à toutes les équipes de projets qui fonctionnent simultanément. Il serait illusoire de croire cependant que de telles pratiques lèvent tous les obstacles à la communication, et imprudent de ne pas penser leur articulation avec des formes plus classiques du travail en commun (réunions, par exemple). La nature des documents partagés variera bien entendu d'un collège à l'autre : ici on déposera les supports ramenés de formation, là des situations de différenciation pédagogique organisées en « banques », ailleurs encore les sujets de devoirs communs, les repères de progressivité arrêtés par chaque discipline, etc. Pour que ces espaces conservent leur intérêt, les utilisateurs doivent s'astreindre à un minimum de règles, qui peuvent être explicitées par le référent numérique ou tout autre administrateur. Ce dernier veille de son côté à les « désherber » régulièrement, pour emprunter une expression chère aux professeurs-documentalistes, et les réorganise au besoin. Ces pratiques collaboratives doivent faire un minimum consensus dans les équipes pour atteindre leurs objectifs. Le risque existe en tout SOMMAIRE cas de multiplier les plates-formes – car chacun a ses préférences – ou de créer des procédures trop lourdes ou trop redondantes pour leur fonctionnement (on pense ici, par exemple, à la notification systématique dans les boîtes électroniques de tout nouveau dépôt, qui mérite d'être discutée tant elle vient alourdir la réception du courrier). Si l'usage retenu ne garantit pas la simplicité, la cohérence et l'intérêt, il y a fort à parier qu'il ne se maintiendra pas. Enfin, la mutualisation des ressources ne doit pas constituer un horizon en soi. Il vaut mieux restreindre les domaines auxquels elle s'applique, en les adossant à des besoins clairement exprimés et dont l'intérêt se vérifie à l'usage. Ici aussi, la technique ne doit pas se substituer à la réflexion ni être considérée comme porteuse d'efficacité a priori. Quoi qu'il en soit, les espaces de travail collaboratif doivent s'appuyer sur une volonté collective : les enseignants n'y trouveront un intérêt que s'ils sont régulièrement mis à jour mais, dans une logique de cercle vertueux, c'est d'eux que va dépendre leur alimentation permanente. Cependant, on peut estimer que la réforme du collège, en cherchant à développer l'interdisciplinarité et la coopération entre enseignants, créera des besoins renforcés dans l'usage de ces technologies. PRÉPARER SON ENSEIGNEMENT JEAN-JACQUES CL AUDE SOMMAIRE CONFORTER SON EXPERTISE DISCIPLINAIRE L’enseignement dispensé au collège n’a pas vocation à former des historiens et des géographes. Les activités proposées aux élèves sont des exercices scolaires : si elles peuvent ponctuellement s’inspirer des opérations conduites par le chercheur, elles restent tout à fait distinctes de ces dernières. Le professeur ne dispense donc pas une propédeutique aux protocoles académiques de nos deux disciplines. Son ambition est tout autre : il vise à poser des jalons – qui complètent ceux qui ont été acquis à l’école élémentaire et qu’approfondiront les classes de lycée – pour comprendre l’histoire et la géographie du monde dans lequel vivent les élèves. Aussi, on l’aura compris, point n’est besoin pour eux de se préoccuper d’épistémologie ni du dernier état des savoirs scientifiques. Il en va tout autrement pour l’enseignant. Il ne fait aucun doute, en effet, que la maîtrise de ses deux disciplines de référence ne soit la condition première de son rayonnement pédagogique. Les liens entre les acquis de la recherche et l’enseignement secondaire sont certes plus ou moins étroits selon les questions et les générations de programmes. Ainsi Christian Grataloup [103] remarquait-il naguère que « la géographie du supérieur est dans les faits de moins en moins une “discipline de référence” possible pour l’école et le secondaire », car « les objectifs divergent ». De la même manière, tous les nouveaux chantiers ouverts par les historiens sont loin d’avoir trouvé leur traduction en termes d’objets d’étude abordés au collège. Il suffit pour s’en convaincre de songer par exemple aux « mutations » historiographiques mises en avant dans À quoi pensent les historiens ? Faire de l’histoire au XXIe siècle [101]. Si ce que l’on enseigne dans le secondaire ressortit donc bien à des « disciplines scolaires » qui, par définition, obéissent à leur logique propre1, il n’en reste pas moins que l’effort continu pour conforter son expertise disciplinaire doit rester une priorité pour le professeur tout au long de sa carrière. Cela demande du temps et une détermination opiniâtre. Mais on doit se convaincre qu’il s’agit là d’une exigence incontournable ; elle est d’ailleurs désormais inscrite dans les statuts de la profession2. Concrètement, l’assise disciplinaire est tout d’abord une condition sine qua non pour interpréter convenablement les instructions officielles et garantir l’exactitude de ce qu’on enseigne. Elle facilite ensuite grandement la transposition didactique et les choix qu’elle implique pour l’enseignant 3. Plus déterminant, s’il se peut : elle permet de forger puis d’entretenir son aptitude à rendre son magister vivant. Pour ce 1À partir de l’exemple du français, André Chervel [45] a montré que les disciplines scolaires n’ont jamais été une simplification des sciences qui portent le même nom. En effet, comme le soulignent à leur tour Marc Deleplace & Daniel Niclot [90], toute « discipline scolaire incorpore, certes, des savoirs ou des méthodes issus de la science homonyme en les adaptant à son projet, mais englobe aussi des informations, des savoirs et des connaissances de natures diverses, pour peu qu’ils lui permettent d’atteindre ses finalités éducatives ». 2On lit en effet dans la seconde section de la circulaire d’application des décrets n° 2014-940 et n° 2014-941 du 20 août 2014 intitulée « Missions et obligations réglementaires de service des enseignants des établissements publics d’enseignement du second degré » [14] : « Relèvent ainsi pleinement du service des personnels enseignants […], les travaux de préparation et de recherches nécessaires à la réalisation des heures d’enseignement […] ». 3Introduit en 1975 par Michel Verret dans sa thèse intitulée Le Temps des études, le concept s’est largement diffusé grâce à l’écho rencontré par les travaux d’Yves Chevallard [46]. Il désigne l’opération qui assure le passage du savoir savant au savoir enseigné et débouche donc, en histoire-géographie, sur un savoir reconstruit autour de quelques idées et faits marquants. On mesure là toute la responsabilité de l’enseignant. Elle est d’autant plus grande que sa réflexion ne peut se borner à transformer ses acquis scientifiques en contenus adaptés aux élèves, mais qu’elle doit également définir les modalités congruantes pour assurer leur transmission. SOMMAIRE 48 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE faire, il paraît judicieux de s’astreindre, chaque année et pour chacun des chapitres que l’on doit traiter, à lire au moins un ouvrage ou un numéro de revue 4 ou bien à participer à un MOOC 5, sans négliger la consultation d’autres types de ressources en ligne, dont l’offre ne cesse de s’accroître. Cet effort d’actualisation donne de l’assurance ; il fournit les éléments d’information pour répondre plus aisément aux questions des élèves ; il permet surtout d’enrichir la matrice du cours, y compris au gré de l’inspiration du moment, en apportant une analyse complémentaire ou en fournissant la matière de récits dont les élèves sont si friands. Enfin, il serait regrettable que les professeurs du secondaire se coupent des derniers apports de l’épistémologie, ainsi que du renouvellement des connaissances qui en découle, à l’heure où nombre d’historiens et de géographes entreprennent d’éprouver les formes et les limites traditionnelles de la production du savoir et initient de nouvelles écritures 6. Il y a là, à n’en pas douter, une invitation à féconder les approches didactiques mises en œuvre au collège et à oser être créatif dans les classes. Écoutons Patrick Boucheron [81] évoquer la naissance de sa vocation lors de la leçon inaugurale de sa chaire au Collège de France : « Je me souviens pourquoi j’ai choisi d’enseigner l’histoire : parce que j’avais d’un coup compris que c’était prodigieusement amusant. » graphie qui s’est attachée, à partir des années 1970, à rendre visibles les femmes comme actrices de l’histoire 8, ils confortent leur place en promouvant une « histoire mixte », c’est-à-dire « une approche globale des faits historiques [qui] doit éclairer à parts égales la situation, la condition et l’action des femmes et des hommes à chaque moment historique étudié ». En géographie, cette fois-ci, ils préconisent l’introduction « des ressources de la prospective ». Au-delà de ces inflexions, il nous paraît judicieux de revenir plus longuement sur deux notions clés pour enseigner au collège aujourd’hui : « raconter » en histoire et « habiter » en géographie. Il ne saurait bien évidemment être question de rappeler dans le cadre de cet ouvrage ne fût-ce que les rudiments de l’épistémologie de nos deux disciplines qui trouvent une traduction dans les programmes. On soulignera toutefois deux évolutions présentes dans ceux de 2015 7 [6]. Dans le sillage de l’historio- Le récit a longtemps été décrié par la corporation des historiens professionnels. Avec la création des Annales (1929), il fut en effet assimilé à l’histoire politique événementielle qui prévalait alors à la Sorbonne et, à ce titre, regardé avec suspicion. Le rejet du genre biographique en fut une des manifestations les plus significatives 9. Les héritiers de Marc Bloch et de Lucien Febvre renforcèrent encore cette condamnation initiale. Fernand Braudel [82] promut la « longue durée » ; dans son sillage, Emmanuel Le Roy 4On notera que le portail cairn.info propose un accès aux principales revues françaises de sciences humaines et sociales. Une procédure très simple permet de recevoir par mail le sommaire de chaque nouvelle livraison des titres que l’on a sélectionnés. 5Un Massive Open Online Course, plus communément désigné par l’acronyme MOOC est, comme son nom l’indique, un type ouvert de formation à distance conçu pour pouvoir être suivi intégralement en ligne. Introduit en France en 2012, le dispositif est proposé par un nombre croissant d’universités. 6Que l’on songe, pour ne citer qu’un exemple issu de la production éditoriale récente, aux ouvrages d’Ivan Jablonka et notamment à l’Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus [105] qu’est venue compléter et mettre en perspective sur le plan épistémologique L’Histoire est une littérature contemporaine : manifeste pour les sciences sociales [106]. 7Pour avoir une vue d’ensemble de ces nouveaux programmes, on peut se rapporter à Histoire-Géographie cycle 4, Progressions et séquences, dirigé par Valérie Dautresme et Raphaële Lombard-Brioult [86]. SOMMAIRE L’introduction de la première dans les programmes remonte à 2008 [28] ; elle en constituait alors l’une des principales lignes de force. Elle reste présente dans ceux de 2015. Il y est en effet indiqué que les élèves doivent « connaître les caractéristiques des récits historiques […] et en réaliser » [6]. L’expérience montre toutefois que l’accent mis sur le récit n’a pas toujours été bien compris et qu’il n’a souvent pas fait l’objet de l’attention escomptée. Aussi, pour mieux saisir l’importance de sa maîtrise au collège, convient-il de souligner la place acquise au cours des dernières décennies par le concept dans la réflexion sur les fondements épistémologiques de l’histoire. 8Sur cette question, on lira avec profit Françoise Thébaud [123] ainsi qu’un numéro spécial de Vingtième siècle [126]. Signalons enfin l’existence d’un manuel scolaire original [91], dont chaque chapitre est composé d’une première partie étudiant la place des femmes dans l’époque étudiée et d’une seconde constituée de dossiers documentaires faisant le tour d’une question liée à l’histoire des femmes. 9Il convient cependant de nuancer ce rejet : Jacques Le Goff [110] rappelle à juste titre que « Lucien Febvre a écrit une biographie de Luther [et qu’] il a choisi pour éclairer l’univers religieux des hommes du XVIe siècle un esprit individuel, Rabelais ». Préparer son enseignement Ladurie [112] plaida pour une « histoire immobile 10 » et François Furet opposa « l’histoire-problème » à « l’histoire-récit » [98]. Des voix discordantes se firent pourtant progressivement entendre. Ainsi, dès le début des années 1970, Paul Veyne [125] affirma-t-il, de façon volontairement provocante, que l’histoire n’est « rien qu’un récit véridique », un « roman […] vrai », avant d’insister sur la notion d’« intrigue ». Mais c’est l’œuvre d’un philosophe, Paul Ricœur, qui contribua le plus, dans la première moitié de la décennie suivante, à reconsidérer la place du récit dans le champ de la recherche historique. La publication de Temps et récit [122] marqua effectivement une rupture à la fois par la réhabilitation du concept qu’elle opéra et l’écho qu’elle rencontra chez nombre d’historiens. On doit en outre souligner avec François Dosse [92] que cette œuvre fut contemporaine du retour en faveur du genre biographique comme outil de connaissance. Que nous apprend Paul Ricœur ? Pour élaborer sa théorie du récit, il commence par constater le « caractère temporel de l’expérience humaine » au moyen duquel, selon lui, nous accédons à la possibilité de nous représenter notre existence et de lui donner du sens. Ainsi écrit-il : « je vois dans les intrigues que nous inventons le moyen privilégié par lequel nous reconfigurons notre expérience temporelle confuse, informe et, à la limite, muette ». Dans ce processus de reconfiguration, le philosophe distingue trois strates qui sont le fondement de son approche analytique. La première, « Mimèsis I », est constituée par ce qu’il nomme le « temps préfiguré », à savoir les événements bruts tels que nous les vivons, passés au filtre d’une première compréhension sommaire. La seconde, « Mimèsis II », est le travail de configuration de ces événements qui opère leur mise en intrigue selon une logique à la fois temporelle et causale ; cette phase « a une fonction de médiation » : en effet « l’arrangement configurant transforme la succession des événements en une totalité signifiante ». En d’autres termes, c’est le récit qui rend le réel intelligible. « Mimèsis III » est le résultat de cette opération qui aboutit à une « refiguration » du temps. 49 La vie humaine, on l’aura compris, s’avère ainsi être inséparable de la narration dont elle fait constamment l’objet. Force est donc de reconnaître qu’il y a « une authentique demande de récit » chez l’Homme. Paul Ricœur va d’ailleurs plus loin, en postulant « une structure prénarrative de l’expérience ». Dans ces conditions, comment ne pas conclure avec l’auteur : « nous racontons des histoires parce que finalement les vies humaines ont besoin et méritent d’être racontées » ? On ne peut bien sûr que mettre cette remarque en relation avec le retour au premier plan des acteurs, dans les problématiques des sciences humaines en général et de l’histoire en particulier, dont témoigne également la rédaction des programmes du secondaire. La réflexion de Paul Ricœur ne se borne pas à cette première approche théorique de la notion de récit. Il revisite l’œuvre de Fernand Braudel qui était, de l’avis unanime, tout sauf narrative. Or, le philosophe établit avec brio que la rupture revendiquée avec l’histoire événementielle ne signifie pas nécessairement l’abandon du paradigme narratif. En effet, d’une part, il étudie comment les entités abstraites utilisées par les historiens, si on les regarde de près, sont souvent dotées des mêmes attributs qu’un personnage. D’autre part, il démontre que « la notion même d’histoire de longue durée dérive de l’événement dramatique […], c’est-à-dire de l’événement-misen-intrigue ». Il s’attache enfin à mettre en évidence que « l’imputation causale » est au cœur du modèle d’intelligibilité de l’écriture de fiction comme de celle de l’histoire, preuve là encore de leur dette commune à l’égard du récit. On pourrait conclure (malicieusement) avec Roger Chartier [84] que « montrer que l’histoire appartenait à la classe des récits était rappeler que les historiens, pas plus que les autres, ne font nécessairement ce qu’ils croient faire et que des ruptures proclamées peuvent, en fait, être inscrites sur des continuités méconnues ». Plus pragmatiquement, on espère avoir illustré que le retour du récit dans les programmes ne doit rien au hasard mais que, bien au contraire, il s’ancre dans les avancées de la réflexion épistémologique et devrait, à ce titre également, inciter 10Il ne faut pas se méprendre sur le sens de l’expression. La « quasi-stabilité », que l’auteur se propose de décrire entre le début du XIVe et le début du XVIIIe siècle, « n’est pas l’immobilisme ». Il précise même : « il n’est pas question dans cette perspective de nier les rôles novateurs de l’évènement » [112]. SOMMAIRE 50 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE les enseignants à exploiter toutes les richesses qu’il recèle 11. Parmi elles figure au premier chef l’opportunité d’incarner notre enseignement, de lui donner de la chair en restituant concrètement la situation, la condition et l’action des hommes et des femmes à travers les siècles. Mais le récit est certainement aussi un des moyens privilégiés pour renouer avec cette « histoire parlante » que Pierre Nora [88] appelle de ses vœux à travers la mobilisation de « ces ressorts profonds de l’investissement historique, ce noyau d’identification mythique dont on est en train de s’apercevoir qu’il n’est pas, sans eux, de pédagogie historique possible ». Pour le maître d’œuvre des Lieux de mémoire, en effet, « l’histoire ne peut pas exister socialement sans un rapport affectif au passé ». Pire : « si l’on coupe ce cordon affectif et dramatique au passé, il n’y a plus de sens à l’histoire ». Il convient donc, à côté des finalités intellectuelles assignées à notre enseignement, de chercher à susciter « un rapport dramatique d’identification, un rapport imaginaire de filiation » qui permet, selon notre auteur, de laisser « une empreinte profonde » dans la conscience des élèves. Et force est de constater que les enseignements d’une séance qui a ponctuellement recours au récit sont généralement plus durablement appropriés que ceux acquis à l’issue d’un cours qui ne l’a pas utilisé. Il est une deuxième notion essentielle sur laquelle nous pensons utile de revenir, car sa montée en puissance dans le champ de la recherche est relativement récente et qu’elle a conquis une place de choix dans les programmes : c’est celle d’« habiter ». Non seulement elle structure l’ensemble de l’enseignement de la géographie au cycle 3, mais elle est présente dans l’intitulé des quatre thèmes que doivent aborder les élèves en classe de 6e. Mais que recouvre-t-elle ? Commençons par la situer brièvement dans l’histoire de la discipline. Nul doute qu’elle ne participe 11Dans cette perspective, on peut rappeler que si le récit est longtemps resté un impensé pour les historiens, les théoriciens de la littérature (Claude Bremond, Gérard Genette, Algirdas Julien Greimas, Vladimir Propp, etc.) ont, quant à eux, élaboré depuis longtemps nombre de méthodes d’analyse qui permettent d’en saisir toutes les subtilités en insistant sur leurs modalités de production, qui ne sont jamais neutres. Les principales d’entre elles, sous une forme adaptée aux collégiens, sont généralement travaillées dans le cadre du cours de lettres. L’inscription de la question du récit historique en tant que tel dans les programmes invite donc aussi à mettre en œuvre des approches interdisciplinaires autour de l’apprentissage de la notion. SOMMAIRE de l’esprit du « tournant géographique » promu par Jacques Lévy [113]. Elle s’inscrit en effet dans la logique qui veut réinsérer pleinement la géographie dans la famille des sciences sociales et témoigne de la volonté de s’ouvrir à des références venues d’autres disciplines. Autrement dit, il s’agit d’un concept né d’une démarche interdisciplinaire – qui se nourrit en l’occurrence des apports de l’anthropologie, de l’architecture, de l’ethnologie, de la philosophie, de la sociologie, de l’urbanisme… et bien évidemment de la géographie. À cette hybridation originelle se superpose une variété d’approches chez les géographes qui se sont emparés du mot, tous ne plaçant pas le centre de gravité de leur réflexion au même endroit. Pour y voir plus clair, on peut toutefois dégager avec Olivier Lazzarotti [109] trois grandes orientations, qui sont autant de tentatives de définition et auxquelles on associera un nom emblématique. Pour la première, « habiter, c’est être dans le monde ». « Elle provient de la phénoménologie ontologique heideggérienne et privilégie l’analyse et la prise en compte des rapports aux mondes de chacun et chacune » (Augustin Berque [77]). La seconde, qui regarde quant à elle vers la philosophie pragmatique, explore, « dans l’entrelacement du sujet et du monde, […] l’expérience quotidienne de la cohabitation. Habiter, c’est faire avec l’espace » (Michel Lussault 12 [114]). La troisième, pour finir, « insiste sur la portée existentielle et politique, anthropologique en un mot, de la dimension géographique de l’humanité ». Pour elle, habiter, c’est se construire en construisant l’espace (Olivier Lazzarotti [108]). Les programmes du collège, on s’en doute, ne démarquent pas trait à trait ces théories. Mais elles ont servi de base pour forger une notion qui relève de la « culture scolaire ». Dans ce travail de mise à plat puis de reconfiguration conceptuelle, les promoteurs de « l’habiter » ont voulu rompre avec les derniers vestiges d’une approche encore marquée par des héritages vidaliens, et par là trop descriptive, pour privilégier une démarche plus dynamique et réflexive, voire systémique. Pour Catherine Biaggi [78], la « capacité intégrative » du concept « tient au fait que sont combinées différentes dimensions de l’espace. L’habitat, bien sûr, dans le contexte de la société qui l’agence, mais également le rapport des habitants aux 12On rappellera que Michel Lussault a supervisé la rédaction de l’ensemble des nouveaux programmes des cycles de la scolarité obligatoire en tant que président du Conseil supérieur des programmes. Préparer son enseignement lieux, au milieu et aux ressources, et la manière dont ceux-ci les voient et les racontent ». C’est donc une géographie ancrée dans les territoires et « profondément humaniste » que l’on se propose d’enseigner en insistant sur les pratiques et les représentations des acteurs 13, notamment à travers le recours à des études de cas. Il faut insister sur ce point, car les corps d’inspection observent « que la géographie enseignée est trop souvent désincarnée ». On doit tout au contraire veiller à ce que les élèves apprennent à identifier les hommes et les femmes qui agissent sur l’espace et à comprendre la façon dont ils le font. Bref, il est indispensable de les placer au cœur de nos analyses, « si l’on veut donner chair et sens aux productions spatiales » qui résultent de leur action. Dans cette optique, le paysage s’avère un auxiliaire précieux, à condition qu’il soit judicieusement choisi. Là encore, les usages gagneraient à évoluer. On constate en effet un recours massif aux vues aériennes dans les pratiques pédagogiques. Or elles présentent l’inconvénient de masquer les acteurs. On prendra donc garde au contraire d’utiliser des photographies qui les mettent en évidence. Précisons enfin qu’à travers la diversité des modes d’habiter que proposent les quatre thèmes du programme de 6e (à savoir « Habiter une métropole », « Habiter un espace de faible densité », « Habiter les littoraux » et « Le monde habité ») il y a la « volonté de “réenchanter” l’enseignement de la géographie en proposant de partir à la découverte du monde ». Cette invitation au voyage, est propice à l’éveil de la curiosité. Elle constitue en outre un levier précieux pour faire accéder les élèves, à l’occasion de leur entrée au collège, à une approche plus conceptuelle d’une discipline qui se fixe pour objectif, loin des tableaux d’antan centrés sur les continents et les États, de mettre en évidence et de comprendre l’extraordinaire richesse de rapports que les sociétés entretiennent avec l’espace qu’elles s’approprient, transforment, aménagent, gèrent en fonction des projets qui découlent de leurs besoins tout autant que de leur imaginaire. 51 La Documentation photographique Pour conforter son assise scientifique et enrichir ses cours, on ne saurait trop recommander les numéros de La Documentation photographique. Publiée par La Documentation française, éditeur public, la revue paraît tous les deux mois ; un(e) spécialiste y traite une question d’histoire ou de géographie en lien avec les programmes d’enseignement du secondaire. Chaque livraison comprend trois parties. On trouve tout d’abord un état de la question ramassé en seize pages. Une seconde section propose vingt-trois doubles-pages de documents (photographies, infographies, œuvres d’art, cartes, textes, etc.) commentés par l’auteur(e). Enfin, chaque volume se termine par une bibliographie sélective qui, à côté des ouvrages et des sites de référence, ouvre désormais, le plus souvent, des pistes en direction de la littérature et du cinéma. Sur abonnement on peut en outre avoir accès, en version numérique, non seulement à l’ensemble de la documentation rassemblée dans la version papier mais également à divers compléments, dont un livret d’accompagnement conçu par un enseignant de terrain proposant des scenarii pédagogiques. À de rares exceptions près, les numéros se distinguent par une qualité remarquablement homogène et leur lecture est d’un accès aisé, y compris, pour le versant documentaire, pour des élèves des dernières classes du collège. Disons-le sans détour : c’est une ressource qui devrait figurer dans tous les CDI. 13On aura remarqué que cette option entre en résonance avec la volonté de conduire un enseignement de l’histoire proposant une histoire incarnée faisant toute leur place aux acteurs. SOMMAIRE DÉFINIR ET ORGANISER CE QUE L’ON VEUT FAIRE ACQUÉRIR AUX ÉLÈVES Il incombe au professeur, au seuil d’une nouvelle année, de concevoir un projet annuel adapté à chaque classe. La réflexion qui préside à son élaboration débute par un diagnostic visant à cerner le profil des élèves. L’opération permet de déterminer les lignes de force de l’enseignement qui sera dispensé de façon à s’assurer qu’il répondra au mieux à leurs besoins spécifiques. En d’autres termes, le projet annuel est l’occasion de formaliser, en lien étroit avec les cadres réglementaires (socle commun, programmes, parcours, etc.), à la fois les objectifs que l’on se fixe et les moyens auxquels on recourra pour chercher à les atteindre. Il agence les uns et les autres autour de quelques axes qui structureront l’action du professeur tout au long de l’année. Le projet annuel rédigé, il faut ensuite établir une programmation, c’est-à-dire projeter son enseignement dans le temps. La liberté pédagogique laisse une grande marge de manœuvre pour effectuer ses choix du moment que l’on peut les justifier. Il faut cependant rappeler les contraintes qui l’encadrent dans le cas d’espèce. On ne saurait trop insister tout d’abord sur la nécessité de traiter l’intégralité du programme. Cette obligation n’est parfois pas respectée et la cohérence du parcours de formation des collégiens en pâtit. Ainsi, pour se limiter à un seul exemple, devient-il épineux d’aborder la contestation de l’absolutisme en 4e si le dernier item du programme de 5e, « Du prince de la Renaissance au roi absolu », n’a pas été travaillé. Le professeur doit donc d’emblée s’efforcer d’être réaliste lorsqu’il projette son enseignement sur l’année scolaire. Celle-ci compte trente-six semaines, mais il dispose d’un temps beaucoup plus restreint dans les faits : il lui faut en effet anticiper sur la suppression probable d’un certain nombre de cours (suite à l’organisation de sorties et à d’autres activités pédagogiques entraînant la modification des emplois du temps, ou bien encore du fait de départs en formation). Par ailleurs, la fin de l’année est bien souvent perturbée par le déroulement du diplôme national du brevet (DNB) et les effectifs fondent dans des proportions considérables après la tenue des conseils de classes. On tablera donc plutôt sur une petite trentaine de semaines utiles, quitte à mettre à profit le reliquat de séances qui se dégagerait pour procéder à des révisions ou approfondir tel ou tel point qui le mérite. D’ailleurs, être réaliste ne suffit pas ; il importe de pouvoir modifier, semaine après semaine, le rythme des apprentissages et de revoir en conséquence sa programmation. C’est dire si ce document n’a rien de figé et doit être continument amendé. Enseigner ne peut se concevoir comme le déploiement d’un projet gravé dans le marbre ; c’est tout au contraire avoir la souplesse nécessaire pour s’adapter en permanence – en un mot réguler – pour préserver non pas l’intégrité initiale de son projet, mais sa cohérence d’ensemble. Ce souci de cohérence doit en outre conduire à envisager les évaluations – qu’elles soient formatives ou sommatives – comme une phase à part entière des apprentissages et, à ce titre, on veille également à les intégrer dans sa programmation, de même leur indispensable correction, qui donne lieu à des temps de remédiations si le besoin s’en fait sentir. Il faut enfin prendre soin d’alterner les chapitres consacrés à nos trois domaines d’enseignement. On n’entend pas par-là nécessairement une alternance stricte, mais il est important que durant chaque trimestre les élèves capitalisent des acquis aussi bien en géographie qu’en histoire, sans oublier l’enseignement moral et civique. Dans ce cadre très souple, si le professeur est libre, pour les trois disciplines, de traiter les thèmes des programmes dans l’ordre qui lui semble le plus pertinent au regard du projet annuel qu’il a défini, il doit en revanche s’astreindre à suivre l’ordre chronologique en histoire faute de SOMMAIRE 54 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE quoi il s’exposerait à fragiliser une conscience de la profondeur historique déjà incertaine chez nombre de collégiens. Il convient toutefois de bien distinguer le respect de l’ordre chronologique de la continuité chronologique, qui a longtemps été érigée en dogme. Comme le relèvent Dominique Borne et Patrick Garcia [80], cette dernière « a régné sur l’enseignement de l’histoire jusqu’en 1945 pour prendre comme jalons les premiers programmes discontinuistes et, en fait, dans les esprits et la pratique, bien au-delà ». La vraie rupture se situe effectivement plutôt dans les années 1960, suite à l’application des instructions officielles pour le lycée publiées en 1959, dans la conception desquelles Fernand Braudel pesa de tout son poids. Avec ce nouveau cadrage, le choix de l’abandon de la continuité est mieux assumé et l’on ne fera plus machine arrière dans les préconisations ministérielles, le principe de l’échantillonnage étant adopté aussi bien dans le secondaire que dans le primaire. Toutefois, sur le terrain, mécompréhensions et résistances face à cette nouvelle orientation ont perduré, si l’on en croit l’insistance qui est souvent de mise depuis dans le discours institutionnel accompagnant les programmes sur la justification du bienfondé de cette conception. Celle-ci se conçoit pourtant aisément : puisqu’il n’est pas matériellement possible d’embrasser en quatre ans, pour s’en tenir à l’exemple du collège, l’ensemble de l’histoire de l’humanité, ni même de la France, des origines à nos jours, il convient de concentrer l’attention des élèves sur quelques objets choisis avec soin pour leur capacité à caractériser des moments historiques précis et à leur donner du sens. Dans cette optique, il faut donc se convaincre non seulement de renoncer à être exhaustif dans l’étude d’une période donnée, mais encore de laisser dans l’ombre certaines périodes 1. Et il n’en va pas autrement pour des aires culturelles entières. Ce n’est qu’à ce prix, en effet, que l’on peut espérer sortir de généralités desséchantes pour les élèves et « tendre vers une histoire plus humaine et plus concrète », comme le préconise l’Inspection générale [104]. Bref, si nécessité fait loi, on peut également faire le pari qu’en procédant ainsi on contribue à combattre « ce rétrécissement de l’imaginaire 1Le terme est polysémique. On ne renvoie pas ici aux découpages canoniques qui segmentent les études historiques depuis le XIXe siècle. Préhistoire, Antiquité, Moyen Âge, Temps modernes, période contemporaine sont en effet successivement abordés de la 6e à la 3e. SOMMAIRE historique », qui menace nos sociétés contemporaines selon Alain Corbin [85]. Définir les objectifs d’apprentissage est autrement plus exigeant que d’établir une programmation. L’opération réclame, pour commencer, que l’on établisse aussi précisément que possible ce que les élèves ont vu et retenu dans les classes précédentes, notamment à l’école élémentaire où l’on a déjà posé des jalons sur un certain nombre de questions qui sont à nouveau abordées au collège, l’enseignement de nos disciplines reposant sur une conception « spiralaire », du CE2 à la terminale. Pour ce faire, on s’appuiera sur l’indispensable connaissance des programmes des premières années du cycle 3 et les échanges avec les professeurs des écoles. Toutefois, les éléments tangibles sur lesquels on peut réellement s’appuyer pour avoir une idée précise des acquis des élèves se révèlent en fait souvent assez minces si l’on ne prend pas la peine de les évaluer en situation. Ce n’est pourtant pas la principale difficulté à laquelle doit faire face le professeur lorsqu’il entreprend de définir ses objectifs. Établir la progression propre à chaque chapitre demande en effet un soin tout particulier, car le libellé des nouveaux programmes est particulièrement succinct. L’intitulé des thèmes et des sous-thèmes qui s’y rapportent est certes accompagné d’une rubrique « démarches et contenus », mais les indications fournies restent relativement sommaires et il n’y est pas fait mention des connaissances et des compétences qu’il convient de faire acquérir aux élèves. Sur ce point, le professeur peut se rapporter à la liste qui en est donnée au début des instructions officielles de chaque cycle [6] ; il lui revient en revanche de déterminer les connaissances qu’il veut faire acquérir. Dans cette configuration où la latitude laissée aux enseignants est très grande, on peut considérer avec Elie Allouche [69] de manière très simple que « se fixer des objectifs revient à se demander ce que les élèves doivent savoir et savoir faire à la fin de la séquence ». Mais il est impératif de se garder de toute tentation encyclopédique et, partant, d’effectuer une sélection drastique parmi la masse des informations susceptibles d’être mémorisées. Les élèves conservent une trace d’autant plus durable de l’enseignement qui leur est dispensé que ce dernier a su mettre en relief un nombre limité de points saillants clairement situés dans l’espace et/ou le temps. La rigueur dicte donc d’arrêter le plan du chapitre tout en déterminant les objets qui seront étudiés puis de hiérarchiser à Préparer son enseignement l’intérieur de cette matière ce qui devra être maîtrisé, tant en termes de compétences que de connaissances. En font partie des repères chronologiques ou spatiaux mais aussi le lexique incontournable attaché à la leçon. Dans tous les cas, on fera en sorte que la liste en soit ramassée. Concernant les repères temporels, l’objectif n’est pas que les élèves retiennent telle ou telle date, qui n’a pas d’importance en elle-même. Le but est d’être capable de l’associer à quelques caractéristiques significatives restituant la portée qui est la sienne et de la situer par rapport à d’autres. En effet, comme l’explique Antoine Prost [120], « une chronologie n’est pas une énumération indifférente. C’est le condensé elliptique d’une forme de savoir. Elle représente l’équivalent d’une grammaire temporelle ; il s’en dégage un sens ». Bref, elle présente une version expressive et hiérarchisée des connaissances. Si, dans la présentation des nouveaux programmes, on ne trouve plus de repères clairement identifiés (et c’est peut-être précisément parce que l’usage s’était trop souvent imposé, y compris dans les sujets du DNB, d’interroger les élèves sur des dates ou des périodes sans leur demander d’expliquer le sens desdits repères), nombre d’inspecteurs conseillent néanmoins aux équipes pédagogiques d’en dresser une liste d’un commun accord. Établie par niveau et matérialisée dans un tableau qui rassemble repères et connaissances associées, elle aidera grandement les élèves à conserver une trace durable de l’enseignement reçu de la 6e à la 3e. Dans cette perspective, il peut s’avérer pertinent que ces repères puissent faire régulièrement l’objet d’une interrogation ponctuelle. Un bon garde-fou pour être sûr de se concentrer sur l’essentiel peut consister, une fois que la structure globale du chapitre est arrêtée, à fixer ce qui fera l’objet d’un contrôle voire à mettre au point l’évaluation elle-même. Procéder ainsi offre en outre l’avantage d’avoir continument à l’esprit lors de l’avancée du chapitre où l’on souhaite précisément amener les élèves et de pouvoir s’assurer que les objectifs visés sont bien maîtrisés au fur et à mesure. Cela garantit également que l’on dispose bien des documents adaptés pour servir de supports à l’évaluation. En ne concevant cette dernière qu’à l’issue du chapitre, on s’expose effectivement au risque de ne pas parvenir à réunir la documentation souhaitée pour cibler tel ou tel aspect sur lequel on voudrait pourtant faire porter l’interrogation du fait de l’orientation du cours. 55 Un dernier point pour en finir avec cette question. S’il importe que les objectifs soient clairement identifiés par le professeur, faute de quoi son enseignement ne pourrait avoir la rigueur requise, il faut également qu’ils soient connus des élèves eux-mêmes afin qu’ils puissent se les approprier et savoir où l’on veut les conduire. On s’attachera donc, une fois la problématique du chapitre posée, à les expliciter. Il peut éventuellement être pertinent de s’appuyer dès ce stade sur une grille d’auto-évaluation [voir encadré page 91] qui servira ensuite aux élèves à organiser les révisions en vue de l’évaluation sommative. Mais peu importe la formule retenue, ce qui compte, comme y insiste Philippe Meirieu [63], c’est que « l’enseignant annonce à ses élèves : “Voilà ce qu’il nous faut apprendre, construisons ensemble les moyens d’y parvenir” » – ou du moins, on l’aura compris, que la classe comprenne que telle est bien la préoccupation du professeur. On fait également en sorte que les objectifs soient immédiatement identifiables (et donc aisément consultables) sur le cahier de texte de la classe. Le cahier de texte Le cahier de texte, dont des versions numériques se sont imposées partout, est un outil de communication tourné vers les usagers : les élèves et les familles. Il constitue un point d’appui essentiel pour faciliter les apprentissages et leur suivi hors du temps scolaire. Il doit donc être scrupuleusement renseigné par le professeur au fil de l’année. Au début de chaque nouveau chapitre, l’enseignant mentionne les connaissances et les compétences dont il vise l’acquisition, mais également la problématique générale du cours, son plan ainsi que, le cas échéant, les enjeux propres à chacune de ses parties. Ensuite, pour chaque séance, après avoir précisé la partie du cours traitée, le professeur indique les références des supports utilisés (manuel, photocopie, site internet, etc.), caractérise brièvement les apprentissages réalisés puis rappelle le travail demandé pour la ou les séances à venir – ne serait-ce qu’apprendre la leçon. SOMMAIRE PENSER LES CONNEXIONS INTERDISCIPLINAIRES En France, lorsqu’on exerce en collège ou dans les voies générales et technologiques du lycée, l’identité professionnelle se construit d’abord et avant tout en référence au champ disciplinaire enseigné. L’usage veut que l’on définisse le plus souvent son métier par la spécialité du CAPES ou de l’agrégation obtenu(e), bien davantage que par l’acte d’enseigner. On se présente moins comme professeur que comme professeur de lettres, de mathématiques, d’anglais, etc. Les collègues d’histoire-géographie eux-mêmes, pourtant bivalents de longue date, mettent parfois quelque coquetterie à spécifier qu’ils sont, de par leur formation, historiens ou bien géographes. Cette tradition profondément ancrée dans la profession ne fournit pas un contexte a priori favorable au développement des pratiques valorisant les approches transversales ou interdisciplinaires. Si l’on prend l’exemple du collège, ces pratiques sont longtemps restées statistiquement assez marginales ; dans un même établissement, elles étaient à tout le moins rarement généralisées ou inscrites au cœur des stratégies d’apprentissage. Peut-on par exemple affirmer que la maîtrise de la langue est aujourd’hui encore réellement l’affaire de tous à chaque heure de cours dispensée, en dépit des injonctions ministérielles réitérées en ce sens ? Des collaborations ont pourtant toujours existé entre des enseignants de différentes disciplines. Ainsi, traditionnellement, les professeurs de lettres et d’histoire-géographie se saisissaient des convergences entre leurs programmes respectifs pour travailler ponctuellement ensemble autour d’objets communs, comme les mythes fondateurs ou le théâtre classique. On pourrait multiplier les exemples impliquant d’autres disciplines. Ces initiatives reposaient bien plus fréquemment sur des affinités interpersonnelles qu’elles ne s’adossaient à des cadrages ministériels clairement identifiés et déclinés en tant que tels. On assiste toutefois depuis plusieurs années à une institutionnalisation croissante de l’interdisciplinarité. Des itinéraires de découvertes (IDD) ont ainsi été introduits à l’intérieur du cycle central du collège (i.e. les classes de cinquième et de quatrième) par une circulaire en 2002 [34]. Ils constituent indéniablement un moment fondateur pour la période récente – même si l’application du dispositif a connu des fortunes diverses, avant de finir par tomber en désuétude dans bien des cas. Plus récemment, dans le cadre de la réforme du lycée appliquée à partir de la rentrée scolaire 2010, ont été institués des enseignements d’exploration en classe de seconde. En complément des matières obligatoires du tronc commun, les élèves choisissent deux de ces enseignements à raison de 1 h 30 par semaine chacun. Autour de différents domaines, on multiplie les approches croisées. Ainsi, pour le module intitulé « Littérature et société », le programme [27] associe-t-il les lettres et l’histoire-géographie, l’enjeu étant, y précise-t-on, de « mettre en œuvre des démarches codisciplinaires ouvertes à l’innovation pédagogique ». L’introduction, en 2009, de l’enseignement de l’histoire des arts dans l’ensemble des programmes [28] a également favorisé les démarches interdisciplinaires. L’ambition affichée est plus importante encore avec la création des EPI. Présenté avec la généralisation de l’accompagnement personnalisé comme la clé de voûte de la réforme du collège, le dispositif se distingue en effet par l’ampleur qu’il peut prendre au cycle 4, où est laissée à l’appréciation des équipes enseignantes et du conseil d’administration de chaque établissement la possibilité de fixer le nombre de modules que suivront les élèves1. Contrairement aux précédents dispositifs interdisciplinaires qui étaient conçus comme un complément aux enseignements obligatoires des disciplines instituées – on a remarqué qu’il en va ainsi aujourd’hui au lycée –, les EPI sont intégrés aux matières traditionnellement enseignées. Les heures qui leur sont dédiées sont 1 À titre indicatif, la première version des instructions du Ministère prévoyait qu’ils en suivissent au moins six. Désormais, il est loisible de se contenter d’un seul. SOMMAIRE 58 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE d’ailleurs issues des enveloppes desdites matières, sans modification des grilles horaires existantes. L’ambition qui a présidé à la création des EPI se donne également à lire dans l’objectif qui leur est assigné. Le Conseil supérieur des programmes (qui en a imaginé les contours) fait le pari que le dispositif, en promouvant l’adoption de nouvelles modalités de travail, permettra de favoriser la réussite des élèves en général et de ceux qui sont le plus en difficulté en particulier. Travailler autrement pour réussir mieux, donc. Mais travailler autrement, qu’est-ce à dire ? Pour aller à l’essentiel, on peut avancer quatre mots-clés : projet, collaboration, autonomie, production. L’idée consiste tout d’abord à sortir du seul déroulé linéaire des programmes pour proposer aux élèves d’inscrire leurs apprentissages dans une logique de projet clairement identifiée. Cette inscription peut se concevoir dans le cadre de la classe prise dans son entier ou bien à travers la constitution de groupes plus restreints qui poursuivent chacun un but spécifique et que l’on veille toutefois à réunir sous la bannière d’une thématique commune. Ce choix de la démarche de projet a au moins deux corollaires en termes de collaboration. Les objets d’étude qui auront été retenus doivent permettre de croiser les regards propres à plusieurs disciplines. Et, au niveau des élèves eux-mêmes, la coopération est au cœur des activités proposées. Ce faisant, on s'efforce, autre exigence, à favoriser l’autonomie à tous les stades du travail. Enfin, le projet, pour gagner en consistance et revêtir une légitimité supplémentaire, notamment aux yeux de ceux qui le conduisent, débouche sur une production, si possible médiatisable au sein de l’établissement – voire au-delà –, par exemple à travers une publication, une exposition ou des conférences. Les EPI, conçus à l’origine pour s’organiser autour de huit axes thématiques 2, sont susceptibles d’impliquer, selon des configurations très ouvertes, toutes les disciplines enseignées au collège. On peut donc imaginer un très vaste choix de déclinaisons possibles pour les enseignants – et les élèves. Ainsi, une entrée centrée sur la culture et la création artistique permet-elle aisément de faire converger les apports de plusieurs domaines du socle commun [16], tels « les langages pour penser 2Pour mémoire : développement durable ; corps, santé et sécurité ; culture et création artistiques ; information, communication, citoyenneté ; sciences et société ; langues et cultures de l’Antiquité ; langues et cultures régionales et étrangères ; monde économique et professionnel. SOMMAIRE et communiquer » (1), « les méthodes et outils pour apprendre » (2), « les représentations du monde et l’activité humaine » (5), voire « les systèmes naturels et les systèmes techniques » (4). Les matières potentiellement concernées sont en l’occurrence également nombreuses : les arts plastiques, les lettres, l’éducation musicale, l’histoire-géographie, les langues (étrangères et/ou anciennes), sans oublier l’histoire des arts. En d’autres termes, les EPI peuvent offrir l’opportunité d’approfondir la construction d’une culture humaniste complexe et vivante chez chaque élève. Mais nos disciplines, par leur très large spectre de curiosité, peuvent également contribuer à faire vivre des projets déclinant bien d’autres thématiques : en annexe des programmes proprement dits, on trouve une liste non exhaustive de pistes de travail qui le démontre éloquemment 3. L’assouplissement du cadrage ministériel initial, introduit en juin 2016, ouvre d’ailleurs encore les possibles. Il existe d’autres enseignements transversaux auxquels les enseignants d’histoire-géographie sont tenus d’apporter leur contribution : l’éducation aux médias et à l’information, bien sûr ; la maîtrise de la langue, certainement ; enfin, l’histoire des arts et l’enseignement moral et civique, qui disposent l’un et l’autre d’un programme spécifique riche en connexions possibles avec nos disciplines et sur lesquels il paraît opportun de s’attarder un instant. Généralisée à l’école élémentaire et dans le secondaire à partir de la rentrée 2009, l’histoire des arts ne doit pas être confondue avec l’histoire de l’art. En effet, elle ne s’intéresse pas seulement à l’architecture et aux Beaux-Arts, mais elle a vocation à embrasser toutes les formes d’expression artistique, et surtout elle relève d’une logique d’abord et avant tout pédagogique et généraliste : il s’agit d’un pur produit de la « culture scolaire ». Son enseignement ne requiert d’ailleurs aucune spécialisation universitaire préalable dans les domaines concernés. Les professeurs de nos disciplines y prennent souvent une part importante tant les programmes fournissent de multiples occasions d’établir des passerelles stimulantes. Ils veilleront à ne pas se concentrer exclusivement sur le contexte de production des œuvres au détriment des formes stylistiques qu’elles revêtent et de leur réception, y compris à travers le temps, ces questions étant susceptibles de recentrer l’intérêt sur le sens des œuvres dont il est trop souvent fait l’économie. Lors des oraux dédiés à 3Étrangement, le programme de l’enseignement moral et civique n’a pas fait l’objet d’une même recension. Préparer son enseignement cet enseignement, désormais possibles dans le cadre de l’évaluation du parcours culturel, on constate en effet parfois que les élèves se montrent diserts pour contextualiser les œuvres mais restent souvent muets lorsqu’il s’agit d’évoquer leurs significations et les choix esthétiques qui les portent. Cette omission est aussi révélatrice de démarches qui ne mettent pas assez l’accent sur l’appréhension sensible des œuvres par les élèves. C’est oublier l’ambition qui a présidé à la création de l’histoire des arts : non seulement connaître et comprendre les œuvres mais aussi contribuer à forger le goût. Objectif ambitieux mais plus que jamais nécessaire tant nombre d’élèves ne sont plus aujourd’hui touchés que par les seuls objets émanant des industries culturelles en particulier et de la culture de masse en général. L’EMC, qui s’est substitué à l’éducation civique, a, quant à lui, été introduit à partir de la rentrée 2015 [12], alors que la réécriture globale des programmes du collège était en cours. Il a été conçu dans la foulée de l’adoption de la Loi de refondation de l’école du 8 juillet 2013, et pensé comme un de ses axes forts. Il concerne l’ensemble des enseignants et requiert de leur part un investissement collectif important. Son programme est prévu pour mobiliser, à un titre ou à un autre, toutes les disciplines sur tous les niveaux 4. Or, il est libellé de telle façon qu’il revient aux équipes pédagogiques de définir pour chacune de ses entrées les champs disciplinaires et le niveau concernés. Pour le dire autrement : chaque établissement doit formaliser, à l’issue d’une concertation, une progression par matière et par année. (La tâche est plus délicate encore pour le cycle 3, puisqu’elle suppose des échanges nourris avec les collègues des écoles du secteur afin de réaliser le même travail pour les classes de CM1, CM2 et 6e.) Loin des usages établis qui faisaient de l’éducation civique l’apanage des professeurs d’histoire-géographie, ce sont bien de nouvelles pratiques que l’on cherche à impulser. Cet enseignement centré sur les valeurs et la citoyenneté a été conçu pour être l’affaire de tous et y trouver une force supplémentaire – même s’il n’est pas question, ce faisant, de minorer pour autant l’apport 4Il n’est peut-être pas inutile de citer le texte même des programmes [12], tant ces instructions restent souvent lettres mortes sur le terrain : « L’enseignement moral et civique doit avoir un horaire spécialement dédié. Mais il ne saurait se réduire à être un contenu enseigné “à coté” des autres. Tous les enseignements à tous les degrés doivent y être articulés en sollicitant les dimensions émancipatrices et les dimensions sociales des apprentissages scolaires, tous portés par une même exigence d’humanisme. Tous les domaines disciplinaires ainsi que la vie scolaire contribuent à cet enseignement. » 59 de notre corporation qui reste bien évidemment essentielle, à travers un horaire dédié.5 Une démarche d’EPI Attardons-nous sur la thématique « culture et création artistiques ». Elle présente un double avantage : d’une part, elle permet d’établir des connexions très étroites avec les programmes d’histoire ; d’autre part, elle offre la possibilité d’élargir l’horizon culturel des élèves. Dans cette perspective, parmi les nombreux champs artistiques pouvant être explorés, nous avons retenu l’idée de travailler autour de la musique. Pourquoi un tel choix ? Tout d’abord parce que c’est une forme de création qui, en dehors des séances d’éducation musicale, fait souvent figure de parent pauvre dans les autres disciplines au regard de la place que celles-ci accordent à la littérature, aux arts plastiques et même aux arts de l’espace. C’est particulièrement vrai dans le cours d’histoire-géographie : les supports pédagogiques soumis à l’attention des élèves comprennent toujours des sources textuelles et iconographiques, régulièrement des documents audiovisuels, mais beaucoup moins fréquemment des extraits musicaux. Des recherches menées dans le secteur de la biomusicologie 5 ont pourtant mis en évidence l’universalité de la musique en tant que mode d’expression de l’Homme ; dans toutes les grandes aires civilisationnelles (occidentale bien évidemment, mais aussi arabe, indienne, japonaise, chinoise, etc.), il existe en effet, comme le note Francis Wolff [132], « un domaine propre de la culture fondé sur les sons ». Et, « dans l’immense majorité des cas, passés et présents, ici comme partout ailleurs, la musique est accompagnée de paroles. » Cette réalité anthropologique universelle ne mérite-t-elle pas à elle seule qu’on s’y attarde, tout en s’efforçant de saisir certaines des formes particulières qu’elle revêt à travers l’espace et le temps ? 5Le terme a été forgé par le chercheur suédois Nils L. Wallin [131] ; il désigne un champ d’étude qui envisage la musique à partir d’un point de vue biologique en englobant les questionnements et les acquis de plusieurs branches connexes comme la psychologie et les neurosciences, et… la musicologie. SOMMAIRE 60 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE Ce langage, contrairement à d’autres, ne laisse par ailleurs jamais indifférent 6. Alors que l’on constate parfois dans le cadre de l’enseignement de l’histoire des arts – et indépendamment du degré de concentration des élèves qui n’est pas en cause ici – que nombre d’adolescents éprouvent une réelle difficulté à établir une relation sensible avec un chef-d’œuvre de la peinture, de la sculpture ou de l’architecture, la musique les touche plus directement. Qu’ils l’apprécient ou qu’ils la rejettent, ils se sentent personnellement interpellés par ce qu’on leur fait écouter. Nous avons donc un levier incomparable pour susciter l’intérêt des élèves. Elle cherche à comprendre les pratiques sociales et les fonctions symboliques qui sont inséparables de l’inscription des œuvres dans un lieu et un temps donnés. On souligne ainsi que leur exécution et leur réception, tout comme leur conception, participent de logiques qui, au-delà de la seule sphère artistique, relèvent de problématiques propres à la religion, à la politique, à l’économie, à la définition des identités sociales, aux modes de vie et de divertissements, etc. On s’aperçoit que cet intérêt est par ailleurs stimulé par la nature du projet pédagogique qui, dans le cas qui nous occupe, associe – conformément à la logique des EPI – plusieurs disciplines et donc différentes approches autour d’un même objet. Nous nous proposons en effet d’envisager la musique vocale du double point de vue de ses formes esthétiques et de ses usages sociaux. En éducation musicale, les compositions sont abordées à partir d’une grille de lecture à la fois sensible (l’analyse de la réception par les élèves), technique (les dynamiques, la voix, les instruments, etc.) et stylistique (les différents genres, l’évolution des codes qui les régissent, etc.). En s’appuyant sur ces acquis, l’histoire entreprend, quant à elle, de mettre en évidence la façon dont la musique s’insère dans les sociétés qui la produisent. sur un même objet d’étude, les deux disciplines se rejoignent sur un plan : elles font toute leur place à une approche sensible des œuvres. En effet, pardelà les démarches et les objectifs académiques, l’enjeu est aussi de faire en sorte que les élèves puissent établir un rapport direct avec les œuvres et, à cette occasion, de leur donner la possibilité de vivre des expériences esthétiques dans leur dimension irréductiblement subjective ; bref, qu’ils soient amenés à forger leur goût. Dans toutes les activités pédagogiques qui leur sont proposées, les élèves auront à exprimer comment ils reçoivent les morceaux écoutés, la façon dont ils les apprécient ou non. C’est un apprentissage en soi, – et particulièrement exigeant ! Pour le mener à bien, il convient de favoriser l’acquisition d’un vocabulaire adéquat et d’une expression rigoureuse, la précision du lexique et les techniques de l’argumentation permettant d’associer émotion et rationalité. La formation de la personne – troisième domaine du socle, faut-il le rappeler ? – ne 6 6Le philosophe Francis Wolff [132] explique très bien pourquoi. « C’est parce que les sons ne se limitent pas à nous informer sur ce qui se passe, mais qu’ils éveillent ou réveillent à chaque instant notre système d’alarme biologique, que l’univers sonore est immédiatement un univers émotionnel – ce que n’est pas par lui-même le monde des objets vus. Du moins tant qu’ils ne bougent pas. Être à l’écoute, c’est, pour l’animal, être en position d’attente des évènements. Un son, un bruit, c’est le signe que chaque évènement a brisé la régularité rassurante par laquelle la vie se conservait. […] Tension de l’écoute, à laquelle succède la détente du retour au calme ou à la régularité, la reconnaissance du familier – ou le silence. […] Cette opposition de la tension de l’être vivant face aux évènements inattendus et de la détente face aux évènements attendus ou au repos du monde est fondatrice de la plupart de nos émotions. Elle est aussi au fondement de toute émotion que nous pouvons éprouver à l’écoute d’une musique. » SOMMAIRE Pourtant, si l’éducation musicale et l’histoire affirment leur spécificité à travers la façon dont elles appréhendent les œuvres, la fécondité des EPI résidant dans le regard croisé, complémentaire, porté saurait se concevoir sans cette ambition essentielle : l’approfondissement de la sensibilité et de ses modes d’expression. L’orientation de notre EPI étant ainsi définie, reste à arrêter un corpus. Le répertoire de la musique vocale est immense ; se pose alors la question de la sélection des œuvres. Quels critères pour retenir ou écarter celle-ci plutôt que celle-là ? En dépit de la grande liberté laissée par la nature même des EPI, il convient de déterminer notre choix d’une part en nous référant à la lettre des programmes respectifs de l’éducation musicale, de l’histoire-géographie et de l’histoire des arts, d’autre part en privilégiant les intersections Préparer son enseignement objectives entre ces différentes matières dès qu’elles existent. Sans prétendre à une quelconque exhaustivité, nous pouvons par exemple imaginer les programmations suivantes selon le niveau retenu pour l’EPI : => Si l’on choisit la classe de 5e : Monachisme et société rurale – Le Graduel d’Aliénor de Bretagne (XIIIe siècle) ; L’art des troubadours ou l’imaginaire des élites féodales – « No sap chantar qui so non di », de Jaufré Rudel (XIIe siècle) ; Cathédrales, liturgie et encadrement des fidèles en milieu urbain – Messe Notre-Dame, de Guillaume de Machaut (milieu XIVe siècle) ; Chansons profanes de la Renaissance, humanisme et sécularisation de la culture – « La Guerre », de Clément Janequin (1555) ; La musique comme représentation de la majesté royale sous Louis XIV – Le Bourgeois gentilhomme, de Molière et de Jean-Baptiste Lully (1670). => Si l’on choisit la classe de 4e : Negro spiritual et esclavage en Amérique du Nord – « Go Down Moses », anonyme (XIXe siècle) ; La circulation des œuvres et des idées dans l’espace européen au siècle des Lumières – Du Mariage de Figaro, de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1784) aux Noces de Figaro, de Wolfgang Amadeus Mozart (1786) ; Chant révolutionnaire et conscience nationale (fin XVIIIe – XXIe siècle) – La Marseillaise, de Joseph Rouget de l’Isle (1792) ; Industrialisation et nouvelle culture urbaine : les chansonniers et l’âge d’or du music-hall – Chansons, d’Aristide Bruant ; La musique comme culture politique sous la Troisième République – Faust, de Charles Gounod (1894, la millième représentation au palais Garnier). 61 ciblée, les élèves sont ensuite conviés à en produire à leur tour. À travers l’étude des dossiers documentaires (imprimés ou dématérialisés) soumis à leur examen, l’objectif est bien qu’ils rassemblent des connaissances et formulent des opinions sur les objets qu’ils auront étudiés. Dans cette perspective, l’utilisation des outils numériques est souhaitable. Non seulement parce qu’ils permettent d’assembler des supports de différentes natures (un texte, une image ou des sons et leur commentaire, par exemple), mais également parce qu’ils facilitent le travail à plusieurs ou les échanges entre groupes. Mais le recours au numérique offre surtout l’opportunité de concevoir le travail réalisé dans un contexte plus large que celui de la classe en assurant sa diffusion par le canal de l’ENT ou bien encore d’un blog. Ainsi, l’EPI ne se limite-il pas à une suite d’exercices scolaires – dont il ne s’agit toutefois pas de dénigrer la valeur intrinsèque. C’est important, car on sait que les élèves sont d’autant plus mobilisés qu’ils perçoivent que les efforts qu’ils fournissent s’inscrivent dans un projet susceptible de rencontrer un écho dans le monde social – se bornerait-il à celui de leurs pairs au sein de l’établissement. Soulignons pour finir qu’en intégrant les TICE dans la logique qui vient d’être décrite, on se garde d’en faire une fin en soi, en dépit de la place centrale qui leur est octroyée. En effet, l’enjeu est bien que le travail effectué par les élèves leur permette de raisonner et d’exercer leur esprit critique, en général, et d’acquérir ou d’approfondir la maîtrise de savoirs et de savoirfaire disciplinaires, en particulier. Quant au projet qui permettra de fédérer les énergies, il semble judicieux que le numérique en constitue la clé de voûte. Les TICE sont donc sollicités tout au long de l’EPI, et ce sur quatre plans différents : explorer, se documenter, produire, diffuser. La compréhension des œuvres étudiées se fait à travers leur audition mais également grâce à l’examen de sources textuelles, cartographiques, iconographiques et audiovisuelles. L’accès à une partie d’entre elles se fait via Internet. Les élèves sont invités à exploiter des sites institutionnels, tels ceux de la Philharmonie de Paris, de France TV éducation, de l’Opéra national de Paris, etc. Mais s’ils consultent une documentation SOMMAIRE CHOISIR LES SUPPORTS DOCUMENTAIRES Durant la phase de préparation des cours, la sélection des documents qui leur serviront de supports se détache comme une étape cruciale. Même si l’ensemble des séances n’a pas à en procéder et qu’on se gardera de vouloir lui faire dire plus qu’elle ne le peut 1, elle n’en occupe pas moins une place essentielle dans l’enseignement de l’histoire et de la géographie. Les documents ne sauraient être réduits au statut de simples illustrations des questions abordées ; ils doivent être étudiés pour eux-mêmes. À ce titre, dès le moment où on les choisit, il faut les considérer comme des éléments centraux des processus didactiques que l’on mobilisera et l’on doit s’assurer qu’ils sont bien en mesure de jouer ce rôle. Aussi, sur le plan scientifique, les meilleurs sont-ils les plus emblématiques des faits historiques ou géographiques étudiés. Parfois perçus par le professeur comme étant très connus, et partant galvaudés, ils ne le sont en fait que rarement pour ses classes. Ils ne sont donc jamais trop classiques ; au contraire, leur portée patrimoniale est un critère de choix. Au niveau pédagogique, cette fois, les plus pertinents, comme le remarquent Gérard Granier & Françoise Picot [102], sont ceux qui sont susceptibles « d’être compris par des élèves et aussi de les intéresser, voire de les surprendre ». Plus largement encore, ceux que l’on rassemble dans le dossier documentaire doivent fournir l’occasion, non seulement d’affiner les capacités de lecture et de compréhension de différents langages, mais plus encore de mettre en œuvre une démarche critique et de raisonner, voire de montrer qu’ils ne peuvent être assimilés à la réalité. Il s’agit de faire sentir aux élèves que les historiens et les géographes élaborent des discours qui s’efforcent de produire de l’intelligibilité à partir de questions qu’ils se posent et qu’en conséquence lesdits discours 1Laurent Wirth [128], inspecteur général honoraire, déplore à ce propos qu’il y ait eu « une dérive dans les pratiques, particulièrement au collège : le cours tendait à devenir un enseignement fermé sur des documents. » Et d’ajouter : « il fallait donc rompre avec l’illusion pédagogique que l’élève est un historien qui peut tout trouver dans les documents ». recomposent nécessairement ce qu’ils cherchent à comprendre. On ne saurait trop y insister en histoire tant une approche naïve de la documentation conduit souvent à entretenir l’idée qu’elle se superpose au réel. Enfin, dans une perspective qui rejoint les finalités de l’enseignement moral et civique, l’étude des documents – en les croisant, en comparant les informations et les situations dont ils font état – transmet aussi aux élèves le sens du relatif et du complexe. Elle s’impose donc comme une étape décisive dans l’acquisition des compétences et des connaissances. Bref, les documents doivent être envisagés comme des points d’ancrage privilégiés des apprentissages et du sens qu’ils construisent. Matière première d’une grande partie du cours, ils sont également un élément stratégique de son déroulement. Mais que recouvre exactement la notion de documents dans nos disciplines ? Il ne faut pas se méprendre : ceux utilisés dans le secondaire ne peuvent être assimilés aux sources du chercheur. Ces dernières ne prennent forme en tant que telles que grâce à la démarche intellectuelle de l’historien ou du géographe. Dans le premier cas, pour s’en tenir à cet exemple, « la trace du passé préexiste, c’est le questionnement et le raisonnement de l’historien qui lui confèrent le statut de source historique en lui faisant produire des informations à interpréter. Le document scolaire est, lui, ”convoqué“ car porteur d’informations a priori : l’enseignant le choisit en fonction de la valeur des informations qu’il contient et de leur adéquation avec le discours historique qu’il entend conduire ses élèves à construire. Il y a inversion totale de la démarche », note Gérard Pinson [119]. Autre différence de taille, les documents soumis à l’examen de la classe sont le plus souvent décontextualisés. Le cadre de leur production est rarement mentionné. On ne connaît pas le(s) fonds dans le(s) quel(s) ils sont conservés et pas davantage s’il s’agit de pièces isolées ou si elles appartiennent à une série. Quand on a affaire à des ressources iconographiques, des éléments aussi importants que leur date ou leurs dimensions, et même fréquemment, dans le cas de la photographie, leur auteur, sont en outre passés sous silence dans les manuels qui sont à la disposition du SOMMAIRE 64 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE professeur. Enfin, pour l’adapter à un usage scolaire, le document est généralement accompagné d’un paratexte qui oriente la réception qu’on peut en avoir, sans parler de la problématique qui délimite un horizon d’attente nettement circonscrit. Mais il fait aussi l’objet de transformations – pour ne pas dire d’altérations – importantes, telles que, pour s’en tenir à quelques exemples, une réécriture partielle, un reformatage pour les images ou des coupures dans un texte. Même entourés de toutes ces limitations, les documents utilisés en classe recèlent une extraordinaire richesse. De par la diversité de leur nature, pour commencer. On ne manquera pas bien sûr d’y avoir recours pour composer les dossiers documentaires sur lesquels travailleront les élèves. En histoire, le texte et l’iconographie sont privilégiés. Il ne faut toutefois pas se priver d’employer d’autres supports dès que cela paraît judicieux, comme les données statistiques, les graphiques, les schémas, les chronologies, les extraits d’œuvres littéraires 2, de bandes dessinées, de films 3, les photographies ou les reconstitutions de vestiges archéologiques, etc. En effet, la variété de la palette des ressources à laquelle sont confrontés les élèves stimule leur agilité intellectuelle en multipliant les compétences mobilisées, ouvre de nouvelles perspectives et maintient la curiosité en éveil. Le même constat s’impose en géographie. Mais force est de constater qu’à côté des images satellitaires dont la généralisation est plus récente 4 et des articles de presse qui permettent de pallier l’obsolescence rapide des manuels, les cartes et les reproductions de paysages occupent de longue date une place de choix 5, tant il est vrai que les images 2Sur ce sujet, la réflexion épistémologique et l’historiographie se sont profondément renouvelées ces dernières années. Pour prendre la mesure des perspectives qui ont été ouvertes, on pourra se reporter aux dossiers publiés par Annales [70] et Le Débat [87], ainsi qu’à une synthèse commode signée par Judith Lyon-Caen et Dinah Ribard [115]. jouent un rôle crucial dans l’aptitude à construire des représentations de l’espace. La carte mérite qu’on s’y arrête un instant. Rappelons d’abord avec Gérard Mottet [116] que c’est sous cette forme que les hommes ont commencé à chercher « à représenter l’espace de leurs déplacement, à mémoriser leurs découvertes ou affirmer leurs possessions », bien avant qu’ils n’inventent la vue paysagère 6. C’est que la carte, par l’effort de mise en ordre de l’espace qu’elle représente, « en fournit un schème d’intelligibilité » d’un intérêt heuristique remarquable. Saisir le sens du résultat de ce processus intellectuel qui reconstruit le réel à travers un langage spécifique implique « un constant va-et-vient entre deux registres, celui du langage verbal et celui de la visualisation ». Pour surmonter la complexité de cet objet et faciliter son appréhension, on suivra une méthode (que l’on prendra soin d’expliciter de façon à ce que les élèves puissent de manière progressive la faire leur sans que l’on ait finalement besoin de les y renvoyer) qui isole, après Roger Brunet [83], quatre étapes. La première balaye la vue d’ensemble, la seconde se concentre sur le décodage de la légende, la troisième est focalisée sur la reconnaissance des formes signifiantes, la quatrième s’attache à interpréter les organisations spatiales. Ainsi, au cours de ces différentes opérations, contrairement au texte qui impose un parcours linéaire de lecture, la carte invite à combiner le voir et le lire, le lire et le voir. En effet, si comprendre le sens des signes graphiques de la carte suppose de lire la légende qui en fournit les équivalents verbaux, la distribution spatiale des figurés de convention ne s’appréhende quant à elle que sur le mode du voir. Intégrer que la carte est non un simple reflet de la réalité mais un discours que l’on élabore et dont il convient de décrypter le message réclame donc du temps. C’est cependant à ce prix que les élèves pourront en saisir la portée. 4On n’oubliera pas d’expliquer que ces documents ne sont pas des photographies mais des images obtenues grâce au rayonnement électromagnétique des corps terrestres capté par des satellites de télédétection. Les couleurs qu’elles utilisent n’ont donc rien de naturel ; elles répondent à des codes qu’il convient d’expliciter, comme pour les figurés d’une carte. On le voit, en dehors de leur diversité, la richesse des documents est également celle des approches qu’ils suscitent et, de façon tout aussi évidente, s’ils sont bien choisis, celle de leur contenu en termes d’informations à prélever. Vu leur potentiel, il suffit de quelques-uns pour conduire une séance ; l’inflation documentaire est donc à proscrire faute de quoi on se condamne à rester superficiel et à lasser les élèves. On recommande donc de n’en sélectionner qu’un nombre 5À la fin du XIXe siècle déjà, « cartes et vues paysagères sont bien les deux modes privilégiés de figuration d’un territoire : ainsi dans Le Tour de France par deux enfants, de G. Bruno, elles constituent les principales illustrations du récit », écrit Gérard Mottet [116]. 6Le terme paysage remonte à l’italien « paesaggio » apparu dans le champ lexical de la peinture à la Renaissance. 3Outre le livre pionnier de Marc Ferro, Histoire et cinéma [96], il convient de mentionner ici les travaux récents de Christian Delage et Vincent Guigueno [89] ainsi que d’Antoine de Baecque [72 & 73]. SOMMAIRE Préparer son enseignement restreint de natures variées autour desquels on organisera un travail approfondi, notamment en privilégiant des textes plus longs que ceux des manuels. On échappera de la sorte au risque de les enfermer dans le rôle où ils sont trop souvent réduits, celui « d’un support permettant de collecter des informations […]. Or il faut aussi que certains documents puissent être travaillés dans le détail : entrer dans la pensée de l’auteur, mettre au jour son argumentation, en s’attachant à des termes clés… avant de commenter (confirmer, critiquer, nuancer…) son idée directrice et ses arguments », préconise un inspecteur général [104]. En sorte qu’être ambitieux, contrairement aux idées reçues, revient à ce qu’il y en ait moins, mais qu’ils soient à la fois mieux exploités et compris 7. Autrement dit : non multa sed multum.8 on l’assimile à la vérité 9) ; ensuite quand on considère le fonctionnement propre aux images ; enfin si l’on veut bien envisager la portée patrimoniale des œuvres qui implique, d’une part, de porter attention à sa dimension esthétique et donc subjective et, d’autre part, de réfléchir à sa fonction mémorielle. L’étude des images gagnerait donc à être envisagée de façon beaucoup plus approfondie. On peut en effet lui assigner plusieurs finalités importantes. La première est intellectuelle : il s’agit de saisir les spécificités des productions iconographiques et la manière dont elles véhiculent des informations (au premier chef historiques). Mais, dans le cas des œuvres d’art, ces finalités sont également esthétiques et patrimoniales, l’œuvre d’art étant irréductible à la fonction de document que l’interrogation historienne lui fait jouer 10. Il ne faut pas non plus omettre la portée mnémotechnique des images : elles laissent souvent une empreinte forte et s’offrent comme une médiation efficace pour ordonner et fixer les connaissances. Quelle place pour l’image en histoire ? La place et le rôle des images ont considérablement évolué dans l’enseignement secondaire de l’histoire. Présentes depuis longtemps, ne fût-ce que sous forme de vignettes, elles ont été jusqu’à une période récente – et parfois jusqu’à aujourd’hui – cantonnées à servir d’illustrations venant agrémenter et/ou corroborer l’écrit. Depuis les années 1980, toutefois, leur place n’a cessé de croître dans les manuels, avec des fonctions diversifiées 8 ; elles sont désormais de natures variées et on organise un questionnement à leur sujet. Reste à s’interroger sur la pertinence de l’appareil didactique qui les accompagne. En fait, il s’avère le plus souvent que l’analyse à laquelle on invite les élèves reste rudimentaire : d’abord concernant la construction du savoir historique 65 Dans tous les cas, il s’agit de faire en sorte que l’élève soit amené à construire une signification à ce qu’il voit, en intégrant que l’image reconstruit la réalité, qu’elle n’est pas un fragment du monde lui-même mais sa représentation 11. On l’aide donc à opérer un effort de distanciation par rapport à un objet omniprésent dans son environnement et qu’il consomme souvent sans recul. Dans cette perspective, l’enjeu est bien de 9 10 11 (car l’on s’aperçoit que l’image est souvent sollicitée comme « effet de réel » et que parfois 9 7Laurent Wirth [128] souhaiterait que, dans la même logique, l’on s’attache désormais, « pour l’épreuve du brevet et pour celle du bac, à limiter le nombre de documents ». 8Ainsi, en 1985, les programmes introduisirent-ils « la maîtrise de l’image » comme un des objectifs de l’enseignement dispensé au collège, mais la responsabilité de ce nouvel apprentissage incombait principalement au professeur de lettres. C'est par exemple le cas des portraits dont la présentation, lorsqu’elle n’est pas mise en perspective, assimile implicitement la représentation au personnage lui-même, alors que ce type de tableau ou de photographie répond généralement à une construction très soignée, pour ne pas dire orientée, qui est tributaire de l’intention de l’artiste mais aussi des desiderata du commanditaire. 10On l’oublie trop souvent au prix d’une instrumentalisation qui fait que l’œuvre d’art est niée dans son essence même. 11Pour les œuvres d’art abordées en classe, cette représentation est elle-même mise en abîme par le recours à la photographie ou à la vidéo utilisées pour les reproduire. On ne travaille jamais que sur des représentations de représentation – ce qui génère inévitablement une perte d’aura pour reprendre une idée chère à Walter Benjamin [132]. SOMMAIRE 66 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE s’intéresser au mode de production du sens dans les images. Mais l’immense difficulté sur laquelle on bute immédiatement, c’est que leur signification reste toujours implicite 12. Face à la complexité de cet objet, la méthode d’étude la plus rigoureuse pour l’appréhender reste encore de considérer l’image comme un langage – un langage non linguistique certes, mais un langage tout de même ; en d’autres termes de faire de la sémiologie. Cette discipline doit beaucoup aux travaux de Roland Barthes [129]. C’est lui, en effet, qui a popularisé en France l’idée d’envisager l’image comme un système de signes qu’il est nécessaire de déchiffrer. Dans cette optique, à l’instar de ce que Ferdinand de Saussure a établi concernant le fonctionnement de la langue dans Cours de linguistique générale, on propose, pour simplifier, de distinguer dans les images ce qui relève du signifiant (ici sens littéral ; autrement dit le dénoté) et ce qui relève du signifié (sens projeté que révèle l’interprétation et qu’on peut appeler le connoté). Mais il faut aller plus loin, car l’image rassemble des éléments hétérogènes. Elle utilise différents types de signes qui fonctionnent chacun en couple signifiant/signifié et que l’on peut rassembler en deux grandes familles : d’une part, les signes iconiques ou figuratifs (i.e. les formes qui renvoient par analogie à un référent dans la réalité qu’ils figurent) ; d’autre part, les signes plastiques (qui comprennent les couleurs, la texture, les formes, la composition, l’angle de prise de vue). On doit prendre en compte les signes plastiques comme des signes à part entière et non comme la simple matière d’expression des signes iconiques. Une grande partie de la signification du message visuel est déterminée par les choix plastiques. Ces deux types de signes sont des signes visuels. Ils entrent souvent en interaction avec une dernière catégorie de signes : les signes linguistiques, à commencer par le titre et la signature. SIGNIFIANT SIGNIFIÉ Signes figuratifs Signes plastiques Signes linguistiques Comme on le constate, cette grille d’analyse peut être mobilisée dans un cadre interdisciplinaire 13. Il semble donc pertinent d’inviter les collègues d’une même classe à l’utiliser, même si elle n’a pas vocation à devenir la seule voie d’accès à l’analyse des images, car il serait dommageable d’enfermer les élèves dans des automatismes réducteurs. Pour conclure, l’enjeu principal est bien de faire prendre conscience que les documents iconographiques ne sont pas de purs reflets du réel mais des constructions réalisées à partir du réel avec des moyens spécifiques et dont le résultat est toujours une (re)création de la réalité à laquelle ils font référence, bref que les images tiennent toujours un discours sur ce qu’elles montrent. Mais on veillera aussi, à chaque fois que celles que l’on étudie ont une indéniable qualité artistique, à laisser toute sa place à la sensibilité de chacun 14. Il faut en effet se convaincre que l’appel au sensible ne s’oppose pas à l’intelligibilité ; bien au contraire, souvent il mobilise les élèves et crée de la sorte une situation propice au travail sur la signification. Aussi paraît-il judicieux que le déroulement adopté prévoie de commencer par demander aux élèves de verbaliser leur façon de voir et d’apprécier – ou non – l’œuvre avant de les inviter à entrer dans une démarche formalisée destinée à décrypter de manière raisonnée le sens de ce que l’on voit. 13 14 La conduite de l’analyse peut être facilitée par l’utilisation d’un tableau qui permet d’ordonner la prise d’informations dans un cadre rigoureux et synthétique – pour ne pas dire systémique : 13Michel Thiébaut [124] remarque d’ailleurs : « l’image ne relève d’aucune discipline universitaire particulière mais, à des degrés divers, les concerne toutes. Transdisciplinarité, tel est le principe fondamental ». 12 12Ainsi, « nous sommes tous 'aveugles' à la majeure partie des messages visuels qui nous assaillent quotidiennement », souligne Laurent Gervereau [100]. SOMMAIRE 14On ne peut en effet que suivre les chercheurs qui travaillent autour de la manière dont on aborde l’art à l’école et qui, telle Marie-Christine Baquès [74], regrettent que la « sollicitation de l’affectif [soit] généralement banni de l’enseignement ». INTÉGRER LE NUMÉRIQUE L’enseignement de nos disciplines a été lent à intégrer les nouvelles technologies ; longtemps, en effet, la pratique du numérique a reposé sur le dynamisme de quelques pionniers. Pourtant, dès 1995, les documents d’accompagnement des programmes d’histoire-géographie mentionnaient l’utilisation des TICE, notamment pour l’accès aux ressources documentaires. C’est sous la pression de leur rapide diffusion dans l’espace social, aussi bien professionnel que privé, que l’école en a fait l’une de ses priorités. Ainsi le ministère, souvent avec l’appui des collectivités locales, a-t-il impulsé plusieurs plans numériques successifs. Force est pourtant de constater que l’on oscille toujours entre volontarisme et incantation. Volontarisme car l’équipement des établissements scolaires a beaucoup progressé et que les formations à destination des enseignants se sont multipliées dans les académies. Incantation aussi parce que plusieurs freins s’opposent à un renforcement et un approfondissement des usages dans les classes. Le premier de ces obstacles est lié à des facteurs techniques. Dans maints collèges, les professeurs ne peuvent guère compter, en plus de l’unique ordinateur dont ils disposent dans leur classe, que sur une seule salle rassemblant un nombre de postes suffisants pour faire travailler tous les élèves dans de bonnes conditions. Rapportés au nombre d’enseignants exerçant dans l’établissement, les créneaux disponibles sont nécessairement limités. L’accès régulier de quelques-uns repose donc actuellement sur le moindre engagement du plus grand nombre. L’enseignement par le numérique se généraliserait-il que l’on serait confronté à l’étroitesse du parc existant. On est d’ailleurs souvent déjà pénalisé par un débit insuffisant dès que l’on consulte des sites qui proposent des ressources vidéos par exemple. Seconde limite : nombre d’enseignants se montrent encore sinon réticents, du moins très timides dans leur utilisation du numérique. Il faut dire que, en dépit de la maîtrise de l’outil lui-même, qui s’est considérablement améliorée du fait de la montée en puissance des usages domestiques et de l’obligation de valider le C2I2E 1 avant la titularisation, les ressources existantes sont assez restreintes et que le recours au numérique suppose un engagement personnel qui réclame du temps. On doit non seulement effectuer un travail de veille afin d’identifier les sites ou les applications pertinentes, mais encore concevoir les activités qui les prennent comme supports, tout en procédant ensuite à un continuel travail d’actualisation des exercices que l’on a créés, tant l’univers numérique évolue rapidement. Ainsi est-il rare de pouvoir réexploiter telle quelle une activité d’une année sur l’autre. Le troisième frein pose des questions de fond autrement plus complexes. Il tourne autour de la plusvalue éducative du recours au numérique. Au-delà des usages peu discriminés qui sont encore fréquents, c’est en effet la pertinence de la médiation de l’outil lui-même, dont les retombées pédagogiques sont trop peu documentées, qui est en cause. Ainsi, Stanislas Dehaene [51], professeur de sciences cognitives au Collège de France, souligne-t-il à propos des tablettes que plusieurs études émettent des doutes sur leur intérêt à l’école. Or, ajoute-t-il, « dans l’enseignement, personne ne devrait pouvoir imposer une stratégie pédagogique aux enfants sans avoir au moins un début de preuve de son efficacité », avant de conclure : « il est donc fondamental d’expérimenter avant de généraliser ces dispositifs ». Ainsi n’est-ce pas parce que les élèves sollicités dans le cadre d’un sondage déclarent qu’ils apprennent mieux avec le numérique qu’il en va réellement ainsi. C’est dire que le numérique doit s’inscrire dans le cadre d’une réflexion didactique approfondie et non être conçu comme un complément dont la seule existence et la dimension prétendument roborative se suffisent à elles-mêmes. On voudrait insister ici sur trois aspects qui font consensus. Les TICE en général 1Certificat Informatique et Internet de niveau 2 Enseignement [25]. « Le C2I2E atteste des compétences professionnelles dans l’usage pédagogique des technologies numériques, communes et nécessaires à tous les enseignants et formateurs pour l’exercice de leur métier. » SOMMAIRE 68 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE et l’Internet en particulier doivent faire l’objet d’une approche raisonnée qui met en avant l’esprit critique. C’est d’autant plus incontournable que les élèves ont généralement des usages peu réfléchis et non distanciés de ces outils. Il convient donc de les habituer, à l’instar de la démarche qui leur est familière pour les autres types de sources sollicités dans le cadre du cours, à identifier qui est l’auteur des informations auxquelles ils ont accès et à en interroger la fiabilité. Les activités proposées doivent donc systématiquement intégrer une étape qui conduit à déterminer le « propriétaire » des contenus consultés à travers les rubriques dédiées à ce type de mentions (que l’on trouve sous différents intitulés, tels que « Crédits », « À propos », « Qui sommes-nous ? », etc.). On veillera également à ce que les élèves diversifient et croisent leurs sources en consultant plusieurs sites dûment référencés. À ce titre, on ne peut que mettre en garde contre l’utilisation souvent exclusive de Wikipédia dans les recherches effectuées en marge du cours. On sait en effet, comme le rappelle François Jarraud [107], rédacteur en chef du Café pédagogique, que « puisque tout le monde peut y écrire, l’encyclopédie en ligne brasse des erreurs parfois grossières » et qu’« elle encourage l’histoire la plus conventionnelle et la plus factuelle ». Le professeur s’efforcera donc de promouvoir des sites alternatifs, sans oublier de renvoyer à la consultation des usuels classiques qui sont toujours disponibles dans les CDI et doivent participer ainsi au maintien d’une culture de l’écrit qui s’étiole chaque année davantage chez les jeunes. Comme dans le cadre des cours qui ne font pas appel aux TICE, l’enseignant doit par ailleurs fixer des objectifs précis et objectivables aux apprentissages, sans considérer que le recours au numérique est une fin en soi et qu’un « effet nouvelles technologies » rendrait automatiquement les démarches et les activités pertinentes. Il faut vraiment y être vigilant, car, grisé par le fait d’utiliser ces supports, on peut facilement verser dans une approche appauvrissante de son enseignement. On proscrira notamment les QCM et autres exerciseurs qui abondent sur le Web. Pour le dire autrement, toutes les séquences qui reposent sur les TICE doivent déterminer une progression rigoureuse en termes de connaissances et, plus encore, de compétences. Dans cette perspective, on s’attachera à ce que les élèves soient mis en situation de suivre un cheminement intellectuel qui s’inscrive dans une réelle logique de complémentarité par rapport aux exercices et aux situations auxquels ils sont habituellement confrontés. L’enjeu est de faire en sorte qu’ils travaillent autrement en faisant appel à la spécificité SOMMAIRE des outils qu’ils utilisent. Moteurs de recherche, logiciels (de création cartographique par exemple 2), applications, utilisation d’espaces partagés, moyens de production multimédia, mais aussi fonctionnalités bureautiques tout simplement, sont mobilisés dans cette perspective. On insistera pour finir sur les opportunités de coopération et de diffusion qu’offre le numérique et dont l’impact sur la motivation des élèves et la valorisation de leur travail dans et hors de la classe est indéniable. Une activité numérique Conçue pour des élèves de 4e dans la cadre du chapitre « Mers et océans », déclinaison du thème 3 de géographie, « Des espaces transformés par la mondialisation », l’activité que l’on évoquera ici repose sur l’exploitation du site internet de la CMA-CGM, l’une des compagnies leader dans le domaine du transport maritime, et d’un article du Monde publié à l’occasion du lancement d’un des porte-conteneurs de cette dernière. Le travail demandé aux élèves vise tout d’abord à leur faire maîtriser des compétences. Il s’agit en l’occurrence d’identifier le « propriétaire » ainsi que la vocation commerciale du site, puis de rassembler des informations sur l’entreprise afin de prendre la mesure de son activité et de son rayonnement à l’échelle mondiale, avant de décrypter sa stratégie de communication autour de la préservation de l’environnement comme un engagement éthique tout autant qu’un levier pour valoriser son image. On fait également appel à l’une des fonctionnalités interactives du site pour mettre les élèves en situation d’organiser et de retracer le trajet d’un conteneur entre deux destinations de leur choix via une carte. L’étude de l’article du Monde répond, elle aussi, à plusieurs finalités. Dans le prolongement des séances consacrées à la présentation et à la consultation des média conduites en partenariat 2Le recours à ce type de logiciels est d’autant plus intéressant que, comme Paul Arnould et Catherine Biaggi [71] le soulignent, les techniques de production de cartes « offrent la possibilité de renforcer chez l’élève le recul critique par la mise en évidence du caractère subjectif intervenant dans la fabrication des cartes », point sur l’importance duquel nous avons déjà eu l’occasion d’insister plus haut. PRÉPARER SON ENSEIGNEMENT 69 avec le CDI, on veut poursuivre la familiarisation avec un grand quotidien national et approfondir la compréhension du fonctionnement des textes de presse. On cherche en outre à ce que les élèves puissent mieux saisir ces acteurs majeurs des échanges mondiaux que sont les porte-conteneurs à travers la description de leur gigantisme. Enfin, par le biais du récit de la cérémonie d’inauguration du fleuron de la flotte de la CMA-CGM, est mise en évidence l’imbrication des dimensions économiques et politiques. Cette mobilisation de compétences, afférentes à nos disciplines en général et aux outils numériques en particulier, permet corollairement d’asseoir des connaissances. Les unes sont directement liées au chapitre, à travers l’acquisition et/ou la révision de repères spatiaux de bases (grandes routes maritimes, principaux ports, détroits et canaux, etc.) ou de concepts clés (la mondialisation et ses acteurs) ; d’autres renvoient à des acquis de la classe de 5e que l’on cherche à affermir, à commencer par la notion de développement durable. Un dernier mot. Les consignes sont libellées de telle façon que l’activité puisse être conduite en autonomie, seul ou en binôme. La reprise sera en revanche faite en classe entière. Elle ne se contentera pas de corriger les questions ; les informations rassemblées seront analysées et mises en perspective. SOMMAIRE FAIRE TRAVAILLER ET PROGRESSER LES ÉLÈVES JEAN-JACQUES CL AUDE SOMMAIRE SOMMAIRE CONSTRUIRE LA RELATION PÉDAGOGIQUE Le pivot de toute relation pédagogique, quelles que soient les formes qu’elle épouse au quotidien, est le principe de « l’éducabilité »1. Ce postulat ressortit à la logique même de l’acte d’éduquer : tous les élèves que l’école accueille, aussi divers soient leur profil scolaire, leur degré (apparent) de motivation et leur comportement, sont a priori susceptibles d’être éduqués, c’est-à-dire capables d’apprendre, de progresser, de construire leur propre personnalité. Mais l'éducabilité est aussi une valeur qui donne sens à un métier qui ne se conçoit pas sans référence au projet républicain et à des convictions personnelles : un engagement humaniste, en un mot. L’alternative s’énonce très simplement : est-on déterminé à se mobiliser pour favoriser l’acquisition par chacun des compétences et des connaissances nécessaires, non seulement pour s’affirmer en tant que personne libre et avisée, mais encore pour s’insérer dans la société, ou bien se résigne-t-on à laisser au bord de la route ceux qui ne satisfont pas aux attendus scolaires classiques ? L’éducabilité informe également les pratiques quotidiennes de l’enseignant : elle le pousse à s’interroger sur les méthodes pédagogiques, à adopter les démarches didactiques qu’il pressent comme les plus pertinentes, à les infléchir, à innover. Elle détermine en outre la façon d’aborder les problèmes éducatifs qui peuvent surgir dans la classe. Bref, elle a partie liée avec la posture réflexive dont notre métier se nourrit. La relation pédagogique s’adosse également à l’exemplarité qui doit être celle du professeur. Le mot peut paraître intimidant, mais il recouvre en fait des exigences de base. La ponctualité, pour commencer, c’est-à-dire être prêt à accueillir les élèves sur le seuil de la salle de cours dès que la sonnerie aura retenti. Non seulement le respect, mais une égale bienveillance envers chaque élève, ensuite. À ce propos – et il faudra le souligner sans cesse auprès des principaux intéressés tant les représentations, sinon les usages, 1Le terme s’est diffusé suite à la notoriété acquise par les travaux de Philippe Meirieu [64] sur cette question. le démentent parfois – la considération portée à chacun est indépendante des performances scolaires en général et des notes en particulier. Plus difficile, toute forme d’arbitraire doit être évitée. Cela suppose de la part de l’enseignant de toujours se donner le temps de la réflexion, de prendre la précaution, dans le feu de l’action, de différer une décision en cas d’agacement voire sous le coup de l’énervement. Même sans faire preuve d’arbitraire, le sentiment peut en être donné, ce qui du point de vue de l’élève revient au même : il faut donc faire en sorte que nos actions renvoient à un schéma d’interprétation lisible par tous et pouvoir les justifier au besoin. Pour le dire autrement : veiller à expliciter leur bien-fondé, soit en prenant la peine de les expliquer, soit en renvoyant à une norme établie. La vie de la classe se trouve par ailleurs grandement facilitée si le professeur s’appuie sur un cadre clair et des repères stables. Le cadre, on le rappellera autant que de besoin aux élèves, c’est, d’une part, l’observance de règles consubstantielles du vivre-ensemble dès lors qu’un groupe humain est constitué et, d’autre part, ce qui fonde la présence de chacun à l’école : la nécessité de s’instruire pour s’épanouir dans sa vie. Quant aux repères, ils fournissent des jalons qui scandent l’heure de cours en reproduisant un certain nombre de rituels : les élèves attendent en rang dans le couloir avant d’être invités à entrer ; ils saluent le professeur (on insistera sur la mention « madame » ou « monsieur » après « bonjour ») qui fait de même ; ils attendent en silence devant leur table jusqu’à ce qu’ils soient autorisés à s’asseoir ; lors des activités conduites en classe entière, ils lèvent systématiquement la main pour demander la parole et ils attendent qu’elle leur soit donnée avant de parler. Il convient d’être intraitable sur ce point ; c’est en effet l’une des conditions indispensables au bon déroulement des apprentissages. Faut-il préciser que cette exigence ne s’applique pas aux phases de travail en groupes où les règles doivent au contraire favoriser avec le maximum de fluidité les interactions entre les élèves ? Mais, dans tous les cas, l’absence de bavardages sur des sujets étrangers aux apprentissages est un impératif qui SOMMAIRE 74 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE n’est pas négociable. Mais rien ne sert de multiplier les « chut », de s’efforcer de couvrir le bruit de fond en forçant la voix ou bien de crier pour manifester son exaspération. On ne ferait que mettre en scène son impuissance ! Au contraire, il convient d’adopter un volume normal qui réclame le calme pour être entendu de tous et de s’interrompre dès que d’autres parlent en même temps. Il est utile de s’appuyer aussi sur un placement judicieux des élèves, en appliquant notamment un principe de mixité pour chaque table. Enfin, la procédure utilisée pour canaliser les plus récalcitrants sera d’autant plus efficace qu’elle est connue de tous et qu’elle est déroulée de la même manière tout au long de l’année. Dès le premier rappel à l’ordre, par exemple, le carnet de liaison est placé sur la table puis, en cas de récidive(s), on suit une gradation qui permet en général aux contrevenants de cesser leurs perturbations avant que la sanction ne tombe : à la seconde interpellation, ledit carnet est déposé sur le bureau du professeur, à la troisième ce dernier y rédige une observation (qui peut se limiter à la mention « bavardage »). Procéder ainsi s’avère beaucoup plus efficace que de multiplier les avertissements puis de soudainement remplir le carnet, ou encore d’y mettre un mot dès la première incartade 2. Nous touchons là à la question de l’autorité et de son exercice. Constatons d’abord qu’elle n’est plus guère conférée par le statut, tant le prestige des enseignants s’est continûment érodé dans la société ces dernières décennies. Il revient donc à chaque professeur de la construire. Il est aidé en cela par son assise disciplinaire, sa capacité à rendre son enseignement intéressant, mais aussi par le regard qu’il porte sur les élèves, sa volonté de les faire progresser, son souci de les encourager, autant d’éléments qui fondent sa légitimité auprès d’eux. L’autorité du professeur est d’autant plus facilement reconnue et respectée qu’il paraît pleinement investi dans sa mission de faire apprendre, et qu’il accepte les élèves tels qu’ils sont. Cet investissement se matérialise aussi par des gestes très simples : parler distinctement, varier le débit voire le ton pour maintenir l’attention ; ne pas délivrer trop d’informations à la fois ; faire en sorte que son regard balaye l’ensemble de la classe, tout en s’arrêtant sur tel ou tel lorsque la situation pédagogique le réclame ; se déplacer dans la salle ; ne pas hésiter à sourire et même à faire ponctuellement de l’humour ; 2Dans tous les cas, on sera vigilant à avoir préalablement informé les parents des bavardages avant de les signaler sur le bulletin scolaire. SOMMAIRE sans oublier de souhaiter bonne continuation à la fin du cours, de même que l’on aura pris soin de dire aux élèves qu’ils sont les bienvenus à son début. Lorsque l’autorité qui s’appuie sur l’engagement et la compétence ne suffit pas, reste celle fondée sur le pouvoir de coercition. Il ne faut pas hésiter à en faire également usage, mais toujours avec discernement et mesure. Les enseignants qui multiplient les punitions et distribuent de nombreuses heures de retenue, loin d’affirmer leur autorité, perdent de leur crédit, aussi bien auprès des élèves que des parents ou de la direction de l’établissement. Il en va de même pour ceux qui, espérant renforcer leur propre autorité, menacent systématiquement de recourir à celle du conseiller principal d’éducation ou du chef d’établissement, car ils reconnaissent ainsi leur incapacité à se faire obéir. La qualité de la relation tient enfin à la capacité de l’enseignant à se maintenir à la bonne distance des incidents qui peuvent survenir dans la classe. Ainsi, comme le souligne Bernard Rey [68], doit-il toujours garder à l’esprit que « les comportements offensifs ou rétifs des élèves ne sont pas directement dirigés contre sa personne », mais contre le rôle qu’il endosse en tant que professeur. À ce titre, il convient surtout de ne pas faire des débordements une affaire personnelle ; tout au contraire, on les considérera toujours d’un point de vue professionnel pour les traiter comme une question d’ordre technique. On n’entrera donc pas dans le registre de l’affectivité et on s’efforcera d’aider les adolescents à en sortir pour se placer dans celui de la raison. Bref, garder son calme, prendre du recul et se répéter quoi qu’il en coûte parfois : « Je dois signifier à l’élève que je ne me sens aucunement atteint dans ma personne par le fait qu’il n’obéisse pas à mes consignes, mais que ce qui m’importe, en tant que je suis un professionnel de l’apprentissage, c’est qu’il se remette au plus tôt au travail, parce que c’est là la fonction du lieu qui nous réunit »3. 3Pour compléter notre propos, on pourra consulter les ressources de deux plates-formes institutionnelles : Néopass@ction [141] et la Banque de séquences didactiques (BSD) [133]. Faire travailler et progresser les élèves 75 4 L’articulation avec le service de la vie scolaire Il arrive que la relation pédagogique déborde du cadre de la classe. C’est notamment le cas lorsque l’enseignant prend une décision – punition ou exclusion de cours – qui nécessite une intervention du service de la vie scolaire. Ce dernier se montrera le plus souvent facilitateur. Il peut cependant rencontrer des difficultés, que le professeur comprendra d’autant mieux qu’il se sera intéressé au fonctionnement de ce service ainsi qu’aux personnes qui y travaillent, et que les procédures concernant les différents types de problèmes auront été précisées. L’exclusion de cours, par exemple, fait souvent l’objet d’une mention dans le règlement intérieur 4. La manière de traiter ce genre d’incident peut amener l’enseignant à devoir rédiger un écrit succinct. Celui-ci n’est pas du tout pensé comme une complication visant à freiner le recours à cette solution – dont il faut néanmoins mesurer le caractère radical et par là même exceptionnel – voire à en stigmatiser l’auteur. Mais il s’agit de donner les moyens à ceux qui vont accueillir l’élève exclu de poursuivre le travail éducatif en reprenant la situation avec lui, en l’amenant à reconnaître sa responsabilité et l’écart entre ce qu’il a montré de lui et ce qui est attendu, en affirmant, même si c’est très symbolique, la solidarité de la communauté éducative avec la décision de l’enseignant. Ces écrits servent parfois aussi de traces, notamment s’il y a lieu de donner suite au-delà de la gestion immédiate de la perturbation. De façon plus générale, le service de la vie scolaire peut être confronté à des difficultés d’accueil et de prise en charge qui doivent être entendues (problème Il ne s’agit certes pas de priver les professeurs d’outils de gestion des comportements perturbateurs, mais d’en discuter les usages de concert dès lors qu’ils mobilisent d’autres membres du personnel, de façon à ce que cela n’apparaisse pas aux élèves comme des failles dans la volonté affichée de cohérence éducative. Par ailleurs, certains enseignants mettent parfois en avant le manque d’information sur les élèves pour expliquer leur difficulté à construire une relation pédagogique… et accusent implicitement le service de la vie scolaire, détenteur des éléments en question, de ne pas les avoir partagés. Nous l’avons vu, cet aspect du métier repose essentiellement sur des attitudes choisies a priori, et une connaissance affinée de chaque histoire individuelle ne rend pas forcément le professeur plus pertinent dans sa façon de conduire la classe. Pire, il arrive que la révélation de certains points de la vie privée des élèves vienne brouiller la façon dont ils sont perçus, alors qu’il demeure très important, pour eux comme pour les adultes, de disposer d’espaces où ils peuvent se montrer différents, sous un jour positif, et laisser à distance des soucis extérieurs à leur scolarité. C’est cette expérience négative du partage d’information qui peut amener des personnels de la vie scolaire à se montrer circonspects, et non un manque de confiance ou une volonté de conserver jalousement des secrets. Sur ce dernier terme, d’ailleurs, rappelons au passage que le personnel médico-social de l’établissement est, lui, soumis au secret professionnel. d’organisation sur les créneaux où le service de restauration a débuté, absence momentanée, nécessité d’avoir des éléments à fournir aux parents d’élèves dont les assistants d’éducation sont souvent les premiers interlocuteurs, etc.). 4Elle rappelle en général que l’exclusion de cours doit rester une décision ponctuelle, et ne s’appliquer qu’aux comportements perturbant gravement le cours. Elle précise les modalités de prise en charge de l’élève concerné pour assurer la continuité de la surveillance. SOMMAIRE PROBLÉMATISER Le choix du verbe « problématiser » – et non du substantif « problématique », d’usage plus fréquent dans la vulgate didactique de nos disciplines – a été fait à dessein. Il voudrait souligner l’ambition qui doit être celle du professeur : non pas seulement introduire son enseignement par une question qu’il a formulée ou que l’on a lue dans le manuel, mais enclencher une dynamique intellectuelle qui amène les élèves à s’interroger eux-mêmes en vue de déterminer ce que l’on va s’efforcer d’éclaircir à travers la leçon. Ce faisant, ces derniers sont d’emblée partie prenante de ce qui se joue durant le chapitre étudié ; ils sont en situation de recherche. Leur curiosité s’en trouve stimulée et leur motivation renforcée. Cette mise en énigme à laquelle ils ont participé donne en outre un surcroît de sens aux apprentissages, puisque leur nécessité apparaît beaucoup plus clairement et que l’objet de la quête est approprié. Elle permet par ailleurs de relancer l’intérêt et d’orienter l’attention tout au long de la séquence : grâce à ce travail de problématisation, la classe a un fil conducteur auquel se référer ; bref, elle dispose d’une boussole pour s’orienter, gage d’une envie de comprendre1. de ce que l’on apprend : en développant la rigueur dans le raisonnement et la formulation, l’opération facilite le passage à un savoir construit et, partant, conscient de lui-même, qui offre davantage de garanties d’être bien maîtrisé, et opératoire quand il s’agira de le mobiliser à nouveau. À travers la problématique ainsi conçue, on se dote également d’une ossature logique qui amorce dès le début du cours la nécessité d’élaborer une réflexion cohérente : comme l’explique Anne Le Roux [111], « l’élève construit le savoir dans le processus même de résolution du problème posé et des activités mentales de raisonnement et d’argumentation qu’il implique ». Dans cette configuration, l’acquisition des compétences et des connaissances relève donc d’une suite d’opérations cognitives suivies et non pas de sollicitations ponctuelles dont l’enjeu et la portée resteraient flous. Problématiser modifie donc le statut Mais comment procéder pour construire une problématique avec les élèves ? Précisons pour commencer que l’enseignant gagnera à faire précéder la problématisation proprement dite d’une phase durant laquelle il tâchera de faire émerger ce que la classe pense connaître sur la question qui va être abordée. Avec la multiplication des sources d’information, et parfois le jeu des crispations mémorielles, il est aujourd’hui en effet moins que jamais le seul maître du récit historique : comme le note Gérard Pinson [119], « il doit le partager avec d’autres sources, tenir compte de la captation par ses élèves de discours parfois antagonistes ou mal assurés ». Avec Anne Le Roux [111], il faut se convaincre de l’importance de ces représentations initiales et que l’on ne perd pas un temps précieux en les faisant énoncer, car elles « sont constitutives de l’acte d’apprendre, dans la mesure où apprendre c’est (re)construire en permanence ses représentations ». Le professeur peut ainsi identifier celles sur lesquelles il pourra s’appuyer ainsi que celles qu’il lui faudra au contraire « déstabiliser » 1Or, Philippe Meirieu [62] constate qu’ « une information n’est identifiée que si elle est déjà, d’une certaine manière, saisie dans un projet d’utilisation, intégrée dans la dynamique du sujet [apprenant] et que c’est ce processus d’interaction entre l’identification et l’utilisation qui est générateur de signification, c’est-à-dire de compréhension ». Ou, pour le dire autrement, qu’« un apprentissage s’effectue quand un individu prend de l’information dans son environnement en fonction d’un projet personnel ». Corollairement, lorsque le moment est venu de faire le bilan des travaux qui ont été menés pour en tirer les principaux enseignements, en conserver l’essentiel, la présence d’une problématique nettement délimitée, d’une ou deux questions simples, facilite considérablement l’effort de synthèse. Tout le monde sait que l’enjeu consiste alors à apporter une réponse aux interrogations qui avaient été formulées. En sorte que la trace écrite devient un temps décisif à l’occasion duquel les élèves raisonnent pour extraire de la masse des informations brassées durant l’étude qui a été conduite les éléments déterminants dûment hiérarchisés jugés les mieux à même de résoudre le problème précédemment identifié. Le cours affirme de cette façon la suprématie de la compréhension sur le simple exposé des faits. SOMMAIRE 78 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE dans le cadre de ce que les sciences de l’éducation nomment « le conflit sociocognitif » 2. Cette étape constitue souvent un levier important pour la suite car « un progrès décisif est accompli quand un sujet travaille sur l’écart qui sépare ses représentations et le savoir élaboré qu’il doit s’approprier » 3, en devenant conscient du chemin à parcourir. Adopter une telle démarche permet aussi de rassembler un matériau souvent pertinent pour initier la phase de problématisation proprement dite, quand bien même les informations recueillies s’avèrent être incomplètes ou erronées. Un exemple suffira à le démontrer. Au moment d’ouvrir l’étude consacrée à l’absolutisme (en 5e), les élèves estiment souvent que l’expression « roi absolu » désigne un régime politique dans lequel le monarque a tous les pouvoirs et peut les exercer de manière arbitraire. La problématique, en interrogeant la validité de ces représentations, pourra alors tout naturellement consister à se demander si le souverain, au XVIIe siècle, a effectivement tous les pouvoirs. Et comme nous sommes dans le cadre du cours d’histoire, les élèves ne tarderont pas à ajouter une seconde question : quand et comment les a-t-il affirmés ? Quand il n’est pas possible de rebondir sur des représentations clairement établies, on peut très simplement initier la réflexion en s’attardant sur le sens des mots. Ainsi, pour aborder les Lumières (en 4e), l’enseignant invitera les élèves à partir de la polysémie du terme et de son antonyme en sorte que l’on en viendra à questionner ce qui a pu amener des hommes et des femmes du XVIIIe à considérer qu’ils sortaient d’un âge obscur ; ou, pour le dire autrement : quelles nouvelles représentations du monde, des hommes et de leurs institutions, s’élaborent au XVIIIe siècle en Europe ? Une approche plus conceptuelle peut également être privilégiée en partant de notions disciplinaires déjà connues. Toujours en 4e, à l’occasion du chapitre sur les États-Unis, il peut être judicieux d’inviter les élèves à interroger le thème en croisant la définition 2 I.e., l’opération mentale à la faveur de laquelle « des informations nouvelles interagissent avec des représentations antérieures, les interrogent, les déstabilisent et concourent à leur restructuration » [63]. 3On peut très aisément mettre la philosophie de cette démarche à la portée de l’élève en lui disant, comme le suggère Philippe Meirieu [63] : « Repère en quoi ce que l’on te demande d’apprendre diffère de ce que tu croyais savoir ». SOMMAIRE succincte de la géographie qu’ils maîtrisent (i.e. l’étude de la manière dont les sociétés organisent l’espace terrestre) et celle de la notion qui sert de fil rouge à l’ensemble de l’année, la mondialisation (i.e. la multiplication, à l’échelle du monde, des déplacements et des flux de marchandises, de capitaux et d’informations). Ainsi se demandera-t-on : quelle est la place des États-Unis dans les échanges mondiaux ? Quelles sont les conséquences de leur explosion sur l’organisation du territoire américain ? Plus classiquement, un document peut bien évidemment servir d’accroche et susciter la réflexion. VARIER LES MODALITÉS DE MISE EN ACTIVITÉ DES ÉLÈVES Fort de la qualité de la relation qu’il a établie avec la classe, le professeur doit s’efforcer de devenir un « médiateur efficace » [97] ; mieux, loin de se contenter de ce seul rôle de « passeur », [il conviendra qu’il élargisse sa mission à la fonction d’« entraîneur », pour reprendre une image avancée par Philippe Meirieu [63]. Ce dernier oppose en effet une « pédagogie de l’information », principalement centrée sur la transmission magistrale, à une « pédagogie de l’entraînement », prioritairement tournée sur les stratégies d’apprentissage des élèves, le développement de leur aptitude à construire des compétences et à conquérir de l’autonomie. Cette conception plus ambitieuse du métier d’enseignant gagnerait vraiment à être érigée en l’un des principes directeurs de l’action de ceux d’histoire-géographie, car nos disciplines sont encore parfois trop largement tributaires d’un héritage où le cours est cantonné à un exposé de connaissances1. Dans cette optique, la bonne démarche pour concevoir son enseignement est donc celle qui « s’interroge, non seulement sur ce que les élèves doivent apprendre en termes de contenus de programme, mais surtout sur les opérations qu’ils doivent effectuer pour y parvenir ». De quels leviers pédagogiques disposons-nous pour ce faire ? diversité d’approches s’impose – et nous avons déjà pointé, certes sans être exhaustif, les spécificités dont il faut tenir compte pour aborder des documents comme l’image ou la carte. Mais la nécessaire diversification des cheminements intellectuels mobilisés déborde le seul cadre de l’étude de tel ou tel type de support et doit s’appliquer à la conception d’ensemble des séances. On ne le répétera jamais assez : aucune méthode, y compris celle qui semble la plus performante, n’a vocation à être systématisée, sous peine de perdre son efficacité par le caractère routinier qu’elle revêtirait alors. Il n’est d’ailleurs que de considérer la variété des sources documentaires sollicitées durant un chapitre pour se convaincre qu’un égal souci de Il n’en reste pas moins qu’il existe des passages obligés dans un cours d’histoire-géographie. À ceux que nous avons déjà exposés (présenter les objectifs, problématiser, établir des connexions interdisciplinaires, intégrer les TICE), il convient d’en ajouter plusieurs autres. Certains relèvent de la pédagogie, d’autres davantage de considérations propres à nos disciplines. Parmi les premiers, les consignes réclament une attention toute particulière. Les élèves sont en effet bien souvent livrés à eux-mêmes face à des questions qu’ils ont mal comprises ou dont ils n’ont pas perçu toute la portée. Il faut donc veiller à les énoncer à haute voix et à les (faire) reformuler, tant nombre de collégiens rencontrent des difficultés de lecture ou souffrent d’une attention flottante, qui les handicapent pour saisir ce que l’on attend d’eux. Ces précautions, pour indispensables qu’elles soient, ne sont pourtant pas suffisantes. Dès que le besoin s’en fait sentir, le professeur a également intérêt à étayer les consignes de base par trois séries d’informations complémentaires : sur les critères de réussite, tout d’abord ; sur la démarche intellectuelle à suivre, ensuite ; sur les différentes procédures pour la mettre en œuvre, enfin. 1Ainsi, les résultats de l’enquête menée par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance sur l’image et les pratiques de l’Histoire-Géographie au collège [93] montrent-ils que les élèves estiment que pour réussir dans nos disciplines, il faut prioritairement « être attentif en classe » (79,6 %) et « avoir un professeur qui explique bien » (64,3 %), alors que le fait de « réfléchir » n’est pas retenu comme un critère pertinent par 81,2 % de ceux ayant répondu au questionnaire. Les sciences de l’éducation ont également mis en évidence la pertinence du recours à la démarche inductive pour le déroulement global du cours. On y sera d’autant plus sensible eu égard à la place qui est réservée aux documents dans les processus d’acquisition des connaissances et des compétences en histoire et en géographie. Par induction, on le sait, il faut entendre une opération intellectuelle qui part SOMMAIRE 80 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE de l’observation, de la formulation d’hypothèses, d’analyses spécifiques à un objet, pour ensuite faire une synthèse et mettre en perspective. Bref, on va du particulier au général 2. C’est l’esprit qui préside aux « études de cas », dont le principe a été mis en avant au collège à partir de la fin des années 2000, en géographie et – plus timidement il est vrai – en histoire 3. Attardons-nous, pour clore ce premier volet de notre développement, sur l’idée de « pause pédagogique », dont les enseignants qui l’utilisent mesurent combien elle peut s’avérer précieuse. On reprend là encore une notion que l’on doit à Philippe Meirieu [63]. Que recouvre-t-elle ? Il s’agit d’introduire dans son enseignement des temps clairement identifiés, ou plus informels d’ailleurs, au cours desquels le professeur amène « ses élèves à s’exprimer sur la manière dont ils s’y sont pris, ou dont ils envisagent de s’y prendre, pour effectuer tel ou tel travail ». Pour vraiment tirer profit de cette façon de faire, il faut toutefois s’assurer que cette pratique ne soit pas compromise par le fait qu’ils s’expriment sur ce qu’ils « croient avoir fait ou annoncent, tout simplement, ce qui leur paraît correspondre à l’attente du maître ». Cette précaution prise, l’enjeu est, on l’aura compris, d’« intégrer la dimension méthodologique de chaque activité, de l’expliciter dans le déroulement de la classe ». Dans cette logique, le rôle du professeur est « d’apprendre à apprendre en apprenant ». Est-il besoin de souligner que cette préconisation fait écho aussi bien à la dernière version du socle commun [16], dont le « domaine 2 » s’intitule « les méthodes et outils pour apprendre » qu’à la généralisation de l’accompagnement personnalisé (AP) ? On sera toutefois vigilant à ce que cette phase de prise de recul qui invite à un effort de métacognition ne se détourne pas des objets disciplinaires, au risque de tourner à vide. En effet, contrairement au procès que l’on fait parfois à Philippe Meirieu, il ne fait aucun doute que ce dernier appelle de ses vœux « une école où l’on fasse, à la 2Elle s’oppose à la démarche déductive qui repose quant à elle sur une procédure dans laquelle les savoirs et savoirfaire sont posés a priori pour être ensuite appliqués ; elle suit donc le plus souvent un schéma de type descendant, qui part du maître ou du manuel pour aller vers l’élève. 3L’étude de cas se définit comme un objet d’étude singulier mais représentatif d’une thématique donnée. Strictement localisée et au plus près du réel, elle permet d’entrer de manière concrète dans les chapitres du programme. Pour une mise en perspective dans le domaine des sciences sociales de ce type de démarche, on se référera à l’ouvrage dirigé par Jean-Claude Passeron et Jacques Revel, Penser par cas [118]. SOMMAIRE fois, du conseil méthodologique à plein temps et un enseignement centré sur les contenus à plein temps », puisque c’est « sans doute le seul moyen de faire véritablement l’un et l’autre » [63]. Il nous faudra être plus disert que nous l’avons été sur les dimensions pédagogiques en abordant maintenant celles, plus proprement didactiques, qui sont relatives à l’architecture et aux démarches du cours. Insistons tout d’abord sur l’importance de l’ouverture des séances. Si elle n’est pas consacrée à la problématisation, l’enseignant demandera aux élèves de rappeler les questions qui en étaient issues afin de relancer le cheminement intellectuel qui avait été initié, puis il les interrogera sur les principaux acquis des heures précédentes. Dans des disciplines qui se distinguent par un caractère aussi évidemment cumulatif que les nôtres, l’étape est essentielle pour assurer la continuité et la cohérence des apprentissages. Notons cependant qu’il n’est pas souhaitable que cet exercice prenne la forme d’une interrogation individuelle débouchant sur l’attribution d’une note. Cette option présente en effet un triple inconvénient : d’une part elle ne sollicite qu’un élève, alors qu’il s’agit de remobiliser l’ensemble de la classe ; d’autre part elle court le risque de figer en récitation – avec ce que cela peut avoir de monotone et d’incertain – un moment qui doit au contraire favoriser les interactions au sein de la classe dès le début de l’heure. Ce faisant, le professeur écarte en outre toute possibilité d’iniquité de traitement, ce qu’il convient de faire (ré)émerger pouvant être plus ou moins étendu et/ou complexe 4. Une autre phase collective s’avère incontournable avant d’entrer dans le cœur des apprentissages disciplinaires. Quand on lance l’étude d’un dossier documentaire deux voire trois précautions s’imposent en effet. La première consiste à (faire) lire les textes à haute et intelligible voix. Il ne faut en effet jamais perdre de vue que nombre d’élèves, comme nous l’avons déjà signalé, sont confrontés à des difficultés de lecture, et partant, de compréhension. Et quiconque n’accède pas au sens littéral d’un texte et n’est pas aidé pour le faire ne peut affronter ensuite le travail exigé par le professeur. Or, l’expérience montre 4Rien n’empêche en revanche de procéder périodiquement à une rapide vérification des connaissances par écrit, y compris de manière inopinée. Faire travailler et progresser les élèves que, chez beaucoup, les problèmes de « décodage5 » ne préjugent pas de la capacité à conduire une réflexion pertinente, une fois que l’obstacle de l’accès au texte a été levé. En sorte que, même lorsqu’il s’agit d’un travail qui est conduit en autonomie, mais aussi à l’occasion des évaluations, l’oralisation des supports textuels est indispensable afin d’offrir à tous la possibilité d’entrer, avec le maximum de chances de réussite, dans les tâches demandées. Mais encore faut-il contrôler que le lecteur est bien audible dans l’ensemble de la salle et corriger toutes ses erreurs de déchiffrement. L’enseignant intervient également pour que la ponctuation soit respectée, car les règles en la matière sont de moins en moins suivies, négligence qui altère fâcheusement la possibilité de comprendre ce qui est lu. Il s’assure ensuite que le vocabulaire est bien maîtrisé et l’explique autant que de besoin. Ultime garantie à prendre, lorsqu’on a affaire à un passage particulièrement dense, on en fait formuler une « paraphrase utile » [97]. Ces détours successifs, loin de ralentir le cours – comme on pourrait le craindre de prime abord –, se révèlent à l’usage un levier pour en optimiser le bon déroulement et accroître l’intérêt et la qualité du travail mené autour de la construction des connaissances et des compétences disciplinaires, qui doit être au cœur de chaque séance. Autant que faire se peut, les élèves doivent alors être placés au centre des activités proposées afin qu’ils deviennent pleinement sujets de leurs apprentissages. Pour cela, ils sont mis en situation de chercher ou de prélever des informations, de les situer dans le temps et/ou l’espace, de les analyser (notamment en les reliant entre elles et en les confrontant), de s’interroger sur leur pertinence, et, enfin, de les ordonner dans le cadre de réponses construites de différentes natures (textes, schémas, tableaux, cartes, croquis, etc.). À chaque fois sont mobilisées les capacités à réfléchir et raisonner en général et à exercer son esprit critique en particulier 6. Durant cette étape, il est conseillé d’alterner les modalités de travail : tantôt le recours à l’oral, en veillant toutefois à ce que les interactions ne se réduisent pas à une suite d’échanges entre quelques élèves et le 5Les spécialistes entendent par là la « capacité à identifier tous les mots d’un écrit avec un objectif de prise de sens ». (Définition proposée par Fernande Bouthémy et Thierry Marot sur le site de l’université Paris-V). 6On rappellera qu’une liste exhaustive des compétences à faire acquérir est placée en tête des dernières instructions officielles [6]. 81 professeur, mais bien davantage qu’elles impliquent les élèves entre eux ; tantôt des phases de travail individuel ou en petits groupes. Il est en effet indispensable que les élèves soient régulièrement amenés à produire une trace écrite en autonomie à chaque heure de cours. Attention, autonomie ne veut pas dire que ce qui est produit dans ce contexte ne doive pas répondre à des exigences précises. Au contraire, s’il s’agit d’un texte par exemple, il convient d’imposer que les travaux demandés présentent non seulement des phrases complètes, mais encore des réponses argumentées dûment justifiées par des exemples développés, ou bien un paragraphe clairement structuré dès lors que l’on rédige un récit. L’enseignant passe alors dans les rangs pour veiller à l’application de chacun et apporter l’aide nécessaire à ceux qui en ont besoin. Il ne manque jamais non plus une occasion de pointer les progrès enregistrés, bref d’encourager et de valoriser. L’importance accordée à ces séquences clés du cours ne doit pas conduire, faute de leur avoir réservé un temps suffisant, à négliger – voire à escamoter – les phases de correction. En effet, les recherches de JeanPierre Astolfi [40] sur le sujet ont démontré combien les erreurs sont un levier souvent décisif pour progresser. Il faut donc se garder de les stigmatiser ; tout au contraire, les élèves doivent se familiariser avec l’idée qu’elles sont inséparables des apprentissages et qu’apprendre c’est accepter de se tromper. Aussi le professeur les reçoit-il comme une contribution comme une autre, mais dans laquelle il convient de faire identifier, discuter, comprendre ce qui est erroné. Ce faisant, il recueille en outre des indications précieuses pour mettre en œuvre l’accompagnement personnalisé (AP). Si ces corrections sont susceptibles de prendre bien des formes, il paraît néanmoins souhaitable qu’elles débouchent sur une trace écrite inscrite au tableau. Cette dernière peut classiquement donner une formulation complète du résultat attendu, mais le choix de se limiter à quelques mots soulignant uniquement les éléments saillants se justifie également. On retient toutefois périodiquement la première option qui offre l’avantage de fournir une version aboutie de ce qui était souhaité par le professeur et, à ce titre, sert, sinon de modèle, du moins de source d’inspiration, tant les écrits scolaires restent globalement normatifs. Dans tous les cas, avant de clore ces phases de correction, l’enseignant habitue les élèves à prendre de la hauteur face à la masse des informations qui a été brassée en les invitant à mettre en évidence des SOMMAIRE 82 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE mots clés sur lesquels s’appuyer pour élaborer la trace écrite de synthèse [voir encadré page 86]. Le professeur ne doit pas s’interdire, bien au contraire, d’enrichir les temps dévolus aux corrections en apportant des informations complémentaires pour préciser tel ou tel point, en approfondir un autre, raconter. Sa parole vient alors relancer l’intérêt de la classe en ouvrant de nouveaux horizons. Il est de toute façon le plus souvent indispensable que les travaux qui ont été réalisés par les élèves – et qui par la force des choses ne peuvent pas embrasser l’ensemble d’une question – soient inscrits dans une perspective plus large et un effort de généralisation, notamment si l’on a fait appel à une démarche inductive. Ainsi l’enseignant peut-il concevoir une séquence didactique cohérente structurée en huit phases à la fois distinctes, car centrées sur des objectifs spécifiques, et étroitement articulées entre elles [voir encadré page 84]. Cependant, les variantes ou les approches différentes sont non seulement possibles mais souhaitables ! Les enjeux propres aux EPI, d’une part, et aux TICE, d’autre part, lui en fournissent l’occasion. Mais il pourra se montrer inventif également dans le cadre des cours « classiques ». Ainsi le travail réalisé en classe gagne-t-il parfois à se passer du paratexte et des questions qui entourent traditionnellement les sources utilisées dans le cadre du cours pour laisser les élèves se poser et poser leurs propres questions, émettre des hypothèses, chercher à identifier le contexte, formuler une problématique. Il est aussi très formateur d’inverser la logique traditionnellement suivie dans les manuels et de placer les élèves en situation d’appréhender les documents sous un angle inhabituel en leur proposant de concevoir – à l’instar du maître – les questions qui permettraient d’en extraire les informations pertinentes par rapport à telle ou telle problématique. Soyons concret et revenons un instant sur l’Europe des Lumières que nous avons déjà évoquée au chapitre précédent. Pour traiter de la contestation de l’absolutisme, le cours commence généralement par reposer ses contours au milieu du XVIIIe siècle. Nous suggérons alors de faire travailler la classe, préalablement répartie en îlots, sur deux documents : une carte de l’Europe politique à cette époque et l’un des portraits de Louis XV en costume de sacre, peint par Louis-Michel van Loo. Dans le premier cas, les élèves sont amenés, à partir de l’observation de la carte et de sa légende, à formuler des questions visant à mettre en évidence la fragmentation politique du continent ainsi que la prédominance des régimes monarchiques. Dans SOMMAIRE l’autre, l’examen de l’œuvre de van Loo permet, quant à lui, de réutiliser les connaissances et les compétences de la classe de cinquième – et d’imaginer un questionnement ayant l’ambition de faire identifier les attributs du monarque absolu de droit divin et la manière dont le pouvoir de ce dernier est mis en scène. Une fois le travail des groupes validé par l’enseignant, l’idée est que les élèves se penchent sur le document sur lequel ils n’ont pas travaillé et s’efforcent de répondre aux questions préparées par leurs camarades. Il ne s’agit que d’une proposition parmi beaucoup d’autres possibles et nous ne disposons pas de la place nécessaire pour multiplier les exemples 7. On aura cependant saisi l’essentiel : enseigner l’histoire et la géographie aujourd’hui, c’est aussi essayer de sortir des sentiers battus et contribuer à renouveler leur image auprès des élèves, en conjuguant rigueur et créativité, tout en favorisant les interactions entre pairs dans la logique d’une pédagogie coopérative 8 valorisée à la fois par le Socle commun [16] et les nouveaux programmes [6]. Rigoureux et créatif, il convient aussi de l’être pour concevoir l’accompagnement personnalisé (AP). C’est d’autant plus vrai que le cadre réglementaire [13 & 18] de ce qui fait figure, à côté des enseignements pratiques interdisciplinaires, de second pilier de la réforme du collège, a été assoupli à la rentrée 2017 en sorte que les établissements disposent d'une très grande marge de manœuvre pour le mettre en place. Certains partiront des classes telles qu’elles sont constituées et recourront à des dédoublements ou à des co-interventions ; d’autres opteront pour des fonctionnements en groupes de besoins avec des alignements entre classes, deux ou trois disciplines prenant en charge la majeure partie des heures prévues ou bien les équipes privilégiant l’intervention de chacune d’entre elles en suivant une programmation. Dans de 7Pour compléter le spectre des activités évoquées au gré des différents chapitres de ce livre, on pourra se reporter aux propositions de Bernard Rey et Michel Staszewski [121]. Mais, pour stimulantes qu’elles puissent paraître de prime abord, avouons que certaines des démarches socioconstructivistes proposées par les auteurs (qu’il s’agisse des « documents imaginaires », des « conférences débat » ou encore des « jeux de rôle ») nous semblent à l’issue d’un examen plus approfondi ne pas offrir les garanties suffisantes au niveau des protocoles intellectuels mobilisés pour être appliquées en classe. 8Sur cette démarche, on consultera avec profit la somme de Sylvain Connac [48], qui combine apports théoriques et exemples concrets – même si ce deuxième versant de l’ouvrage ne s’appuie que sur des situations relatives au premier degré. On pourra préférer, du même auteur, une approche plus synthétique [49]. Faire travailler et progresser les élèves nombreux cas aussi, il s’agira pour l’enseignant de construire l’accompagnement personnalisé dans le cadre de son cours ordinaire. Loin des contraintes induites par les découpages inscrits dans les emplois du temps, cette solution présente l’avantage de la souplesse en permettant de s’adapter aux besoins au fur et à mesure de leur apparition, car, sans que cela soit nécessairement prévisible, chaque élève peut être en situation de maîtriser une notion ou au contraire de se trouver en difficulté face à une autre. Par ailleurs, si les textes proposent un minimum horaire à respecter, rien n’interdit – bien au contraire – au professeur de s’inspirer de la philosophie qui a présidé à la création de l’accompagnement personnalisé pour en appliquer les principes en dehors du cadre horaire prescrit et d’introduire une logique de différenciation dans toutes les séances où cela lui semble propice à une meilleure conduite des apprentissages. « Différencier », le mot mérite qu’on s’y arrête tant il s’avère inséparable du nouveau dispositif qui nous occupe 9. Il désigne la diversification des méthodes, des rythmes, voire des objectifs, afin de tenir compte de la richesse des profils présents dans une classe. À des élèves nécessairement différents répondent logiquement des stratégies et/ou des projets différents. La pédagogie différenciée part donc de l’élève. Elle adapte la vitesse d’avancement dans le programme et varie la complexité des contenus en fonction des acquis des uns et des autres. Mieux, elle prend soin de « se pencher sur ce qui est spécifique à chacun dans sa manière d’apprendre » afin de déterminer ce que Philippe Meirieu [63] appelle « les variablessujet », leur prise en compte par l’enseignant devant permettre de négocier les apprentissages de « manière personnelle et efficace ». La différenciation ne vise donc pas seulement la remédiation ; elle permet de proposer à tous les élèves, y compris ceux qui ne rencontrent pas de difficultés, des activités qui correspondent à leurs besoins. Il en va de même pour le dispositif introduit par la réforme du collège – qui se distingue en cela de la notion de soutien. Il faudra donc veiller à apporter 9C’est à Louis Legrand que l’on doit l’expression « pédagogie différenciée » qu’il emploie dès le début des années 1970, à une époque où la massification scolaire en cours dans le secondaire – qui s’accélèrera avec l’application progressive de la loi Haby votée le 11 juillet 1975 – en fait émerger la nécessité. On pourra se reporter à la dernière synthèse de l’auteur qui contient une précieuse anthologie sur le sujet [60]. 83 également de la différenciation en direction des meilleurs élèves. Dans la pratique, la construction des séances et des séquences incluant l’accompagnement personnalisé se rapproche de ce qu’un professeur des écoles élabore lorsqu’il travaille dans une classe à plusieurs niveaux. Dans le cas de l’enseignant d’histoire-géographie, les objets seront cependant nettement plus circonscrits. Ainsi, dans un temps donné, choisit-il de traiter d’un point particulier (un thème, un savoir-faire disciplinaire, une compétence transversale, des connaissances à mémoriser, etc.) en visant plusieurs degrés de maîtrise selon ce qu’il pressent de la capacité de ses élèves, mais aussi en proposant plusieurs chemins pour y parvenir. Concernant l’adaptation des contenus, il peut fournir des dossiers documentaires inégalement étoffés, fixer différents paliers de complexité pour la production attendue, définir plusieurs stades d’approfondissement lorsqu’il invite les élèves à conduire des recherches personnelles au CDI. En termes de configurations pédagogiques cette fois, il peut être judicieux de constituer plusieurs groupes répartis en îlots distincts afin d’apporter une aide méthodologique ciblée ou au contraire pour favoriser l’autonomie, sans s’interdire de faire appel à des solutions plus innovantes, telle que la pédagogie inversée par exemple. En suivant cette démarche originale, le professeur propose à la classe de prendre connaissance de ressources (numériques si possible afin d’en renforcer l’attrait) en dehors des heures de cours (mais pas nécessairement à l’extérieur de l’établissement) pour qu’il puisse consacrer ces dernières au suivi des élèves, soit en supervisant des exercices, soit en les aidant, dans le cadre d’une étude de cas, à structurer et à donner une forme intelligible à leur réflexion, ou bien encore en régulant la conduite d’un projet. Il veille cependant à toujours organiser une reprise en commun du travail de chacun de façon à ce que la classe dans son ensemble bénéficie des avancées de tous. Dans tous les cas de figure, la construction des temps d’accompagnement personnalisé passe nécessairement par une phase de diagnostic. Là aussi, selon les établissements, le choix se portera sur des méthodes partagées – par exemple à travers la conception et l’utilisation d’un outil d’évaluation diagnostique commun – ou bien l’analyse sera recentrée sur les besoins propres à chaque discipline. Mais, quelle que soit la solution retenue, l’équipe pédagogique aura tout intérêt à partager les objectifs sélectionnés et à formaliser, même sommairement, la progression envisagée sur des durées clairement circonscrites, SOMMAIRE 84 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE de façon à utiliser les moments de bilan (comme les conseils de classe) pour faire le point sur les progrès des élèves. Indéniablement, dans l’esprit des concepteurs de l’accompagnement personnalisé, il y avait la volonté de conduire les enseignants à approfondir les logiques de concertation, d’échange de pratiques et d’impulsion de dynamiques communes, bref de viser à renforcer le travail en équipe. Dans cet esprit, l’apport de professionnels tels que le professeur documentaliste ou les assistants d’éducation – à plus forte raison les assistants pédagogiques quand on en dispose – a toute sa place et peut s’avérer utile non seulement pour la conduite des recherches documentaires, mais plus largement dans la prise en charge et la gestion du travail en groupes. Cependant, leur disponibilité et l’esprit des textes limitent nécessairement ce recours, dans la mesure où l’accompagnement personnalisé doit s’inscrire clairement dans un cours et une discipline donnés. Le déroulement d’une séance Dans le prolongement de nos considérations sur les modalités de mise en activité des élèves, on peut résumer à travers un schéma le déroulement possible, parmi bien d’autres, d’une séance. Son seul mérite est de mettre en évidence certains des aspects qui gagnent à retenir l’attention de l’enseignant. Il n’a aucunement vocation à faire figure de modèle à dupliquer de façon systématique. N.B. : Écrit en capitales, le nom de chaque phase est suivi des compétences qui y sont visées et, entre parenthèses, des configurations de classe envisagées. PHASE D’IMPULSION Problématiser et/ou rappeler les acquis des séances précédentes. (En classe entière à l’oral avec une trace écrite pour la problématique.) PHASE DE DÉCOUVERTE Prendre contact avec un dossier documentaire, i.e. présenter les documents, les « décoder », mettre en évidence leur thème central voire faire une paraphrase utile. (En classe entière à l’oral.) SOMMAIRE PHASE DE DÉFINITION DES TÂCHES Comprendre les consignes, i.e. les reformuler, identifier des critères de réussite, la démarche intellectuelle à suivre et les procédures pour la mettre en œuvre. (En classe entière à l’oral/en groupes restreints avec l’aide du professeur.) PHASE DE RECHERCHE DE L’INFORMATION Prélever des informations précises dans les documents pour répondre aux questions dans la perspective ouverte par la problématique. (En classe entière à l’oral/seul ou en groupes à l’écrit, en bénéficiant de l’accompagnement du professeur si nécessaire.) PHASE DE TRAITEMENT DE L’INFORMATION Situer les informations dans le temps et/ou l’espace, les analyser – notamment en les reliant entre elles et en les confrontant –, s’interroger sur leur pertinence. (En classe entière à l’oral/seul ou en groupes à l’écrit, en bénéficiant de l’accompagnement du professeur si nécessaire.) PHASE DE RÉGULATION Corriger son travail en tirant profit de ses erreurs. (En classe entière à l’oral avec une trace écrite/en groupes restreints avec l’aide du professeur.) PHASE D’APPROFONDISSEMENT Écouter le professeur et éventuellement lui poser des questions. (En classe entière à l’oral.) PHASE DE BILAN Faire la synthèse des connaissances et des compétences travaillées, les hiérarchiser, sélectionner celles qui feront l’objet d’une trace écrire, rédiger cette dernière. (Collectivement/seul ou en groupes, avec l’accompagnement du professeur si nécessaire.) TRAVAILLER L’EXPRESSION ORALE ET ÉCRITE Le socle invite à sortir d’une logique de cloisonnement disciplinaire pour envisager les apprentissages de la scolarité obligatoire dans une perspective globale de façon à renforcer leur cohérence et leur lisibilité pour les élèves. S’il est un domaine où cette exigence prend tout son sens, c’est bien celui de l’expression, qu’elle soit orale ou écrite. L’orthographe, la grammaire, les techniques de l’argumentation font indéniablement partie de ces « fondamentaux » dont l’acquisition est incontournable pour pouvoir suivre et progresser dans l’ensemble des matières. Or, toutes disciplines confondues, les enseignants ne cessent de déplorer chez les élèves une insuffisante maîtrise du français ainsi que des difficultés à structurer la formulation de leur pensée et, dans le même temps, ils laissent trop souvent aux seuls collègues de lettres le soin d’y remédier. Ainsi les prescriptions ministérielles visant à faire de la langue l’une des priorités au collège se succèdent-elles et l’on peine pourtant, sur le terrain, à sortir de la seule déploration. Il est donc temps de se convaincre que l’acquisition de son bon usage est l’affaire de tous et que chaque enseignant doit lui faire un sort dans sa discipline. Il faut cependant reconnaître que les publications destinées à accompagner les professeurs dans cette tâche demeurent à ce jour peu nombreuses [99]. L’application de quelques principes simples peut toutefois suffire. En premier lieu, le professeur se montre attentif à la qualité de son propre niveau de langue tant l’environnement linguistique exerce une influence décisive sur les compétences langagières des enfants et des adolescents, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. Les (bons) exemples entendus en classe les familiarisent avec un vocabulaire et des tournures dont ils ne sont pas toujours coutumiers. L’enseignant veille par exemple à finir ses phrases, à faire l’inversion du sujet lorsqu’il pose une question, voire à appliquer les règles de la concordance des temps qui régissent l’emploi de l’imparfait du subjonctif. (Dans quel autre contexte ses auditeurs auront-ils l’opportunité de le voir utiliser, alors même qu’il s’agit d’une forme verbale qui participe de notre héritage culturel ?) Réciproquement, les élèves sont tenus de ne pas s’exprimer dans un français relâché. Sans bien évidemment attendre qu’ils recourent à l’imparfait du subjonctif, il leur est demandé de faire des phrases complètes et de penser à l’inversion du sujet, pour reprendre les exemples cités. Cet effort qui leur est demandé, pour rigoureux qu’il soit, gagne à s’inscrire dans une démarche ludique (le professeur devient subitement et très ostensiblement sourd lorsqu’une forme incorrecte est utilisée, etc.). Il faut en effet prendre garde de ne stigmatiser personne, car l’enjeu n’est pas de rejeter qui que ce soit mais au contraire de permettre à tout le monde d’accéder aux normes académiques. Le travail qui est réalisé à l’oral ne tarde pas à porter ses fruits à l’écrit. Les réflexes qui ont été acquis dans un contexte fonctionnent également dans l’autre. Mieux, le défi permanent auquel les élèves ont répondu en parlant un français correct permet d’intégrer plus aisément l’exigence d’une égale correction dans les textes qu’ils produisent. « Production », le mot est l’un des sésames de la maîtrise de la langue (à côté de la lecture), car c’est en écrivant que l’on parfait ses moyens d’expression. Il faut donc multiplier les occasions de rédiger en classe. Ainsi ne doit-il pas y avoir d’heures de cours durant lesquelles les élèves ne soient pas invités à le faire. L’accompagnement personnalisé offre aussi un cadre idéal pour approfondir, chez ceux pour qui elle reste difficile, la pratique des types de discours dont on note la récurrence dans nos disciplines (la description, l’explication, l’argumentation, le récit). Un autre moyen de faire progresser les élèves est de prendre l’habitude d’élaborer collectivement une trace écrite de synthèse à la fin du cours. Il est alors judicieux d’utiliser un clavier mobile relié au vidéoprojecteur pour le faire dans d’excellentes conditions. Dans ce cas, en plus de trouver les idées et de les agencer, il SOMMAIRE 86 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE est aussi possible de travailler sur le vif l’orthographe et la grammaire, à partir des difficultés auxquelles les élèves qui saisissent le texte en temps réel sont confrontés. Non seulement cette façon de procéder est plébiscitée du fait des moyens techniques mobilisés et des interactions qu’elle suscite au sein de la classe, mais en outre l’usage montre que travailler la maîtrise de la langue « en situation » permet d’enregistrer le plus de progrès. 1 Elles figurent en italique dans le développement qui suit en respectant le code des couleurs utilisées en classe 2. Elles coexistent dans les cahiers des élèves avec celles qu’ils ont rédigées en autonomie (au crayon à papier afin d’être distinguées des autres) et qui ne doivent pas être effacées, même si elles s’avèrent approximatives ou erronées, car elles témoignent du travail personnel fourni par chacun durant les cours. Précisons enfin que les mots soulignés sont ceux qui ont été isolés par les élèves à la fin de l’étude pour servir de point d’appui à la rédaction de la synthèse qui clôt le cours. La découverte du dossier documentaire crée un horizon d’attente et débouche sur la formulation Les différentes traces écrites d’une séance On ne dira jamais assez l’importance des traces écrites consignées par les élèves dans leurs cahiers, soit qu’ils les aient produites eux-mêmes, soit qu’ils les aient recopiées. Elles ont trop tendance à être remplacées par des photocopies. Les unes et les autres n’ont pourtant pas la même portée pédagogique. Les premières supposent un réel travail, quand les secondes ne donnent pas toujours lieu à un effort d’appropriation. Elles sont en outre fréquemment égarées faute d’avoir été dûment collées. d’une problématique très simple : Pourquoi des massacres sont-ils perpétrés à l’encontre des protestants dans le royaume de France au XVIe siècle ? Le rappel par les élèves des acquis sur la Réforme que complète l’examen d’un premier document – une gravure catholique diabolisant les protestants – permet de poser le contexte global de la période. Cette première phase de travail effectué collectivement à l’oral se referme avec une correction (écrite en vert) qui prend la forme d’un schéma : Différentes traces écrites prennent place dans une séance. Les exemples proposés ci-dessous à titre indicatif sont issus d’une leçon d’un court chapitre intitulé « Pouvoirs politiques et religion en Europe (XVIe-XVIIe siècle) », déclinaison du troisième thème de l’année de cinquième. Pour étudier ce que recouvre précisément cette question, nous avons choisi de retenir l’exemple du royaume de France, tant cette période est inséparable de moments qui sont autant de « lieux de mémoire » de notre histoire, à savoir : le massacre de la Saint-Barthélémy perpétré sous le règne de Charles IX, l’édit de Nantes octroyé par Henri IV La France était divisée entre catholiques et protestants. [Le terme (huguenots) sera ajouté lors de la phase suivante] Les deux communautés s’opposaient avec haine et violence. et sa révocation par Louis XIV. Les traces écrites présentées ici sont celles qui ont été produites sous la responsabilité du professeur et inscrites au tableau à l’occasion de la séance consacrée à « l’événement monstre » 1 de l’année 1572. Mais le sujet importe peu en l’occurrence. L’objectif est surtout de montrer les différentes formes et statuts qu’elles peuvent avoir, ainsi que leur articulation. Un cycle de guerres de religion s’enclencha. (doc. 1) Le professeur expose le contexte immédiat de l’événement à travers un récit qui fait ressortir les jalons suivants : durant l’été 1572, les chefs protestants, qu’on appelait les huguenots, se rendirent à Paris pour assister au mariage d’Henri 2 1On emprunte la notion à Pierre Nora [117]. Sur le concept d’évènement, on renverra en outre à deux articles paru dans la revue Terrain [76 & 95]. SOMMAIRE 2Note de l’éditeur : nous avons transposé le code couleur comme suit : le bleu en italique noir ; le vert en italique gris ; le rouge en italique noir gras. Faire travailler et progresser les élèves 87 de Navarre (protestant) avec Marguerite de Valois, sœur du roi Charles IX (catholique, conformément à la tradition monarchique française). La célébration eut lieu le 18 août. Tout bascula quatre jours plus tard. En sortant du palais du Louvre où résidait la cour, Coligny, le chef des protestants, fut victime d’un attentat. Les capitaines huguenots réclamèrent justice et un climat d’extrême tension s’instaura. Il fut décidé de les éliminer, mais tous les calvinistes furent finalement ciblés. C’est ce que l’on nomme le Massacre de la Saint-Barthélémy Débute alors la dernière partie de la séance. Elle consiste à élaborer collectivement – via un clavier mobile relié au vidéoprojecteur qui circule dans la classe – un bilan qui fasse synthèse de l’étude de cas en s’appuyant sur les mots clés inscrits au tableau. Il faut veiller à ce qu’il soit bref et que ce qui devra être mémorisé apparaisse clairement (en rouge). Cette étape cruciale du cours fournit aux élèves l’occasion non seulement de structurer leur pensée et leur savoir à travers une argumentation rigoureuse, mais aussi de travailler la maîtrise de la langue. Les élèves reprennent en autonomie l’examen du dossier documentaire pour caractériser l’événe- Au XVIe siècle, suite à la diffusion des idées de Calvin en France, le royaume était divisé par une hostilité ment sous la forme d’un paragraphe en confrontant un texte (extrait des Mémoires de Sully) et une image (le célèbre tableau de François Dubois). Avant de commencer la reprise en classe entière, quelques précisions sont données sur l’artiste et son œuvre (un peintre parisien réchappé du massacre, qui s’était réfugié en Suisse. Traumatisé par ce qu’il avait vu, il chercha à restituer l’horreur de l’événement plus qu’à en donner une représentation littérale : aussi mélange-t-il le réel et l’imaginaire). Comme les élèves ont accumulé une matière abondante, la correction s’organise autour de quelques questions simples. Quand ? en 1572. Où ? à Paris. (La peinture montre l’entrée du palais du Louvre, résidence parisienne du roi.) Quels types d’individu voit-on commettre des meurtres ? Des soldats (casqués, cuirassés et armés d’épées, de hallebardes et d’arquebuses) mais aussi des civils (qui frappent à l’aide de gourdins) y participèrent. Quel est le bilan du massacre ? On dénombre des entre catholiques et huguenots [nom donné aux protestants sous l’Ancien Régime]. Mais, d’une divergence de doctrines religieuses, on bascula vers des affrontements violents que l’on nomme les guerres de religion. Le massacre de la Saint-Barthélemy [déchaînement de violence des catholiques contre les protestants, qui se solda par des milliers de victimes en 1572] en constitua l’événement le plus terrible. Il mit en évidence que le pouvoir royal, affaibli, ne parvenait pas à imposer son autorité aux deux partis. milliers de victimes. (Environ 2 000 à 3 000 morts dans la capitale sur une durée de trois jours. Et les massacres se propagèrent à plusieurs villes de province.) Les lignes de force ayant été tracées, l’enseignant précise que les principales figures des partis en présence étaient : le duc de Guise, chef du parti catholique, qui tient la tête de l’amiral de Coligny, chef du parti protestant, le roi Charles IX et sa mère, Catherine de Médicis. Ils sont visibles, regardant la scène depuis une terrasse. Ainsi, le roi qui avait normalement le devoir de protéger ses sujets, empêcha-t-il les violences entre catholiques et protestants ? Que peut-on en conclure sur son pouvoir ? Le pouvoir royal était affaibli. SOMMAIRE ÉVALUER POUR FAIRE PROGRESSER LES ÉLÈVES La manière d’aborder l’évaluation a beaucoup évolué ces dernières décennies ; elle reste toutefois aujourd’hui encore en partie un impensé des pratiques pédagogiques. Aussi n’est-il peut-être pas superflu de commencer par rappeler ce qu’elle n’est pas ou plus. Au collège, on ne le redira jamais assez, elle n’a vocation ni à classer ni à sélectionner les élèves. Il faut en effet définitivement rompre avec la vieille tradition du tableau d’honneur. Durant les cycles 3 et 4, l’école de la République est celle de la réussite de tous et elle ne peut être assimilée à une suite d’épreuves avec phases éliminatoires. Le socle, dont l’introduction remonte à 2006 [31], invite à tourner le dos à l’idée de compétition scolaire, comme y insiste François Dubet [52]. Il vise à faire en sorte que l’ensemble des élèves atteigne (au moins) un certain niveau de base – ce n’est pas pour rien que, bien qu’il ait été refondu et qu’il ait changé de nom depuis 1, le même adjectif lui reste accolé : il est « commun » à tous. C’est d’autant plus vrai que, comme l’écrit Michel Hagnerelle, aujourd’hui les programmes sont clairement « “connectés” au Socle : traiter les programmes, c’est poursuivre les objectifs du Socle. C’est à partir des connaissances et des compétences définies dans les programmes que se fait l’évaluation du Socle et que sont conçues les épreuves du diplôme national du brevet » [86]. L’évaluation n’est pas non plus une fin en soi. Elle n’est qu’un moyen mobilisé parmi d’autres pour faire progresser les élèves. Elle doit donc être appréhendée, conçue, utilisée et expliquée pour ce qu’elle est : un outil de la panoplie pédagogique que déploie le professeur dans le cadre d’une stratégie globale pour mener à bien les apprentissages. Dans cette optique, il convient que tous les acteurs concernés – au premier rang desquels les élèves et les parents – en 1On est en effet passé du socle commun de connaissances et de compétences [31] au socle commun de connaissances, de compétences et de culture actuellement en vigueur [16]. dédramatisent les enjeux et les résultats 2. Il ne faut en effet pas perdre de vue que l’évaluation n’a que deux objets – qu’il ne faut cesser de rappeler à ceux qu’elle concerne. Elle cherche tout d’abord à mesurer les acquis et, autant que faire se peut, à acter les progrès. Elle sert ensuite de levier pour se projeter dans la suite des apprentissages, notamment pour remédier aux difficultés rencontrées grâce à des temps de régulation ad hoc. Disons-le donc nettement : il faut se débarrasser de la pression évaluative qui s’avère trop souvent contre-productive. Définir ainsi l’acte d’évaluer entraîne plusieurs corollaires. Le premier consiste à cibler très rigoureusement ce dont l’enseignant veut contrôler le degré de maîtrise. Globalement, la philosophie de nos disciplines veut qu’il demande aux élèves d’être capables, le plus fréquemment à partir de l’examen d’un dossier documentaire, de situer des faits dans l’espace et le temps, de les confronter et de les analyser, bref de conduire une réflexion puis d’en restituer le fruit, à l’oral ou à l’écrit, à travers les genres canoniques de la culture scolaire (la réponse à une question, un paragraphe argumenté, 2Il est, entre autres choses, impératif d’éviter que les difficultés rencontrées – notamment chez ceux pour qui l’univers du collège réclame une forte acculturation – ne se muent en un constat d’échec sans appel. François Dubet [53] a mis en évidence que ce dernier se construit très vite et que non seulement il engendre la démotivation mais qu’il peut en outre déboucher pour certains élèves sur des violences anti-scolaires. En effet, parce qu’ils se croient renvoyés à une inaptitude et « se sentent humiliés par l’école qui ne peut leur donner qu’une image dévalorisante d’eux-mêmes, ils choisissent de défendre leur dignité en créant, dans la communauté des garçons en particulier, une hiérarchie de valeurs qui renverse celle de l’école ». Ce processus de protection et les conduites agressives qui en résultent sont d’autant plus fréquents que, contrairement à la situation qui a prévalu jusqu’aux années 1960 et où « l’essentiel de la sélection était effectuée en amont de l’école, par la position sociale qui distribuait les enfants dans tel ou tel type de formation », à l’heure de l’école de masse s’insinue l’idée que ce sont les qualités personnelles de chacun qui conduisent à la réussite ou à la relégation, plus que l’injustice sociale. SOMMAIRE 90 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE un tableau, un schéma, un croquis, un exposé, etc.). C’est particulièrement net au cycle 4 où les capacités d’interprétation sont de plus en plus mobilisées. Dans le cadre propre à chaque chapitre, l’évaluation porte en outre sur les contenus qui ont été strictement délimités lorsqu’on a établi la liste des objectifs en conformité avec les instructions officielles. Une référence scrupuleuse à ces dernières et à l’esprit du Socle doit conduire non seulement à ne retenir qu’un nombre assez restreint de savoirs et de savoir-faire mais encore à ce que le plus grand nombre puisse les mobiliser aisément. Il n’y a donc pas lieu de tergiverser a priori sur le niveau de difficulté pour savoir si l’on donnera un sujet « facile » ou « difficile » qui réserverait plus ou moins de chances de réussir. Pour résumer et contrairement à certaines idées reçues, le professeur ne perdra jamais de vue que, dans l’idéal, tout le monde doit pouvoir prétendre à la note maximale, et que, dans les faits, on devrait l’attribuer à beaucoup sinon à tous 3. Dans le même esprit, parmi les quatre niveaux de maîtrise identifiés par le Ministère (pour mémoire : « maîtrise insuffisante », « maîtrise fragile », « maîtrise satisfaisante », « très bonne maîtrise »), le niveau de référence, celui qui correspond aux attendus de fin de cycle pour tous les élèves, est le troisième, c’est-à-dire une maîtrise satisfaisante. Il est cependant légitime de faire intervenir la question de la gradation de la difficulté si elle est abordée dans une stricte logique cognitive. Il conviendra par exemple de s’interroger pour déterminer s’il est plus pertinent de placer les élèves dans une situation de simple application (i.e. mettre en œuvre des connaissances et des compétences dans des conditions très similaires à celles de l’apprentissage) ou bien dans une situation où ils devront décontextualiser ce qu’ils ont appris (i.e. mobiliser des connaissances et des compétences dans un contexte différent de celui du cours). Dans les deux cas de figure, le niveau de maîtrise mesuré n’est bien évidemment pas comparable : la seconde option est plus exigeante en ce qu’elle suppose une appropriation plus approfondie mais elle atteste en cas de succès d’acquis pleinement opératoires ainsi que d’une réelle autonomie. C’est bien in fine ce qui est recherché. Mais l’enseignant fait en sorte que les élèves aient préalablement eu l’occasion à la fois de se trouver dans des situations 3Cette question interpelle d’ailleurs directement le professeur sur la manière dont il remplit la mission qui lui est confiée, car c’est bien dans la mesure où le maximum d’élèves atteint les objectifs qu’il a définis qu’il peut considérer que son enseignement a été performant. SOMMAIRE similaires et de manipuler des documents de même type. Pour le dire autrement, il est indispensable qu’ils bénéficient d’un entraînement régulier. Puisque l’ambition est d’offrir au plus grand nombre la possibilité de valider l’acquisition des objectifs définis par les programmes et le socle commun, les « surprises » sont à proscrire. Tout ce qui fera l’objet d’une évaluation est donc explicité en tant que tel. C’est pour cela que l’on aura pris soin d’exposer oralement, puis d’inscrire dans le cahier de texte numérique, la liste exhaustive des connaissances et des compétences abordées dans le chapitre. Il est par ailleurs souhaitable que les élèves disposent d’une fiche de révision et d’auto-évaluation susceptible de les guider dans leur travail personnel, tout en leur fournissant le moyen d’apprécier où ils en sont dans leur appropriation de ce qui est demandé par le professeur. À l’occasion, il peut leur être demandé de la produire eux-mêmes. Cet effort de métacognition peut sembler ambitieux mais il se révèle être, à l’usage, un élément décisif pour progresser et se motiver. Les classes en prennent rapidement conscience et plébiscitent ce genre d’outil. C’est important, car un basculement décisif s’effectue alors : les collégiens n’apprennent plus pour être évalués, ils comprennent qu’ils sont évalués pour mieux apprendre. On peut d’ailleurs valoriser cette démarche en suggérant à chacun de rendre son auto-évaluation avec sa copie afin de se voir attribuer des « points bonus » lorsque ce travail est globalement objectif 4. Ce faisant, le professeur dispose en outre d’une source d’information supplémentaire pour cerner le cheminement de chacun dans les apprentissages. Il faut d’ailleurs aller plus loin encore dans le souci d’accompagner les élèves. En effet, si annoncer ce qui sera évalué est indispensable, cela n’est pour autant pas suffisant. Il convient également d’objectiver les critères de réussite à travers des explications données en amont du contrôle mais également en rédigeant des consignes détaillées sur ce point dans le sujet lui-même, notamment si les élèves sont placés en situation de décontextualiser ce qu’ils ont appris. 4L’idéal serait même d’aller jusqu’au bout de la philosophie qui sous-tend l’apprentissage par compétences et d’impliquer complétement l’élève dans sa propre évaluation en faisant en sorte que ce soit lui qui établisse le diagnostic d’acquisition et, lorsqu’il se sent prêt, en demande confirmation, et le cas échéant, attestation par le professeur. 91 Faire travailler et progresser les élèves Mieux : afin de favoriser la réussite de tous les élèves, il est conseillé de leur proposer des aides qui constituent une sorte de « boîte à outils ». L’étayage fourni (définitions, documents complémentaires, consignes supplémentaires avec la marche à suivre, plan détaillé du développement attendu, etc.) n’apporte toutefois pas de réponses directes ; ceux qui y ont recours doivent savoir le mobiliser à bon escient. Il est une autre dimension qui réclame toute l’attention du professeur, c’est celle du temps personnel lors duquel l’élève mémorise les connaissances et s’entraîne à réutiliser les compétences abordées durant le cours. Dans maintes classes, ce genre de travail est, à l’évidence, insuffisant voire inexistant. La question est souvent corrélée au suivi dont l’élève bénéficie ou non dans son milieu familial. On le sait, l’école reproduit souvent les inégalités sociales – quand elle ne les accentue pas 5. Il ne saurait être question d’accepter ce constat sans tenter d’y remédier, au moins partiellement. Il n’existe bien évidemment pas de solution miracle, mais un début de réponse consiste à faire en sorte que le travail personnel traditionnel demandé hors du temps scolaire soit réalisé en classe. C’est pourquoi, lorsqu’il fait le constat que le travail personnel, et notamment la préparation que réclame une évaluation, n’est pas fait correctement, l’enseignant n’hésitera donc pas à réviser sa programmation annuelle de façon à intégrer dans le volume horaire dont il dispose des plages d’aide à l’apprentissage des leçons. Ainsi, au-delà des brefs moments de reformulation des acquis à la fin de l’heure et au début de la séance suivante, prévoira-t-il un temps de révision plus substantiel placé dans les jours qui précèdent l’interrogation. On gagnera alors à solliciter tous les détours susceptibles de mobiliser les élèves en général et ceux n’ayant pas un profil très scolaire en particulier : jeux, astuces mnémotechniques, utilisation du téléphone portable (après accord du chef d’établissement) pour s’interroger mutuellement, etc. Insistons aussi sur le fait que l’évaluation ne doit pas être close sur elle-même. Une fois réalisée, elle fait l’objet d’un travail spécifique. Mais encore faut-il que les élèves puissent comprendre leurs réussites comme leurs échecs. Aussi l’enseignant accompagnet-il les copies qu’il rend d’outils qui permettent de 5Les ouvrages pionniers de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron [41 & 42] ont joué un rôle majeur dans cette prise de conscience. Pour une synthèse actualisée sur cette question qui a suscité de très nombreuses recherches, on pourra se reporter aux travaux de Marie Duru-Bellat [55 & 56]. les identifier facilement. Il peut utiliser la fiche déjà mentionnée, ce qui offre l’opportunité à chacun de confronter son (auto-)évaluation à celle du professeur, ou bien recourir à une grille plus synthétique pointant les performances de l’élève dans quatre grands domaines qui concernent respectivement les connaissances, les compétences, la capacité à argumenter et la maîtrise de la langue. Ce souci d’explicitation rend la phase de correction beaucoup plus productive, car chacun peut alors se concentrer sur les champs dans lesquels il lui faut encore progresser. C’est dire que la correction ne doit nullement se borner à indiquer les bonnes réponses mais bien enclencher un travail de remédiation – que l’accompagnement personnalisé offre la possibilité de conduire dans les meilleures conditions, même si cette option n’a rien d’exclusif. Quel que soit le dispositif pédagogique auquel il est fait appel, un corrigé complet et entièrement rédigé est toujours fourni, au moment qui semble le plus opportun, de façon à ce que les élèves aient un étalon, sinon un modèle, auquel se référer pour se représenter aussi précisément que possible ce qui était attendu d’eux et qu’ils disposent de repères solides sur le chemin qui leur reste à parcourir en vue d’atteindre une pleine réussite. Faut-il rappeler, pour finir, que dans le cadre du Socle commun, l’évaluation, dans sa dimension certificative, doit être conçue et pratiquée dans une logique interdisciplinaire ? Aussi bien est-il incontournable que les membres de chaque équipe pédagogique se concertent pour positionner collectivement les acquis des élèves. Une fiche de révision et d’auto-évaluation La fiche de révision et d’auto-évaluation proposée ci-dessous a été conçue dans le cadre du cours sur l’adaptation du territoire des États-Unis aux nouvelles conditions de la mondialisation, souspartie du troisième thème de géographie du programme de quatrième. Elle est distribuée aux élèves dès le début du chapitre. Cette fiche est destinée à vous aider dans vos révisions. Elle récapitule ce que vous devrez être mesure de faire le jour de l’interrogation. Elle doit également vous permettre d’évaluer votre degré de maîtrise des objectifs visés. Vous devrez la glisser renseignée dans votre copie. SOMMAIRE 92 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE CONNAISSANCES / COMPÉTENCES ACQUISE EN COURS D’ACQUISITION RÉVISIONS SUR LE CHAPITRE EN COURS Définir et utiliser à bon escient : – mégalopolis ; – suprématie. Localiser et situer sur une carte des États-Unis les repères spatiaux suivants : – cinq métropoles de taille mondiale ; – la mégalopolis ; – les principaux territoires intégrés à la mondialisation ; – les trois grandes façades portuaires. Expliquer que les États-Unis : – occupent une place centrale dans l’économie mondiale ; – ont un modèle culturel qui s’est diffusé à l’échelle planétaire ; – accueillent des flux migratoires importants ; – disposent d’une suprématie militaire et diplomatique sur la scène internationale. Caractériser l’impact de la mondialisation sur l’organisation du territoire américain en mettant en évidence le rôle : – de la métropolisation ; – des façades maritimes ; – des régions qui concentrent les activités de haute technologie. Décrire des paysages représentatifs de l’adaptation des États-Unis aux nouvelles conditions de la mondialisation. Réaliser un croquis ou un schéma rendant compte des grands traits de l’organisation du territoire des États-Unis. RÉVISIONS DES ACQUIS ANTÉRIEURS DE LA CLASSE DE 4e Définir et utiliser à bon escient : – mondialisation ; – métropolisation ; – littoralisation. RÉVISIONS DES ACQUIS DES CLASSES DE 6e ET DE 5e Connaître les repères géographiques de 6e. Connaître les repères géographiques de 5e. CAPACITÉS RELATIVES AU DOMAINE 1 DU SOCLE COMMUN Rédiger des réponses argumentées. Rédiger des phrases dans un français correct. SOMMAIRE NON ACQUISE INTERAGIR AVEC LES PARTENAIRES DE L’ÉCOLE ET LES PARENTS L AURENCE MARION SOMMAIRE Tout au long des pages qui précèdent, nous avons insisté sur les évolutions de fond qui ont façonné l’école telle que nous la connaissons aujourd’hui. L’une d’entre elles concerne l’ouverture sur la société, et les établissements construisent tous, à présent, des réseaux de partenaires, selon des statuts et des degrés de coopération variés. Qu’il s’agisse des institutions intervenant sur les mêmes publics (enfants et adolescents), des services des collectivités territoriales, des établissements culturels, ou d’entreprises, d’associations et parfois même de personnes invitées au seul titre de leur engagement citoyen, la présence d’intervenants extérieurs dans les classes n’est plus une exception. Pour autant, ces partenariats ne sauraient être une fin en soi, et leur nombre ou leur prestige ne dit rien de la qualité des liens tissés ni de leur pertinence pour le travail éducatif et pédagogique. Les enseignants peuvent être à l’initiative de ces relations privilégiées. Ils peuvent aussi bénéficier d’un réseau déjà constitué. Le plus souvent, ils préféreront recourir à un intervenant connu dans l’établissement et qui aura déjà fait ses preuves ; la confiance est en effet primordiale en milieu scolaire. Car l’école n’est pas un lieu indifférent (nous avons vu que des valeurs et des principes devaient y être respectés et promus), et le public collégien possède ses spécificités : les élèves sont encore mineurs, influençables, leur personnalité demeure en construction et les adolescents qu’ils sont se présentent volontiers sous des dehors frondeurs ou provocateurs. Aussi le recours à tout intervenant doit-il être pensé, pesé et préparé. Il ne s’agit pas de développer des inhibitions irraisonnées ou des excès de prudence, encore moins des positions de principe dépassées mais, dans cette situation professionnelle comme dans d’autres, d’agir en connaissance de cause et dans l’intérêt pédagogique des élèves. Une autre évolution profonde s’observe dans l’école, liée à cette volonté d’ouverture. Elle concerne la place des parents, qui sont clairement devenus membres à part entière de la communauté éducative. En tant qu’usagers du service public, ils possèdent un certain nombre de droits et d’obligations. Mais les relations qu’ils entretiennent avec l’école ne se résument pas à ces aspects contractuels. Certes, ils ne sont pas présents au quotidien dans les établissements, n’entrent guère dans les schémas que l’on peut dresser de l’organisation et du fonctionnement du collège, et ne sont pas admis sans autorisation à accéder à n’importe lequel de ses espaces (notamment aux salles de classe). Le souci de leur accueil, de la façon dont ils peuvent jouer pleinement leur rôle et du respect de leurs prérogatives pose des questions parfois proches de celles qui concernent les interventions extérieures. Mais l’exercice de l’autorité parentale, encadré par le droit, les liens affectifs qu’ils entretiennent avec leurs enfants, sur un plan plus psychologique, et les représentations réciproques qui sont à l’œuvre dans les relations avec les enseignants, pour se placer sur un terrain sociologique, font des parents des interlocuteurs sans équivalent. On parle d’ailleurs depuis plusieurs années de coéducation pour désigner les rapports que l’on souhaiterait voir s’installer entre parents et professionnels de l’institution scolaire. Il ne s’agit nullement d’aller vers une cogestion de la relation pédagogique, mais plutôt de reconnaître l’existence de deux formes distinctes de l’action éducative, qu’il vaut mieux parvenir à articuler pour qu’elles ne se fassent pas concurrence mais au contraire se complètent. La relation avec les parents crée souvent des appréhensions ou des incompréhensions chez les professeurs, et les échanges peuvent parfois virer au conflit. Cependant, la rencontre est inévitable autant que nécessaire. Il est heureusement possible de mettre en place des pratiques et d’adopter des attitudes qui favorisent le dialogue et permettent ce qui est en réalité souhaité par les deux parties : une véritable coopération autour de la réussite des élèves. SOMMAIRE ENRICHIR SON ENSEIGNEMENT PAR DES INTERVENTIONS EXTÉRIEURES Le recours à des compétences extérieures peut prendre deux formes principales : l’intervention en classe (et plus largement, dans l’établissement) ou la sortie pédagogique. Même si leur déroulement diffère, elles relèvent de considérations proches et de démarches qui souvent se rejoignent. Elles visent en général à enrichir le cours, dans une logique de complémentarité. Aller assister à une représentation de l’œuvre dramatique étudiée en cours de lettres s’impose ainsi chaque fois que possible, tant il est reconnu que le théâtre est moins un genre littéraire qu’une pratique scénique. De la même manière, l’histoire se donne mieux à comprendre si les élèves peuvent bénéficier d’au moins une visite d’une institution dédiée à la conservation et à la gestion d’archives. En effet, comme l’écrit Arlette Farge [94], leur contact provoque « d’emblée un effet de réel » qui s’avère un levier précieux pour faire saisir à des adolescents à la fois la profondeur historique et la manière dont les historiens s’efforcent de la restituer à travers leurs recherches. Dans le même ordre d’idée, on peut trouver intérêt à faire venir un spécialiste (un agent du service des Eaux quand cette question est abordée en cinquième, par exemple), à diversifier les approches (une sortie sur un site archéologique en sixième), à concrétiser des aspects théoriques (un pompier bénévole venant incarner une forme d’engagement citoyen dans le cadre d’une séance d’enseignement moral et civique), à solliciter un témoignage (pour illustrer des événements historiques ou des particularismes culturels propres à une aire linguistique) ou une personne extérieure à l’Éducation nationale sur des sujets que les adolescents abordent plus difficilement avec les adultes qu’ils côtoient en milieu scolaire ; on pense ici tout particulièrement aux actions de prévention (sensibilisation par une association aux dangers des usages d’Internet et au cyber-harcèlement). Le choix des intervenants dépendra bien entendu du projet et du besoin identifié. Il en existe plusieurs « types », qui ne sont pas interchangeables. Sur certains sujets, on va préférer travailler avec des partenaires institutionnels, notamment les services publics qui interviennent auprès d’enfants ou d’adolescents, (services de la police et de la gendarmerie, protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), mais aussi médecine publique…). Lors de sorties pédagogiques, on pourra souvent s’appuyer sur des services éducatifs, qui présentent l’avantage d’être composés d’enseignants chargés de mission. Sur d’autres questions, il paraîtra plus judicieux de faire intervenir des acteurs associatifs, dont on se sera préalablement assuré qu’ils disposent des agréments requis [voir encadré page 96]. Parfois même c’est à titre personnel, en raison d’un parcours particulier, que quelqu’un pourra venir apporter les éléments recherchés. Rappelons aussi que le ministère a souhaité faciliter le repérage des ressources dans le champ de l’éducation à la citoyenneté, tout en garantissant leur sérieux, à travers la création de la réserve citoyenne. Dans chaque académie, des volontaires se sont manifestés pour mettre à disposition leurs savoirs ou leur expérience. Leur candidature a été examinée puis validée par le rectorat, qui leur a souvent proposé une formation sur l’intervention en milieu scolaire. La liste des personnes retenues, leur parcours, leur secteur géographique de mobilité et leur champ de compétence sont accessibles depuis les sites académiques, souvent ordonnés par département. Le moment où l’enseignant va positionner ce type de séance dépend de ses objectifs et de sa progression. Il peut aussi choisir d’exploiter une manifestation s’inscrivant dans la vie de l’établissement et qui trouve avec son cours des articulations bienvenues : une série de conférences-débats organisée le 9 mai pour la journée de l’Europe, en collaboration avec la maison SOMMAIRE 96 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE de l’Europe locale 1, pourra par exemple trouver sa place dans le traitement de l’un des points du thème 3 du programme de géographie de troisième (« La France et l’Europe dans le monde »), tout comme dans des EPI traitant des thématiques « Langues et cultures étrangères » ou « Information, communication et société ». Certaines institutions et associations proposent des animations sous forme d’expositions commentées ou accompagnées de jeux découvertes ; cette forme d’intervention donne la possibilité d’en faire bénéficier plusieurs classes (durant une même semaine, par exemple). Quant aux sorties, elles doivent bien sûr faire l’objet d’une préparation en amont et d’une exploitation en aval pour ne pas être réduites à de simples divertissements ; elles ne possèdent pas de vertus magiques qui leur permettent de se suffire à elles-mêmes sur le plan pédagogique. S’il recherche un intervenant sur un point particulier, l’enseignant peut s’appuyer sur des personnes ressources dont les missions contribuent à alimenter le réseau partenarial de l’établissement : le référent culture, le professeur-documentaliste, mais aussi le CPE ou le service médico-social sur des questions ayant trait à la citoyenneté, ou le coordinateur de la discipline, souvent destinataire de l’offre des principaux établissements culturels du secteur ainsi que des lettres d’information des services académiques. À l’extérieur de l’établissement, les inspecteurs pédagogiques régionaux, les différents référents académiques (comme le référent mémoire-citoyenneté) ou les responsables de médiathèques peuvent également proposer des mises en relation judicieuses. L’intervention d’une personne extérieure dans un cours comporte évidemment des limites, qu’il convient de bien cerner pour éviter les déconvenues. Il va de soi que toute forme de prosélytisme ou de démarche commerciale est à proscrire. Mais on sera également attentif à éviter le mélange des genres, avec des personnalités en rapport avec l’établissement à plusieurs titres (personnels, parents d’élèves), ce qui est susceptible de brouiller les discours dans l’esprit des élèves. La neutralité, ensuite, doit être parfaitement respectée : attention donc aux intervenants pouvant se réclamer d’engagements politiques (élus), syndicaux (y compris les organisations 1On trouvera un descriptif utile des activités de la Fédération française des maisons de l’Europe et des ressources qu’elle propose sur leur site [137]. La fédération a obtenu du ministère un agrément national au titre des associations complémentaires de l’enseignement public en 2015. SOMMAIRE patronales) ou de ministères religieux. En cas de doute, il ne faut pas hésiter à consulter le chef d’établissement avant de prendre une décision, d’autant que sa responsabilité est engagée en cas de problème. Mais les écueils majeurs restent, chez l’intervenant, le manque de recul par rapport à sa propre expérience, l’inadaptation du discours ou de l’attitude face à un public d’adolescents, ou le manque de maîtrise de l’expression devant une assemblée. En histoire, voire en lettres, l’enseignant travaillera particulièrement à expliciter le contexte et le statut du témoignage car, comme le souligne à juste titre Annette Wieviorka [127], il « s’adresse au cœur, et non à la raison. Il suscite la compassion, la piété, l’indignation, la révolte même parfois ». En effet, fût-ce implicitement, « celui qui témoigne signe avec celui qui reçoit le témoignage un “pacte compassionnel” ». Le professeur d’histoire doit donc être conscient que ce que l’on donne alors à entendre aux élèves « n’est pas un récit historique » et le leur faire comprendre. Pour l’enseignement moral et civique, on se méfiera du « parcours de vie » déroulé sans distance, en particulier s’il touche à des réalités sociales éprouvantes (pauvreté, toxicomanie, accident de la route…) ou à un vécu de victime : sa portée sur chaque élève sera d’autant plus aléatoire qu’il pourra rarement déboucher sur une reprise visant l’acquisition de savoirs constitués ou de compétences identifiées. Certaines associations, souvent de portée nationale, forment leurs membres à l’intervention en milieu scolaire pour éviter ces risques. Dans tous les cas, il est indispensable de s’assurer de ce qui sera proposé en préparant conjointement les séances et en rencontrant préalablement les personnes qui entreront dans la classe. Comment faire appel à des intervenants ? Nous proposons ici une liste de points clés à vérifier pour chaque intervention. Dans certains établissements, la marche à suivre fait l’objet de procédures rédigées, et disponibles pour les enseignants au secrétariat. – Solliciter l’autorisation (obligatoire) du chef d’établissement. S’y prendre assez tôt pour lui permettre de demander, si nécessaire, des informations complémentaires ou pour trouver avec lui une solution alternative en cas de refus. Interagir avec les partenaires de l’école et les parents – Inscrire sa demande dans un projet pédagogique (y compris le déroulé d’une séquence de cours) et formuler la demande de financement, le cas échéant. – Étudier avec l’adjoint-gestionnaire les coûts de l’intervention, les demandes de subventions possibles et l’organisation matérielle (réservation d’une salle spécifique, disponibilité des agents pour la mise en place d’une exposition, etc.). – Pour les associations et les partenaires non institutionnels, vérifier l’existence d’un agrément national ou académique (se faire aider par le secrétariat). – Procéder à une information précise des familles : date de l’intervention, contexte, objectif, nom et qualité de l’intervenant. Il s’agit bien d’une information ; s’inscrivant dans le cadre pédagogique, la présence des élèves à des séances accueillant un intervenant extérieur ne peut pas être facultative. L’objectif est ici de désamorcer la critique par une attitude transparente. 97 – Se faire remettre une trousse de secours, la liste des élèves relevant d’un PAI et leur traitement le cas échéant. – Partir avec l’ensemble des coordonnées téléphoniques nécessaires. – Vérifier que les élèves participants sont bien couverts par une assurance en responsabilité civile (surtout pour la visite de sites archéologiques, de musées, d’expositions etc.). Cette information est disponible au secrétariat ou à la vie scolaire. – Pour les déplacements à l’étranger, se conformer aux procédures d’autorisation de sortie du territoire (à voir avec le chef d’établissement). – Préparer la séance avec l’intervenant : s’entendre sur la commande, les activités et les contenus proposés, l’esprit dans lequel ils seront traités, l’évaluation qui sera faite de la prestation. – Préparer la séance avec les élèves : expliquer le lien avec ce qui est abordé dans le cours, présenter succinctement les contenus, annoncer la façon dont l’intervention sera exploitée pour l’enseignement. – Prévoir d’être présent ; si les modalités retenues prévoient de scinder la classe en deux groupes, anticiper la présence d’un autre personnel de l’établissement (collègue, assistant d’éducation, CPE, assistante sociale…). – Fixer une réunion de bilan avec les intervenants. Points clés supplémentaires pour les sorties pédagogiques : – Prévoir une information des familles (document précisant notamment le moyen de transport, les horaires, les modalités de restauration, etc.) et s’assurer qu’elle a bien été reçue. SOMMAIRE CONNAÎTRE LES DROITS DES PARENTS D’ÉLÈVES La relation avec les parents d’élèves paraît souvent épineuse aux enseignants, qui en attendent du soutien tout en redoutant la contestation de leur travail qu’elle fait parfois émerger. De fait, elle cristallise de part et d’autre des représentations sociales et des considérations psychologiques qui la rendent parfois compliquée, difficile à lire, en tout cas chaque fois différente. De plus, elle met en lumière un rapport de force dissymétrique, les parents disposant sur leurs enfants d’une autorité consacrée par le droit autant que d’une influence éducative nettement plus prégnante que celle du professeur. Il n’est donc pas toujours aisé de trouver les voies d’un dialogue qui, à défaut de compréhension mutuelle ou d’accord, permette au moins à l’élève de s’adapter à deux cadres différents (où se rejoue la démarcation espace privé/ espace public) et de percevoir son intérêt personnel à l’acquisition des apprentissages proposés par l’école mais qui peuvent s’éloigner d’une culture familiale. De fait, les parents, usagers du service public d’éducation, y disposent de droits individuels et collectifs [30] dont le respect représente la première condition à la mise en place d’échanges constructifs. Il s’agit du droit d’information concernant le suivi de la scolarité et du comportement de leur enfant, et de celui de réunion et de participation aux instances de l’établissement par l’intermédiaire de leurs représentants. Dans leur pratique, les enseignants sont plus souvent confrontés à l’exercice de ces droits à titre individuel : demandes portant sur les résultats ou l’attitude de l’élève, sur les objectifs d’apprentissages, les méthodes choisies ou les activités conduites en cours, ou sollicitation de rencontres, notamment en vue des décisions d’orientation. Sur ce dernier point, rappelons que tout refus d’entretien de la part d’un enseignant doit être motivé par écrit et qu’il vaut mieux, le cas échéant, en informer le chef d’établissement. Nous revenons dans le chapitre suivant sur la façon dont une relation de qualité peut se construire avec les parents des élèves. Mais on touche déjà ici à un point fondamental : leurs questions ne peuvent pas être considérées a priori comme des tentatives pour s’immiscer dans des pratiques professionnelles qui ne relèvent pas de leurs compétences. Elles correspondent à l’usage d’un droit auquel répond la transparence de la part des enseignants. En revanche, la demande d’information n’autorise pas le jugement de valeur sur l’enseignement dispensé ni la remise en question des fonctionnements mis en place dans la classe ou dans l’établissement. Cela peut être rappelé très sereinement dans certains entretiens. L’exercice des droits parentaux est devenu plus complexe avec le bouleversement des structures familiales, mais il n’est pas attendu d’un enseignant qu’il maîtrise parfaitement le code de l’action sociale et des familles. Il lui suffit de savoir que, la plupart du temps, les situations de séparation ou de divorce n’entraînent pas de modification sur la détention de l’autorité parentale, qui reste conjointe (mais exclut les nouveaux compagnons, dans les familles recomposées). Les demandes du parent chez qui l’enfant ne réside pas principalement, par exemple, demeurent donc légitimes, même si le fait d’y accéder provoque parfois l’ire de l’interlocuteur habituel de l’équipe pédagogique. Les rares situations d’autorité parentale confiée exclusivement à l’un des deux parents sur décision de justice sont connues de la direction de l’établissement. En cas de doute, il vaut donc mieux la solliciter. Il en va de même si l’on s’interroge sur les situations dans lesquelles l’accord de deux parents séparés doit être explicitement donné 1. Au quotidien, l’interlocuteur le plus disponible n’est pas toujours l’un des parents. Obstacle linguistique, fonctionnement d’une famille recomposée (notamment quand l’un des parents est décédé), par exemple, amènent à l’école des personnes qui, de fait, ne sont détentrices d’aucun droit. Elles peuvent ne pas manquer de pertinence ni d’ascendant sur l’élève concerné. Mais il importe alors que la relation avec 1Sur l’ensemble des questions relatives à l’exercice de l’autorité parentale en milieu scolaire, nous renvoyons au guide édité par le ministère [26]. SOMMAIRE 100 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE les enseignants ne se construise pas au détriment ou à l’insu du détenteur de l’autorité parentale ; la présence de ce dernier, même assistée, reste souhaitable et son accord indispensable pour garantir une continuité de l’action éducative conduite autour de l’élève, autant en droit que de façon symbolique. Les représentants des parents Les parents d’élèves sont représentés au conseil d’administration de l’établissement, à la commission permanente, au conseil de discipline, au conseil de la vie collégienne et dans les conseils de classe. Ils le sont généralement aussi au comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, et dans toute instance que le collège décide de mettre en place (comité d’hygiène et de sécurité, commission éducative, etc.). Ils peuvent être organisés en association ou affiliés à l’une des fédérations nationales, mais il ne s’agit pas d’une obligation. Ils élisent annuellement leurs délégués au conseil d’administration, au moment de son renouvellement, généralement début octobre. Dans les conseils de classe en revanche, les participants ne sont pas élus mais désignés par la ou les listes ayant obtenu des sièges au conseil d’administration. Ils peuvent ne pas être parents d’un élève de la classe. Ce droit de participation aux instances de l’établissement s’accompagne de celui d’informer ses mandants et de diffuser des comptes rendus à cette fin. Les chefs d’établissement sont tenus de faciliter aux parents d’élèves l’exercice de leurs mandats, notamment sur un plan matériel. En effet, l’implication de ceux-ci dans la vie des établissements reste souvent modeste, et il s’agit de ne pas décourager les bonnes volontés. Si l’on s’en réfère à certaines enquêtes, la grande majorité des professionnels de l’éducation estiment que leurs relations avec les parents sont satisfaisantes, voire bonnes. Mais ils considèrent aussi que leurs délégués sont peu représentatifs, et surtout intéressés par le suivi de la scolarité de leur propre enfant. Il est vrai que la participation aux différents conseils suppose une certaine maîtrise de la culture scolaire que tous les parents ne possèdent pas. Les interventions en conseil de classe, parfois critiques ou maladroites, témoignent de la difficulté pour leurs représentants de jouer le jeu de la remontée SOMMAIRE sincère des questions, de cerner les limites d’une coéducation bien comprise, sans se cantonner à un rôle de simple observateur. Cette intervention des parents dans la vie de l’établissement est parfois vécue comme une concession démagogique des politiques, une contrainte (comme une figure imposée) voire une menace. Cependant leur participation, quand elle est bien acceptée et bien comprise, participe d’un climat scolaire de qualité. Les situations de crise, entendues comme découlant d’événements dramatiques qui affectent l’établissement, sont souvent l’occasion, d’ailleurs, de constater que les représentants des parents peuvent constituer des relais utiles et précieux. ŒUVRER À LA CONSTRUCTION D’UNE RELATION DE CONFIANCE AVEC LES PARENTS Le référentiel de compétences de l’enseignant [21] pose comme attendus d’« œuvrer à la construction d’une relation de confiance avec les parents » (item 12), et d’« utiliser un langage clair et adapté aux différents interlocuteurs rencontrés dans son activité professionnelle » (item 7). Pourtant le dialogue entre parents et professeurs semble souvent générer des insatisfactions réciproques, et s’instaure parfois sous le signe du malentendu. Du côté des enseignants, il est souvent espéré des parents qu’ils leur apportent un soutien sans réserve, défendent dans la famille les valeurs qui sont prônées à l’école et surtout s’impliquent activement dans le travail scolaire de leur enfant. Les attitudes qui ne se conforment pas à ces attentes sont parfois jugées sévèrement, l’adjectif « démissionnaire » pouvant résumer cette condamnation. Nombreux sont ceux qui estiment que l’adhésion des parents au projet de l’école est nécessaire à la réussite des enfants. Les parents, de leur côté, estiment le plus souvent que celle-ci relève avant tout du professeur, qui doit fournir conseils mais aussi méthodes appropriées et encouragements permanents. L’une des explications aux difficultés de leur enfant peut donc tenir logiquement, de leur point de vue, au manque de compétences dans l’équipe pédagogique. Bref, on a tendance à se rejeter mutuellement la responsabilité de l’échec scolaire, sans voir que la recherche de la réussite, au contraire, est un point qui pourrait fédérer. Dans ses échanges avec les parents, l’enseignant gagnera en effet à rappeler que sa démarche vise avant tout les progrès de l’élève quels que soient ses acquis, à rechercher la coopération de la famille et à souligner les objectifs communs plutôt que les écarts à la norme scolaire. Une relation de qualité, quel qu’en soit le contexte, se construit patiemment. Et dans le cadre scolaire, c’est à l’initiative de l’enseignant qu’elle peut s’élaborer. Il est en effet le mieux placé, parce qu’il est partie prenante de ce dialogue en tant que professionnel, pour développer des compétences dans ce domaine et des stratégies d’amélioration. L’une des clés nous paraît tenir dans l’acceptation du fait que les parents n’ont pas, vis-à-vis de l’école, un vécu neutre. Leur expérience scolaire ressemble rarement à celle du professeur qu’ils rencontrent. Ils ont parfois à faire avec des parcours chaotiques, des souvenirs déplaisants voire douloureux. Ils doivent également gérer leur inquiétude pour la réussite scolaire de leurs enfants (dont ils entendent répéter à l’envi dans les médias et les divers espaces sociaux qu’elle conditionne leur réussite sociale et personnelle), et parfois leur culpabilité par rapport au manque de disponibilité que leur imposent leur vie professionnelle ou leurs choix familiaux. Il leur faut enfin composer avec l’enfant qu’ils ont rêvé d’avoir et celui qu’ils ont, qu’ils découvrent souvent déroutant à l’adolescence et qui montre dans sa vie sociale un visage bien différent de celui qu’ils connaissent à la maison (les parents ne sont pas tous de mauvaise foi sur ce point !). Comme dans la relation pédagogique, l’enseignant est rarement visé en tant que personne par les discours qu’il entend, et qui s’adressent davantage à l’institution qu’il représente. Il doit les accueillir avec la même capacité de distanciation. C’est à lui de ramener des dimensions professionnelles dans la relation : se situer sur le terrain pédagogique, expliquer son action et surtout les buts qu’il poursuit, ses modalités d’évaluation, ses attentes en termes de comportement et par quoi elles sont motivées. Il pourra présenter un bilan sans concession des acquis et des lacunes de l’élève, des compétences et des difficultés, dès lors qu’il le dressera avec bienveillance. Les parents ressentiront fortement la présence d’un « postulat d’éducabilité ». Ils seront également sensibles au respect de leurs droits, à la disponibilité à leur égard, à l’usage d’un langage qui leur soit accessible (à l’oral comme à l’écrit), et surtout à l’absence de culpabilisation et de jugement sur leurs SOMMAIRE 102 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE compétences de parents. En confiance, ils deviendront davantage portés à coopérer sur des objectifs précis, du moment que ceux-ci ne sont pas posés comme des exigences arbitraires ou irréalisables pour eux. Il est donc judicieux de leur demander ce qu’ils se sentent en capacité de mettre en œuvre pour aider leur enfant ; et s’ils sont demandeurs de conseils, il convient de s’assurer que ceux qui leur sont prodigués leur paraissent opérationnels. Cette attitude facilite d’ailleurs tout entretien visant à obtenir l’adhésion de l’interlocuteur à un projet commun et à en faire un acteur ; elle peut donc s’appliquer aussi au dialogue pédagogique avec les élèves. La qualité de la relation ne se construit pas seulement au fil de rencontres individuelles. Elle relève d’une attitude volontariste, recherchant systématiquement le dialogue et la coopération. Celle-ci peut se traduire par une présence des enseignants aux réunions collectives proposées aux parents et portant sur la présentation des objectifs de l’année, sur les questions d’orientation, sur les méthodes qui permettent aux élèves de progresser davantage. Le ministère encourage d’ailleurs depuis quelques années, l’utilisation d’un outil – la « mallette des parents » en sixième – qui facilite la mise en place d’un cycle de rencontres de ce type en fournissant des supports d’animation pour lancer les échanges. Il est diffusé dans tous les collèges (se renseigner auprès du chef d’établissement). Les occasions de valorisation des travaux de la classe (expositions, mise en ligne sur le site du collège, participation à des opérations ayant une visibilité dans la commune) contribuent également à l’amélioration des relations avec les parents, qui ne sont souvent sollicités par ailleurs qu’en cas de difficultés. Enfin nous pensons que la relation pédagogique établie entre l’enseignant et ses élèves influence fortement les représentations des parents, dont l’impression est d’abord formée par la restitution des cours que leur font leurs enfants, aussi subjective voire mensongère soit-elle. Posée sur de bonnes bases et bien comprise par les élèves [voir « Construire la relation pédagogique » p. 73], elle contribuera à faciliter les échanges lors des premières rencontres avec leur famille. SOMMAIRE Quelques principes pour une bonne conduite d’entretien Pour conduire un entretien fructueux avec des parents d’élèves, on peut se fixer les règles proposées ci-dessous. Elles concernent surtout le temps d’échange, auquel elles visent à donner un cadre clair, dépassionné, centré sur des objets professionnels, tout en restant respectueuses de l’interlocuteur. La plupart de ces principes peuvent s’appliquer également à un entretien téléphonique. Tout d’abord, le choix du moment n’est pas neutre. On aura intérêt à intégrer les contraintes qui se posent aux parents en termes d’horaires, du moment que leur demande ne devient pas extravagante (rendez-vous tard en soirée non motivé par des obligations professionnelles particulières, ou reporté à une date qui le viderait de son intérêt), tout en faisant sentir à son interlocuteur que l’on exerce dans un cadre professionnel également contraint. Ainsi reste-t-il important que la rencontre ait lieu au collège, durant les heures habituelles d’ouverture, et que les entretiens téléphoniques se déroulent à un horaire qui ne laisse pas supposer une disponibilité absolue. La détermination du moment de la rencontre s’accompagne de celle de ses objets, et l’on évitera qu’ils soient trop nombreux. Ensuite, on s’y tiendra, de la même façon que l’on demeurera dans le cadre annoncé : durée si elle a été définie, mais aussi identité des participants (de façon à ne pas se retrouver en face d’interlocuteurs imprévus, ce qui peut parfois être vécu comme déstabilisant). Sans commettre de maladresse et dans la mesure du possible, on sera attentif à ce que les parents d’élèves respectent également ce qui a été convenu. La tonalité générale de l’entretien doit rester courtoise, et le langage choisi sera conforme à la fois au souci de bien se faire comprendre et aux attendus de la fonction d’enseignant. Cette politesse devra se retrouver dans le choix du lieu et sa disposition qui doit offrir un minimum de confort aux participants. De ce point de vue, la salle de classe, lieu symbolique de l’action pédagogique, peut constituer un choix pertinent. Interagir avec les partenaires de l’école et les parents 103 Dans la conduite de l’entretien ensuite, il est préférable de s’en tenir à des faits, en évitant de glisser sur le terrain des intentions, des interprétations, bref de conserver le plus d’objectivité possible. Il faut aussi savoir laisser à son interlocuteur (et éventuellement à l’élève) le bénéfice du doute. Le cas échéant, le professeur devra être capable de reconnaître ses torts ou ses limites, sans pour autant s’égarer dans des justifications excessives. Il lui faudra sans doute lutter avec la tentation du jugement. Deux leviers permettent généralement d’avancer. Le premier consiste à s’appuyer sur ce que l’interlocuteur dit (partir de son ressenti, de ses interrogations, du tableau qu’il dresse, etc.). L’important est d’ar- loyauté et de tenir devant lui des propos qu’il puisse ressentir comme humiliants vis-à-vis de ses parents. Contrairement à une idée reçue et au ressenti compréhensible des enseignants dans de telles situations, une attitude exagérément hostile des parents à leur encontre ne les dessert pas auprès des élèves s’ils restent maîtres d’eux-mêmes. Ceux-ci sont en effet très sensibles à la cohérence des positions des adultes et, parce qu’ils connaissent la réalité des faits qui ont motivé la rencontre, conservent sur leur expérience scolaire une lucidité plus grande qu’on ne croit. river à un constat partagé. Le second, si l’on a sollicité l’entretien suite à une difficulté, provient de l’avantage d’avoir préparé quelques suggestions. Celles-ci ne devront pas être plaquées, mais amenées de manière juste en écho de l’échange. On se gardera par exemple de proposer une surveillance du travail personnel le soir si l’organisation familiale décrite ne le permet pas, mais on peut suggérer un point hebdomadaire le week-end. L’enseignant répond ainsi à une attente toujours implicite des parents : fournir des pistes de progrès. tiens sont plus difficiles à conduire s’ils mettent en présence plusieurs groupes d’interlocuteurs. Si des parents doivent rencontrer plusieurs enseignants, il peut être intéressant de proposer une série de temps d’échanges plutôt qu’une réunion où les rôles et les discours peuvent se retrouver concurrents et contre-productifs. Qui distribuera la parole ? Les griefs de mon collègue sont-ils les miens ? Ne vais-je pas être poussé à une posture de solidarité qui ne me permettra pas d’exprimer mon propre point de vue ? Ces questions méritent qu’on se les pose. Dans les établissements, il existe souvent des cadres institutionnels quand les problèmes rencontrés se généralisent à plusieurs cours, dont les noms varient : commission de motivation, commission éducative… Présidées par le chef d’établissement ou son adjoint, toujours en présence du professeur principal et ouverts aux enseignants qui le souhaitent, elles permettent d’organiser les échanges et les débats dans la perspective d’une La présence de l’élève à ces entretiens est souhaitable. Tous les propos qui visent à le replacer en responsabilité de sa propre scolarité sont les bienvenus, de même que les solutions qui reposent sur ses capacités personnelles. Non seulement elles garantissent de meilleurs résultats à terme, mais elles présentent l’intérêt de ne pas renvoyer les parents à l’idée que leur défaillance serait la cause principale des difficultés de leur enfant. On n’oubliera pas non plus de faire la part des points positifs et négatifs, afin d’illustrer l’objectivité dont on se prévaut. Un dernier point doit être souligné : les entre- recherche en commun de solutions. Il ne faut pas hésiter à demander leur convocation. Malgré toutes ces précautions, il peut arriver que l’échange tourne au dialogue de sourds ou qu’il fasse émerger des désaccords profonds, sur la place et le sens de la scolarité notamment. Dans ce cas, il faut savoir mettre un terme à l’entretien (sans se départir de son calme ni de sa courtoisie) mais proposer aussi le recours à un tiers, sur un temps différé, avec lequel la discussion redeviendra peut-être possible. Si l’élève est présent, il faut éviter de le placer dans des conflits de SOMMAIRE COMMUNIQUER SUR LA PROGRESSION DANS LES APPRENTISSAGES Nous l’avons vu, les parents attendent surtout des enseignants qu’ils les renseignent sur les résultats scolaires de leur enfant et les perspectives qui s’ouvrent à lui en termes de poursuite d’études, mais aussi qu’ils les rassurent sur les possibilités de progrès quand des difficultés apparaissent. La communication sur l’évolution pédagogique des élèves, qui relève pleinement de la mission des enseignants, s’organise autour d’applications de plus en plus répandues, via les environnements numériques de travail, et rend les parents très régulièrement destinataires d’informations sur la progression suivie en classe et le travail personnel demandé (par le biais du cahier de texte numérique) ainsi que sur les performances aux évaluations (relevés de notes, situation par rapport à la « moyenne » de la classe). Ces outils constituent d’indéniables avancées pour la communication avec les parents et pour le suivi régulier des élèves. Ils sont complétés par l’organisation de réunions qui se généralisent également : réunion de rentrée qui explicite les attendus du niveau ou du cycle, rencontres parents-professeurs faisant suite aux conseils de classe. Dans ce contexte, le bulletin trimestriel ne représente plus le seul support d’information des parents, mais plutôt un document de synthèse formalisée pouvant constituer une base de dialogue. Il conserve cependant toute sa portée symbolique, d’autant qu’il figurera dans le dossier de l’élève et le suivra tout au long de sa scolarité. Le nouveau livret de l’élève (dit LSU : livret scolaire unique), entré en vigueur à la rentrée 2016, modifie sensiblement la nature des informations compilées traditionnellement dans ce type de document. Tout d’abord il regroupe les évaluations trimestrielles (qui peuvent continuer à se présenter sous forme de moyenne chiffrée par discipline ou privilégier l’entrée par objectifs d’apprentissage) et les bilans en fin de cycle 3 et 4, exprimés nécessairement en termes de degré d’acquisition de ces mêmes compétences. Mais il invite également à des appréciations plus descriptives, puisqu’il propose pour le bulletin trimestriel des rubriques sur les acquisitions de l’élève, les difficultés persistant et les pistes de progrès ainsi que des espaces réservés aux projets conduits dans le cadre des parcours, des EPI et de l’accompagnement personnalisé, pour lesquels l’implication et les résultats de l’élève peuvent être précisés. Enfin, à la fin de chaque cycle, il généralise la mention de la maîtrise des compétences du Socle commun. À partir d'un tronc commun, chaque collège peut en personnaliser la présentation, en fonction des items qu'il souhaite mettre en valeur. Cependant, nous l’avons vu, il existe d’autres occasions de communiquer sur la progression des élèves ou sur leurs acquisitions. La copie corrigée est l’une d’entre elles, si elle comporte clairement une appréciation littérale sur les points en question. Les rencontres avec les parents sont également des temps forts d’information, et cette modalité se révèle souvent la plus pertinente quand les objets s’avèrent à la fois complexes et circonscrits ; nous pensons ici aux questions d’orientation ou à celles des aménagements en cas de troubles des apprentissages qui peuvent justifier des modes et des temps de communication dédiés. En résumé, la communication et les explications sur les apprentissages des élèves relèvent d’une préoccupation constante de l’enseignant, auquel il revient de choisir la forme la plus adaptée pour que les informations qu’il délivre fassent sens dans l’esprit des élèves et de leur famille, et participent à la construction d’un rapport positif au savoir. Les notes sont-elles le meilleur moyen d’évaluer les acquis des élèves ? Le nouveau livret scolaire unique (LSU) maintient la possibilité d’une évaluation dans chaque discipline par l’intermédiaire de notes, dont il est prévu de faire figurer la moyenne. Ce choix témoigne du souci de ne pas rompre brutalement avec les modalités d’évaluation qui prévalent historiquement dans notre système SOMMAIRE 106 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE scolaire, et en particulier dans le second degré. Cependant, les enseignants sont invités à mettre en regard de cette moyenne les différents points du programme et les compétences travaillés, ce qui vient en préciser la portée. Nous l’avons vu par ailleurs, ce nouveau support du bilan pédagogique ainsi que les changements intervenus dans les modalités du contrôle continu au DNB (diplôme national du brevet) renforcent parallèlement le poids de l’évaluation des compétences qui, elle, ne se traduit pas par une note mais par un constat formulé en termes de degré d’acquisition. L’accent est donc clairement mis sur la dimension qualitative. Celle-ci devient d’ailleurs l’unique modalité d’évaluation de pans entiers de l’activité des élèves (puisqu’il n’est pas prévu d’y associer une note) à travers, par exemple, les rubriques consacrées aux parcours, aux EPI, à l’accompagnement personnalisé et à la vie scolaire. L’évaluation par une note chiffrée reste une caractéristique très marquée du modèle de l’enseignement secondaire français. Beaucoup d’autres systèmes scolaires, notamment en Europe, évaluent les acquis des élèves par le degré de maîtrise constaté des compétences visées. En France cependant, depuis quelques années, se multiplient les expériences d’évaluations « sans note », notamment en classe de sixième, dans une logique de continuité avec les pratiques à présent plus répandues dans le premier degré. Le recul manque encore pour disposer d’analyses fines sur ces innovations, mais les bilans des équipes sont souvent accessibles en ligne. Ils se rejoignent sur certains points, comme l’inquiétude générée a priori chez les parents, qu’il convient de prendre en compte, et les effets plutôt positifs sur la motivation et la confiance en eux-mêmes des élèves, qui ressentiraient alors moins la pression du résultat. La note chiffrée reste un moyen de classer (d’où son usage dans les concours) et permet une évaluation fine grâce à sa division possible et à la ventilation des points accordés à tel ou tel critère. Elle présente en revanche l’inconvénient de perdre de son sens dès lors qu’elle n’est plus reliée à une appréciation littérale, qui permet de la comprendre (comme sur une copie) ou de la relativiser. Elle risque alors d’endosser un caractère SOMMAIRE très abstrait qui peut aisément être interprété comme l’attribution d’une « valeur », déconnectée de la notion d’acquis en termes d’apprentissages et stigmatisante aux yeux des élèves et de leur famille. DÉVELOPPER SES COMPÉTENCES PAR UNE POSTURE PROFESSIONNELLE RÉFLEXIVE L AURENCE MARION SOMMAIRE La quatorzième et dernière compétence du tronc commun du référentiel – « s’engager dans une démarche individuelle et collective de développement professionnel » – traduit l’importance, dans la pratique, d’une posture réflexive. Autrement dit, il s’agit, très régulièrement, de s’interroger sur l’actualité de son enseignement, sur la pertinence de ses choix pédagogiques et didactiques au regard des besoins des élèves, et plus largement de concevoir un enrichissement de son métier par l’approfondissement ou l’élargissement de ses compétences. Cette démarche s’inscrit au cœur même de la pratique professionnelle, notamment à travers la généralisation de la formalisation, l’organisation rationnelle d’une veille documentaire portant sur l’ensemble des dimensions du métier, et le recours à l’innovation ou à l’expérimentation pour tester des intuitions. Elle gagne également à s’inscrire périodiquement dans des cadres collectifs, par la participation aux instances ou aux équipes qui produisent de l’analyse au sein même de l’établissement, par l’adoption d’outils d’analyse de pratiques ou, tout simplement, par la formation. Pris dans le quotidien, ses contraintes et ses urgences, les enseignants peuvent être tentés de reléguer au second plan cette dimension fondamentale du métier. Elle leur permet pourtant de maintenir un lien vivant avec leur discipline. Elle éloigne aussi le risque de sombrer dans une routine qui, à la longue, use les motivations. Elle rompt enfin les solitudes, car il est particulièrement stimulant d’échanger sur ses pratiques, d’intégrer une équipe innovante ou de participer à tout réseau, formel ou informel, de réflexion sur son métier ou de partage de ressources. Pourtant l’idée de posture réflexive ne va pas de soi. Elle exige un effort intellectuel supplémentaire, une sorte de dédoublement entre le professeur qui enseigne et celui qui se regarde enseigner. Elle suppose de laisser une place au doute, et à la conviction que ce qui a fonctionné n’est pas pour autant une recette toujours applicable. Elle demande de l’humilité, de l’objectivité, du travail, une ouverture d’esprit face aux réalisations d’autres enseignants. En formation continue, on s’aperçoit ainsi que le moment le plus périlleux est celui où le stagiaire va devoir lâcher prise par rapport à sa propre pratique, cesser de vouloir la justifier, accepter de déconstruire. Non pas que les démarches qu’il a retenues jusque-là soient mauvaises, inefficaces ou dépassées ; mais pour en intégrer de nouvelles, il doit leur faire momentanément de la place. L’articulation entre la pratique précédente, éprouvée, et les déplacements que la réflexion a provoqués se construit ensuite dans le temps, jusqu’à revenir à une situation d’équilibre entre le souhaitable et le réalisable. Car la « bonne » pratique est aussi celle dans laquelle on se sent cohérent. La posture réflexive est donc indissociable d’une pensée en mouvement. SOMMAIRE FORMALISER SON ENSEIGNEMENT Si, selon la formule consacrée, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », le détour par l’écriture contribue aussi, par un effet de boucle, à préciser cette pensée qui chemine. La formalisation a cela d’impitoyable qu’elle met au jour, dès lors qu’il s’agit de produire un discours cohérent, les failles et les approximations éventuelles d’une pensée demeurée jusqu’alors à l’abri trompeur du cerveau. C’est en cela qu’elle constitue un levier d’amélioration de sa pratique, dès lors qu’on l’aborde avec un certain niveau d’exigence. L’écrit réflexif prévu dans la formation initiale, à travers le mémoire professionnel, en illustre par exemple l’intérêt. Des travaux de recherche ont également souligné son rôle dans les démarches d’amélioration des pratiques [47]. Aussi, dans certains stages, propose-t-on aujourd’hui aux enseignants de passer par un véritable récit écrit, exploité ensuite par le groupe pour produire de la connaissance et de la compréhension sur des pratiques concrètes, loin des approches théoriques de la didactique ou de la pédagogie. Ces expériences, généralement bien vécues par les participants passé le moment d’étonnement, s’appuient à la fois sur la distanciation que permet l’écriture et sur son arrimage à la réalité des pratiques décrites. Elles facilitent le dialogue entre professionnels sur des dimensions concrètes de leur métier et sur des difficultés qui leur sont souvent communes. Si elles restent évidemment limitées, sous cette forme, à un contexte de formation, ce qu’elles nous apprennent des liens producteurs de sens entre action et formalisation peut s’étendre, de façon moins contraignante en termes d’écriture, à des gestes plus quotidiens. On remarquera que les protocoles d’inspection incluaient la production d’un certain nombre de documents (cahier de textes de la classe, programmation de l’enseignant, supports de cours, etc.). Les enseignants sont en principe rompus à la rédaction de leurs séquences, avec leurs objectifs d’apprentissages, leur déroulé, leur dispositif pédagogique, leur chronologie, leurs supports, leurs traces écrites et leurs modalités d’évaluation. Mais l’habitude et l’expérience les amènent parfois à réduire le questionnement qui doit accompagner cette élaboration, et à utiliser un support rigide toujours identique, alors qu’on peut y introduire temporairement, par exemple, une rubrique détaillant les points appelant la vigilance ou un espace permettant un retour rapide sur ce qui a fonctionné. La formalisation peut également constituer un vecteur de communication sur sa propre pratique. Or les changements à l’œuvre au sein du système éducatif, qu’il s’agisse des relations aux usagers ou de la montée des dispositifs collaboratifs et interdisciplinaires, amènent une quasi-nécessité de pouvoir disposer d’une trace écrite sur ce qui se déroule dans la classe, les objectifs de l’action pédagogique et ses résultats. Les parents sont, en effet, de plus en plus demandeurs d’information sur les contenus et les méthodes d’enseignement, tandis que l’institution s’organise pour capitaliser les éléments lui permettant de suivre l’activité dans les établissements. La réforme du collège, quant à elle, en renforçant la dimension coopérative des enseignements à travers les dispositifs tels que les EPI et l’accompagnement personnalisé, impose aux équipes une formalisation accrue afin de mieux articuler les interventions, de mieux coordonner les approches et de travailler dans la classe selon une logique de complémentarité, en particulier pour l’acquisition des compétences. Formaliser régulièrement sa pratique sert donc aussi à répondre à des commandes multiples. Cette tendance au développement de l’écrit dans la pratique professionnelle, pour légitime qu’elle soit, ne va cependant pas sans poser au moins deux problèmes. Elle est d’abord consommatrice de temps ; elle constitue ensuite une exposition au regard critique, ce qui représente une nouveauté de taille pour un métier longtemps sanctuarisé au sein des salles de classe et qui ne se donnait que rarement à voir, à l’occasion d’inspections par exemple. Nous pensons qu’il ne faut pas éluder ces questions au sein des équipes mais au contraire s’en emparer en tentant d’apporter des cadres collectifs, respectueux des choix individuels, qui explicitent clairement les attendus et les objectifs de la formalisation dès lors qu’elle est destinée à ne pas demeurer un outil de SOMMAIRE 110 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE réflexion personnelle. Si des documents doivent être produits en commun, on aura ainsi intérêt à s’entendre préalablement sur les différents items et leur degré d’approfondissement, mais aussi sur leur usage en termes de communication (quelle cible ?). Les outils collaboratifs, qui permettent aujourd’hui de travailler sur un document unique en ligne, constituent de ce point de vue une avancée décisive. Les équipes gagneront aussi à recenser les supports attendus et les formalisations qu’elles induisent afin de pouvoir répondre aux commandes le plus souvent possible par un jeu de « copier-coller ». Il ne s’agit pas ici d’entrer dans des logiques de minoration de l’intérêt de ces demandes. Mais s’entendre sur des rubriques incontournables dans la présentation de son action, outre le gain d’énergie que cela représente, permet aussi de conserver une certaine cohérence. SOMMAIRE OBSERVER ET ANALYSER LES PRATIQUES L’analyse de pratiques renvoie généralement à un dispositif de formation qui repose sur l’emploi d’un protocole (il en existe plusieurs) permettant aux participants d’élucider une situation problème présentée par l’un d’entre eux. Ce travail de réflexion collective est régulé par un intervenant extérieur, qui est le garant du cadre accepté par le groupe et qui peut apporter à ce dernier des relances lorsque la réflexion s’essouffle, notamment sur le plan théorique. Des stages reposant sur ce principe peuvent être proposés dans les plans académiques de formation, mais il s’agit aussi d’une technique utilisée ponctuellement au cours de séances dont elle ne constitue pas l’objet principal (un temps d’analyse de pratique d’une demi-journée est proposé par exemple lors d’une formation de deux jours consacrée à la différenciation pédagogique)1. Cependant, il n’est pas toujours possible de bénéficier de ce type d’aide à la réflexion, et il est souvent compliqué d’obtenir une formation en établissement permettant de faire fonctionner durablement un groupe d’analyse. Cela ne doit pas empêcher des démarches locales et plus informelles de se mettre en place si les enseignants souhaitent renforcer leur posture réflexive par une auto-observation accrue ou par des modalités d’échanges entre pairs, telles que les observations croisées, par exemple, qui consistent pour un groupe de professeurs volontaires à se rendre dans les cours des uns et des autres puis à mutualiser leurs perceptions de ces différentes séances ; ce type de travail est d’ailleurs souvent proposé dans les projets intercycles (CM-6e, ou 3e-2de). L’auto-observation peut reposer sur des grilles très simples, l’enseignant se fixant ses propres objets de travail et la durée dans laquelle il souhaite s’inscrire. Il peut être intéressant de s’astreindre à cette démarche lors de l’introduction d’un nouveau point de programme ou pour des séances construites selon des modalités encore inhabituelles pour le professeur. 1Une synthèse éclairante des apports de l’analyse de pratiques au développement professionnel des enseignants a été proposée par Marguerite Altet [39]. Comme il lui est difficile de s’observer lui-même, son analyse peut s’appuyer par exemple sur le décalage constaté entre les objectifs qu’il s’est fixé ou la projection qu’il a construite de son cours et la réalité du travail des élèves qu’il s’attache alors à examiner au plus près. Dans cette optique, l’utilisation de l’autoévaluation par les élèves (voir le chapître « Évaluer pour faire progresser les élèves » page 89) prend encore davantage d’intérêt. Pour les observations croisées, la simplicité des outils doit rester une préoccupation, s’agissant d’un contexte qui n’est pas celui de la recherche. Les grilles gagneront à être bâties en commun par leurs utilisateurs. Les temps d’observation prennent davantage de sens si, à l’instar des visites formatives ou des inspections, ils sont suivis d’échanges entre l’acteur et le spectateur. Mais il n’est pas toujours aisé d’engager le dialogue avec un pair que l’on peut craindre de froisser, surtout si son approche diffère de la nôtre. Si la bienveillance doit être considérée comme acquise s’agissant d’un groupe de volontaires, il n’est pas inutile d’envisager néanmoins une trame à ces entretiens, acceptée par tous. On peut par exemple décider ensemble que l’on s’en tiendra à « ce qui m’a séduit » et « les questions que je me pose » pour l’observateur, et à une explicitation de la part de son interlocuteur ; ou on peut au contraire choisir de partir du ressenti de l’observé sur sa propre séance. On peut définir un cadre horaire à l’entretien, établir que le dernier mot reviendra à celui qui a conduit le cours, convenir ou non de laisses une trace écrite et diffusable de l’expérience, etc. Quoi qu’il en soit, pour que le dialogue soit effectif, il convient a minima de réserver un temps d’expression à celui qui a accueilli l’observateur dans sa classe. Enfin, pour que chacun se sente le plus possible en confiance, il vaut mieux prévoir un temps de régulation concluant le cycle des rencontres, au cours duquel les apports à la réflexion professionnelle mais aussi les ressentis pourront être exprimés. SOMMAIRE 112 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE La mise en place d’observations croisées dans un établissement peut découler, nous l’avons vu, d’une demande des enseignants eux-mêmes, qui souhaitent ainsi améliorer le débat pédagogique dans l’établissement. Dans ce cas, il convient toutefois d’informer le chef d’établissement de la démarche et de respecter – bien entendu – les obligations de service de chacun dans l’organisation des échanges. Cependant, il est indéniable que ce type de démarche gagne à être accompagné par une personne extérieure compétente en analyse des pratiques. C’est pourquoi ces expériences peuvent déboucher sur une demande de formation en établissement autour de la mise en place de véritables groupes d’analyse de pratiques. Des outils d’analyse des activités professionnelles L’analyse de pratiques renvoie, nous l’avons vu, à un dispositif de formation codifié, mais pour lequel les protocoles sont multiples. Sans entrer dans une vraie démarche clinique ou de recherche, les équipes peuvent néanmoins s’en inspirer pour élaborer leurs propres outils d’observation et de réflexion. Des distinctions sont aujourd’hui posées entre l’observation et l’analyse, d’une part, les situations et les activités, d’autre part. Pour simplifier, on peut considérer que l’analyse procède d’une démarche intellectuelle plus approfondie que la simple observation (qu’elle développe et exploite dans la perspective de produire un nouveau savoir sur la pratique examinée) et que la notion d’activité (qui privilégie les gestes) replace, plus que celle de situation (qui insiste sur le contexte), le professionnel observé dans une stratégie d’acteur. Par ailleurs l’analyse de pratiques fait l’objet de travaux qui tendent à élargir les observables pour aller vers une prise en compte plus complète de ce qui fonde les gestes professionnels des enseignants, comme les dimensions émotionnelles, les parcours antérieurs, les représentations identitaires, etc 2 . Ces ouvertures peuvent 2 2À ce sujet, on lira avec intérêt les travaux de Franck Martin, Agnès Morcillo, Benoît Jeunier et Jean-François Blin, qui fournissent des schémas éclairants sur la complexité possibles des grilles d’analyse des activités professionnelles [63], (voir l’article « Des activités aux situations professionnelles en contexte scolaire : Évolution d’un modèle d’analyse » dans Recherche et formation n° 50, 2005). SOMMAIRE intéresser certaines équipes, en fonction des problématiques qui leur paraissent prioritaires. Quels que soient les choix, les enseignants qui souhaitent échanger sur leurs pratiques en s’appuyant sur des observations peuvent se doter pour commencer de grilles de lecture simples, supports à des temps de dialogue visant une analyse. Mais celles-ci n’interdisent pas le parti pris ; car on peut penser que si un ou plusieurs enseignants décident à un moment donné, d’observer davantage leurs pratiques, c’est pour répondre à une problématique précise (exemples : la gestion des perturbations du cours, le travail personnel des élèves dans une séquence construite en classe inversée, le dossier documentaire et son exploitation, la prise de parole en classe…). De nombreux outils existent et sont disponibles sur Internet. On peut également s’appuyer sur les grilles d’observation des professeurs stagiaires, que les ESPE diffusent souvent en ligne. Ces documents possèdent des points communs : – leur esprit bienveillant ; – l’organisation du relevé, pour chaque point observé, en trois espaces : réussites, points perfectibles et questions pour le dialogue à venir ; – des items limités précisant ce que l’on veut examiner. L’essentiel nous paraît en tout cas de co-construire les supports d’étude et de les personnaliser de façon à bien répondre à l’objectif que l’on s’est donné. 113 Développer ses compétences par une posture professionnelle réflexive Exemple d’une grille d’observation d’une situation pédagogique en îlot RÉUSSITES POINTS PERFECTIBLES QUESTIONS Organisation spatiale Composition des groupes Documents supports Utilisation de l'autonomie par les élèves Rôle de l'enseignant Utilisation du tableau, des affichages en classe Positionnement des élèves en difficulté Modalités de retour en classe entière SOMMAIRE ORGANISER UNE VEILLE PROFESSIONNELLE L’enseignant est un professionnel qui doit maîtriser – et actualiser – un volume considérable de savoirs et d’informations. Dans le contexte actuel d’élargissement des objets d’enseignement dans chaque discipline et de production de ressources à flux continu, l’organisation d’une veille documentaire qui couvre l’ensemble des dimensions du métier est devenue indispensable, à la fois pour rester en prise avec l’actualité mais aussi pour exercer un tri dans le flot incessant de nouveautés. Les professeurs connaissent, en général, les publications et les sites qui concernent leur discipline. Très régulièrement, les lettres de rentrée des corps d’inspection actualisent la liste des plus pertinents. Les crédits destinés à la pédagogie dans les budgets des établissements permettent de constituer un fond documentaire au centre de documentation et d’information (CDI), même s’il ne concerne pas directement les élèves. On peut y faire entrer des ressources pédagogiques pour la classe, bien sûr, mais aussi des documents concernant les enseignants, spécifiquement consacrés à la didactique. Ces fonds documentaires sont en revanche souvent très peu alimentés en ressources portant sur la pédagogie générale, les élèves ou les adolescents, le système éducatif, la réglementation en EPLE. Mais il faut reconnaître que plus la focale est large, plus la documentation est abondante, ce qui rend les choix également plus difficiles. C’est donc plus particulièrement sur ces questions que l’enseignant gagnera à construire sa veille professionnelle. Dans certains établissements, ce travail est délégué, d’un commun accord, au professeur-documentaliste. Mais, même dans ce cas, chacun peut souhaiter personnaliser son niveau d’information, étant entendu qu’il est impossible de tout suivre. Une fois la sélection des champs de veille effectuée, deux outils permettent à l’enseignant de ne pas courir après l’information, mais plutôt de la faire venir à lui : il s’agit de l’abonnement aux lettres d’information (ou newsletters) et de l’usage des flux RSS (de l’anglais Riche Site Summary). Les newsletters se sont désormais généralisées, notamment pour les publications en ligne (c’est le cas par exemple pour Les Cahiers pédagogiques), chez les éditeurs qui annoncent ainsi leurs nouveautés (ce qui peut être une façon commode de suivre les thématiques privilégiées par la recherche), pour certaines institutions (La Documentation française, par exemple) ou grandes associations. Le ministère en propose luimême plusieurs, dont celle qui permet de recevoir le sommaire du Bulletin officiel, susceptibles d’intéresser plus particulièrement les enseignants. Les flux RSS, quant à eux, sont d’un usage moins immédiat puisqu’il faut aller les consulter via son navigateur web (généralement dans la liste des favoris). Mais ils permettent de repérer les mises à jour des sites que l’on fréquente habituellement, puisque chacune d’entre elles fait l’objet de l’apparition d’un lien vers la page web modifiée ou ajoutée. Ce suivi risque cependant de s’avérer chronophage si l’on multiplie les abonnements à ces flux ; il convient donc d’être particulièrement sélectif dans la constitution de sa liste. Qu’il s’agisse des lettres d’information ou des flux RSS, le désabonnement est en général aisé et permet de procéder à des périodes de test pour éprouver l’intérêt des informations obtenues par ces vecteurs. La veille documentaire ne prend sens que si elle s’inscrit dans la durée et la régularité. On peut donc conseiller aux enseignants de lui réserver un créneau horaire hebdomadaire. Ce même créneau pourra servir à lire les courriers électroniques ayant pour objet l’information professionnelle, qui auront été préalablement triés, au fur et à mesure de leur arrivée. Si le temps imparti à cette veille est régulièrement dépassé, c’est que le flux d’informations dépasse les capacités de traitement que l’on s’était imaginées, et il ne faut pas hésiter à en réduire le volume. L’important demeure que cette démarche existe et vienne trouver sa place dans les gestes professionnels, tout en restant adaptée à des besoins qui varient d’un enseignant à l’autre. SOMMAIRE 116 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE Les ressources d’Éduscol Plus qu’un site, Éduscol est aujourd’hui un portail d’accès à de nombreuses ressources qui présentent l’avantage d’être institutionnellement validées. Sa richesse rend aujourd'hui nécessaire de prendre le temps d’en observer l’architecture, afin de mieux s’y orienter. Le portail propose tout d’abord des entrées thématiques (barre de menus violette), qui permettent d’obtenir des synthèses brèves sur les points recherchés, agrémentées de liens de téléchargement de ressources ou de pointage vers les textes officiels. Cette présentation, relativement homogène pour l’ensemble des items, permet donc d’avoir accès de façon panoramique à un descriptif du sujet retenu, à son étayage réglementaire et à des documents relatifs à sa mise en œuvre (fiches-outils, exemples, documents d'accompagnement). La page d’accueil met bien entendu en valeur, dans différentes fenêtres, les thématiques les plus en lien avec l’actualité. Moins utilisée peut-être, la barre de menus située tout en haut de l’écran permet d’accéder à des sites gérés par Éduscol. Ils sont thématiques (la sécurité routière, l’Internet responsable), ou disciplinaires (histoire-géographie, lettres, langues vivantes, mais aussi histoire des arts), ces derniers renvoyant eux-mêmes à des sites institutionnels d’autres ministères proposant des ressources. Une série d’entre eux, construits en partenariat avec les écoles normales supérieures, sont consacrés à la formation des enseignants et proposent des ressources documentaires en libre accès (Géoconfluences pour l’enseignement de la géographie, La Clé des langues…). Enfin, certains abritent des bases de données : Édu’base (banque de scénarios pédagogiques classés par disciplines) et Expérithèque (qui recense les projets innovants). Enfin, en bas de la page d’accueil, des liens permettent d’accéder à l’ensemble des sites de « l’édusphère », en particulier au site du CLEMI, à celui de Réseau Canopé, de l’ONISEP, ou encore à Viaéduc, le réseau social des enseignants. Le moteur de recherche de la page d’accueil est relativement performant. Il balaie l’ensemble des sites gérés par la plate-forme, mais aussi le site SOMMAIRE du ministère. Enfin il est possible de suivre l’actualité du site (ou une partie choisie) par abonnement à un flux RSS. EXPÉRIMENTER ET INNOVER Les démarches innovantes irriguent l’action publique depuis plusieurs décennies, avec un appel à la mobilisation croissante des acteurs sur cette question. L’enjeu est de permettre aux organisations de procéder à des évolutions de pratiques par essais observables, avant d’envisager une généralisation, mais aussi de libérer la créativité des professionnels et d’alimenter le changement par des dynamiques qui ne soient pas exclusivement descendantes, dynamiques dont les limites sont aujourd’hui nettement pointées 1 (top-down vs bottom-up). Afin de promouvoir l’innovation pédagogique au sein du système éducatif, le ministère a fourni un cadre qui repose sur un appel à projets et sur l’accompagnement des expériences retenues par une structure présente dans toutes les académies : la cellule académique recherche-développement, innovation et expérimentation (ou CARDIE, avec une coordination à l’échelon national par un département du même nom : le DRIE 2). Cette cellule lance donc un appel annuel à candidatures, établit la liste des projets retenus et définit les modalités de leur suivi, qui se traduit le plus souvent par un conseil externe, assuré par des professeurs chargés de mission et spécifiquement formés à cette démarche ou par les inspecteurs référents de l’établissement concerné. Une petite dotation en heures supplémentaires peut également soutenir l’équipe engagée, et rémunérer une partie du travail que l’expérience induit. En contrepartie, les enseignants porteurs du projet s’associent à la rédaction de comptes rendus (démarche de formalisation) et aux manifestations de promotion qui peuvent être organisées par chaque rectorat (démarche de communication). Le ministère utilise également le dispositif pour réaliser des tests avant généralisation ; c’est par exemple le cas 1Sur l’intérêt de s’appuyer sur les acteurs pour redynamiser les organisations, nous renvoyons le lecteur aux travaux réalisés en sociologie dès la fin des années 1970, et notamment ceux de Michel Crozier [50]. 2C’est dans ce département que travaille notamment François Muller, auteur de nombreuses ressources sur la question de l’innovation en pédagogie. Nous conseillons la fréquentation de son site : http://www.francoismuller.net du choix de l’orientation à la fin de la classe de troisième laissé à la famille. L’ensemble des expériences inscrites dans ce cadre fait l’objet d’une base consultable depuis le site Éduscol, l’Expérithèque, qui les présente sous un format normalisé incluant toujours les mêmes entrées. La distinction entre expérimentation et innovation tient essentiellement au caractère dérogatoire ou non de l’expérience conduite. L’expérimentation est décrite plus précisément ci-dessous (voir encadré). L’innovation, quant à elle, ne suppose pas d’aménagement du cadre réglementaire des enseignements. Elle s’inscrit dans un temps limité (un ou deux ans). Elle s’appuie sur la liberté pédagogique des enseignants et sur l’autonomie des établissements, et porte généralement sur les pratiques au sein de la classe ou la mise en œuvre de dispositifs dans l’établissement. Actuellement, l’innovation se développe beaucoup autour des usages numériques, mais elle témoigne également d’une grande diversité d’approches et de thèmes. On peut citer, par exemple, des actions de liaison au sein du cycle 3 à travers l’étude d’objets littéraires communs, des réflexions autour de l’adaptation de l’apprentissage des langues vivantes aux élèves dyslexiques ou des projets portant sur la pédagogie inversée et la classe en îlots en histoiregéographie. Dans tous les cas, il s’agit de tester une nouvelle approche, en s’accordant un droit à l’erreur et au retour à la situation antérieure, tout en visant une possible systématisation des pratiques mises en œuvre. À ce titre, l’expérience comprend souvent un temps d’interrogation sur ce qui la rend transférable ou généralisable. La participation à un projet innovant est un accélérateur de la réflexion professionnelle parce qu’elle cumule plusieurs leviers : elle impose une formalisation, elle favorise les échanges avec les autres collègues impliqués, elle bénéficie du regard critique et bienveillant des accompagnateurs extérieurs. La posture réflexive est au cœur de la démarche, qui suppose une analyse de l’existant et l’émission d’hypothèses de travail pour améliorer les points faibles SOMMAIRE 118 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE repérés, l’élaboration d’une véritable stratégie pédagogique partagée, la définition de critères de réussite observables auprès des élèves et l’interrogation sur le caractère transférable des pratiques mises en œuvre. L’innovation peut ainsi représenter pour l’enseignant, à un moment donné de son itinéraire professionnel, un temps privilégié d’enrichissement en ce qu’elle intensifie le questionnement pédagogique et la recherche de solutions pérennes aux problématiques initiales. Qu’est-ce que l’expérimentation ? Dans l’Éducation nationale, le terme « expérimentation » renvoie à une démarche innovante approfondie et particulière, le projet nécessitant des modifications du cadre réglementaire ; cellesci peuvent porter par exemple sur les contenus d’enseignement, les horaires disciplinaires, la structure de l’établissement ou certaines procédures. Le cadre réglementaire actuel du dispositif a été une première fois défini dans l’article 34 de la Loi d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école (2005), d’où l’expression souvent entendue « d’expérimentation au titre de l’article 34 ». Aujourd’hui, ces dispositions figurent dans l’article 140-1 du Code de l’éducation [22]. Les expérimentations pédagogiques s’inscrivent dans une durée de trois à cinq ans, c’est-à-dire sensiblement plus longue que celle des innovations. En raison du caractère dérogatoire qu’elles supposent, elles nécessitent une demande auprès du recteur d’académie, qui décide de les valider. Elles font bien entendu l’objet d’un accompagnement particulier, notamment par les corps d’inspection, et d’une évaluation fine permettant d’en mesurer les effets. L’expérimentation est parfois proposée par le niveau national, les établissements qui entrent dans le dispositif devenant ainsi préfigurateurs de pratiques qui ont vocation à se généraliser. C’est ainsi que s’est par exemple développé l’enseignement intégré des sciences et des technologies au collège (EIST). Cette méthode de déploiement a été largement utilisée dans les dynamiques de réforme, notamment lors de l’introduction par le socle commun de l’approche par compétences ou pour le développement des approches interdisciplinaires amenant les EPI. Comme pour les innovations, et même si elles revêtent souvent un caractère plus institutionnel et d’une certaine manière plus contrai- SOMMAIRE gnant (notamment en termes de production), les expérimentations fournissent aux enseignants qui s’y engagent de véritables opportunités de réflexion, en élargissant l’horizon des possibles. Elles permettent à ceux qui le souhaitent de s’inscrire dans une dynamique de changements souvent profonds, mais aussi de participer à des évolutions susceptibles de toucher les pratiques professionnelles de chacun. SE FORMER TOUT AU LONG DE SA CARRIÈRE Le développement professionnel passe le plus souvent par des temps de formation. C’est pourquoi la capacité à se former entre aujourd’hui dans le référentiel de compétences de nombreuses professions, en particulier celles qui sont liées à la relation humaine, qui exigent une actualisation régulière de connaissances ou qui demandent de la créativité. Or le métier d’enseignant répond à tous ces critères. Depuis une décennie, la formation des professeurs a été repensée, en bénéficiant de la réorganisation qui a touché l’ensemble de la fonction publique. C’est également à cette période qu’est apparu le droit individuel à la formation ou DIF [29]. Concrètement, la formation des enseignants est aujourd’hui articulée autour de trois objectifs : – l’adaptation immédiate au poste de travail, qui comprend essentiellement la formation « statutaire » d’entrée dans un métier ; – l’adaptation à l’évolution prévisible des métiers, qui renvoie souvent à une logique de public désigné (exemple : les formations d’accompagnement à la mise en œuvre des nouveaux programmes) ; – le développement de qualifications existantes ou l’acquisition de qualifications nouvelles, qui relève du choix de l’enseignant et de ses projets professionnels (préparation à des concours ou certifications, par exemple). Lors de l’inscription sur l’application nationale GAIA, il est d’ailleurs demandé de préciser dans quel cadre se situe la demande. Le nombre de jours de formation auquel un enseignant « a droit » chaque année n’est pas réellement contingenté. Le parcours de chacun peut en effet être lié à son évolution professionnelle (missions spécifiques nécessitant des mises à niveau ou des regroupements institutionnels, inscription à un concours, formation de formateur, etc.). Il est important, en revanche, de savoir qu’un chef d’établissement peut s’opposer ponctuellement à un départ en formation « pour nécessité de service ». Dans les faits, les refus sont très rares. Le DIF constitue cependant une garantie supplémentaire, puisqu’il consacre la formation comme un droit. L’enseignant peut en effet capitaliser un droit à formation de vingt heures par année, plafonné à six ans. Il peut ensuite choisir de « mobiliser son DIF » pour suivre tel ou tel stage, s’il lui paraît particulièrement important que sa candidature soit retenue, cette mobilisation n’étant pas systématiquement exigée pour bénéficier d’une formation. En principe, le DIF ouvre la possibilité de suivre des dispositifs inscrits dans les plans académiques et nationaux. Mais il peut également servir à un projet plus personnel (de reconversion, par exemple) ou à s’inscrire à des formations proposées par d’autres administrations (l’enseignement supérieur, par exemple). Dans ce cas, les rectorats ont tous mis en place des procédures particulières de demande, dont on peut prendre connaissance en interrogeant les services de formation concernés. Quant au compte personnel de formation créé par la loi sur la formation professionnelle de 5 mars 2014, il n’est pas encore applicable à la fonction publique, faute de décrets organisant sa mise en œuvre. Les catégories présentées ci-dessus permettent de mieux se repérer dans l’architecture de la formation professionnelle proposée aux enseignants. Cependant, le constat est fait d’un usage très modéré de leur droit à la formation par les enseignants, et la réorganisation intervenue en 2007 ne résout pas toutes les difficultés : accès inégal selon les points du territoire, plans privilégiant l’accompagnement des nouveaux dispositifs au détriment des pratiques quotidiennes, répartition insuffisante des interventions entre chercheurs, acteurs institutionnels et praticiens, impossibilité pour des équipes de s’absenter simultanément pour travailler sur leurs propres projets, réinvestissement des acquis impossibles en contexte, etc. Or, depuis quelques années, l’idée s’impose que la formation ne se réduit pas à la présence plus ou moins régulière à des stages souvent très courts. Plusieurs études, inspirées notamment de l’idée « d’organisation apprenante » et proposant sa déclinaison dans les ÉPLE [43], s’intéressent aux possibilités de développement professionnel au sein de l’établissement même. Elles montrent qu’un certain nombre de situations peuvent constituer de véritables temps de formation SOMMAIRE 120 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE (voir le schéma ci-dessous). La recherche montre de plus que certains modes de pilotage, certaines modalités d’organisation, certains choix d’outils de travail collectif favorisent le développement de ce que l’on désigne aujourd’hui par « établissement formateur ». Il s’agit essentiellement de multiplier les occasions de formation et les supports d’échanges sur les pratiques dans les établissements, tout en leur conférant un caractère organisé, transparent et institutionnel, ce qui leur apporte également une certaine reconnaissance. Le dispositif retenu au sein du collège est animé alors par un groupe de travail essentiellement constitué d’enseignants – mais d’autres membres du personnel peuvent y participer –, auquel l’équipe de direction vient apporter impulsion, caution et appui organisationnel. Ce groupe de travail peut être une émanation du conseil pédagogique auquel il rend compte dans tous les cas de son activité. Les propositions peuvent être variées et complémentaires : cycle d’observations croisées, de conférences pédagogiques, « cafés didactiques », formations locales, fiches de lecture alimentant un blog… Elles peuvent aussi tourner autour de la formalisation plus systématique de l’activité pédagogique dans l’établissement : diffusion de comptes rendus des conseils d’enseignement, des outils fournis lors d’une formation académique, des avancées des équipes engagées dans une innovation, etc. L’un des principaux enjeux de la formation étant le réinvestissement dans la pratique, on voit bien l’intérêt que représente ce raccourcissement de la boucle entre les lieux de développement professionnel théorique et ceux de l’application. Cette tendance explique aussi la montée des sessions en établissement reliées à des problématiques locales et dont les contenus sont négociés avec les enseignants participants. Il ne s’agit pas de dire que tout est formation, au risque de négliger l’intérêt de la prise de distance périodique et du contact avec la recherche universitaire que seul le stage hors établissement et son temps privilégié (du fait de sa rareté) fournissent aujourd’hui réellement. Mais il serait tout aussi faux de considérer qu’en dehors de ce type de dispositif il n’y a pas de formation possible [58]. L’établissement formateur Participer aux instances (Conseil pédagogique, conseil d’enseignement, conseil école-collège…) Repèrer les ressources humaines (tuteurs, formateurs…) L’établissement formateur offre au professeur une palette de situations formatives Établir des coopérations (accompagnement personnalisé, EPI…) Participer aux formations d’établissement Fréquenter les espaces de ressources (CDI, espaces collaboratifs) S’inscrire dans un programme d’observations croisées Intègrer une action innovante ou une expérimentation Produire de la ressource pour alimenter les banques collectives SOMMAIRE CONCLUSION La réforme du collège entendait agir sur des fronts multiples pour entraîner des changements en profondeur des pratiques pédagogiques : renouvellement du socle commun et des programmes pour tous les niveaux de classe simultanément, redécoupage des cycles, introduction de dispositifs tels que les EPI et l’accompagnement personnalisé, redynamisation de la mise en œuvre des parcours, modification de l’examen sanctionnant la fin de la scolarité obligatoire et des modalités d’évaluation… C’est donc à un effort important – peut-être sans précédent – que les enseignants ont été conviés et sans doute faudra-t-il du temps, malgré l’envie manifeste du ministère d’avancer rapidement, pour faire entrer et installer tous ces bouleversements dans toutes les classes. Il nous paraît significatif que l'arrêté du 16 juin 2017 pose des ajustements concernant essentiellement les dispositifs (laissés qui plus est à l'appréciation des établissements), sans modifier en profondeur l'esprit de la réforme en ce qui concerne les pratiques, notamment sur l'interdisciplinarité et la diversification pédagogique. Cette volonté de faire bouger l’ensemble des lignes, que la Loi pour la refondation de l’école de la République annonçait clairement, est motivée par la nécessité pour le système éducatif de relever le défi d’un enseignement garantissant davantage la réussite des élèves et l’égalité des chances. Or le contexte dans lequel cette transformation doit intervenir est particulièrement complexe. Nous traversons, en effet, un moment de turbulence, où l’adhésion aux valeurs de la République paraît ébranlée chez certains, où le pays peine à s’extirper des conséquences de la dernière grande crise économique et à pouvoir offrir des perspectives d’insertion à ses enfants, où la difficulté à « faire société » du fait d’inégalités installées est ressentie par chacun tous les jours. Dans ces conditions, la multiplication des chantiers et le calendrier resserré prévus par la réforme pouvaient effrayer le monde enseignant, même si le constat qui justifiait les transformations demandées faisait relativement consensus en son sein, tous éprouvant les difficultés à répondre aux besoins des élèves d’aujourd’hui et sentant confusément l’enjeu qui pèse sur l’école en termes de cohésion sociale. Face à cette situation, la prise de conscience des forces collectives qui existent dans les établissements – à condition d’être bien coordonnées – et de l’inscription de son action dans une mission partagée peut être pour l’enseignant un remède au sentiment d’écrasement. C’est pourquoi nous sommes convaincus qu’il gagne à considérer sa profession au-delà du seul périmètre de la classe et à la repenser dans l’ensemble plus large que constitue l’EPLE, et plus encore dans le système éducatif dans son entier. Le sentiment de conduire une action qui fait sens (pour l’élève, pour soi) représente une composante essentielle de la satisfaction professionnelle, et c’est cette recherche de la cohérence qui doit conduire le professeur à comprendre l’organisation dans laquelle il évolue. En écrivant cela, nous ne mésestimons pas l’effort que ce déplacement suppose. Mais il nous semble que ce qui peut paraître de prime abord comme un détour permet en réalité de retrouver des marges de manœuvre, si l’on accepte l’idée que le bénéfice d’une entreprise collective dépasse la contrainte générée par le fait de devoir y apporter sa contribution personnelle. Au-delà de l’opinion que l’on peut en avoir et des chances qu’on lui accorde de tenir ses promesses, la réforme du collège représente indéniablement une opportunité de relancer la réflexion dans les établissements scolaires, à la fois sur les pratiques individuelles et sur les actions collectives. Ce n’est pas le changement pour lui-même qui offre de l’intérêt (car on SOMMAIRE 122 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE peut – et on devrait – s’interroger légitimement sur ses vertus lorsque son horizon est insuffisamment défini), mais cette nécessité de la remise en question qu’il amène. La réforme est donc avant tout, pour chacun, l’occasion de revisiter sa façon d’exercer son métier, de s’ouvrir à des expériences nouvelles, de replacer la créativité et la recherche au cœur de sa pratique. Et l’on ose même dire que cet enjeu dépasse les mises en œuvre présentes ; car si cette mise en mouvement s’effectue et perdure, elle pourra utilement se mettre au service d’autres mutations à venir. En effet, outre la stabilité des valeurs, la constance dans la façon de considérer son métier d’enseignant peut reposer paradoxalement sur l’acceptation de la nécessité d’une adaptation fréquente, et donc sur une forme de mobilité. La continuité réside alors dans une posture réflexive, organisée et revendiquée qui peut constituer un appui permanent. SOMMAIRE BIBLIOGRAPHIE Notre recension ne prétend pas à l’exhaustivité ; elle se contente de rassembler les références mentionnées dans le cours de l’ouvrage. RÉFÉRENCES INSTITUTIONNELLES 1. « Orientations générales pour les comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté » in B.O.E.N. n° 30 du 25 août 2016. 2. « Instauration et organisation de la cérémonie républicaine de remise du diplôme national du brevet et du certificat de formation générale » in B.O.E.N. n° 25 du 23 juin 2016. 3. « Le parcours citoyen de l’élève » in B.O.E.N. n° 25 du 23 juin 2016. 4. « Diplôme national du brevet – Modalités d’attribution à compter de la session 2 017 » in B.O.E.N. n° 14 du 8 avril 2016. 5. « Mise en place du parcours éducatif de santé pour tous les élèves » in B.O.E.N. n° 5 du 4 février 2016. 6. « Programmes d’enseignement de l’école élémentaire et du collège » in B.O.E.N. spécial du 26 novembre 2015. 7. « Missions des conseillers principaux d’éducation » in B.O.E.N. n° 31 du 27 août 2015. d’enseignement du second degré » in B.O.E.N. n° 18 du 30 avril 2015. de l’État » in Journal officiel n° 240 du 16 octobre 2007. 15. « Modalités d’attribution de l’indemnité pour mission particulière » in B.O.E.N. n° 18 du 30 avril 2015. 30. « Le rôle et la place des parents » in B.O.E.N. n° 31 du 31 août 2006. 16. « Socle commun de connaissances, de compétences et de culture » in B.O.E.N. n° 17 du 23 avril 2015. 17. « Le plan d’accompagnement personnalisé » in B.O.E.N. n° 5 du 29 janvier 2015. 18. « Suivi et à l’accompagnement pédagogique des élèves » in B.O.E.N. n° 44 du 27 novembre 2014. 19. « Charte de la laïcité à l’École » in B.O.E.N. n° 33 du 12 septembre 2013. 20. « Conseil école-collège. Composition et modalités de fonctionnement » in B.O.E.N. n° 32 du 5 septembre 2013. 21. « Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation » in B.O.E.N. n° 30 du 25 juillet 2013. 31. « Socle commun de connaissances et de compétences » in B.O.E.N. n° 29 du 20 juillet 2006. 32. « Loi d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école », in Journal officiel du 24 avril 2005. 33. « Loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » in Journal officiel du 12 février 2005. 34. « Organisation des itinéraires de découverte » in B.O.E.N. n° 31 du 29 août 2002. 35. « Article L.511-1 » in Code de l’éducation (entrée en vigueur au 22 juin 2000). 36. « Rôle du professeur principal dans les collèges et les lycées » in B.O.E.N. n° 5 du 4 février 1993. 22. « Article L401-1 » in Code de l’éducation (entrée en vigueur au 10 juillet juin 2013). 8. Acquis des élèves au collège : les écarts se renforcent entre la sixième et la troisième en fonction de l’origine sociale et culturelle, Note d’information n° 25, MENESR-DEPP, août 2015. 37. « Droits et obligations des élèves des lycées, collèges et établissements régionaux d’enseignement adapté » in B.O.E.N. n° 11 du 14 mars 1991. 23. « Loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République » in Journal officiel du 9 juillet 2013. 38. « Projet d’établissement » in B.O.E.N. n° 21 du 24 mai 1990. 9. « Parcours avenir » in B.O.E.N. n° 28 du 9 juillet 2015. 24. « Article R131-5 » in Code de l’éducation (entrée en vigueur le 1er février 2012). 10. « Parcours d’éducation artistique et culturelle » in B.O.E.N. n° 28 du 9 juillet 2015. 25. « Certificat informatique et internet de l’enseignement supérieur » in Bulletin officiel de l’Enseignement supérieur et de la Recherche n° 5 du 3 février 2011. 11. « Enseignements au collège – Organisation » in B.O.E.N. n° 27 du 2 juillet 2015. 12. « Programme d’enseignement moral et civique – École élémentaire et collège » in B.O.E.N. spécial n° 6 du 25 juin 2015. 13. « Organisation des enseignements dans les classes de collège » in B.O.E.N. n° 22 du 28 mai 2015. 14. « Missions et obligations réglementaires de service des enseignants des établissements publics 26. L’Exercice de l’autorité parentale en milieu scolaire, MEN/Éduscol, 2 011. 27. « Programme de littérature et société en classe de seconde générale et technologique – Enseignement d’exploration » in B.O.E.N. spécial n° 4 du 29 avril 2010. 28. « Les programmes du collège » in B.O.E.N. spécial n° 6 du 28 août 2008. 29. « La formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires RÉFÉRENCES TRANSVERSALES 39. Altet Marguerite « L’Analyse de pratiques, une démarche de formation professionnalisante ? » in Recherche et formation n° 35, IFE, 2000. 40. Astolfi Jean-Pierre L’Erreur, un outil pour enseigner, ESF, 1997. 41. Bourdieu Pierre & Passeron JeanClaude Les Héritiers : les étudiants et la culture, Minuit, 1 964. 42. Bourdieu Pierre, Passeron JeanClaude La Reproduction : éléments d’une théorie du système d’enseignement, Minuit, 1970. 43. Bouvier Alain et al. Vers des établissements scolaires apprenants : perspectives pour la conduite du changement, Canopé, 2014. SOMMAIRE 124 ÊTRE ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN HISTOIRE-GÉOGRAPHIE 44. Cabanel Patrick Les Mots de la laïcité, Presses universitaires du Mirail, 2004. 60. Legrand Louis Les Différenciations de la pédagogie, PUF, 1995. 77. Berque Augustin Écoumène : introduction à l’étude des milieux humains [2000], Belin, 2016. 45. Chervel André La Culture scolaire, Belin, 1998. 61. Ly Son Thierry, Riegert Arnaud Mixité sociale et scolaire et ségrégation inter et intra-établissement dans les collèges et les lycées français, CNESCO, juin 2015. 78. Biaggi Catherine « Habiter, un concept novateur dans la géographie scolaire ? » in Annales de géographie, n° 704, Armand Colin, 2015. 62. Meirieu Philippe Apprendre… oui, mais comment, ESF, 1987. 79. Bloch Marc Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Armand Colin, 1997. 46. Chevallard Yves La Transposition didactique [1985], La pensée sauvage, 1991. 47. Cifali Mireille, André Alain Écrire l’expérience : vers la reconnaissance des pratiques professionnelles, PUF, 2007. 48. Connac Sylvain Apprendre avec les pédagogies coopératives, ESF/Sciences humaines, 2016. 49. Connac Sylvain La Coopération entre élèves, Canopé, 2017. 50. Crozier Michel, Friedberg Erhard L’Acteur et le Système : les contraintes de l’action collective [1977], Le Seuil, 2014. 51. Dehaene Stanislas « Il faut fonder la pédagogie sur des preuves, non sur des intuitions » in Le Monde le 23 mai 2016. 63. Meirieu Philippe Enseigner, scénario pour un nouveau métier, ESF, 1989. 64. Meirieu Philippe Le Choix d’éduquer : éthique et pédagogie, ESF, 1991. 80. Borne Dominique, Garcia Patrick « Continuité et discontinuité chronologique dans l’enseignement de l’histoire » in Michel Hagnerelle (dir.), Apprendre l’histoire et la géographie à l’école, CRDP de l’académie de Versailles, 2004. 65. Pena-Ruiz Henri La Laïcité, coll. « Corpus », Flammarion, 2003. 81. Boucheron Patrick Ce que peut l’histoire, Collège de France/ Fayard, 2016. 66. Pons Xavier L’Évaluation des politiques éducatives, PUF, 2011. 82. Braudel Fernand « Histoire et sciences sociales. La longue durée » [1958] in Écrits sur l’histoire, Flammarion, 1984. 67. Prairat Eirick Enseigner : quelle éthique ? Canopé, 2015. 52. Dubet François L’École des chances : qu’est-ce qu’une école juste ? Le Seuil, 2004. 68. Rey Bernard Discipline en classe et autorité de l’enseignant, De Boeck, 2004. 53. Dubet François Faits d’école, éditions de l’EHESS, 2008. RÉFÉRENCES DISCIPLINAIRES 54. Dubet François La Préférence pour l’inégalité : comprendre la crise des solidarités, coll. « La République des idées », Le Seuil, 2014. 55. Duru-Bellat Marie Les Inégalités sociales à l’école : genèse et mythes, PUF, 2002. 56. Duru-Bellat Marie « Actualité et nouveaux développements de la question de la reproduction des inégalités sociales par l’école » in L’orientation scolaire et professionnelle, 32/4. 57. Duru-Bellat Marie, Mingat Alain « La constitution de classes de niveau dans les collèges : les effets pervers d’une pratique à visée égalisatrice » in Revue française de sociologie, vol. 38, 1997. 58. Feyfant Annie « L’établissement scolaire, espace de travail et de formation des enseignants ? » in Dossier de veille de l’IFÉ, n° 87, IFÉ, 2013. 59. Fotinos Georges L’État des relations école-parents/Le divorce école-parents en France - Mythe et réalité en 2015. (Ce rapport est accessible en téléchargement depuis le site de la CASDEN.) SOMMAIRE 69. Allouche Élie Enseigner l’histoire-géographie, Seli Arslan, 2002. 70. Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 65/n° 2, « Savoirs de la littérature », Armand Colin/EHESS, 2010. 71. Arnould Paul, Biaggi Catherine « Cartes et images dans l’enseignement de la géographie » in Michel Hagnerelle (dir.), Apprendre l’histoire et la géographie à l’école, CRDP de l’académie de Versailles, 2004. 72. Baecque Antoine de L’Histoire-Caméra, Gallimard, 2008. 73. Baecque Antoine de Histoire et Cinéma, Cahiers du cinéma/ SCEREN-CNDP, 2008. 74. Baquès Marie-Christine Art, histoire et enseignement, Hachette, 2001. 83. Brunet Roger La Carte, mode d’emploi, Fayard/Reclus, 1987. 84. Chartier Roger « La vérité entre fiction et histoire » in Antoine de Baecque & Christian Delage (dir.), De l’histoire au cinéma [1998], Complexe, 2008. 85. Corbin Alain « Regards croisés sur la chronologie et son apprentissage » in 1515 et les grandes dates de l’histoire de France revisitées par les grands historiens d’aujourd’hui, Le Seuil, 2008. 86. Dautresme Valérie, Lombard-Brioult Raphaële Histoire-Géographie cycle 4, Progressions et séquences, Canopé, 2016. 87. Le Débat n° 165, « L’histoire saisie par la fiction », Gallimard, 2011. 88. Decaux Alain, Nora Pierre L’Histoire médiatique, coll. « Le Débat », Gallimard, 2016. 89. Delage Christian, Guigueno Vincent L’Historien et le Film, Gallimard, 2004. 75. Baubérot Jean Histoire de la laïcité, PUF, 2013. 90. Deleplace Marc, Niclot Daniel L’Apprentissage des concepts en histoire et en géographie : enquête au collège et au lycée, CRDP de Champagne-Ardenne, 2005. 76. Bensa Alab, Fassin Éric « Les sciences sociales face à l’événement » in Terrain, n° 38, Éditions du patrimoine, 2002. 91. Dermenjian Geneviève et al. La Place des femmes dans l’histoire, Une histoire mixte, Belin/Association Mnémosyne, 2010. 125 BIBLIOGRAPHIE 92. Dosse François Le Pari biographique : écrire une vie, La Découverte, 2005. 108. Lazzarotti Olivier Habiter : la condition géographique, Belin, 2006. 124. Thiébaut Michel Pour une éducation à l’image au collège, Hachette/CRDP de Franche-Comté, 2002. 93. Les Dossiers évaluations & statistiques, n° 183, « Image de la discipline et pratiques d’enseignement en histoiregéographie et éducation civique au collège », MEN, 2007. 109. 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Gervereau Laurent Voir, comprendre, analyser les images, La Découverte, 2004. 101. Granger Christophe, dir. À quoi pensent les historiens ? : faire de l’histoire au XXIe siècle, Autrement, 2013. 102. Granier Gérard, Picot Françoise « La place des documents dans l’enseignement de l’histoire et de la géographie » in Michel Hagnerelle (dir.), Apprendre l’histoire et la géographie à l’école, CRDP de l’académie de Versailles, 2004. 103. Grataloup Christian « La géographie scolaire sans boussole » in Le Débat n° 175, Gallimard, 2013. 111. Le Roux Anne, dir. Enseigner l’Histoire-Géographie par le problème ? L’Harmattan, 2004. 112. Le Roy Ladurie Emmanuel « Leçon inaugurale » [1975] in Le Territoire de l’historien, tome 2, Gallimard, 1978. 128. Wirth Laurent « Définir les programmes », Le Débat n° 175, Gallimard, 2013. VARIA 113. Lévy Jacques Le Tournant géographique : penser l’espace pour lire le monde, Belin, 1999. 129. Barthes Roland Éléments de sémiologie [1965], in Œuvres complètes, T.2, Le Seuil, Paris, 2002. 114. Lussault Michel L’Homme spatial : la construction sociale de l’espace humain, Le Seuil, 2007. 130. Benjamin Walter « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproduction technique » in Œuvres, T.3, Gallimard, 2000. 115. Lyon-Caen Judith, Ribard Dinah L’Historien et la Littérature, La Découverte, 2010. 116. Mottet Gérard dir., Images & construction de l’espace : Apprendre la carte à l’école, INRP, 1998. 117. Nora Pierre « Le retour de l’événement » in Jacques Le Goff & Pierre Nora (dir.), Faire de l’histoire, vol. I : Nouveaux problèmes [1974], Gallimard, 1986. 131. Wallin Nils L. Biomusicology : Neurophysiological, Neuropsychological and Evolutionary Perspectives on the Origins and Purposes of Music, Pendragon Press, 1991. 132. Wolff Francis Pourquoi la musique ? Fayard, 2015. 118. Passeron Jean-Claude, Revel Jacques Penser par cas, Éditions de l’EHESS, 2005. 119. Pinson Gérard Enseigner l’histoire : un métier, des enjeux, Hachette/CRDP Basse-Normandie, 2007. 104. Grenouilleau Olivier « L’histoire à l’école » in Le Débat n° 175, Gallimard, 2013. 120. Prost Antoine « Ce que chronologie veut dire » in Alain Corbin (dir.) 1515 et les grandes dates de l’histoire de France revisitées par les grands historiens d’aujourd’hui, Le Seuil, 2008. 105. Jablonka Ivan Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus, Le Seuil, 2012. 121. Rey Bernard, Staszewski Michel Enseigner l’histoire aux adolescents, De Boeck, 2004. 106. Jablonka Ivan L’histoire est une littérature contemporaine : Manifeste pour les sciences sociales, Le Seuil, 2014. 122. Ricœur Paul Temps et Récit [1983-1985], Le Seuil, 1991, 3 vol. 107. Jarraud François « Des outils pour l’histoire » in Les Dossiers de l’ingénierie éducative, n° 56, CNDP, 2006. 127. Wieviorka Annette L’Ère du témoin [1998], Hachette, 2002. 123. Thébaud Françoise Écrire l’histoire des femmes et du genre, École normale supérieure, 2007. SOMMAIRE SITOGRAPHIE 133. www.reseau-canope.fr/bsd Banque de séquences didactiques (BSD) du réseau Canopé 134. www.reseau-canope.fr/climatscolaire Climat scolaire 135. www.cnesco.fr CNESCO, Conseil national de l’évaluation du système scolaire 136. eduscol.education.fr Éduscol, informer et accompagner les professionnels de l’éducation 137. www.maisons-europe.eu Fédération française des maisons de l’Europe 138. www.onisep.fr/Equipes-educatives/Folios Folios 139. www.legifrance.gouv.fr Légigrance, le service public de la diffusion du droit 140. www.education.gouv.fr Ministère de l’Éducation nationale, en particulier la page sur l’égalité des filles et des garçons. 141. neo.ens-lyon.fr/neo Néopass@ction, la plate-forme des néotitulaires sur le site de l’Institut français de l’éducation 142. www.gouvernement.fr/observatoire-dela-laicite Observatoire de la laïcité SOMMAIRE 127 SUR LA MÊME THÉMATIQUE Histoire-géographie cycle 4 : progressions et séquences Enseigner la mer : des espaces maritimes aux territoires de la mondialisation Jouer en histoire-géographie : trois jeux complets pour aborder les programmes du cycle 4 Tristan Lecoq, Florence Smits 2016 Livre : Réf. 350B8070 – 14,90 € www.reseau-canope.fr/notice/enseignerla-mer_9135.html Marc Berthou, Romain Boyer 2017 Livre : Réf. W0001807 – 26,90 € PDF : Réf. W0001808 – 7,99 € www.reseau-canope.fr/notice/jouer-enhistoire-geographie.html Histoire des immigrations en France Développer l’esprit critique La coopération entre élèves Jean-Luc Millet 2017 DVD vidéo : Réf. 941DVD30 – 25,00 € www.reseau-canope.fr/notice/histoire-desimmigrations-en-france.html Gratuit reseau-canope.fr/developper-lesprit-critique Sylvain Connac, Philippe Meirieu 2017 Livre : Réf. 210EC004 – 9,90 € www.reseau-canope.fr/notice/la-cooperationentre-eleves.html Raphaële Lombard-Brioult, Valérie Dautresme 2016 Livre : Réf. 7800HG08 – 22,90 € PDF : Réf. 7800W007 – 8,99 € www.reseau-canope.fr/notice/histoiregeographie-cycle-4.html MAÎTRISER Pour étayer vos connaissances Que veut dire aujourd’hui être enseignant au collège en histoire-géographie ? Cet ouvrage propose un vademecum. Il interroge l’évolution du métier dans le contexte de la réforme, sans éluder l’enjeu de la refondation de l’école de la République : mieux prendre en charge la difficulté scolaire et œuvrer à la « réussite pour tous ». À la croisée des regards d’un enseignant et d’un personnel de direction, l’ouvrage parvient à replacer les logiques d’un enseignement disciplinaire et des programmes de 2016 dans un contexte global. En articulant les différentes échelles (État, académie, ÉPLE et classe), il révèle les cadres dans lesquels s’inscrit l’action de l’enseignant et montre, conseils pédagogiques à l’appui, quelles sont les compétences à construire et à mobiliser. Il redéfinit ainsi l’identité professionnelle d’un enseignant d’histoire-géographie dans sa complexité et son appartenance à une communauté éducative. Plus de vingt focus viennent donner des éclairages pratiques. Jean-Jacques Claude est professeur d’histoire-géographie et d’enseignement moral et civique dans un collège de l’académie de Toulouse. Laurence Marion est personnel de direction d’un collège de l’académie de Montpellier. Cet ouvrage existe en version imprimée. ISSN 2416-6448 ISBN 978-2-240-04510-2 Réf. W0004205 M A Î T R I S E R MAÎTRISER